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l'équilibre entre la sécurité des prisons et la dignité des détenus le Médiateur fédéral FOUILLES À NU

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/le Médiateur fédéral

Enquête / 04

FOUILLES À NUL’EQUILIBRE ENTRE LA SÉCURITÉ DES PRISONS

ET LA DIGNITÉ DES DÉTENUS

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le Médiateur fédéralÉditeurs responsables : C. De Bruecker et G. HermanConception graphique, mise en page et impression : Imprimerie centrale de la Chambre des représentantsLa reproduction, en tout ou en partie, à des fins éducatives et non commerciales est encouragée avec mention de la sourceLe rapport provisoire a été envoyé à l’administration le 29 août 2019. Elle est disponible sur www.mediateurfederal.be. Une version papier peut être demandée à [email protected] ou au 02 289 27 27.Deze publicatie bestaat ook in het Nederlands onder de titel: “Naaktfouilleringen – Het evenwicht tussen de veiligheid in gevangenissen en de waardigheid van de gevangenen”Dépôt légal : D/2019/13.380/1

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SOMMAIRE

Avant-propos.................................................................................................................................7

1. Cadre de l’enquête ................................................................................................................91.1. Contexte ............................................................................................................................10

1.1.1. Cadre légal ..........................................................................................................111.1.2. Organisation pénitentiaire ..........................................................................18

1.2. Portée de l’enquête ................................................................................................241.2.1. Questions d’enquête ......................................................................................251.2.2. Indicateurs d’enquête ....................................................................................25

1.3. Méthode d’enquête ............................................................................ 361.3.1. Enquête électronique préliminaire ...........................................................371.3.2. Entretiens exploratoires ................................................................................38 1.3.3. Enquêtes de terrain ........................................................................................381.3.4. Caractère contradictoire ................................................................................. 41

2. Constats et analyse............................................................................................................432.1. Décisions de fouille à nu ................................................................... 44

2.1.1. Autorisation hiérarchique ............................................................................452.1.2. Autorisation préalable et notification ....................................................572.1.3. Nécessité et proportionnalité ..................................................................... 612.1.4. Motivation des décisions .............................................................................80

2.2. Déroulement des fouilles à nu ......................................................... 882.2.1. Lieu adapté.........................................................................................................892.2.2. Présence du personnel de surveillance ..................................................942.2.3. Attitude du personnel de surveillance ..................................................1002.2.4. Usage de la contrainte ................................................................................103 2.2.5. Connaissance des instructions et application des méthodes ..... 1102.2.6. Détenus vulnérables .................................................................................... 127

3. Conclusions .........................................................................................................................131

4. Synthèse des recommandations ..............................................................................137

Annexes ......................................................................................................................................143

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Avant-proposLe Médiateur fédéral veille aux droits des personnes dans leurs relations avec les autorités publiques et enquête sur tout dysfonctionnement des services publics fédéraux porté à sa connaissance par la voie de plaintes. Par ses enquêtes, le Médiateur fédéral travaille avec les autorités au ren-forcement d’une administration responsable, intègre et équitable.

Comme tout autre service public, l’administration pénitentiaire doit assu-rer ses missions, dans le respect de la réglementation et des normes géné-rales de bonne administration.

La Direction générale des Établissements pénitentiaires (DG EPI) est char-gée de l’exécution des peines et des mesures privatives de liberté. La com-plexité de sa tâche réside dans le fait qu’elle doit assurer la protection et la dignité des personnes placées sous sa garde car elles sont entièrement tributaires de l’administration pendant leur privation de liberté.

En même temps, elle doit veiller à la sécurité de l’ensemble des acteurs en prison : détenus, personnel pénitentiaire, visiteurs et intervenants externes. Dans ce cadre, les mesures de contrôle constituent un outil important de lutte contre l’introduction d’objets dangereux et l’exercice de trafics en tout genre au sein d’un milieu fermé.

La fouille à nu d’un détenu, contrairement à d’autres mesures de contrôle telles que la fouille d’une cellule ou celle des vêtements, est une mesure beaucoup plus radicale, comportant en soi une atteinte à la dignité. La législation sur le sujet prouve que le législateur aussi en est conscient. La fouille à nu ne peut donc être pratiquée de façon routinière et elle ne peut se justifier qu’en dernier recours lorsque d’autres mesures sont insuffisantes et qu’il existe des indices particuliers que le détenu est en possession de substances ou d’objets interdits ou dangereux.

Les plaintes reçues en 2015 et 2016 de la part de détenus, de membres de leur famille, mais aussi de diverses Commissions de surveillance, ont révélé que la fouille à nu des détenus engendrait de nombreuses tensions au sein des prisons et que les pratiques étaient très variables d’un établissement à l’autre.

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Comment concilier l’objectif légitime de sécurité avec la nécessaire pré-servation de la dignité de la personne, principe fondateur de toute société démocratique ?

Des normes supranationales encadrent ce débat et imposent aux États et à leurs administrations certains principes généraux, certaines limites à leur action. L’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme sti-pule que « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traite-ments inhumains ou dégradants ».

Concernant les fouilles à nu, la Cour européenne des droits de l’homme rappelle de façon constante qu’elles doivent être menées selon des modali-tés adéquates, de manière à ce que le degré de souffrance ou d’humiliation subi par les détenus ne dépasse pas celui que comporte inévitablement cette mesure de contrôle légitime. A défaut, elles enfreignent l’article 3 de la Convention.

A partir des signaux issus des plaintes introduites par les détenus, leur entourage et les Commissions de surveillance, le Médiateur fédéral a enquêté sur la manière dont les établissements pénitentiaires réalisent les fouilles à nu et dans quelle mesure ces pratiques concilient adéquatement l’équilibre entre les impératifs de sécurité de la prison et la protection de la dignité des détenus.

Ce rapport d’enquête illustre les pratiques constatées au cours de l’en-quête, les confronte au cadre réglementaire ainsi qu’aux moyens matériels et humains dont dispose l’administration pénitentiaire pour exécuter sa mission et il essaye d’identifier les freins présents dans la culture de l’or-ganisation qui empêchent une exécution des fouilles juste et équitable.

Le Médiateur fédéral espère que les conclusions de son rapport d’enquête et les recommandations qu’il formule nourriront le débat public, éclaire-ront les décideurs et aideront la DG EPI à concrétiser mieux encore son ambition de respecter strictement la légalité, garantir la protection de la société, du personnel et des détenus, tout en étant attentive à la dignité humaine et axée sur la réparation.

Catherine De BrueckerGuido Herman

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1. cadre de l’enquête

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1.1. CONTEXTE

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1.1.1. CADRE LÉGAL

La fouille à nu est une mesure de contrôle établie de longue date, mais sa définition et ses modalités n’ont été encadrées légalement qu’à partir de 2005, à l’issue des travaux de la commission Dupont1. Depuis lors, le cadre législatif et réglementaire a fait l’objet de modifications et de mises à jour régulières.

1.1.1.1. Définition de la fouille à nu

Entrée vigueur en janvier 2007, la loi de principes du 12 janvier 20052 pré-voit deux méthodes de fouille des détenus3 :

- la « fouille des vêtements », inscrite à l’article 108, § 1er, qui a pour objectif de « vérifier si le détenu est en possession de substances ou d’objets interdits ou dangereux » ;

- la « fouille à corps » ou fouille à nu4, prévue par l’article 108, § 2, qui « permet d’obliger le détenu à se déshabiller afin d’inspecter de l’exté-rieur le corps et les ouvertures et cavités du corps ».

Avec le terme « permet », la loi de principes rappelle expressément qu’il faut une habilitation légale pour pouvoir contraindre une personne à se déshabiller et l’observer sans son consentement. Une telle habilitation est donc de stricte interprétation. Seule une fouille à nu qui répond aux condi-tions strictes de la loi autorise un membre du personnel de surveillance à contraindre le détenu à se déshabiller sous son regard, la simple fouille des vêtements ne l’autorise pas.

Tant la lettre que l’esprit de la loi de principes ont amené le Médiateur fédéral à qualifier de fouille à nu toute pratique constatée au cours de l’enquête par laquelle le personnel de surveillance inspecte visuellement le détenu déshabillé. La mise à nu (partielle ou totale) et l’inspection visuelle

1 Du nom du professeur Lieven Dupont qui présida les travaux de la commission chargée, en 1996, par le ministre de la Justice de l’époque de préparer un « avant-projet de loi établissant les principes relatifs à l’administration pénitentiaire et à l’exécution de sanctions privatives de liberté ».

2 Loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l’administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus.

3 Par souci de lisibilité, le masculin est utilisé comme genre neutre. Dans les termes comme « détenus » et « agents » par exemple, il désigne des personnes indépendamment de leur genre.

4 Pour la clarté du propos, le Médiateur fédéral préfère utiliser, dans la suite du rapport, le terme de « fouille à nu » qui distingue clairement cette mesure des autres fouilles où le détenu n’est pas dénudé.

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du corps (quelle que soit son intensité) constituent les deux critères cumu-latifs de la fouille à nu retenus pour les besoins de l’enquête.

Quel que soit le nom donné et la méthode utilisée, les détenus eux-mêmes qualifient généralement de fouille à nu toute procédure qui les contraints à se déshabiller entièrement devant un(des) membre(s) du personnel de surveillance.

1.1.1.2. Evolution de la réglementation

Jusqu’en 2002, la fouille à nu s’effectuait sans autre base qu’un arrêté royal qui se limitait à exiger pour toute fouille autre que « la fouille super-ficielle des vêtements » qu’elle soit effectuée « par un membre du person-nel de même sexe que la personne fouillée »5. Aucune autre base légale ou instrument juridique ne précisait, à l’époque, la procédure ni ses modalités concrètes.

En 2002, le ministre de la Justice encadrait la fouille à nu des détenus par la circulaire n° 1749 qui distinguait clairement trois types de fouille : « la fouille sommaire, la fouille approfondie et la fouille complète »6. Elle décrivait précisément la méthode de la fouille complète qui est une fouille à nu :« Les vêtements ôtés font l’objet d’un contrôle approfondi (…)

- Les prothèses sont vérifiées mais elles sont laissées en possession du détenu. Si nécessaire, l’aide d’un membre du personnel soignant sera demandée (p. ex. si le détenu porte un bandage).

- L’agent pénitentiaire effectue ensuite un contrôle visuel du corps du détenu. Ce contrôle inclut la vérification sommaire de la cavité buc-cale. Si le détenu porte les cheveux attachés, il lui est demandé de les détacher. La plante des pieds, les aisselles et les doigts sont contrôlés et le détenu est prié de faire un tour complet sur lui-même. L’agent pénitentiaire demande au détenu de fléchir plusieurs fois les genoux.

- Au terme de la fouille, le détenu est autorisé à se rhabiller. Il sera toute-fois prévu qu’il change de vêtements. »

5 Article 5ter de l’arrêté royal du 21 mai 1965 portant règlement général des établissements pénitentiaires. 6 Cir. min. n° 1749 du 17 septembre 2002, Sécurité - mesures de contrôle - fouille.

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Cette méthode de fouille est encore très présente dans la pratique pénitentiaire7.

Par ailleurs, dans certaines circonstances, la circulaire n° 1749 permet d’effectuer cette fouille de manière systématique : avant d’entrer en pri-son, avant et après une visite à table, avant et après avoir occupé un poste de travail, avant le placement en cellule d’isolement, avant un transfert...

En 2005, la loi de principes octroyait une base légale à la fouille à nu8, mais la ramenait à une mesure de dernier recours, c’est-à-dire qu’elle ne pou-vait dorénavant être ordonnée que « si la fouille des vêtements est insuf-fisante en raison de circonstances particulières ou de suspicions »9. Avec cette disposition légale, la fouille à nu ne pouvait donc plus être imposée de manière systématique dans certaines circonstances données, comme c’était le cas auparavant.

En prévision de l’entrée en vigueur le 15 janvier 2007 du titre VI de la loi de principes, une nouvelle circulaire ministérielle fut adoptée. La circu-laire n° 179210 ne distinguait plus que deux types de fouille : la fouille des vêtements et la fouille à nu (appelée dans la loi « fouille à corps »). Elle précisait que :

- « La fouille à corps sera décidée par le directeur, par une décision indi-viduelle motivée, dans les cas où le directeur estimera qu’il existe des indices individuels, propres au détenu donné, que la fouille des vête-ments ne suffit pas. »

7 Voy. le point 2.2.5. Connaissance des instructions et application des méthodes.8 Article 108 de la loi de principes (première version) : « § 1. Lorsque cela est nécessaire dans l’intérêt du maintien de l’ordre ou de la sécurité, le détenu peut subir une

fouille de ses vêtements par les membres du personnel de surveillance mandatés à cet effet par le directeur, conformément aux directives données par celui-ci.

Cette fouille a pour objectif de vérifier si le détenu est en possession de substances ou d’objets interdits ou dangereux.

§ 2. Si des indices individuels laissent supposer que la fouille des vêtements du détenu ne suffit pas à atteindre l’objectif décrit au § 1er, al. 2, le directeur peut, par une décision particulière, ordonner une fouille à corps, si nécessaire avec déshabillage et inspection des orifices et cavités du corps.

La fouille à corps ne peut avoir lieu que dans un espace fermé, en l’absence d’autres détenus, et doit être effectuée par au moins deux membres du personnel du même sexe que le détenu, mandatés à cet effet par le directeur.

§ 3. La fouille des vêtements et la fouille à corps ne peuvent avoir un caractère vexatoire et doivent se dérouler dans le respect de la dignité du détenu. (…) »

9 Rapport final de la commission « loi de principes concernant l’administration pénitentiaire et le statut juridique des détenus », fait au nom de la commission de la Justice, Doc. parl., Chambre, 2000-2001, 2 février 2001, n° 1076/001, p. 179.

10 Cir. min. n° 1792 du 11 janvier 2007, Loi de principes - Titre VI : de l’ordre, de la sécurité et du recours à la coercition. Cette circulaire ministérielle est toujours en vigueur.

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- « La fouille à corps peut impliquer que le détenu se déshabille et que les orifices et cavités de son corps fassent l’objet d’un examen externe excluant toute forme de contact. Toute intromission, quelle qu’elle soit, dans les orifices et cavités corporelles du détenu est à fortiori exclue. La fouille à corps doit avoir lieu dans un espace fermé (par souci de discré-tion), par deux membres du personnel de surveillance du même sexe que le détenu. »

Quelques semaines plus tard, la Direction générale des Etablissements pénitentiaires (DG EPI) communiquait aux établissements pénitentiaires, via la lettre collective n° 86, ses nouvelles instructions en la matière11. Elle ne retenait pas deux types de fouille, mais quatre : la fouille sommaire des vêtements, la fouille approfondie des vêtements, la fouille complète des vêtements et la fouille à nu. Pour la fouille complète des vêtements et la fouille à nu, le détenu devait se déshabiller entièrement.

Selon les nouvelles instructions, la fouille à nu était décidée « en fonction d’un comportement spécifique du détenu, dûment précisé. » Elles autori-saient par ailleurs, en contradiction avec les prescriptions de la circulaire ministérielle et en violation manifeste de la loi de principes, la fouille à nu systématique dans certaines circonstances : lors d’une visite dans l’in-timité, au retour d’un congé ou d’une permission de sortie, lors de l’écrou du détenu... La DG EPI fournissait un modèle de décision de fouille à nu comprenant notamment une liste de circonstances à cocher. En pratique, les fouilles à nu restaient systématiques dans les circonstances visées12.

Ces instructions apportaient cependant une modification importante dans la méthode de fouille : le tour complet à 360° et les génuflexions n’étaient plus systématiques. Ces techniques devaient faire l’objet d’une motivation individuelle.

11 Lettre collective n° 86 du 19 février 2007, la fouille des vêtements - la fouille au corps - la fouille de l’espace de séjour.

12 Cette pratique a été condamnée par le tribunal de première instance de Leuven. Civ. Leuven (réf.), 16 juillet 2007, R.G. 07/180/C, inédit.

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Plus tard, la loi du 1er juillet 2013 modifiait l’article 108 de la loi de principes13 en vue, d’une part, de permettre de communiquer au détenu la décision du directeur après que la fouille avait eu lieu et, d’autre part, d’autoriser des fouilles à nu systématiques dans les circonstances où « le détenu a été en contact avec des personnes qui ne peuvent pas être assimilées à du person-nel pénitentiaire sans avoir à démontrer un risque spécifique et individuel pour l’ordre et la sécurité »14. Les fouilles à nu systématiques, sans décision du directeur, étaient autorisées dans trois cas particuliers. Dans les autres cas où une décision était requise, le directeur pouvait communiquer sa décision dans les 24 heures qui suivaient l’exécution de la fouille à nu.

La même année, de nouvelles instructions étaient envoyées aux établisse-ments pénitentiaires via la lettre collective n° 12515. Elles prévoyaient un formulaire de décision pour les fouilles à nu qui nécessitaient une moti-vation et réintègraient, dans la procédure standard de fouille à nu, le tour complet à 360° et les génuflexions.

Le 30 octobre 2013, la Cour constitutionnelle suspendait l’article 108, § 2, al. 1er, de la loi de principes modifié par la loi du 1er juillet 201316. Dès le lendemain, la DG EPI signalait à toutes les directions d’établissement que « la Cour est d’avis que la fouille [à nu] systématique (…) va plus loin que ce qui est strictement nécessaire pour assurer l’ordre et la sécurité ». En conséquence, la fouille à nu ne pouvait avoir lieu « qu’après une décision individuelle motivée du directeur qui doit être signifiée par écrit au détenu dans les 24 heures qui suivent la fouille. »

13 Par application de l’article 5 de la loi du 1er

juillet 2013 modifiant la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l’administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus, l’art. 108, § 2, de la loi de principes est le suivant :

« Tous les détenus sont fouillés au corps : - à leur entrée dans la prison; - préalablement au placement dans une cellule sécurisée ou à l’enfermement dans une cellule de punition; - conformément aux directives en vigueur dans la prison, après la visite avec des personnes mentionnées à

l’article 59 lorsqu’elle n’a pas eu lieu dans un local pourvu d’une paroi transparente qui sépare les visiteurs des détenus.

Le détenu est fouillé au corps quand le directeur estime qu’il y a des indices individualisés que la fouille des vêtements ne suffit pas à atteindre le but décrit au § 1er, al. 2. Le directeur remet sa décision par écrit au détenu au plus tard vingt-quatre heures après que la fouille a eu lieu.

La fouille au corps permet d’obliger le détenu à se déshabiller afin d’inspecter de l’extérieur le corps et les ouvertures et cavités du corps.]

La fouille à corps ne peut avoir lieu que dans un espace fermé, en l’absence d’autres détenus, et doit être effectuée par au moins deux membres du personnel du même sexe que le détenu, mandatés à cet effet par le directeur. »

14 Doc. parl., Chambre, 2012-2013, n° 2744/004, p. 23.15 Lettre collective n° 125 du 6 septembre 2013, Fouille des vêtements - fouille au corps - fouille de l’espace de

séjour.16 Cour const., 30 octobre 2013, arrêt n° 143/2013.

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À la suite de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 29 janvier 201417 qui annulait l’article 108, § 2, al. 1er, l’administration diffusait de nouvelles ins-tructions via la lettre collective n° 12618. Ces instructions confirmaient que « la fouille [à nu] est possible lorsqu’il existe des indices individualisés que la fouille des vêtements n’est pas suffisante pour le maintien de l’ordre et de la sécurité », mais introduisaient une règle inédite : la décision de fouille, individuelle et motivée, pouvait avoir un caractère unique ou récurrent. Deux formulaires de fouille traduisaient cette nouvelle règle :- la décision de fouille à nu à caractère unique était notifiée au détenu dans les 24 heures suivant l’exécution de la fouille ; - la décision de fouille à nu à caractère récurrent prévoyait une période pendant laquelle le détenu pourrait être systématiquement fouillé aux moments indiqués. Elle était notifiée au détenu avant la première fouille à nu.

En ce qui concerne les techniques, les génuflexions étaient à nouveau proscrites, sans exception, par la DG EPI qui entendait ainsi mieux préser-ver la dignité du détenu.

Fin 2016, l’article 108, § 2, de la loi de principes était, une fois de plus, modifié. Suivant la loi du 25 décembre 201619, les membres du personnel de surveillance qui exécutent les fouilles à nu ne devaient plus être « man-datés à cet effet par le directeur ».

La lettre collective n° 14120 du 30 janvier 2017 mettait fin aux décisions de fouille à nu à caractère récurrent et modifiait le modèle de décision afin de répondre aux critiques du Conseil d’Etat concernant le caractère systématique des fouilles et la preuve que la décision avait bien été prise avant la fouille21.

Le tableau suivant résume l’évolution des prescriptions légales et instruc-tions administratives concernant la fouille à nu.

17 Cour const., 29 janvier 2014, arrêt n° 20/2014.18 Lettre collective n° 126 du 30 janvier 2014, Fouille des vêtements - fouille au corps - fouille de l’espace de

séjour. L’enquête a été menée pendant que la lettre collective n° 126 était d’application. 19 Loi modifiant le statut juridique des détenus et la surveillance des prisons et portant des dispositions diverses

en matière de justice.20 Lettre collective n° 141 du 30 janvier 2017, Fouille des vêtements - fouille au corps - fouille de l’espace de

séjour.21 Voy. le point 1.2. Portée de l’enquête.

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1.1.2. Organisation pénitentiaire

La fouille à nu fait partie d’un panel plus vaste de mesures de contrôle auxquelles les établissements pénitentiaires font appel, et ce de manière variable en fonction de leurs réalités parfois très différentes.23

Par ailleurs, au sein d’un même établissement, la fouille à nu peut, selon les circonstances, être effectuée à différents endroits par différentes personnes.

1.1.2.1. Administration pénitentiaire

Les 35 établissements pénitentiaires24 font partie de la Direction générale des Etablissements pénitentiaires (DG EPI) du SPF Justice qui comprend également une administration centrale. Les prisons assurent l’exécution quotidienne des peines et des mesures privatives de liberté tandis que l’administration centrale est principalement chargée du contrôle et de l’accompagnement des dossiers individuels des détenus et de la gestion du personnel pénitentiaire. Les trois directions régionales (Nord, Centre et Sud) ont un rôle d’interface entre ces deux pôles et sont chargées du soutien à la politique de la Direction générale et de la coordination des initiatives menées par les établissements, afin de garantir une politique de détention uniforme et une application correcte de la réglementation.

Les différentes composantes de la DG EPI sont reprises dans l’organi-gramme suivant. Le service Soins de Santé en Prison fait partie de la Direc-tion Mission clefs.

23 Voy. notamment le point 2.1.3. Nécessité et proportionnalité, 2.1.3.1.4. Evaluation individualisée du risque, b) pratiques observées par établissement.

24 En juin 2016, la DG EPI a décidé de regrouper les établissements de Saint-Gilles, de Forest et de Berkendael en une seule entité appelée « prison bruxelloise ». Pendant l’enquête de terrain, cette réorganisation n’était pas encore aboutie.

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Organigramme de la Direction générale des Etablissements péniten-tiaires (DG EPI)

Source : SPF Justice, 2019

1.1.2.2. Types de prisons

Les établissements pénitentiaires connaissent des réalités très diffé-rentes. On peut les distinguer en fonction du public qu’ils sont destinés à accueillir, de leur régime, de leur infrastructure... Le type de la prison aura une influence sur le recours aux mesures de contrôle et mécanismes de prévention.

Toutes les prisons n’ont pas été construites à la même époque. Parmi les prisons visitées celles d’Arlon, de Marneffe, de Saint-Gilles et de Tournai datent de la fin du 19e siècle ou du début du 20e siècle. Lantin et Bruges datent de la fin du 20e siècle. Marche-en-Famenne, et Beveren, quant à elles, figurent parmi les prisons les plus récentes. La configuration des

Directeur-général

Directionrégionale NORD

PMO PMO

DOGV

Etablissements pénitentiaires Etablissements pénitentiaires Etablissements pénitentiaires

SABS

Directionrégionale CENTRE

Directionrégionale SUD

Porte-parole

Direction ICT

Corps de sécurité

Service gestionopérationelle

Service Soutienau management

Centrale interne et gestion des risques

Gestionde la détention

Gestionde la détention

Service Soutienau management

Règle du travailpénitentiaire

Centrale interne et gestion des risques

Service appel

Direction Budget, gestion et logistique

Direction Soutien au management

Direction Soutien juridique

Direction Missions clefs

Direction Coordination bâtiments, logistique sécurité et développement durable

Direction Coordination stratégique

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bâtiments, l’architecture, les installations mais aussi l’emplacement géo-graphique jouent un rôle dans la sécurité et la perception du risque par le personnel de surveillance25.

Certains établissements pénitentiaires sont des maisons d’arrêt, destinées aux prévenus en attente de leur procès ; d’autres sont des maisons de peine réservées aux personnes condamnées. En réalité, la plupart des pri-sons hébergent tant des prévenus que des condamnés, mais dans des pro-portions sensiblement différentes. Par ailleurs, la taille de l’établissement et le taux de surpopulation varient fortement d’une prison à l’autre.

Il existe trois types de régime de détention : fermé, semi-ouvert, ouvert. La prison de Saint-Gilles applique un régime fermé, c’est-à-dire que les cel-lules des détenus restent closes en journée, sauf pour la promenade ou cer-taines activités. A Marneffe ou Ruiselede, par contre, les détenus peuvent circuler plus ou moins librement dans l’établissement dont le régime est ouvert. Une même prison peut connaître différents régimes de détention en son sein selon l’aile ou la section.

La difficulté pour chaque établissement réside dans la recherche du juste équilibre entre les mesures de contrôle et les mesures de prévention et de détection afin d’assurer la sécurité des personnes (personnel de sur-veillance, détenus, visiteurs...) et de réduire au minimum le niveau de risque inhérent à tout système carcéral, en tenant compte des contraintes, qu’elles soient légales, budgétaires ou pratiques.

L’interdiction des fouilles à nu systématiques illustre bien cet enjeu. Elle impose à l’établissement pénitentiaire de trouver l’équilibre entre la recherche d’une sécurité et d’un ordre absolus (« risque zéro ») et le respect de la dignité humaine. La limitation des budgets affectés à la sécurisa-tion d’un établissement, le manque d’effectifs et le taux de surpopulation peuvent fortement restreindre les possibilités, et donc les choix, en matière de sécurité.

25 Certaines prisons sont exposées, par leur emplacement, à un risque accru de jets d’objets dans l’enceinte de la prison (par exemple, Tournai).

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1.1.2.3. Personnel pénitentiaire

Les établissements pénitentiaires sont des organisations pyramidales for-tement hiérarchisées où travaillent différentes catégories de membres du personnel.

• Personnel de surveillance

Le personnel de surveillance, affecté principalement au maintien de l’ordre et à la garde des détenus, est réparti selon les fonctions suivantes :

- l’agent de surveillance est en contact direct et permanent avec les détenus. Il est chargé de la surveillance et du contrôle des détenus, de la distribution des repas, de l’encadrement des détenus lors des mouvements et des activités au sein de la prison.

- Le chef de quartier assure la coordination des agents de surveillance sous sa responsabilité au sein d’une section ou d’un quartier de la prison et leur sert de référent. Le chef de quartier assiste directement les agents de surveillance dans leur travail, il est aussi le relais vers les assistants pénitentiaires.

- l’assistant pénitentiaire assure le bon déroulement des opérations de surveillance dans la prison et est le relais direct entre le personnel de surveillance et les membres de la direction ou des services adminis-tratifs de la prison.

• Personnel administratif et technique

Ces agents assurent, au niveau local, la gestion des dossiers des détenus (notamment le greffe) et toutes les fonctions de soutien au sein de la prison.

• Personnel médical, psychosocial et paramédical

Il s’agit des médecins, infirmiers, pharmaciens, psychologues, assistants sociaux, éducateurs… qui assurent, pour certains les soins de santé aux détenus et pour d’autres les tâches d’expertise et d’évaluation26.

26 Vu la difficulté de recruter ce type de personnel sous le régime du secteur public, une partie des ces fonctions est assurée par des prestataires externes engagés sous contrat de services.

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• Direction

La gestion quotidienne de l’établissement est assurée par un directeur principal, secondé d’un ou plusieurs autres directeurs selon la taille de l’établissement. Ils ont également en charge la sécurité et la discipline au sein de la prison.

1.1.2.4. Mesures de contrôle

La fouille à nu vise à empêcher l’introduction ou la circulation d’objets ou de substances interdites dans l’établissement. Elle fait partie d’un ensemble de mesures de contrôle et de mécanismes de prévention ou de détection qui ont pour objectif d’assurer la sécurité de l’établissement pénitentiaire. Seule la combinaison de ces mesures et mécanismes permet d’atteindre ce but.

Les mesures de contrôle sont : - la fouille de la cellule,- la fouille des vêtements,- la fouille à nu.

Les mécanismes de prévention et de détection sont notamment : - l’infrastructure matérielle comme l’architecture (configuration des

lieux, hauteur des murs d’enceinte...), les filets au-dessus des cours intérieures, portes et portails...

- les détecteurs (de mouvement) périmétriques,- le réseau de caméras de surveillance,- les détecteurs de métaux,- les brouilleurs ou détecteurs d’ondes (« sweeping »27).

Si nécessaire, la direction peut faire appel à d’autres mesures ponctuelles telles qu’une brigade canine de la police pour vérifier la présence éven-tuelle de drogue.

27 Appareil permettant de détecter la présence d’un téléphone portable.

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1.1.2.5. Circonstances de fouille à nu

Différentes circonstances dans lesquelles se trouve un détenu au sein d’un établissement pénitentiaire peuvent conduire à ce qu’il soit fouillé à nu. Dans son ancienne version, l’article 108, § 2, de la loi de principes, tel que modifié par la loi du 1er juillet 2013, avant d’être partiellement suspendu28 puis annulé, indiquait expressément certaines circonstances pouvant don-ner lieu à une fouille à nu :

- lors de l’entrée de la personne en prison, ce qui recouvre plusieurs cas de figures : o la personne se présente à la prison avec un billet d’écrou29,o le détenu est amené sous escorte, c’est-à-dire par la police, par

exemple sur la base d’un mandat d’arrêt délivré par un juge d’ins-truction, ou par le corps de sécurité du SPF Justice (en charge notamment des transferts entre prisons),

o le détenu revient d’une permission de sortie ou d’un congé péniten-tiaire ou à la suite d’un régime de détention limitée,

- lors du placement du détenu au cachot à la suite d’un incident ou d’un comportement dangereux,

- après une visite, ce qui recouvre deux cas de figure : o une visite à table dans un local commun équipé de caméras et en

présence du personnel de surveillance, o une visite hors surveillance dans un espace privé où le détenu et son

visiteur (partenaire et/ou famille) peuvent se voir en toute intimité.

A côté de ces trois circonstances (entrée dans la prison, placement au cachot et retour de visite), le retour d’un poste de travail est également considéré comme une circonstance présentant un risque accru pour la sécurité et l’ordre. Le détenu affecté à un poste de travail peut avoir été en contact avec l’extérieur (salle des visites, jardinage...) ou avoir eu accès à du matériel interdit dans le reste de l’établissement (atelier, buanderie, cuisine...). Le retour d’un poste de travail à risque mène donc également à des fouilles à nu.

28 Cette disposition a en partie été suspendue par un arrêt de la Cour constitutionnelle. La Cour estimait qu’une fouille à nu décidée au seul motif que le détenu se trouve dans une des circonstances visées va au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour assurer la sécurité. Voy. à ce propos les points 1.1.1. Cadre légal et 2.1.3. Nécessité et proportionnalité.

29 Courrier du parquet mentionnant la date à laquelle la personne doit se présenter à la prison.

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1.2. PORTÉE DE L’ENQUÊTE

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1.2.1. Questions d’enquête

L’enquête du Médiateur fédéral visait à répondre à la question centrale suivante : la fouille à nu dans les prisons belges limite-t-elle l’atteinte à la dignité des détenus à ce qui est strictement nécessaire pour assurer la sécurité ?

Par conséquent, l’enquête a cherché à répondre à ces deux questions principales : - les décisions de fouiller les détenus à nu respectent-elles les prescriptions légales ?- les fouilles à nu proprement dites sont-elles effectuées par un personnel compétent et dans des conditions appropriées ?

1.2.2. Indicateurs d’enquête

Le Médiateur fédéral a examiné chacune des deux questions principales à l’aune de différents indicateurs qui jouent le rôle de critères d’évaluation.

Ces indicateurs ont été développés sur la base de la réglementation en vigueur concernant la fouille à nu et principalement la loi de principes de 200530, affinés par les enseignements issus des travaux parlementaires, de la jurisprudence des cours et tribunaux tels que la Cour constitutionnelle et le Conseil d’Etat, et complétés par les normes de bonne conduite admi-nistrative31 utilisées par le Médiateur fédéral pour évaluer les plaintes.

Les indicateurs se fondent également sur les règles et les principes issus du droit international : la Convention européenne des droits de l’homme et son interprétation par les cours et tribunaux, les règles Mandela32 ainsi que les règles pénitentiaires européennes33.

30 Loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l’administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus.

31 Voy. annexe 3.32 Assemblée générale des Nations Unies, Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des

détenus (Règles Mandela) – Note du Secrétariat, A/C.3/70/L.3, 29 septembre 2015, accessible à http://undocs.org/fr/A/C.3/70/L.3.

33 Conseil de l’Europe, Recommandation Rec(2006)2 du Comité des ministres aux Etats membres sur les règles pénitentiaires européennes (adoptée par le Comité des ministres le 11 janvier 2006, lors de la 952

e réunion

des Délégués des ministres).

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1.2.2.1. Les décisions de fouiller les détenus à nu respectent-elles les prescriptions légales ?

Selon l’article 108, § 1, de la loi de principes, la fouille à nu doit se limiter à vérifier que le détenu ne soit pas en possession de substances ou d’ob-jets interdits ou dangereux. L’objectif poursuivi est d’assurer la sécurité de l’établissement pénitentiaire.

Pour pouvoir effectuer une fouille à nu, plusieurs conditions doivent être réunies. Elles sont reprises à l’article 108, § 2,34 et développées au travers des indicateurs ci-après.

• Autorisation hiérarchique

La première condition requiert qu’une décision de fouille à nu soit prise par le directeur35 de l’établissement pénitentiaire du détenu concerné. Ce n’est donc ni l’agent qui a observé la situation à risques, ni l’agent chargé d’effectuer la fouille qui peut prendre seul la décision. Le législateur a prévu cette autorisation hiérarchique afin d’éviter que cette mesure, par définition attentatoire à la dignité, puisse être prise de manière arbitraire et vexatoire.

Le Conseil d’Etat a été amené à se prononcer sur la question de l’auto-risation hiérarchique. À plusieurs reprises, il a annulé des sanctions dis-ciplinaires prises à l’encontre de détenus après une fouille, au motif que l’administration pénitentiaire n’a pas pu démontrer que le directeur avait autorisé la fouille à nu36.

L’enquête a cherché à établir si la décision de fouille est bien prise par l’au-torité hiérarchique appropriée et, le cas échéant, de quelle manière cette autorisation est donnée.

34 Article 108, § 2, de la loi de principes : « Le détenu est fouillé au corps quand le directeur estime qu’il y a des indices individualisés que la fouille des

vêtements ne suffit pas à [vérifier que le détenu ne soit pas en possession de substances ou d’objets interdits ou dangereux]. Le directeur remet sa décision par écrit au détenu au plus tard vingt-quatre heures après que la fouille a eu lieu. La fouille au corps permet d’obliger le détenu à se déshabiller afin d’inspecter de l’extérieur le corps et les ouvertures et cavités du corps. La fouille à corps ne peut avoir lieu que dans un espace fermé, en l’absence d’autres détenus, et doit être effectuée par au moins deux membres du personnel de surveillance du même sexe que le détenu. »

35 Concrètement le directeur de service à ce moment-là, c’est-à-dire le chef d’établissement ou un des autres membres de la direction

36 Conseil d’Etat, 12 février 2014, arrêt n° 226.395, De Paepe et arrêt n°226.396, Ral.

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• Autorisation préalable et notification

Selon l’article 108, § 2, de la loi de principes, toute fouille à nu d’un détenu doit être autorisée par la direction avant son exécution proprement dite.

Cette obligation d’autorisation préalable a été confirmée dans un arrêt du Conseil d’Etat, en 2015. En l’absence d’éléments attestant que la décision avait bien été prise au préalable par la direction, le Conseil d’Etat a conclu au caractère illégal de la fouille à nu37.

Par ailleurs, l’article 108, § 2, prévoit explicitement que le directeur de l’établissement pénitentiaire remette sa décision par écrit au détenu au plus tard vingt-quatre heures après que la fouille a eu lieu.

L’enquête visait à vérifier si les décisions d’effectuer des fouilles à nu sont, d’une part, effectivement prises avant l’exécution des fouilles proprement dites et, d’autre part, communiquées ensuite aux détenus.

• Nécessité et proportionnalité

L’article 108, § 2, de la loi de principes n’autorise une fouille à nu d’un détenu que lorsqu’il existe des indices individualisés qui laissent supposer qu’une fouille de vêtements ne suffit pas.

Les travaux parlementaires de la loi de principes précisent que, contraire-ment à d’autres mesures de contrôle telles que la fouille d’une cellule ou celle des vêtements, la fouille à nu d’un détenu « est une mesure beaucoup plus radicale comportant en soi une atteinte à la dignité. Elle ne peut cer-tainement pas être pratiquée de façon routinière et ne peut se justifier que si la fouille des vêtements est insuffisante en raison de circonstances parti-culières ou de suspicions38 ».

Les fouilles à nu ne doivent intervenir que dans la mesure où elles sont strictement nécessaires à prévenir un risque pour la sécurité. Le directeur doit, par conséquent, réaliser un examen de la nécessité de la mesure avant de l’autoriser.

37 Conseil d’Etat, 18 février 2015, arrêt n° 230.229, De Rouck.38 Rapport final de la commission « loi de principes concernant l’administration pénitentiaire et le statut

juridique des détenus », loc. cit..

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En 2013, la Cour constitutionnelle a considéré qu’une fouille à nu décidée au seul motif qu’un détenu se trouve dans une circonstance particulière (lorsqu’il entre en prison, après une certaine visite ou lorsqu’il intègre une cellule d’isolement) et sans autre justification précise et concrète liée à son comportement, viole l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme interdisant tout traitement dégradant39.

Le Conseil d’Etat a annulé plusieurs sanctions disciplinaires à l’égard de détenus qui avaient subi une fouille à nu. Il a constaté que les décisions du directeur n’étaient pas fondées sur des indices individualisés comme le prescrit la loi, mais sur des « situations susceptibles de justifier une fouille systématique de tout détenu se trouvant dans la même situation »40.

Cette exigence rejoint la norme « proportionnalité », sur laquelle se base le Médiateur fédéral dans l’évaluation des plaintes41, et qui implique une gradation dans les moyens de fouille utilisés, la plus intrusive ne devant être utilisée qu’à titre subsidiaire, lorsque les autres ne permettent pas d’atteindre l’objectif légitime poursuivi. Elle implique de prendre en consi-dération les éléments particuliers de la situation, comme le comportement personnel du détenu, pour s’assurer que la mesure est pertinente et néces-saire au regard de l’objectif poursuivi.

La proportionnalité apporte une garantie supplémentaire contre l’arbi-traire. L’administration pénitentiaire doit éviter d’imposer aux détenus des contraintes disproportionnées qui porteraient atteinte à leur dignité, en ne recourant aux fouilles à nu qu’en dernier recours.

L’enquête a donc examiné si, d’une part, le recours aux fouilles à nu se limite au strict nécessaire, sur la base d’un examen individuel du risque d’introduction de substances ou d’objets interdits et d’autre part, si les fouilles à nu sont effectuées en dernier recours, parmi un panel plus vaste de mesures.

39 Cour const., 30 octobre 2013, arrêt n° 143/2013 et 29 janvier 2014, arrêt n° 20/2014.40 Voy. notamment C.E., 13 avril 2016, arrêt n° 234.378, Koka Konde et C.E., 18 février 2015, arrêt n°230.229, De

Rouck.41 Voy. annexe 3.

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29

• Motivation

Selon l’article 8, § 1, al. 1, de la loi de principes42, toutes les décisions prises par la direction pénitentiaire doivent être formellement motivées. Les rai-sons qui ont mené à penser que le détenu doit être fouillé à nu doivent être justifiées par la direction43.

Outre l’exigence de motivation formelle, le Médiateur fédéral utilise comme norme de bonne conduite administrative la notion de « motivation adéquate »44.

Suivant cette norme, tout acte administratif doit être fondé sur des motifs acceptables et raisonnables, en droit comme en fait. Cette exigence va au-delà de la seule motivation formelle et s’attache à la qualité de la motivation. Une décision bien motivée est une décision compréhensible. Le recours à des formulations standards ou trop générales est, par consé-quent, inadéquat. Une motivation concise peut suffire si elle est claire et appropriée à la situation du détenu.

L’enquête a examiné la qualité de la motivation des décisions de fouilles à nu.

1.2.2.2. Les fouilles à nu sont-elles effectuées par un personnel compé-tent et dans des conditions adaptées ?

Selon l’article 108 de la loi de principes, les fouilles des vêtements et les fouilles à nu « doivent se dérouler dans le respect de la dignité du détenu », ce qui implique notamment qu’elles se déroulent dans des conditions favorables.

Il impose au minimum que les fouilles à nu se déroulent dans un espace fermé et qu’elles soient effectuées en présence d’au moins deux membres du personnel de surveillance, de même sexe que le détenu.

42 Article 8, § 1er

, al. 1, de la loi de principes : « Toutes les décisions prises dans le cadre de la présente loi sont motivées, sauf les cas où la loi du 29 juillet 1991 relative la motivation formelle des actes administratifs n’exige pas d’indication des motifs, ou les cas où la sécurité serait gravement mise en péril par la communication de la motivation. »

43 C.E., 13 avril 2016, op.cit. : « Les raisons qui auraient fait naître cette ‘suspicion’ ne ressortent d’aucune des pièces auxquelles le Conseil d’Etat peut avoir égard ».

44 Voy. annexe 3.

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30

• Lieu adapté

Selon l’article 108, § 2, al. 3, de la loi de principes, une fouille à nu « ne peut avoir lieu que dans un espace fermé, en l’absence d’autres détenus ».

L’enquête a, par conséquent, cherché à vérifier si les fouilles à nu sont effectuées dans un espace privé et si le lieu permet de garantir l’intimité du détenu.

• Présence du personnel de surveillance

La loi de principes prévoit que les fouilles à nu doivent être réalisées en présence d’au moins deux membres du personnel de surveillance, du même sexe que le détenu. La loi ne limite pas le nombre maximum d’agents pou-vant être présents pendant la fouille.

Le législateur a entendu minimiser le caractère vexatoire de ce type de fouille en s’assurant que l’intrusion dans l’intimité du détenu ne puisse être effectuée que par et en présence d’un personnel de surveillance du même sexe que le détenu. Cette exigence est également préconisée par les normes européennes et internationales en matière de détention.45

Le nombre de membres du personnel de surveillance présents détermine également si la fouille à nu se déroule dans des circonstances acceptables pour le détenu ou si, au contraire, elle revêt un caractère humiliant.46 Dans un arrêt, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé qu’aucun impératif habituel de la sécurité pénitentiaire ne peut justifier le fait de se déshabiller complètement devant un groupe d’agents.47

L’enquête a donc cherché à vérifier si, d’une part, les fouilles à nu sont réalisées par du personnel de surveillance du même sexe que le détenu et

45 Voy. notamment Conseil de l’Europe, Recommandation Rec(2006)2 du Comité des ministres aux Etats membres sur les règles pénitentiaires européennes, règle 54.5 et Assemblée générale des Nations Unies, Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Mandela) – Note du Secrétariat, A/C.3/70/L.3, 29 septembre 2015, règle 52.

46 Association pour la prévention de la torture et Penal Reform International, Outil pratique de monitoring de la détention, fiche d’information « Fouilles corporelles - Lutter contre les facteurs de risque afin de prévenir la torture et les mauvais traitements », p. 6.

47 Cour eur. D. H., arrêt Iwanczuk c. Pologne, 15 novembre 2001, req. n° 25196/94. Dans cette affaire, il s’agissait d’un groupe de quatre gardiens.

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si, d’autre part, le nombre de membres présents pendant les fouilles est raisonnable.

• Attitude du personnel de surveillance

Selon l’article 108, § 3, de la loi de principes, une fouille à nu ne peut avoir un caractère vexatoire et doit se dérouler dans le respect de la dignité du détenu.

Différents éléments peuvent créer chez les détenus, obligés de se déshabil-ler devant autrui, le ressenti de subir une profonde atteinte à leur dignité : une fouille décidée de manière arbitraire, des fouilles systématiques ou encore l’attitude des membres du personnel de surveillance pendant la fouille proprement dite.

Lors des travaux préparatoires de la loi de principes, le législateur a rap-pelé le lien entre le climat de respect et le bon déroulement des mesures de sécurité : « (…) la façon dont ces ordres et instructions seront donnés et éventuellement précisés en rendra l’observation plus facile ou plus difficile. Les fouilles à [nu] ou des cellules peuvent ainsi également être ressenties comme peu respectueuses, voire humiliantes, tant par les gardiens que par les détenus. [La loi précise] dès lors que ces mesures de contrôle ne peuvent avoir un caractère provocateur et qu’elles doivent être exécutées dans le respect de la dignité et de la vie privée du détenu »48.

Cette exigence de respect rejoint la norme « courtoisie »49, utilisée par le Médiateur fédéral. Elle prévoit qu’outre « le respect des règles élémentaires de politesse généralement admises dans notre société, le fonctionnaire veille à conserver un ton professionnel dans son discours et dans ses atti-tudes, afin de préserver une relation interpersonnelle harmonieuse, respec-tueuse et empreinte d’humanité. »

Une attitude professionnelle et courtoise des membres du personnel contribue nettement à amoindrir le caractère humiliant d’une fouille à nu et peut désamorcer les tensions éventuelles nécessitant de recourir à la contrainte physique à l’égard du détenu.

48 Rapport final de la commission « loi de principes concernant l’administration pénitentiaire et le statut juridique des détenus », op. cit., p. 178.

49 Voy. annexe 3.

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L’enquête a cherché à vérifier si l’attitude du personnel de surveillance amené à effectuer les fouilles à nu facilite leur bon déroulement.

• Usage de la contrainte

Les articles 119 et 120 de la loi de principes autorisent les membres du per-sonnel de surveillance à utiliser la contrainte physique en vue du maintenir l’ordre ou la sécurité, mais limitent son usage en dernier recours. D’autres moyens doivent avoir échoué et la menace doit avoir été « brandie ». La contrainte physique doit être, selon la loi, raisonnable et en rapport avec l’objectif visé.

Les règles Mandela limitent l’usage des moyens de contrainte au strict nécessaire et dans des circonstances très précises, afin notamment d’em-pêcher le détenu de se blesser, de blesser autrui ou de causer des dégâts.50

L’enquête a examiné les méthodes et moyens de contrainte physique éven-tuellement mis en œuvre par les établissements pénitentiaires lors de la fouille à nu.

• Formation

La connaissance des méthodes et instructions ainsi que leur bonne applica-tion par le personnel de surveillance sont primordiales afin d’assurer le bon déroulement d’une fouille à nu au regard des obligations qui précèdent.

Les règles pénitentiaires européennes imposent que le personnel chargé d’effectuer les fouilles soit formé afin de détecter et de prévenir les tenta-tives d’évasion ou de dissimulation d’objets, tout en respectant la dignité des personnes fouillées et en respectant leurs effets personnels.51 Les règles Mandela exigent, quant à elles, une formation sur des « techniques de contrôle qui rendraient inutile le recours à des moyens de contrainte ou réduiraient leur degré d’intrusion. »52

50 Assemblée générale des nations Unies, op. cit., règle 47. 51 Conseil de l’Europe, op. cit., règle 54.3.52 Assemblée générale des nations Unies, op. cit., règle 49.

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Les circulaires et lettres collectives établies par la DG EPI prévoient éga-lement des instructions spécifiques relatives à la fouille à nu. Ces instruc-tions font l’objet de modifications et de mises à jour régulières.

L’enquête a cherché à vérifier si le personnel pénitentiaire dispose d’une connaissance suffisante des méthodes et instructions relatives à la fouille à nu au regard de la formation dispensée.

• Vulnérabilité

Certaines catégories de détenus, en raison de leur besoin particulier lié à leur âge, sexe, état physique ou psychologique, doivent être considérées comme vulnérables et, de ce fait, bénéficier de certaines mesures de pro-tection spécifiques.

Les normes internationales prévoient que les détenus vulnérables puissent bénéficier d’un certain nombre de garanties supplémentaires. Les établis-sements pénitentiaires doivent, par exemple, envisager tous les aména-gements raisonnables pour offrir aux détenus souffrant d’une incapacité physique, psychologique ou autre un accès entier à la vie carcérale de façon équitable.53

La Convention relative aux droits des personnes handicapées, que la Bel-gique a ratifiée, préconise également des aménagements raisonnables pour les personnes atteintes d’un handicap. Selon la Convention, les amé-nagements constituent des « modifications et ajustements nécessaires et appropriés n’imposant pas de charge disproportionnée ou indue apportés, en fonction des besoins dans une situation donnée (…) ».54

L’enquête a examiné si la vulnérabilité de certains groupes de détenus, et notamment les personnes handicapées, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes transgenres, est prise en compte lors des fouilles à nu et si les méthodes de fouille sont adaptées à leur situation.

53 Assemblée générale des Nations Unies, idem, règle 5.2.54 Article 2 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, adoptée à New-York le 13 décembre

2006 et approuvée par la loi du 13 mai 2009, M.B., 22 juillet 2009.

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L’ensemble des indicateurs est résumé comme suit :

Les décisions de fouiller les détenus à nu respectent-elles les prescriptions légales ?

Indicateurs

Les décisions sont-elles prises par l’autorité hiérarchique appropriée ?

Autorisation hiérarchique

Les autorisations sont-elles prises avant l’exécution de la fouille et sont-elles communiquées ensuite aux détenus ?

Autorisation préalable et notification

Les fouilles à nu se limitent-elles au strict nécessaire et sont-elles utilisées en dernier recours ?

Nécessité et proportionnalité

Les décisions sont-elles motivées adéquatement ? Motivation

Les fouilles à nu sont-elles effectuées par un personnel compétent et dans des conditions adaptées ?

Indicateurs

Les fouilles se déroulent-elles dans un espace approprié?

Lieu adapté

Les fouilles sont-elles effectuées par du personnel de surveillance de même sexe que le détenu et en nombre raisonnable ?

Présence du personnel de surveillance

L’attitude du personnel de surveillance permet-elle d’assurer le bon déroulement des fouilles à nu ?

Attitude du personnel de surveillance

En cas de refus des détenus, la contrainte physique est-elle utilisée à bon escient ?

Usage de la contrainte

Le personnel de surveillance est-il en mesure d’appliquer correctement les méthodes et instructions ?

Formation

Les méthodes sont-elles adaptées aux détenus les plus vulnérables ?

Vulnérabilité

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1.3. MÉTHODE D’ENQUÊTE

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L’enquête a été réalisée avec le soutien externe du bureau d’audits i-Force55. I-Force a participé à l’élaboration de la méthode d’enquête, la réalisation de l’enquête de terrain, l’analyse des résultats ainsi qu’au rapportage. L’enquête a suivi différentes phases :

- une enquête électronique préliminaire auprès des établissements pénitentiaires et des commissions de surveillance56 ;

- des entretiens exploratoires avec des acteurs externes ;- des enquêtes de terrain dans une douzaine d’établissements

pénitentiaires ;- des entretiens avec des détenus, des membres du personnel de sur-

veillance, des directions de prison, ainsi qu’avec différents services de la DG EPI ;

- l’analyse d’un échantillon de décisions de fouilles à nu et de plan de fouilles.

1.3.1. Enquête électronique préliminaire

L’équipe d’enquête a identifié une série de risques liés à la fouille à nu pour la dignité des détenus à partir des sources suivantes :

- les plaintes de détenus reçues par le Médiateur fédéral,- la législation en vigueur,- la jurisprudence nationale et internationale,- les instructions administratives (circulaires et lettres collectives),- des études et rapports publiés sur le sujet, en ce compris les rapports

des commissions de surveillance.

De janvier à mars 2016, une enquête préliminaire a été menée, par voie électronique, auprès de l’ensemble des directions d’établissement péniten-tiaire et des commissions de surveillance. Elle a pris la forme d’un question-naire qualitatif à réponses multiples, auquel certaines questions ouvertes permettaient de préciser la réponse. Les 35 établissements pénitentiaires et 25 commissions de surveillance y ont répondu.

55 https://i-force.be.56 Auprès de chaque établissement pénitentiaire est instituée une commission de surveillance chargée d’exercer,

en première ligne, un contrôle indépendant sur le traitement réservé aux détenus.

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Cette enquête a permis de récolter les premières données sur les circons-tances qui conduisent à fouiller des détenus à nu et sur la manière dont la procédure se déroule.

1.3.2. Entretiens exploratoires

Une dizaine d’entretiens ont ensuite été menés avec des acteurs externes, experts du domaine pénitentiaire. Ils ont contribué à préciser la méthode d’enquête suivie pendant les visites de terrain.57

1.3.3. Enquêtes de terrain

Au total, 12 prisons ont été sélectionnées : Arlon, Beveren, Bruges, Lan-tin, prison centrale de Louvain, Marche-en-Famenne, Marneffe, Merksplas, Namur, Ruiselede, Saint-Gilles et Tournai. L’enquête de terrain a, par conséquent, couvert 35 % des établissements pénitentiaires existants.

Les établissements visités ont été sélectionnés sur la base d’une part de critères objectifs (région, maison de peine ou d’arrêt, régime fermé, ouvert ou semi-ouvert, année de construction du bâtiment, capacité et taux de surpopulation, type de population, nombre et composition des effectifs) et d’autre part, sur la base des réponses des établissements et commissions de surveillance à l’enquête électronique préliminaire.

Entre le 6 septembre 2016 et le 18 janvier 2017, l’équipe d’enquête a visité les 12 établissements sélectionnés. La plupart des visites ont été précédées d’un entretien avec la commission de surveillance de la prison, lorsque celle-ci était constituée.58

Chaque visite d’établissement s’est étalée sur deux ou trois jours et a été organisée selon la procédure suivante59 :

- entretien d’entrée avec (un membre de) la direction ;- visite guidée préparatoire ;

57 Voy. annexe 1. 58 L’équipe d’enquête a rencontré les commissions de surveillance des établissements suivants : Arlon, Bruges,

Lantin, Marche-en-Famenne, Marneffe, Merksplas, Namur, Ruiselede, Saint-Gilles, Tournai.59 La direction de l’établissement et les délégués syndicaux ont été informés de la visite une semaine avant

celle-ci.

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- observations générales directes (infrastructures, interactions entre détenus et membres du personnel, notes affichées dans les lieux communs...) ;

- observations spécifiques directes (présence lors de fouilles à nu, ins-pection des lieux de fouilles, présence lors du placement au cachot, inspection des cachots; port du badge du personnel...) ;

- entretiens individuels (avec détenus, personnel de surveillance, membres de la direction, personnel des ressources humaines, méde-cins et infirmiers...) ;

- consultation et analyse de documents (registres60, plans de fouilles, instructions internes et notes de service, dossiers de détenus, dossiers de membres du personnel de surveillance, autres informations selon les observations effectuées sur place) ;

- entretien de sortie avec la direction.

L’entretien de sortie visait, d’une part, à communiquer à la direction les constats les plus saillants réalisés pendant la visite et, d’autre part, à obte-nir des informations ou documents complémentaires. Certaines directions ont par la suite encore transmis à l’équipe d’enquête des informations complémentaires ou l’ont informée de changements réalisés entretemps dans leur établissement.

Les détenus interviewés ont été sélectionnés de manière aléatoire, en veil-lant à couvrir les différentes ailes et sections de l’établissement, ainsi que sur la base d’indicateurs permettant de présumer qu’ils avaient pu faire récemment l’objet d’une fouille à nu : arrivé récemment à la prison, placé au cachot, employé à un poste de travail, de retour d’une autorisation de sortie, visite récente sans surveillance...

Les agents ont été sélectionnés sur la base de leur poste de travail, de leur fonction et de l’équipe dont ils faisaient partie.

60 Registres des décisions non motivées (article 8 de la loi de principes), registres des mesures de sécurité particulières (article 115), registres locaux de placement sous régime de sécurité particulier individuel (article 118), registres des sanctions disciplinaires (articles 132 et 146) ainsi que les registres des fouilles et les registres des incidents.

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Tous les entretiens individuels se sont déroulés suivant un questionnaire préétabli, semi-directif, et duraient en moyenne 20 minutes. Le tableau ci-dessous indique le nombre total de détenus et de membres du personnel de surveillance interviewés par l’équipe d’enquête.

Nombre d’entretiens individuels par établissement

Etablissement Détenus Membres du personnel de surveillance

Dates

Marneffe 9 7 6 et 8 septembre 2016

Ruiselede 8 6 13 et 15 septembre 2016

Namur 14 7 22 et 23 septembre 2016

Marche-en-Famenne

12 9 13 et 14 octobre 2016

Beveren 11 11 18 et 21 octobre 2016

Saint-Gilles 18 13 25 et 26 octobre 2016

Lantin 26 20 8, 9 et 10 novembre 2016

Bruges 28 19 16, 17 et 18 novembre 2016

Tournai 21 14 24 et 25 novembre 2016

Merksplas 20 12 1er et 2 décembre 2016

Prison centrale Louvain

23 15 8 et 9 décembre 2016

Arlon 22 13 17 et 18 janvier 2017

Total : 12 212 146

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1.3.4. Entretiens avec la DG EPI - Caractère contradictoire de l’enquête

En marge de l’enquête de terrain réalisée dans 12 prisons, l’équipe d’en-quête a mené, entre le 8 septembre 2016 et le 14 septembre 2017, des entretiens avec différents services de la DG EPI. Les entretiens, dont la liste est reprise ci-après, avaient notamment pour objectif de communiquer les premiers constats d’enquête et de recueillir des informations complémen-taires à leur sujet.

Entretiens avec les services de la DG EPI

Service de la DG EPI

Personne et fonction Date

Centre de Formation du Personnel pénitentiaire (Marneffe)

Jean-Philippe Koopmansch, conseiller général - directeur Didier Simon, formateur

8 septembre 2016 et 20 avril 2017

Direction Soutien juridique

Marie-Françoise Berrendorf, conseillère générale

16 juin 2017

Direction du service Soins de santé en Prison

Francis De Smet, directeur Werner Van Hout, conseiller général

22 juin 2017

Direction Personnel et Organisation (P&O)

Kristel Verstraete, conseillère générale

29 juin 2017

Directions régionales (Sud, Centre et Nord)

Christine Oliosi, directrice régionale SudJohan Demuynck, directeur régional Nord

13 juillet 2017

Direction ICT Els Van Herck, conseillère générale

14 septembre 2017

En outre, afin de garantir le caractère contradictoire de l’enquête, le rap-port provisoire a été adressé à la DG EPI pour lui permettre de formuler d’éventuelles observations. Sa réponse est publiée en annexe du rapport.61

61 Voy. annexe 2.

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2. CONSTATS

ET ANALYSE

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2.1. DÉcisions de fouille À nu

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2.1.1. AUTORISATION HIÉRARCHIQUE

L’enquête a cherché à établir si la décision de procéder à une fouille à nu avait bien été prise par l’autorité hiérarchique appropriée et, le cas échéant, de quelle manière cette autorisation avait été donnée.

Il ne revient pas à l’agent chargé d’effectuer la fouille de décider de la mesure. La loi réserve cette compétence aux seuls membres de la direction. C’est à elle seule qu’il appartient de vérifier, sur la base des indications fournies par les agents de surveillance, si les conditions de nécessité et de proportionnalité sont réunies pour justifier cette mesure.

Le fonctionnement des établissements pénitentiaires est structuré selon une pyramide hiérarchique. Les informations ne sont pas transmises immé-diatement au directeur, elles circulent selon une ligne verticale stricte de l’agent de surveillance vers l’assistant pénitentiaire, en passant par le chef de quartier. Les décisions de fouiller à nu les détenus suivent également cette ligne. La demande d’autorisation monte vers le haut de la pyramide hiérarchique, la décision descend ensuite vers les membres du personnel chargés d’effectuer les fouilles.62

Lors de l’enquête de terrain au sein des 12 établissements pénitentiaires, le Médiateur fédéral a interrogé 146 membres du personnel de surveillance : des assistants pénitentiaires, des chefs de quartier et des agents. L’équipe d’enquête a demandé à chaque personne interrogée qui décide concrète-ment d’effectuer une fouille à nu sur un détenu et de décrire le processus de décision, depuis l’observation du comportement du détenu jusqu’à la signature de la décision.

Dans ce chapitre, le Médiateur fédéral distingue les fouilles qui sont effec-tuées en vertu d’une instruction générale et celles qui sont décidées sur base individuelle.

62 Le rôle de chaque membre du personnel de surveillance est décrit dans le point 1.1.2. Organisation pénitentiaire.

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2.1.1.1. Constats

2.1.1.1.1 Fouilles à nu effectuées en vertu d’une instruction générale

a) Fouilles systématiques couvertes par une décision individuelle

Dans tous les établissements visités, un certain nombre de fouilles à nu ne sont pas effectuées sur la base d’une appréciation individuelle mais selon les instructions internes, plan de fouilles ou note de service, établies par le chef d’établissement. Ces instructions ordonnent de fouiller à nu tous les détenus qui se trouvent dans des circonstances précises : au retour d’une permission de sortie, à la fin d’une visite hors surveillance... Il s’agit d’une autorisation générale de fouille à nu en fonction des circonstances et pas d’une autorisation individuelle. Le directeur qui signe ensuite la « décision individuelle de fouille au corps » n’a pas autorisé cette fouille en particu-lier et n’a pas vérifié qu’elle était nécessaire pour ce détenu. Il formalise le fait qu’une fouille est exécutée dans une des circonstances visées par les instructions internes.

b) Pratiques apparentées non couvertes par une décision individuelle

Si la fouille prévue par les instructions internes n’est pas qualifiée de « fouille à nu », le directeur ne signe aucune décision. L’enquête a ainsi mis à jour certaines mesures prises sur la base du plan de fouilles ou d’une note de service interne qui, sans être qualifiées de fouilles à nu, impliquent que les détenus se mettent complètement à nu. Les deux pratiques sui-vantes ont été observées, donnant parfois lieu à une confusion sur leur qualification.

• Les changements de vêtements

Au vestiaire ou au bain entrant, le détenu qui entre dans l’établissement est tenu de revêtir la tenue pénitentiaire ou de mettre des vêtements et sous-vêtements qui ont été inspectés au préalable. Il est invité à se désha-biller entièrement et à remettre l’ensemble de ses vêtements au personnel présent. Ses vêtements sont fouillés avant d’être rangés. En principe, cette procédure implique qu’un membre du personnel de surveillance vérifie que le détenu a bien ôté tous ses vêtements. Selon les établissements et selon

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le personnel en charge, cette inspection visuelle du corps dénudé peut être légère ou plus ou moins poussée.

Ainsi, par exemple, à la prison de Namur où tout nouveau détenu entrant a l’obligation de prendre une douche et de se déshabiller entièrement sous la surveillance d’au moins un agent pénitentiaire, cette fouille à nu est qualifiée de « fouille approfondie des vêtements ». Selon les déclarations des détenus de la prison de Namur, ce changement de vêtements implique tantôt un examen visuel rapide, tantôt l’obligation d’accomplir tous les gestes prévus par la méthode de fouille à nu et parfois même des génu-flexions. L’équipe d’enquête n’a retrouvé aucune décision pour ce type de fouilles dans leur dossier.

À Arlon, un document intitulé « Fouille des détenus rentrants de congé/de permission de sortie » est rédigé et signé par l’agent préposé au vestiaire. Le personnel de surveillance ne réalise aucun examen visuel, bien qu’il soit prévu par les instructions de la direction. Seul un détenu, parmi les 22 interviewés, a affirmé avoir réellement subi une fouille à nu. Son dossier ne contenait aucune décision mais le document trouvé au dossier corroborait ses déclarations.

À la prison centrale de Louvain ou à Tournai, qui procèdent de la même manière, cette mesure est qualifiée de fouille à nu.

À Merksplas, la direction de l’établissement a modifié la qualification en 2015 après avoir interrogé la Direction Soutien juridique de la DG EPI à la suite d’un incident violent avec un détenu qui refusait de se déshabiller devant un agent sans décision de fouille. La Direction Soutien juridique a confirmé qu’un changement de vêtement avec inspection visuelle est une fouille à nu. Depuis, des décisions individuelles de fouille à nu sont notifiées au détenu. Par contre, les agents ne procèdent plus à aucune ins-pection visuelle en telle sorte qu’il ne s’agit plus d’une fouille à nu, même si une décision est notifiée. Dans la plupart des établissements visités, l’équipe d’enquête a observé un manque d’attention du personnel de surveillance préposé aux chan-gements de vêtements des détenus. Selon plusieurs agents, le caractère routinier de la procédure en est à l’origine, certains d’entre eux, y compris

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certaines directions d’établissement, remettent d’ailleurs en cause l’effica-cité de ce type de fouilles.

Aucun des 212 détenus rencontrés ne s’est plaint du changement de vête-ment sans inspection visuelle. Cependant, à Lantin, les femmes détenues doivent enfiler une large blouse qu’elles porteront sans sous-vêtements pendant quelques jours avant de pouvoir récupérer leurs vêtements civils. Les détenues estiment humiliant de devoir déambuler nue sous ce tablier face au personnel pénitentiaire.

Au cachot, le détenu doit revêtir une tenue particulière dans tous les éta-blissements63. Ce changement de vêtements, avec inspection visuelle, ne fait pas non plus toujours l’objet d’une autorisation préalable par la hié-rarchie et aucune décision ne se retrouve dans le dossier du détenu.

• Les tests d’urine

Dans deux établissements visités, certains détenus doivent se soumettre à un test d’urine afin de s’assurer qu’ils n’ont pas pris de drogue. Il s’agit des détenus d’une section de la prison de Bruges et de l’ensemble de l’établis-sement à Ruiselede. En effet, à Ruiselede, tous les détenus entrants (pre-mière entrée, retour de permission de sortie...) sont obligés de passer un

test de dépistage de drogue. Ils doivent également signer une déclaration par laquelle ils consentent à subir des tests réguliers.

Le test d’urine se déroule dans le local dédié aux fouilles à nu, équipé de deux cabines, en présence de deux membres du personnel de surveillance. Le détenu se déshabille entièrement dans la pre-

mière cabine et doit marcher à grands pas jusqu’à la deuxième cabine, en passant devant un agent. Le détenu doit uriner dans un pot se trouvant dans la deuxième cabine, en présence de l’autre agent. Il enfile ensuite de nouveaux vêtements et ressort du local accompagné par un agent.

63 Pour le déroulement de la mise au cachot d’un détenu et de sa fouille à nu, voy. le point 2.2.4. Usage de la contrainte.

POUR LES TESTS D’URINE,

LES DÉTENUS DOIVENT

SE DÉSHABILLER ENTIÈREMENT

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Interrogés par l’équipe d’enquête sur la différence entre la fouille à nu et le test d’urine, les membres du personnel de surveillance ont répondu qu’à l’exception de l’obligation d’uriner, les deux procédures se déroulaient de la même manière, dans les mêmes locaux, avec la même inspection visuelle et selon les mêmes précautions de sécurité. L’équipe d’enquête n’a trouvé aucune autorisation préalable dans les dossiers des détenus ayant subi un test de dépistage de drogue.

2.1.1.1.2. Fouilles à nu effectuées sur base individuelle

Dans tous les établissements pénitentiaires, des fouilles à nu sont exécu-tées pour des motifs propres au détenu : comportement observé, change-ment d’attitude générale, dénonciation interne, signalement par un chien drogue policier...

L’enquête a cherché à vérifier par qui l’autorisation de pratiquer la fouille à nu était donnée. Trois situations différentes se dégagent des entretiens menés pendant l’enquête en ce qui concerne la personne qui peut autoriser une fouille à nu.

a) L’autorisation est réservée à la direction

La moitié des établissements rentrent dans cette catégorie. L’autorisation d’un directeur est demandée par l’assistant pénitentiaire, soit lors de la réunion quotidienne qui réunit les membres de la direction et les assistants pénitentiaires, soit sur l’instant. La direction décide de la fouille à nu. Il faut toutefois tempérer ce constat par le fait que les directions de ces éta-blissements ne refusent presque jamais d’autoriser une fouille à nu, hormis la direction de la prison d’Arlon.

Lorsqu’elle est saisie d’une demande de fouille à nu, la direction de la prison d’Arlon consulte régulièrement le dossier électronique du détenu pour vérifier que les observations ou suspicions du personnel peuvent être corroborées.64

64 Le personnel soupçonne, par exemple, le détenu de cacher un GSM. Son usage du téléphone de la section a-t-il fortement diminué ? Si tel est le cas, l’autorisation est donnée. Si ce n’est pas le cas, la direction n’autorisera pas nécessairement la fouille à nu.

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50

Dans six prisons (Arlon, Marche en Famenne, Marneffe, Namur, Prison cen-trale de Louvain et Ruislede), en cas d’absence du directeur, il n’est pas exceptionnel qu’un assistant pénitentiaire ou un autre membre du person-nel (par exemple le responsable du greffe) autorise la fouille. Le chef d’éta-blissement désigne le membre du personnel qui pourra prendre la décision en l’absence d’un directeur.

b) L’autorisation est déléguée à l’assistant pénitentiaire

Dans l’autre moitié des établissements visités, en règle générale, ce sont les assistants pénitentiaires qui autorisent une fouille à nu, sans contacter un membre de la direction. Les directions délèguent cette fonction aux assistants pénitentiaires parce qu’ils estiment qu’ils ont une meilleure connaissance des détenus et des agents et que la fouille à nu fait partie des techniques de surveillance dont ils sont les véritables experts.

Les assistants pénitentiaires ont indiqué à l’équipe d’enquête qu’ils éva-luent la nécessité d’une fouille à nu en s’appuyant sur les constats de l’agent présent sur place ou sur la concordance des informations dont ils disposent. Il arrive aux assistants pénitentiaires de ne pas autoriser une fouille à nu, mais ce refus reste exceptionnel.

Les directions de Beveren et Lantin ont élaboré une note de service qui précise clairement le cadre légal de la fouille à nu tout en déléguant entiè-rement, pour Beveren65 ou en partie pour Lantin66, le pouvoir d’appréciation de la nécessité d’effectuer une fouille à l’assistant pénitentiaire. La direc-tion signe toujours la « décision individuelle de fouille à corps » a posteriori. Cette instruction est respectée par le personnel et l’équipe d’enquête n’a pas constaté de subdélégation aux échelons inférieurs de la hiérarchie. Les directions justifient cette mesure par le poids important de leur travail administratif, l’absence de valeur ajoutée de leur intervention dans ce type de décisions et par une pleine et entière confiance accordée aux assistants pénitentiaires. L’enquête a, par ailleurs, permis de déterminer que c’est à Beveren qu’il y a le moins de fouilles à nu systématiques.67

65 Note de service n° 20 « Plan de fouille » du 22 juillet 2014. 66 Email du 14 janvier 2016 de la direction au staff.67 Voy. le point 2.1.3 Nécessité et proportionnalité.

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A Beveren, la direction et le personnel ont voulu appliquer strictement la procédure légale pendant la durée de la visite de l’équipe d’enquête. Après deux jours, le chef d’établissement a indiqué qu’il en ressortait conforté dans la décision de déléguer entièrement la décision de fouille à nu aux assistants pénitentiaires.

c) Les assistants pénitentiaires autorisent des agents à effectuer des fouilles à nu sans autorisation préalable de la hiérarchie

Dans quatre établissements (Bruges, Merksplas, Saint-Gilles et Tournai) où la délégation de la direction à l’assistant pénitentiaire n’est pas formalisée dans une note de service, des assistants pénitentiaires ont déclaré qu’ils autorisent les chefs de quartier ou les agents de surveillance à décider eux-mêmes d’une fouille à nu lorsqu’ils l’estiment nécessaire.

À Saint-Gilles notamment, un assistant pénitentiaire a déclaré qu’il est possible que des fouilles à nu soient effectuées par des agents « sans déci-sion ». Cinq des 18 détenus interrogés sur place ont dit avoir subi une fouille à nu directement décidée par un agent. Pour trois d’entre eux, la direction a été informée des faits par les rapports des agents mais sans qu’une déci-sion de fouille à nu ne se trouve dans le dossier, corroborant ainsi leurs déclarations. Pour deux d’entre eux, aucune mention quelconque d’une fouille à nu n’apparait dans leur dossier : ni rapport à la direction, ni déci-sion individuelle de fouille à nu. Un de ces détenus a fait état de menaces de représailles s’il réclamait une décision.

L’absence de trace écrite d’une fouille qui n’a pas été autorisée par la hié-rarchie a été expliquée à l’équipe d’enquête par les agents eux-mêmes :

- si la fouille à nu donne lieu à la découverte d’objets ou de substance interdite(s) ou que le détenu se rebelle, l’agent rédige un rapport à la direction ; ce rapport permet notamment d’apprécier la nécessité d’ouvrir une procédure disciplinaire à l’encontre du détenu ; il y a donc une trace écrite dans le dossier.

- si la fouille à nu s’exécute sans opposition du détenu et ne donne aucun résultat, elle ne donne lieu à la rédaction d’aucun document ; la direction n’est pas informée.

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Des déclarations similaires ont été recueillies dans les trois autres établis-sements où des assistants pénitentiaires permettent des fouilles décidées par les agents pénitentiaires.

Face à une situation où il apparait clairement qu’aucune autorité hiérar-chique n’a autorisé la fouille à nu, les directions d’établissement adoptent des réactions différentes.

À Saint-Gilles, les trois fouilles à nu décidées par un agent pénitentiaire et qui ont donné lieu à un rapport de fouilles à la direction de l’établissement ont entrainé des sanctions disciplinaires pour le détenu concerné.

À Arlon, la direction de l’établissement a évoqué avec l’équipe d’enquête le cas d’un agent qui, persuadé qu’il trouverait cette fois l’objet recherché, avait photocopié une décision de fouille à nu et avait pratiqué une deu-xième fouille sans l’accord de la direction. Le détenu s’est plaint, l’enquête a été menée par la direction et l’agent a reçu un rappel à l’ordre après un entretien où les règles de la fouille à nu lui ont à nouveau été expliquées. L’enquête n’a révélé aucune autre fouille à nu décidée par un agent à la prison d’Arlon.

La direction (Arlon, Marche-en-Famenne, Marneffe, Namur, prison centrale de Louvain, Ruiselede) 6L'assistant pénitentiaire via délégation (Beveren, Lantin) 2L'agent de surveillance sans autorisation préalable (Bruges, Merksplas, Saint-Gilles, Tournai) 4

6

2

4

Qui peut décider d'une fouille à nu ?

La direction (Arlon, Marche-en-Famenne, Marneffe, Namur, prisoncentrale de Louvain, Ruiselede)

L'assistant pénitentiaire via délégation(Beveren, Lantin)

L'agent de surveillance sansautorisation préalable (Bruges,Merksplas, Saint-Gilles, Tournai)

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2.1.1.2. Analyse

a) Fouilles systématiques et pratiques apparentées

Les fouilles à nu systématiques, qu’elles soient ou non couvertes par une décision, sont illégales. Cet aspect est développé dans le point 2.1.3 « Nécessité et proportionnalité ».

Par ailleurs, l’enquête a révélé une grande confusion au sein de certains établissements pénitentiaires sur la qualification à donner à certaines pra-tiques de fouilles. Les instructions administratives font régulièrement l’ob-jet de modifications et de mises à jour, ce qui peut contribuer à alimenter cette confusion.

Lorsqu’une pratique réunit les deux éléments constitutifs d’une fouille à nu – le déshabillage, partiel ou complet, et l’inspection visuelle – elle doit être considérée comme une fouille à nu, soumise aux exigences légales de l’article 108, § 2, de la loi, et donner lieu à une décision individuelle.

Certaines mesures de contrôle de détenus ne sont pas considérées par les établissements pénitentiaires comme des fouilles à nu alors qu’elles réu-nissent ces deux éléments. C’est le cas des changements systématiques de vêtements et des tests d’urine. Bien que l’objectif du test d’urine diffère de celui de la fouille à nu proprement dite, les procédures suivies sont similaires et ces tests doivent donc être, selon la loi et la jurisprudence, considérées comme des fouilles à nus.

La procédure de changement systématique de vêtements à l’entrée de l’établissement, pour autant qu’elle n’implique pas d’inspection visuelle ni autres techniques proscrites comme les génuflexions, ne présente pas de problème en soi. Elle n’engendre pas de plaintes. D’après les observations directes des membres de l’équipe d’enquête et l’opinion de certains agents, rien n’indique qu’elle soit par ailleurs moins efficace qu’une fouille à nu routinière, telle qu’elle se pratique dans la majorité des établissements. Il parait donc justifié d’en faire une mesure de contrôle à part entière, moins intrusive pour le détenu que la fouille à nu, et plus efficace que la fouille des vêtements en terme de sécurité.

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Les meilleures pratiques observées pendant l’enquête montrent que l’exi-gence légale d’obtenir une autorisation hiérarchique pour effectuer une fouille à nu, lorsqu’elle est correctement appliquée, constitue une garantie contre le risque de traitement inhumain ou dégradant. Un dialogue s’en-gage entre la direction et l’assistant pénitentiaire, au cours duquel celui-ci doit expliquer les motifs pour lesquels les agents estiment que le détenu devrait être fouillé à nu. La direction effectue un arbitrage des intérêts en présence en tenant compte de l’ensemble des informations qui sont à sa disposition, générales et spécifiques au détenu et pas uniquement des observations des agents.

Par contre, le procédé qui consiste à systématiquement solliciter un accord téléphonique formel de la direction sans que celle-ci ne demande d’expli-cations et ne procède à aucun arbitrage n’offre pas plus de garantie qu’une autorisation générale de fouille à nu. Les directions doivent exercer leur pouvoir d’appréciation comme exigé par la loi.

b) Auteur de la décision de fouille à nu

Dans la moitié des établissements, la direction assume elle-même la res-ponsabilité d’autoriser les fouilles à nu, sauf délégation exceptionnelle en cas d’absence. Dans l’autre moitié, la direction délègue entièrement ou en

partie sa compétence d’autorisation d’une fouille à nu aux assistants péni-tentiaires. En l’état actuel de la légis-lation, cette délégation est illégale. Toutefois, sur le terrain, elle parait impossible à éviter à tout le moins pour un certain nombre de fouilles à nu demandées sur le champ. La pro-cédure exige en effet une disponibi-lité permanente du(des) membre(s) de

la direction pour répondre, parfois dans un délai très bref, aux demandes d’autorisation de fouille à nu. La direction n’étant pas présente dans l’éta-blissement 24h/24 et, ses bureaux étant parfois éloignés des quartiers pénitentiaires, cette disponibilité permanente et immédiate est impossible à mettre en œuvre.

DES agents de surveillance

fouillent parfois des dÉtenus À nu

sans autorisation

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Par ailleurs, les refus de la direction d’autoriser une fouille restent très exceptionnels. Les directions n’ont pas toujours un contact suffisamment régulier avec les détenus. Ils se fient à la connaissance que les assistants pénitentiaires ont des détenus et des membres du personnel sous leur autorité directe. Ils estiment n’avoir pas une grande plus-value dans l’ap-préciation individuelle du risque présenté par le détenu. Lorsqu’ils exercent directement le pouvoir d’autoriser une fouille à nu, les assistants péniten-tiaires refusent plus souvent une fouille à nu que ne le font les directions. Il ne ressort pas de l’enquête que cette délégation augmente le risque de décision arbitraire dans le chef des assistants pénitentiaires.

Il convient cependant de prévenir une subdélégation de responsabilité vers les échelons inférieurs de la hiérarchie, jusqu’aux chefs de quartier et agents de surveillance, en contact direct et permanent avec les détenus. À Beveren et à Lantin où la délégation de responsabilité est clairement orga-nisée et encadrée par une note de service du chef d’établissement, aucune subdélégation n’a été relevée par l’équipe d’enquête du Médiateur fédéral. À Tournai, Saint-Gilles, Merksplas et Bruges, par contre, l’équipe a constaté certaines fouilles à nu décidées par les agents de surveillance, en l’ab-sence de toute autorisation hiérarchique68. Outre qu’elle ne respecte pas les prescriptions légales, cette pratique pose problème car elle augmente considérablement le risque de décisions arbitraires et vexatoires. En outre, ces fouilles à nu ne sont répertoriées nulle part. Sauf en cas de plaintes spontanées de détenus ou de visite d’un organe de surveillance externe, elles peuvent entièrement échapper à l’administration pénitentiaire.

Si la direction accepte de sanctionner un détenu pour des faits liés à une fouille à nu illégale (rébellion, découverte d’objets illicites...), le risque de voir des agents pratiquer des fouilles à nu sans autorisation hiérarchique est fortement augmenté. La direction doit refuser de donner suite à de telles pratiques et un contrôle interne des pratiques des agents par la direction s’impose pour les circonscrire.

68 Voy. le point 2.1.2. Autorisation préalable et notification.

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2.1.1.3. Recommandations

- RG 19/01 : il convient de faire du changement de vêtement une mesure de contrôle à part entière prévue dans la loi. La loi doit exclure l’inspection visuelle, réservée à la fouille à nu.

- RO 19/01 : la DG EPI doit rappeler à tous les établissements péniten-tiaires que toute mesure qui allie une mise à nu et une inspection visuelle du corps nécessite d’obtenir l’accord préalable du directeur.

- RO 19/02 : à l’issue d’un changement de vêtements, tous les déte-nus, et en particulier les femmes détenues, doivent recevoir une tenue complète, sous-vêtements y compris.

- RO 19/03 : les directions des établissements pénitentiaires (ou leur délégué) doivent exercer concrètement leur pouvoir d’appréciation lorsqu’elles autorisent une fouille à nu.

- RG 19/02 : il faut prévoir dans la loi la possibilité pour le directeur d’établissement pénitentiaire de déléguer le pouvoir d’autoriser une fouille à nu à la fonction ou personne qu’il désigne. Cette délégation ne peut pas être donnée à l’agent de surveillance qui est chargé d’ef-fectuer la fouille à nu.

- RO 19/04 : les directions d’établissements pénitentiaires doivent mettre en place un registre de fouilles à nu, conforme aux règles de Mandela, et régulièrement visé par elles. Le registre doit être mis à dis-position des organes de surveillance des établissements pénitentiaires.

- RO 19/05 : la DG EPI doit rappeler aux directeurs d’établissements que lorsqu’ils sont confrontés à une fouille manifestement illégale, c’est-à-dire décidée par un agent pénitentiaire ou un chef de quartier, celle-ci ne peut avoir de conséquences pour le détenu. Une fouille illégale ne peut rester sans suite à l’égard du personnel et nécessite au minimum un rappel à la règle.

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2.1.2. AUTORISATION PRÉALABLE ET NOTIFICATION

L’enquête visait à vérifier si les décisions d’effectuer des fouilles à nu sont, d’une part, effectivement prises avant l’exécution des fouilles proprement dites et, d’autre part, communiquées ensuite aux détenus.

En effet, l’autorisation de fouiller le détenu à nu doit être donnée par l’au-torité hiérarchique appropriée avant d’exécuter la fouille mais le document écrit et motivé, ne doit être remis au détenu qu’après la fouille, dans les 24 heures qui suivent celle-ci.

2.1.2.1. Constats

Pour certaines catégories de fouilles à nu, l’équipe d’enquête a constaté d’importants manquements mais aussi de bonnes pratiques en matière d’autorisation préalable.

2.1.2.1.1. Les fouilles à nu systématiques

Les fouilles à nu systématiques ne donnent lieu à aucune autorisation individuelle69. Si elles sont correctement identifiées comme fouille à nu, l’agent de surveillance imprime en règle générale le formulaire de décision sur lequel les nom et prénom du détenu sont déjà indiquées et il y ajoute la date et l’heure de la fouille. Il remet ensuite le document à l’assistant pénitentiaire qui le soumettra le lendemain au directeur pour signature ou le signera « pour ordre », comme c’est le cas à Merksplas.

2.1.2.1.2. Les fouilles à nu sur indices individualisés

Dans tous les établissements, des fouilles à nu sont programmées et ne demandent pas d’agir dans la précipitation. Elles sont ordonnées sur la base d’informations obtenues directement par la direction ou par les agents auprès d’autres détenus ou de tiers, sur la base du profil, d’un ensemble d’indices ou des antécédents des détenus. Lors de leur réunion quotidienne, les assistants pénitentiaires et les directions discutent régulièrement des situations ou passent en revue la liste des détenus qui entrent dans l’éta-blissement dans la journée ou qui ont une visite hors surveillance prévue.

69 Voy. le point 2.1.1. Autorisation hiérarchique.

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Ils décident à cette réunion si une fouille à nu doit être exécutée et à quel moment. Par exemple, une fouille à nu peut être opportune au moment de la sortie du détenu en congé pénitentiaire, en plus de la fouille à nu à l’en-trée de l’établissement. Le détenu visé est d’ailleurs parfois prévenu qu’il fera l’objet d’une fouille à nu à son retour, dans une politique de prévention des trafics. La fouille à nu est donc programmée. Dans certains établisse-ments, la décision motivée et signée par un directeur est en possession des agents, dans le local de fouille, avant d’exécuter la fouille. Si le détenu la réclame, l’agent la montre. Elle peut être immédiatement signifiée. Dans d’autres établissements par contre, même si la fouille à nu est program-mée, la décision n’est signée qu’a posteriori et remise ultérieurement au détenu.

D’autres fouilles à nu résultent de l’observation immédiate du comporte-ment du détenu et sont effectuées sur le champ. La procédure décrite par les agents et directement observée par l’équipe d’enquête pour obtenir l’autorisation de la hiérarchie et signifier la décision individuelle de fouille suit en principe les étapes suivantes :

- l’agent de surveillance ou le chef de quartier téléphone à l’assistant pénitentiaire pour lui faire part de ses observations ;

- l’assistant pénitentiaire donne son préaccord pour fouiller le détenu à nu et en définit les modalités pratiques (lieu, nombre d’agents...) ;

- l’agent de surveillance ou le chef de quartier demande l’assistance d’un ou plusieurs agent(s) ;

- en principe, l’assistant pénitentiaire se rend chez le directeur et lui demande son accord, parfois avec, en mains, une décision de fouille à nu pré-remplie avec le nom du détenu et le motif de la fouille.70 Si le directeur est absent ou que son bureau est trop éloigné, l’assistant pénitentiaire lui demande son accord par téléphone. S’il ne parvient pas à joindre un membre de la direction, il prend lui-même la respon-sabilité de décider de la fouille à nu ;

- au même moment, l’équipe emmène le détenu dans le local où la fouille doit avoir lieu ;

- l’assistant pénitentiaire téléphone à l’agent pour l’autoriser à effec-tuer la fouille ou se rend sur place avec la décision signée par le

70 De tous les établissements pénitentiaires visités, seul le directeur de la prison d’Arlon explique rédiger de préférence lui-même la décision de fouille à nu avant que la fouille proprement dite ne soit effectuée.

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directeur. S’il n’a pas pu joindre un membre de la direction, il prépare la décision et l’envoie à la direction qui devra la signer dans les 24 heures ;

- la fouille à nu est effectuée ; - la décision est (signée par le directeur si ce n’est pas déjà fait) photo-

copiée et notifiée au détenu dans les 24 heures.

Lorsque l’autorisation d’effectuer une fouille à nu est déléguée aux assis-tants pénitentiaires71, le directeur prend connaissance de la fouille à nu a posteriori, lorsqu’il signe la décision.

Là où des assistants pénitentiaires permettent aux agents de surveillance de décider d’une fouille à nu sans en demander l’autorisation préalable, ces agents devraient en informer les assistants pénitentiaires pour qu’ils puissent rédiger une décision par la suite. À Saint-Gilles, pour cinq détenus ayant déclaré avoir subi une fouille à nu décidée par des agents, des rap-ports ont été établis dans trois cas, mais aucune décision individuelle de fouille n’a été trouvée dans leur dossier ni notifiée aux détenus.72

Par ailleurs, certains établissements ont pour habitude de ne notifier la décision au détenu qu’à sa demande expresse.

Il arrive que des détenus demandent au personnel de surveillance chargé d’exécu-ter la fouille à nu la preuve que l’autori-sation a été donnée par le directeur. Dans ce cas, le personnel leur répond qu’ils ne doivent lui fournir la décision qu’après la fouille proprement dite et qu’elle leur sera remise dans les 24 heures, comme prévu par la loi. Cette réponse peut sus-citer de la rébellion chez le détenu ou des tensions au moment de la fouille.

L’administration pénitentiaire justifie le délai de 24 heures par la nécessité d’intervenir rapidement pour obtenir des résultats, ce qui ne laisse pas le temps de rédiger et faire signer la décision. La fouille à nu perdrait son

71 Voy. le point 2.1.1 Autorisation hiérarchique.72 Idem.

dans certainES PRISONS,

les dÉtenus ne recoivent

la dÉcision qu’À leur demande

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efficacité si elle n’est pas effectuée dans les plus brefs délais. Selon l’ad-ministration, un délai trop long entre l’observation du comportement et la fouille peut également susciter davantage de tension car le détenu est isolé dans l’attente.

2.1.2.2. Analyse

En l’absence de notification immédiate de la décision de fouille à nu, le détenu n’est pas en mesure de déterminer si la fouille est légale. Cette situation résulte du fait que le détenu n’est, suivant les prescriptions légales, pas en droit de demander la preuve de l’autorisation de fouille avant de devoir s’y soumettre.

Selon l’administration pénitentiaire, le délai de 24 heures pour notifier la décision de fouille à nu au détenu est nécessaire pour obtenir la signa-ture du directeur. Cette dernière peut prendre du temps. L’enquête montre qu’une notification a posteriori peut « couvrir » certaines fouilles à nu déci-dées sans contrôle préalable de la hiérarchie. Par ailleurs, de nombreuses fouilles à nu sont programmées des heures avant leur exécution de telle sorte que le délai de 24 heures ne trouve pas de justification. En effet, dans ce cas, la décision peut être établie à l’avance.

Un délai se justifie uniquement pour les décisions de fouille à nu prises à la suite de l’observation directe d’un comportement suspect et de l’urgence de la situation. Toutefois, même dans ce cas de figure, un temps d’attente est nécessaire pour obtenir l’autorisation de fouille à nu et isoler le détenu avant l’exécution de la fouille proprement dite. Ce temps peut être mis à profit pour établir la décision de fouille à nu et la signer. La délégation du pouvoir de décision à l’assistant pénitentiaire, en rapprochant l’autorité décisionnelle du terrain des opérations, permettrait de raccourcir le délai nécessaire pour établir la décision.

2.1.2.3. Recommandation

RG 19/03 : la décision de fouille à nu doit être notifiée au détenu au moment de l’exécution de la fouille.

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2.1.3. NÉCESSITÉ ET PROPORTIONNALITÉ

L’enquête a examiné si, d’une part, le recours aux fouilles à nu se limite au strict nécessaire, sur la base d’un examen individuel du risque d’introduc-tion de substances ou d’objets interdits et, d’autre part, si les fouilles à nu sont effectuées en dernier recours, parmi un panel plus vaste de mesures.

2.1.3.1. Constats

2.1.3.1.1. Circonstances à risque

Dans tous les établissements pénitentiaires, l’équipe d’enquête a constaté des fouilles à nu systématiques, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas effec-tuées à partir d’indices individualisés sur le comportement ou le profil de risque du détenu. Ces fouilles sont pratiquées au seul motif que le détenu se trouve dans une circonstance particu-lière, sans autre justification précise et concrète liée à son comportement. Que ces fouilles à nu fassent l’objet d’une autorisation individuelle préalable ou non, aucun examen de la nécessité de la mesure à l’égard du détenu n’est réalisé.

Lors de son enquête de terrain, le Médiateur fédéral a identifié sept circonstances73 qui peuvent conduire à des fouilles à nu systématiques. Deux circonstances conduisent toujours à fouiller le détenu à nu quel que soit l’établissement, à savoir l’entrée dans l’établissement en venant de liberté et la mise au cachot. Les autres circonstances génèrent de manière variable des fouilles systématiques, des fouilles sur indices individualisés ou encore des fouilles aléatoires. Les directions régionales ne constatent pas d’augmentation des incidents dans les prisons ayant mis un terme aux fouilles systématiques dans certaines circonstances.

73 Voy. le point 1.1.2. Organisation pénitentiaire.

toutes les PRISONS organisent

des fouilles à nu systématiques

pourtant interdites par la loi

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Pratiques de fouilles au corps

entrant de liberté

entrant sous escorte

retour de permission de sortie ou de congé pénitentiaire

visite hors surveillance

visite à table

isolement au cachot

poste de travail « à risque »

systématique 8 4 8 4 0 12 3aléatoire 0 0 1 1 2 0 1sur indices 0 8 3 7 10 0 8n/a 4 0 0 0 0 0 0total 12 12 12 12 12 12 12

Caractère des fouilles à nu (fouilles systématiques, aléatoires ou sur indices individualisés) selon 7 circonstances à risques

*N/A Certains établissements pénitentiaires n’admettent pas des détenus entrant de liberté. Sur les douze établissements visités, quatre sont con

Nombre de circonstances à risques pour lesquelles la fouille à nu est fondée uniquement sur des indices, par prisonArlon 5Beveren 5Lantin 4Marneffe 4Bruges 3Merksplas 3Namur 3Ruiselede 3Saint-Gilles 3Marche-en-Famenne 2Prison centr. Louvain 1Tournai 0

8

4

8

4

12

3

1

1

2

1

8

3

7

10

8

n/a*

0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

entrant de liberté entrant sous escorte retour de permissionde sortie ou de congé

pénitentiaire

visite hors surveillance visite à table isolement au cachot poste de travail « àrisque »

Nom

bre

d'ét

ablis

sem

ents

pén

itent

iaire

s

Circonstances à risque

Caractère des fouilles à nu, selon les circonstances à risque

systématique aléatoire sur indices

0

1

2

3

4

5

6

7

Nombre de circonstances à risque, par prison, pour lesquelles la fouille à nu est uniquement basée sur indices

* Certains établissements pénitentiaires n’accueillent pas de détenus entrant de liberté. Sur les douze établissements visités, quatre sont concernés.

a) À l’arrivée en prison avec un billet d’écrou

Tous les détenus qui arrivent en prison avec un billet d’écrou font sys-tématiquement l’objet d’une fouille à nu à leur arrivée, quel que soit l’établissement.74

b) Au cachot75

En cas d’incident ou pour des motifs disciplinaire, le détenu peut être placé au cachot. Le détenu doit changer de vêtements.76 Des vêtements et des sous-vêtements77 sont mis à la disposition du détenu sur le mate-las de la cellule ou à proximité. La fouille à nu du détenu a pour objectif, selon les propos des acteurs de terrain, de limiter le risque d’agression et d’auto-agression. Elle est pratiquée par les agents de l’aile ou par l’équipe d’intervention.

74 Quatre des établissements pénitentiaires sont des maisons de peines dans lesquelles il n’y a aucun entrant de liberté (Beveren, prison centrale de Louvain, Marneffe et Ruiselede).

75 Le cachot désigne la cellule sécurisée ou la cellule de punition.76 L’article 136 de la loi de principes prévoit que : « Le directeur veille à ce que le détenu enfermé en cellule de

punition : « 1° (…), reçoive de la prison des chaussures et des vêtements décents et puisse soigner décemment son apparence et son hygiène corporelle ».

77 Seul Lantin ne met pas de sous-vêtements à disposition des détenus.

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L’équipe d’enquête a pu constater qu’en marge des incidents et des pla-cements disciplinaires, des détenus sont placés au cachot à leur demande, afin de pouvoir s’isoler quelques heures. Cette situation peut s’expliquer par la promiscuité permanente entre détenus d’une même cellule et la sur-population carcérale importante que connaissent certains établissements. Dans ce cas, ils font également l’objet d’une fouille à nu systématique.

Le service Soins de Santé en Prison de la DG EPI a indiqué à l’équipe d’en-quête que le risque d’auto-agression, lors du placement d’un détenu au cachot, devait être évalué au cas par cas et que, par conséquent, la fouille à nu systématique ne se justifiait pas.

c) À l’arrivée sous escorte

Lorsqu’ils arrivent sous escorte, les détenus sont soumis à la fouille à nu dans quatre établissements.78

À Tournai, l’équipe d’enquête a pu consulter le registre des objets dange-reux et interdits confisqués, dont il ressort que des détenus rentrent dans la prison en possession de substances ou d’objets dangereux bien qu’ils aient été sous la surveillance de la police ou du corps de sécurité.

Dans les huit autres établissements, la fouille à nu des détenus n’est déci-dée qu’après une évaluation individuelle de leur profil ou comportement ou sur la base des informations reçues des forces de police ou de sécurité qui l’accompagnent. Celles-ci pratiquent d’ailleurs elles-mêmes une fouille à nu lorsqu’elles l’estiment nécessaire.

d) Au retour d’une permission de sortie, de congé pénitentiaire ou de détention limitée

Seul l’établissement de Beveren a retiré explicitement de ses instructions les fouilles à nu systématiques dans cette circonstance. Toutefois, dans les prisons d’Arlon et de Merksplas, les entretiens menés avec les détenus et les agents préposés au vestiaire ont permis de constater que les agents n’effectuent plus d’inspection visuelle dans cette circonstance. Il ne s’agit plus d’une fouille à nu, mais d’un simple changement de vêtements.

78 Bruges, Namur, Ruiselede et Tournai.

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e) Après le travail

Une personne détenue qui souhaite travailler en prison doit s’inscrire sur une liste et patienter ensuite pour obtenir le poste, parfois plusieurs mois. Les détenus qui occupent des postes de travail représentant un risque accru du fait des contacts avec le monde extérieur (ex. un détenu accédant au chemin de ronde) ou avec les familles en visite, sont généralement choisis par la direction sur la base de leur comportement pendant la détention. Ce sont des « détenus de confiance ».

Trois établissements visités organisent des fouilles à nu systématiques des détenus qui occupent un poste de travail impliquant un contact avec l’extérieur.

Un détenu « servant » affecté aux visites79, par exemple, est fouillé à nu plusieurs fois par jour par des agents différents. En effet, les agents tra-vaillent par équipes de 6h-14h, 14h-22h et 22h-6h. Ce détenu servant doit se mettre à nu à chaque fois qu’il revient de la salle des visites pour entrer dans la partie cellulaire. Si des visites ont lieu le matin et l’après-midi ou le soir, il est fouillé par des agents de l’équipe du matin avant de remonter en cellule pour prendre son repas de midi et ensuite par des agents de l’équipe

du soir lorsqu’il revient de son service de l’après-midi ou du soir. Et ainsi de suite, chaque jour de travail.

Certains directeurs signent une décision de fouille à nu à chaque reprise, d’autres prennent des décisions de fouilles à nu récurrentes80 pour alléger leur charge administrative. L’équipe d’enquête a relevé des décisions autorisant la fouille

à nu quotidienne de certains détenus pendant une période couvrant plu-sieurs mois, jusqu’à même parfois un an. À l’époque, les instructions de la DG EPI n’autorisaient pourtant les fouilles récurrentes que pour une période maximale de 7 jours. En principe, elles sont désormais exclues.

79 Détenu travailleur affecté aux services de la salle des visites à table.80 La lettre collective n° 126 de la DG EPI autorisait les fouilles à nu récurrentes pour une période maximale de 7

jours. Entretemps, la lettre collective a été remplacée. Voyez le point 1.1.1. Cadre légal.

les fouilles à nu systématiques

DÉCOURAGENT lES DÉTENUS

de TRAVAILLER

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Il ressort des propos de ces détenus que la récurrence des fouilles à nu engendre pour certains une souffrance très importante. Elle influence en outre considérablement leur motivation au travail. À Marche-en-Famenne, un détenu a déclaré qu’il ne supportait plus d’être systématiquement fouillé à nu et qu’il souhaitait changer de poste de travail, mais que sa demande avait été refusée. Un détenu de la prison centrale de Louvain a indiqué ironiquement à l’équipe d’enquête qu’à force d’être fouillé plusieurs fois par jour, les membres du personnel de surveillance connaissaient mieux son intimité que sa propre épouse. Il a abandonné son travail. f) Après la visite à table

En ce qui concerne les visites à table, l’enquête n’a constaté aucune pra-tique de fouilles systématiques mais deux pratiques de fouilles aléatoires81 ont été rencontrées.

g) Après une visite hors surveillance (« VHS »)

Les détenus ont la possibilité d’obtenir des visites en dehors de la surveil-lance des agents, afin de retrouver leur famille ou leur partenaire en toute intimité. La plupart des établissements pénitentiaires estiment qu’une fouille des vêtements du détenu suffit après la visite. Quatre établisse-ments organisent néanmoins, au retour de la visite, une fouille à nu systé-matique du détenu.

2.1.3.1.2. Fouilles dites aléatoires

Au sein de cinq établissements visités, l’équipe d’enquête a constaté l’orga-nisation de fouilles à nu décidées, selon les acteurs de terrain, de manière « aléatoire ».

Quelques détenus, parmi ceux qui se trouvent dans une des circonstances visées par cette pratique, sont choisis « au hasard » par les assistants péni-tentiaires ou les directions, pour être fouillé à nus. C’est le cas :

- au retour d’une permission de sortie ou d’un congé pénitentiaire à Marneffe,

- après une visite hors surveillance à Marche-en-Famenne,

81 Voyez ci-dessous.

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- après une visite à table à la prison centrale de Louvain et à Tournai,- au retour du travail à Merksplas.

Les détenus sont en réalité choisis en fonction de différents critères :- à Marneffe, lors du rapport du matin82, la direction choisit les détenus

qui subiront une fouille à nu au retour de leur permission de sortie ou congé pénitentiaire. Le détenu qui quitte la prison pour la première fois est systématiquement placé sur la liste des fouilles à nu le jour de son retour. Ensuite, c’est son comportement ou le rythme de ses sorties qui détermine s’il est choisi pour la fouille à nu « aléatoire ».

- à la prison centrale de Louvain, à Marche-en-Famenne et Tournai, l’assistant pénitentiaire peut décider de placer le détenu sur la liste en fonction de ses antécédents. Si, après une visite, le détenu a été pris en possession d’objets interdits, ivre ou sous l’influence de drogues, il fera plus facilement l’objet d’une fouille à nu.

Dans l’ensemble des établissements qui pratiquent des fouilles aléatoires, si aucun détenu ne présente de risque individuel, quelques détenus sont choisis au hasard sur la liste des entrants, des travailleurs ou des bénéfi-ciaires de visite.

À la prison centrale de Louvain, Marche-en-Famenne et Marneffe, le per-sonnel de surveillance tient à jour un registre qui répertorie ces fouilles dites aléatoires afin de s’assurer qu’un même détenu n’est pas fouillé trop souvent. Seule la prison de Tournai ne le fait pas.

2.1.3.1.3. Fouilles collectives

L’équipe d’enquête a constaté l’existence de fouilles à nu pratiquées sur plusieurs codétenus simultanément et pour le même motif.

À Merkplas, plusieurs détenus partageant la même cellule ont déclaré être régulièrement fouillés à nu en groupe, en raison des problèmes d’addiction de l’un d’eux. Selon leurs dires, la récurrence des fouilles augmente les tensions entre eux et engendre des problèmes de cohabitation.

82 Réunion quotidienne de la direction et des agents pénitentiaires.

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À Beveren, une fouille à nu collective de tous les détenus de la prison a été rapportée à l’équipe d’enquête, au motif qu’un couteau de la cuisine avait disparu.

L’établissement de Tournai a pour habitude de fouiller à nu tous les détenus présents au préau lorsqu’un objet est lancé dans la cour par une personne extérieure, depuis le mur d’enceinte. Vu la répétition de ce type d’incidents, certains détenus préfèrent éviter la sortie quotidienne au préau.

2.1.3.1.4. Evaluation individualisée du risque

a) Outils d’évaluation du risque individuel

Les détenus sont répertoriés dans une base de données centrale, Sidis suite, qui ne contient pas d’observations relatives à leur comportement en détention hormis les procédures disciplinaires.

Tous les établissements travaillent avec des cahiers, sortes de journaux de bord de section ou de l’aile, dans lesquels les agents notent leurs obser-vations courantes pour se transmettre les informations utiles, notamment sur les détenus. En cas de comportement suspect jugé sérieux, les agents rédigent un rapport d’observation à l’intention de la hiérarchie. Deux éta-blissements visités ont remplacé les cahiers de section par des fichiers électroniques directement accessibles pour la hiérarchie et permettant des recherches en plein texte.

Dans certains établissements, des fiches d’observations individuelles, papiers ou électroniques, suivent l’évolution globale des détenus au sein de l’établissement.

À Merksplas, un « formulaire de déclaration de comportement agressif »83 permet aux agents de catégoriser et de décrire très précisément un inci-dent d’agression de la part d’un détenu.

La direction ou les assistants pénitentiaires consultent le service médi-cal pour diverses vérifications d’ordre technique, souvent en rapport avec l’usage des détecteurs de métaux. À Beveren, l’équipe d’enquête a constaté

83 Traduction libre de : Meldingsformulier agressief gedrag.

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que les assistants pénitentiaires interrogent parfois le service médical pour s’assurer qu’un comportement qui semble « suspect » n’est pas, en réalité, consécutif à un traitement suivi par le détenu ou à un symptôme médical. Le médecin répond sans trahir le secret médical.

b) Pratiques observées par établissement

Dans la partie cellulaire, tous les établissements pratiquent des fouilles à nu au départ d’observations individuelles (sauf les fouilles collectives), qui convainquent la direction ou les assistants pénitentiaires de la nécessité d’effectuer cette fouille.

Hormis l’entrée dans l’établissement et le placement au cachot, les cinq autres circonstances donnent lieu à une évaluation plus ou moins indivi-dualisée du risque selon les établissements.

Les détenus de Beveren et d’Arlon sont fouillés à nu, au cas par cas, dans cinq circonstances à risques84 sur sept. À Tournai, aucune circonstance à risques ne donne lieu à une évaluation individuelle de la nécessité de la fouille à nu.

84 Pour rappel, il s’agit de l’entrée sous escorte, du retour d’une permission de sortie, de congé pénitentiaire ou de détention limitée, de la visite à table, de la visite hors surveillance, de l’occupation de certains poste de travail.

Pratiques de fouilles au corps

entrant de liberté

entrant sous escorte

retour de permission de sortie ou de congé pénitentiaire

visite hors surveillance

visite à table

isolement au cachot

poste de travail « à risque »

systématique 8 4 8 4 0 12 3aléatoire 0 0 1 1 2 0 1sur indices 0 8 3 7 10 0 8n/a 4 0 0 0 0 0 0total 12 12 12 12 12 12 12

Caractère des fouilles à nu (fouilles systématiques, aléatoires ou sur indices individualisés) selon 7 circonstances à risques

*N/A Certains établissements pénitentiaires n’admettent pas des détenus entrant de liberté. Sur les douze établissements visités, quatre sont con

Nombre de circonstances à risques pour lesquelles la fouille à nu est fondée uniquement sur des indices, par prisonArlon 5Beveren 5Lantin 4Marneffe 4Bruges 3Merksplas 3Namur 3Ruiselede 3Saint-Gilles 3Marche-en-Famenne 2Prison centr. Louvain 1Tournai 0

8

4

8

4

12

3

1

1

2

1

8

3

7

10

8

n/a*

0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

entrant de liberté entrant sous escorte retour de permissionde sortie ou de congé

pénitentiaire

visite hors surveillance visite à table isolement au cachot poste de travail « àrisque »

Nom

bre

d'ét

ablis

sem

ents

pén

itent

iaire

s

Circonstances à risque

Caractère des fouilles à nu, selon les circonstances à risque

systématique aléatoire sur indices

0

1

2

3

4

5

6

7

Nombre de circonstances à risque, par prison, pour lesquelles la fouille à nu est uniquement basée sur indices

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Ces disparités importantes de pratiques peuvent être mises en relation avec le contexte de chaque établissement. Les prisons de Beveren et d’Ar-lon, d’une part, et celles de Marche-en-Famenne, de Tournai ainsi que la prison centrale de Louvain, d’autre part, se trouvent respectivement aux deux extrémités du spectre des pratiques observées.

• Prison de Beveren

La prison de Beveren, située au milieu des champs, a été mise en service en mars 2014. Elle dispose des meilleurs équipements de sécurité passive du parc immobilier pénitentiaire : les moyens de contrôle y sont variés, nombreux et performants85. Sauf exception, tous les détenus y arrivent par transfert d’un autre établissement.

La prison de Beveren est organisée selon un mode classique de gestion de la détention, à savoir un régime de portes fermées avec des assouplisse-ments progressifs. La circulation des détenus y est très contrôlée. Les déte-nus sont seuls en cellule. Ils y vivent d’abord portes fermées. Ils subissent une fouille des vêtements à chaque sortie de cellule et à chaque entrée dans leur aile. Après un temps d’observation, ceux dont le comportement le permet sont placés dans une section où les portes sont ouvertes 45 minutes le matin et 2 heures le soir. Ils peuvent sortir de leur cellule mais pas de leur section.

Les fouilles à nu sont pratiquées exclusivement sur la base d’une évalua-tion individuelle du risque dans toutes les circonstances, sauf la mise au cachot.

• Prison de Marche-en-Famenne

La prison de Marche-en-Famenne est également située au milieu des champs et l’infrastructure et les outils de sécurité passive sont quasiment identiques à ceux de Beveren.

A l’inverse de Beveren, la prison de Marche-en-Famenne connait un régime de portes ouvertes dégressif. Les détenus sont seuls en cellule mais les portes des cellules restent ouvertes plusieurs heures par jour. Les détenus

85 Voy. le point 1.1.2. Organisation pénitentiaire.

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peuvent circuler dans toute l’aile, donc aussi entre les sections d’une même aile. Un détenu ne sera privé de cette liberté de mouvement que si son comportement en détention montre que ce régime n’est pas adapté pour lui. Dans ce cas, il est placé dans une section plus fermée.

La direction de l’établissement a souligné que ce régime de détention rend les fouilles de vêtements impraticables dans le cellulaire au vu de la liberté de circulation qui y prévaut. Par contre, ce régime est mis à profit pour observer les détenus, évaluer l’évolution de leur comportement et, le cas échéant, identifier les situations suspectes ou à risques. Comme indiqué plus haut, ces observations sont consignées dans un fichier électronique accessible à la hiérarchie.

Pendant l’enquête, deux détenus de l’établissement étaient signalés comme étant sujets à de fortes pressions de codétenus pour faire entrer des objets interdits. Ils faisaient l’objet d’une surveillance accrue à la demande des assistants pénitentiaires. Un assistant pénitentiaire a déclaré à ce sujet que « un détenu fragile fera l’objet d’un suivi aussi attentif qu’un détenu avec des antécédents de possession d’objets interdits. L’évolution du détenu est analysée par rapport à son cadre habituel. S’il change de comportement ou de fréquentations, c’est suspect. S’il cantine86 beaucoup alors qu’il ne le fai-sait pas avant, c’est peut-être qu’il a une dette envers un autre détenu pour substance illicite ou pour une clé usb, etc. À ce moment-là, lors des visites, le personnel est chargé de l’observer de plus près. S’il a un comportement suspect (très agité, passe de table en table, etc …), l’assistant pénitentiaire va demander l’autorisation de fouille à nu ou il sera repris dans la liste des détenus qui subiront une fouille à nu aléatoire. »

Cette analyse individualisée du risque n’est toutefois exploitée pour éviter les fouilles à nu systématiques que dans deux circonstances : les visites à table et l’entrée dans l’établissement sous escorte, pour autant que le détenu soit connu dans l’établissement.

• Prison centrale de Louvain

La prison centrale de Louvain est le seul établissement visité qui est globa-lement organisé sur le même mode de régime de détention que la prison de

86 Cantiner : faire des achats par l’entremise d’un service d’achats collectifs organisé par l’établissement.

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Marche-en-Famenne, c’est-à-dire un régime ouvert. L’établissement n’ac-cueille que des condamnés à de longues peines, jugés capables de vivre en groupe.

Il s’agit d’une prison qui date du 19e siècle, située dans une ville, qui dispose de moyens de sécurité passive nettement inférieurs à ceux des nouvelles prisons. Les rénovations entreprises dans la prison ont surtout amélioré les conditions de vie des détenus.

L’arrivée sous escorte est la seule circonstance à risque où les détenus de la prison centrale de Louvain ne sont pas fouillés systématiquement, mais uniquement sur indices. Toutes les autres circonstances génèrent des fouilles à nu systématiques.

Un détenu a expliqué qu’à la prison de Gand, il n’avait quasi jamais subi de fouille à nu alors qu’il est perpétuellement fouillé à la prison centrale de Louvain, sans qu’on lui ait donné la raison de ce changement radical de fréquence de fouille.

• Prison de Tournai

La prison de Tournai connaît la situation la plus critique des établissements visités.

Comme la prison centrale de Louvain, il s’agit d’une prison du 19e siècle, située dans une ville et dont les moyens de sécurité passive sont très peu développés. La prison de Tournai n’a pas bénéficié d’une rénovation de ses parties cellulaires et le nouveau centre de surveillance par caméras n’était pas encore en service lors de l’enquête.

A cela s’ajoute le fait que la prison de Tournai est située dans une cuvette. La hauteur du terrain en pente qui jouxte la prison permet facilement l’en-voi d’objets depuis l’extérieur et, selon la Régie des bâtiments, rendrait inopérante la pose d’un filet à côté des murs. La direction et le person-nel pénitentiaire ont indiqué qu’il ne se passe pas une semaine sans que des objets ne soient jetés par-dessus les murs, dont la plupart atterrissent dans la cour intérieure : psychotropes, médicaments, GSM, armes (dans une balle de tennis ou même un ballon de foot)…

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Enfin, entre 2012 et 2015, l’établissement a connu deux évasions avec prise d’otages, trois décès par pendaison et un décès par overdose. Selon la direction, une crainte générale s’est installée au sein du personnel, ce qui ne lui permet pas d’imposer l’arrêt des fouilles à nu systématiques.

Au moment de son enquête à Tournai, le Médiateur fédéral a constaté que six des circonstances jugées à risques engendraient des fouilles à nu sans aucune analyse individuelle et la septième, à savoir la visite à table, des fouilles dites aléatoires.

• Prison d’Arlon

La prison d’Arlon est également une prison du 19e siècle, située en ville et elle accueille tous types de détenus dans un régime fermé avec des assou-plissements progressifs. À la suite d’une évasion avec prise d’otage violente en 2012, d’importants travaux de rénovation ont été réalisés en 2015. Le bâtiment a été repensé en termes de sécurité ainsi que tous les mouve-ments de détenus au sein de la prison. Un important réseau de caméras a été implanté dans la prison. La direction de l’établissement est particuliè-rement attentive à l’attitude des agents à l’égard des détenus87.

Arlon rejoint Beveren parmi les prisons qui pratiquent le plus d’évaluations individuelles pour décider d’une fouille à nu.

2.1.3.1.5. Dernier recours

Parmi les méthodes de fouille, la fouille des vêtements n’est, dans aucun établissement, considérée comme une alternative à la fouille à nu lorsqu’il existe des indices individuels de possession de substance ou d’objets inter-dits. Certains établissements ou sections privilégient la fouille de cellule comme alternative à la fouille à nu pour vérifier la possession d’objets. Certains pratiquent les deux fouilles (à nu et de cellule) en même temps.

L’enquête a constaté que les tests d’urine pratiqués à l’entrée de la pri-son de Ruiselede étaient des fouilles à nu. Ce constat a été communi-qué à la direction de la prison lors de l’entretien de sortie de la visite de l’établissement. Celle-ci s’est immédiatement engagée à rechercher

87 Voy. le point 2.2.3 Attitude du personnel de surveillance.

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une alternative afin de réaliser un dépistage de drogue sans fouille à nu. Quelques semaines plus tard, la direction de l’établissement de Ruiselede a fait savoir au Médiateur fédéral que le test de dépistage de drogue systé-matique pour tous les détenus serait effectué à terme au moyen d’un test de salive. Les fouilles à nu ne seraient plus ordonnées que sur la base d’une indication individuelle de possession de substance ou objets interdits.

Le même constat a été fait dans la section sans drogue de la prison de Bruges. Fin février 2017, la direction de la prison de Bruges a signalé au Médiateur fédéral que les tests de salive étaient produits et passaient les contrôles de qualité en vue d’une utilisation prochaine dans toutes les sections sans drogue.

Pour détecter un téléphone portable, quelques établissements visités ont la possibilité de recourir au « sweeping » qui permet de détecter à faible distance le signal émis par un téléphone.

2.1.3.2. Analyse

L’existence d’un risque général pour la sécurité ne suffit pas pour décider d’une fouille à nu, à l’entrée comme à l’intérieur des établissements péni-tentiaires. L’interdiction des fouilles à nu systématiques est inscrite dans la loi de principes, entrée en vigueur en 2007 et une circulaire ministérielle de la même année. À la suite de la modification de la loi en 2013 afin de les réintroduire dans les pratiques pénitentiaire autorisées, la Cour consti-tutionnelle a jugé que le recours aux fouilles systématiques est contraire à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui interdit tout traitement inhumain et dégradant88. La nécessité d’une fouille à nu doit résulter du comportement du détenu ou du « risque accru pour la sécurité ou l’ordre dans la prison »89 qui existe dans son chef. Malgré cela, de nombreuses pratiques de fouille à nu systématiques se poursuivaient dans les établissements pénitentiaires au moment de l’enquête de terrain.

88 Voy. les points 1.1.1. Cadre légal et 1.2. Portée de l’enquête.89 Cour const., op. cit., « B.12. Il résulte de ce qui précède qu’une fouille au corps peut, dans certaines

circonstances, s’avérer nécessaire afin de maintenir l’ordre et la sécurité en prison et de prévenir les infractions, à savoir lorsque le comportement du détenu l’impose. » et B. 13 « (…) il ne peut être considéré que chacune de ces situations, dans le chef de chaque détenu, donne lieu à un risque accru pour la sécurité ou l’ordre dans la prison. ».

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L’enquête de terrain ne montre aucune circonstance qui justifie en elle-même la pratique des fouilles à nu sans évaluation individuelle. Quatre circonstances ne font plus l’objet de fouilles systématiques dans certains établissements, mettant dès lors en question la poursuite de celles-ci dans les autres :

- la poursuite des fouilles à nu systématiques liées à un poste de travail, confié à un détenu choisit parce que son comportement inspire plus de confiance, ne saurait se justifier dans trois établissements, alors que dans les neuf autres cette pratique a pris fin. Le nombre élevé de fouilles à nu que ces détenus doivent subir quotidiennement consti-tue sans nul doute un traitement inhumain et dégradant ;

- les fouilles à nu systématiques des détenus qui entrent sous escorte des forces de police ou de sécurité résultent surtout d’un manque de coordination entre les établissements qui la pratiquent encore et les forces en question90. Dans les autres établissements, une coordination efficace permet de procéder à l’évaluation individuelle de la nécessité d’effectuer une fouille à nu ;

- les retours de permission de sortie, congé pénitentiaire et détention limitée donnent lieu à des changements de vêtements sans inspec-tion visuelle dans trois établissements qui, ensemble, accueillent tous types de détenus ;

- huit établissements ne pratiquent plus de fouilles à nu systématiques après une visite hors surveillance.

Pour le détenu, ces disparités importantes de pratiques entre prisons revêtent un aspect totalement arbitraire. Les transferts de détenu entre établissements les mènent à remettre en question les règles qui s’ap-pliquent dans les unes et pas les autres. Certains agents ont exprimé leur exaspération à l’égard de détenus qui « pensent connaître mieux que nous les règles applicables ». Ces inégalités de traitement sont sources de ten-sions, voire de conflits entre les agents pénitentiaires et les détenus. Les tensions individuelles peuvent facilement dégénérer en tensions collec-tives. Les fouilles à nu systématiques peuvent donc engendrer un risque pour la sécurité de l’établissement.

90 L’entrée dans l’établissement sous escorte avait été exclue par le législateur de 2013 comme pouvant générer des fouilles à nu systématiques. Voy. à ce propos Cour Const., op. cit., B.10.

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Seules l’entrée avec un billet d’écrou et la mise au cachot conduisent tous les établissements à pratiquer des fouilles à nu systématiques :

- l’entrée avec un billet d’écrou était la situation soumise à la Cour constitutionnelle. Celle-ci a exclu la fouille à nu sans lien avec le comportement du détenu ou la démonstration d’un risque accru dans son chef, y compris dans cette circonstance et même si le détenu n’est pas encore connu de l’administration pénitentiaire. Les directions régionales ont insisté sur le fait que la première entrée dans un éta-blissement pénitentiaire constitue un risque majeur. Un changement de vêtement systématique sans inspection visuelle, recommandé par le Médiateur fédéral91 permettrait certainement de circonscrire le risque, étant entendu qu’une fouille à nu reste toujours possible sur la base d’un comportement observé pendant la procédure d’entrée du détenu ou d’informations obtenues avant celle-ci.

- l’enquête de terrain démontre que tous les détenus ne présentent pas un risque d’agression ou d’auto-agression lors de la mise au cachot. Cette circonstance doit dès lors également faire l’objet d’une évalua-tion au cas par cas.

Les directions régionales indiquent qu’elles ne constatent pas d’augmen-tation des incidents dans les prisons ayant mis un terme aux fouilles sys-tématiques, mais qu’il faudra encore un peu de temps pour que toutes les directions en soient convaincues sur le terrain. À cet égard, des lieux de partage d’expériences devraient permettre aux directions, dont certaines sont demandeuses, de profiter des pratiques mises en place ailleurs afin de se conformer à la loi.

La lettre collective n° 141, diffusée après l’enquête de terrain, ne semble pas avoir mis un terme à la pratique et l’enquête laisse penser qu’un par-tage d’expérience ne suffira pas à convaincre les directions et le personnel pénitentiaire dans les établissements réticents. En effet, si aucune circons-tance ne justifie en soi une fouille à nu sans examen individualisé, il faut garder à l’esprit que la fouille à nu fait partie d’un panel de mesures de contrôle et de dispositifs92 qui concourent ensemble à empêcher l’intro-duction ou la circulation d’objets et substances illicites pouvant mettre en danger l’ordre et la sécurité dans un établissement. La combinaison

91 Voy. le point 2.1.1. Autorisation hiérarchique.92 Voy. le point 1.1.2. Organisation pénitentiaire.

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adéquate de ces mesures permet de remplir cet objectif de manière satis-faisante pour tous, personnel, visiteurs et détenus. Aucune de ces mesures

ne permet de l’atteindre à elle seule.

Pour bien évaluer les pratiques de fouille à nu de chaque établissement, il faut les envisager dans le contexte de chaque établissement. Elles dépendent de la perception que le personnel pénitentiaire a du niveau global de risque dans l’établissement. Cette perception est notamment liée à l’importance et la variété des moyens de sécurité passifs. Ainsi, la prison de Marche-en-Famenne dispose des mêmes

dispositifs de sécurité passive que celle de Beveren, mais la différence de régime de détention permet une circulation plus importante des personnes et des objets, ce qui augmente le niveau et la perception du risque dans l’établissement. Même si les outils de sécurité passive et l’infrastructure sont similaires à Beveren et Marche-en-Famenne, les pratiques de fouilles à Marche-en-Famenne se rapprochent plus de celles de la prison centrale de Louvain. La prison d’Arlon est comparable à la prison de Tournai sur une série de caractéristiques objectives (situation en ville, population péni-tentiaire, régime de détention, historique d’incidents graves...), mais une réponse forte a été apportée aux difficultés rencontrées à Arlon en terme d’aménagements et de culture de service. La prison d’Arlon a des pratiques de fouilles qui rejoignent celles de Beveren, pas celles de Tournai. Cette dernière a peu de moyens techniques de contrôle, une mauvaise localisa-tion, un historique important d’incidents graves et la direction et le per-sonnel ont le sentiment de ne pas être entendus dans leurs difficultés et demandes. Les fouilles à nu y sont massivement employées.

Les directions régionales doivent dès lors identifier les difficultés de chaque établissement, que ce soit au niveau de la sécurité passive et active ou de la perception du personnel pénitentiaire, afin d’accompagner chaque établis-sement dans l’abandon rapide et complet des fouilles à nu systématiques et afin que l’usage de la fouille à nu s’effectue en dernier recours parmi le panel des mesures qui sont mobilisables dans chaque établissement.

Par ailleurs, l’enquête révèle que certaines pratiques de fouilles à nu systématiques peuvent être utilement remplacées par d’autres mesures

la fouille À nu n’est pas

toujours utilisée

en dernier recours

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systématiques qui ne sont pas attentatoires à la dignité humaine. C’est le cas des tests salivaires pour remplacer les tests d’urine. Le « sweeping » à la recherche de téléphones portables en est un autre exemple.

La loi impose un examen strict de la nécessité de la mesure à l’égard du détenu, mais ne limite pas la notion d’indices individualisés à un compor-tement directement observable. En d’autres termes, l’évolution du com-portement du détenu, sa fragilité y compris, peut également constituer un indice. Les indices sur le comportement récoltés par le personnel de surveillance ainsi que la circonstance particulière dans laquelle se trouve le détenu doivent convaincre le directeur que la fouille à nu est nécessaire. L’enquête révèle que les établissements pénitentiaires ne disposent que de peu d’outils de récolte des indices et d’évaluation du risque présenté par un détenu. Les cahiers de section et journaux de bord sont peu exploitables à cet effet. Les fichiers d’observation des détenus créés par certains assis-tants pénitentiaires ne suivent pas le détenu lors d’un transfert.

Il ressort de l’enquête que, dans la plupart des cas, les fouilles dites « aléa-toires » ne sont pas aléatoires. Elles sont, en réalité, décidées sur la base d’observations individuelles du détenu. Cette bonne pratique, constatée dans plusieurs établissements pénitentiaires, permet d’assurer des fouilles à nu sur la base d’une réelle évaluation du comportement du détenu, en conformité avec les prescriptions légales.

Par contre, lorsqu’il n’y a pas ou peu de détenus identifiés « à risques », des détenus sont choisis au hasard pour être fouillés à nu. Seul cet aspect de la pratique des fouilles dites « aléatoires » contrevient au prescrit légal.

Par ailleurs, l’utilisation d’un registre de fouilles constitue une autre pra-tique positive. Elle permet aux directions de s’assurer qu’un détenu n’est pas systématiquement fouillé à nu.

Enfin, une attention particulière doit être portée aux fouilles à nu collec-tives. Une telle pratique peut s’avérer nécessaire vu la confusion régnant parfois lors d’un incident ou d’une situation à risque impliquant un grand nombre de détenus. Le choix de la mesure doit néanmoins rester adapté à la situation et ne peut faire l’économie d’une évaluation individuelle per-mettant à tous le moins, d’écarter certains détenus de la fouille collective.

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Après l’enquête de terrain, la DG EPI a adressé aux établissements péniten-tiaires une nouvelle lettre collective qui rappelle encore l’interdiction des fouilles à nu systématiques93. Certains établissements ont communiqué au Médiateur fédéral leurs nouvelles règles en matière de fouille à nu, dans le sillage de ces nouvelles instructions générales. On observe une évolution vers une meilleure application de la loi. Par exemple, dans un établisse-ment, les fouilles à nu après visite hors surveillance, permission de sortie ou congé pénitentiaire qui étaient systématiques au moment de la visite de terrain sont désormais décidées par la direction après consultation de la liste des détenus qui en bénéficient. Mais des fouilles à nu systématiques continuent, ne fût-ce qu’en raison de la qualification erronée donnée à certaines mesures dans certains établissements.

2.1.3.3. Recommandations

- RO 19/06 : les directions régionales doivent évaluer et réviser les plans de fouilles des établissements de leur ressort afin de mettre un terme aux fouilles à nu systématiques.

- RO 19/07 : il faut réinstaurer des lieux de partage d’expériences entre les équipes de direction, comme outil d’harmonisation et de renforce-ment des bonnes pratiques de fouille à nu.

- RO 19/08 : la DG EPI doit identifier, dans chaque établissement, les freins à l’abandon des fouilles à nu systématiques tels que les insuffi-sances en matière d’infrastructures, et effectuer un suivi de ces situa-tions, notamment avec la Régie des Bâtiments.

- RO 19/09 : la DG EPI doit encourager et généraliser l’usage de mesures de contrôles alternatives à la fouille à nu.

- RO 19/10 : des outils uniformes de collecte des observations et d’éva-luation des détenus doivent être élaborés. Le résultat doit être intégré au dossier pénitentiaire du détenu, qui le suit en cas de transfert.

- RO 19/11 : les établissements pénitentiaires ne peuvent faire usage des fouilles à nu collectives qu’en dernier recours, lorsqu’une telle

93 Voy. le point 1.1.1. Cadre légal.

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mesure est réellement nécessaire au regard du risque présenté par la situation et qu’il est impossible d’évaluer le risque individuel présenté par chaque détenu.

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2.1.4. MOTIVATION DES DÉCISIONS Une décision bien motivée est une décision compréhensible. L’enquête a, par conséquent, examiné la qualité de la motivation des décisions de fouilles à nu.

La lettre collective n° 126 de la DG EPI fournit un modèle de décision qui reprend l’objectif de la fouille à nu. Outre la date, le lieu, les noms et prénom du détenu, le directeur doit compléter le document par une moti-vation en fait, c’est-à-dire indiquer les raisons qui ont amené à autoriser la fouille.

Pendant son enquête au sein de 12 établissements pénitentiaires, le Médiateur fédéral a récolté 1 187 décisions de fouille à nu prises en 2015 et 2016. Il s’agit d’un large échantillon des types de motivations de fouilles à nu adoptées par les directeurs.

Les décisions ont été récoltées, d’une part, en consultant les dossiers des détenus interviewés qui ont déclaré avoir été fouillés et, d’autre part, en demandant accès au système de classement (registre papier ou électro-nique des fouilles, compilation des décisions par période…) mis en place dans certaines prisons, voire dans certaines ailes de prison.

2.1.4.1. Constats

L’équipe d’enquête a examiné la qualité de la motivation de chaque déci-sion de fouille à nu récoltée et constaté que celle-ci varie énormément d’une décision à l’autre.

Le dossier d’un détenu de Marche-en-Famenne permet d’illustrer les diffé-rences de qualité de motivation d’une fouille à nu. Ce détenu a été trouvé à plusieurs reprises en possession de drogue, notamment après la visite de sa compagne. Il a donc été décidé de le surveiller plus attentivement lors de la visite. Son dossier contient sept décisions de fouille à nu après la visite de sa compagne, rédigées par des directeurs différents, avec des motivations libellées de manières diverses :

- « Vu la nécessité de s’assurer de l’absence d’objets interdits » ;- « Suspicion de détention de stupéfiants/objets illicites » ;

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- « Vu le risque élevé de rentrée de produits stupéfiants » ;- « Comportement suspect lors de la visite à table » ;- « Suite visite à table de visiteur et sa compagne détenue » ;- « Vu les contacts avec personnes extérieures, vu la nécessité de

s’assurer qu’il ne possède pas d’objets dangereux ou de substances illicites » ;

- « Vu le contact avec une codétenue avec laquelle des échanges de stupéfiants ont déjà eu lieu ».

Ce dossier illustre qu’un détenu peut être fouillé pour une raison valable qui ressort de son dossier, mais sans que ce motif n’apparaisse dans la motivation des décisions.

Les 1 187 décisions de fouille à nu récoltées lors de l’enquête peuvent être classées en quatre catégories :

- sans motivation, le champ prévu à cet effet dans le document a été laissé vide par le directeur ;

- motivation stéréotypée, basée sur une formulation standard sans aucun élément concret ;

- motivation se référant à une information non-communicable;- motivation mentionnant le fait concret qui a amené à la fouille et qui

permet au détenu de comprendre la décision.

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Le tableau suivant classe les décisions récoltées selon ces quatre catégo-ries de motivation.94

Le tableau suivant donne un aperçu par établissement.

94 L’établissement de Ruiselede n’a pas été pris en compte car le nombre de décisions de fouilles à nu récoltées, deux, est très faible. La majorité des fouilles à nu sont pratiquées dans le cadre de tests d’urine, qui ne donnent lieu à aucune décision individuelle.

# décisions%1 Sans motivation 43 4% /2 Motivation stéréotypée, dont: 977 82%

a mention d'une circonstanc 881 74% "visite à table"b autre 96 8% "Vu la nécessité de s’assurer de l’absence d’objets interdits…"

3 Motivation stéréotypée avec p 91 8%a "suspicion" avec mention d 56 5% "suspicion de détention d'un gsm"b "comportement suspect" a 35 3% "comportement suspect à l'entrée de la prison"

4 Motivation avec information n 13 1% "informations portées à notre connaissance"5 Motivation avec faits concrets 63 5% "Vu le contact avec une co-détenue avec laquelle des échanges de stupéfiants ont déjà eu lieu"

1187 100%

1 Sans motivation 43 4%2 Motivation stéréotypée 1068 90%3 Motivation avec information n 13 1%4 Motivation avec faits concrets 63 5%

1187 100%0

EtablissementsMotivation

stéréotypée dont seule

# % # % # % # % # % # %Arlon 22 100 0 0% 13 59% 3 14% 6 27% 2 9%

Beveren 38 100 0 0% 25 66% 1 3% 12 32% 6 16%Brugge 97 100 0 0% 97 100% 0 0% 0 0% 32 33%Lantin 35 100 0 0% 28 80% 4 11% 3 9% 10 29%

Leuven Centraal 395 100 23 6% 372 94% 0 0% 0 0% 367 93%

Marche-en-Famenne 81 100 1 1% 51 63% 0 0% 2936% 29 36%

Marneffe 25 100 0 0% 18 72% 0 0% 7 28% 15 60%Merksplas 111 100 2 2% 108 97% 0 0% 1 1% 88 79%

Namur 20 100 1 5% 10 50% 5 25% 4 20% 0 0%Saint-Gilles 22 100 1 5% 20 91% 0 0% 1 5% 8 36%

Tournai 339 100 15 4% 324 96% 0 0% 0 0% 324 96%Médiane 1% 85% 0% 7%

Total 1187 100 43 1068 13 63 881

# moyenne (%)1 Sans motivation 43 22 Motivation stéréotypée 1068 813 Motivation avec information n 13 44 Motivation avec faits concrets 63 13

1187 100

sans motivation 2%motivation stéréotypée 81%motivation avec information no 4%motivation avec fait concret 13%

1

Qualité des motivations

Total

Motivation stéréotypée

Motivation information non communicable

Total

décisions récoltéesType de motivation

décisions récoltéesMotivation faits

concrets Sans motivation

Types de motivation

Total

Total

2%

81%

4%

13%

Qualité de la motivation des décisions de fouille à nu

sans motivation

motivation stéréotypée

motivation avecinformation noncommunicable

motivation avec fait concret

Etablissementsans motivation

motivation stéréotypée

motivation avec information non

motivation avec fait concret

Arlon 0% 59% 14% 27%Beveren 0% 66% 3% 32%Bruges 0% 100% 0% 0%Lantin 0% 80% 11% 9%Marche-en-Famenne 1% 63% 0% 36%Marneffe 0% 72% 0% 28%Merksplas 2% 97% 0% 1%Namur 5% 50% 25% 20%Prison centrale de Louvain 6% 94% 0% 0%Saint-Gilles 5% 91% 0% 5%Ruiselede 0% 100% 0% 0%Tournai 4% 96% 0% 0%Total

Qualité de la motivation des décisions de fouille à nu, par prison

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

Qualité de la motivation des décisions de fouille à nu, par prison

motivation avec fait concret

motivation avec informationnon communicable

motivation stéréotypée

sans motivation

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Une large majorité de décisions de fouille à nu sont basées sur une moti-vation stéréotypée dans l’ensemble des établissements. Bien que des dis-parités existent d’un établissement à l’autre (de 59 % à 100 % selon les établissements en moyenne), la proportion de décisions stéréotypées au sein de l’ensemble des établissements est élevée.

Une distinction peut être opérée entre différents types de motivations stéréotypées :

- seule la circonstance dans laquelle se trouvait le détenu lorsque la fouille à nu a été demandée (« visite à table », « entrée dans la pri-son »...) est mentionnée ;

- seul l’objectif de la loi est mentionné, et/ou comprend les termes « comportement suspect » ou « suspicion », éventuellement avec une précision sur le type de suspicion ou sur la circonstance particulière (par exemple: suspicion de détention de drogue ou suspicion suite à une visite).

Par exemple, à Bruges, toutes les décisions de fouille à nu des détenus d’une même aile sont motivées par la même phrase, à savoir « suspicion de possession d’objet ou substance interdite sur le corps ou dans la cel-lule »95. Dans une autre aile, la formule est différente mais tous les détenus d’une même aile ont des fouilles à nu motivées par une phrase type. Ces motivations ne constituent en réalité qu’une formulation standard et ne fournissent aucune information sur l’indice à l’origine de la suspicion sur laquelle se base la décision. Pour cinq établissements pénitentiaires, les motivations stéréotypées représentent l’intégralité ou presque des déci-sions de fouille à nu récoltées.96

Lorsque le Conseil d’Etat annule une décision disciplinaire prise sur la base d’une décision de fouille à nu stéréo-typée, la Direction Soutien juridique ne communique l’arrêt qu’à l’établis-sement concerné.

95 Traduction libre de Vermoeden bezit van verdachte substantie of voorwerpen op het lichaam of in de verblijfsruimte.

96 Il s’agit de 100 % des décisions récoltées à Bruges, 94 % à la prison centrale de Louvain, 97 % à Merksplas, 91 % à Saint-Gilles et 96 % à Tournai.

La grande majoritÉ des décisions

sont stéréotypées et

ne mentionnent aucun fait concret

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Aux motivations stéréotypées s’ajoute un certain nombre de décisions (entre 0 % et 25 % selon les établissements) qui se réfèrent à des infor-mations qui ne sont volontairement pas communiquées dans le document (« information non-communicable »). L’absence d’indications concrètes dans la motivation peut se justifier dans certains cas, par la volonté des acteurs de terrain de préserver l’origine de leurs informations (dénoncia-tion par un autre détenu ou un membre de la famille...).

Seuls deux établissements disposaient d’un « registre des décisions non motivées » prévu par la loi97 afin d’y inscrire la motivation lorsque celle-ci ne peut pas être mentionnée sur la décision elle-même. Aucune décision de fouille à nu n’était reprise dans ces registres.

Pendant l’enquête de terrain à Namur, établissement pour lequel la pro-portion de ce type de motivation est la plus élevée (25 %), l’équipe interro-geait un assistant pénitentiaire quand celui-ci a reçu un appel l’informant qu’un des détenus publie sur un réseau social des photos de lui dans sa cellule. Il était donc en possession d’un GSM. Cet élément concret n’appa-raît pas dans la décision de fouille à nu qui s’en est suivie : seule la mention « informations portées à notre connaissance » y est reprise.

Dans une proportion réduite parmi les décisions récoltées (entre 0 % et 5 % selon les établissements), aucune motivation quelconque n’est indi-quée dans la décision : l’espace réservé à la motivation n’est pas complété. La moitié des établissements visités sont concernés : la prison centrale de Louvain, Marche-en-Famenne, Merksplas, Namur, Saint-Gilles, Tournai.

Une absence de motivation, une motivation stéréotypée ou sans fait concret ne signifie pas que la fouille à nu ne s’appuie pas sur des indices concrets. Beaucoup de détenus ont évoqué eux-mêmes les raisons qui ont conduit à la fouille à nu. Ces raisons leur ont parfois été communiquées oralement par les agents qui exécutent la fouille, même s’ils les contestent. Par contre, ces raisons sont rarement indiquées dans les décisions.

L’équipe d’enquête a consulté les dossiers des détenus concernés afin d’examiner si d’autres documents (notamment les rapports rédigés pour la direction) mentionnent les éléments concrets à l’origine de la fouille à nu.

97 Article 8, § 1er

, al. 3, de la loi de principes.

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Dans la grande majorité des cas, notamment si la fouille à nu n’a donné aucun résultat, la motivation réelle de la fouille à nu n’apparaît nulle part dans le dossier.

Enfin, l’analyse des décisions récoltées révèle qu’une minorité des décisions de fouilles à nu mentionnent au moins un fait concret, avec des disparités très grandes de pratiques entre établissements. Aucun établissement ne dépasse 36 % de décisions motivées par un fait concret.98

Les meilleures pratiques proviennent des établissements d’Arlon et de Marche-en-Famenne, avec des motivations telles que « va-et-vient régu-liers vers le WC durant la visite à table, lui comme sa visiteuse » « dissimu-lation de substance illicite » ou « comportement nerveux ; semble vouloir dissimuler quelque chose dans son pantalon » ou encore « odeur suspecte à l’ouverture de la cellule ; odeur faisant penser à la consommation de substance illicite ».

2.1.4.2. Analyse

L’utilisation de formules stéréotypées ne permet pas de vérifier le caractère réel, acceptable et raisonnable des raisons qui ont conduit à prendre une décision de fouille à nu.

Seules les décisions appartenant à la catégorie « motivation avec fait concret » permettent cette vérification. Elles représentent sans conteste une minorité de décisions (entre 0 % et 36 % selon les établissements). Cette faible proportion de décisions adéquatement motivées est interpellante.

Le recours aux fouilles systématiques explique, en partie, pourquoi un grand nombre de décisions de fouilles à nu sont mal motivées. Ces fouilles à nu sont décidées sur la base du seul motif que le détenu se trouve dans une circonstance particulière (à l’entrée, en visite...). Il est donc, par consé-quent, inutile d’étayer le recours à cette mesure par un fait concret. Le nombre de ces décisions devrait fortement diminuer avec la disparition des fouilles à nu systématiques.

98 Les meilleures pratiques ont été constatées dans les établissements d’Arlon, de Beveren, de Marneffe et de Marche-en-Famenne où 27 % à 35 % des décisions indiquaient au moins un fait concret.

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Il faut toutefois rester attentif car, outre la pratique de la fouille à nu sys-tématique, il se pose effectivement un problème structurel concernant la qualité de la motivation de la décision de fouille. L’enquête démontre, par exemple, que l’utilisation de la motivation standard ne signifie pas néces-sairement qu’aucune constatation concrète n’a été faite, ni qu’il s’agit d’une fouille systématique. La nuance nécessaire lors de l’évaluation est donc nécessaire.

À Bruges, où toutes les décisions sont motivées de manière identique, de nombreuses décisions sont prises sur la base d’indices individuels. Cepen-dant, ces indices ne se retrouvent ni dans la décision ni dans le dossier du détenu. À Marche-en-Famenne, comme illustré dans le dossier ci-dessus, un détenu peut être fouillé pour un motif précis qui figure au dossier, mais qui n’apparait pas dans la décision.

Sur base de ces constatations, il apparait que les directeurs doivent être formés à la rédaction claire des motifs d’une décision. Dans l’attente d’une telle formation, ils doivent au moins être tous informés des enseignements de la jurisprudence administrative à ce sujet.

Certains cas constituent une exception à l’obligation de motivation. Si, par exemple, le motif de la décision ne peut pas être communiqué, la direction doit inscrire cette motivation dans le registre spécial prévu à cet effet par la loi de principes99 et la communiquer à la direction générale. Une faible proportion (entre 0% et 25% selon les établissements) des décisions de fouilles à nu sont concernées. Ces décisions ne posent pas de problème, pour autant que leur motivation soit inscrite dans le registre. Cette obliga-tion n’a été observée dans aucun établissement.

2.1.4.3. Recommandations

- RO 19/12 : les centres de formations des agents pénitentiaires doivent proposer un cours sur la motivation des actes administratifs.

- RO 19/13 : la formation à la motivation des actes administratifs doit être rendue obligatoire pour les directeurs des établissements

99 Article 8, op. cit..

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pénitentiaires et les agents auxquels ils délèguent l’autorisation de fouiller à nu.

- RO 19/14 : le service juridique de la DG EPI doit assurer la diffusion des arrêts commentés du Conseil d’Etat qui portent sur la motivation des actes administratifs en matière pénitentiaire aux directions des établissements pénitentiaires.

- RO 19/15 : chaque établissement pénitentiaire doit établir un registre des décisions non-motivées et en faire usage.

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2.2. Déroulement

des fouilles à nu

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2.2.1. LIEU ADAPTÉ

L’enquête a cherché à vérifier si les fouilles à nu sont effectuées dans un espace privé et si le lieu permet de garantir l’intimité du détenu.

2.2.1.1. Constats

Les fouilles à nu ne sont pas toutes effectuées au sein d’un seul et même espace. Chaque établissement pénitentiaire a prévu plusieurs lieux de fouille qui sont utilisés en fonction des circonstances et de l’endroit de l’établissement dans lequel le détenu se trouve.

Nous distinguons trois catégories de lieux de fouille à nu : à l’entrée dans l’établissement, dans l’espace cellulaire et au retour d’activités spécifiques, comme la visite.

• A l’entrée de la prison

Lorsque le détenu arrive de l’extérieur, il doit d’abord passer par un détec-teur de métaux et ensuite par le « bain entrant » ou le « vestiaire ». Le détenu doit en effet se laver avant d’entrer dans la partie cellulaire de la prison et changer de vêtements.100

En général, le vestiaire est pourvu soit d’un local de fouille à nu fermé, soit de cabines fermées ou d’espaces à moitié fermés. Lors de son enquête de terrain, le Médiateur fédéral a observé les dispositifs suivants :

- un local exclusivement réservé aux fouilles à nu,- des cabines à l’enfilade munies de portes à battants style « western »,- une(des) cabine(s) munie(s) de porte avec ou sans fenêtre,- une(des) cabine(s) sans porte mais avec la possibilité d’accrocher un

tissu,- un espace muni d’une porte à battants style western devant la douche,- un espace caché par un paravent.

Certains établissements pénitentiaires prévoient des serviettes de bain pour les détenus. Elles sont soit stockées dans le local réservé aux fouilles ou à proximité immédiate, soit placées dans chaque cabine.

100 Il s’agit souvent d’une tenue pénitentiaire, parfois d’une tenue civile.

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À Tournai, les fouilles à nu s’effectuent dans un local exclusivement réservé à celles-ci. L’équipe d’enquête a pu observer que la porte du local n’est pas toujours fermée pendant le déroulement des fouilles.

À Beveren et Marche-en-Famenne, la direction a affiché la méthode de fouille à nu en vigueur101 dans le local prévu à cet effet, bien à la vue des détenus. Dans d’autres établissements, les instructions affichées ne sont plus valables depuis parfois plusieurs années.

Un seul établissement ne possède ni local exclusif, ni dispositif spéci-fique pour la fouille à nu des détenus entrants : Marneffe. Les fouilles s’y déroulent dans le vestiaire également utilisé, entre autres, comme cafété-ria par le personnel. La présence de la machine à café notamment suscite de nombreux allers-retours de membres du personnel de surveillance, ce qui ne garantit pas l’intimité de la fouille à nu. En effet, lors de l’observa-tion directe d’une fouille à nu par un des enquêteurs, trois agents péni-tentiaires ont tour à tour fait irruption dans la pièce alors que la fouille à nu était en cours. Un détenu a déclaré qu’il avait dû insister pour limiter le nombre d’agents présents à deux, les autres n’étant manifestement pas là pour effectuer la fouille Deux autres détenus ont confié leur malaise pen-dant les fouilles à nu et qualifié le local de « plaque tournante ».

Ce constat a été discuté lors de l’entretien de sortie et la direction de l’établissement s’est engagée à trouver les moyens pour garantir la préser-vation de l’intimité du détenu lors de la fouille à nu.

Dans la moitié des établissements visités, les lieux étaient équipés de caméras de surveillance dont le champ de vision excluait l’espace réservé aux fouilles à nu. De façon générale, les lieux utilisés étaient propres.

• Dans la partie cellulaire A l’exception de Beveren qui dispose d’un local équipé de plusieurs cabines munies de portes à battants style « western », les établissements péniten-tiaires réalisent généralement les fouilles à nu dans les douches ou dans un cachot.

101 Il s’agit de l’annexe 3 de la lettre collective n° 126 de la DG EPI.

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Les douches sont utilisées tant pour les fouilles à nu individuelles que pour celles en groupes. Lorsqu’un agent de surveillance suspecte un objet inter-dit ou de la drogue, il est en effet fréquent que tous les détenus occupant la même cellule (qu’ils soient deux, trois ou quatre ou plus encore en dor-toir) soient fouillés en même temps. Les promenades au préau peuvent également générer des fouilles collectives.

À Bruges, Lantin et Tournai, plusieurs détenus ont déclaré qu’ils avaient vu leur(s) codétenu(s) nus et été vus nus à l’occasion de fouilles en groupe. À Tournai, les douches sont séparées par des cloisons, mais disposées l’une en face de l’autre, sans porte ni rideau, de telle sorte que les détenus peuvent voir leur(s) codétenu(s). À Bruges, l’équipe d’enquête a pu visionner les images du couloir lors d’une procédure de fouille à nu qui s’est déroulée dans les douches. La porte est restée entrouverte pendant la fouille alors qu’une directrice allait et venait dans le couloir. Le détenu estimait que la directrice avait pu l’observer nu, ce qui s’est avéré ne pas être le cas.

En dehors des douches ou du cachot, les fouilles à nu peuvent également se dérouler dans une salle d’attente, un bureau vide, un local de range-ment, la salle de sport, l’espace réservé au kiné ou, plus rarement, dans la cellule du détenu, voire dans les toilettes. Certains de ces lieux sont équi-pés d’une fenêtre avec une possibilité de vue. Dans trois établissements pénitentiaires, Bruges, la prison centrale de Lou-vain et Namur, des détenus ont fait état de portes laissées ouvertes pen-dant leur fouille à nu. L’équipe d’enquête l’a aussi directement constaté pendant une fouille à Tournai. Persuadés, à tort ou à raison, qu’ils ont été aperçus à nu, les détenus expriment un sentiment de colère ou d’humilia-tion à ce sujet.

Certains détenus se sont plaints de la propreté des douches ou du cachot lorsqu’ils y ont été fouillés.

• Après une visite

Dans la plupart des établissements, les fouilles effectuées après la visite à table se déroulent dans un lieu aménagé, à proximité immédiate du local

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de visite, équipé le plus souvent de cabines munies de portes à battants style « western ».

2.2.1.2. Analyse

Bien que les fouilles à nu ne se déroulent pas toujours dans un « espace fermé » tel que stipulé par la loi, l’objectif de préserver la dignité de la per-sonne détenue en ne la soumettant pas au regard de personnes qui ne sont pas concernées par l’exécution de la mesure est assuré la plupart du temps.

Le local équipé et réservé exclusivement aux fouilles à nu à l’entrée de la prison permet, sauf à, Marneffe, de garantir un minimum d’intimité du détenu, soit par la présence de portes à battants style western, soit en procédant aux fouilles à tour de rôle, les autres détenus étant placés dans un local d’attente.

À l’intérieur du cellulaire, le recours aux douches ou au cachot pour fouiller un détenu à nu est adapté, pour autant que l’intimité de chaque détenu soit préservée en cas de fouilles collectives. Cependant, certains autres locaux utilisés plus ponctuellement pour les fouilles à nu ne sont pas adap-tés. C’est le cas notamment des espaces non fermés ou des locaux (de passage) utilisés par d’autres personnes au même moment, ce qui aug-mente le risque d’atteinte à la dignité des détenus. Ils ne permettent pas de tenir les détenus à l’abri des regards d’autres détenus ou de membres du personnel de surveillance qui ne sont pas en charge de la fouille. Plu-sieurs détenus ont fait part à l’équipe d’enquête du caractère humiliant d’une fouille effectuée dans ces conditions, suscitant chez quelques-uns une certaine colère.

Les détenus ne peuvent en aucun cas être fouillés en présence d’autres détenus ou d’agents qui ne sont pas concernés par la fouille. Le stockage de serviettes à proximité ou dans les lieux de fouille à nu permet de s’assu-rer que les détenus puissent en bénéficier lors de la fouille.

L’affichage de la méthode de fouille, pour autant qu’elle corresponde aux instructions en vigueur, constitue à la fois un rappel utile pour le personnel de surveillance ainsi qu’un cadre de référence pour les personnes détenues, ce qui peut réduire les tensions ou contestations éventuelles.

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La propreté des espaces utilisés pour les fouilles à nu participe également à leur bon déroulement et aide à préserver la dignité des détenus.

2.2.1.3. Recommandations

- RO 19/16 : les établissements pénitentiaires doivent s’assurer que les fouilles à nu se déroulent dans un espace fermé, à l’abri des regards des autres détenus et du personnel qui n’est pas affecté à cette tâche. S’ils ne disposent pas de locaux séparés pour la fouille à nu, ils doivent installer un dispositif permettant aux détenus d’être à l’abri du regard d’autres détenus ou membres du personnel.

- RO 19/17 : il doit immédiatement être mis fin à l’utilisation de locaux qui ne permettent pas de garantir l’intimité des détenus à l’égard de personnes tierces.

- RO 19/18 : dans les espaces de fouille, la présence d’un stock de ser-viettes doit être assurée et la méthode de fouille en vigueur doit être affichée. Ces aménagements minimums doivent être réalisés quel que soit le local de fouille, douches y compris.

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2.2.2. PRÉSENCE DU PERSONNEL DE SURVEILLANCE L’enquête a cherché à vérifier si, d’une part, les fouilles à nu sont réalisées par du personnel de surveillance de même sexe que le détenu et si, d’autre part, le nombre de membres présents pendant les fouilles est raisonnable.

La loi prévoit que la fouille doit être réalisée en présence d’au moins deux membres du personnel de surveillance, de même sexe que le détenu.

2.2.2.1. Constats

2.2.2.1.1. Personnel de même sexe

Hormis les fouilles effectuées à l’occasion d’une intervention102, la règle selon laquelle le détenu ne peut être fouillé que par du personnel du même sexe est globalement respectée au sein des établissements visités. De tous les entretiens menés, seuls deux détenus masculins ont fait état d’une fouille à nu exécutée en présence d’un agent de surveillance féminin, et ce lors de leur détention dans un autre établissement pénitentiaire. Ces affirmations n’ont toutefois plus pu être vérifiées.

La mixité des équipes, couplée à la restriction des effectifs, pose toutefois un défi aux établissements pénitentiaires pour assurer la présence de deux membres du personnel de même sexe pendant les fouilles.

Lors des fouilles à nu effectuées à l’entrée de la prison et dans l’enceinte cellulaire, il est fréquent qu’un des deux agents chargés de la fouille soit de l’autre sexe que le détenu. En principe, il n’assiste pas directement à la fouille, mais se tient dans le couloir, prêt à intervenir ou à donner l’alerte, et ne procède donc pas à l’inspection visuelle. L’équipe d’enquête n’a pas recueilli d’informations ou de témoignages selon lesquels un membre du personnel de sexe opposé du détenu aurait été amené à intervenir pendant une fouille à nu.

Selon les déclarations du personnel de surveillance de Ruiselede, il arrive qu’une fouille à nu ne soit pas effectuée, faute d’agents masculins dispo-nibles dans l’établissement.

102 Voy. le point 2.2.4. Usage de la contrainte.

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Pour les fouilles à nu des détenus au cachot, les constats diffèrent sensi-blement. À Lantin, une détenue a affirmé qu’un membre masculin du per-sonnel de surveillance faisait partie de l’équipe qui a procédé à une fouille effectuée sous la contrainte. À Namur, un agent féminin a expliqué que, lors de la mise au cachot, l’inspection visuelle du détenu peut être réalisée par un agent de sexe opposé. À Saint-Gilles, l’équipe d’intervention, qui assiste et participe à la mise à nu du détenu, est parfois mixte.

2.2.2.1.2. Nombre d’agents selon les circonstances et les raisons de fouille

Le nombre de personnes présentes lors des fouilles à nu dépend fortement des circonstances et des raisons qui conduisent à la fouille.

• À l’entrée de l’établissement

En principe, à l’entrée de l’établissement, les fouilles à nu s’effectuent par équipe de deux agents : l’un préposé au local de fouilles à nu et l’autre tra-vaillant dans l’aile où se trouve la cellule du détenu. Dans ce cas, les deux agents ne participent cependant pas nécessairement à la fouille propre-ment dite. L’un d’eux peut se charger des formalités administratives et, si l’équipe se compose de trois personnes, un autre, de fouiller les vêtements du détenu.

Vu la restriction des effectifs, il n’est pas rare que des fouilles dites « de routine »103 soient effectuées par un seul agent. Il arrive régulièrement que l’agent préposé au vestiaire soit seul pour effectuer la fouille. Si néces-saire et si c’est possible en termes d’effectifs, lorsqu’une fouille à nu sort de la routine, il appelle un renfort.

Pour certains assistants pénitentiaires, une seule personne suffirait pour effectuer une fouille à nu « de routine ».

Il ressort des entretiens menés avec les détenus dans les 12 établissements pénitentiaires visités qu’il est exceptionnel que plus de deux agents parti-cipent à une fouille à nu effectuée à l’entrée de l’établissement.

103 Voy. le point 2.1.3. Nécessité et proportionnalité.

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• À la suite d’un incident

Les fouilles qui font suite à un incident ou qui sont décidées à partir d’in-dices concrets de suspicion sont, par contre, généralement exécutées par plus de deux membres du personnel de surveillance. Plusieurs facteurs rentrent en ligne de compte, notamment la perception du personnel sur l’état de nervosité du détenu, le degré de coopération du détenu, le nombre de détenus concernés, le nombre d’agents disponibles dans l’aile mais aussi la culture de travail au sein de l’établissement, voire d’une aile ou d’une section en particulier.

Selon les établissements, c’est l’assistant pénitentiaire ou le chef quartier qui décide du nombre d’agents qui feront partie de l’équipe qui procède à la fouille à nu.

• Dans la partie cellulaire

Il ressort des entretiens menés avec les détenus que, dans la partie cel-lulaire, les fouilles sont la plupart du temps menées par trois agents. Les déclarations des agents corroborent celles des détenus. Un certain nombre de détenus ont néanmoins indiqué qu’il était fréquent que l’équipe se com-pose de quatre personnes, voire plus.104

À Lantin, la règle prévoit que les fouilles à nu sont effectuées par le chef de quartier, assisté de deux agents de surveillance. À l’issue des entre-tiens menés, l’équipe d’enquête a toutefois constaté des pratiques fort différentes d’une aile à l’autre de la prison, voire parfois d’une section à une autre. Plusieurs détenus d’une même section ont notamment expliqué qu’ils avaient été conduits dans l’espace de fouilles par quatre agents et parfois plus, mais que seuls deux d’entre eux avaient assisté à la fouille ; les autres patientaient dans le couloir pour intervenir en cas de besoin. Cette pratique n’a pas été confirmée par le personnel des autres sections appartenant à la même aile de la prison.

104 13 récits mentionnent deux agents présents, 23 récits mentionnent trois agents présents et 17 récits mentionnent quatre agents ou plus présents lors de la fouille.

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• Au cachot

Au cachot, le nombre de membres du personnel de surveillance pré-sents pendant la fouille dépend fortement des raisons qui ont conduit le détenu à y être placé. En début de service, l’assistant pénitentiaire désigne les agents qui doivent se rendre sur les lieux d’intervention. Le nombre d’agents présents à la fouille à nu au cachot est généralement élevé. S’il existe un risque important d’agression ou d’auto-agression, certains agents interrogés estiment que la fouille à nu doit au minimum être conduite à trois : un agent donnant les instructions au détenu pendant que les deux autres sont chargés d’observer attentivement la procédure et d’éviter tout débordement.

A Beveren, l’équipe d’enquête a observé que de nombreux membres du personnel de surveillance ont suivi l’équipe d’intervention jusqu’au cachot. Ils ont donc tous pu observer la fouille à nu du détenu. En raison des nombreuses allées et venues, l’équipe d’enquête n’a pas été en mesure d’évaluer précisément le nombre de personnes présentes sur place. Plu-sieurs directeurs d’établissement et agents de surveillance ont confirmé que le déclenchement de l’alarme, procédure habituelle lors d’une inter-vention, suscite la curiosité de l’ensemble du personnel de sur-veillance qui aura tendance à se rendre sur les lieux. A contrario, lorsque le détenu est placé au cachot à sa demande, le nombre d’agents présents semble, selon les détenus, conforme à la pra-tique ordinaire.

2.2.2.2. Analyse

A l’exception des fouilles à nu réalisées à la suite d’une intervention, l’en-quête n’a pas constaté de problèmes majeurs dans l’application de la règle selon laquelle le détenu est fouillé par une personne du même sexe. Un risque existe cependant, lorsque la fouille est effectuée par une équipe mixte, qu’un agent de sexe opposé au détenu soit amené à intervenir.

parfois, des membres du personnel

assistent aux fouilles à nu

sans que leur présence soit justifiÉe

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Par ailleurs, la loi impose la présence minimum de deux membres du per-sonnel de surveillance pour effectuer une fouille à nu. La DG EPI insiste sur ce nombre, tant pour protéger le détenu (contrôle social entre agents) que pour protéger le personnel (témoin en cas de plainte du détenu).

Bien qu’il s’agisse en général de fouilles routinières, le fait que certaines fouilles à nu ne soient réalisées que par un seul agent peut poser problème.

A l’inverse, un nombre trop élevé d’agents présents lors de la fouille peut contribuer à lui donner un caractère humiliant.

Ni les instructions de fouilles à nu en vigueur, ni le manuel de formation105 ne précisent le nombre et le rôle des agents présents lors des fouilles à nu.À Lantin, la pratique d’une section consistant à faire réaliser la fouille par deux membres du personnel de surveillance, secondés par deux collègues présents dans le couloir par mesure de sécurité, mérite d’être soulignée. Cette procédure permet de garantir la sécurité du personnel qui effectue la fouille et le maintien de l’ordre tout en limitant l’atteinte à la dignité du détenu au strict nécessaire.

Lorsqu’ils composent l’équipe chargée d’exécuter une fouille à nu, les assistants pénitentiaires ou les chefs de quartier doivent prendre en consi-dération le fait que la présence de personnes non nécessaires à la fouille reste un facteur d’humiliation pouvant constituer un traitement dégradant pour le détenu106.

Une clarification du rôle de chaque agent dans l’exécution d’une fouille à nu aiderait à mieux évaluer le nombre de personnes dont la présence est nécessaire, et donc justifiée, lors de la fouille à nu.

Toute présence motivée par des seuls motifs de curiosité doit être bannie et, lorsqu’elle survient, faire l’objet d’un rappel à la règle.

105 Centre de Formation du Personnel pénitentiaire, DG EPI, Marneffe, Manuel de fouilles de personnes et des locaux, 1

er septembre 2016.

106 Cour eur. D. H., arrêt Iwanczuk c. Pologne, 15 novembre 2001, req. n° 25196/94. Dans cette affaire, il s’agissait d’un groupe de quatre gardiens.

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2.2.2.3. Recommandations

- RO 19/19 : des directives générales doivent prévoir le rôle des diffé-rents agents pénitentiaires pendant la fouille à nu, et notamment les tâches qui peuvent être accomplies par un agent de l’autre sexe qui prête son assistance à une fouille.

- RO 19/20 : les directions des établissements pénitentiaires doivent veiller à ce que le nombre des agents qui participent à une fouille soit, dans chaque cas, raisonnable et proportionné au regard de la situation.

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2.2.3. ATTITUDE DU PERSONNEL DE SURVEILLANCE L’enquête a cherché à vérifier si l’attitude du personnel de surveillance amené à effectuer les fouilles à nu facilite leur bon déroulement.2.2.3.1. Constats

Les témoignages des détenus recueillis par l’équipe d’enquête, au sein des 12 établissements visités, sont loin d’être concordants au sujet de l’atti-tude des membres du personnel de surveillance pendant les fouilles à nu. La situation varie d’un établissement à un autre, d’une section à l’autre d’un même établissement et même d’un membre du personnel à un autre.

A Arlon, les détenus interrogés perçoivent le comportement des membres du personnel de surveillance comme positif et soulignent leur profession-nalisme. Ils font régulièrement la comparaison avec leur détention dans d’autres établissements et déclarent spontanément « être des hommes et pas que des détenus », que « les agents sont impeccables » et qu’il s’agit d’« une prison formidable, on vous respecte ». Ils qualifient généralement le déroulement de la fouille à nu de « (très) correcte » et estiment la mesure légitime. Ce constat à Arlon est d’autant plus singulier que les génuflexions

sont encore fréquemment exigées lors d’une fouille à nu.107 Les détenus n’expriment pourtant pas le sentiment d’y subir un trai-tement dégradant.

Arlon est le seul établissement pénitentiaire visité qui impose à l’ensemble de son per-sonnel une politique active de courtoisie.

Les membres du personnel appellent par exemple les détenus par leur nom de famille précédé d’un « Monsieur ». Il s’agit là d’une pratique unique qui n’a pas été observée dans d’autres établissements par l’équipe d’enquête.

Une attitude inadéquate n’est pas toujours une attitude agressive ou insul-tante. Des difficultés ont été rapportées lors de fouilles à nu en raison de remarques à connotation sexuelle émises par des agents de même sexe que le détenu. À Lantin, un assistant pénitentiaire a fait état d’une plainte for-mulée par une détenue à l’égard d’une surveillante qui, pendant une fouille

107 Les génuflexions ont été retirées de la méthode prescrite par les instructions de la DG EPI.

À arlon, le personnel appelle

tous les détenus « monsieur »

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à nu, lui avait fait un compliment sur son physique. Les faits n’avaient pas été contestés par l’agent concerné. En interrogeant d’autres membres du personnel de surveillance, l’assistant pénitentiaire a constaté que cette situation était susceptible de se reproduire. L’assistant pénitentiaire a rap-pelé au personnel la nécessité d’adopter une attitude professionnelle pen-dant la fouille à nu.

À Bruges, Lantin et Merksplas, il ressort des témoignages des détenus que l’attitude non professionnelle de certains membres du personnel de surveillance se limite à certaines sections. Il peut s’agir, comme à Lantin, d’une section qui connaît une forte rotation de détenus et dans laquelle sont placés les détenus qualifiés de « difficiles » par le personnel. Dans ces conditions, où le risque pour la sécurité est plus élevé qu’ailleurs et où les contacts peuvent être de courte durée, les relations entre membres du personnel de surveillance et détenus sont parfois tendues.

À Saint-Gilles, la majorité108 des détenus interrogés par l’équipe d’enquête relate des commentaires déplacés, des attitudes agressives ou provocantes, des menaces et même des remarques racistes. Certains nuancent toutefois leur propos en précisant que cette attitude ne concerne pas la majorité des membres du personnel. L’attitude de certains agents est cependant suffisante pour susciter des plaintes de la part d’une majorité des détenus, quelle que soit la section où ils se trouvent. Quatre détenus se sont égale-ment plaints de violences lors de fouilles à nu au cachot.

Au sein de certains établissements, plusieurs membres du personnel de surveillance indiquent craindre le comportement de certains de leurs col-lègues qu’ils qualifient de « cowboys »109, et qui utilisent notamment la fouille à nu pour pratiquer de l’intimidation, exercer des représailles ou de la violence. Interrogés par l’équipe d’enquête, une grande partie des assistants pénitentiaires confirment pourtant l’importance qu’ils attachent à l’attitude du personnel pendant la fouille à nu :

- «Travailler avec l’humain est délicat. En 20 ans, je n’ai jamais eu de soucis. Par exemple, si j’arrive avec les gants d’intervention prévus dans la formation, le détenu va penser qu’il va avoir des ennuis. Sans gants,

108 Sur les 18 détenus interrogés, dont 11 avaient récemment fait l’objet d’une fouille à nu, 15 détenus se sont plaints de l’attitude du personnel de surveillance.

109 Ce terme est couramment utilisé par des membres du personnel de surveillance pour désigner certains de leurs collègues.

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il se dit qu’il est encore possible de discuter. Tout est dans le relation-nel. » (Marche-en-Famenne) ;

- « Si pendant la fouille, je vois qu’un agent s’énerve, je le fais sortir » (Tournai) ;

- « Il faut travailler avec le feeling. La première chose, c’est de discuter avec le détenu avant la fouille à nu. L’agent qui aime ça, n’a rien à faire ici » (Arlon) ;

- « Il faut un comportement professionnel en toutes circonstances. On ne peut pas se permettre le laisser-aller dans un régime de détention ouvert. Un mauvais comportement met tous les agents en danger » (prison centrale de Louvain).

2.2.3.2. Analyse

Une attitude professionnelle et courtoise des membres du personnel de sur-veillance, telle qu’observée au sein de l’établissement pénitentiaire d’Arlon, contribue nettement à amoindrir le caractère humiliant d’une fouille à nu. Elle permet de créer un climat favorable au sein de la prison, ce qui aide à diminuer la perception du risque général pour la sécurité. Cette exigence n’est pas respectée par tous les membres du personnel de surveillance des établissements visités. Même s’il ne s’agit que d’une minorité, les abus de pouvoir de certains agents rejaillissent sur l’ensemble de la prison, y com-pris leurs collègues tant dans leurs relations avec les détenus que dans les relations entre collègues.

Les directions des établissements pénitentiaires doivent par conséquent prêter une attention forte au professionnalisme et à la courtoisie des membres de leur personnel vis-à-vis des détenus, en particulier lors de la fouille à nu.

2.2.3.3. Recommandation

RO 19/22 : les directions des établissements pénitentiaires doivent dévelop-per une politique de respect et de courtoisie active du personnel à l’égard des détenus, et ne pas laisser les comportements inappropriés sans suite.

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2.2.4. USAGE DE LA CONTRAINTE

L’enquête a examiné les méthodes et moyens de contrainte physique éven-tuellement mis en œuvre par les établissements pénitentiaires lors d’une fouille à nu.

2.2.4.1. Constats

Le refus du détenu de se soumettre volontairement à une fouille à nu constitue un refus d’ordre. Il peut mener à une fouille à nu effectuée au cachot sous la contrainte ou à une mise à l’isolement sans fouille.

Quelques assistants pénitentiaires et chefs quartiers insistent fortement sur le dialogue et les négociations avec le détenu qui précèdent une fouille à nu avec contrainte ou une mise à l’isolement. Une stratégie de désesca-lade peut être mise en œuvre. Par exemple, à Saint-Gilles, un chef de quar-tier a indiqué qu’il prend parfois la décision de faire sortir du local un agent afin d’évacuer la pression ressentie par le détenu et obtenir sa coopération.

2.2.4.1.1. Lors du refus catégorique du détenu

Face à un détenu qui refuse catégoriquement d’être fouillé à nu, les membres du personnel de surveil-lance interrogés estiment en grande majorité qu’il est nécessaire de recourir à la contrainte physique et que la fouille à nu doit avoir lieu, quelles que soient les circonstances.

À Lantin, la direction s’est étonnée de ce constat. Elle explique qu’elle privilégie avant tout la mise à l’isolement du détenu et le lancement d’une procédure disciplinaire. Mais elle admet dans le même temps qu’elle n’avait pas encore formellement pris position auprès de son personnel dans l’attente d’une réponse claire de la direction régionale sur l’option à privilégier. La question avait été posée en 2013 et restait sans réponse. À l’issue de la visite de terrain, la direction de la prison de Lantin entendait revoir la question de l’usage de la contrainte avec son personnel et favoriser le recours à l’isolement et à la procédure disciplinaire.

avant la contrainte,

certaines prisons tenteNT

d’autres méthodes

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Si, comme à Lantin, un certain nombre de directions disent préférer l’iso-lement et l’ouverture d’une procédure disciplinaire, cette position semble très théorique. En effet, seul l’établissement de Marneffe - parmi les 12 établissements visités - privilégie effectivement l’isolement comme pre-mière mesure à l’encontre du détenu qui refuse de subir une fouille à nu.

Du côté des détenus, très peu d’entre eux indiquent avoir pu s’opposer à une fouille à nu. En cas de refus du détenu, la contrainte semble être la mesure privilégiée, l’isolement du détenu demeure l’exception.

Le refus du détenu peut parfois s’expliquer autrement que par un pur refus d’obtempérer ou la dissimulation d’objets interdits. A Beveren, le dossier disciplinaire d’un détenu mentionne son refus de se soumettre à une fouille à nu en raison d’un traumatisme. Le détenu avait été abusé sexuellement dans le passé.

Selon les directions régionales, l’usage de la contrainte ne peut servir de règle générale : une analyse individuelle de la situation doit être effectuée avant tout recours à la contrainte. Elles précisent que le refus du détenu de se soumettre à une fouille systématique peut être légitime. Si toute-fois la fouille a été décidée sur la base d’indices individualisés, l’usage de la contrainte peut être envisagé, mais à la condition d’avoir au préalable discuté et négocié avec le détenu.

Les directions régionales précisent qu’il est rare que la négociation avec le détenu n’aboutisse pas. Si le détenu maintient son refus après négociation, il convient, selon elles, d’analyser les risques d’une absence de fouille, et notamment le risque d’auto-agression. S’il n’y a pas de risques, l’isolement au cachot peut suffire. Les directions régionales indiquent que, dans tous les cas, une procédure disciplinaire pour refus d’ordre doit être engagée. Elles reconnaissent cependant que, dans les faits, l’usage de la contrainte reste largement privilégié par les membres du personnel.

2.2.4.1.2. Comment s’effectue la fouille à nu sous contrainte ?

Le refus d’un détenu d’exécuter volontairement la fouille conduit à une « intervention » par un groupe d’agents qui utilisent la contrainte physique en premier lieu pour placer le détenu au cachot où il subira la fouille à nu.

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D’autres incidents peuvent donner lieu à une « intervention » qui mène au cachot et à une fouille à nu110, éventuellement sous contrainte. Le refus de fouille à nu est donc un incident parmi d’autres pouvant mener à une fouille à nu sous contrainte. Par exemple, à Saint-Gilles, l’équipe d’enquête a relevé dans le registre des interventions les motifs suivants : « agression d’un autre détenu ou d’un agent », « bagarre », « menaces de mort sur agents », « destruction de matériel », « se barricade en cellule », « com-portement délirant », « refus de transfert ou de mutation », « perturbe le calme »... Selon les règles en usage à Saint-Gilles, chacune de ces interven-tions a donné lieu à une fouille à nu sous contrainte.

Selon les établissements, ce placement au cachot se fera : - soit par une équipe d’intervention composée d’agents ayant suivi une

formation spécifique aux techniques et à l’utilisation des moyens de contraintes et qui appliquent une méthode définie par un manuel d’intervention ;

- soit par un groupe d’agents désignés par un assistant pénitentiaire et qui n’ont pas nécessairement été formés à cet effet.111

Lorsque l’intervention est effectuée par un groupe d’agents, le personnel pénitentiaire déclare en général qu’une phase de dialogue reste possible pour que le détenu coopère à la fouille à nu. Par contre, si celui-ci oppose un refus, aucune méthode de fouille à nu sous contrainte n’a été définie par les agents interrogés. La réponse la plus courante donnée aux enquê-teurs est « on lui saute dessus ». Certains détenus font état de la pré-sence de plus de cinq agents, de violence importante (frappé par plusieurs agents, étranglé…) ou d’insultes pendant leur fouille à nu sous contrainte.

Lorsque l’intervention est effectuée par l’équipe d’intervention, celle-ci est composée de cinq membres du personnel. Chacun occupe un rôle bien défini pendant l’intervention. L’enquête révèle que la fouille à nu sous la contrainte fait partie intégrante du déroulement standard de la procédure de mise au cachot.

110 Il a en effet été constaté que, dans tous les établissements, la fouille à nu est systématique lors du placement au cachot.

111 Seuls Saint-Gilles et Beveren disposent d’équipes d’intervention. Dans la plupart des autres établissements, par manque d’effectifs formés à cet effet, aucune équipe d’intervention n’existe. Dans ce cas, lors d’une intervention, l’équipe d’agents n’utilise pas la méthode du manuel d’intervention.

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Les enquêteurs ont pu observer deux interventions par une équipe d’intervention :

- À Beveren, l’incident concernait un détenu violent dans une salle d’at-tente. Sans avoir pu visualiser l’incident à l’origine de l’intervention, l’équipe a nettement entendu un bruit de destruction de matériel. La procédure d’intervention a été enclenchée par une alarme. Toutes les cellules de la prison ont été fermées, aucun détenu ne pouvant plus circuler et l’équipe d’intervention a été appelée à se rassembler.112 Pendant ce temps, un dialogue a été entamé avec le détenu pour ramener le calme. Plusieurs membres du personnel sont arrivés sur place, en tant que spectateurs. L’équipe d’intervention, équipée d’une tenue de protection, est arrivée sur les lieux environ une demi-heure plus tard. Le chef de l’équipe d’intervention a prévenu le détenu de leur entrée imminente dans la cellule et lui a adressé une série d’ins-tructions, notamment de se mettre à genoux au fond de la cellule. L’équipe d’intervention a ouvert la porte de la cellule et le détenu s’est conformé aux ordres. Il a été menotté et emmené, sans résistance, au cachot. Il a répété plusieurs fois sa volonté de coopérer. Arrivée au cachot, l’équipe d’intervention a placé le détenu face contre terre et quatre agents ont procédé, sous les ordres de leur chef, à une série de manœuvres pour le déshabiller entièrement tout en le maintenant sous contrôle physique. Une fois le détenu nu et inspecté par l’équipe d’intervention, les agents ont laissé le détenu couché au sol, les mains entravées par les vêtements de cachot113. L’équipe d’intervention s’est retirée du cachot.

- À la prison de Saint-Gilles, un des enquêteurs a visionné, en compa-gnie du directeur et d’un assistant pénitentiaire, les images de trois fouilles à nu qui se sont déroulées au cachot. Un des détenus fouillés à nu lors du placement au cachot a, par la suite, été transféré dans un autre cachot, où il a subi une nouvelle fouille à nu. Le détenu n’avait opposé aucune résistance à son déplacement. Le directeur a d’emblée fait remarquer à l’assistant pénitentiaire que la seconde fouille à nu n’était pas nécessaire. Dans cet établissement, tous les placements au cachot se font par l’équipe d’intervention.

112 Cette procédure est appelée « on hold ».113 Dans tous les cachots, des vêtements et des sous-vêtements sont mis à la disposition du détenu sur le

matelas de la cellule ou à proximité. Voy. à ce propos le point 2.1.3 Nécessité et proportionnalité.

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Dans les deux situations, la méthode utilisée par l’équipe d’intervention était conforme à celle prescrite par le manuel114.

2.2.4.2. Analyse

Certaines directions d’établissements privilégient l’isolement sans fouille plutôt que la fouille à nu sous la contrainte et les directions régionales estiment qu’une évaluation au cas par cas doit être effectuée avant d’user de contrainte physique en cas de refus du détenu de se soumettre à la fouille. Cependant, l’enquête a établi que, sur le terrain, même si certains assistants pénitentiaires mettent en avant la nécessité d’un dialogue avec le détenu, le recours à la contrainte est largement plébiscité et utilisé par le personnel de surveillance. Les directions d’établissement ne se posi-tionnent pas clairement auprès de leur personnel à cet égard.

Aucune instruction spécifique ne règlemente l’usage de la contrainte dans le cadre de la fouille à nu. Il y a dès lors lieu de se référer au principe général de la loi selon lequel l’usage de la contrainte physique sur des per-sonnes n’est autorisé pour assurer l’ordre et la sécurité que lorsqu’aucun autre moyen ne permet d’atteindre le même objectif. En vertu du principe de subsidiarité, l’option la moins dommageable doit donc être privilégiée, à savoir l’isolement.

Seule une évaluation individuelle de la situation permet de recourir à l’usage de la contrainte pour effectuer une fouille à nu. D’autant que l’en-quête établit par ailleurs que le refus d’un détenu de coopérer à une fouille à nu peut être légitime, en particulier lorsque la fouille est illégale car elle n’a pas été décidée en raison d’éléments concrets, mais qu’elle est systé-matique comme c’est le cas, à des degrés divers, dans tous les établisse-ments pénitentiaires.115 Des éléments purement individuels comme certains traumatismes personnels dans le chef d’un détenu peuvent aussi expliquer son refus. Le risque que la fouille sous la contrainte constitue un traite-ment inhumain et dégradant est alors particulièrement élevé.

Si, dans un cas précis, l’usage de la contrainte constitue la solution la plus raisonnable pour assurer l’ordre et la sécurité, la circulaire ministérielle

114 Manuel VKCS « Maîtrise de la violence - Procédures techniques d’intervention », DG EPI.115 Voy. le point 2.1.3 Nécessité et proportionnalité.

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n° 1810 établit un « modèle en 5 phases »116 visant à assurer la proportion-nalité de l’usage de la contrainte. Celui-ci prévoit que le recours à l’immo-bilisation physique et aux moyens de coercition ne sont autorisés que dans la phase n° 4, c’est-à-dire lorsque « la panique et l’agitation se manifestent par des agressions physiques contre des personnes »117 et que les phases de négociations ont échoués. La menace doit également avoir été brandie avant d’user de la contrainte. Ces principes doivent s’appliquer également à l’exercice de la contrainte dans le cadre de la fouille à nu.

Par ailleurs, l’enquête démontre que la fouille à nu pratiquée sous la contrainte par une équipe d’agents non formés n’obéit à aucune méthode préétablie, ce qui accroit les risques de comportement non professionnels et d’atteinte à la dignité des détenus ou de traitement dégradant.

La seule méthode de fouille à nu sous la contrainte qui existe est celle de l’équipe d’intervention définie par le manuel d’intervention118. Ce manuel prévoit une procédure de « mise en cellule d’isolement », aussi appelée « mise à nu ». Cette procédure ne fait pas de distinction entre l’usage de la contrainte en vue de la mise en isolement au cachot et l’usage de la contrainte pour réaliser la fouille à nu. La procédure reste la même quelles que soient les circonstances ou l’attitude du détenu en telle sorte que la fouille à nu sous contrainte est systématique dans le cadre d’une intervention.

Les constats réalisés à Beveren et à Saint-Gilles indiquent que la nécessité de l’usage de la contrainte par l’équipe intervention pour fouiller à nu le détenu doit être évaluée au regard de la situation concrète. Si le détenu, une fois maitrisé et isolé au cachot, est manifestement disposé à coopérer et à s’exécuter seul, la fouille à nu sous la contrainte ne parait ni néces-saire ni proportionnée.

La position des directions régionales des établissements pénitentiaires quant à l’usage de la contrainte lors de la fouille à nu est conforme aux principes légaux. Elle doit être formalisée dans des instructions spécifiques à tous les établissements pénitentiaires.

116 Annexe 2 de la cir. min. n° 1810 du 19 novembre 2009 relative aux moyens de coercition et équipement d’intervention.

117 Ibidem.118 Document communiqué à titre confidentiel par la DG EPI.

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2.2.4.3. Recommandations

- RO 19/22 : dans ses instructions aux établissements pénitentiaires, la DG EPI doit définir dans quelles conditions la contrainte peut être utilisée pour effectuer une fouille à nu et la méthode qui doit être utilisée. En tout état de cause, il doit être précisé que la règle veut que le détenu se déshabille lui-même et que tout doit être mis en œuvre pour que l’usage de la contrainte soit évité.

- RO 19/23 : la procédure de mise en isolement par l’équipe d’interven-tion doit être modifiée de sorte que l’usage de la contrainte pour la fouille à nu ne soit plus systématique.

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2.2.5. CONNAISSANCE DES INSTRUCTIONS ET APPLICATION DES MÉTHODES

L’enquête a cherché à vérifier si le personnel pénitentiaire dispose d’une connaissance suffisante des méthodes et instructions relatives à la fouille à nu au regard de la formation dispensée.

L’équipe d’enquête a observé concrètement la manière dont une fouille à nu était effectuée au sein des établissements visités.119 Elle a aussi mené des entretiens avec le personnel de surveillance et avec les détenus et elle a pris connaissance des éventuelles notes de services en vigueur.

Le rôle éventuel du corps médical lors d’une fouille à nu a été vérifié.

Par ailleurs, l’équipe d’enquête a analysé comment la fouille à nu est abor-dée dans la formation du personnel de surveillance.

2.2.5.1. Constats

Pendant l’enquête de terrain, la méthode en vigueur pour fouiller un détenu à nu était décrite, comme suit, dans l’annexe 3 de la lettre collec-tive n° 126 de la DG EPI120 :

- le détenu est invité à se déshabiller complètement,- le personnel de surveillance lui donne une serviette de bain,- le détenu est invité à remettre les objets qu’il porte sur lui,- le cas échéant, le détenu est invité à dénouer ses cheveux et à les

secouer,- le détenu est invité à montrer la plante de ses pieds,- le personnel de surveillance fouille ses vêtements,- le personnel de surveillance demande au détenu d’ouvrir la bouche,- le personnel de surveillance demande au détenu de lever les bras,- le personnel de surveillance demande au détenu d’enlever sa serviette

de bain,- le personnel de surveillance demande au détenu d’exécuter un tour

sur lui-même.

119 Lors de l’enquête, 31 fouilles à nu ont été observées directement.120 La lettre collective n° 141 du 30 janvier 2017 a remplacé la lettre collective n° 126 du 30 janvier 2014.

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2.2.5.1.1. Connaissance des instructions

À l’exception des prisons de Beveren et de Marche-en-Famenne, il ressort des entretiens que le personnel de surveillance connaît peu la méthode de fouille à nu prévue par la lettre collective n° 126, en vigueur lors de l’en-quête. Les membres du personnel évoquent, par contre, des méthodes non autorisées telles que des génuflexions ou l’inspection des parties génitales.

Certaines prisons ne demandent pas aux détenus d’accomplir tous les gestes prévus par la lettre collective n° 126. D’autres ajoutent certains gestes comme le passage, à grands pas, d’une cabine de fouille à une autre.

En cas de doute sur la méthode à suivre, les agents de surveillance se réfèrent à l’assistant pénitentiaire, au chef de quartier ou à un collègue « spécialiste de la fouille à nu ». Rares sont ceux qui pouvaient retrouver les instructions écrites.

L’équipe d’enquête a constaté que des assistants pénitentiaires n’étaient pas en mesure de décrire la méthode prescrite par la lettre collective et ont notamment estimé que des génuflexions étaient encore autorisées121. Les agents de surveillance désignés par leurs collègues comme « spécialistes de la fouille à nu » ne connaissaient pas nécessairement la lettre collective n° 126 non plus.

L’enquête a également relevé des difficultés de compréhension du sens ou de l’utilité de certaines techniques prescrites. Une majorité d’agents de surveillance ne pouvaient, par exemple, pas donner l’objectif de la serviette de bain qui, selon certains d’entre eux, est utilisée pour protéger les pieds du détenu.

La loi prévoit que la fouille à nu doit être effectuée par deux agents au minimum.122 La lettre collective indique que « la volonté du législateur est que la fouille à nu ne puisse pas être réalisée sans qu’un autre agent en soit le témoin ». 123 Par contre, il n’est défini nulle part

121 Ce constat ressort des entretiens menés à Arlon, Bruges et Saint-Gilles.122 Voy. le point 2.2.2. Présence du personnel de surveillance.123 Lettre collective n° 126 du 30 janvier 2014.

la méthode de fouille à nu

est rarement

correctement appliquée

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le rôle exact de chacun de ces agents pour effectuer la fouille. En effet, ni la lettre collective n° 126, ni le manuel de formation124 consulté par l’équipe d’enquête ne développent cet aspect.

De manière générale, la majorité des membres du personnel de surveil-lance s’opposent fortement à la méthode en vigueur, estimant qu’elle ne leur permettrait pas d’assurer l’efficacité des fouilles à nu. Pour un assis-tant pénitentiaire à Lantin, par exemple, la méthode requise, qui inter-dit notamment les génuflexions et le toucher, s’apparente plutôt à une fouille de vêtements et ne donne plus la possibilité de réellement fouil-ler les détenus. Ce sentiment est largement partagé au sein du person-nel. Certains agents et certaines directions estiment, par contre, que les résultats des fouilles ne sont ni meilleurs ni moins bons que lorsque les génuflexions étaient encore autorisées par exemple.125 L’équipe d’enquête a constaté qu’aucune donnée permettant de vérifier l’efficacité de la fouille à nu n’existe. A Arlon, l’inefficacité alléguée de la fouille à nu par rapport à d’autres mesures de contrôle a motivé l’arrêt des fouilles systématiques par le personnel pénitentiaire.126

Aucun consensus n’existe au sein du personnel de surveillance sur le bien-fondé de l’arrêt des fouilles à nu systématiques. Certains membres du personnel considèrent que le résultat de ces fouilles n’est pas toujours probant et qu’elles n’ont jamais empêché les trafics de téléphone ou de drogue. D’autres, au contraire, estiment que l’arrêt (ou la diminution) des fouilles systématiques constitue un frein à la lutte contre les trafics en pri-son (drogues, téléphone, etc.), mais reconnaissent, par contre, une certaine amélioration dans leurs relations avec les détenus.

2.2.5.1.2. Application des méthodes

L’équipe d’enquête s’est entretenue avec 210 détenus et détenues, dont 75 % avaient été fouillés en 2015 et 2016. Il ressort de ces entretiens que la méthode de fouille à nu utilisée dépend fortement des membres du per-sonnel de surveillance qui l’exécutent.

124 Centre de Formation du Personnel pénitentiaire, DG EPI, Marneffe, Manuel de fouilles de personnes et des locaux, 1

er septembre 2016, p. 13.

125 Voy. le point 1.1.1. Cadre légal.126 Rencontre entre le Médiateur fédéral et la direction de la prison d’Arlon le 6 juillet 2016.

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Toutefois, certaines pratiques générales non conformes à la lettre collec-tive n° 126 ont été dégagées :

- le recours aux génuflexions ;- l’absence d’une serviette de bain ;- le recours à l’inspection visuelle des parties génitales ou anales.

Le tableau suivant indique, selon les détenus interviewés, les méthodes de fouilles à nu utilisées au sein de chaque établissement pénitentiaire.127

Méthodes de fouille à nu selon les détenus interviewés, par prison

Etablissement % de

détenus

interviewés

fouillés à nu

dont % de

fouillés à

nu avec

flexions

dont % de

fouillés à

nu sans

serviette

dont % de

fouillés à nu

avec inspection

des parties

génitales ou

anales

Arlon 41% 78% 33% 11%

Beveren 73% 0% 13% 13%

Bruges 79% 59% 32% 0%

Lantin 65% 29% 12% 18%

Marche-en-

Famenne92% 18% 27% 27%

Marneffe 44% 0% 0% 25%

Merksplas 65% 62% 31% 0%

Namur 79% 36% 55% 0%

Prison centrale de

Louvain87% 25% 40% 0%

Ruiselede 100% 33% 83% 0%

Saint-Gilles 72% 69% 38% 15%

Tournai 100% 52% 43% 0%

MEDIANE 75% 39% 34% 9%

La proportion de détenus fouillés à nu est la plus élevée à la prison centrale de Louvain, à Marche-en-Famenne, Ruiselede et Tournai. Pour ces deux derniers établissements, 100 % des détenus interviewés avaient en effet

127 La méthode de sélection des détenus interrogés est expliquée au point 1.3. Méthode d’enquête.

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été fouillés à nu sur la période prise en considération, ce qui peut donner une indication de la prégnance des fouilles à nu systématiques au sein de ces établissements. Cette proportion est la plus basse à Arlon et Marneffe (de 40 % à 45 %).

À Arlon, Bruges, Merksplas, Saint-Gilles et Tournai, 50 % des détenus indiquent avoir dû effectuer des génuflexions. Seuls Beveren et Marneffe ne semblent jamais recourir à cette technique.

À Marche-en-Famenne, Namur, Ruiselede et Tournai, plus de 40 % des détenus ont affirmé avoir été fouillés sans serviette de bain, contrairement à Beveren, Lantin et Marneffe où elle semble presque toujours utilisée pour la fouille à nu. Selon un nombre important de détenus, la serviette de bain n’est pas indispensable lorsque l’espace prévu pour la fouille permet de garantir une certaine intimité par un dispositif de portes à battants style western ou des cabines128.

À Marche-en-Famenne et à Marneffe, une proportion significative de détenus (25 %) explique qu’il leur a été demandé de soulever leurs parties génitales, de se pencher ou d’écarter les fesses. Des femmes détenues à Marche-en-Famenne et à Lantin ont évoqué l’obligation de soulever leurs seins. Ces pratiques concernent six établissements sur douze. Cette tech-nique ne semble pas être pratiquée à Bruges, à la prison centrale de Lou-vain, Merksplas, Namur, Ruiselede et Tournai.

L’observation de plusieurs fouilles à nu par l’équipe d’enquête a révélé que le respect de la méthode prescrite était très aléatoire. Le personnel de sur-veillance ne demandait pas, par exemple, aux détenus de tourner sur eux-mêmes ni ne vérifiait les mains, les pieds, les cheveux ou la bouche. C’est particulièrement le cas lors de fouilles systématiques comme à Tournai ou à la prison centrale de Louvain.

À Beveren, par contre, non seulement la méthode de fouille à nu est affi-chée à l’endroit où elle est effectuée, mais l’assistant pénitentiaire désigne, par shift, deux agents responsables des fouilles à nu, ce qui permet d’assu-rer l’uniformité de la méthode de fouille.

128 Voy. le point 2.2.1. Lieu adapté.

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Par ailleurs, la prison de Beveren sert également de relais pour le trans-fert de détenus par le corps de sécurité du SPF Justice. L’agent du corps de sécurité interrogé décrit une procédure de fouille à nu qui n’est pas celle de la lettre collective n° 126. Il effectue des fouilles à nu en deux-temps de telle sorte que le détenu n’est jamais entièrement nu, il demande au détenu d’effectuer jusqu’à 10 flexions... L’agent en question ne s’en référait pas à des instructions particulières.

La DG EPI explique que la fouille à nu par le corps de sécurité demeure exceptionnelle, qu’elle est évoquée dans la formation des agents du corps de sécurité, mais qu’elle ne fait pas l’objet d’un module pratique.

Si des méthodes de fouille différentes ont été constatées par l’équipe d’en-quête, il est apparu que les agents qui sont habituellement préposés à la fouille à nu adoptent, pour la plupart, un comportement qui vise à « faire passer » ce moment pénible par un peu d’humour, s’intéressant à la famille laissée derrière soi, à la santé du détenu… L’agent préposé au bain entrant interrogé à la prison de Saint-Gilles, par exemple, estime qu’il doit évacuer le plus de tension possible avant que le détenu entre dans le cellulaire. Il veille à ce que la fouille à nu se déroule le plus sereinement possible et, en cas de refus de fouille, s’attache à prendre le temps du dialogue. À la prison de Bruges, une des fouilles à nu observées par les enquêteurs concernait une détenue entrant en état d’ébriété. L’agente chef quartier présente pour conduire la fouille explique que « c’est un moment difficile de se présenter pour être écrouée » et que la détenue s’est donc « donné du courage ». Une attention particulière a été portée à la détenue : la cheffe quartier a pris soin de la calmer, de la rassurer et de constamment lui expli-quer les modalités de la fouille, même si ce n’était pas la première fois que cette détenue était écrouée. Dans le même temps, la méthode de fouille prescrite par la circulaire a été minutieusement respectée.

2.2.5.1.3. Rôle du médecin

Lors d’une fouille à nu, le personnel de surveillance ne peut toucher le détenu. Toute fouille des cavités buccales ou anales par les agents est strictement interdite. Seul un médecin est habilité à effectuer de tels exa-mens, pour des raisons strictement médicales.

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Lorsqu’il parait nécessaire de fouiller le détenu de manière plus appro-fondie, certains membres du personnel de surveillance indiquent qu’ils font appel au médecin de la prison car ils ne sont pas habilités à le faire eux-mêmes. L’équipe d’enquête s’est donc penchée sur le rôle joué par les médecins pénitentiaires lors d’une fouille à nu.

Dans neuf prisons sur onze129, le responsable du service médical de l’établis-sement pénitentiaire limite de façon claire le rôle de son personnel dans la fouille à nu à un rôle d’information. Lorsque la direction ou le personnel de surveillance demande l’intervention du médecin en cas de soupçon d’in-gestion de substances interdites ou d’un objet dangereux, le médecin res-ponsable indique qu’il se limite à informer le détenu des risques encourus pour sa santé. Ce n’est qu’avec le consentement du détenu que le médecin procède à un examen des cavités buccales ou anales. Cet examen s’effec-tue dans le local médical et avec l’unique assistance d’infirmiers.

L’enquête a cependant révélé que, dans cinq établissements sur onze, le personnel médical a subi des pressions de la part des membres du personnel de surveillance pour participer à une fouille à nu. A Marche-en-Famenne et à la prison centrale de Louvain, les médecins ont raconté avoir été mis sous pression par les agents pénitentiaires pour effectuer une fouille des cavités d’un détenu.

À Marche-en-Famenne, le médecin a débuté la fouille sans la mener à son terme. Il a demandé au médecin chef d’interroger la direction de l’éta-blissement. Celle-ci a répondu que les agents n’étaient pas autorisés à demander aux médecins de participer à une fouille à nu. Le rôle du méde-cin dans la fouille a fait l’objet d’une réflexion au sein de l’équipe médicale et l’équipe a décidé de se limiter à un rôle strictement médical.

À la prison centrale de Louvain, le médecin a participé à une fouille à nu à la demande des agents, afin de vérifier que le détenu n’avait pas dissimulé de la drogue. Il a pratiqué une fouille de la cavité annale. La fouille n’a pas donné de résultat. Il ne remettait pas en question cette pratique. Le service Soins de santé en Prison en a été informé par le Médiateur fédéral.

129 Le médecin de la prison de Ruiselede n’a pas pu être interrogé lors de l’enquête. Cet établissement n’est donc pas concerné par le constat.

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Le personnel infirmier déclare également être régulièrement sollicité pour fouiller à nu des détenus malades, plâtrés ou à mobilité réduite. Certains membres du personnel de surveillance ont confirmé les faits. À Saint-Gilles, les infirmiers ont déclaré subir de fortes pressions à ce sujet. À Merksplas, un détenu a évoqué une fouille à nu qui devait être effectuée par un infir-mier à la demande des agents. L’infirmier n’aurait finalement pas effectué la fouille bien qu’une décision de fouille à nu signée par ses soins a été retrouvée dans le dossier du détenu.

Consultée par l’équipe d’enquête sur les lignes directrices données au per-sonnel médical lors des fouilles à nu, la direction du service Soins de Santé en Prison a indiqué que le rôle des médecins est limité par leurs obligations déontologiques et que tout médecin devrait les connaître. L’équipe d’en-quête constate que certains motifs donnés pour solliciter l’intervention du médecin sont peu convaincants d’un point de vue médical.

La direction du service Soins de Santé en Prison a confirmé les pressions exercées par le personnel de surveillance de certains établissements, en arguant d’une intervention urgente alors qu’elle n’est pas toujours néces-saire. Ces pressions peuvent amener le personnel médical à dépasser son rôle. Lorsqu’elle constate de tels événements, la direction du service Soins de Santé en Prison intervient auprès de la direction de l’établissement ou, lorsqu’ils se répètent, auprès de la direction régionale.

La direction du service Soins de Santé en Prison encourage la collaboration entre les services de santé et de sécurité au sein des établissements péni-tentiaires et rappelle l’importance de garder des rôles bien distincts. Elle explique qu’un bon nombre de médecins exerçant en prison ne sont pas correctement informés de ce qui est attendu d’eux, notamment au niveau légal. Elle n’hésite pas à rappeler les limites de leur rôle lorsqu’elle est sol-licitée sur cette question. Elle exprime cependant la difficulté d’assurer la diffusion de ce message à tous les membres du personnel médical qui sont, pour la plupart, indépendants ou intérimaires.

2.2.5.1.4. Formation

La formation initiale des membres du personnel de surveillance se déroule, soit au Centre de Formation du Personnel pénitentiaire (CFPP) de Marneffe

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pour le personnel francophone, soit à l’Opleidingscentrum voor Penitentiair Personeel de Bruges pour le personnel néerlandophone.

Elle se compose de 350 heures (ou 50 jours), réparties sur une année de stage, en alternance avec leur prise de fonction sur le terrain. Sur les 350 heures, 11 heures sont consacrées aux techniques de fouilles, tous types confondus (de détenus et de cellules), et dispensées par des formateurs spécialisés. Des supports écrits sont remis aux participants. Le CFPP dispose d’un manuel relatif aux « fouilles de personnes et de locaux »130 qui reprend la réglementation, les instructions en vigueur ainsi qu’une fiche descriptive (appelée fiche COR131) de la procédure de fouille à nu qui fait partie du carnet de stage. La fiche décrit la procédure de fouille à nu comme étant pratiquée par un seul agent.

Lorsqu’il intègre un établissement, le stagiaire est confié à un mentor. Le mentor est censé veiller à la bonne application des fiches COR, partager ses propres expériences, connaissances et points de vue et communiquer à l’assistant pénitentiaire la manière dont le stagiaire évolue. Il doit échan-ger quotidiennement avec le stagiaire sur ses progrès. Tous deux « doivent prévoir de passer un minimum de 8 heures ensemble durant une semaine de travail ».132

Après trois mois de stage, un entretien de fonctionnement est organisé au CFPP avec un membre de la hiérarchie de l’établissement. Le CFPP assure ensuite un suivi via des cycles d’évaluation.

Lors de ses visites d’établissements, l’équipe d’enquête a interrogé les assistants pénitentiaires sur la manière dont les membres du personnel de surveillance sont formés à la méthode de fouille à nu. En règle générale, les stagiaires sont confiés à un collègue expérimenté, sans qu’il ne soit pour autant son mentor. En raison d’un manque structurel de personnel, les stagiaires doivent rapidement assurer la surveillance d’une section de détenus avec, pour seule assistance, l’expérience et les conseils de l’agent occupant la section d’à côté. Ce collègue « de référence » peut, par ailleurs, changer de jour en jour.

130 Centre de Formation du Personnel pénitentiaire, op. cit., p. 14.131 CFPP, fiche COR (Consignes Opérationnelles Réglementaires) n° 6B, « Réaliser une fouille au corps », p. 14.132 CFPP, fiche COR n° 3.b, « Rôle du mentor », janvier 2017.

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A Tournai, l’assistant pénitentiaire chargé de l’encadrement des stagiaires se base sur les fiches COR du CFPP pour mettre à jour les propres fiches de l’établissement. Les stagiaires ont ainsi été invités à apprendre aux collè-gues la nouvelle méthode de fouille des vêtements.

Cinq stagiaires ont été interrogés pendant l’enquête.

- À Arlon, le stagiaire, sur le terrain depuis seulement un mois, était affecté à une section, mais n’avait pas encore suivi la formation sur les fouilles. Il n’avait jamais effectué de fouille à nu et n’en connaissait ni les instructions générales ni celles de l’établissement. Il connaissait son mentor.

- À Bruges, les deux stagiaires étaient affectés à la surveillance d’une section. L’un n’avait aucune expérience de fouille à nu et indiquait la génuflexion comme technique. L’autre avait participé à sept fouilles à nu dans le mois ; il disait n’avoir aucune connaissance d’instruc-tions écrites et se référait entièrement à l’expérience de ses collègues. Aucun des deux n’a fait mention d’un mentor.

- À Beveren, le stagiaire occupait le terrain depuis deux mois, sans connaître son mentor. Il n’avait pas encore suivi la formation sur les fouilles et n’avait jamais effectué de fouille à nu. Il assumait les fonctions habituelles d’un membre du personnel de surveillance, ne connaissait pas les instructions internes et disait s’adresser aux collè-gues présents pour toute question.

- À Tournai, le stagiaire exerçait depuis quatre mois. Trois jours après son arrivée, il fut seul en charge de la surveillance d’une section et avait déjà effectué des fouilles à nu. La veille de son interview, il avait participé à une fouille à nu avec intervention à la suite d’un incident. Il a déclaré que la fouille à nu « se déroulait comme en formation », et qu’un détenu s’était montré « réticent à montrer ses parties génitales ».

L’enquête a révélé que les habitudes et les pratiques pénitentiaires du passé prennent le pas sur la formation donnée au centre de formation. Le CFPP, lui-même, a confirmé ce constat. Les formateurs doivent ainsi régulièrement rappeler aux stagiaires les règles élémentaires. Ils sont aussi avertis du fait que, lors de l’évaluation finale du stagiaire, le CFPP juge la connaissance des règles légales et des instructions générales et non les pratiques apprises en section. L’évaluation finale du CFFP n’est cependant

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pas décisive dans l’engagement du stagiaire en tant que membre du per-sonnel statutaire. La réussite des cours de formation ne conditionne pas la réussite du stage.

Le CFPP fait aussi le constat d’échec du système des mentors, pour plusieurs raisons. Le CFPP n’intervient pas dans la désignation des mentors, et explique que leur suivi n’est pas de son ressort, mais de celui des directions d’établissements. Par ailleurs, la fonction de mentor ne figure pas parmi les fonctions opéra-tionnelles, elle n’est donc pas reprise dans le plan du personnel ni le budget des établissements. Enfin, cer-

taines prisons connaissent une trop forte rotation de leur personnel.

La direction des Ressources humaines de la DG EPI fait le même constat. Elle a expliqué à l’équipe d’enquête que cette situation était due à l’ab-sence de recrutement pendant deux années consécutives, suivies ensuite d’un recrutement massif de nouveaux membres du personnel. Le besoin en mentors est ainsi passé, en quelques mois, de 0 à 350. Combiner le suivi des stagiaires avec la remise à niveau des mentors et les besoins de fonctionnement des établissements pénitentiaires était pratiquement impossible. La direction des ressources humaines confirme l’imprégnation rapide du stagiaire par la culture pénitentiaire locale.

Outre la formation initiale, le CFPP de Marneffe et les Opleidingscentra voor Penitentiair Personeel de Bruges et de Merksplas dispensent une for-mation continuée à l’attention membres du personnel de surveillance. Deux importantes lacunes ont été pointées par le CFPP concernant cette formation : un grand nombre de personnes ont été engagées par le passé sans avoir suivi de formation initiale133 et il n’existe aucune obligation pour les personnes en activité de suivre une formation continuée, quelle que soit leur fonction dans l’établissement. Le CFPP travaille à un cadastre des membres du personnel de surveillance en fonction de leur niveau de formation.

133 Le centre de formation travaille à un cadastre des membres du personnel de surveillance en fonction de leur formation.

le manque d’effectifs

freine la formation

du personnel

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Selon le CFPP, le manque de personnel freine fortement la participation des membres du personnel de surveillance aux formations continuées.Les besoins en personnel d’un établissement pénitentiaire sont calculés sur la base d’un « diviseur » sensé correspondre au nombre de jours de travail par année d’un membre du personnel de surveillance. Ce diviseur est trop ambitieux car il prévoit 186,5 jours de travail par an, contre 150 environ en réalité. Afin de remplir les besoins opérationnels, un membre du personnel est donc, en moyenne, sensé prester environ 36 jours de plus que ce qu’il ne preste réellement. La formation n’étant pas considérée comme priori-taire pour les besoins opérationnels de la prison, la formation constitue une des variables d’ajustement en cas de manque d’effectifs.

Le CFPP a indiqué à l’équipe d’enquête qu’il était fréquent que les membres du personnel de surveillance ayant obtenu l’accord de suivre une for-mation sont contraints, en dernière minute, d’annuler leur participation car le nombre des collègues présents ne correspond pas à celui qui était prévu. Les formations sont de ce fait régulièrement supprimées ou aban-données. Les besoins en personnel dans les établissements pénitentiaires étant chroniques, comme confirmé par les acteurs de terrain tous niveaux et fonctions confondus, la formation du personnel en activité s’en trouve sévèrement affectée.

2.2.5.2. Analyse

2.2.5.2.1. Connaissance des instructions et application des méthodes

La méthode de fouille imposée par les instructions de la DG EPI134 veille à ce que les postures et gestes demandés ne constituent pas une intrusion dans l’intimité de la personne détenue qui s’apparenterait à un traitement dégradant. Bien que la loi ne les interdise pas formellement, les flexions et postures obligeant le détenu à se montrer de dos et se pencher ont été écartées par l’administration. L’obligation de donner une serviette au détenu participe également de cette préoccupation.

L’enquête a constaté que les détenus ne sont pas fouillés à nu de la même manière, selon le corps chargé de la fouille à nu135, l’établissement ou

134 La méthode en vigueur lors de l’enquête était prescrite par la lettre collective n° 126. 135 Corps de sécurité du SPF Justice ou personnel pénitentiaire.

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même le membre du personnel de surveillance. Le rôle de chaque membre du personnel lors de la fouille à nu n’est pas précisé. De manière générale, les habitudes et la culture pénitentiaire prennent le pas sur le respect des méthodes prescrites.

Cette situation trouve son origine dans la méconnaissance profonde des instructions en vigueur. Des assistants pénitentiaires, eux-mêmes, ne connaissent pas nécessairement les règles, ce qui est alarmant. L’enquête souligne le besoin criant de formation des membres du personnel de sur-veillance, en particulier de ceux qui ont été engagés sans avoir suivi de formation initiale.

L’interdiction de toucher le détenu lors de la fouille à nu semble, quant à elle, connue du personnel de surveillance et respectée. Le corps médical reste toutefois sollicité à tort lors de situations particulières.

La méconnaissance des méthodes de fouille à nu et le recours à des pra-tiques illégales peuvent s’expliquer par les modifications et mises à jour régulières du cadre réglementaire. Des instructions ont été abrogées et remplacées à plusieurs reprises en quelques années. La fréquence des changements constitue un frein certain à l’apprentissage des nouvelles pratiques et peut contribuer à une certaine confusion136.

La persistance d’une certaine culture de travail, très forte au sein de cer-tains établissements, constitue un autre frein. Mettre fin aux pratiques illégales requiert d’informer davantage le personnel de surveillance, de consacrer davantage d’efforts dans la formation et de recueillir des don-nées sur l’efficacité des fouilles afin de permettre un débat rationnel sur cette pratique pénitentiaire.

Pour pallier ces carences sur le terrain, certains établissements adoptent des pistes qui mériteraient d’être étendues. Ils confient la fouille à nu prin-cipalement à des agents désignés à cette fonction. Bien qu’elle ne soit pas à elle seule garante d’une application correcte de la méthode de fouille en vigueur, cette spécialisation présente des avantages certains. Si l’agent spécialisé est correctement formé, cette méthode permet d’assurer une pra-tique homogène au sein de l’établissement (« teach the teacher »), diminue

136 Voy. le point 1.1.1. Cadre légal.

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le risque d’un comportement inadéquat d’un collègue ou de l’application d’une méthode particulièrement peu respectueuse pour le détenu. Cette spécialisation constitue par ailleurs un facteur de valorisation de l’expé-rience du personnel de surveillance et de convertir ce « savoir faire » en directives concrètes pour la pratique journalière des collègues.

L’affichage de la méthode en vigueur dans l’espace de fouilles consti-tue également une bonne pratique pour servir de rappel au personnel de surveillance chargé d’exécuter la fouille et de cadre de référence pour le détenu, ce qui peut diminuer les éventuelles tensions.

2.2.5.2.2. Rôle du médecin

Les principes d’éthique médicale dans la protection des détenus contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants exigent que le rôle du médecin vis-à-vis du détenu se limite à évaluer, protéger ou améliorer la santé137. En aucun cas le médecin ne peut poser un acte, tel qu’une fouille à nu, qui n’a pour objectif que la sécurité.

Par ailleurs, dans les travaux préparatoires de la loi de principes, le législa-teur a explicitement exclu la fouille des cavités corporelles intimes, distin-guant la fouille à nu, mesure administrative de contrôle et de sécurité, de l’exploration corporelle, mesure d’instruction judiciaire.

La majorité des médecins rencontrés respectent ces exigences. Toutefois, la connaissance des règles en matière de fouille à nu par le personnel médical est très variable. L’information diffusée à ce propos par l’administration reste problématique, la lettre collective n° 116 relative au rôle du médecin dans les procédures de sécurité ne donne, par exemple, aucune indication sur le respect de ces exigences138. La lettre collective n° 126 n’en dit pas davantage.

137 Résolution 37/194 de l’Assemblée générale des Nations Unies, principes d›éthique médicale applicables au rôle du personnel de santé, en particulier des médecins, dans la protection des prisonniers et des détenus contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, principe n° 3 : « Il y a violation de l’éthique médicale si les membres du personnel de santé, en particulier des médecins, ont avec des prisonniers ou des détenus des relations d’ordre professionnel qui n’ont pas uniquement pour objet d’évaluer, de protéger ou d’améliorer leur santé physique et mentale », 18 décembre 1982.

138 Le Centre fédéral d’expertise des Soins de Santé observe un problème de respect du principe d’indépendance des prestataires de soins ainsi qu’un problème de double loyauté dans la participation du corps médical dans les procédures disciplinaires réglées par la lettre collective n° 116. Voy. KCE, report 293Bs, Soins de santé dans les prisons belges : situation actuelle et scénarios pour le futur, synthèse, p. 21.

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Une meilleure formation des médecins entrant en fonction dans un milieu pénitentiaire parait donc nécessaire. Dans son rapport sur les soins de santé dans les prisons belges, le Centre fédéral d’expertise des Soins de Santé relève, lui aussi, que « le personnel (de santé) manque de formations spécifiques en matière de dispensation des soins en milieu carcéral »139. Les commissions de surveillance font également le même constat.140

2.2.5.2.3. Formation

L’enquête a confirmé que la formation du personnel de surveillance et le partage des connaissances s’effectuent essentiellement sur le terrain, par transmission orale. Le respect de l’autorité hiérarchique, la solidarité entre membres d’une même équipe et la culture pénitentiaire prennent le pas sur la formation organisée au niveau central, qu’elle soit initiale ou continuée.

La formation initiale donne au personnel de surveillance stagiaire l’occa-sion d’acquérir les compétences professionnelles nécessaires à l’exercice de sa future fonction. Le fait que l’évaluation prévue en fin de stage ne soit pas décisive pour l’engagement ne permet ni de reconnaître les efforts fournis par les personnes qui correspondent aux attentes de la fonction ni d’écarter celles qui n’y répondent pas. La formation initiale n’atteint dès lors pas nécessairement ses objectifs en termes de professionnalisation du métier d’agent de surveillance.

Le système des mentors, qui aurait pu inciter un nombre important de membres du personnel à se former ou à réviser leurs pratiques pour enca-drer « leur » stagiaire et le soutenir dans l’application correcte des instruc-tions apprises au centre de formation, ne fonctionne pas. Les mentors ne disposent pas du temps de travail nécessaire pour s’investir correctement dans cette fonction. Le bénéfice du recrutement d’un nombre important d’agents de surveillance, nouvellement formés aux méthodes de fouille à nu, se perd dès lors rapidement dans l’obligation de se conformer à la pratique pénitentiaire. Ce phénomène est d’autant plus important que la fouille à nu d’un détenu s’effectue en principe en équipe, rarement seul hormis à l’entrée des prisons.

139 KCE, op. cit., p. 25.140 Rapport final « santé » des commissions de surveillance pour 2015 et 2016.

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Les assistants pénitentiaires (ou fonction de niveau hiérarchique équiva-lente) et les mentors constituent le vecteur privilégié pour l’apprentissage des méthodes de fouille à nu, telles que prévues par les dernières instruc-tions de la DG EPI. La formation continuée des personnes occupant ces deux fonctions doit être effective. Elle pourrait constituer un outil efficace pour diffuser les méthodes de fouille à nu et contribuer à faire évoluer la culture pénitentiaire.

De manière générale, la formation du personnel de surveillance ne consti-tue pas une priorité des établissements pénitentiaires. Il va de soi que, pour être effective, la formation doit faire partie de la planification des besoins en personnel et du budget de chaque établissement pénitentiaire.

2.2.5.3. Recommandations

- RO 19/24 : la DG EPI doit intégrer, dans la charge de travail des men-tors, les heures nécessaires à l’accomplissement des tâches liées à la fonction.

- RG 19/04 : la formation initiale doit être clôturée par des tests décisifs avant l’engagement définitif du membre du personnel de surveillance.141

- RO 19/25 : la formation continuée doit être intégrée dans la planifi-cation du personnel des établissements pénitentiaires.

- RO 19/26 : les assistants pénitentiaires doivent suivre une forma-tion sur les instructions relatives à la fouille à nu lorsqu’elles sont modifiées.

- RO 19/27 : la DG EPI doit veiller à la coordination de ses méthodes de fouille à nu avec celle des forces de sécurité qui acompagnent les détenus lors de transferts.

141 La loi du 23 mars 2019 concernant l’organisation des services pénitentiaires et le statut du personnel pénitentiaire prévoit l’instauration d’un Service pénitentiaire de formation qui assurera la formation et l’évaluation des compétences des candidats à la fonction d’agent pénitentiaire. Toutefois, les dispositions de la loi relatives à cette formation et à la création du service nécessitent, pour leur entrée en vigueur, des arrêtés royaux qui n’ont pas encore été adoptés au jour de la publication du présent rapport.

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- RO 19/28 : la direction du service Soins de Santé en Prison doit élabo-rer un plan de formation pour le personnel médical des établissements pénitentiaires sur les limites de leur rôle lorsqu’ils participent à des mesures de sécurité.

- RO 19/29 : lors de leur engagement, tous les membres du personnel médical doivent être sensibilisés au principe 3 des principes d’éthique médicale applicables au rôle du personnel de santé, en particulier des médecins, dans la protection des détenus contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptés par l’Assemblée générale des Nations Unies le 18 décembre 1982 (résolu-tion 37/194).

- RO 19/30 : les directions des établissements concernés doivent rap-peler au personnel pénitentiaire que le personnel médical ne peut, en aucun cas, être sollicité pour pratiquer une fouille des cavités cor-porelles à des fins de contrôle, et diffuser le principe 3 des Principes d’éthique médicale.

- RO 19/31 : la fouille à nu doit être confiée principalement à des agents désignés et formés pour cette fonction.

- RO 19/32 : les centres de formation du personnel pénitentiaire doivent intégrer, dans la formation du personnel de surveillance, les différents rôles de chaque membre de l’équipe lors de l’exécution de la fouille à nu.

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2.2.6. DÉTENUS VULNÉRABLES

L’enquête a examiné si la vulnérabilité de certains groupes de détenus, et notamment les personnes handicapées, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes transgenres, est prise en compte lors des fouilles à nu et si les méthodes de fouille sont adaptées à leur situation.

La fouille des enfants qui vivent en prison avec leur parent a aussi été examinée.

Cet examen a été réalisé, d’une part, à partir des entretiens menés auprès des détenus et du personnel de surveillance et, d’autre part, sur la base des observations directes effectuées par l’équipe d’enquête lors des visites effectuées au sein de 12 établissements pénitentiaires.

Le personnel de surveillance a notamment été invité à décrire la méthode de fouille à nu appliquée aux catégories de détenus suivantes :

- les personnes à mobilité réduite, pour lesquelles la méthode de fouille prévue ne peut être suivie,

- les personnes souffrant de troubles mentaux,- les personnes transgenres,- les personnes ayant subi des abus sexuels.

2.2.6.1. Constats

Tous les membres du personnel de surveillance interrogés ont répondu, sans exception, qu’une seule méthode de fouille à nu existait et qu’elle était valable pour toutes les catégories de détenus.

Pour les personnes à mobilité réduite, une grande partie des membres du personnel de surveillance fait appel au personnel infirmier pour obtenir une assistance142. D’autres ont une idée précise de la technique à utiliser pour fouiller le détenu, sa chaise ou sa prothèse. Quelques-uns refusent de toucher le détenu ou son matériel et renoncent à la fouille.

Les personnes internées sont considérées par le personnel de surveillance comme des détenus aux réactions imprévisibles et pour lesquels la fouille

142 Voy. le point 2.2.5. Connaissance des instructions et application des méthodes.

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à nu sera plus compliquée. Ils admettent néanmoins que ces personnes « sont traitées comme tout le monde » et que, si la procédure de fouille devait être différente, cela reviendrait à les « traiter comme un enfant ».

À Merksplas, où la population détenue était composée pour moitié de per-sonnes internées lors de l’enquête de terrain, les membres du personnel de surveillance ont déclaré qu’aucune différence n’était faite pour les internés et que toutes les fouilles à nu s’effectuaient selon la même méthode, peu importe les détenus.

En ce qui concerne les personnes transgenres, les réponses sont très variées : « si le détenu est envoyé dans une prison pour hommes, il sera fouillé comme un homme », « on fouille par par-tie. Si le haut du corps est une femme et le bas un homme, un agent de surveillance féminin fouille le haut et, ensuite, on change d’agent pour le bas », « il y aura forcément des instructions spéci-fiques qui accompagneront le détenu ».

Certains membres du personnel de surveillance ont relaté leur expérience de fouille d’une personne détenue dont l’état civil était masculin et l’ap-parence féminine. Elle avait été traitée conformément à son état civil, et donc fouillée comme un homme par un agent masculin.143

L’équipe a rencontré une personne transgenre à la prison centrale de Lou-vain. Elle a indiqué à l’équipe d’enquête que la méthode de fouille utilisée par les agents la concernant était la même que pour les autres détenus. Elle ne s’en plaignait pas.

Selon le service Soins de Santé en Prison, une concertation devrait avoir lieu avec les directions régionales sur cette question et une réflexion sur le traitement des personnes transgenres serait en cours dans le cadre de la participation de la DG EPI à EuroPris.144

143 Voy. le point 2.2.2. Présence du personnel de surveillance. 144 Selon le European Organisation of Prison and Correctional Services (EuroPris), une consultation sur les

pratiques pénitentiaires relatives au traitement des personnes transgenres est en cours. Le contenu du questionnaire n’est pas accessible.

aucune méthode adéquate

n’est prévue pour

les détenus vulnérables

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Quant aux personnes ayant subi des traumatismes, notamment des abus sexuels, aucune précaution particulière n’est prévue. A Beveren, un détenu a expliqué avoir fait l’objet d’une procédure disciplinaire car il avait refusé une fouille à nu par réminiscence d’un viol. Cet élément n’avait pas été pris en considération.

Il a été demandé aux directions d’établissements, pendant l’entretien de sortie des établissements visités où se trouvait un détenu à mobilité réduite, de mener une réflexion sur les meilleures modalités de fouille pour ces personnes. La direction de la prison de Bruges a informé le Médiateur fédéral de l’aboutissement de cette réflexion. Désormais, lorsqu’un détenu présentant un handicap particulier entre dans la prison, l’assistant péni-tentiaire et la direction déterminent la façon dont la fouille à nu et la fouille des vêtements seront exécutées pour cette personne.

L’enquête a aussi examiné la fouille à nu des enfants qui vivent avec leur parent en détention. À Bruges, les enfants qui accompagnent leur mère doivent être complètement changés par celle-ci en présence des agents. Les agents ne touchent pas l’enfant pendant la procédure. Celui-ci est ensuite placé dans un coin jeux en attendant que la mère soit fouillée à nu. À la prison de Lantin, les mères interrogées n’ont fait état d’aucune fouille de leurs enfants.

2.2.6.2. Analyse

L’enquête révèle qu’il n’existe aucune instruction spécifique sur la méthode de fouille à nu à adopter pour les détenus plus vulnérables, quel que soit le degré de vulnérabilité. En l’absence d’instruction spécifique, le personnel de surveillance réagit en fonction de ses expériences, de ses sensibilités, voire de son imagination.

Un cadre de référence permettrait de prendre en compte les besoins spé-cifiques des détenus vulnérables afin que la méthode de fouille à nu soit adaptée à leur situation.

2.2.6.3. Recommandation

RO 19/33 : des instructions spécifiques pour la fouille à nu des personnes en situation de vulnérabilité doivent être élaborées.

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3. CONCLUSIONS

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3. CONCLUSIONSL’enquête du Médiateur fédéral visait à répondre à la question centrale suivante: la fouille à nu dans les prisons belges limite-t-elle l’atteinte à la dignité des détenus à ce qui est strictement nécessaire pour assurer la sécurité?

En vue de répondre à cette question, l’enquête a cherché à vérifier, d’une part, si les décisions de fouiller les détenus à nu respectent les prescrip-tions légales et, d’autre part, si les fouilles à nu sont effectuées par du personnel qualifié et se déroulent dans des conditions appropriées.

Les constats recueillis au cours de l’enquête ont été analysés au regard d’une dizaine d’indicateurs basés sur la réglementation en vigueur, son interprétation par les cours suprêmes (Cour européenne des droits de l’homme, Cour constitutionnelle, Conseil d’État), les recommandations internationales en matière de règles pénitentiaires et les normes de bonne conduite administrative du Médiateur fédéral145.

Les conclusions reprennent les principaux constats de l’enquête et recom-mandations qui en découlent.

3.1. RESPECT DES PRESCRIPTIONS LÉGALES

L’enquête a révélé d’importants manquements au respect des prescriptions légales encadrant la fouille à nu, mettant en cause la légitimité de cer-taines pratiques de fouilles à nu.

Les situations décrites ci-dessous présentent un risque certain d’atteinte à la dignité des détenus.

- Un nombre élevé de fouilles à nu sont exécutées sans autorisation préalable et donc sans évaluation de leur nécessité par un membre de la direction. De telles fouilles à nu sont illégales et revêtent un risque d’abus important. Les directions de prison doivent cesser de couvrir de telles pratiques en refusant de signer a posteriori des décisions pro

145 Voy. le point 1.2.2. Indicateurs d’enquête.

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forma. La législation doit être modifiée pour imposer que la décision soit notifiée au moment de l’exécution de la fouille.

Plusieurs directions d’établissement délèguent à l’échelon le plus élevé du personnel de surveillance la responsabilité d’autoriser les fouilles à nu146. Cette délégation, sous réserve qu’elle ne s’étende pas aux éche-lons inférieurs de la hiérarchie, offre les garanties d’une supervision tout en accélérant la prise de décision, ce qui contribuerait à plus d’efficacité et permettrait de notifier147 immédiatement au détenu les motifs de la fouille à nu dont il fait l’objet. Cette possibilité de délé-gation nécessite une adaptation de la législation.

- Des fouilles à nu systématiques des détenus subsistent dans toutes les prisons, bien qu’elles aient été expressément interdites par la Cour constitutionnelle et écartées par les instructions administratives148 qui ont suivi. Comme elles ne font l’objet d’aucun examen préalable de nécessité et ne tiennent pas compte du profil de risque du détenu, elles comportent d’office un risque de traitement inhumain et dégra-dant. Le nombre élevé de fouilles à nu quotidiennes que peuvent subir les détenus dans certaines situations, lorsqu’elles sont liées à l’oc-cupation d’un poste de travail par exemple, atteint un degré d’hu-miliation insupportable149. La Direction générale des Etablissements pénitentiaires (DG EPI) doit mettre un terme aux fouilles à nu systé-matiques et instaurer un véritable accompagnement des prisons pour y parvenir.

L’enquête a souligné que différents facteurs contribuent au maintien des fouilles systématiques, parmi lesquels le manque d’outils uni-formes pour récolter et partager les indices et l’évaluation du pro-fil de risque du détenu. Les insuffisances en matière d’infrastructure et d’équipements de prévention et de détection (caméras, scanners, détecteurs...) jouent également un rôle-clé dans certains établisse-ments. La DG EPI et la Régie des bâtiments doivent veiller à un suivi efficace des défaillances constatées dans différents établissements.

146 Voy. le point 2.1.1. Autorisation hiérarchique. 147 Voy. le point 2.1.2. Autorisation préalable et notification.148 Voy. le point 1.1.1. Cadre légal.149 Voy. le point 2.1.3. Nécessité et proportionnalité.

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- Certaines mesures comme le changement de vêtements ou les tests d’urine s’accompagnent d’une mise à nu et d’une inspection visuelle du détenu qui les rendent équivalentes à une fouille à nu, alors qu’elles ne sont pas considérées comme telles par les établissements péniten-tiaires. Elles ne font donc l’objet d’aucune garantie permettant d’évi-ter les abus (autorisation préalable, décision individuelle motivée...)150. La suppression de l’inspection visuelle lors du changement de vête-ments et le remplacement des tests d’urine par des tests salivaires constituent de bonnes pratiques permettant de diminuer le nombre de fouilles à nu injustifiées, tout en préservant le niveau de contrôle requis.

- Une écrasante majorité des décisions de fouilles à nu ne sont pas adéquatement motivées151. Les détenus ne sont donc pas en mesure de comprendre les motifs pour lesquels ils ont été fouillés. Cette situation nourrit un sentiment d’arbitraire, renforcé par les disparités importantes de pratiques entre les prisons, et engendre des tensions entre les détenus et le personnel de surveillance. La motivation des décisions de fouilles doit être impérativement améliorée. Par ailleurs, les décisions dont la motivation ne peut être communiquée pour des raisons de sécurité doivent être répertoriées dans un registre ad hoc, conformément à la réglementation.

3.2. DÉROULEMENT DES FOUILLES À NU

L’enquête a identifié des insuffisances dans le déroulement des fouilles à nu qui présentent un risque de traitement dégradant pour les détenus.

- Les fouilles sont parfois exécutées dans des lieux inadaptés, c’est-à-dire qui ne permettent pas de garantir l’intimité du détenu vis-à-vis de membres du personnel qui ne font pas partie de l’équipe de fouille ou vis-à-vis d’autres détenus. Une attention particulière doit être por-tée à cet aspect lors des fouilles collectives.

- La présence d’un nombre d’agents trop élevé pendant la fouille, sans que leur présence soit nécessaire à son bon déroulement, contribue

150 Voy. le point 2.1.2. Autorisation préalable et notification. 151 Voy. le point 2.1.4. Motivation des décisions.

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à lui donner un caractère humiliant. La précision du rôle de chaque agent de surveillance pendant la procédure permettrait de déterminer plus adéquatement le nombre d’agents qui doivent y participer.

- Certaines attitudes du personnel de surveillance sont inappropriées. Une vigilance des établissements est nécessaire. Une attitude pro-fessionnelle et courtoise lors de la fouille à nu contribue nettement à amoindrir le caractère humiliant de cette mesure.

- L’usage de la contrainte n’est pas toujours indispensable ni propor-tionné. Dans certaines situations, le refus d’un détenu de subir une fouille à nu peut s’expliquer. C’est le cas notamment lorsque la mise à nu sous la contrainte réveille d’anciens traumatismes. En cas de refus d’obtempérer, le dialogue doit toujours être privilégié avant d’envi-sager l’usage de la contrainte152. Par ailleurs, lorsque la fouille doit s’effectuer sous contrainte, elle ne doit pas nécessairement entraîner le déshabillage forcé (et brutal) par les agents. Dès que le détenu a été isolé, il doit d’abord être invité à se déshabiller lui-même.

- Certaines méthodes et techniques de fouille à nu abrogées en rai-son de leur caractère humiliant, et notamment les génuflexions et l’inspection visuelle des parties génitales, sont encore utilisées. Les innombrables modifications du cadre réglementaire et mises à jour consécutives des instructions, ainsi que l’insuffisance de la formation du personnel de surveillance ont certainement contribué à la persis-tance de ces mauvaises pratiques153. Un personnel qui n’est pas correc-tement informé et formé risque davantage de recourir à des mesures d’ordre et de sécurité illégales, inutiles ou disproportionnées.

La surveillance de personnes placées entièrement sous sa garde et sa responsabilité nécessite une formation sérieuse et continue du personnel pour réduire les risques d’utilisation abusive d’une telle position dominante. La formation initiale des agents de surveillance doit se clôturer par des tests décisifs avant l’engagement définitif. Par ailleurs, seule une formation continuée obligatoire permettra d’inter-rompre la transmission d’anciennes pratiques obsolètes et illégales

152 Voy. le point 2.2.4. Usage de la contrainte.153 Voy. le point 2.2.5. Connaissance des instructions et application des méthodes.

Page 136: FOUILLES À NU · 1 Du nom du professeur Lieven Dupont qui présida les travaux de la commission chargée, en 1996, par le ministre de la Justice de l’époque de préparer un «

sur le terrain. La formation continuée doit donc être prise en compte dans la planification des besoins en personnel de surveillance pour permettre aux directions des prisons de libérer les agents à cette fin.

- Les méthodes de fouille à nu ne tiennent pas compte des besoins des détenus issus de groupes vulnérables. Certaines catégories de détenus doivent bénéficier de mesures spécifiques telles que des aménage-ments raisonnables pour les personnes handicapées154.

3.3. CONSIDÉRATION GÉNÉRALE

L’extrême instabilité du cadre législatif et des instructions administratives traduit la tension importante entre deux impératifs fondamentaux qui caractérisent le milieu pénitentiaire : garantir la sécurité en prison, tant pour le personnel que pour les détenus et les personnes tierces, et préser-ver la dignité humaine des détenus.

Un fil rouge intangible sous-tend toutefois clairement tous les développe-ments législatifs et jurisprudentiels en matière de fouille à nu qui se sont produits au cours des dernières décennies. Il consiste à limiter la fouille à nu à ce qui est strictement nécessaire pour éviter l’introduction d’objets ou de substances prohibées au sein de la prison. Cela exclut les fouilles systématiques et impose une appréciation individuelle du risque au regard du profil du détenu.

La grande diversité des pratiques présentes au sein des prisons indique que l’objectif du législateur n’est pas encore atteint. Cela nécessite une culture de travail différente et un système de gestion et de contrôle des risques qui est largement insuffisant actuellement. Mais cet objectif ne pourra pas être atteint sans y accorder également les moyens matériels et humains indispensables pour permettre au personnel de surveillance de s’engager en toute confiance dans cette voie.

154 Voy. le point 2.2.6. Détenus vulnérables.

Page 137: FOUILLES À NU · 1 Du nom du professeur Lieven Dupont qui présida les travaux de la commission chargée, en 1996, par le ministre de la Justice de l’époque de préparer un «

137

4. synthÈse des

recommandations

Page 138: FOUILLES À NU · 1 Du nom du professeur Lieven Dupont qui présida les travaux de la commission chargée, en 1996, par le ministre de la Justice de l’époque de préparer un «

138

AU P

ARLE

MEN

T

Indi

cate

urIn

titul

é de

la r

ecom

man

datio

nRG

19/

01Au

toris

atio

n hi

érar

chiq

ue

Faire

du

chan

gem

ent

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êtem

ent

une

mes

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ontr

ôle

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ntiè

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révu

e da

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loi.

La

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oit

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l’ins

pect

ion

visu

elle

, rés

ervé

e à

la fo

uille

à n

u.

RG 1

9/02

Auto

risat

ion

hiér

arch

ique

Pr

évoi

r, da

ns la

loi,

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ossi

bilit

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dire

cteu

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tabl

isse

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t pé

nite

ntia

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e dé

légu

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r d’a

utor

iser

une

foui

lle à

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à la

fonc

tion

ou p

erso

nne

qu’il

dés

igne

. Cet

te d

élég

atio

n ne

peu

t pa

s êt

re d

onné

e à

l’age

nt d

e su

rvei

llanc

e qu

i est

cha

rgé

d’ef

fect

uer l

a fo

uille

à n

u.

RG 1

9/03

Auto

risat

ion

préa

labl

e et

no

tifica

tion

La d

écis

ion

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uille

à n

u do

it êt

re n

otifi

ée a

u dé

tenu

au

mom

ent

de l’

exéc

utio

n de

la fo

uille

.

RG 1

9/04

Conn

aiss

ance

des

inst

ruct

ions

et

app

licat

ion

des

mét

hode

sLa

form

atio

n in

itial

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it êt

re c

lôtu

rée

par d

es t

ests

déc

isifs

ava

nt l’

enga

gem

ent

défin

itif d

u m

embr

e du

per

sonn

el d

e su

rvei

llanc

e.

AUX

ADM

INIS

TRAT

ION

S

Indi

cate

urIn

titul

é de

la r

ecom

man

datio

nRO

19/

01Au

toris

atio

n hi

érar

chiq

ue

La D

G E

PI d

oit

rapp

eler

à t

ous

les

étab

lisse

men

ts p

énite

ntia

ires

que

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e m

esur

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ise

à nu

et

une

insp

ectio

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suel

le d

u co

rps

néce

ssite

d’o

bten

ir l’a

ccor

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éala

ble

du

dire

cteu

r.

RO 1

9/02

Auto

risat

ion

hiér

arch

ique

À

l’iss

ue d

’un

chan

gem

ent

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êtem

ents

, tou

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icul

ier l

es fe

mm

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déte

nues

, doi

vent

rece

voir

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mpl

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is.

RO 1

9/03

Auto

risat

ion

hiér

arch

ique

Les

dire

ctio

ns d

es é

tabl

isse

men

ts p

énite

ntia

ires

(ou

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dél

égué

) doi

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exe

rcer

co

ncrè

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ent

leur

pou

voir

d’ap

préc

iatio

n lo

rsqu

’elle

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toris

ent

une

foui

lle à

nu

4. SY

NTHè

se d

es re

comm

anda

tions

Page 139: FOUILLES À NU · 1 Du nom du professeur Lieven Dupont qui présida les travaux de la commission chargée, en 1996, par le ministre de la Justice de l’époque de préparer un «

139

AUX

ADM

INIS

TRAT

ION

S

Indi

cate

urIn

titul

é de

la r

ecom

man

datio

nRO

19/

04Au

toris

atio

n hi

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chiq

ueLe

s di

rect

ions

d’é

tabl

isse

men

ts p

énite

ntia

ires

doiv

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met

tre

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un

regi

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foui

lles

à nu

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gles

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Man

dela

, et

régu

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sé p

ar e

lles.

Le re

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sem

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pén

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iaire

s.

RO 1

9/05

Auto

risat

ion

hiér

arch

ique

La D

G E

PI d

oit

rapp

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cteu

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blis

sem

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ent

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c’e

st-à

-dire

déc

idée

par

un

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t pé

nite

ntia

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che

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quar

tier,

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-ci n

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voir

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onsé

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ces

pour

le d

éten

u. U

ne fo

uille

illé

gale

ne

peut

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ster

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s su

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l’ég

ard

du p

erso

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et

néce

ssite

au

min

imum

un

rapp

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gle.

RO 1

9/06

Néc

essi

té e

t pr

opor

tionn

alité

Les

dire

ctio

ns ré

gion

ales

doi

vent

éva

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révi

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foui

lles

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lisse

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ts d

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ur re

ssor

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n de

met

tre

un t

erm

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x fo

uille

s à

nu s

ysté

mat

ique

s.

RO 1

9/07

Néc

essi

té e

t pr

opor

tionn

alité

Réin

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RO 1

9/08

Néc

essi

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alité

La D

G E

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oit

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atio

ns, n

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Rég

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.

RO 1

9/09

Néc

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alité

La D

G E

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uille

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RO 1

9/10

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opor

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ns e

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. Le

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doit

être

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ossi

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énite

ntia

ire d

u dé

tenu

, qui

le s

uit

en c

as d

e tr

ansf

ert.

Page 140: FOUILLES À NU · 1 Du nom du professeur Lieven Dupont qui présida les travaux de la commission chargée, en 1996, par le ministre de la Justice de l’époque de préparer un «

140

AUX

ADM

INIS

TRAT

ION

S

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urIn

titul

é de

la r

ecom

man

datio

nRO

19/

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sité

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s ne

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, lor

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ent

néce

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gard

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situ

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ible

d’é

valu

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divi

duel

pré

sent

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r ch

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dét

enu.

RO 1

9/12

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déci

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sLe

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form

atio

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nite

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ires

doiv

ent

prop

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un

cour

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mot

ivat

ion

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acte

s ad

min

istr

atifs

.

RO 1

9/13

Mot

ivat

ion

des

déci

sion

sLa

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atio

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la m

otiv

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n de

s ac

tes

adm

inis

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ifs d

oit

être

rend

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blig

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re p

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ires

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ents

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quel

s ils

dél

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nt l’

auto

risat

ion

de fo

uille

r à n

u.

RO 1

9/14

Mot

ivat

ion

des

déci

sion

sLe

ser

vice

jurid

ique

de

la D

G E

PI d

oit

assu

rer l

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ffus

ion

des

arrê

ts c

omm

enté

s du

Con

seil

d’Et

at q

ui p

orte

nt s

ur la

mot

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ion

des

acte

s ad

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istr

atifs

en

mat

ière

pén

itent

iaire

aux

di

rect

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des

éta

blis

sem

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pén

itent

iaire

s.

RO 1

9/15

Mot

ivat

ion

des

déci

sion

sCh

aque

éta

blis

sem

ent

péni

tent

iaire

doi

t ét

ablir

un

regi

stre

des

déc

isio

ns n

on-m

otiv

ées

et e

n fa

ire u

sage

.

RO 1

9/16

Lieu

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pté

Les

étab

lisse

men

ts p

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ntia

ires

doiv

ent

s’ass

urer

que

les

foui

lles

à nu

se

déro

ulen

t da

ns u

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pace

ferm

é, à

l’ab

ri de

s re

gard

s de

s au

tres

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enus

et

du p

erso

nnel

qui

n’e

st p

as a

ffec

té à

ce

tte

tâch

e. S

’ils

ne d

ispo

sent

pas

de

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ux s

épar

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our l

a fo

uille

à n

u, il

s do

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t in

stal

ler

un d

ispo

sitif

per

met

tant

aux

dét

enus

d’ê

tre

à l’a

bri d

u re

gard

d’a

utre

s dé

tenu

s ou

mem

bres

du

pers

onne

l.

RO 1

9/17

Li

eu a

dapt

éIl

doit

imm

édia

tem

ent

être

mis

fin

à l’u

tilis

atio

n de

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ux q

ui n

e pe

rmet

tent

pas

de

gara

ntir

l’int

imité

des

dét

enus

à l’

égar

d de

per

sonn

es t

ierc

es.

Page 141: FOUILLES À NU · 1 Du nom du professeur Lieven Dupont qui présida les travaux de la commission chargée, en 1996, par le ministre de la Justice de l’époque de préparer un «

141

AUX

ADM

INIS

TRAT

ION

S

Indi

cate

urIn

titul

é de

la r

ecom

man

datio

nRO

19/

18

Lieu

ada

pté

Dans

les

espa

ces

de fo

uille

, la

prés

ence

d’u

n st

ock

de s

ervi

ette

s do

it êt

re a

ssur

ée e

t la

m

étho

de d

e fo

uille

en

vigu

eur d

oit

être

affi

chée

. Ces

am

énag

emen

ts m

inim

ums

doiv

ent

être

alis

és q

uel q

ue s

oit

le lo

cal d

e fo

uille

, dou

ches

y c

ompr

is.

RO 1

9/19

Prés

ence

du

pers

onne

l de

surv

eilla

nce

Des

dire

ctiv

es g

énér

ales

doi

vent

pré

voir

le rô

le d

es d

iffér

ents

age

nts

péni

tent

iaire

s pe

ndan

t la

foui

lle à

nu,

et

nota

mm

ent

les

tâch

es q

ui p

euve

nt ê

tre

acco

mpl

ies

par u

n ag

ent

de l’

autr

e se

xe q

ui p

rête

son

ass

ista

nce

à un

e fo

uille

.

RO 1

9/20

Prés

ence

du

pers

onne

l de

surv

eilla

nce

Les

dire

ctio

ns d

es é

tabl

isse

men

ts p

énite

ntia

ires

doiv

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veill

er à

ce

que

le n

ombr

e de

s ag

ents

qu

i par

ticip

ent

à un

e fo

uille

soi

t, da

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haqu

e ca

s, ra

ison

nabl

e et

pro

port

ionn

é au

rega

rd d

e la

situ

atio

n.

RO 1

9/21

Attit

ude

du p

erso

nnel

de

surv

eilla

nce

Les

dire

ctio

ns d

es é

tabl

isse

men

ts p

énite

ntia

ires

doiv

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déve

lopp

er u

ne p

oliti

que

de re

spec

t et

de

cour

tois

ie a

ctiv

e du

per

sonn

el à

l’ég

ard

des

déte

nus,

et n

e pa

s la

isse

r les

com

port

emen

ts

inap

prop

riés

sans

sui

te.

RO 1

9/22

Usa

ge d

e la

con

trai

nte

Dans

ses

inst

ruct

ions

aux

éta

blis

sem

ents

pén

itent

iaire

s, la

DG

EPI

doi

t dé

finir

dans

que

lles

cond

ition

s la

con

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nte

peut

êtr

e ut

ilisé

e po

ur e

ffec

tuer

une

foui

lle à

nu

et la

mét

hode

qui

do

it êt

re u

tilis

ée. E

n to

ut é

tat

de c

ause

, il d

oit

être

pré

cisé

que

la rè

gle

veut

que

le d

éten

u se

shab

ille

lui-

mêm

e et

que

tou

t do

it êt

re m

is e

n œ

uvre

pou

r que

l’us

age

de la

con

trai

nte

soit

évité

.

RO 1

9/23

Usa

ge d

e la

con

trai

nte

La p

rocé

dure

de

mis

e en

isol

emen

t pa

r l’é

quip

e d’

inte

rven

tion

doit

être

mod

ifiée

de

sort

e qu

e l’u

sage

de

la c

ontr

aint

e po

ur la

foui

lle à

nu

ne s

oit

plus

sys

tém

atiq

ue.

RO 1

9/24

Conn

aiss

ance

des

inst

ruct

ions

et

app

licat

ion

des

mét

hode

sLa

DG

EPI

doi

t in

tégr

er, d

ans

la c

harg

e de

tra

vail

des

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tors

, les

heu

res

néce

ssai

res

à l’a

ccom

plis

sem

ent

des

tâch

es li

ées

à la

fonc

tion.

Page 142: FOUILLES À NU · 1 Du nom du professeur Lieven Dupont qui présida les travaux de la commission chargée, en 1996, par le ministre de la Justice de l’époque de préparer un «

142

AUX

ADM

INIS

TRAT

ION

S

Indi

cate

urIn

titul

é de

la r

ecom

man

datio

nRO

19/

25Co

nnai

ssan

ce d

es in

stru

ctio

ns

et a

pplic

atio

n de

s m

étho

des

La fo

rmat

ion

cont

inué

e do

it êt

re in

tégr

ée d

ans

la p

lani

ficat

ion

du p

erso

nnel

des

ét

ablis

sem

ents

pén

itent

iaire

s.

RO 1

9/26

Conn

aiss

ance

des

inst

ruct

ions

et

app

licat

ion

des

mét

hode

sLe

s as

sist

ants

pén

itent

iaire

s do

iven

t su

ivre

une

form

atio

n su

r les

inst

ruct

ions

rela

tives

à la

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ANNEXES

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ANNEXE 1 – ENTRETIENS EXPLORATOIRES

Organisation Personne et fonction Date

Institut national de Criminalistique et de Criminologie

Christophe Mincke, directeur opérationnelLuc Robert, enquêteur

15/3/16

Observatoire international des Prisons

Nicolas Cohen, membre 3/4/16

Ligue des droits de l’homme

Manuel Lambert, conseiller juridiqueLucie Pêtre, stagiaire

13/4/16

Centre d’Action Laïque Anne Fivé, directrice juridique 27/6/16

Fondation pour l’Assistance Morale aux Détenus

Tania Ramoudt, directrice 27/6/16

Faculté de criminologie de l’Université Libre de Bruxelles

David Scheer, docteur en criminologie, chercheur post-doc en sociologie carcérale

19/8/16

Association pour la prévention de la torture

Barbara Bernath, cheffe des opérations

4/10/16

Expert Nicole Declercq, ancienne directrice régionale Nord, DG EPI, pensionnée

10/10/16

Conseil central de Surveillance pénitentiaire

Membres 16/12/16

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ANNEXE 2 – RÉPONSE DE LA DG EPI

(traduction libre)

M. Herman, Mme De Bruecker,

Je vous remercie pour votre rapport provisoire concernant les fouilles à nu dans les prisons.

Ce rapport souligne la nécessité de trouver un meilleur équilibre entre la sécurité et la dignité des détenus. Cette nécessité vaut pour les fouilles à nu, sujet de votre rapport, mais aussi, selon moi, pour d’autres aspects.

La sécurité est une préoccupation quotidienne de la DG EPI. Plusieurs amé-liorations ont déjà été réalisées dans le passé. Il me semble que certaines problématiques ont également évolué entre la période de votre enquête de terrain et celle de la publication de ce rapport.

Je me rends compte, cependant, que le suivi de cette question au niveau central est trop dispersé entre différents services. Cette situation peut expliquer les différences de pratiques dans les prisons, telles que décrites dans votre rapport.

(traduction libre) M. Herman, Mme De Bruecker, Je vous remercie pour votre rapport provisoire concernant les fouilles à nu dans les prisons. Ce rapport souligne la nécessité de trouver un meilleur équilibre entre la sécurité et la dignité des détenus. Cette nécessité vaut pour les fouilles à nu, sujet de votre rapport, mais aussi, selon moi, pour d'autres aspects. La sécurité est une préoccupation quotidienne de la DG EPI. Plusieurs améliorations ont déjà été réalisées dans le passé. Il me semble que certaines problématiques ont également évolué entre la période de votre enquête de terrain et celle de la publication de ce rapport. Je me rends compte, cependant, que le suivi de cette question au niveau central est trop dispersé entre différents services. Cette situation peut expliquer les différences de pratiques dans les prisons, telles que décrites dans votre rapport. C’est pourquoi, j’'ai pris l'initiative de confier à une nouvelle direction les futurs développements en matière de sécurité ainsi que leur suivi opérationnel. Le futur organigramme de la DG EPI prévoira donc une Direction Sécurité Intégrale, actuellement en cours d'installation. Les activités de cette nouvelle direction suivent les deux piliers suivants : * la gestion des dossiers individuels des détenus considérés à risque, * l'élaboration et le suivi d'une politique de sécurité, principalement axée sur le phénomène de la sécurité dynamique. Le deuxième pilier se consacrera notamment à la mise en œuvre des processus, des procédures et des techniques de sécurité, qui seront ensuite traduits en fiches pratiques mises à la disposition des prisons. Cette nouvelle direction sera, à long terme, également responsable du suivi de leur application.

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C’est pourquoi, j’’ai pris l’initiative de confier à une nouvelle direction les futurs développements en matière de sécurité ainsi que leur suivi opéra-tionnel. Le futur organigramme de la DG EPI prévoira donc une Direction Sécurité Intégrale, actuellement en cours d’installation.

Les activités de cette nouvelle direction suivent les deux piliers suivants :* la gestion des dossiers individuels des détenus considérés à risque, * l’élaboration et le suivi d’une politique de sécurité, principalement axée

sur le phénomène de la sécurité dynamique.

Le deuxième pilier se consacrera notamment à la mise en œuvre des pro-cessus, des procédures et des techniques de sécurité, qui seront ensuite traduits en fiches pratiques mises à la disposition des prisons. Cette nou-velle direction sera, à long terme, également responsable du suivi de leur application.

J’ai soumis, dans ce contexte, votre rapport provisoire à la Direction de la Sécurité Intégrale. Vos conclusions concernant les fouilles à nu seront prises en considération dans l’analyse de ce qui existe actuellement en matière de sécurité. Au terme de cette analyse, tant vos recommandations que les meilleures pratiques proposées seront intégrées dans la politique de sécurité, et en particulier dans les directives ainsi que, si nécessaire ou souhaitable, dans les programmes de formation.

Cordialement,

Rudy Van De VoordeDirecteur général DG EPI

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ANNEXE 3 – NORMES DE BONNE CONDUITE ADMINISTRATIVE

IntroductionIl est communément admis que la mission d’un Ombudsman, ou médiateur institu-

tionnel, consiste à résoudre les cas de « mauvaise administration ». Mais qu’est-ce

qu’une bonne ou une mauvaise administration ?

Le premier Médiateur européen Jacob SÖDERMAN estimait qu’il existe fondamen-

talement deux manières d’informer les citoyens et les fonctionnaires de ce que

signifie une bonne et une mauvaise administration dans la pratique. La première

est que le Médiateur statue au cas par cas dans le cadre de ses enquêtes et qu’il

en publie les résultats. La seconde consiste à adopter et à publier une loi ou un

code de bonne conduite administrative, qui existe désormais dans la plupart des

Etats membres.

Dès le début de son existence, le Médiateur fédéral s’est attaché à élaborer une

grille de lecture transparente des normes utilisées pour l’évaluation des réclama-

tions qui lui sont soumises.

Celle-ci a évolué au fil de sa pratique et de la confrontation avec la pratique des

autres institutions d’ombudsman dans les Etats démocratiques.

Anciennement reprises sous l’appellation de « principes de bonne administration »,

ces normes recouvrent en réalité des exigences plus larges que celles dégagées par

le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation sous cette appellation, et ne se prêtent pas

toutes à un contrôle de nature juridictionnelle, raison pour laquelle nous les avons

requalifiées en « normes de bonne conduite administrative ».

Actuellement, le Médiateur fédéral se réfère à 15 normes de bonne conduite admi-

nistrative. La liste des normes et leur définition sont susceptibles d’être affinées

au fil du temps compte tenu de l’évolution de la jurisprudence, mais surtout des

évolutions de la société dans laquelle le médiateur opère et qui se traduisent au

travers des réclamations dont il est saisi.

Application conforme des règles de droitL’administration agit en conformité avec les normes légales et réglementaires

de portée générale et abstraite et dans le respect des droits fondamentaux des

personnes.

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Lorsque la règle n’est pas claire, l’administration veille à l’appliquer dans un sens

conforme à l’esprit de la loi ou au sens qui lui est habituellement reconnu par la

jurisprudence et la doctrine.

L’administration se doit également de respecter ses propres circulaires et instruc-

tions administratives pour autant qu’elles ne soient pas contraires aux dispositions

légales et réglementaires.

ÉgalitéL’administration veille à respecter l’égalité de traitement entre les administrés et

ne peut créer des distinctions illicites entre eux.

Les administrés se trouvant dans la même situation sont traités de la même

manière. Les administrés se trouvant dans des situations différentes bénéficient

de traitements différents. La situation s’apprécie au regard de la mesure envisagée.

Une différence de traitement peut être établie entre des catégories de personnes

pour autant qu’elle repose sur un critère objectif et qu’elle soit raisonnablement

justifiée compte tenu du but et des effets de la mesure critiquée. L’égalité n’est pas

respectée lorsqu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les

moyens employés et le but visé.

ImpartialitéL’administration ne peut pas favoriser une partie aux dépens de l’autre pour

quelque raison que ce soit. Cette impartialité suppose l’objectivité dans le traite-

ment du dossier et implique l’absence d’intérêt - et même d’apparence d’intérêt

- de l’administrateur actif dans la situation réglée.

Le traitement du dossier par l’administration ne peut pas être guidé par des inté-

rêts personnels, familiaux ou nationaux, par des pressions extérieures, par des

convictions religieuses, philosophiques ou politiques ; un fonctionnaire ne peut pas

prendre part à une décision dans laquelle lui, ou l’un de ses proches, a des intérêts

ou pourrait être perçu comme en ayant ; un fonctionnaire ne peut pas examiner un

recours contre une décision s’il a contribué à prendre cette décision.

L’administration évite que sa décision soit influencée par les inconvénients que

celle-ci pourrait engendrer dans le chef de l’une des parties.

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Raisonnable et proportionnalitéL’administration s’assure que sa décision est appropriée, proportionnée et équitable.

Le principe du raisonnable est enfreint lorsque l’administration a usé de sa liberté

d’appréciation de manière manifestement déraisonnable. La décision de l’adminis-

tration peut être qualifiée de manifestement déraisonnable lorsqu’elle n’est pas

celle qu’aurait adoptée n’importe quel autre fonctionnaire normalement prudent

et diligent placé dans les mêmes circonstances.

Pour respecter le principe de proportionnalité, le fonctionnaire normalement dili-

gent veille à prendre la mesure qui paraît la plus respectueuse à la fois des intérêts

de l’administré et des objectifs d’intérêt général poursuivis par son administration.

Lorsque l’application qui est faite par l’administration de la règle ou de la pratique

administrative aboutit à une situation inéquitable pour l’administré, l’administra-

tion met tout en œuvre pour remédier à cette situation, tout en veillant à préserver

l’égalité de traitement et à ne pas commettre d’excès de pouvoir.

Sécurité juridiqueLa sécurité juridique implique que les administrés soient en mesure de connaître

le droit positif qui leur est applicable. Les citoyens doivent pouvoir anticiper et

évaluer les conséquences juridiques des actes qu’ils posent et des comportements

qu’ils adoptent. Ils doivent également pouvoir compter sur une certaine perma-

nence de la réglementation et des pratiques administratives.

Pour préserver la sécurité juridique, l’administration s’efforce notamment de ras-

surer les administrés au sujet de règles qui leur sont applicables dans un délai

raisonnable.

Par application du principe de sécurité juridique, le citoyen ne peut être tenu d’ob-

server des règles qui ne font pas l’objet d’une publicité, ou qui font l’objet d’une

publicité tardive, ou des décisions à portée individuelle qui ne leur ont pas été

notifiées.

La sécurité juridique implique l’interdiction de l’application rétroactive des dispo-

sitions légales et réglementaires.

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La sécurité juridique offre des garanties de traitement égal et impartial et restreint

dès lors la liberté administrative et bannit l’arbitraire.

Confiance légitimeL’administration honore les attentes légitimes que son attitude constante, ses pro-

messes ou ses décisions antérieures ont suscitées chez le citoyen.

L’attente suscitée doit être légitime. Sauf exception, la confiance légitime ne se

déduit pas du mutisme de l’administration.

Droit d’être entenduToute personne a le droit de faire valoir ses observations oralement ou par écrit

lorsque ses affaires sont en cause, même quand ce droit n’a pas expressément

été prévu par la loi ou lorsque la loi n’impose pas à l’administration d’entendre

l’administré préalablement à la décision qu’elle compte prendre. Ce droit doit pou-

voir s’exercer à chaque étape de la procédure de prise de décision ainsi qu’après

celle-ci, dans la limite du raisonnable.

Ce principe permet de préserver à la fois les intérêts du citoyen et ceux de l’admi-

nistration : le citoyen en disposant de la possibilité de faire valoir ses arguments,

l’administration en ayant la garantie d’une prise de décision en toute connaissance

de cause.

Délai raisonnableToute demande doit être traitée par l’administration dans un délai raisonnable.

Le délai raisonnable s’apprécie au regard de la situation concrète envisagée : il

sera fonction du caractère urgent de la demande, de sa complexité, ainsi que des

éventuelles conséquences négatives pour le citoyen d’une réponse tardive. Ainsi,

le délai raisonnable impose dans certaines circonstances à l’administration de

prendre sa décision dans un délai plus court que le délai maximum prévu par la loi.

En l’absence de délai légal, la « Charte pour une administration à l’écoute des

usagers » doit servir de ligne directrice à l’administration : lorsque l’administration

n’est pas en mesure de répondre à une demande dans un délai de trois semaines,

elle doit en informer la personne intéressée par l’envoi d’un accusé de réception

et lui indiquer un délai approximatif de réponse. Elle doit s’efforcer de prendre sa

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152

décision dans un délai de quatre mois, voire huit mois en cas de dossier particu-

lièrement complexe.

Gestion consciencieuseToute administration doit agir et prendre ses décisions de manière consciencieuse.

Cela implique tout d’abord qu’elle doit s’informer suffisamment pour prendre une

décision en connaissance de cause.

L’administration doit disposer de toutes les données juridiques et factuelles néces-

saires lors de la prise de décision.

Dans la prise de décision, l’administration doit s’attacher aux faits vérifiables,

prendre en compte les dispositions applicables et tous les éléments pertinents

dans le dossier, et écarter ceux qui ne le sont pas.

Le principe de précaution fait partie intégrante de l’exigence de gestion

consciencieuse.

Coordination efficaceLes services publics doivent collaborer entre eux de manière efficace. Au sein d’un

même service public, la communication doit être fluide afin d’assurer un échange

d’informations optimal. Le citoyen ne peut être invité à produire des éléments alors

que l’administration dispose ou pourrait aisément disposer des moyens de se les

procurer elle-même.

Lorsque différentes administrations doivent collaborer, la coordination efficace

passe par l’harmonisation des procédures et par un échange d’informations cor-

rect et rapide. Un accès réciproque aux banques de données, dans le respect des

règles de protection de la vie privée, peut être nécessaire. Aucun service ne peut

se retrancher derrière le silence d’un autre service pour justifier son abstention

d’agir et doit mettre tout en œuvre pour obtenir la collaboration du service dont il

dépend pour la bonne poursuite du dossier.

Motivation adéquateTout acte administratif doit être fondé sur des motifs qui doivent être acceptables

et raisonnables, en droit comme en fait.

Les administrés doivent comprendre les raisons pour lesquelles ils reçoivent une

décision déterminée, ce qui implique que la motivation doit être reprise dans la

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décision qui leur est notifiée. Cette exigence va cependant au-delà de la seule

motivation formelle et s’attache à la qualité de la motivation. Une décision bien

motivée est une décision compréhensible. Le recours à des formulations standards

ou trop générales est par conséquent inadéquat. Une motivation concise peut suf-

fire si elle est claire et appropriée au cas de l’administré.

Information activeL’administration doit agir de manière transparente et informer spontanément le

public de manière claire, objective et la plus étendue possible dans les limites

autorisées par la loi.

L’information active cadre dans la mission de l’administration qui consiste à rendre

les dispositions légales et réglementaires ainsi que les pratiques administratives,

plus accessibles et compréhensibles au public le plus large. Cette information doit

être correcte, complète, sans ambiguïté, efficace et actuelle.

L’administration doit utiliser un langage clair et compréhensible, sa communi-

cation doit être efficace. Elle doit veiller à utiliser des canaux de communication

diversifiés et adéquats pour toucher le plus grand nombre de citoyens concernés.

Information passiveSauf les exceptions prévues par la loi, lorsque le citoyen demande une information,

celle-ci doit lui être fournie.

La demande d’information et sa réponse peuvent être formulées tant de manière

écrite qu’orale. Pour autant que la loi l’autorise, l’administration utilise de préfé-

rence le moyen et le canal de communication privilégié par le citoyen.

CourtoisieLors de ses contacts avec les administrés, outre le respect des règles élémentaires

de politesse généralement admises dans notre société, le fonctionnaire veille à

conserver un ton professionnel dans son discours et dans ses attitudes, afin de

préserver une relation interpersonnelle harmonieuse, respectueuse et empreinte

d’humanité.

Le cas échéant, il fait œuvre pédagogique en expliquant les raisons pour lesquelles

il ne peut accéder à la demande de son interlocuteur et tâche de l’orienter vers le

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service compétent. En toute hypothèse, il s’attache à utiliser un langage compré-

hensible, adapté à la situation et empreint de neutralité.

Si l’administration s’est trompée ou n’a pas agi conformément aux attentes légi-

times du citoyen, elle restaure la confiance du citoyen en l’administration en lui

présentant des excuses.

Accès appropriéL’administration veille à maximiser l’accessibilité de ses services, de ses bureaux et

de ses informations, en veillant à l’adéquation des heures d’ouverture des bureaux

aux besoins du public concerné, à l’accessibilité téléphonique et à l’usage de

canaux de communication variés. Elle s’efforce de recevoir les citoyens dans un

environnement de travail approprié, de limiter les temps d’attente et d’améliorer

la lisibilité des décisions et des documents administratifs et l’accès à l’information

légale et réglementaire. Sans prétendre à l’exhaustivité, elle tend à vulgariser cette

information pour la rendre compréhensible au plus grand nombre.

Une attention particulière doit être consacrée à l’accessibilité des bureaux aux

personnes à mobilité réduite.

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