Fragments de Futurs

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description

Comment retrouver du sens dans un monde en perte de repères ? Quels sont les défis les plus criants de la laïcité notamment face au nouveau désordre international ? L’éducation scolaire, enjeu central pour l’avenir, permet-elle aux jeunes de devenir des citoyens responsables et critiques ? Quelles capacités d’agir sont nécessaires pour lutter contre les inégalités ? Quelles sont les voies possibles d’une mondialité davantage porteuse de justice sociale et respectueuse de l’environnement ? Face aux bouleversements planétaires, de nouvelles formes de solidarité vont-elles émerger ? La liberté de circulation pour tous ne devrait-elle pas devenir un droit inaliénable ? Une cascade de questions débattues le 22 septembre 2012, lors de l’événement consacré à la “La(ï)cité critique”, en présence de femmes et hommes représentatifs de la pensée moderne. C’est donc avec modestie que cette 79e éditi on du BLE a souhaité y faire écho.

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ED Sommaire

Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Bruxelles Laïque Echos est membre de l'Association des Revues Scientifiques et Culturelles - A.R.S.C. (http://www.arsc.be/)

Bruxelles Laïque asblAvenue de Stalingrad, 18-20 - 1000 Bruxelles

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Editorial (Ariane HASSID) ............................................................................................................................................................................................................................................................................................................ 3

Un monde déserté de sens ? Autopsie par Raphaël Enthoven et Vincent Cespedes (Juliette BEGHIN)..................................................................................................... 4

Facebook (Claude SEMAL – Frank WUYTS)............................................................................................................................................................................................................................................................. 8

Penser l’école? Interview de Bertrand OGILVIE (Cedric TOLLEY)................................................................................................................................................................................................... 10

“L’égalité est une des promesses les plus inachevées de la modernité” (Alice WILLOX)....................................................................................................................................... 13

Pour en finir avec la mondialisation néolibérale. De l’indignation à l’engagement (Sophie LÉONARD).................................................................................................... 17

Deux urgences et deux espoirs pour l’avenir des Lumières. Entretien avec Susan Georges (Paola HIDALGO NOBOA) ........................................................ 20

Le droit à l’égale mobilité (Mathieu BIETLOT)..................................................................................................................................................................................................................................................... 24

Un double défi laïque et social. Entretien avec Henri Peña-Ruiz (Alice WILLOX) ............................................................................................................................................................ 27

PORTAIL (MF) ........................................................................................................................................................................................................................................................................................................................................31

Notre Rég cœur de c vergure co

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3

Notre Régionale s’est particulièrement impliquée dans l’organisation de “La(ï)cité critique” le 22 septembre dernier. Il nous tenait àcœur de contribuer à ce grand rassemblement des libres penseurs et d’en faire, dans notre ville, un événement de qualité et d’en-vergure comme c’est le cas de notre Festival des Libertés qui a totalisé 24 000 entrées.

Près de deux mille citoyennes et citoyens se sont réunis dans les spacieux locaux du Square, ancien Palais des Congrès, pour réflé-chir au monde qui nous attend demain et auquel nous devons prendre une part active. Ils ont pu entendre et questionner une paletteexceptionnelle de grands intellectuels, de femmes et d’hommes engagés dans des thématiques et des causes que le mouvementlaïque travaille et défend depuis longtemps.

Notre équipe a profité de leur présence pour les interroger sur les grands défis que notre société devra relever dans les décenniesà venir si nous voulons que ce monde reste humain et respectueux des droits et des libertés de chacun, ainsi que sur les dangersà prévenir, sur les évolutions néfastes à éviter, sur les orientations à prendre, sur les stratégies à développer…

Sans aucun souci d’exhaustivité, cette 79e édition du Bruxelles Laïque Echos. rend compte de quelques propos et débats qui nousont paru pertinents. Ils proviennent des interviews ou des ateliers auxquels notre comité de rédaction a pris part. Le CAL prépareactuellement un compte-rendu plus détaillé de cette journée.

En lisant les pages qui suivent, vous conviendrez avec nous que les défis sont immenses, nombreux, et pourraient inciter au pessi-misme. Néanmoins, les idées et les propositions ne manquent pas et des énergies se déploient un peu partout pour refuser un ave-nir inhumain, inégal, invivable… Il nous reste à trouver les moyens de les articuler, les coordonner et les faire passer la rampe pourqu’elles se concrétisent si nous ne voulons pas que notre planète se dégrade et néglige la majorité de ses habitants.

Que ces propos vous invitent à l’espoir et à la détermination dans le combat pour la libre-pensée et la laïcité tout au long de l’année 2013 que je vous souhaite d’ores et déjà très heureuse et fructueuse.

Ariane HASSIDPrésidente

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Le sens d  

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Dans un contexte de “polycrise” (Edgar Morin),

de perte profonde des repères et de bouleverse-

ments planétaires, la question du “sens” est omni-

présente et s’invite aux banquets de nos esprits

tourmentés. Passée par l’autopsie philosophique de

Raphaël Enthoven et Vincent Cespedes, la question

du sens est d’emblée elle-même questionnée. Le

questionnement ouvrant d’autres lucarnes et posant

avec lucidité – et même divergences – certaines pos-

tures et défis qui se dessinent à l’horizon.

Par Juliette BEGHIN*

*Bruxelles Laïque Echos

Un monde déserté de sens ?Autopsie par Raphaël Enthoven et Vincent Cespedes

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Le sens du désert de sens 

Pour Raphaël Enthoven, en effet, “le propre

de la philosophie c’est de remplacer la

question de savoir quel est le sens de la vie

par la question de savoir à quoi correspond

le désir de trouver un sens à la vie  ? De

quelle pathologie le désir de sens est-il le

symptôme ?”. En d’autres termes, “faire de

la philosophie c’est moins chercher la

réponse que s’interroger sur les attendus,

les préjugés, les présupposés d’une ques-

tion comme celle-là”.

La perspective que Raphaël Enthoven nouspropose, repose sur le sentiment – pour ledire en terme nietzschéen – que notremonde n’est pas là pour nous faire plaisir. Al’inverse de Descartes et son idée de lacentralité de l’Homme (qui présuppose unemaîtrise du monde et de son projet), ilassume tel Nietzsche “le fait que le monde

(glacial et inhumain) ne nous parle pas et

qu’il lui est tout à fait indifférent que nous

y mourrions”. Comment retrouve-t-onquelque chose qui est de l’ordre d’un pro-jet de vie sur “le fond silencieux et blafard

d’un monde qui n’a rien à nous dire ? En

assumant et en écoutant ce silence”?. Enallant surtout dans la rencontre et le dia-logue avec l’autre. Ainsi, “la quête d’un

sens dans un monde silencieux repose plus

à l’attachement de ce qui nous distingue

qu’à ce qui fait que nous nous ressem-

blons”. En sortant de la perspective analo-gique cartésienne (connaître l’autre c’estreconnaître en lui ce que j’ai de communavec lui, donc réduire l’autre à l’alter ego),on peut véritablement aller à la rencontrede l’autre, celui qu’on ne connait pas. Nonpas en spéculant sur les dividendes atten-dues en retour du geste envers autrui, mais

en acceptant l’énigme que l’absence desens peut également être une présence aumonde. Au-delà des termes moraux– comme le bien et le mal –, “il s’agit

d’éprouver dans son cœur ou dans sa chair

les douleurs qui nous sont épargnées”.

“Ce qui ne nous tue pas nous rend plus

fort”

C’est ainsi qu’on retrouve chez Nietzsche– si viscéralement hostile à la religion – uneprofonde réflexion sur le “dolorisme”. Ladouleur – non pas rédemptrice – maiscomme “moyen d’apprentissage” : la pre-mière leçon de la souffrance, c’est le nonsens de la souffrance. Prendre conscienceensuite que la douleur vient aussi du faitque nous n’assumons pas l’inhumanité dumonde, cette ère glacière de la conscience.L’enjeu c’est de “toucher la joie comme

affirmation de la douleur” au contraire dubonheur qui en serait sa suspension. Lesens se nicherait ainsi dans l’expérience del’éternel retour qui consiste à aimer la vie aupoint d’en désirer le retour éternel. Il y a unecohérence à se plaindre du monde tel qu’ilest mais cela implique de souffrir au carré.C’est une sagesse qui a pour effet d’accroî-tre la souffrance. “En aimant la vie jusque

dans ce qu’elle a de “mal aimable”, de dés-

agréable, on dilue la douleur d’exister dans

l’approbation qui nous tourne vers elle”.

L’enjeu de l’éternel retour culmine dansl’idée qu’au sens de l’avenir, il faut substi-tuer le sens du présent : “il est beaucoup

plus difficile d’aimer le présent que d’aimer

l’avenir puisque l’avenir n’existe pas. Et il

est plus difficile d’aimer ce qui existe que

ce qui n’existe pas. De la même manière

qu’il est plus difficile de se saisir de ce

qu’on a sous la main que de chercher der-

rière les errances ce qui ne s’y trouve pas”.En résumé, “sois ami du présent qui passe,

le futur et le passé te seront donnés par sur-

croît” (Clément Rosset).

La radicalité du “pourquoi” de l’enfant

C’est aussi par l’angle du questionnement,mais celui des enfants, que VincentCespedes entame son exposé : l’enfantavec ses “pourquoi” répétés est naturelle-ment dans une quête du sens qui confronteles adultes sclérosés dans leurs évidences,dans leurs préjugés. Mais le désarçonne-ment de l’adulte par l’enfant insatiable pro-vient surtout de la radicalité du questionne-ment qui ne se satisfait d’aucune réponse.C’est une radicalité du point d’interroga-tion, la plus grande invention de l’hommequi devient barbarie dès qu’il se transformeen point d’exclamation(Sony Labou Tansi,écrivain congolais).

Raphaël Enthoven nuance cette radicalitédu “pourquoi”, en distinguant le doute et lesoupçon : “celui qui pose la question du

pourquoi est bien souvent celui qui détient

la réponse”. Il y a donc en arrière fond unecertitude teintée de suspicion. Avec cettecrainte : “ils vous poursuivront de pourquoi

jusqu’à ce que vous répondiez par dieu,

c’est-à-dire l’asile de l’ignorance”.

Au-delà du débat sur les enjeux du ques-tionnement, pour Vincent Cespedes, laplus grande radicalité de l’enfant, c’est qu’ilnous survivra. Jusqu’à devenir un jour unmutant anthropologique prédictif d’uneautre humanité ? Cette survivance impliqueune énorme responsabilité en termesd’éducation. Cette radicalité de l’enfance, à

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tence”. N débousso contrainte obsolètes toute urge fesseurs fondée su soient don à la péda les meilleu fesseurs.

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la fois du questionnement sans fin et del’avenir qui s’ouvre, s’inscrit dans le “je(u)”de l’enfant avec ses multiples identitésconstamment remises en question. “Cette

identité fluide est un grand paradigme

pour l’avenir. Et c’est quand l’identité se

greffe à notre corps comme un carcan,

comme une cuirasse, que nous cessons

d’être enfant”.

