FONDAMENTAUX, EXIGENCES ENTRAINEMEN, T

3
SAUT A SKI FONDAMENTAUX, EXIGENCES, ENTRAINEMENT PAR J.-P. ARNAUD Considéré comme l'une des disciplines les plus spectaculaires des Jeux Olympiques d'Hiver, le saut à ski, très populaire dans certains pays, a du mal à trouver ses lettres de noblesse en France. Le grand événement que constituent les Jeux Olympiques de 1992 sera peut être l'occasion de faire découvrir au grand public ce sport fasci- nant. Nous en présentons ici les aspects essentiels ainsi que quelques éléments relatifs à l'or- ganisation de la progression technique de la base au haut-niveau. LES FONDAMENTAUX DE LA DISCIPLINE En saut à ski, l'objectif est d'aller le plus loin possible en prenant le moins d'élan possible dans un souci d'harmonie et d'esthétisme. C'est un des rares sports dans lequel la performance est établie de façon : - quantitative suivant un paramètre physique : la longueur du saut, et - qualitative selon un paramètre plus subjectif : le style. Le sauteur évolue sur le tremplin à l'aide d'un équipement spécifique (ski, casque, combinai- son) normalisé et réglementé. Le tremplin, élément spécifique de la discipline est établi suivant des normes bien précises caractérisées par son point K, longueur au-delà de laquelle il faut éviter de retomber par sécurité (fig. 1). LES EXIGENCES DE LA DISCIPLINE Elles sont de plusieurs types : techniques, menta- les et physiques. Les exigences sur le plan technique Le saut à ski est un sport de glisse, sur neige dans un premier temps, sur l'air ensuite. Sur le plan mécanique, cette discipline peut être assimilée à la fois à un lancer où le projectile est le corps propre de l'athlète, et à un saut. Dans ces conditions, l'objectif est donc : - dans la phase d'élan et de sortie du tremplin, d'augmenter la vitesse de déplacement du sys- tème « corps-ski », - dans la phase aérienne, de conserver cette vitesse. Cela est possible en exploitant au maximum les phénomènes aérodynamiques liés au déplace- ment du système corps-ski dans l'air. Ainsi, la conservation de la vitesse pendant les deux premiers tiers du vol est assurée par la limitation de la traînée, car à ce moment la résistance de l'air agit comme un frein. Dans le dernier tiers du vol, le sauteur recherche l'effet inverse c'est- à-dire l'augmentation de sa traînée pour obtenir une portance aérodynamique optimale, laquelle est proportionnelle au carré de la vitesse et dépend donc également de la vitesse accumulée pendant la phase d'élan et de sortie du tremplin. Remarque : ces dernières années une nouvelle technique a fait son apparition : le Botloev, du nom de son inventeur. Avec un vol skis diver- gents, la portance est augmentée d'environ 30 %, mais cette technique est pénalisée par les juges pour manque d'esthétisme. Cependant les points perdus ainsi sont moins nombreux que ceux gagnés par la longueur du saut. L a prise d'élan Durant la prise d'élan, c'est-à-dire de glisse sur le tremplin, le sauteur doit être le plus bas et le corps le plus arrondi possible pour assurer une bonne pénétration dans l'air et acquérir ainsi la plus grande vitesse possible. PHOTO : ZOOM EPS 232 - NOVEMBRE-DECEMBRE 1991 75 Revue EP.S n°232 Novembre-Décembre 1991 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

Transcript of FONDAMENTAUX, EXIGENCES ENTRAINEMEN, T

Page 1: FONDAMENTAUX, EXIGENCES ENTRAINEMEN, T

SAUT A SKI

FONDAMENTAUX, EXIGENCES, ENTRAINEMENT PAR J.-P. ARNAUD

Considéré comme l'une des disciplines les plus spectaculaires des Jeux Olympiques d'Hiver, le saut à ski, très populaire dans certains pays, a du mal à trouver ses lettres de noblesse en France. Le grand événement que constituent les Jeux Olympiques de 1992 sera peut être l'occasion de faire découvrir au grand public ce sport fasci­nant. Nous en présentons ici les aspects essentiels ainsi que quelques éléments relatifs à l'or­ganisation de la progression technique de la base au haut-niveau.

