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Des constats alarmants Pénurie d'enseignants Un rapport récent de la Commission européenne sur l'éducation prédit une pénurie d'enseignants de plus en plus marquée dans plusieurs Etats Membres de l'Union Européenne dont la Belgique. Ce rapport intitulé ' Chiffres clés de l'Education en Europe 2012' montre que le nombre de diplômés qui choisissent le métier d'enseignant diminue alors que beaucoup d'enseignants approchent de la retraite. Le problème n'est pas nouveau puisqu'en 2002 déjà une enquête de l'OCDE attirait l'attention de Pierre HAZETTE, Ministre de l'Enseignement Secondaire, et de Rudy DEMOTTE, Ministre de la Fonction Publique, sur la pénurie croissante de maîtres. La situation s'est fortement aggravée entre-temps car, aujourd'hui, 45% des élèves à Bruxelles et en Wallonie manquent de professeurs de mathématiques, 39% de professeurs de sciences et 24% de professeurs de langues modernes. Sur la base de statistiques qui prennent en compte les départs à la retraite (30.000 enseignants partiront à la retraite dans les 10 années à venir), le nombre d'enseignants qui quittent prématurément le métier (3 sur 10 après 4 ans et 5 sur 10 après 8 ans), le nombre d'étudiants inscrits dans les Hautes Ecoles Pédagogiques et le peu d'intérêt des diplômés issus des universités (2 sur 10 dont 1 quitte après 5 ans), on peut aisément estimer que l'enseignement en Communauté Française manquera cruellement de maîtres dans un avenir relativement proche. Démographie L'enseignement maternel ordinaire en Communauté Française comptait en 2009-2010 179.907 élèves contre 156.335 il y a 10 ans, soit une augmentation de 14%. Cette augmentation entraînera une augmentation inévitable au primaire et dans l'enseignement secondaire qui comptera 384.160 élèves en 2021-2022 contre 335.295 en 2009-2010. Selon des prévisions établies sur la base des statistiques de l'année scolaire 2009-2010, la population bruxelloise va augmenter de 12% d'ici à 2020 avec un accroissement de 15% (52.840 unités) dans l'enseignement maternel et de 20% dans l'enseignement primaire en passant de 75.451 élèves en 2010 à 95.309 en 2020. Alors que l'enseignement n'est pas régionalisé, le gouvernement Picqué a décidé de créer 3.836 places pour 2012 dans le fondamental, dans le cadre du plan d'écoles. Comment va-t-on encadrer ces élèves? Avec, en moyenne 5000 départs chaque année et à peine 2.500 'nouveaux maîtres', il manquera 25.000 enseignants en 2022 en Communauté Française. (La Communauté Flamande, avec une démographie différente (vieillissement plus important de la population et une natalité inférieure) estime qu'elle manquera de 20.000 enseignants en 2020).

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Formation des maîtres

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Des constats alarmants

Pénurie d'enseignants

Un rapport récent de la Commission européenne sur l'éducation prédit une pénurie

d'enseignants de plus en plus marquée dans plusieurs Etats Membres de l'Union Européenne

dont la Belgique.

Ce rapport intitulé ' Chiffres clés de l'Education en Europe 2012' montre que le nombre de

diplômés qui choisissent le métier d'enseignant diminue alors que beaucoup d'enseignants

approchent de la retraite.

Le problème n'est pas nouveau puisqu'en 2002 déjà une enquête de l'OCDE attirait l'attention

de Pierre HAZETTE, Ministre de l'Enseignement Secondaire, et de Rudy DEMOTTE,

Ministre de la Fonction Publique, sur la pénurie croissante de maîtres.

La situation s'est fortement aggravée entre-temps car, aujourd'hui, 45% des élèves à Bruxelles

et en Wallonie manquent de professeurs de mathématiques, 39% de professeurs de sciences et

24% de professeurs de langues modernes.

