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Il était une fois un voyage à Foix 12 et 13 octobre 2013 ------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Il était une fois un voyage à Foix 12 et 13 octobre 2013

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Récit du voyage à Foix oct 2013 JP Lazarus

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Carte simplifiée des environ de Foix

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Montgailhard

Arget

Forges de Pyrène

Ariège

Labouiche

Vernajoul

Rivière souterraine

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Mon dernier passage à Foix date d'octobre 2005 ; il faisait nuit, mes amis et moi revenions de Barcelone par les tunnels de Cadi et Puymorens. Inutile d'écrire que nous ne nous sommes pas arrêtés… De quand date le voyage précédent ? Sans doute a-t-il existé mais son souvenir est perdu à jamais dans les obscures arbores-cences de ma mémoire. Aussi, l'occasion de revenir à Foix, offerte par le Comité du Monteil, ne pouvait être manquée.

Il pleut en ce matin du 12 octobre. À 5 h 25, heure à laquelle le bus devait nous prendre, il passe mais dans l'autre sens : nous partons donc avec vingt minutes de retard…

7 h 30. Le jour apparaît aux confins du couvercle sombre qui dégouline de pluie depuis notre départ. Se pourrait-il que nous ayons beau temps, au pied des Py-rénées ?

8 h 07. Le ballon rouge se glisse sous le nuage ; nous approchons deToulouse et l'idée de beau temps se con-firme. Comment est-il possible qu'il pleuve sur tout le territoire sauf là où nous allons ?

8 h 45. L'autoroute qui descend sur Toulouse révèle le vaste panorama de la chaîne pyrénéenne dont les plus hauts sommets visibles sont voilés d'une couche de neige fraîche. Non seulement il fera beau mais la nature a couvert la montagne d'un joli voile blanc. Ce voyage serait-il parfait ?

10 h 10. Le chauffeur arrête le véhicule sur les allées de Villote, au centre de Foix. Mélanie, la guide, nous attend à la porte du bus. Le ciel est sans nuage, la tem-pérature fraîche : nous sommes comme les lézards, nous cherchons les flaques de soleil…

L A V I E I L L E V I L L E D E F O I X

Des premières informations obtenues, il apparaît que Foix est une petite ville, une préfecture minuscule de dix mille habi-tants, six fois moins peuplée que Pessac. Cette ville, deuxième plus petite préfecture de France, après Privas, fut choisie lors du

découpage départemental du pays à la place de Pamiers, plus grande, car elle était déjà une ville de pouvoir.

Une si petite ville peut-elle nous surprendre par son architecture ? Quels secrets notre guide va-t-elle nous révéler sur sa ville ? Dans son environnement monta-gnard, coincée entre ses deux rivières et les montagnes avoisinantes, la ville eut, par le passé, la plus grande dif-ficulté à s'agrandir. Peu d'industries par manque de place : Foix, ville de pouvoir depuis le début de son his-toire, est essentiellement habitée par les fonctionnaires qui font tourner les rouages administratifs de cette pré-fecture. Les plus grands bâtiments, construits entre la fin du XVIII e et le début du XX e siècle, sont la gen-darmerie, la préfecture, le lycée, le plus souvent au sud de la large avenue Villote qui coupe la ville en deux, sé-parant le vieux noyau moyenâgeux des quartiers récents.

Devant un plan de la cité, notre guide nous explique sa situation géographique ; au commencement, vers les X e et XI e siècles, la confluence de l'Ariège et de l'Ar-get, conjuguée au piton rocheux proche, avait l'avantage d'offrir des défenses naturelles pour l'implantation d'une ville. Les gens de cette époque ne s'y sont pas trompés. L'église et son monastère, érigés au plus près du confluent, agrégèrent rapidement les habitations de ce premier établissement : un rempart fermait le côté sud, vulnérable. La ville triangulaire, pour s'agrandir, n'avait d'autre solution que de repousser son rempart vers le sud, ce qu'elle fit par deux fois. Le troisième rempart se situait sur l'alignement des allées de Villote qui naquirent de sa destruction, au XVIII e siècle.

Le château vu par-delà la vieille ville Belle architecture près de la halle aux grains

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Le retour à la halle devant laquelle nous étions des-cendus du bus ouvre une petite fenêtre sur un pan de l'économie de l'Ariège. Cette halle aux grains, cons-truite en 1869 et 1870 dans le style architectural prôné par Baltard, devint le centre de la cité fuxéenne lorsque les remparts furent abattus. Cette belle construction métallique sert de prétexte à Mélanie pour nous expli-quer que l'Ariège était autrefois riche en fer et autres métaux que l'on trouvait dans ses mines : un peu d'in-dustrie dans cette région agricole et montagnarde !

Suivant les pas de notre guide, nous entrons dans la vieille ville dont les rues sinueuses et très étroites sont la plupart du temps à sens unique. Sur la place Parmentier se tenait jadis le marché aux pommes de terre : ni la ville ni sa région n'étaient riches à cette époque. D'ailleurs, nous précise Mélanie, le département a perdu beaucoup d'habitants entre le XIX e siècle et le XX e. Jusqu'au mi-lieu du XIX e siècle, l'Ariège gagnait des habitants : elle en comptait 270 000 en 1846. Depuis, elle n'a cessé d'en

Nous ne traversons pas la rue des grands ducs qui caresse le rocher : juste jetons-nous un œil dans ce pas-sage rendu pittoresque par les pontils qui relient les mai-sons opposées. Une visite plus approfondie d'une des plus belles rues de la ville aurait pu nous être proposée…

La place Pyrène offre une perspective sur le château dont les trois tours émergent des toits de tuiles. C'est l'occasion, pour la guide, de nous résumer l'histoire du comté de Foix depuis sa création jusqu'à sa disparition. Il n'apparaît en tant que tel dans l'Histoire qu'en 1012 lorsqu'il est détaché du comté de Carcassonne. La dy-nastie commencerait avec Bernard-Roger, comte de Foix et du Couserans entre 1012 et 1034. Ce comte en-treprend de fortifier son fief cerné au sud par la Cerda-gne, à l'est par les terres de Mirepoix, à l'ouest par le Comminges et au nord par le puissant comté de Tou-louse. Les Roger se succèdent jusqu'en 1302. La Croi-sade contre les Albigeois met en péril le comté mais le château, solidement construit sur son rocher, résiste aux

agressions. À la fin du XIII e siècle, les comtes de Foix quittent l'Ariège pour s'installer au Béarn, dans les châ-teaux de Pau ou d'Orthez, car cette vicomté est acquise par mariage en 1290. Lorsque viennent les Gaston, ils sont à la fois comtes de Foix et vicomtes du Béarn. Le plus connu de ces comtes Gaston est bien sûr Gaston III Febus qui, naviguant avec finesse entre les royaumes de France et d'Angleterre en lutte pendant cent ans, par-vient à conserver son indépendance. Lorsque Henri III de Navarre devint Henri IV de France, le comté de Foix fut annexé au royaume de France. Ce fut la fin d'une longue indépendance et d'une riche histoire.

Nous voici maintenant devant le portail roman de l'abbatiale Saint-Volusien, l'un des plus anciens monu-ments de Foix. Le portail dont la voussure intérieure est légèrement outrepassée ne présente aucun décor parti-

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perdre pour n'en compter plus que 135 000 en 1982. Au-jourd'hui, la situation s'est un peu redressée : le départe-ment compte plus de 150 000 habitants, cependant pres-que moitié moins que cent cinquante ans plus tôt….

Deux maisons à colombages se dressent aux abords de la place Parmentier dont tout un côté est fermé par la façade arrière de l'hôtel de police, autrefois ancienne préfecture. Mélanie nous raconte que de ces colomba-ges, peu datent du Moyen-Âge… Avant même de péné-trer dans le cœur ancien, on comprend que le manque d'espace a obligé les constructeurs à bâtir vertical. Les maisons hissent leurs quatre ou cinq étages en se ser-rant les unes contre les autres, sorte de lutte vers la lu-mière comme le vivent les arbres des forêts primaires. Ayant enfin atteint la lumière, certaines de ces hautes et étroites maisons s'ouvrent au soleil par une galerie.

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Maisons à colombages, place Parmentier Cariatides en stucRue des grands ducs

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mélange de pierres et de briques, un aspect extérieur hétéroclite compensé par une recherche d'harmonie à l'intérieur. Mais, avec notre guide, nous n'entrons pas dans l'église, ce qui confirme mon impression qu'il n'y a guère à voir à Foix, pas même l'intérieur de l'église. C'est dire…

Pas de clocher, ou plutôt, une tour pas plus haute que la nef, cachée par un grand cèdre et portant les trois cloches qui rythment les heures de Foix. La façade la plus originale que nous montra Mélanie, près de l'église, ornée de colonnades et de cariatides, n'est en fait que du faux, du stuc ; une façade au sens strict que s'offrit, au XIX e siècle, un riche notable fuxéen.

De la place au Beurre, bordée par la rue des Mar-chands, la rue soi-disant la plus commerçante de Foix, on peut observer les galeries qui coiffent les maisons gratte-ciel de la vieille ville. La dernière étape de notre visite urbaine sera la fontaine de l'oie dont on apprend

culier hormis les chapiteaux au-dessus des colonnes. Mais Mélanie ne nous parle pas des chapiteaux. En véri-té, il n'y a rien à voir devant ce portail qui ne possède pas même un tympan ne serait-ce qu'un peu décoré. Après notre périple dans le vieux Foix, je constate qu'il n'y a pas grand-chose non plus à voir dans les ruelles.

Sans aucun doute, il existait une église dès le IX e siècle, construite au plus près du confluent de l'Ariège et de l'Arget, protégée sur un autre côté par le rocher sur lequel on établirait, plus tard, le château. De ce mo-nument, il ne reste rien qu'un souvenir. L'église origi-nelle en pierre aurait été édifiée suite à un vœu fait par Roger II, de retour de croisade. Datée du XII e siècle, elle fut agrandie au XIII e siècle et au début du XIV e lorsque l'abbé récupéra sa part des impôts versés par les corporations fuxéennes, part qui avait été confisquée par les comtes afin de faire les guerres nécessaires au maintien de l'indépendance du comté. La ville devenant riche et plus peuplée, l'agrandissement de l'église s'im-

qu'elle se situe à l'emplacement de l'une des anciennes portes de la ville médiévale. Je reste sur ma faim mais ne m'étonne guère car, une fois encore, il y a peu à voir dans la ville de Foix. Et s'il y a, notre guide ne nous l'a point montré, ce qui m'étonnerait…

Nous disposons d'une demi-heure avant de nous retrouver au restaurant, ce qui permet à chacun de re-voir, s'il le souhaite, un détail du parcours. L'intérieur de l'église est mon objectif principal. J'y découvre donc la nef unique et ses onze chapelles latérales rectangulaires dont l'une contient la statue de Saint Volusien. Je trouve la nef bien éclairée : les vitraux, orientés au sud, malgré leur étroitesse, font généreusement entrer les rayons du soleil. La voûte est en croisées d'ogives. L'intérêt de cette visite se trouve dans les stalles du XVII e siècle, bizarrement disposées sur cinq côtés, sur un îlot sous

posait. De l'édifice roman subsistent le portail et quel-ques détails ignorés.

Les guerres de religions firent bien des dégâts dans le comté de Foix. Les protestants y étaient nombreux et doivent y être encore ; une grande croix huguenote orne l'une des premières façades aperçues en pénétrant sur les allées de Villote, le bâtiment étant dédié à l'Église Réformée de France. L'abbatiale, son cloître et les bâtiments conventuels furent en grande partie dé-truits et incendiés en 1582. Du cloître, il ne reste rien.

La reconstruction ne commença qu'au début du XVII e siècle dans un style gothique. Les nefs latérales disparurent au profit d'une seule et unique nef spa-cieuse bordée de nombreuses chapelles qui font office de contreforts. Le résultat de cet agrandissement est un

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Portail aux arcs outrepassés Chapiteaux du portailDétail d’un chapiteau

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lequel se trouve la crypte du XII e siècle, vide et nue. De par leur situation, les stalles dominent les bancs réservés aux fidèles. Nous sommes ici très loin du chœur de Sainte Cécile d'Albi qui cachait à la plèbe le chapitre des chanoines. Les accoudoirs représentent avec hu-mour de belles sculptures polies par l'usage. Bien calés sous des poitrines généreuses, des êtres stylisés, souvent chèvres, parfois hommes, ont été sculptés par l'artiste. Quelques miséricordes sont particulièrement réussies.

L E S F O R G E S D E P Y R È N E

La deuxième visite de ce séjour nous conduit aux forges de Pyrène, nom générique qui cache un musée des anciens métiers et des reconstitutions de certains d'entre eux, animés par des artisans passionnés. Le bâ-timent du musée est neuf et remarquablement aména-gé. Au-delà d'une place de village reconstituée, plus

de charrette tirée par un chien mais déjà un camion Ci-troën.

Deux entrées possibles pour visiter le musée : celle des métiers agricoles et celles des métiers urbains, tou-tes deux nous plongeant dans ce XIX e siècle si inventif, si industrieux. "En cette époque encore rurale et si féconde, chacun, dans les bourgs ruraux, vit du travail de ses mains. Au-tour de la terre, dans un même cadre de vie, les corps de métiers s'organisent, tributaires les uns des autres. Entre celui qui cul-tive ou fabrique et celui qui commande ou consomme, du pay-san à l'artisan, il y a similitude de pensée. Tout se crée, tout se transforme et se répare… rien ne se perd."

"L'outil : dialogue de l'homme avec la matière."Paul Feller et Fernand Tourret

Quatre des miséricordes de Saint Volusien

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d'une centaine de métiers est proposée au public qui découvre les outils utilisés, les objets fabriqués et, en photographies, les artisans à leurs ateliers, le tout ras-semblé par un seul homme passionné d'objets anciens. Au premier abord, l'ensemble de ce musée est trop vaste pour que nous puissions faire autre chose que de regarder les vitrines en ne nous attardant que sur celles avec lesquelles nous aurions un lien privilégié. L'un des seuls vieux métiers aujourd'hui disparus et dont je garde un souvenir est celui de rémouleur lorsque, au début des années soixante, alors que ma cité était encore un désert sans arbre ni haie ni fleur, à peine sortie de son chantier, j'entendais le rémouleur annoncer en criant son passage dans les rues neuves, pousser son banc et ses meules sur une charrette branlante et aiguiser couteaux et ciseaux de ceux qui sortaient de chez eux. Le laitier qui passait à la porte – il venait de Chemin Long – ne possédait pas

"L'artisanat rural ayant satisfait pendant des siècles 90% des nécessités de la population française, donner à voir ces outils et métiers souvent disparus est l'occasion de retrouver notre généalogie et mémoire collective.."

André Leroi-Gourhan

Ma première vitrine est celle du rémouleur… suivie de celle du distillateur, du colporteur, du rétameur, du vitrier. Je ne savais pas que la planchette que le vitrier portait sur son dos et à laquelle étaient fixées ses petites vitres se nommait "oiseau". Mais je me souviens avoir visité une ancienne forteresse en Transylvanie dont les tours de défense, encore en bon état, s'appelaient tour des étameurs, tour des cordonniers, des forgerons, des tanneurs… car ces corporations étaient responsables de leur entretien. Où l'on comprend l'importance des arti-sans dans le monde d'avant.

À peine avons-nous le temps de découvrir les pre-mières vitrines que déjà nous devons quitter la grande salle d'exposition et traverser les beaux espaces de ce parc original pour nous rendre vers les espaces adaptés ou originaux dans lesquels des artisans animateurs font revivre les métiers in vivo.

Coffre à tiroirs d’un colporteur ambulant

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geron était indispensable, à l'origine d'une chaîne de métiers qui allait des maréchaux-ferrants aux taillan-diers et aux orfèvres. Longtemps, les forges ont fonc-tionné avec du charbon de bois tiré de forêts qui par-taient en fumée par milliers d'hectares par an. Puis vint le charbon de terre et le coke… Avec la dextérité d'un spécialiste, Victor, notre forgeron du jour, entreprend de fabriquer un clou qui pourrait rénover une vieille porte en bois. Reconnaissons que le clou semblait parfait lorsqu'il passa de main en main…

Victor forgeant un clou à l’ancienne méthode Sabots et paroirLa forge à martinet

La caractéristique commune aux quatre animateurs auxquels nous avons eu affaire est leur débit de paroles – ils parlent tous en 78 tours car la durée de leurs expo-sés est comptée – et ils mêlent sans vergogne l'humour à l'information, ce qui embrouille l'esprit de ceux qui écoutent : il faut sans cesse séparer le vrai du faux, l'es-sentiel du futile.

Le cornelier a la tâche facile car plus personne ne sait comment l'on fabriquait, jadis, les peignes en corne. Tout ce qu'il peut dire devient parole d'évangile. Cet ancien rugbyman vendrait un peigne à un chauve… Il explique les vieux peignes en buis puis la façon de tra-vailler la corne – très abondante autrefois – apportée, d'après lui, de la Suisse lointaine par les émigrés protes-tants partis d'Ariège et revenus, riches d'un nouveau savoir-faire : la chauffer pour l'aplatir. Il dit qu'aujour-d'hui, les cornes devenues rares viennent de l'étranger ; il ne travaille pas lui-même mais fait fonctionner un poste de télévision qui nous montre le travail de la corne depuis la belle et grande corne bovine jusqu'au peigne fini, poli, parfait. Puis, tel un bonimenteur, nous fait la démonstration de la qualité de la corne, sa capaci-té à enlever l'électromagnétisme des cheveux qui doi-vent être peignés de leur pointe à leur racine et non le contraire comme l'usage le veut… Avec un tel bagou, le rugbyman du sud-ouest, reconverti dans la corne, n'a aucun mal, con, à attrouper devant lui plus de la moitié du groupe prête à acquérir un peigne magique. Et en plus, il vend du savon dit d'Alep ou de Marseille…

"Les outils sont chargés de l'amour et de la peine des hommes, de leur joie et de leur fierté et c'est sou-vent tout ce qu'il en reste."

J. Bernard

"De l'homme des cavernes à l'homme des cadrans, de l'araire à l'ordinateur, le progrès a gagné du temps et perdu la mesure."

A. Velter et S. Sautereau

"La communauté villageoise reste longtemps un circuit économique fermé, autarcique, n'important que le sel et le fer."

Musée des vieux métiers

Pas le temps de souffler, le forgeron nous attend déjà. Lui aussi parle vite, trop vite. La forge est soi-di-sant reconstituée à l'identique. Chaque village disposait d'une forge (et d'un forgeron) car les travaux agricoles nécessitaient un entretien constant du matériel. Le for-

Qu'est-ce qu'une forge à martinet ? Ni fouet ni oi-seau, a priori. Pour le savoir, il faut attendre d'être dans la forge : les murs accusent plusieurs siècles d'âge – l'animateur assure que cette forge fonctionnait déjà au XV e siècle ! Les machines sont plus récentes que les murs : elles datent du XIX e siècle mais ont servi jus-qu'en 1986, date à laquelle la forge a fermé. De part sa situation au bord du ruisseau, on devine aisément que l'énergie nécessaire pour actionner les poulies, les cour-roies et les pilons était donnée par l'eau. La roue à aubes a disparu, la plupart des arbres aussi. Pourtant, le nou-veau forgeron est fier d'expliquer que son martinet est toujours actionné par la force hydraulique. Face à lui, le spectateur ignorant reconnaît la forge : un feu assez ar-

dent y chauffe une plaque métallique invisible, cachée dans les braises rougeoyantes. Il découvre aussi un mar-teau possiblement actionné par une grande roue au-des-sus de laquelle se trouve une citerne. Il devine que l'eau libérée fera tourner la roue comme le Scios, jadis, ac-

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tionnait les aubes en bois. Mais pourquoi "martinet" ? Sa hâte est grande de savoir… Pour comprendre, il faut imaginer. Imaginer un marteau pilon de très grande taille – appelé mail – directement relié à la roue à aubes disparue. J'ai déjà vu de tels engins qui servait autrefois à presser la pulpe d'olive dans les huileries aragonaises. Il existe, sur la rive du Vero, à Barbastro, un marteau en bois de très grande taille appelé là-bas batán. Alors, le spectateur tente de comprendre que, par rapport à ce marteau géant qu'il ne peut plus voir, celui qui est de-vant lui, qui pèse trois cents kilos, est un petit outil ; d'où son nom de martinet, le petit marteau…

Le forgeron explique la citerne alimentée depuis le ruisseau, l'eau qu'il va faire tomber sur les ailettes de la roue, l'arbre qui va se mettre en branle et dans lequel, à intervalles réguliers de vingt centimètres, des cames ont été fichées, qui vont soulever le martinet à un rythme rapide. Attention aux oreilles, la machine va être mise en route… Ici, on travaille à deux : Victor est venu aider son collègue ; c'est lui qui distribue l'eau et met en route le martinet pendant que notre forgeron s'installe sur un siège suspendu, très mobile, en tenant dans une pince la plaque de fer surchauffée, orangée. Il la place sous la tête du martinet ; l'eau est précipitée sur la roue en une belle cascade ; les oreilles comprennent ce que bruit signifie. À un rythme très rapide, le martinet frappe la plaque rougeoyante ; l'adresse et le savoir-faire du forge-ron transforment cette plaque en un outil agricole ma-gnifique et forgé. FORGÉ. Ce qui signifie que le labeur d'une vie ne parviendra pas à user la houe, la bêche, la pioche ou la binette qu'aura forgée le forgeron. Long-temps, Philippe disserte sur la mauvaise qualité des ou-tils fabriqués en Chine, vendus bleus, incapables de ré-sister plus que quelques années, qui se brisent, s'usent plus vite que le jardinier du dimanche ne l'utilise. Long-temps, finalement, notre forgeron se moque de nous qui allons dans les grands magasins acquérir ce que la tradi-

Le forgeron, le martinet, la roue, l’aide.

tion ne fabrique plus. Qui me dira où travaille le forge-ron le plus proche de chez moi et s'il fabrique encore pioche, binette, bêche ou houe ? Et si oui, à quel prix ?

Les oreilles encore pleines du vacarme du martinet, nous nous rendons chez le sabotier. Ici, pas de temps mort : le sabotier n'attend même pas que tous soient réunis pour commencer sa récitation, mélange de savoir et d'humour, toujours énoncée en 78 tours. Comme les sabots sont en bois, le sabotier travaille le bois. Vert. Jamais sec. Quelles essences ? Jamais les résineux. Il énumère sa collection d'essences : bouleau, hêtre, peu-plier, orme, merisier, tilleul, noyer… Ni chêne, ni acacia, ni châtaignier, ni olivier. Comme il n'a pas le temps de nous faire une démonstration complète, il shunte les étapes et, en quarante-cinq secondes, nous montre un morceau de bouleau, puis une ébauche légèrement tra-vaillée, puis un morceau ayant la forme grossière d'un sabot plein, puis un sabot dont l'intérieur commence à être enlevé puis un sabot presque achevé. À grande vi-tesse, sans se soucier s'il est entendu ou compris, il nomme quelques outils indispensables à la fabrication des sabots : la huchole, petite hache permettant la pre-mière ébauche, le paroir, longue lame fixée à une extré-mité qui permet de donner sa forme au sabot, la tarière pour commencer les trous, la cuiller pour creuser l'inté-rieur, la ruine pour finir le sabot. Tout cela va si vite que j'ai l'impression qu'il ne reste rien de la passion d'un mé-tier, rien du savoir-faire, juste l'illusion laissée par un film trop rapide. Le sabot n'est vraiment terminé qu'une fois la bride posée ainsi que les fers ou les crampons, utilisés pour les sabots d'hiver. Entièrement faites en bois, ces chaussures maintenaient les pieds au chaud si l'on avait pris soin de remplir l'espace entre pied et sa-bot de paille bien tassée. Chaque région se reconnaissait à la forme de ses sabots ; certains n'étaient fabriqués qu'à l'occasion d'un mariage : ils était alors peints et jo-liment décorés.

Les outils du sabotier

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Bien sûr, cette initiative qui veut montrer le travail des temps anciens est bienvenue mais le temps imparti pour initier la population du XXI e siècle à ces arts est trop court. Je trouve cela dommage ; peut-être aurait-il mieux valu ne voir que deux ou trois ateliers pour bien prendre le temps d'observer les gestes comme nous l'avons fait aux forges. Voir en vrai le cornelier chauffer et aplanir la corne ne vaut-il pas mieux qu'à travers un poste de télévision ? Voir le sabotier manier le paroir n'est-il pas plus intéressant que cette accélération du temps à laquelle nous avons assisté ?

Mais qu'importe, en fait. Il me semble que les gens étaient satisfaits. Vrai est que les animateurs étaient sympathiques, qu'ils avaient du bagou et de l'humour et qu'ils savaient distiller leurs connaissances en mainte-nant l'attention de leur public captif. Mais il est temps de retourner au musée pour nous immerger dans les milliers d'outils qui y sont exposés et magnifiquement mis en valeur.

fabriqués avec une grande précision, riches de la maî-trise de l'artisan qui le fabriqua, ce dont aucun objet en plastique ne peut se prévaloir vu que ce sont des machi-nes qui les moulent et les forment ?

Certains métiers ont disparu tel celui de cirier dont les moules en étain et les mèches en lin ne laissent au-cun doute sur les objets fabriqués. Celui de cloutier a aussi disparu. Les scieurs de long ont laissé les troncs à des machines avides de bois frais qu'elles débitent infi-niment plus vite que les passe-partout de ces acrobates en équilibre sur leurs échafaudages. Les tuiliers-brique-tiers se rencontrent encore dans les pays du sud mais ici, au nord, les usines et machines ont pris la relève. Les photographes, avec leurs énormes appareils, savaient-il qu'ils étaient au début d'une ère exceptionnelle et qu'en quelques décennies, tous leurs clients deviendraient photographes ? Leur travail s'est spécialisé et beaucoup d'entre eux sont davantage marchands d'appareils que créateurs d'images. Qui aujourd'hui fabrique des balais,

Rémouleur - Colporteur - Garde champêtre - Rétameur - Vitrier - Charron - Apiculteur - Maré-chal-ferrant - Bourrelier - Sellier - Vétérinaire - Jardinier - Vigneron - Berger - Laitier - Forgeron - Cloutier - Cornelier - Sabotier - Tanneur - Relieur-doreur - Imprimeur - Chau-dronnier - Coutelier - Cirier - Horloger - Vannier - Lapidaire - Sculpteur tourneur - Cou-vreur - Photographe - Bûcheron - Scieur de long - Cordier - Charpentier - Marqueteur - Me-nuisier-ébéniste - Tuilier-briquetier - Ardoisier - Tailleur de pierre - Plombier-zingueur - Gantier - Cordonnier - Fabriquant de fouets - Fabriquant de balais - Chapelier - Fabriquant de bérets - Fabriquant de gourdes - Dentellière - Modiste - Fileuse - Fleuriste - Repasseuse…

Ces temps anciens ne sont-ils donc pas si lointains que l'on se souvienne encore avec une certaine précision de nombre des outils et objets exposés ? Pourquoi ne suis-je pas choqué de ne trouver ici aucun objet en plas-tique alors que nous sommes noyés dans un océan de plastiques ? Est-ce parce que dans les recoins jamais visi-tés des maisons, sur les étals des vide-greniers, ressurgis-sent régulièrement ces outils en bois, en verre, en métal,

des fouets, des cordes ? Sans doute y a-t-il encore quel-ques maîtres dans ces matières mais ils sont si rares que les rencontrer relève du hasard. Certaines vitrines pro-posent des métiers que j'appellerai éternels car l'huma-nité a encore besoin de leurs productions, qu'ils soient couvreurs, imprimeurs, horlogers, apiculteurs, menui-siers… Hier, les villages ne possédaient pas tous leur la-pidaire, leur chapelier, leur gantier… et aujourd'hui en-

Les objets présents dans les maisons au XIX e siècle L’atelier du verrier

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core, ces métiers très spécialisés n'existent qu'en très petite quantité, bien cachés dans leurs officines.