L E S FONDAMENTAUX DE L A DISCIPLINE En saut à ski, l 'objectif est d 'al ler le plus loin possible en prenant le moins d 'é lan possible dans un souci d 'harmonie et d 'esthétisme. C'est un des rares sports dans lequel la performance est établie de façon : - quantitative suivant un paramètre physique : la longueur du saut, et - qualitative selon un paramètre plus subjectif : le style.

Le sauteur évolue sur le tremplin à l 'aide d 'un équipement spécifique (ski, casque, combinai­son) normalisé et réglementé. Le tremplin, élément spécifique de la discipline est établi suivant des normes bien précises caractérisées par son point K, longueur au-delà de laquelle il faut éviter de retomber par sécurité (fig. 1).

L E S EXIGENCES DE L A DISCIPLINE Elles sont de plusieurs types : techniques, menta­les et physiques.

Les exigences sur le plan technique

Le saut à ski est un sport de glisse, sur neige dans un premier temps, sur l 'air ensuite. Sur le plan mécanique, cette discipline peut être assimilée à la fois à un lancer où le projectile est le corps propre de l 'athlète, et à un saut. Dans ces conditions, l 'objectif est donc : - dans la phase d 'é lan et de sortie du tremplin, d 'augmenter la vitesse de déplacement du sys­tème « corps-ski », - dans la phase aérienne, de conserver cette vitesse. Cela est possible en exploitant au maximum les

phénomènes aérodynamiques liés au déplace­ment du système corps-ski dans l'air. Ainsi, la conservat ion de la vi tesse pendant les deux premiers tiers du vol est assurée par la limitation de la traînée, car à ce moment la résistance de l 'air agit comme un frein. Dans le dernier tiers du vol, le sauteur recherche l'effet inverse c 'est-à-dire l 'augmentat ion de sa traînée pour obtenir une portance aérodynamique optimale, laquelle est proport ionnelle au carré de la vitesse et dépend donc également de la vitesse accumulée pendant la phase d 'élan et de sortie du tremplin.

Remarque : ces dernières années une nouvelle technique a fait son apparition : le Botloev, du nom de son inventeur. Avec un vol skis diver­gents, la portance est augmentée d 'environ 30 %, mais cette technique est pénalisée par les juges pour manque d 'esthétisme. Cependant les points perdus ainsi sont moins nombreux que ceux gagnés par la longueur du saut.

• L a prise d'élan Durant la prise d 'élan, c'est-à-dire de glisse sur le tremplin, le sauteur doit être le plus bas et le corps le plus arrondi possible pour assurer une bonne pénétration dans l 'air et acquérir ainsi la plus grande vitesse possible.

PHO

TO :

ZOO

M

EPS N° 232 - NOVEMBRE-DECEMBRE 1991 75

Revue EP.S n°232 Novembre-Décembre 1991 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

Page 2: FONDAMENTAUX, EXIGENCES ENTRAINEMEN, T

SAUT A SKI

• L'envol Il condit ionne tout le saut puisque c'est au cours de cette phase de sortie du tremplin que le sauteur doit se placer sur la trajectoire idéale, grâce à la seule act ion de ses j a m b e s . Ce mouvement a donc des exigences bien précises au niveau de sa réalisation, sachant que la force développée à l ' impulsion et la vitesse acquise durant la phase d 'é lan conditionnent la vitesse du système « corps-ski » pendant le vol . Il faut veiller à : - la répartition de cette force de poussée sur tout le trajet moteur, - son orientation vers l 'avant, - son application de façon juste et précise dans l 'espace et le temps (notion de « t iming »).