Sur la base de statistiques qui prennent en compte les départs à la retraite (30.000 enseignants

partiront à la retraite dans les 10 années à venir), le nombre d'enseignants qui quittent

prématurément le métier (3 sur 10 après 4 ans et 5 sur 10 après 8 ans), le nombre d'étudiants

inscrits dans les Hautes Ecoles Pédagogiques et le peu d'intérêt des diplômés issus des

universités (2 sur 10 dont 1 quitte après 5 ans), on peut aisément estimer que l'enseignement

en Communauté Française manquera cruellement de maîtres dans un avenir relativement

proche.

Démographie

L'enseignement maternel ordinaire en Communauté Française comptait en 2009-2010

179.907 élèves contre 156.335 il y a 10 ans, soit une augmentation de 14%.

Cette augmentation entraînera une augmentation inévitable au primaire et dans l'enseignement

secondaire qui comptera 384.160 élèves en 2021-2022 contre 335.295 en 2009-2010.

Selon des prévisions établies sur la base des statistiques de l'année scolaire 2009-2010,

la population bruxelloise va augmenter de 12% d'ici à 2020 avec un accroissement de 15%

(52.840 unités) dans l'enseignement maternel et de 20% dans l'enseignement primaire en

passant de 75.451 élèves en 2010 à 95.309 en 2020.

Alors que l'enseignement n'est pas régionalisé, le gouvernement Picqué a décidé de créer

3.836 places pour 2012 dans le fondamental, dans le cadre du plan d'écoles. Comment va-t-on

encadrer ces élèves?

Avec, en moyenne 5000 départs chaque année et à peine 2.500 'nouveaux maîtres', il

manquera 25.000 enseignants en 2022 en Communauté Française.

(La Communauté Flamande, avec une démographie différente (vieillissement plus important

de la population et une natalité inférieure) estime qu'elle manquera de 20.000 enseignants en

2020).

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En outre, le Ministère de l'Education sera en concurrence avec la forte demande de salariés

qualifiés dans d'autres secteurs de l'économie, qui sont d'ailleurs déjà à la recherche de

collaborateurs et qui peuvent offrir de meilleurs salaires et de nombreux avantages (13ème et

14ème mois, double pécule de vacances, assurance groupe, assurance hospitalisation, chèque-

repas, raccordement gratuit à l'internet, GSM, ...)

Recrutement médiocre

40% des enseignants du secondaire n'ont pas les titres requis.

De nombreuses écoles embauchent des personnels sans qualification pédagogique (une

hôtesse de l'air donne un cours d'anglais, une coiffeuse bruxelloise un cours de néerlandais en

Wallonie, un diplômé de l'enseignement secondaire est chargé de cours dans l'enseignement

professionnel, ...).

Mais, mal préparés à un métier de plus en plus difficile à exercer, ils ne peuvent tenir une

classe, intéresser et motiver les élèves et ils s'absentent fréquemment, découragés par des

problèmes d'indiscipline, qu'ils ne peuvent gérer et ... quittent finalement la profession.

La situation s'est à ce point dégradée que certaines directions d'écoles n'hésitent pas à déclarer

qu'elles préfèrent ne plus organiser un cours plutôt que de le confier à des personnes, de

bonne volonté sans doute, mais rapidement dépassées par la matière à enseigner et les

problèmes de discipline.

D'autres directions d'écoles ont décidé de réduire de moitié l'horaire hebdomadaire des élèves

dans certaines disciplines afin de partager un même professeur sur 2 classes.

Deuxième, voire troisième choix

Beaucoup d'étudiants s'inscrivent dans les Hautes Ecoles Pédagogiques après avoir essayé

d'autres orientations sans succès. Ces inscriptions sont très souvent le résultat d'un deuxième

voire d'un troisième choix et rarement d'une 'vocation'.

Efficacité de l'école

L'OCDE dresse un portrait accusateur de notre école, qui manque d'efficacité car encore trop

centrée sur la transmission pure et simple de savoirs de plus en plus encyclopédiques.

Les échecs et les redoublements sont en augmentation et coûtent entre 350 et 430 millions

d'euro chaque année à la Communauté Française. (Ils coûtent 725 millions d'euro chaque

année en Communauté flamande).

Statistiques

1 élève sur 20 aborde la première primaire avec un an de retard parce qu'il a été

maintenu en 3ème maternelle

24% des élèves ont doublé à l'issue de l'enseignement primaire (28% en Flandre)

62% des élèves ont doublé à l'issue de l'enseignement secondaire (chiffres de 2007)

(51% en Flandre)

en 2009-2010, le taux d'échecs en 1ère année du secondaire était de 12,8%, le taux

le plus élevé depuis l'année scolaire 1992-1993

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20% quittent l'enseignement secondaire sans aucune qualification en Communauté

française comme en Flandre

40% pour les hommes et entre 48 et 51% pour les femmes réussissent en première

année de l'enseignement supérieur

30% quittent l'enseignement supérieur sans diplôme

11,6% du budget de l'enseignement de la Communauté française a été consacré à

l'échec en 2009-2010:

- 50,7 Mi € en primaire

- 365,7 Mi € dans le secondaire

Mais outre leur coût élevé, l'échec et le redoublement ont, à moyen terme, des conséquences

négatives sur le plan des apprentissages et de la confiance en soi. L'échec démotive l'élève et

engendre absentéisme et décrochage scolaire.

Facteur d'ennui

L'école véhicule l'ennui et génère l'échec et le décrochage scolaire. Le nombre de décrocheurs

passifs (présents mais ailleurs) dépasse les statistiques officielles.

L'insatisfaction face à l'école croît avec l'âge.

Déjà constaté entre la maternelle et le primaire, ce déclin s'accélère par la suite. La proportion

d'élèves satisfaits de l'école tombe de 36,6% à la fin de l'école primaire à 17,3% à la fin du

secondaire.

Inadéquation entre formation et besoins.

L'offre éducative est cause du décrochage scolaire de nombreux élèves.

Alors qu'en 40 ans l'économie des pays dirigeants a subi des changements importants, l'offre

éducative (et la formation) a peu évolué et accuse un retard considérable.

Si les technologies nouvelles ont envahi notre vie quotidienne et sont omniprésentes dans

l'économie mondiale, elles sont pratiquement absentes de notre système éducatif. L'école

continue à dispenser un enseignement basé sur le modèle des 19ème et 20ème siècles. Elle

privilégie toujours - et évalue- les savoirs mémorisés au lieu de prendre en compte - et

d'évaluer- les compétences et aptitudes nécessaires pour résoudre les problèmes du XXIème

siècle et pour favoriser la créativité.

En conséquence, de nombreux emplois ne peuvent être attribués, aujourd'hui, par manque de

personnels qualifiés et il est fait appel à une main d'oeuvre étrangère (infirmières,

informaticiens, ingénieurs, ...) alors que notre pays connaît un taux de chômage élevé.

Ainsi, la SNCB a offert 900 emplois en 2011 et 200 n'ont pu être attribués faute de personnels

qualifiés.

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De nombreux secteurs de l'économie prévoient pour 2020 plus de 20.000 offres d'emplois,

notamment suite au départ à la retraite des travailleurs issus du baby boom. Mais ces emplois

ne pourront être attribués que si la main d'oeuvre qualifiée existe et que si les enseignants sont

formés pour répondre aux besoins de la société.

Formation initiale des maîtres

Elle est dépassée aux plans des contenus et de la méthodologie, ce qui explique les nombreux

départs de jeunes enseignants après quelques années seulement et le ras-le-bol de l'école de

nombreux élèves ainsi que l'insatisfaction grandissante des secteurs économiques.

Quelles solutions?

Des savoirs à enseigner et des savoirs pour enseigner

La qualité de tout système éducatif dépend, en grande partie, de la qualité des maîtres, qui, à

côté des savoirs à enseigner, doivent aussi acquérir des savoirs pour enseigner.