En réalité, cette visite nous montre que notre monde n'a guère changé depuis des siècles, que notre quotidien est assez stable, que nous avons besoin des mêmes objets que nos ascendants, que seules la matière et la manière de les fabriquer ont changé. Et que nous sommes submergés par des quantités invraisemblables d'objets inutiles. Là est sans doute la différence : autre-fois l'inutile n'existait guère, aujourd'hui il pullule… Au-tre grande différence : aujourd'hui, nous jetons, gas-pillons, hier, nos ancêtres conservaient, réparaient, en-tretenaient et fabriquaient pour durer…

De quoi sommes-nous nostalgiques pour nous complaire devant ces très belles vitrines ? Était-ce vrai-ment mieux avant l'ère de l'électricité, du gaz à tous les étages, de l'eau courante, du confort, de l'amélioration de l'hygiène qui nous fit faire des progrès considérables et améliora sans aucun doute nos conditions de vie ? Était-ce vraiment mieux avant l'interdiction du travail des enfants, les vaccinations, la semaine des trente-cinq heures, les congés annuels ? Qu'est-ce qui nous pousse à partir vers les pays du sud, vers les peuples moins "déve-loppés", vers l'illusion d'un passé que nous n'avons guère connu mais qui nous attire irrésistiblement ? De quoi sommes nous nostalgiques ?

Vers 17 h 30, nous quittons le site des forges de Py-rène sans avoir fait le tour complet des activités et lieux proposées aux visites. Ce musée me rappelle celui de Doué-la-Fontaine, visité au début de l'été, consacré aux vieux commerces. La présentation était différente mais l'objectif identique : pérenniser les temps anciens, en-tretenir la nostalgie du temps passé et montrer aux plus jeunes une partie du long chemin parcouru pour attein-dre aujourd'hui.

L'hôtel choisi est trop loin de la ville pour envisager de s'y promener nuitamment, pour espérer apercevoir les trois tours du château illuminées, pour visiter les ruelles de Foix sous les éclairages urbains.

L A R I V I È R E S O U T E R R A I N E

Deuxième jour du voyage. Nous sommes dimanche. Il est huit heures du matin et il fait déjà aussi beau que la veille. Le ciel est aussi bleu à Foix qu'il l'est sur le cir-cuit du Japon où le Français Grosjean a pris la tête de la course dès le départ. Depuis combien de temps un Français n'a-t-il pas mené une course de Formule 1 ?

Petit déjeuner échelonné. Bagages dans les coffres du bus (même pour deux jours, beaucoup emportent une valise…). Nous traversons Foix deux fois avant de trouver la petite route qui conduit à la rivière souter-raine, à quelques kilomètres de la ville. Le site est en pleine forêt. Une des responsables partage le groupe en deux, ceux qui peuvent monter plus de deux cents mar-ches et ceux qui préfèrent les descendre. La rivière a deux entrées, l'une en bas, l'autre en haut et paradoxa-lement, il faut descendre aussi pour atteindre l'entrée supérieure. Avec une moitié du groupe, je choisis de remonter les marches. Un large et beau chemin, carros-sable, nous conduit en quelques lacet vers l'une des en-trées du parcours souterrain. J'ai mis du temps à com-prendre ce que j'allais visiter car très peu d'explications nous ont été données. Ici aussi, le jeune guide s'amuse avec ses touristes et préfère l'humour, les blagues et les paroles inutiles à la pédagogie qui est devenue une gros-sièreté. Nous pénétrons dans la caverne par une entrée auxiliaire, celle de l'un des affluents de la Bouiche qui rencontre sa rivière principale sous terre. Le porche est assez grand, dominé par le massif calcaire, lui-même recouvert de forêts. Des barques nous attendent…

Reconstitution d’une salle de classe Promenade sur la rivière souterraine de la Bouiche

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Salle Raynald

Barrage

Labouiche

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Cascade Salette

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Entrée artificielle

Galerie Mandement

Salle Dunac

Galerie Cremadells

Entrée naturelle

Tout l'intérêt de ce site est la distance sur laquelle il est possible de naviguer : avec 1 500 m de distance ac-cessible, la Bouiche serait la plus longue rivière souter-raine navigable d'Europe. Après que quinze personnes se sont assises sur les bancs de la barque, un jeune guide monte sur la proue et, utilisant le câble fixé au plafond et aux parois, commence à tirer dessus : nous avançons lentement dans un boyau plus vaste qu'imaginé. L'eau n'est guère profonde, très claire, fraîche : 11°, nous dit-on. L'air, quant à lui, est à 13°, été comme hiver.

La première partie de l'excursion nous fait descen-dre le Fajal, l'affluent qui retrouve la Bouiche sous la montagne. Tout en tirant sur le câble, le jeune guide es-piègle et sympathique nous raconte en quelques phrases l'histoire de ce site découvert au début du XX e siècle et exploré au cours des deux décennies suivantes. Les spé-léologues remontèrent 3 800 m de réseau actif jusqu'à ce qu'ils butèrent sur un siphon infranchissable. De ce fait, on ignore encore la réelle grandeur de ce système karstique. Tous ceux qui participèrent à cette explora-tion ont laissé leurs noms aux salles ou galeries rencon-trées : Mandement, Cremadells, Raynald, Salette… aux-

se pencher ou s'incliner pour leur échapper mais les évite avec aisance car il connaît le parcours par cœur. En atteignant le confluent du Fajal et de la Bouiche, nous remontons le courant du cours d'eau principal.

La surprise est de devoir poser pied à terre pour franchir une dénivellation. Des barrages assurent la pro-fondeur des biefs et maintiennent probablement une lame d'eau suffisante pour le passage des barques, même lors des étiages. Nous descendons donc de la barque, montons quelques marches pour atteindre la nouvelle plateforme d'embarquement. Ce deuxième tronçon possède davantage de concrétions mais elles sont noir-cies par la boue déposée lors des crues. Nous y croisons la première barque partie de l'autre extrémité de la gale-rie. Bientôt nous devons débarquer à un second barrage. Une passerelle fichée dans la paroi nous permet d'accé-der au bief suivant sur lequel nous attendons une autre barque.

Cette partie de la galerie est la plus belle : colonnes, stalactites et stalagmites en ornent les parois mais l'in-térêt se trouve sans doute dans le miroir de faille qui

quels il faut ajouter Norbert Casteret. Prenant con-science de l'intérêt touristique d'un tel site, la rivière est aménagée dès 1932 : dynamitage des siphons pour assu-rer la continuité du parcours, construction de barrages pour maintenir un niveau suffisant pour le tirant des embarcations, électrification, pose d'un câble pour le halage des barques, construction de plateformes d'em-barquement… La rivière souterraine est ouverte au pu-blic en 1938.

Dans cette première partie, la galerie ne présente guère de concrétions intéressantes : l'originalité est de se promener en barque à soixante mètres sous la roche. On devine par-ci par-là les traces de la variation du ni-veau de l'eau, sensible aux précipitations mais avec un certain retard, nous dit notre guide qui tire sur le câble, avertit ses passagers des reliefs de la galerie, les incite à

Fajal

Carte de la partie visitable de la rivière la Bouiche

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glisse au-dessus de nos têtes. Notre jeune guide expli-que, et je le crois, que les eaux d'infiltration ont profité de la faiblesse de la roche pour la traverser et la dissou-dre. Je suppose que la rivière suit cette faille sur sa tota-lité mais c'est ici qu'elle est la plus visible. Nous croi-sons la seconde barque partie de l'autre extrémité de la galerie et bientôt, dépassons la plateforme de débar-quement. Ce bief conduit à la cascade de Salette, termi-nus du réseau ouvert au tourisme. C'est incontestable-ment la partie de la visite la plus intéressante. Au retour, le guide nous montre de très jeunes euproctes immobi-les au fond de l'eau transparente. L'escalier de sortie commence près de la salle Raynald, superbement déco-rée par les concrétions en calcite. De nombreuses fistu-leuses pendent des divers plafonds, près des colonnes, drapés, stalagmites, stalactites et gours.

Quatre vues de la rivière souterraine

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Passerelle

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Cette étonnante balade souterraine m'a rappelé celle que je fis il y a quelques années, de l'autre côté du monde : là-bas1 existe une grotte au fond de laquelle coule une rivière que l'on descend en barque. L'intérêt de la visite n'est ni le décor minéral ni la rivière assez calme mais le plafond extraordinaire : ce voyage sous terre est en réalité illuminé par un ciel inimaginable, une voie lactée vivante constituée de milliers d'étoiles bleutées, phosphorescentes, créées par de minuscules vers luisants pendus au plafond de la grotte et fabri-quant des fils gluants auxquels se collent les insectes dont ils se nourrissent. Un spectacle fort rare…

Peu avant midi et demie, nous sommes de retour à la halle aux grains. Le restaurant choisi est au bord de l'Ariège, près du vieux pont, sur l'une des plus anciennes places de Foix. On nous y sert une blanquette de veau.

L E C H Â T E AU D E F O I X

Dernière étape de ce court séjour ariégeois : la visite du château. Si j'ai dit plus haut qu'il n'y avait guère à voir à Foix, c'était bien entendu sans son château, per-ché sur le rocher qui ferme la ville à l'ouest. Les trois tours altières dominent la cité : les observer émergeant d'un brouillard doit être saisissant. Cet après-midi, un soleil automnal, presque estival, chauffe les lacets qui montent à la forteresse ; nous n'allons pas nous plaindre qu'il fasse très beau… Devant cette montée assez brève donc assez rude, un quart du groupe préfère attendre en bas. On nous dira plus tard que ce beau chemin, large, empierré de petits galets posés verticalement, a été réa-lisé par les prisonniers au temps où la forteresse servait de prison.

Une fois franchi le castelet d'entrée, nous pouvons découvrir les remparts, fortifications et murs d'enceinte qui protégeaient le château, soi-disant jamais pris. En-core quelques minutes d'effort pour découvrir les toits de tuiles de la vieille ville ; on comprend alors mieux ce que nous expliquait, la veille, notre guide Mélanie lors-qu'elle nous parlait des deux rivières formant remparts naturels et de l'abbatiale construite à proximité du con-fluent. Nous comprenons mieux ce qu'elle voulait dire en insistant sur l'impossibilité de Foix de s'agrandir ailleurs que par le sud. Seul un œil averti pourrait re-trouver, dans le dédale des ruelles étroites, celles qui longeaient les remparts moyenâgeux, successivement construits, successivement détruits. Les allées de Villote, tel un coup de sabre, coupe la ville en deux, sé-parant l'ancienne cité de la nouvelle ville : on aperçoit la couverture métallique de la halle aux grains. Ce pano-rama sur les toits de Foix mérite à lui seul l'effort de la montée au château, enjolivé cet après-midi par sa large ouverture sur les sommets pyrénéens enneigés.

À la question "Qu'y a-t-il à voir au château de Foix ?" j'aurais tendance à dire "Pas grand-chose, presque rien." Ce serait bien sûr exagéré car l'architecture de ses trois tours qui ont franchi les siècles sans dommage est un témoin parfait de l'architecture militaire du Moyen-Âge. Ce serait exagéré car, comme je viens de l'écrire plus haut, le panorama, à lui seul, mérite la montée. Mais à part les pierres et le paysage ? La réponse se cache dans les paroles du guide et sur les panneaux exposés dans la salle des gardes, anciens magasins et silos du château : l'histoire du comté et de ses comtes. C'est dans cet uni-vers virtuel qu'il faut s'immerger pour profiter de la vi-site. N'espérer aucun meuble (hormis un lit rapporté d'ailleurs et considéré comme celui d'Henri IV). N'es-pérer aucun décor, aucun tableau, aucun plafond orné, aucun aménagement mobilier hormis une très ancienne porte que nous franchissons sans attention et une col-lection d'armes anciennes, sous vitrines.

Note n° 1 : Il s'agit de la grotte de Waitomo, dans l'île du nord de la Nouvelle-Zélande.

La vieille ville de Foix depuis les courtines du château

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Abbatiale Saint-Volusien Allées de VilloteBouclier, poignée d’épée, hallebarde et détail de la gravure sur la hallebarde

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les bancs, près des baies, des zones éclairées, les latrines, un minimum de confort… Les niveaux étaient desservis par un escalier à colimaçon particulièrement défensif. C'est ce comte Roger-Bernard III qui signa en 1278 l'ac-cord créant la coseigneurie andorrane qu'il dirigea avec l'évêque d'Urgell. C'est également grâce à son mariage avec Marguerite de Béarn que le comté de Foix hérita de la vicomté de Béarn. Le centre nerveux des Pyrénées se déplaça alors vers l'ouest, les seigneurs préférant Pau ou Orthez à Foix. Gaston Febus fut l'un des ces souve-rains qui profita au mieux du château d'Orthez ; il y écrivit son célèbre livre sur la chasse.

Sorti presque indemne de la guerre de Cent Ans au cours de laquelle les comtes de Foix gardèrent une cer-taine neutralité, le château reçu une troisième tour, dite tour ronde, érigée au XV e siècle, destinée à la résidence des seigneurs. Son caractère circulaire lui permettait de mieux résister aux nouvelles armes de guerre. Nous y remarquons les pièces hexagonales que l'on pouvait plus facilement meubler que des rondes.

Le dernier des comtes de Foix, Henri III roi de Na-varre, devint roi de France sous le nom d'Henri IV. De ce fait, le comté de Foix fut rattaché au royaume de France. Presque abandonné, le château perdit son carac-tère militaire au XVI e siècle puis fut transformé en pri-son jusqu'en 1864.

Nous visitons deux des tours du château, escaladant les escaliers à colimaçon pour atteindre les terrasses d'où le regard plonge sur la forteresse, sur la ville et sur les collines environnantes.

Avant 17 h, tout le groupe se retrouve sur les allées de Villote où le bus attend. Il est temps de revenir à Pessac. Les quatre étapes de ce voyage, très variées, méritaient vraiment le déplacement, agrémenté d'un grand soleil.

Jean-Pierre Lazarus

À ses heures de gloire, le comté de Foix était l'un des plus puissants États du sud de la France, si l'on peut par-ler ainsi, vu que la France en tant que telle n'existait pas encore. Malgré son importance, je ne connais rien à l'his-toire du comté et ignorais même qu'il fut lié au Béarn. J'es-saie donc de suivre avec attention les explications du guide.

L'origine du comté remonte aux alentours de l'an mil lorsque se produisit la scission du comté de Carcas-sonne. Bernard, fils cadet de Roger I er Trencavel dit Le Vieux, comte de Carcassonne, hérite du fief de Foix ; il règne dès 1012 et jusque vers 1030. Dès cette époque, il existait un château à Foix, à une seule tour carrée ; cette tour de l'Arget est la plus ancienne des trois tours et daterait des XI e et XII e siècles. Construite suivant une architecture défensive, elle comprenait à son pied le magasin voûté dans lequel les vivres étaient entreposés sans qu'ils ne risquent d'incendies. Cette tour n'était accessible que par son premier étage. Elle fut coiffée, bien plus tard, d'un toit.

Les successeurs de Bernard s'assurent d'un territoire autour de Foix, essentiellement vers le sud, et y imposent leur autorité. Allié au comte de Toulouse, Roger II – 1071 - 1126 d'après les panneaux du château – décida de parti-ciper à la première croisade mais il semble qu'il ne se croisa pas, encourant l'excommunication pour ce parjure. Au XII e siècle, le comté de Foix prit la défense des Ca-thares, s'opposant ainsi à l'autorité royale. Cependant, les comtes récupérèrent les seigneuries des condamnés, s'agrandissant d'autant. Le château comprenait alors deux tours quadrangulaires reliées par un corps de logis.

Au XIII e siècle, Roger-Bernard – 1265 - 1302 – en-treprit de consolider les défenses du château et de la ville. La tour du milieu devient la tour maîtresse, rési-dence comtale de la famille. Les deux niveaux habitables étaient voûtés : nous les avons visités. Dans l'épaisseur des murs, les cheminées offraient un maigre chauffage,

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La tour centrale dite tour carrée La tour ronde dominant Foix

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Les armoiries des comtes de Foix,écartelée par les blasons de Foix et du Béarn,

visibles dans les appartements d ela tour ronde