• Le vol Au cours du saut, la forme du corps et son angle par rapport à la trajectoire doivent permettre de créer un phénomène d'aspiration au niveau du dos. On observe une ouverture de l 'angle jambes / tronc et une fermeture de l 'angle jambes/skis afin de diminuer au maximum la traînée. L 'une des difficultés techniques du mouvement est de se retrouver le plus rapidement possible dans

cet te posi t ion tout en laissant s ' exercer au maximum la poussée des j ambes sur le tremplin. Cela requiert de la part des athlètes des qualités de souplesse et de fluidité. En fin de saut, le sauteur se redresse légèrement pour augmenter sa traînée et bénéficier d 'une portance maximale. La figure 2 illustre ces variations de position des différents segments corporels à travers l 'exemple des deux sauts gagnants de Nykaënen aux J.O. de Calgary au tremplin de 90 m.

Les exigences sur le plan psychologique

Outre les qualités communes à tous les sportifs de haut niveau que l 'on peut englober sous le terme de dynamique comportementale (ambi­tion, désir de réussite, orgueil, agressivité, dé­termination), le sauteur à ski doit être à la fois audacieux (le saut à ski n ' e s t pas un sport dangereux, mais c 'est un sport à risques), doté d 'un grand sang-froid et d 'une grande capacité de concentration. Le contrôle émotionnel et la résistance au stress sont très développés chez le sauteur qui doit constamment faire face à ses appréhensions, ses peurs (le tremplin, le vent, la foule).

Les exigences sur le plan physique

A ce niveau, les qualités requises de la part des athlètes sont essentiellement et respectivement :

• des qualités bio-informationnelles Le saut est avant tout un sport de sensations. L'objectif à l 'entraînement est de développer la sensibilité tactile et kinesthésique, l 'adresse, l 'équi l ibre , l 'agil i té, la coordinat ion motr ice générale.

• des qualités physiques et morphologiques La force explosive et la détente sont déterminan­

K : point critique : situé à la fin de la pente et au début du rayon. P: fin de la bosse, début de la pente. H/N : rapport du profil : 0,58. e : longueur entre la 1re et la dernière plate­forme ; réglage de l'élan. E : longueur de l'élan. Vo : Vitesse au nez du tremplin.

Variation des positions du buste, des Jam­bes et des skis au cours des deux sauts gagnants de Nykaënen aux J.O. de Calgary (tremplin de 90 m).

76

Revue EP.S n°232 Novembre-Décembre 1991 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

Page 3: FONDAMENTAUX, EXIGENCES ENTRAINEMEN, T

SAUT A SKI

tes en ce qui concerne la partie athlétique du saut. Mais ce qui importe surtout pour la perfor­mance, c 'est le rapport existant entre la force développée par le sauteur et son poids d 'une part et entre sa force et ses capacités de souplesse articulaire et d'élasticité musculaire d 'autre part. Le rapport des différents segments corporels (longueur des fémurs, des tibias) avec la masse du bassin doit également être pris en compte. L'objectif est de pouvoir réaliser le meilleur compromis possible entre tous ces facteurs.

LA P R O G R E S S I O N T E C H N I Q U E Dans le cadre fédéral, la progression technique des sauteurs est organisée selon quatre niveaux, de la base à l 'équipe nationale. Nous présentons ci-dessous les principes généraux d 'organisation relatifs à chacun d 'eux.

> Niveau 1 : club ou tiers-temps pédagogi­ques - 7 à 10 ans. - Familiarisation avec l 'activité saut : découverte globale du mouvement sur des mini-tremplins de 20 à 50 m. - Recherche de l 'équilibration avec le matériel spécifique (prise de conscience des phénomènes d 'aérodynamisme) .

- Dissociation des différentes phases du saut : prise d 'élan, envol, réception. - Travail global du « t iming » à l ' impulsion.