Il faut assurer une formation initiale efficace en tenant compte que l'enseignant d'aujourd'hui

doit être un expert de l'apprentissage, un 'coach', un chef d'orchestre de l'apprentissage, un

facilitateur et pas seulement un dispensateur du savoir. Il devra être à même d'aider

l'apprenant à transformer les informations en connaissances. Il sera un facilitateur, qui connaît

bien son élève et son mode d'apprentissage. Il sera capable d'utiliser les technologies

nouvelles, de choisir les méthodes les plus appropriées en fonction des contenus à enseigner et

des élèves à former. Il sera à même de travailler en interdisciplinarité, notamment dans le

cadre de la pédagogie par projets.

A ces fins, il y a lieu de repenser la formation initiale des maîtres pour l'adapter aux besoins

du nouveau système éducatif. Mais, pour cela, il faut changer les mentalités tant des parents

que des maîtres et faire en sorte que l'autorité responsable de l'enseignement accepte

d'incorporer ces changements dans les programmes et d'adapter la formation des maîtres et de

financer les innovations.

A côté de la maîtrise de la langue maternelle par tous - tous les enseignants sont des

professeurs de la lange maternelle, le futur maître doit maîtriser la matière qu'il doit enseigner

mais aussi être capable d'utiliser les méthodes d'enseignement les plus appropriées en fonction

des contenus à enseigner et des élèves à former. Il doit être capable de dispenser un

enseignement qui bénéficie à TOUS les enfants.

Si l'on veut garantir la qualité, il faut impérativement que l'on recrute les meilleurs éléments,

le premier tiers des diplômés de l'enseignement secondaire sur la base d'une sélection

rigoureuse et en fonction des besoins.

A titre d'exemple, la Corée du Sud recrute le top 5% des élèves du secondaire pour en faire

des enseignants; la Finlande le top 10%; Singapour le top 30%. Il n'est pas étonnant dès lors

que les élèves des écoles de ces pays soient parmi les plus performants aux tests PISA de

l'OCDE.

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Ecole

Elle n'a plus le monopole du savoir car les médias, l'internet et les réseaux sociaux sont des

aides personnelles puissantes à l'acquisition de compétences.

L'école doit comprendre que les élèves apprennent aussi en dehors de la classe.

Elle doit utiliser les technologies nouvelles de l'information et de la communication (TIC) et

apprendre à les utiliser avec discernement et à bon escient.

L'école doit accorder plus d'attention aux talents individuels et aider l'élève à se construire en

lui évitant d'entrer dans une spirale d'échecs.

Ce n'est pas la connaissance mais l'enfant qui doit être au coeur de l'apprentissage. L'école

doit prendre en compte toute la personnalité de l'élève et veiller à développer toutes ses

potentialités. Elle doit veiller à l'épanouissement le plus large possible de tout individu que ce

soit aux plans physique, intellectuel, moral, culturel, social, politique, ... et faire en sorte que

chacun(e) puisse révéler ses talents.

L'école se doit d'être attractive. Elle doit mettre l'accent sur l'acquisition de compétences

sachant qu'il n'y a pas de compétences sans connaissances. Elle doit être une école ouverte qui

facilite le travail individuel ou en groupe (l'élève apprend aussi de ses condisciples).

A cette fin, elle privilégiera la pédagogie du projet qui décloisonne les disciplines grâce à des

projets motivants, modernes, pertinents et en liaison avec le monde réel.

A la pédagogie du projet sont liées les idées de contrat, de responsabilisation, d'intégration, de

cohésion sociale, de discipline et de respect mutuel.

L'école doit pratiquer une évaluation qui ne soit plus basée sur le test de connaissance mais

sur le résultat, l'évidence du travail réalisé, l'observation, l'interaction et l'avis des membres du

groupe.

Elle doit intégrer une remédiation individualisée grâce à la pratique d'une évaluation avant

tout formative.

Enfin, l'école mettra également l'accent sur le bien-être et l'épanouissement individuel de

l'élève car pour apprendre efficacement, il faut être soi-même, bien se sentir dans sa peau,

motivé par des intérêts véritables.

La mission de l'école est de préparer les jeunes à vivre et travailler dans une société

multiculturelle et largement ouverte sur le monde.

C'est l'objet de cette étude.