Les débats d’idées  : révolution ou dan-

ger à l’ère des nouvelles technologies ?

En l’absence de cette fluidité, lorsque lesidentités figées n’arrivent plus à s’interrogersur elles-mêmes, jaillissent les intoléranceset les incompréhensions, terreau des bar-baries en cours et à venir. Ces attitudes dereplis identitaires et de combats contre desidentités jugées comme ennemies ne peu-vent être décryptées par le concept du“choc des civilisations”. Par contre, le prin-cipe de la liberté d’expression doit êtresoutenu comme moyen privilégié pour évi-ter les pièges de ces obscurantismes. Unprincipe qui prend une acuité particulière àl’ère des nouvelles technologies qui indui-sent une révolution des débats. Un cybe-ractivisme qui permet des débats à la por-tée de tous (et non plus réservés auxexperts) et qui confirme “un phénomène

d’horizontalité de la parole”. Pour VincentCespedes, “plus il y a du monde qui pense,

mieux on pense” et cette donnée permetl’émergence d’un nouveau paradigme pri-mordial quant à la quête du sens : “le savoir

devient une œuvre collaborative”. Cette co-créativité – démocratisée de surcroît –résonne comme un espoir car elle a tou-jours été à la base de l’apparition de nou-velles idées, d’innovations, de nouvellesidéologies.

Cet optimisme n’est pas partagé parRaphaël Enthoven pour qui, sous l’alibid’un débat d’idées qui se généralise, onassiste plutôt à un affaiblissement desidées. Il met aussi en garde contre l’illusionde liberté qu’offrent les réseaux sociaux endémocratie et qui correspondent surtout defaçon objective à “un élément de servitude

volontaire” : il ne faut plus fouiller chez lesgens pour savoir ce qu’ils sont, il suffit deleur demander de le raconter (le rêve desservices secrets).

En s’exposant, s’exhibant, on cède à latentation de “sanctifier” sa petite vie et sonopinion. Or, “sanctifier son opinion est la

meilleure façon de ne pas la convertir en

argument. Il faut se méfier d’un débat qui

n’est finalement plus que la juxtaposition

d’opinions qui ne se répondent plus, plus

que la juxtaposition d’un dialogue où cha-

cun décline sa vision du monde et l’adapte

à l’événement sur lequel on l’interroge”1.

Le retour du sens par la sagesse du

désert  : à quelle altérité avons-nous

accès ?

Pour Vincent Cespedes, cette révolutiondes débats est un phénomène qui parti-cipe de la crise de sens d’aujourd’hui quifait face à la perte de force d’attraction etde pouvoir des vieux logiciels (capitaliste,marxiste, …) : “il appartiendrait à la société

civile et aux intellectuels de s’organiser

pour créer de nouveaux logiciels qui puis-

sent nous dessiner le monde de demain”.Une démarche qui nécessite de ne pasréduire le concept de tolérance aux idées etaux mœurs mais aussi aux identités quisont à relativiser – non pas pour les dissou-dre – mais pour les rendre perméables les

unes aux autres. Il est temps de s’inspirerde l’altérité, “celle de la sagesse du désert

qui consiste à sortir de la logique du “don-

nant-donnant” (logique encore fort pré-gnante en Occident). Cet “accueil” sansattente de retour, part d’une règle de surviede base appliquée par ceux qui traversentl’immensité du désert : “je t’accueille, qui

que tu sois. Je ne m’attends pas à ce que

tu fasses un jour la même chose pour moi,

mais je le fais pour toi en ayant l’idée qu’à

ton tour, tu fasses cela un jour pour

quelqu'un d’autre”.

A l’ère du “chacun pour soi” et de la peurdu voisin (pédophile, étranger, “l’autre”), lacirculation de cet acte – que VincentCespedes qualifie d’onde de charme – per-met de s’extraire de la chaîne de la récipro-cité “enfermante” dans les nationalismes,dans les visions étriquées de l’habitat, del’identité. Un charme qui fait que la bontéde quelqu'un puisse vous transformer etatteindre une forme de bonheur non réduiteà nos velléités consuméristes qui s’attei-gnent souvent au détriment des autres.

Raphaël Enthoven partage entièrementcette nécessité de sortir du paradigme del’échange pour entrer dans le paradigmedu don. Mais il décortique le concept d’al-térité en opérant une distinction entre leprivé et l’intime. En deçà du privé, régimefondamental de l’être humain, l’intime(terme inventé par Saint-Augustin et qui faitréférence au mot interior) est la découverteque “ce que j’ai de plus propre à moi, qu’au

plus profond de moi, c’est l’altérité. (…) Se

familiariser avec cette dimension (non pas

du moi) mais du soi, lui donner toute sa

chance, toute son ouverture, est la condi-

tion première, indispensable à la tolérance”.

1Cf. le texte d

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De quelques combats prioritaires pour

les décennies à venir

De manière très concrète, VincentCespedes complète sa démonstration encitant d’autres combats politiques à menerlors des décennies à venir. D’une nouvelleéthique de l’entreprise, en passant par lecombat féministe (et plus spécifiquementau verrou du couple et de la parentalité, à savoir : “qui s’occupe des enfants ?”), ils’agira de lutter contre le désœuvrement etle chômage structurel. Et de conclure par lanécessité de “recomposer un “vivre ensem-

ble” “basé sur l’intensification de l’exis-

tence”. Notamment avec une jeunessedéboussolée et prometteuse maiscontrainte d’évoluer dans des systèmesobsolètes dont l’école… à réformer detoute urgence. Un exemple : que les pro-fesseurs s’inspirent d’une transmissionfondée sur “l’onde de charme” et que cesoient donc les étudiants les plus disposésà la pédagogie qui enseignent et non pasles meilleurs étudiants qui deviennent pro-fesseurs.

 

 

 

 

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1Cf. le texte de Claude Semal ci-après.

© La(ï)cité critique -22 septembre - photo Jérôm

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Paroles de Claude SEMAL surune musique de Frank WUYTS

© La(ï)cité critique -22 septembre - photo Jérôme Baudet

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Facebook Facebook

J’ai plein d’amis

Quand je suis sur Facebook

Facebook Facebook

Mais dans la vraie vie

Je suis un... plouc

Je reçois des cœurs, des clips, des

roses

Des “smile”, des “câlins”, des bisous

Des “kiss”, des “cool”, de nobles

“causes”

Des photos de Tizi Ouzou

Il y a dans ma messagerie

Vingt Katherine, dix Malinka

Des filles d’Abidjan, de Russie,

Qui veulent toutes vivre avec moi

Facebook Facebook

J’ai plein d’habits

Quand je suis sur Facebook

Facebook Facebook

Mais dans la vraie vie...

J'ai pas le look

Ma boîte aux lettres est une auberge

Où mille vendeurs de Viagra

Se battent pour m’agrandir la verge

Et me vendre des produits gras

Mais pourquoi s’allonger l’asperge

Pour jouer de la vuvuzela

Y a des petits pornos quand tu

cherches

A monter la Maïzena

Facebook Facebook

Je suis très sexy

Quand je suis sur Facebook

Facebook Facebook

Mais dans la vraie vie...

Je lis tous mes mails les pubs les

spams

Je lis tous les quotidiens en ligne

Les blogs des Indignés d’Espagne ?

A chaque minute mon Mac fait bling !

Je clique d’un doigt mes commentaires

J’aime ou j’aime pas : c’est mon avis

J’ai rien à dire, comment me taire

Ces petits riens, c’est toute ma vie

Facebook Facebook

J’ai plein d’avis

Quand je suis sur Facebook

Facebook Facebook

Mais dans la vraie vie...

Je suis qu’un plouc

Fait comme une couque

J’ai pas le look

Je me dégoûte

Je pue le bouc

© La(ï)cité critique -22 septembre - photo Jérôme Baudet

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Y a-t-il un

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Selon nous, un enjeu pour l’école est de dépasser les logiques de performance, de rentabi-lité et d’adéquation entre l’éducation des élèves et les impératifs productivistes pour per-mettre aux enfants de devenir des citoyens responsables et critiques en mesure de s’affran-chir de réalités oppressantes, de participer collectivement à l’organisation de la vie sociale,économique, politique et de déterminer de manière autonome les façons de remplir leursvies d’adultes. Bertrand Ogilvie nous donne un point de vue acerbe sur la réalité scolairefrançaise dont bien des aspects sont transposables en Belgique. Gageons que nous auronsici de meilleures marges de manœuvre et plus d’initiative pour suivre les quelques conseilsavisés qu’il nous transmet dans l’entretien qui suit.

*philosophe **Bruxelles Laïque Echos

Interview de Bertrand OGILVIE*, propos recueillis par Cedric TOLLEY**

“Penser l’école conduit à faire la même chose autrement”

Penser l’école ?

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Y a-t-il un problème avec l’école ?

Je ne peux pas vous parler de l’école engénéral, je ne connais bien que l’écolefrançaise. Et elle a une particularité. Alorsque dans les autres pays d’Europe, laquestion de la fabrication de l’identiténationale, de l’identité des individus etpour commencer des enfants, se fait selondes voies différentes et hétérogènes, lafamille, les médias, la vie sociale, leséglises, en France, l’école assume seulecette tâche. La France est un des rarespays à avoir tenté de supprimer la supré-matie religieuse ou sa domination. Donc ily a un phénomène particulier en France,c’est le fait que l’école supporte à elleseule le poids d’une tâche politique quidans les autres pays est répartie sur d’au-tres institutions. Ce qui fait que l’école enFrance est très difficile à transformer cartoute expérimentation, toute innovation,tout laisser-aller institutionnel ou pédago-gique, met en jeu cette question de l’iden-tité politique, met en jeu la paix socialecomme disait Nico Hirtt. Ce poids extrê-mement lourd entretient le fait qu’il n’y apas de relais à l’extérieur. Pour dire leschoses simplement, si des enfants ne sontpas scolarisés jusqu’au bout, intégrale-ment, ils tombent dans une zone grise,une zone floue qui produit les problèmesdes banlieues, cette espèce de zone denon-droit où l’on rencontre des enfants,des adolescents et des jeunes gens quin’ont pas du tout affaire à ce que signifies’articuler avec une collectivité nationale,parce qu’ils n’ont pas pu le faire à l’école,parce qu’ils ont perçu qu’elle n’était paspour eux, et qu’ils sont donc tombés endehors d’elle, dans le néant institutionnelet social en proie à des intégrations

locales, des situations familiales délétères,des bandes.

Donc, il y a ce problème qui est très spé-cifique et qui fait que la France n’estactuellement pas capable de réformer sonécole pour prendre en compte ces popu-lations d’enfants et d’adolescents qui sontsur une autre planète, qui sont autres, quisont dans un autre monde. Ils ont pourtantbesoin qu’on trouve le moyen de s’adres-ser à eux, de leur offrir une vision du col-lectif qui leur parle. Et nous ne sommespas capables de faire cela parce quel’unique modèle qui est celui de l’intégra-tion républicaine n’est pas en mesure desentir le désarroi, la détresse, les excèscomportementaux dangereux pour sapropre cohésion. Ce hiatus s’aggrave etnous avons de plus en plus, dans la popu-lation, une césure entre les gens scolari-sés tant bien que mal et les autres. C’estvrai que cette scolarité soi-disant égali-taire est profondément inégalitaire, cesont les problèmes classiques qui seposent là, à l’école républicaine, mais leproblème original est qu’en dehors de cecanal de socialisation et de régulation, ilÉglise n’ait plus de rôle à jouer en lamatière, absolument pas, mais je constatequ’il y a une espèce de vide qui devraitêtre pris en charge par le politique maisque le politique néglige ou abandonne.

Quand vous dites “la France n’est pascapable”, en quelque sorte, vous réifiezla France. Qui, en France, devrait pren-dre en charge de réformer l’école et decombler le manque dont vous parlez ?

Oui, réifier la France, en réalité la Franceest très facile à réifier dans ce domaine

(Rires). Parce qu’il y a une grande homo-généité au niveau des mentalités, il y a unesorte d’attachement passionnel de laFrance à son école, à sa méritocratie et àses principes éducatifs. Néanmoins, il estintéressant de constater la structure pro-fondément ambivalente de cette école,qui depuis Jules Ferry, organise la réparti-tion des inégalités sociales, sous le cou-vert d’une transmission égalitaire dessavoirs, deux aspects indissociables l’unde l’autre, cette école est pourtant effecti-vement une école qui enseigne, qui pos-sède une capacité d’enseignement etd’instruction extrêmement forte. Lesenseignants français ont donc en main uninstrument profondément ambivalent etqui jouit d’une très grande autonomie,c’est la clé du système éducatif français.L’enseignant français est le maître à bordde manière absolue. Quand il a fermé laporte de sa classe, il peut faire ce qu’ilveut. Il trouvera toujours des légitimationset des textes qui lui permettent de ne pasappliquer les consignes à la lettre, il peutles tordre. Matériellement, il peut le faire.Mais majoritairement les enseignants ne lefont pas, par conformisme, parce qu’ilsreproduisent les procédures auxquelles ilsont été eux-mêmes soumis, ils les imitent,ils les répètent. Et aussi par peur de lapopulation à laquelle ils ont affaire. Il y aune violence latente, même si elle n’éclatepas, une violence, une atmosphère d’in-quiétude, d’angoisse, une atmosphèreagonistique très profonde qui entraîne unesorte de pathologie psychique autant chezles enseignants que chez les enfants.L’école est une sorte de grenade dégou-pillée, même dans les classes où tout sepasse bien. Et dans ce dispositif, les enseignants ont une très grande

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responsabilité, parce qu’il suffirait de pasgrand chose pour que cette grenade n’ex-plose pas, pour qu’elle soit désamorcéecomplètement. Il suffirait d’accomplir uncertain nombre de gestes simples, commepar exemple déconnecter le jugement surles personnes du jugement sur les choses.C’est un élément fondamental, le fait queles enseignants ne parviennent pas à sor-tir de ces rôles de juges moraux portantsur les personnalités alors qu’en fait ilsn’ont à juger que des choses, des œuvres,des textes, des travaux qui n’impliquentpas que la personnalité de celui qui lesproduit soit identique à ce qu’il donne àvoir. Il y a donc la déconnexion onto-logique, entre la chose et l’être, mais il y aaussi la déconnection temporelle. En lamatière, des gestes simples peuvent êtreaccomplis, par exemple : des élèves ren-dent un travail, il est nul, et bien je leurrends en leur disant que je le reprendraiquand il sera parfait. Je ne vais pas meservir de la nullité de ce travail commed’un instrument policier et figer l’élèveéternellement. Ce sont de petits gestesquotidiens qui font le cours des journéeset des années scolaires qu’il faut changer.Parce que ces gestes créent une situationd’humiliation, de violence, d’asservisse-ment des enfants qui deviennent de plusen plus polarisés par cette idée qu’il fau-drait qu’ils soient conformes à des règlesdont en même temps ils sentent tacite-ment la profonde inanité. Toutes ces réali-tés seraient assez faciles à contourner, àtransformer, mais les enseignants ne lefont pas. Ils sont très fautifs dans cetteaffaire. Les structures le leur permettent, donc eux ont en main énormément de possibilités dont ils ne font rien.Pourquoi ? Je ne sais pas.

Que ferait un législateur ou un gouver-nement intelligent à cet égard ?

C’est toujours la question piège... Tout sejoue au niveau de la formation des maî-tres, mais personne en France ne sait parquel bout il faut la prendre. Soit on réfléchià cette formation en termes sacrés : c’estla vocation, c’est le charisme, la person-nalité exceptionnelle des personnes qui yviennent etc. Soit au contraire on techni-cise la chose et on développe des métho-dologies, des pédagogies qui sont toutesplus bureaucratiques et plus administra-tives les unes que les autres et rendent letravail d’enseignant identique à celui d’unbureaucrate. Dans les deux cas, ça nefonctionne pas. Le législateur, le pouvoirorganisateur devraient tout simplementmodifier, sans changer les textes et lesstructures, les accents sur lesquels por-tent ce qu’est le travail d’enseignement,modifier essentiellement la question del’espace et du temps. Cesser de consa-crer que le rassemblement spatial d’uncertain nombre d’élèves dans une classeen train d’écouter un maître est un lieudans lequel quelque chose de l’ordre de latransmission s’opérerait : c’est absolu-ment faux. On sait très bien qu’il y a unedéperdition énorme. Donc, casser cetespace-là et casser cette temporalité-là.Cesser de faire de la temporalité scolaireune espèce de parcours du combattant oùà chaque instant les enfants sont arrêtés,jugés, stigmatisés, pour qu’ensuite ils traî-nent cette stigmatisation longtemps. C’estassez facile à faire. Ça suppose d’agirbeaucoup plus sur les mentalités que surles structures.

Ça ne se fait pas, ça ne se fera pas, carqui à intérêt a ce que l’école change ? Lesenfants qui souffrent de cette situation,qui en sortent mutilés, sans vraiment s’enrendre compte. Mais sinon personne d’au-tre n’y a intérêt, parce que cette structureest actuellement, en France, la seule quipermette de reproduire, de façon invisible,une structure sociale inégalitaire, de pro-duire une société de classes et ce senti-ment que rien d’autre n’est possible, qu’iln’y a pas d’alternative. Voilà pourquoi il n’ya aucune volonté politique réelle de trans-former l’école qui serait pourtant si facile àtransformer.

Changer la société pour transformerl’école plutôt que changer l’école pourtransformer la société ?

Spéculer agréablement sur une démocra-tie à l’école alors qu’il n’y en a pas dansnotre société, ça n’a pas de sens. Parceque nous ne sommes pas dans unedémocratie, ce n’est pas la peine de nousraconter des histoires, nous sommes dansune sorte de ploutocratie. L’école est àl’image de la société et non l’inverse. Levieux fantasme selon lequel c’est à l’écoleque nous allons transformer les bases dela société est évidement une illusiontotale. Les gens qui sont dedans n’arriventpas à ne pas le croire... C’est pourtantabsurde.

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Ce 22 septembre 2012, à l’occasion de l’évènement “La(ï)cité critique”, Robert Castelet Alain Touraine étaient invités à discuter d’égalité en dialogue avec Nouria Ouali etle public venu nombreux.

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Par Alice WILLOX*

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L’égalité n’est pas l’enjeu

Tous deux ont entamé leur intervention parce même postulat : l’égalité n’est pas l’en-jeu constitutif du tournant de société quenous vivons actuellement. Pour RobertCastel, “nous sommes dans une sociétédifférenciée, stratifiée, diversifiée et mêmehiérarchisée. Dans cette société, l’égaliténe peut pas être une stricte égalité desconditions sociales au sens où tous les indi-vidus seraient identiques et interchangea-bles”. Il voit par ailleurs une certaine régres-sion dans l’idée d’éga-lité absolue,rappelant l’expérience des pays du socia-lisme réel dans le courant du XXe siècle, etrelève le paradoxe qui constitue le point dedépart de sa réflexion : “certaines inégalitéssont compatibles et sont peut-être mêmenécessaires pour réaliser la structure d’unesociété moderne”. Alain Touraine partagecet avis, soulignant que les inégalités nesont pas si catastrophiques eu égard à lasituation économique de l’Europe occiden-tale, et que le démantèlement de l’Etat pro-vidence n’a pas lieu comme c’est le cas enGrande-Bretagne ou aux Etats-Unis. Loind’un plaidoyer pour les inégalités, les deuxintervenants insistent sur le caractère péri-phérique de l’idée d’égalité pour les enjeuxfuturs.

Interdépendance et économie réelle

Bien évidemment, la situation actuelle n’estpas satisfaisante. Robert Castel incrimineun nouveau régime du capitalisme qui“impose une concurrence exacerbée sousl’hégémonie croissante du capitalismefinancier international” et dont les consé-quences sont désastreuses en termes de “dégradation des rapports de travail, chô-

mage de masse et développement de laprécarité (...). Un nombre croissant de gensne tirent plus de leur travail des ressourceset des protections suffisantes pour assurerun minimum d’indépendance économiqueet sociale”. Ce constat amène RobertCastel à montrer que les disparités écono-miques entre citoyens posent les uns et lesautres sur des réalités si différentes qu’ilsne font plus partie de la même société, ilsne sont plus sur la même “planète sociale”.Il n’y a, en effet, plus rien de commun entrele PDG d’une entreprise du CAC 40 et unouvrier spécialisé. Ce dont nous manque-rions, plus que d’égalité, c’est d’interdé-pendance, phénomène qui s’avère pour-tant constitutif d’un corps social.

Alain Touraine n’est pas loin de ce constatalors qu’il pointe plus précisément un capi-talisme qui s’est “envolé en dehors duchamp de l’économie”. En effet, “la trèsgrande majorité des capitaux utilisés en cir-culation n’ont plus de fonction écono-mique”, c’est-à-dire qu’ils ne servent plus àune économie réelle mais bien à une spé-culation mondialisée. L’argent, dans sa glo-balité, sert majoritairement à faire de l’ar-gent. “Nous sommes passés d’une sociétéd’entreprise à une société de marché quipeut être une société de marché sansentreprise. De même que vous avez desentreprises sans marché, comme vous avezdes gens sans travail”. Notre contextesociétal post-moderne est marqué par l’in-certitude et les notions de démocratie,d’éducation, de ville… ne font plus senscommun. Alain Touraine voit un lien directentre cette perte de sens et la disparitiondes normes légales liées à la gestion desressources : salaire, durée de travail, hiérar-chie… “Le social n’a plus de sens à partir

du moment où la matière première, les res-sources, sont utilisées hors société”. C’estdonc bien sûr dans les normes légales etles droits qu’on peut situer le véritableenjeu des années à venir.

Quelles pistes pour changer de para-digme ?

Comment refaire société ? Quelles pistespour consolider ou recréer nos interdépen-dances ? Comme explicité plus haut,Robert Castel préfère à l’idée d’un combatpour l’égalité celle d’une lutte contre la seg-mentation sociale. Il propose à cette findeux idées à soumettre à réflexion. D’unepart, il pourrait être pertinent d’instaurer unrevenu maximal. Cela serait un premier paspour une diminution d’“inégalités scanda-leuses dans le traitement dont bénéficientles hyper privilégiés”. D’autre part, plussolide qu’une allocation minimum qui endéfinitive risquerait de n’assurer qu’unmédiocre revenu de subsistance, RobertCastel lui préfère une sécurité sociale mini-mum garantie, “un peu à l’image du salaireminimal garanti pour le travail”. Ces deuxmesures afin d’éviter les “sorties vers lehaut ou vers le bas” de la société. Ces pro-positions s’inscrivent dans l’idée de lanégociation d’un pacte keynésien1 moder-nisé. C’est-à-dire un nouveau compromissocial, plus ancré dans une société mon-dialisée et les exigences de flexibilité et demobilité qu’elle induit.

Plus en amont, Alain Touraine pose laquestion de la mobilisation. Nous serionsaujourd’hui dans un monde de spectateursdont la scène est vide. Ce dont nous man-quons aujourd’hui, c’est d’acteurs agis-sants. “Tant qu’il y aura déficit

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d’acteurs représentants les travailleurs,nous irons de manière accélérée vers lacatastrophe. Il ne s’agit pas de redistribuer,ni d’augmenter les salaires. Tout ça ce sontdes objectifs respectables. Mais c’est inat-teignable, c’est du baratin si vous n’arrivezpas d’abord à recréer des acteurs”. Lacondition première pour lutter contre lesinégalités se situe donc dans notre capa-cité à nous lever, à nous indigner, à retrou-ver notre capacité d’agir. Les deux interve-nants appellent à une remobilisation et à unréinvestissement dans les syndicats.

Où situer les limites de notre territoiredémocratique ?

On le voit bien à travers les questions dupublic, sur l’opportunité d’agir et les pistesd’actions, il s’agit également de compren-dre sur quel niveau de pouvoir nous avonsencore prise. Que reste-t-il de la souverai-neté nationale ? Les contraintes budgé-taires européennes et le poids de la financeinternationale laissent à penser que lesEtats nationaux sont bien peu à même des’émanciper du modèle d’austérité domi-nant. Wendy Brown a analysé ce phéno-mène à travers plusieurs de ses ouvrages etl’identifie comme un facteur de dé-démo-cratisation : “(…) au cours du dernier demi-siècle, le monopole [des] divers attributs desEtats nations a été sévèrement compromispar la croissance des flux internationaux decapitaux, de population, d’idées, de res-sources, de marchandises, de violence etde fidélités politico-religieuses. Ces flux fontéclater les frontières qu’ils traversent, et àl’intérieur, ils cristallisent pour former desforces : ainsi, la souveraineté des Etats-nations se trouve compromise à la fois surleurs bords et au-dedans2”.

Pour Alain Touraine et Roberte Castel, ils’agit surtout de réinvestir ce lieu de pouvoir qu’est l’Etat national. AlainTouraine soutient que les problèmes pro-prement politiques, comme ceux de l’éga-lité, concernent à titre principal les Etatsnations, et qu’il s’agit par ailleurs de lesharmoniser au niveau européen. RobertCastel appelle de même à reconstruire despolitiques, et écorche au passage les mou-vements du type des Indignés, à qui ilreproche le développement d’une “idéolo-gie individualiste de la revendication avec laméfiance à l’égard des appareils, des col-lectifs, du politique et de l’Etat”. On pourraitleur opposer la vision rancièrienne3 qui défi-nit la fonction de ces appareils comme lagestion du statu quo et situe la politiquedans les interstices de ces champs de ges-tion. Mais tel n’est pas le postulat épisté-mologique des orateurs de cette rencontre.Les appareils d’Etat constituent un lieu pri-vilégié de lutte et la question se pose plusdu côté des acteurs que du côté des dispo-sitifs. Qu’on se situe dans une lutte interneou périphérique, il semble que se posenécessairement la question des limites denotre territoire d’action, et le public n’a pasmanqué d’interpeller à plusieurs reprisesles deux sociologues à ce sujet, sans trou-ver consensus.

L’égalité n’est pas l’enjeu… Vraiment ?

Reprenons l’introduction commune auxdeux intervenants : une certaine dosed’inégalité n’est pas scandaleuse, à lacondition qu’elle maintienne par régulationl’intersolidarité nécessaire à la constitutionde corps sociaux, et d’acteurs agissants.Robert Castel craint pour sa part l’égalitéabsolue en tant qu’indifférenciation des

êtres humains, prenant pour exemple para-digmatique les Etats bolchéviques du XXe

siècle. Au risque de ne répondre ici que pardes banalités, on peut pourtant rappeleravec raison que le contraire de l’égalité estbien l’inégalité, et non la différence.Pourquoi, sur le thème de l’égalité, surgitinlassablement le spectre de l’uniformisa-tion ? Certes, nos intervenants ont pris letemps dont ils disposaient pour expliciterleur point de vue en nuance. Néanmoins, ilfaut pointer, avec insistance, que l’argu-ment ici présenté est celui-là même quenous assènent les défenseurs du capita-lisme néolibéral. En effet, la critique anti-égalitariste ne se lasse de prétendre que lagarantie de l’égalité réelle ne peut passerque par l’instauration d’un système stéréo-typal et liberticide. Alain Bihr, dans sesouvrages, leur répond par le contredit :“pas plus que l’égalité n’implique l’identité(l’uniformité), l’inégalité ne garantit la diffé-rence. Bien au contraire : les inégalités derevenus génèrent des strates ou couchessociales au sein desquelles les individussont prisonniers d’un mode de vie et d’unstyle de vie, qu’ils sont plus ou moins tenusde suivre4”. Ce qu’Alain Bihr défend dansson argument, c’est qu’au contraire, l’éga-lité réelle est garante de singularités indivi-duelles puisqu’elle offre de plus largesperspectives d’existence.

Il réside certes, en partie, un débat simple-ment sémantique dans ces points de vue.Il va de soi que Robert Castel et AlainTouraine ne plaident pas pour une sociétéinégalitaire et que leurs interventions don-nent à réfléchir pour une société plus juste.Cependant, dans le contexte d’une mise en perspective des enjeux à venir pournotre société, on peut se demander quelle

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position stratégique occuper. Le prêt-à-penser néolibéral et sa prodigieuse facultéde récupération de concepts intellectuelsforcent à poser la question de savoir s’il eststratégiquement raisonnable de lutter pourdes inégalités régulées ? Peut-on vraiment,face à cette machine infernale qu’est lenéolibéralisme mondialisé, défendre uncompromis et transiger sur l’idéal de l’éga-lité réelle ? Ne risque-t-on pas d’abandon-ner l’espoir d’un changement structurel auprofit d’un nouveau cycle de négociationssociales qui aboutiraient au statu quo ?

Les questions de la définition de l’égalité etde la forme que celle-ci peut prendre dansune militance pour une société plus juste,ainsi que celle du territoire démocratique,restent donc ouvertes. Dans les deux cas,c’est la problématique de l’action et de lastratégie de lutte qui est pointée. Le mou-vement laïque porte en son sein un enga-gement pour l’égalité des êtres humainsqui l’invite à continuer la réflexion sur cettequestion, y compris sur les conditions depossibilités de mobilisation. Ces interroga-tions pourraient assurément être prolon-gées et nourries à l’occasion d’une rencon-tre à venir.

1 John Meynard Keynes est un économiste britannique(1885-1946) partisan du libre échange conditionnel, c’est-à-dire d’un capitalisme encadré par des lois et des institutionsde façon à ce qu’il soit compatible avec le plein emploi.2Wendy Brown, “Nous sommes tous démocrates à présent”,in Giorgio Agamben & Alain Badiou & Daniel Bensaïd &Wendy Brown & Jean-Luc Nancy & Jacques Rancière &Kristin Ross & Slavoj Zizek Démocratie, dans quel état ?,Paris, La fabrique éditions, 2009 ; cf. le livre examen de cetouvrage par Alexis Martinet dans Bruxelles Laïque Echos,n°73, pp. 46-48.3 Jacques Rancières est un philosophe français contempo-rain. Sa pensée politique se construit notamment autourd’une distinction entre la police (le maintient du statut quo)et la politique (un processus d’émancipation).4Alain Bihr, La novlangue néolibérale. La rhétorique du féti-chisme capitaliste, Lausanne, Page Deux, 2007.

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Pour en finir avecla mondialisation néolibérale

Par Sophie LÉONARD*

*Bruxelles Laïque Echos

De l’indignation à l’engagementIls font tous trois partie du Collectif Roosevelt qui appelle, en France, àune vaste mobilisation pour sortir de la crise globale sans précé-dent qui touche notre planète. Cynthia Fleury, SusanGeorges et Stéphane Hessel étaient réunis à Bruxelles le22 septembre dernier lors de la rencontre “La(ï)cité cri-tique” pour un atelier sur les voies possibles d’une mondia-lité davantage porteuse de justice sociale et respectueusede l’environnement. Un échange porteur d’espérance.

© La(ï)cité critique -22 septembre - photo Jérôme Baudet

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Lutter contre l’oligarchie financière

Agir. Dépasser l’indignation pour passer àl’engagement. Une nécessité absolueselon l’auteur du désormais célèbre Indi-gnez-vous !. Pour Stéphane Hessel, libertéet responsabilité vont en effet immanqua-blement de pair. “Si nous voulons essayerd’être libres, il faut nous dire responsa-bles. Par conséquent, il ne faut pas laisserà d’autres le souci de changer ce qui estinacceptable dans le fonctionnement dumonde aujourd’hui. (…) Il faut que nousinterprétions la crise qui nous frappecomme la nécessité à nous préparer à unmonde très différent de celui avec lequelnous vivons depuis maintenant une tren-taine d’années : un monde de la compéti-tion universelle, du “toujours plus”, de lacupidité des oligarques”.

L’ennemi est clairement identifié pour cerésistant infatigable : une oligarchie finan-cière qui profite pleinement de la situationactuelle et n’a aucune envie que celachange. Mais pour pouvoir les “déboulon-

ner”, il faut d’abord “les reconnaître, savoirqui ils sont, comment ils sont organisés,pourquoi ils ont la force qu’ils ont !” Uneprise de conscience qui doit encore s’élar-gir, notamment au niveau de l’influencedes lobbies aujourd’hui sur le pouvoir poli-tique.

La crise actuelle est donc avant tout celled’une mondialisation néolibérale où lafinance domine désormais tout le reste :l’économie réelle, la société, l’environne-ment. Susan Georges souligne la néces-sité d’inverser l’ordre de ces cercles depouvoir en plaçant l’écologie, encore fai-blement considérée par le pouvoir poli-tique, au premier plan. Reconnaître leslimites de la planète, les lois naturelles estun préalable indispensable. Le deuxièmecercle de pouvoir devrait alors reposer surune société organisée démocratiquement.A ce niveau, la fondatrice d’ATTAC s’inquiète de la progression d’une “antidémocratie” au sein des institutions euro-péennes. “Il y a une crise démocratiquegravissime, en particulier en Europe, où on

limite tous les jours un peu plus notredémocratie, à tel rythme que l’on n’arrivepas à être à jour sur les nouvelles atteintescontre nos libertés et nos capacités degérer l’avenir”. Ensuite, dans les derniers-cercles de pouvoir, arriverait alors l’écono-mie réelle qui est “la vraie source de tra-vail” et enfin, la finance qui ne doit, selonelle, n’être qu’“une servante de l’écono-mie réelle”. “Il y a à faire”

Alors que le sentiment d’impuissance pré-domine largement sur les manières desortir de cette crise structurelle aux multi-ples facettes : financière, économique,sociale, politique, culturelle, environne-mentale, alimentaire… il s’agit en effetavant tout de montrer qu’“il y a à faire”,souligne Stéphane Hessel.

Défendre nos idées d’abord. Face à l’hé-gémonie culturelle d’une “pensée étri-quée, égoïste, antisociale, antisolidaire,anti égalité” propagée par ceux que Susan

“Chacun de nous peut changer le monde. Même s’il n’a aucun pouvoir, même s’il n’a pas la moindre

importance, chacun de nous peut changer le monde” écrivait Václav Havel quelques semaines après

la chute du Mur de Berlin. En 1989, ce sont des femmes et des hommes “sans la moindre importance”

qui ont changé le cours de l’Histoire. Vingt ans plus tard, le système néolibéral s’effondre à son tour.

C’est à nous, les citoyens, de dire dans quelle société nous voulons vivre. Société d’injustice et de

chaos ou société d’équilibre et de convivialité ? A nous de choisir. A nous d’agir.”

Collectif Roosevelt 20121

1 http://www.ro2Lire “La pens religieuse se s 2007.3 Traité sur la s

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Georges nomme les gramsciens dedroite2, qui ont compris l’intérêt des idéeset ont investi leurs lieux de production etde diffusion. “Nous ne défendons pas suf-fisamment nos idées, parce qu’il est évi-dent pour nous qu’elles sont bonnes. Quec’est mieux d’être solidaire qu’égoïste.Mais tout le monde ne pense pas commeça !”. Il s’agit aussi de favoriser la connais-sance. “Qui dans cette salle peut expliquerles enjeux du T.S.C.G.3 ?” lance-t-elle àl’assemblée présente.

Pour Cynthia Fleury, il nous faut renoueravec une conception révolutionnaire de lacitoyenneté, non plus seulement considé-rée comme un dû, mais aussi comme undevoir et surtout une compétence.Comme Stéphane Hessel et SusanGeorges, elle constate un fonctionnementinsatisfaisant de nos démocraties repré-sentatives dans lesquelles le vote estdevenu “un système d’arbitrage du moinspire”. “Notre citoyenneté doit donner nais-sance à une expertise. Nous avons à pen-ser une participation plus rigoureuse et davantage régulatrice des affairespubliques”. La philosophe françaiseencourage le développement de “majori-tés qualifiées citoyennes” : collectifs,associations, manifestes qui dépassent le

déclaratif pour constituer des boîtes àidées et formuler des propositionsconcrètes. A l’instar des quinze mesuresdéfendues par le Collectif Roosevelt, dontla séparation des banques de dépôt etdes banques d’affaires, la création d’unevraie taxe sur les transactions financièresou le développement d’une économiesociale et solidaire.

Qu’elles concernent encore la taxation duCO2, l’annulation de la dette, la transitionécologique et énergétique, la constitution-nalisation du droit à l’environnement,l’adoption d’une nouvelle Déclaration dePhiladelphie sur l’harmonisation du droitdu travail et de la protection sociale, l’éla-boration de nouveaux indicateurs derichesse, le renforcement d’une gouver-nance mondiale, sa matérialisation dansles Parlements nationaux, la présentationde listes issues de la société civile auxélections européennes… les propositionsne manquent pas. “On est loin d’un désertd’idées”, constate Cynthia Fleury. “Noussavons comment sortir de la crise, maispour l’instant, nous ne le faisons pas. Lasociété civile doit comprendre qu’elle aune obligation de pression, une obligationd’offensive – démocratique bien sûr ; elledoit avoir une efficacité plus forte”. Un

constat également partagé par SusanGeorges soulignant que des quantitésd’expérimentations sociales et écono-miques commencent à être aujourd’huiconséquentes. Se référant à AntonioGramsci, elle souhaite allier optimisme dela volonté et pessimisme de l’esprit. “Nousavons les idées. Il faut être unis, faire jouerle nombre. Il faut leur faire peur, c’est laseule chose qu’ils comprennent”.

L’important est de ne pas se décourager,insiste Stéphane Hessel. “Les forces quiessaient d’imposer à la mondialité leurfaçon de la concevoir ne sont pas pluspuissantes que n’importe quelle autreforce. Elles ont besoin que les hommes etles femmes considèrent qu’ils n’ont rien àfaire pour que cela change. Ils ont tort.Ces forces-là ne résisteront pas à unevolonté ferme, une volonté de réforme dufonctionnement du monde, substituant àce qui a été un monde de cupidité, deconcurrence souvent déloyale, de compé-titivité à tout crin à un monde de compas-sion, de respect mutuel, de solidarité.” Lafigure tutélaire du mouvement desIndignés en est convaincu : “ce monde-làest possible. Il existera si nous sommesassez nombreux pour le vouloir”.

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1 http://www.roosevelt2012.fr/2 Lire “La pensée enchaînée. Comment les droites laïque etreligieuse se sont emparées de l’Amérique”, Editions Fayard,2007.3 Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance.

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Nous avons demandé à Susan Georges de se prêter à un exercice de prédiction de

l’avenir. Elle a bien voulu jouer avec nous, même si elle nous a avertis que, à ce jeu,

on se trompait toujours ! Mais ne vous y méprenez pas ! Ce n’est pas au travers de

la divination que nous avons approché la Laïcité critique, le 22 septembre passé. Il

est plutôt question ici de craintes et d’espoirs concernant la mondialisation.

*Bruxelles Laïque Echos

Propos recueillis par Paola HIDALGO NOBOA*

Deux urgences et deux espoirs

Entretien avec Susan Georges, sur les enjeux de la mondialisation

pour l’avenir des Lumières

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Susan Georges, héritière desLumières, relève le pari ambi-tieux d’aborder les valeursd’une des périodes les plusglorieuses de l’Europe dans le

contexte tumultueux et trouble de cedébut de millénaire, où les frontières écla-tent et, surtout, où la légitimité des valeursportées par les Lumières semble êtrequestionnée, entre autres, par des défisqui n’ont pas encore pu être complète-ment intégrés dans des mouvementscomme le nôtre.

Première urgence : l’environnement

Partons du plus fondamental : le mondeque nous habitons. Les données scienti-fiques sont sans appel. La Terre seréchauffe. “S’il ne s’agissait que de la poli-tique, de la société, on aurait le temps. Ilfaut beaucoup de patience, mais c’estpossible. Avec le climat, on n’a pas letemps”.

Malgré les voix de plus en plus nom-breuses qui se lèvent pour dénoncer leseffets dévastateurs qu’engendreraient nefût-ce que quelques degrés de plus dansnotre atmosphère et malgré les victimesdes catastrophes climatiques, de plus enplus nombreuses d’année en année, lesengagements lors des conférences desNations unies sur l’environnement (àCancún et Copenhague, pour citer lesplus emblématiques) semblent demeurerbien en deçà de l’urgence que ce pro-blème pose à l’espèce humaine.

Susan Georges craint cette menace quipèse directement sur les populations quihabitent dans les zones fragiles, comme

au Pakistan, qui compte plus de deux mil-lions de déplacés, suite aux inondations en2010. En effet, à l’heure où dans l’ensem-ble du Sud-ouest asiatique, on dénombreprès de 42 millions de réfugiés du climat, laquestion des droits humains est plus quejamais indissociable des enjeux environne-mentaux. “On avait une fenêtre d’opportu-nité pendant les années 80. À ce moment-là, on aurait pu investir dans une transitionénergétique. On ne l’a pas fait”. Les effetscommencent à bouleverser le monde.

Au cours des décennies précédentes, lesdroits de l’Homme étaient en général mis àmal par les régimes totalitaires.Actuellement les choses se sont complexi-fiées du point de vue des responsabilités :les politiques énergétiques et les modesde consommation des pays les plus indus-trialisés seraient tout aussi questionnablesque les dictateurs pour ce qui est desmenaces à l’encontre de l’émancipation,de la sécurité et du bien-être des per-sonnes dans certaines zones du monde.

Et indirectement ?

“La réaction sera de fuir des endroits deve-nus inhabitables, tout simplement poursubvenir aux besoins pour l’agriculture,pour l'eau et les besoins de tous les jours.Il y aura de plus en plus de déplacementsde population. Ce qui est dramatique, c’estque parallèlement aux exodes massifs quis’annoncent, nous serons témoins del’hostilité croissante de l'autre côté. Nousverrons ainsi surgir davantage d'Etats for-teresses et de plus en plus de discrimina-tions contre les migrants, contre les gensqui arrivent de l’autre côté de la frontièreen cherchant simplement à sur-vivre”.

Dans un tel contexte, les mouvements quivisent à défendre des idéaux démocra-tiques, gagneraient à intégrer dans leurréflexion les données environnementaleset technologiques récentes qui n’ont pastoujours été un facteur décisif, à l’époquedu développement industriel exponentieldes XVIIIe, XIXe et surtout XXe siècles.

A l’heure où certains scientifiques parlentde l’avènement d’une nouvelle ère géolo-gique, l’Anthropocène, pour attirer l’atten-tion sur la magnitude de l’impact de notremodèle de développement sur la planète,nous devrions revisiter certaines notionsqui nous sont chères, comme celle de“progrès”.

Deuxième urgence : la démocratie

Ce développement industriel sans précé-dent et le développement technologiquequi l’accompagne crée des nouvellesconditions et, surtout, des nouveauxrythmes de fonctionnement dans lessphères de décision : “Nous sommes héri-tiers de ces Lumières qui ont inspiré à lafois la révolution américaine et la révolu-tion française. Tous les mouvementsémancipateurs que nous connaissons,découlent des idéaux laïques, égalitaires,pour la liberté… Ce sont des idéaux pré-cieux. Actuellement, qu’est-ce quimenace ces valeurs ? D’une part, le capi-talisme menace toutes les conquêtes pourplus d’égalité et plus de liberté à traversl’accumulation effrénée du “capital”.D’autre part, cela s’est accéléré par lavitesse de la finance. La démocratie estlente, la finance est rapide. En un clic, sontprises des décisions qui ont un impact surdes pans entiers de la population. Tant

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Depuis le XVIIIe siècle, le progrès scienti-fique a certainement permis de dévelop-per des conditions toujours plus aboutiesde bien-être (voire de confort) pour unepartie de la population. Néanmoins, cemême progrès reste petit face à l’exi-gence en termes d’alternatives face àdes grands défis de notre temps. Àl’heure des frontières éclatées, desespaces réinventés par la technologie etles moyens de communication, les déri-vés technologiques accélèrent lacadence de la prise des décisions, auxdépens d’un salutaire temps de réflexion,d’analyse et de réaction de la sphèrepolitique et des mouvements sociaux.Nous ferions donc face à un autre défi :celui d’une accélération de la prise dedécisions, poussée par l’organisationultra-technologique inhérente au mondede la finance et son décalage par rapportaux structures de construction de ladémocratie.

“Vers la fin des années 1990, la prise deconscience a commencé à prendre de laplace. Maintenant, cela sera de plus en plus une course de vitesse : laconscience ou le progrès de la finance etles capacités des élites pour l’étouffer.C’est une course inégale, mais pas tantque ça car les élites qui sont anti-libérales(au sens de la liberté politique) ont l’ar-gent, mais pas le nombre. Nous, noussommes nombreux, nous avons les idées,la technique, le savoir-faire pour certainesaméliorations… Collectivement, nousavons des moyens, alors il ne faut pas

être fataliste. La lutte est inégale entermes de communication et d’organisa-tion, car les anti-lumières sont très orga-nisés et n’ont qu’une seule idée. Nouspar contre, nous sommes multiples. Ladémocratie, c’est la diversité, alors celaoblige à prendre du temps, à aller à unautre rythme”.

Dans ce contexte-ci, “passer à la vitessesupérieure”, prend tout son sens.Comment mettre en place des processusdécisionnels au niveau politique et de lasociété civile mondialisée qui puissentsuivre le rythme effréné de la finance ?Est-ce que c’est possible autrementqu’en la mettant sous tutelle, comme lesuggère Susan Georges ?

La solidarité et la désobéissancecomme seuls espoirs

Dans la balance, ce qui pèse en faveur deceux qui défendent les idéaux de libertéet d’égalité, c’est l’accès aux mêmesmoyens technologiques que ces éliteséconomiques et financières qui donnentle ton des rapports sociaux. Les condi-tions pour rattraper la tête du peloton decette course inégale sont là. Néanmoins,il est plus urgent que jamais de les met-tre au service de la solidarité. “Actuel-lement, s’il y a une grève en Suède ou enFinlande, les Belges ne se sentent pasconcernés. De même, peu de Français sesentent concernés par ce qui se passe enGrèce. Or, la Grèce est un laboratoire oùl’on veut tester combien de privations onest prêt à supporter. C’est une expéri-mentation indigne des gens civilisés !Mais il ne s’agit pas de quelque chose denouveau. Dans les années 1990, les

mêmes expériences de laboratoire sedéroulaient dans les pays du Sud”.

Il est difficile de se sentir concerné par unproblème tant qu’on n’a pas encore souf-fert de privation au niveau de ses droits.Une question – toujours la même – sur-git : comment développer la solidarité ?La solidarité envers nos semblables et,par la même occasion, le souci de ce quinous porte tous : la planète que nouspartageons.

Pendant plusieurs décennies, la solida-rité internationale était posée surtoutcomme une question de rééquilibrageentre les pays riches “au Nord” et lespays pauvres “au Sud”. Actuellement, cedécoupage semble tomber en désué-tude, mais pas la nécessité de penser lesenjeux de manière globale car “lesréponses locales sont importantes etnécessaires, mais rien ne pourra serésoudre, les valeurs qui sont aujourd’huien danger ne pourront pas être défen-dues sans que les mouvements sociauxne se mondialisent aussi à leur tour”.

Les traités européens, dits “de stabilité,de coordination et de gouvernance” et lesprogrammes d’ajustement structurel quien découlent, ainsi que la sacro-sainteaustérité, sont des mécanismes de reculsocial extrême, selon Susan Georges.Néanmoins, des exemples de désobéis-sance voient le jour. “Rien ne s’est passélà où on a refusé de payer une partie de ladette à la Banque Mondiale et où on adésobéi au Fonds Monétaire International.Il y a eu des audits de la dette, par exem-ple. C’est exactement ce que nous recom-mandons pour la Grèce. Il faut évaluer ce

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qui répond à la corruption ou bien ce qui est illégitime, comme la dette contractée du temps des colonels. Puis, d’autres mesuresdevraient voir le jour : il faudrait taxer l’Eglise ou réduire le budget militaire, par exemple”.

Ces pistes d’action, résolument tournées vers la solidarité internationale et intergénérationnelle (puisque prendre en charge lesdéfis environnementaux permettrait de laisser une planète vivable pour les générations futures), ont pris corps lors de la grandemobilisation européenne du 14 novembre passé où, pour la première fois, un seul mot d’ordre a réussi à mobiliser les citoyenset citoyennes au Nord et au Sud de l’Europe : “non à l’austérité”. Nous sommes face au démarrage d’une nouvelle forme de soli-darité au niveau européen.

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L’atelier de La(ï)cité critique dédié aux migrations, autour deCatherine de Wenden, Andrea Réa et Benoît Van der Meerschen, asouligné combien notre monde valorise la mobilité. Les effortsabsurdes des Etats pour empêcher ou réfreiner certaines migra-tions – principalement celles des populations appauvries – sontdonc sources de contradictions. Les intervenants ont suggéré desortir de la logique du risque migratoire et du traitement principale-ment sécuritaire qui en est fait. S’il faut apporter d’autres réponsesau phénomène migratoire, il importe aussi de relativiser sérieuse-ment ce prétendu risque : tout le monde ne souhaite pas quitter sonpays ni venir en Europe. Actuellement seuls 3% de la populationmondiale migre et la majorité des déplacements se font du Sud versle Sud. Rien ne permet de prédire qu’une politique de migration plusouverte augmenterait de manière exponentielle les arrivées enEurope. Nous devons aussi prendre conscience que notre continenta besoin de migrations et que l’avenir est à la mobilité. L’État quis’acharne à y résister sera perdant au final. Il ferait mieux d’accep-ter que les temps changent et qu’il doit se transformer.*Bruxelles Laïque Echos

Par Mathieu BIETLOT*

Le droit à l’égale mobilité

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En conclusion, l’atelier invitait lemouvement laïque à plaider pourun droit à la migration pour tous.Pour y parvenir, nous devronsaussi changer notre perception

des migrations. Parler de la liberté de circu-lation ou de droit à la mobilité – qui fait d’ail-leurs partie des droits fondamentaux – plu-tôt que de migrations serait déjà un pas ence sens. Au lendemain de ce 22 septembreest née l’idée de rédiger un argumentaireinvitant à une prise de position du Centred’Action Laïque en faveur de la liberté decirculation. En voici une esquisse.

La question récurrente des sans-papiers,de leur mobilisation et de la nécessité derégularisations – de temps en temps enten-due par le ministre en fonction – souligneque les politiques régulières de migration nefonctionnent pas, ne sont pas adaptées aumouvement des migrants dans le monded’aujourd’hui. Au lieu de régulariser toutesles x années des irrégularités massives, nefaudrait-il pas revoir la règle ? On peut fairela même analyse au sujet des déborde-ments et crises régulières des structuresd’accueil des demandeurs d’asile.

Plus profondément, toutes les politiques demigrations et d’asile qui prétendent mettreen œuvre une maîtrise ferme et imparablede la mobilité des humains se révèlent unéchec :

Elles sont extrêmement coûteuses aussibien au niveau des finances publiquesqu’en termes de respect de la dignité, desdroits et même de la vie humaine. Elles nese perpétuent qu’au prix – financier et sym-bolique – de récurrentes condamnations dela Belgique par la Cour européenne des

droits de l’Homme, le Comité de Préventionde la Torture du Conseil de l’Europe, le HautCommissariat des Nations Unies pour lesRéfugiés, etc.

Elles sont néfastes en ce qu’elles véhiculentune image négative de l’étranger, entretien-nent les peurs et les fantasmes de la popu-lation, sapent les fondements de la démo-cratie et du vivre ensemble, nuisent à laprésence des étrangers déjà sur le territoireet les installent dans une précarité qui sepropage dangereusement de couchessociales en couches sociales. Elles creu-sent le fossé entre pays d’émigration etd’immigration, elles attisent les tensionsmondiales et alimentent indirectement lesactes de rébellion, de ressentiment ou defanatisme de populations dominées depuistrop longtemps par l’arrogance occiden-tale1.

Elles sont contreproductives dans lamesure où elles entretiennent le mythe del’eldorado européen (s’il est si bien gardé,c’est qu’il s’agit vraiment d’un continent decocagne), elles font le jeu des passeurs etautres réseaux malhonnêtes et elles instal-lent durablement dans nos pays desmigrants qui, s’ils pouvaient circuler libre-ment, repartiraient peut-être après n’avoirpas trouvé ce qu’ils cherchaient.

Elles sont hypocrites car elles ne parvien-nent absolument pas à maîtriser le phéno-mène migratoire et se limitent bien sou-vent à de la rhétorique, des effetsd’annonce et quelques mesures ou dispo-sitifs très visibles tels que les centres fer-més destinés à terroriser les étrangers etrassurer une population nationale qu’onaura au préalable inquiétée. Elles en arri-

vent à tolérer pratiquement une majoritéde clandestins sans les tolérer discursive-ment, à les précariser sans leur accorderde droits et à en expulser une minoritépour l’exemple.

Cette inefficacité et ces contradictionsrésultent du fait que, fondamentalement,ces politiques sont irréalistes. La mobilitéconstitue un phénomène ancestral, propreà l’humanité et plus encore à l’histoire denotre civilisation récente (la Renaissance etla Modernité n’auraient pu advenir sans ladécouverte des Indes et des Amériques).Elles existeront toujours et rien ne les arrê-tera. De nos jours, elles se sont trouvéesconsidérablement aiguillonnées et accélé-rées par ce qu’on appelle la globalisation.Celle-ci démultiplie les motifs d’exils et faci-lite d’une manière inouïe les déplacements.Elle incite aux circulations infinies (des capi-taux, des marchandises, des services, desinformations, des travailleurs), valorise laliberté et célèbre la mobilité (spatiale,sociale, professionnelle, scolaire, affec-tive…). Comment s’étonner, dans un telenvironnement et enivrement, que les dam-nés de la terre se mettent à leur tour enroute pour réclamer leur part de globalisa-tion ?

Toutes ces politiques posent au finalbeaucoup plus de problèmes qu’elles n’enrésolvent. Irréalistes, inefficaces, contre-productives, génératrices d’effets pervers,pourvoyeuses de trafics criminels etmafieux, attentatoires aux libertés indivi-duelles… Comme on le voit, ces poli-tiques d’asile et de migration peuvent fairel’objet d’une critique similaire à la critiquelaïque des politiques de prohibition desdrogues2.

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Parce que les laïques veulent être lucides etréalistes face au monde d’aujourd’hui et dedemain, ils doivent promouvoir une poli-tique qui accompagne, encadre, garantit lesconditions dignes de cette mobilité qu’il estvain de vouloir prohiber.

Parce que les laïques sont attachés auxdroits humains et aux valeurs de liberté,d’égalité et de solidarité, ils doivent pro-mouvoir une politique de migration qui per-mette une égale mobilité de tous les êtreshumains sans qu’elle fasse l’objet d’unequelconque exploitation (aujourd’hui cer-tains sont encouragés à circuler toujoursplus facilement en business class, tandisque d’autres voyagent dans les soutes desavions et les circuits clandestins de l’exploi-tation).

On peut montrer que toutes les étapesactuelles d’un parcours de migration oud’asile sont sources d’infractions aux traitésde sauvegarde des droits humains et quepour respecter ceux-ci scrupuleusement, ilfaudrait remettre en question la plupart deslois et procédures relatives à l’asile et à lamigration.

Le seule politique de mobilité respectueusedes nos valeurs et conforme au mouvementdu monde est la liberté de circulation pourtous3. Comme toutes les libertés publiques,la liberté de circulation doit, pour être effec-tive, se trouver encadrée, régie et protégéepar des garanties et des instancespubliques capables de les faire respecter (ilne s’agit pas d’ouvrir du jour au lendemaintoutes les frontières). La liberté de circulerdoit être foncièrement assortie du principed’égalité de droits, de traitement, de devoirset de participation.

Il s’agit d’un objectif, d’un cap, à atteindrepar étapes progressives. Celles-ci pour-raient être la suppression des centres fer-més et des retours contraints (avec unetolérance pour les quelques milliers de per-sonnes qui ne respectent pas les ordres dequitter le territoire comme on le fait avec lafraude fiscale) ; ensuite la suppression desvisas court séjour (comme c’est déjà le caspour les Européens au sein de l’EspaceSchengen) permettant à chacun d’entrersur un territoire pour y entamer des procé-dures de séjour ; ensuite l’instauration d’undroit de séjour automatique d’une certainedurée permettant au migrant de chercher àmettre en œuvre son projet de vie dans lepays d’arrivée…

La mise en œuvre progressive d’un telobjectif impliquera d’autres remises enquestion et réformes : du système social, del’organisation du travail, de la fiscalité, ducommerce international… Autant dedomaines qui sont déjà en crise ou sourcesde crise et qui devront de toute façon êtreréformés, si nous ne voulons pas que lemonde coure à sa perte. Les autres articlesde ce numéro de Bruxelles Laïque Echos entémoignent. Notons toutefois qu’une partiede ces changements pourraient se déve-lopper d’eux-mêmes si l’on acceptait la pré-sence des migrants au lieu de la tolérer enla niant officiellement. Lorsque la taille d’unepopulation change, comme en cas de picde natalité, ses structures productives etsociales se modifient presque spontané-ment. Il y a plus de monde à nourrir maisplus de forces vives pour produire la nourri-ture ; il y a plus de charges sociales etbesoin de plus d’infrastructures mais plusde travailleurs qui cotisent et de consom-mateurs qui payent la TVA. De nombreuses

études révèlent l’impact positif des migra-tions légales sur toute une série d’indica-teurs économiques4. On peut montrer aussiqu’une plus grande mobilité contribueraitmodestement à réduire l’écart Nord Sud.Déjà aujourd’hui, les migrations financentdavantage le développement des pays pau-vres que tous les programmes de coopéra-tion occidentaux.

Une telle évolution nécessitera égalementdes changements de mentalités et beau-coup de pédagogie afin qu’elle ne crée pastrop de heurts, de tensions, de frustrations,en particulier dans le champ de l’intercultu-ralité. Mais il fait partie des devoirs des gou-vernements et de la société civile de prépa-rer la population, d’accompagner etd’expliquer afin de rendre compréhensibleset légitimes, les évolutions dictées par l’inté-rêt général et le respect de nos principesfondamentaux5. Ici aussi, le mouvementlaïque a un rôle décisif à jouer.

1Voir Jean Ziegler, La haine de l’Occident, éd. Albin Michel,2008.2Voir Bruxelles Laïque Echos, n°60 : “Avaler la pilule de laprohibition ?”, 1er trimestre 2008.3 Il n’est pas vain de rappeler que la liberté d’aller et venir faitpartie intégrante des droits fondamentaux consacrés par laplupart des conventions internationales. Certes ces textesgarantissent le droit de circuler au sein d’un Etat et de quit-ter tout pays, y compris le sien, sans prévoir le droit d’entrerdans un autre Etat. Sur une planète entièrement comparti-mentée et saturée en Etats nationaux, cela pose un pro-blème logique, soulevé par nombre de juristes, auquel ilserait temps de remédier. 4Pour ne citer que la moins suspicieuse, la Banque Mondialeestimait dans son rapport 2006 que la main d’œuvre immi-grée dans l’ensemble des pays industrialisés “a dégagé unrevenu supplémentaire de 160 milliards de dollars, soitdavantage que les gains réalisés grâce à la libéralisation ducommerce et des marchandises” (cité par Carine Fouteau, inClaire Rodier et Emmanuel Terray (éds.), Immigration : fan-tasmes et réalités, éd. La Découverte, Paris, 2008, pp. 35-41).5 Force est de reconnaître et de regretter qu’aujourd’hui nosgouvernements déploient cette action pédagogique pouraccompagner les évolutions dictées par les magnats de lafinance…

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Philosophe, écrivain, enseignant à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, militant de la

gauche, Henri Peña-Ruiz a écrit de nombreux ouvrages – de renommée internationale –

sur laïcité qui est pour lui indissociable de la liberté, de l’égalité et de la solidarité. Nous

lui avons demandé comment il voyait se profiler les enjeux laïques dans le monde de

demain qui sera, ou non, en rupture avec celui d’hier.

*Bruxelles Laïque Echos

Propos recueillis par Alice WILLOX*

Un double défilaïque et social

Entretien avec Henri Peña-Ruiz

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De manière générale, face aux boule-versements et aux transformations dumonde actuel, que devrions-nousabandonner du vieux monde ?

Je suis embarrassé par cette oppositionentre le nouveau monde et le vieuxmonde. Parce que, par exemple, si onconsidère le vieux monde comme celuides régulations sociales de l’économie, ilne faut certes pas l’abandonner. Et si onappelle nouveau monde cette extensionsans limites du modèle ultralibéral d’uncapitalisme décomplexé qui balaye lesacquis sociaux et qui ne pense qu’au ratiodes actions en bourse, je ne suis pas sûrqu’il faille aller à marche forcée vers cenouveau monde. Je suis un peu reticent àopposer le nouveau monde et le vieuxmonde. Il y a dans ce qu’on appelle levieux monde la sédimentation des acquis,des luttes politiques et des luttes sociales.De la Révolution française aux grandesluttes du monde ouvrier aux XIXe et XXe

siècles, voilà un noyau de choses qu’il fautévidemment conserver. De plus, la figureultralibérale du capitalisme est elle-mêmeen train de se remettre en question. Onvoit maintenant sur quoi elle débouche :des désastres écologiques, des régres-sions sociales, de nouvelles figures de lamisère qui côtoient l’opulence la plusinsolente... Donc il faut surtout s’appuyersur ce que Walter Benjamin appelait la“tradition des opprimés” et la “sédimenta-tion des acquis sociaux liés aux luttes pourl’émancipation” pour humaniser le mondequi est en train de naître. Et pour dire queles “eaux glacées du calcul égoïste”, selonla formule de Marx à propos de la mondia-lisation capitaliste, doivent être limitées. Ilfaut essayer de faire en sorte que l’écono-

mie ne soit plus à elle-même sa propre finmais qu’elle soit au service de l’Homme.

A contrario, que devrions-nous renfor-cer pour ce nouveau monde ?

Ce qu’on devrait essayer de renforcer cesont deux types de droits qui sont com-plémentaires. Il y a d’abord les droits juri-diques et politiques. Avec la Révolutionfrançaise, on proclamait l’égalité princi-pielle de tous les êtres humains sans dis-tinction de sexe, de classe sociale, etc.Mais ces droits risquent de demeurer let-tre morte s’ils ne sont pas accompagnésd’une seconde génération de droits, lesdroits sociaux et économiques qui furentconquis par les luttes ouvrières aux XIXe etXXe siècles. Au compte de la premièregénération de droits juridiques et poli-tiques, il y a évidemment la laïcité. C’est-à-dire le fait de traiter toutes les optionsspirituelles à égalité : les divers croyantsd’une part, les athées d’autre part, lesagnostiques ensuite. Reconnaître le prin-cipe de la liberté de conscience qui veutque la religion n’engage que les croyantset que l’athéisme n’engage que lesathées. Croyants et athées ont à vivreensemble dans un monde qui leur assureévidemment la liberté de conscience,mais aussi l’égalité de traitement. Or il n’ya pas égalité de traitement. Par exemple,lorsque l’on voit que la Commission euro-péenne est en train de privilégier les reli-gions, que le Vatican cherche à fairereconnaître un statut de droit public auxreligions … Il y a donc nécessité de lutterpour l’égalité de traitement de toutes lesconvictions spirituelles. Liberté deconscience et égalité sont des valeurs dela laïcité. Pour cela, il ne faut pas que la

souffrance sociale et socioéconomiqueplace des êtres dans des situations qui lespoussent à chercher des compensations,notamment des compensations identi-taires, qui les conduisent à des régres-sions vers des traditions souvent reli-gieuses et parfaitement archaïques. On levoit par exemple à propos du statut de lafemme dans les pays où une figure inté-griste de l’Islam – que je distingue évidem-ment de la figure moderne et tolérante del’Islam – assigne les femmes à résidence.Là, on a un combat à la fois laïque etsocial pour faire en sorte que la dérive denotre monde ne place pas les êtreshumains en situation de régresser. Je vou-drais encore citer Marx qui disait que sou-vent la religion fonctionne comme le “sup-plément d’âme d’un monde sans âme”.Or, si le monde du capitalisme ultralibéralproduit le chômage, la souffrance, lamisère et externalise les coûts sociauxpour pouvoir dégager des profits plus éle-vés, forcément, il va avoir pour accompa-gnement la régression vers des traditionsreligieuses rétrogrades. Il ne me paraît pastout à fait anodin qu’il y ait un couplagedans notre monde entre la figure ultralibé-rale du capitalisme, destructrice des droitssociaux, et la résurgence des fanatismesreligieux. Je crois que ces deux problèmessont liés. Il y a une sorte de complémenta-rité de la question sociale et de la questionlaïque.

Quelles sont vos plus grandes craintespour les décennies à venir concernantla laïcité ?

Mes craintes concernant la laïcité sontliées à l’analyse que je fais de la dérive denotre monde. Si cette figure ultralibérale

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du capitalisme continue à progresser et àimposer sa loi au monde entier, il est àcraindre que le retour au fanatisme reli-gieux accompagne dans l’avenir cettefigure. On le voit aussi avec ce que j’ap-pellerais le nouveau désordre internatio-nal. Une grande puissance, les Etats-Unisd’Amérique, dicte sa loi. Elle prétendimposer un certain nombre de règles auxpays du Proche-Orient mais elle ne prendpas en charge la question palestinienne.Pourtant les Palestiniens sont victimesd’une très grave injustice : ils sont exilésdans leurs propres terres. L’Etat d’Israëln’est pas illégitime, mais la politique del’Etat d’Israël avec la colonisation desterres palestiniennes, elle, est complète-ment scandaleuse et illégitime. Dans cetendroit, il faut sans doute une juxtaposi-tion de deux Etats dans la plénitude deleurs attributions et non pas cet archipelque, par aumône, on veut bien donneraux Palestiniens. Je crois que là il y a ungrand problème, c’est l’injustice du dés-ordre – et non de l’ordre – international.Certaines interventions en faveur de ladémocratie ont lieu de manière trèscontestable, on le voit à propos des pré-tendus printemps arabes. Sous prétextede lutter contre des dictatures, on prépared’autres dictatures théocratiques commeon le voit avec l’expansion du salafismedans les pays qui auraient participé auprintemps arabe. Je ne voudrais pas quele printemps arabe dérive en hiver isla-miste. Là, il y a quelque chose d’extrême-ment grave. Non seulement ce serait unerégression de la laïcité dans le monde,alors qu’elle devrait progresser, mais ceserait une régression dramatique à la foissur le plan social et sociétal. J’ai là devraies inquiétudes.

Comment retrouver un engagementdans le monde incertain dans lequelnous vivons ?

La réponse procède des réponses précé-dentes. Le sens réside dans une ré-huma-nisation de l’économie. Je crois qu’il fautessayer de stopper ce processus qui esttout à fait dramatique. Il faut aussi conti-nuer à affirmer la valeur de la laïcitécomme idéal d’émancipation. Car la laïcitéunit les êtres humains par cela même quiles élève et non pas par ce qui les abaisse.Souvent les religions, en proclamant unesoumission non critique à une puissancetranscendante, unissent les hommes parcela même qui les abaisse dans la sou-mission, dans la peur et dans l’accepta-tion. Là où la laïcité, sans être antireli-gieuse, unit les êtres humains par celamême qui les élève : l’exigence de penserpar soi-même. L’instruction publiquelaïque forme l’autonomie de jugement enchaque être humain, ce qui va lui donnerla liberté. Unir les êtres humains par laliberté de conscience, par l’égalité de trai-tement, sans privilège public de la religionmais non plus sans privilège public del’athéisme. Je crois qu’il y a un double défipour faire advenir un monde plus juste : undéfi laïque et un défi social.

Quels sont vos plus grands espoirs entermes de laïcité ? En observant lemonde, y a t-il des mouvements, desévènements, qui vous donnent espoir ?

Oui. Je le constate dans les pays où isla-mistes et salafistes voudraient fairerégresser le statut de la femme. Par exem-ple en Tunisie où on ne proclame plusl’égalité principielle des sexes. On y dit

que la femme est complémentaire del’homme, ce qui est une ahurissanterégression, pas à l’époque médiévale,mais presque. Or on constate que lorsquedes personnes sont opprimées, passé lepremier temps de stupeur parce qu’ellessont habituées à être dominées, ellesprennent le chemin de la révolte et del’émancipation. Il y a de plus en plus defemmes qui, dans les pays menacés parl’intégrisme religieux, revendiquent leurégalité. La résistance des personnes quisont dominées, c’est pour moi un espoir.On voit aussi là où les ouvriers sont mena-cés par les fermetures d’usine, par cequ’on appelle pudiquement en France les“plans sociaux”. Là, il y a résistance.C’est-à-dire un refus de fataliser le chô-mage dans le moment même où le chô-mage s’assortit de fortunes absolumentdélirantes chez certains. Je ne suis pascontre la richesse ou l’enrichissementmais je suis contre une richesse qui sepaie d’un tel prix social. C’est ça qu’il fautdire au lieu de caricaturer les idéaux pro-gressistes : la richesse n’est pas en soi unscandale mais elle le devient quand elles’assortit d’une pauvreté dont elle est res-ponsable. Il faut résister notamment enpassant par l’éducation populaire. Il fautque les idées progressistes reconquièrentl’hégémonie. Je crois qu’il faut constaterque ces dernières décennies, les idées dejustice, de progrès et d’égalité, ont reflué.L’idéologie capitaliste ultralibérale, ayantla maîtrise de la plupart des moyens del’information et de la déformation, a pro-gressé au point d’avoir imposé son lan-gage et ses problématiques. Face à cela,il y a un vrai défi intellectuel à relever.Prenez l’exemple de l’assistanat. EnFrance, les droits sociaux sont appelés

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assistance. Mais qui assiste qui ? Quandon pense qu’au moment de la crise dessubprimes ce sont les Etats qui ont étéappelés à la rescousse pour recapitaliserles banques qui avaient joué au loto, quia assisté qui ? C’est la puissancepublique, honnie par l’idéologie libérale,

qui est venue à la rescousse des banquesqui avaient spéculé. Et ce sont ces gens-là qui vont nous dire que les droitssociaux, qui permettent d’humaniser larépartition des gains de productivité, sontune assistance et ne sont pas de vraisdroits sociaux ? C’est là qu’il faut se

révolter. Une révolution à la fois éthique etintellec tuelle.

La grand réflex multi besq

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La La(ï)cité critique a réuni de nombreux penseurs et intellectuels degrande qualité. Cet évènement organisé par le CAL a alimenté notreréflexion commune et éclairé les enjeux d’une laïcité ancrée dans les défismultiples de ce 21e siècle. Ces quelques liens (principalement youtu-besques) nous invitent à prolonger les débats entamés le 22 septembre.

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Réflexions suR la laïcitéDans le cadre de “La(ï)cité critique”,Stéphane Hessel, Cynthia Fleury, AlainTouraine, Claude Semal, Wassyla Tamzali,Paco Ibanez, Raphaël Enthoven et HenriPeña-Ruiz nous livrent quelques réflexionssur la laïcité. Merci le CLAV.

http://www.youtube.com/watch?v=nluV9kaeejM

entRetien aVec alain BadiouPhilosophe, écrivain, dramaturge, AlainBadiou initialement prévu à l’atelier sens

et philo de “La(i)cité critique”, a malheu-reusement dû annuler sa participation.Jean Cornil atténue un peu notre tristessegrâce à ce riche entretien. Badiou nous parle ici de l'Amour, du sensde la philosophie, de sa perception del'idée du communisme et de l'apport dePlaton dans notre société.

http://www.youtube.com/watch?v=eHxQ6e_lo3s

stépHane Hessel et edgaRdMoRin : les papys font de la RésistanceA près de 184 ans à eux deux, StéphaneHessel et Edgar Morin marient leur ardeurjuvénile et leurs réflexions autour du retourde l’espoir par l’indignation. StéphaneHessel a toujours reconnu "un frère de

lutte" en Edgar Morin. Ensemble ils expri-ment le danger d’une indignation sansréflexion. L'indignation n'est pas un signede vérité, une indignation est vraie si elleest fondée sur une analyse.15 minutes d’entretien pour vous convain-cre.

http://www.youtube.com/watch?v=09_By7dqaWc

l’HoMMe expliQué aux feMMesIntervenant dans l’atelier sens et philo denotre “La(i)cité critique”, VincentCespedes illustre dans cette interview lecontenu de son livre “L’homme expliquéaux femmes”. Il semblerait que lesfemmes ont eu raison de l'homme,qu'elles ont réussi à en faire un mollassonefféminé en lui volant diaboliquement sesgosses, en lui coupant méthodiquementles “couilles”. Hommes, où en sommes-nous avec nous-mêmes ? Femmes, quecomprenez-vous encore de nous ?Pourquoi avons-nous peur de nous enga-ger dans une relation durable ? Vincenttente de nous répondre.

http://www.youtube.com/watch?v=skzsyoijeyo

le collectif RooseVelt“Nous souhaitons contribuer à la forma-tion d’un puissant mouvement citoyen,

d’une insurrection des consciences qui puisse engendrer une politique à lahauteur des exigences”. Stéphane Hessel,Edgar Morin – Le chemin de l’espérance.Suzanne Georges, Stéphane Hessel,Cynthia Fleury, tous 3 intervenants del’atelier mondialisation de “La(i)cité cri-tique”, font partie du collectif Rooseveltqui réunit plus de soixante intellectuels.Ensemble, ils proposent 15 propositionsde réformes afin de sortir de la crise. Bienqu’immergé dans la réalité socio politiquefrançaise, ces mesures ont clairement uneportée universelle.

http://www.roosevelt2012.fr/

et la laïcité dans tout ça ?Incendie criminel, attaques contre desthéâtres, interventions de la police, viséesélectorales…La laïcité est au cœur d'un champ debataille essentiel de la société française.Ce documentaire plonge dans le vif despolémiques et des combats quedéclenche la laïcité.Si vous avez raté ce reportage diffusé àdes heures tardives sur France 2 en 2012,ce lien vous permettra de rattraper lecoup…

http://www.youtube.com/watch?v=ydehcyplt1w

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Carlo CALDARINIAnne DEGOUISJean-Antoine DE MUYLDERIsabelle EMMERYBernadette FEIJTAriane HASSIDMonique LOUISChristine MIRONCZYKMichel PETTIAUXThierry PLASCHJohannes ROBYNAnne-Françoise TACKCédric VANDERVORSTMyriam VERMEULEN

Fabrice VAN REYMENANT

Juliette BÉGHINMathieu BIETLOTMario FRISOPaola HIDALGOSophie LEONARDAlexis MARTINETAbabacar N’DAWCedric TOLLEYAlice WILLOX

Conseild’Administration

Direction

Comitéde rédaction

gRapHisMeCédric BENTZ & Jérôme BAUDET

editeuR ResponsaBleAriane HASSID

18-20 Av. de Stalingrad - 1000 BruxellesaBonneMents

La revue est envoyée gratuitement aux membres de Bruxelles Laïque. Bruxelles Laïque vous propose une formule d’abonnement de soutien pour unmontant minimum de 7€ par an à verser au compte : 068-2258764-49.

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