• Niveau 2 : district et comités régionaux -11 à 14 ans. - Intégration des phénomènes aérodynamiques. - Acceptation des remises en cause d 'équil ibre (équilibre « glissé », « porté », puis « glissé » avec reprise d 'appui à la réception). - Coordination et automatisation des différentes phases.

• Niveau 3 : équipe A du comité, sélection interrégionale - 15 à 18 ans. - Développement de la composante physique du mouvement . - Stabilisation des éléments techniques acquis précédemment : contrôle et maîtrise de ces ac­tions. - Travail analytique.

• Niveau 4 : équipe nationale - 18 ans et plus. A ce niveau il ne s 'agit plus de progression mais d 'optimisation des capacités acquises au cours des phases d 'apprentissage précédentes. - Affinement des perceptions.

- Recherche constante de la qualité d 'exécution. - Recherche ... meilleur compromis entre puis­sance et précision, puissance et souplesse. - Développement des autres composantes de la performance (mental, matériel). - Travail à nouveau sous forme globale du saut en variant le plus possible les tremplins et les surfaces.

A titre d'illustration, nous décrivons dans l 'en­cadré l 'entraînement suivi par les sauteurs de l 'équipe de France. On constate que leur volume total d 'entraîne­ment est relativement restreint, comparé à celui d 'autres disciplines où les exigences techniques sont aussi élevées. Ce n 'es t nullement un choix stratégique, mais plutôt le manque d'installa­tions dans notre pays. Seulement 5 tremplins de plus de 70 m sont homologués en France, contre 25 en Autriche, 35 en Allemagne, 20 en Fin­lande. Les sauteurs sont donc obligés de se déplacer très fréquemment, ce qui occasionne des pertes de temps et d 'énergie considérables (300 h de voyage par an). Malgré cela, un gros travail a été accompli ces dernières années au niveau des jeunes et des équipes de France, et des résultats* très encoura­geants laissent entrevoir de belles perspectives pour le futur.

Jean-Pierre Arnaud Entraîneur National du Saut Spécial

Professeur d 'EPS

DESSINS : V. SUSTRAC

L'ENTRAINEMENT DES SAUTEURS DE L'EQUIPE DE FRANCE

Cet entraînement revêt deux aspects essentiels : techni­que et physique.

L'entraînement technique Annuellement 1000 sauts sont réalisés à l'entraînement (dont la moitié en été sur du revêtement plastique) pour 100 sauts en compétition : - un tiers des sauts sur grands tremplins (point critique K à 120 m), - un tiers des sauts sur moyens tremplins (point critique K < ou = 90 m), - un tiers des sauts sur petits tremplins (point critique K < ou = 60 m),

soit environ 300 h à raison de 15 minutes par saut.

L'entraînement physique Son volume annuel est de 400 h environ réparties comme suit: • 200 h : développement des qualités physiques spécifi­ques (force explosive, détente, souplesse) selon les pourcentages suivants : - 40 % : puissance, musculation, pliométrie (pour déve­lopper force et vitesse de contraction des muscles). - 20 % : bondissements (pour développer élasticité, am­plitude, longueur d'impulsion). - 20 % : vitesse, fréquence gestuelle, et accélération. - 20 % : étirements, souplesse articulaire, capacité de relâchement.

• 100 h : amélioration de la coordination dont : - 50 % : coordination motrice générale (équilibre, agilité, à partir de gymnastique et de trampoline). - 50 % : coordination spécifique (rythme de la poussée des jambes).

• 50 h : travail aérobie.

• 50 h : travail de l'aspect mental de l'activité (exercices de visualisation mentale, de relaxation, sophrologie]

* Obtention d'une médaille de bronze en 1991 aux Cham­pionnats du Monde Juniors par équipes, et 2 victoires en Coupe d'Europe, obtenues par un junior.

PHO

TO :

ZOO

M

EPS N° 232 - NOVEMBRE-DECEMBRE 1991 77

Revue EP.S n°232 Novembre-Décembre 1991 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé