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DOSSIER N°66 - NOVEMBRE 2013 Gestion de trésorerie Les difcultés de trésorerie restent au top de l'agenda des départements nanciers. Suite à l’avalanche réglementaire et au durcissement de l’accès au crédit, le trésorier est en première ligne et voit sa fonction évoluer: il doit aller à la rencontre des différents partenaires de son entreprise, tout en représentant son image. L'assurance-crédit est, à ce titre, un outil encore sous- utilisé. Focus dans notre dossier. 02 « Le marché de l’assurance-crédit se comporte comme une vieille dame » « L’assurance-crédit permet pourtant une meilleure gestion et une information plus ciblée. Il y a tout un changement de mentalité à opérer.», plaide Rudy Aernoudt (Université de Gand). 04 « L’assurance-crédit est une formidable machine à recycler » Les assureurs crédits ont tiré les leçons de la crise financière: ils ont adapté leur offre aux besoins des PME et inventé de nouveaux produits. Tour des principaux acteurs. 08 « Un trésorier doit toujours être au front » Le trésorier doit sortir de sa bulle, encourage Olivier Brissaud (ATEB). Il nous livre sa vision du métier, que nous avons assortie de deux cas d'entreprises: Luxair et UCB. 12 « Un indépendant doit être bon en tout » Pour détecter les signaux avant-coureurs à temps, le recours aux tableaux de bord est plus que conseillé. Le comptable peut aussi jouer un rôle central dans la vie de l’entreprise. >

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Gestion de trésorerie

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DOSSIERN°66 - NOVEMBRE 2013

Gestion de trésorerieLes diffi cultés de trésorerie restent au top de l'agenda des départements fi nanciers. Suite à l’avalanche réglementaire et au durcissement de l’accès au crédit, le trésorier est en première ligne et voit sa fonction évoluer: il doit aller à la rencontre des différents partenaires de son entreprise, tout en représentant son image. L'assurance-crédit est, à ce titre, un outil encore sous-utilisé. Focus dans notre dossier.

02 « Le marché de l’assurance-crédit se comporte comme une vieille dame » « L’assurance-crédit permet pourtant une meilleure gestion et une information plus ciblée. Il y a tout un changement de mentalité à opérer.», plaide Rudy Aernoudt (Université de Gand).

04 « L’assurance-crédit est une formidable machine à recycler »Les assureurs crédits ont tiré les leçons de la crise fi nancière: ils ont adapté leur offre aux besoins des PME et inventé de nouveaux produits. Tour des principaux acteurs.

08 « Un trésorier doit toujours être au front »Le trésorier doit sortir de sa bulle, encourage Olivier Brissaud (ATEB). Il nous livre sa vision du métier, que nous avons assortie de deux cas d'entreprises: Luxair et UCB.

12 « Un indépendant doit être bon en tout »Pour détecter les signaux avant-coureurs à temps, le recours aux tableaux de bord est plus que conseillé. Le comptable peut aussi jouer un rôle central dans la vie de l’entreprise.

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Le marché de l’assurance-crédit se comporte comme une vieille dame

O n estime que la gestion du poste clients repré-

sente en moyenne 30% à 40% de la valeur

d’une entreprise. Pour compenser la perte d’une

créance, il est nécessaire de réaliser un chiffre

d’affaires supplémentaire de 10 à 100 fois plus important que

le montant de l’impayé. L’assurance-crédit se veut un outil de

gestion du risque commercial, elle garantit le suivi des créances

des entreprises assurées à l’égard de leurs clients belges ou

étrangers. De cette manière, elle contribue à assainir et à garan-

tir la situation d’une entreprise, son cash-fl ow, son compte de

résultat et ses besoins de fonds de roulement. D’après le CEPS,

Centre for European Policy Studies, l’assurance-crédit couvrirait

environ 15% du PIB belge, ce qui est considéré comme un mar-

ché mature. Membre du think tank Credit Management, co-au-

teur d’un code de conduite paru en juin 2011 et Professeur de

corporate fi nance à l’Université de Gand, Rudy Aernoudt répond

à nos questions.

Dans quel contexte est né le code de conduite?

Rudy Aernoudt: « L’idée du code de conduite était de réfl échir

ensemble, avec des CFOs et des assureurs crédits, sur l’évo-

lution du secteur. Nous voulions avoir une vue hélicoptère

du marché et des pratiques. C’était très riche comme expé-

rience. La Belgique a été pionnière dans ce domaine puisqu’à

ma connaissance, il n’y a pas encore d’équivalents ailleurs.

La volonté n’était pas de produire de nouvelles régulations,

mais bien d’écrire un gentlemen’s agreement en fédérant

DOSSIER

TEXTE : FLORENCE THIBAUT

Alors que la crise se prolonge et que les entreprises rament pour maintenir leur niveau de liquidités à fl ot, l’assurance-crédit a une carte à jouer pour doper l’économie. D’après Graydon, le nombre de faillites a augmenté de 10% en 2012 comparé à 2011. Les défauts de paiement seraient à l’origine de 25% d’entre elles. Paradoxalement, l’assurance-crédit peine encore à s’imposer dans les mœurs. Encore perçue comme chère ou trop compliquée, elle a du mal à convaincre les petites structures de son potentiel économique.

« Le futur du secteur réside dans l’information et le conseil

en amont. »

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les énergies. L’ouverture et la confi ance qui régnaient m’ont

positivement impressionné. A partir de l’année prochaine, le

CEFIC, un acteur neutre, réalisera un rapport de suivi sur cha-

cun des membres, ainsi que sur l’ensemble du secteur, ce qui

permettra davantage de transparence. Le but est d’instaurer

une surveillance mutuelle. A la base uniquement conçu à

cette fi n, le think tank a choisi de rester actif. Ses membres

de rencontrent quatre fois par an autour de problématiques

communes. »

L’assurance-crédit est-elle une option bien connue des entre-

prises belges? Comment peut-on expliquer que peu de socié-

té y ont recours?

Rudy Aernoudt: « On assure sa voiture et ses bureaux, mais

pas ses crédits. C’est paradoxal, surtout en sachant que les

créances représentent parfois la moitié du bilan d’une entre-

prise. Les impayés atteignent environ 2,9% en Belgique, ce qui

représente des milliards chaque année. Pour les récupérer,

il faut, sans cesse, augmenter son chiffre d’affaires. On sait

aussi que beaucoup d’entreprises belges n’exportent pas par

peur de ne pas être payées, c’est un énorme frein. Les PME,

en particulier, ont peur d’entreprendre. L’assurance-crédit a

un vrai rôle à jouer dans ce domaine. Malheureusement, le

secteur souffre d’une mauvaise image. Ce type d’assurances

est encore souvent perçu comme une obligation supplémen-

taire du banquier. Le terme même est mal choisi, ce n’est ni

une assurance classique, ni un crédit, qui de plus sont deux

mots à connotation négative. Le concept n’illustre que l’as-

pect répressif du métier. L’assurance-crédit permet pourtant

une meilleure gestion et une information plus ciblée. Il y a

tout un changement de mentalité à opérer. Nous avons be-

soin d’une révolution copernicienne! Des initiatives comme le

think tank ou le code de conduite veulent apporter leur pierre

à l’édifi ce et contribuer à diversifi er le secteur. Le potentiel de

croissance est énorme. »

En quoi le secteur est-il un marché fermé?

Rudy Aernoudt: « L’assurance-crédit est un grand marché,

mais qui accueille peu d’acteurs. Il est fermé de par la na-

ture de ses activités. 80% du marché sont détenus par trois

grands acteurs: Coface, Atradius et Euler Hermes. Leur plus-

value réside dans leurs données historiques. Il s’agit bien

d’un oligopole. Le danger serait de parvenir à une situation

de monopole en cas d’entente sur les prix, ou à l’inverse, à du

dumping sur les tarifs qui conduirait à une baisse de qualité.

La seule piste envisageable était à mes yeux de se fédérer au-

tour d’un code de conduite commun. Il faut impérativement

diversifi er le marché par les produits, non pas uniquement en

jouant sur les prix. En faisant croitre le marché, par exemple,

jusqu’à 30% du PIB comme aux Pays Bas, cela augmenterait

la concurrence et permettrait la création d’emplois. C’est un

scénario win-win qui bénéfi cierait aux entreprises, aux inter-

médiaires et courtiers, aux assureurs et à l’économie dans son

ensemble. C’est un marché traditionnel et qui se comporte

encore comme une veille dame, il faut le dynamiser. Ce n’est

pas parce qu’il y a peu de concurrents, qu’il ne faut pas se

réinventer. »

Quel a été l’impact de la crise sur le secteur?

Rudy Aernoudt: « La crise fi nancière n’a certainement pas

aidé à redorer le blason de l’assurance crédit. Les assureurs,

au sens large, ne peuvent pas seulement être là pour éteindre

l’incendie quand tout va mal. En 2008, certains ont supprimé

des lignes du jour au lendemain et mis leurs clients devant le

fait accompli. Avoir un partenaire qui s’enfuit à la première

diffi culté est désastreux, c’est ce qui s’est parfois passé parmi

les assureurs crédits. Certains clients ont été dégoutés du sec-

teur. Les prix ne sont pas forcément perçus comme prohibitifs.

De nombreuses sociétés seraient prêtes à payer davantage en

continu pour être sûres d’être soutenues lors des moments

plus diffi ciles. Les assureurs crédit doivent à présent restau-

rer la confi ance et réfl échir dans une optique de partenariat à

long terme. Ils ont un rôle de conseil à jouer. L’assurance cré-

dit devrait, pour moi, devenir un service connexe à d’autres

business models. Il y a énormément de valeur à tirer de toute

cette masse d’informations. Le futur du secteur réside dans

l’information et le conseil en amont. »

Rudy Aernoudt: « La crise fi nancière n’a certainement pas aidé à redorer le blason de l’assurance crédit. Avoir un par-tenaire qui s’enfuit à la première diffi culté est désastreux, c’est ce qui s’est parfois passé parmi les assureurs crédits. »

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L’assurance-crédit est une formidable machine à recycler

S i la plupart des clients sont satisfaits des services

fournis par leur assureur crédit, le plus diffi cile est

d’attirer les néophytes. La confi ance, mise à mal

pendant la crise, reste le plus grand défi à adres-

ser. Le code de déontologie de 2011 prévoit ainsi, parmi ses prin-

cipes fondateurs, une meilleure information aux clients, tant sur

leur politique que sur la solvabilité de leurs clients, ainsi que des

délais plus importants lors de la restriction ou suppression de

limites de crédit.

Amenés à se rencontrer régulièrement lors de conférences

ou au sein d’Assuralia, Francis Jespers, CEO d’Euler Hermes

Belgique, Christophe Cherry, Country Director chez Atradius

Belgique et Luxembourg et Guillermo Rodriguez, Country

Manager chez Coface, croisent le fer. Ils se sont notamment

mis d’accord sur un certifi cat de sinistralité reprenant tout

l’historique d’un client et que chaque assuré détiendrait. La

philosophie sous-jacente est à la fois d’améliorer la transpa-

rence, mais aussi de s’assurer que les mauvais risques soient

traités de la bonne façon.

TRANSFORMER L’ESSAIAu total 4.400 entreprises sont clientes d’assurances-crédits.

Sur les 28.000 sociétés qui pourraient potentiellement être

intéressées, le taux de pénétration pourrait encore progres-

ser. « Il y a encore un trop grand pourcentage de sociétés qui

font le choix de ne pas s’assurer, même si depuis trois ans, toute

une série de nouveaux produits existent, y compris destinés

aux petits acteurs. Beaucoup d’entrepreneurs veulent tout faire

eux-mêmes. Ils considèrent qu’ils connaissent suffi samment

leurs clients », constate Francis Jespers.

Si le recours à l’assurance-crédit est encore peu répandu, pour

Christophe Cherry, la réponse est sans doute à chercher du

côté des assureurs. « Il faut pouvoir se regarder dans la glace.

Ce sont les assureurs qui n’ont pas réussi à convaincre. Nos

premiers concurrents sont ceux qui ne s’assurent pas. Nous

ne réussissons pas encore à trouver une ritournelle qui per-

mette une acquisition spectaculaire de nouveaux clients. Nous

convainquons généralement ceux qui nous connaissent déjà.

L’image du parapluie ouvert quand il fait beau et fermé quand

DOSSIER

TEXTE : FLORENCE THIBAUT

Méconnu, le rôle de l’assurance-crédit est pourtant central dans notre économie. Peu nombreux sur un marché à haut potentiel, les assureurs crédits ont tiré les leçons de la crise fi nancière. Pour dynamiser leur secteur et convaincre de nouveaux adeptes, ils ont adapté leur offre aux besoins des PME, autrefois oubliées des portfolios, et inventé de nouveaux produits. Tour d’horizon en compagnie des trois acteurs du secteur.

« Ce sont les assureurs qui n’ont pas réussi à convaincre: nos premiers concurrents sont ceux qui ne s’assurent pas ».

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il pleut colle encore au monde de l’assurance au sens large. Je

pense que c’est aussi lié au fait que l’assurance-crédit reste un

produit relativement complexe », commente-t-il.

Pour Guillermo Rodriguez, l’appellation « assurance-crédit »

ne rend pas justice au secteur. « Le terme n’illustre pas vrai-

ment nos services aux entreprises, estime-t-il. Une assurance

intervient classiquement après une catastrophe. Or, une grande

partie de notre travail se fait en amont. Notre rôle est d’aider

les sociétés à vendre mieux et de manière plus sécurisée. »

AUTO-ASSURANCELe secteur reste pénalisé par la mauvaise image de l’assurance

et une méconnaissance de son rôle dans l’économie. Et Chris-

tophe Cherry de poursuivre: « Une assurance est généralement

vu comme un coût, non pas comme un investissement. On

n’achète pas une assurance crédit comme une assurance incen-

die. Tout le volet information et le recouvrement font qu’on ne se

limite pas à l’indemnisation. De plus, elle n’est pas obligatoire. »

« L’assurance crédit apporte une vraie plus-value, pas toujours

bien comprise, le rejoint Guillermo Rodriguez. En améliorant

sa gestion du crédit, une entreprise va améliorer sa solvabilité

et son rating, et donc son accès au fi nancement. C’est un cercle

vertueux qui rassure les banques. En général, les grandes entre-

prises nous connaissent. Le plus gros du travail doit être fait du

côté des PME. De plus en plus de marchés porteurs sont loin,

il faut trouver la croissance ailleurs. Les sociétés ne peuvent

pas y aller à l’aveugle, elles ont besoin d’être accompagnées

localement. Avec un réseau international, les assureurs crédit

peuvent les y aider. »

Plusieurs clichés demeurent, qu’il s’agisse de tarifs prohibitifs,

de charge administrative ou de complexité technique. « Croire

que les produits sont couteux et trop compliqués ne refl ète plus

la réalité. C’était peut être le cas il y a 15 ans. C’est une fausse

excuse. Dans le cas de couvertures à l’aveugle, les formalités

sont très réduites », souligne Francis Jespers. En général, les

prix tournent entre 0,2 et 0,5% du chiffre d’affaires. Le niveau

de perte moyen évolue, quant à lui, autour de 2 et 3%.

« Les prix sont pourtant à la baisse, insiste Christophe Cherry.

On veut tous croître. Or, on tourne en rond et on pêche tous dans

le même étang. Le climat économique n’est pas extraordinaire.

Nos tarifs sont anormalement bas en ce moment, c’est une op-

portunité pour les entreprises. Ce qu’on reçoit comme impayés

chaque année est beaucoup plus important que notre chiffre

d’affaires. Les impayés sont transformés en indemnisation, c’est

l’élément vertueux de l’assurance-crédit. C’est une formidable

machine à recycler. Les créances représentent parfois la moitié

du bilan d’une entreprise! Je suis toujours étonné du manque de

connaissances des entrepreneurs en la matière. »

REMISE EN QUESTIONAssez plat pendant de longues années, le marché de l’assu-

rance-crédit a été bousculé pendant la crise. « Dans une indus-

trie qu’on croyait assez stable avec des cycles plutôt longs, elle

est venue secouer le cocotier et challenger nos certitudes. Cette

brutalité a mis tous nos business models en question, explique

Christophe Cherry, également membre du comité de direction

chez Assuralia. Le principal souci depuis 2008 a été de retrouver

une certaine stabilité. La durée de vie moyenne de nos clients est

de dix ans, ce qui est remarquable pour de l’assurance. Nous ne

voulons surtout pas que cela diminue. » « Le plus diffi cile est la

portée d’entrée. Une fois acquis, nos clients sont très loyaux. La

crise a permis une saine réfl exion sur les comportements des dif-

férents acteurs », approuve Francis Jespers.

« Depuis 2008, le secteur a connu une certaine pression sur

les prix, révèle Guillermo Rodriguez. Certains clients ne par-

viennent pas à faire le pas ou font un pas en arrière car ils ne

souhaitent plus payer les primes. Les périodes entre les crises

étant de plus en plus courtes, à nous assureurs d’être plus réac-

tifs et de nous adapter aux changements. Des diffi cultés écono-

miques, il y en aura toujours. »

PLUS DE TRANSPARENCEDepuis la faillite de Lehman Brothers, les assureurs crédit

ont balayé devant leur porte et se sont débarrés des risques

toxiques. « Tout un travail d’assainissement a été effectué. Le

premier volet a été de réduire les risques dangereux, poursuit

Christophe Cherry. Le deuxième a été d’ajuster les primes de

risques à la réalité. Il fallait aussi dépoussiérer notre image. Cette

remise en question a créé quelques dégâts au niveau commer-

cial. Réduire des expositions et augmenter les primes est rare-

ment une bonne nouvelle pour les clients. Nous nous sommes

efforcés d’augmenter leur satisfaction, notamment en leur don-

nant davantage d’explications quant à nos décisions. Je peux

dire que nos efforts ont payé, même si nous pouvons encore nous

améliorer, notamment dans la proactivité de nos contacts. »

Chaque décision s’accompagne à présent de davantage

d’explications. Nos trois acteurs ont œuvré à améliorer leur

portrail web et l’information accessible en ligne. « Les

Francis Jespers: « Il y a encore un trop grand pourcentage de sociétés qui font le choix de ne pas s’assurer, même si depuis trois ans, toute une série de nouveaux produits existent, y compris destinés aux petits acteurs. »

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nouvelles technologies nous permettent de gérer les polices

de manière plus dynamique, confi e Guillermo Rodriguez. Des

plateformes sophistiquées nous permettent d’être en contact

permanent avec nos clients afi n de leur faciliter la tâche. Ces

derniers peuvent à présent voir évoluer leur portfolio et leurs

scores en temps réel. On leur communique des informations

susceptibles de les intéresser. A l’avenir, je suis convaincu qu’il

y aura encore davantage d’interconnections avec leurs outils

comptables. Nos propres systèmes viendront s’intégrer dans

leur chaîne de valeur. Un système d’alertes pourrait changer

nos rapports. »

« Aujourd’hui, on ne peut plus de contenter de prendre une

décision crédit unilatéralement. Il faut l’expliquer et en justi-

fi er les raisons, confi rme Christophe Cherry. Avant la crise, les

clients étaient sans doute moins demandeurs de feedbacks.

Ils ont à présent accès à toute une série d’outils et d’analyses

détaillées en ligne, ce qui n’était pas le cas avant. Nous avons

voulu ouvrir l’arrière boutique. Nos clients peuvent télécharger

les informations dont ils ont besoin n’importe quand, ce qui

change un peu notre métier. Nous sommes devenus un presta-

taire de services 24/7. »

Un exercice comme le code de conduite a également per-

mis davantage de visibilité sur les pratiques. « Nous sommes

concurrents, mais nous partageons des inquiétudes transver-

sales, notamment législatives. Travailler ensemble permet de

gagner du temps. Un code de conduite fi xe noir sur blanc des

principes éthiques, c’est toujours bénéfi que, quel que soit le sec-

teur », partage Guillermo Rodriguez. Un autre avantage du code

est de placer la discussion de l’assurance crédit non pas dans le

bureau du comptable, mais dans celui du directeur général. Le

choix d’assurer ou non ses créances doit être stratégique. »

DÉMARCHE PROACTIVELes assureurs crédit ont également œuvré à moderniser leur

approche du risque, comme leur portefeuille de produits. Ils

ont tous proposé une couverture complémentaire, à la carte,

là où la couverture de base ne suffi t pas. « Si on ne se réin-

vente pas, c’est la mort de l’assurance-crédit, affi rme Guillermo

Rodriguez. Nous sommes peut être trois joueurs historiques en

Belgique, mais dans les autres pays, nous avons chaque fois un

autre challenger local. Chacun a sa place. Le marché nous pousse

à être innovant. Nous avons notamment proposé, Top liner, une

sorte de complément d’assurance, qui va au-delà de la limite pré-

vue initialement. Au lieu de couper la ligne car le risque ne nous

paraît pas entièrement sain, on propose cette option à un taux

différent. Il y avait une demande forte du marché en ce sens.

Réussir à segmenter son offre pour réussir à adresser différents

types de besoins est aussi un des points clés pour l’avenir. »

Le rôle d’assureur crédit s’accompagne aussi de tout un volet

pédagogique à assurer pour bien expliquer leurs activités.

« Généralement, quand on l’explique bien, un refus est bien

compris par nos clients, défend Christophe Cherry. Le pro-

blème est souvent la brutalité et la rapidité de l’information.

Pour toute décision, nous avertissons désormais nos assurés un

mois à l’avance. Ils bénéfi cient de quatre semaines de « grâce »

qui lui permet de se retourner ou de contre argumenter. Cette

période de confort est très importante. Elle ouvre un espace de

discussion qui contribue à améliorer notre image. »

PARTENARIAT WIN-WINLes courtiers, véritables ambassadeurs des assureurs, effec-

tuent une grande partie des ventes. Pas toujours satisfaits non

plus de la manière dont ils ont été traités pendant la crise, ils

souhaitent souvent une relation de partenariat plus étroite.

« Les courtiers représentent 75% de notre chiffre d’affaires, par-

tage Guillermo Rodriguez. Ce sont des vrais partenaires. Ce sont

nos yeux et nos oreilles sur le marché. Ils sont en contact direct

avec nos clients. Nous sommes donc fréquemment en contact.

On attend de leur part une bonne connaissance des produits,

ainsi qu’une certaine neutralité dans la présentation des offres.

Ils doivent bien connaître le secteur pour être à même d’en dé-

mocratiser les enjeux. Leur rôle ne s’achève pas quand le contrat

est signé. Ils ont tout un travail de suivi à effectuer. »

De son côté, Atradius a mis en place une cellule « close to bro-

ker » composée d’analystes crédits et fi nanciers, afi n d’appor-

ter des réponses à valeur ajoutée aux courtiers. « Ils se sont

Christophe Cherry: « Un des défi s est de faire passer l’as-surance-crédit comme un outil d’aide à la gestion et à la croissance. Les créances représentent parfois la moitié du bilan d’une entreprise! Je suis toujours étonné du manque de connaissances des entrepreneurs en la matière. »

« Le futur du secteur réside dans l’information et le conseil

en amont. »

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parfois plaints d’être considérés comme des clients, mentionne

Christophe Cherry. Ils ont pourtant un rôle essentiel à jouer.

On ressentait une envie de leur part d’avoir accès aux decision

makers et une recherche de partenaires fi ables. Nous ne les

considérons pas seulement comme des intermédiaires, mais

nous voulons les inclure dans la gestion des opérations. »

Peu nombreux à être spécialisés dans l’assurance crédit, leur

raison d’être est de défendre les intérêts des assurés, comme

des assureurs. « Ils connaissent bien le marché, c’est un chaî-

non déterminant. Ils ont accès à nos bases de données et véri-

fi ent la véracité de nos informations. La croissance passera par

la prospection. Ils ont un sérieux rôle à jouer dans ce domaine.

Faire croitre le marché est un rôle collectif », ajoute encore

Francis Jespers.

« Certaines initiatives me poussent à l’optimisme. Certains de

nos clients sont là depuis 50 ans, cela prouve que notre modèle

est vertueux. Une fois acquis, on est convaincu, termine Chris-

tophe Cherry Dans notre secteur, on est toujours mono-assu-

reur. Un des défi s à venir est de faire passer l’assurance-crédit

comme un outil d’aide à la gestion et à la croissance. Quand

on aura réussi à faire basculer la vision défensive de nos activi-

tés, à l’image d’un vrai partenariat, nous aurons fait une bonne

partie du chemin. »

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Guillermo Rodriguez: « Les périodes entre les crises étant de plus en plus courtes, à nous assureurs d’être plus réactifs et de nous adapter aux changements. Des diffi cultés éco-nomiques, il y en aura toujours. »

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DOSSIER

F ondé en 1991, l’ATEB, l’Association des trésoriers

d’entreprise en Belgique, se charge de défendre les

intérêts de la profession et de ses 200 membres,

tout en assurant des formations ciblées, notam-

ment dans le domaine des soft skills, de plus en plus important.

Pour Olivier Brissaud, président et fondateur de l’association,

un trésorier doit avoir une vue hélicoptère du marché et de son

entreprise, tout en amortissant les chocs réglementaires pour

cette dernière. Son contexte de travail se complexifi ant, il doit

acquérir de nouvelles compétences.

Devenu un interlocuteur central dans l’organisation, il la

représente aussi à l’extérieur et gère un réseau grandissant

d’interlocuteurs. « Le trésorier doit sortir de sa bulle, c’est la

vision que nous défendons au sein de l’ATEB, explique-t-il. Cer-

tains restent encore trop enfermés dans leur bureau. Or, c’est

un métier de contacts. Il est plus qu’important à mes yeux

qu’ils prennent leur bâton de pèlerin et défendent leur fonction

auprès des autres. Un trésorier solitaire ne peut pas bien faire

son travail. Sa capacité d’autonomie, son sens de l’anticipation

et sa proactivité sont des éléments déterminants. »

Amené à rejoindre Volkswagen en 1989, Olivier Brissaud a

contribué à y développer le département trésorerie. Il a passé

23 ans au sein du groupe avant de se consacrer à l’économie

sociale. Si, au départ, ils étaient quatre au sein de ce départe-

ment; quand il a quitté l’entreprise, ils étaient 80.

VAGUE RÉGULATOIRESuite à la faillite de Lehman Brothers, tout un amas de régle-

mentation a vu le jour, complexifi ant le travail quotidien des

spécialistes de la fi nance, notamment les trésoriers, chargés

d’en limiter l’impact pour leur organisation. « La crise fi nan-

cière a donné lieu à toute une vague de nouvelles règles qui

change la nature de notre métier, appuie Olivier Brissaud.

En tant que trésoriers, nous sommes en première ligne. C’est

cette fonction qui perçoit toute cette complexité en premier

lieu et doit la retraduire dans les systèmes internes. Il n’y a que

le trésorier qui s’y retrouve dans l’entreprise. Peu de ses collè-

gues comprennent vraiment ce qu’il fait. Certains régulateurs

veulent parfois légiférer à outrance. Le marché de change,

par exemple, à l’inverse de celui des matières premières n’a

jamais engendré de bulle spéculative, or on le régule de plus en

plus... Dans certaines matières, on a l’impression de ne plus très

bien savoir où on en est. »

Dans le cadre de l’ATEB et de l’Association européenne des tré-

soriers d’entreprises, Olivier Brissaud se charge tous les mois

Un trésorier doit toujours être au frontSuite à l’avalanche réglementaire et au durcissement de l’accès au crédit, le trésorier est en première ligne et voit sa fonction évoluer. Loin d’être un rat de bibliothèque, il doit aller à la rencontre des différents partenaires de son entreprise, tout en représentant son image. Pas toujours bien connu en interne, comme en externe, son rôle devient pourtant plus stratégique.

DOSSIER

TEXTE : FLORENCE THIBAUT

« Le trésorier doit s’inviter aux réunions importantes

et s’imposer comme interlocuteur de référence. »

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d’envoyer un tableau actualisé contenant l’ensemble des

changements réglementaires attendus à tous les membres.

« Pour y voir clair dans les changements réglementaires, il est

important d’œuvrer à développer des réponses et de se fédé-

rer au niveau européen, même s’il y a, bien sûr, des différences

notables entre les pays. Trouver un fi nancement en Grèce ou en

Suède est loin d’être la même chose. »

En schématisant, le rôle d’un trésorier est de s’assurer que

son entreprise ait, à tout moment, suffi samment de moyens

fi nanciers pour alimenter ses activités, tout en couvrant les

risques qui sont liés à son business. « Le monde de la fi nance

s’est largement ouvert. Auparavant, chaque pays disposait

de sa propre réglementation. C’est de moins en moins le cas,

ce qui crée une certaine baisse de complexité pour les fi nan-

ciers. Si on prend le cas de l’euro, 15 monnaies ont disparu d’un

coup. Cela induit une autre manière de travailler. En parallèle,

de nombreux produits se sont standardisés. Dans le cas d’une

émission obligataire, par exemple, la documentation liée et les

procédures à respecter sont les mêmes presque partout dans

le monde. Cela dit, les produits sont, en même temps, devenus

plus sophistiqués. Les masses et les risques à gérer sont plus

importants. La complexité change de nature. »

VISION A PRIORIL’accélération de l’information et le développement à grande

vitesse des moyens de communications poussent les tréso-

riers et leurs collègues du département fi nancier à se montrer

réactifs et plus fl exibles que jamais. « Il a toujours du être au

fait de l’actualité et s’informer en continu, en particulier dans

le cas des multinationales. Avec l’accentuation des échanges, il

est vrai qu’il doit être plus rapidement sur la balle. Je ne pense

pas que son travail soit plus compliqué qu’avant, mais il est cer-

tainement différent. Ce qui est sans doute changé, c’est l’usage

des langues. Aujourd’hui, un trésorier qui ne maîtriserait que

sa langue nationale, serait perdu, ce qui est aussi vrai pour

d’autres métiers. »

A l’inverse des autres fonctions fi nancières, qu’il s’agisse du

comptable, du contrôleur de gestion ou l’analyste, la fonction

est trésorier est la seule à être prospective. Et Olivier Bris-

saud de résumer: « De par son rôle, il ne peut pas se contenter

d’adopter une posture de réfl exion à posteriori. Il doit regarder

devant lui et anticiper les changements. Un trésorier doit tou-

jours être au front et aller au devant des évènements. »

Interlocuteur incontournable du CFO, il lui facilite la tâche.

« Bien souvent, le directeur fi nancier provient de la comptabi-

lité ou du contrôle de gestion, il ne maîtrise pas toujours les

enjeux liés à la trésorerie. Il se repose donc beaucoup sur lui. »

Pas toujours bien connu dans l’entreprise, le trésorier peine

encore à s’imposer comme un successeur et un leader poten-

tiel. « C’est une fonction encore perçue comme très technique.

On ne pense que très rarement au trésorier pour reprendre le

fl ambeau du CFO. Défendre sa cause et expliquer son métier,

doit faire partie de son travail. Il est, par exemple, rare qu’il

collabore avec le directeur marketing. Ils ont, pourtant, beau-

coup à échanger, notamment sur les investissements prévus. Il

doit, pour moi, s’inviter aux réunions importantes et s’imposer

comme interlocuteur de référence. Il peut apporter un éclairage

différent sur les enjeux de son entreprise. »

Olivier Brissaud: « Le trésorier doit sortir de sa bulle. Cer-tains restent encore trop enfermés dans leur bureau. Or, c’est un métier de contacts. Il est plus qu’important à mes yeux qu’ils prennent leur bâton de pèlerin et défendent leur fonction auprès des autres. »

« Certains régulateurs veulent légiférer à outrance. Dans certaines matières, on a l’impression de ne plus bien savoir où on en est. »

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Senior Director Group Treasury Operations chez UCB depuis

sept ans, Gaëtan Dumont est tombé dans la trésorerie il y a

plus de 14 ans. Après des études d’ingénieur commercial et

une première expérience comme trader au Crédit Lyonnais,

il devient Senior Treasury Consultant pour le Groupe Expert,

avant de passer six ans au sein du département Treasury

and corporate fi nance chez RTL. Membre du conseil d’admi-

nistration de l’ATEL, l’équivalent luxembourgeois de l’ATEB, il

répond à nos questions sur l’évolution de son rôle.

Quelles sont vos missions quotidiennes?

Gäetan Dumont: «Avec notre équipe, nous gérons l’ensemble

de la trésorerie opérationnelle mondiale du groupe UCB. Nous

ne sommes que cinq, dont une personne basée aux Etats

Unis, ce qui est assez limité mais suffi sant pour assurer une

certaine compliance. Grâce à des outils performants et une

architecture IT très développée, nous réussissons à absor-

ber des volumes de travail importants. Outre le coaching de

l’équipe, mon rôle est de piloter l’excellence opérationnelle

et de stimuler l’innovation. Nous cherchons constamment

à être à la pointe au niveau de nos systèmes. Notre cellule

exécute une nombre de tâches très diversifi ées allant des

paiements fournisseurs pour le compte d’une grosse partie

de nos fi liales, à la gestions de l’ensemble des fl ux fi nanciers/

de trésorerie au sein du groupe, du netting interco, aux acti-

vités classiques de cash collection, de la gestion des risques

fi nanciers à l’asset management et au support des closing

comptables... La fonction de trésorier en tant que telle est très

diversifi ée et permet de toucher à tout. »

Comment travaillez-vous avec le reste du département fi nance?

Gäetan Dumont: « Mon rôle est de servir d’interface avec

toute une série d’interlocuteurs allant de l’audit interne à

l’audit externe, du corporate secrétariat au département

taxes, du controlling à la département chargé de la conso-

lidation du groupe, qui se trouvent à Bruxelles. Je collabore

également fréquemment avec les Ressources Humaines et

toutes parties tierces à l’entreprise qui impactent le centre

de trésorerie. En terme de gestion des risques, nous avons

mis un place un comité qui se réunit plusieurs fois par an.

En tant qu’administrateur et manager de la société sous

laquelle se trouve le centre de trésorerie, je me charge éga-

lement de la gestion des conseils d’administration et de la

présentation de ceux-ci au conseil d’administration. »

Depuis vos débuts dans le métier en 1999, l’étendue de

votre fonction a-t-elle changé?

Gäetan Dumont: « La fonction de trésorier a clairement évo-

lué lors de ces 15 dernières années. L’innovation technolo-

gique a révolutionné la manière de travailler au quotidien.

Le reporting fi nancier, les IAS/IFRS et la compliance au sens

large du terme ont cependant été les facteurs de change-

ment les plus importants du métier. Cela impacte le travail

quotidien des trésoriers. Le reporting légal à fournir prend

de plus en plus de temps. Il y a une multitude de rapports,

nationaux ou internationaux, à publier. L’environnement

réglementaire se complexifi e, c’est un phénomène glo-

bal et qui a déjà démarré il y a plus de dix ans avec IAS39.

Aujourd’hui, c’est IFRS 13 et Emir, demain on verra… Nous

n’avons pas le choix, il faut composer avec. Je pense que, de

manière générale, la fonction de trésorerie est de plus en

plus connue dans l’entreprise. Chez UCB, je suis convaincu

que les personnes qui composent le département fi nance

nous connaissent. Dans toute société endettée pour sa

croissance, les trésoriers ont un important rôle à jouer. La

problématique des expositions aux taux de change et du

fi nancement de nos fi liales nous offre une belle visibilité. »

« La fonction de trésorier permet de toucher à tout »

DOSSIER

Gaëtan Dumont: « La fonction de trésorerie est de plus en plus connue dans l’entreprise. La problématique des expositions aux taux de change et aux devises nous offre une belle visibilité. »

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Assistant Vice-Président Finance chez Luxair depuis

sept ans, Louis Brosset seconde le Vice-Président Fi-

nance et le CFO du groupe. Après dix ans chez Ernst and

Young, il rejoint le département finance en décembre

2006. Compagnie aérienne nationale Luxembourgeoise

fondée en 1948, Luxair emploie 2300 employés dans

des métiers aussi différents que le transport aérien,

l’organisation de voyages de tourisme, la logistique

de fret aérien, l’assistance aux passagers, la prépara-

tion de repas ou la gestion de magasins à l’aéroport

de Luxembourg. Le département finance compte une

petite cinquantaine de personnes, dont l’équivalent de

trois personnes à temps plein pour la trésorerie.

En quoi la gestion de la trésorerie chez Luxair est-elle

assez particulière?

Louis Brosset: « Le volet trésorerie chez Luxair est sans

doute assez atypique. Notre politique de couverture des

matières premières (kérosène et CO2) et des devises est

très développée de par notre métier. En effet, les prix du

kérosène, des avions et des pièces de maintenance sont

en USD et représentent une part importante du prix de

revient. Mais nous n’avons pas les volumes suffisants

pour justifier d’investir dans des systèmes intégrés de

gestion de trésorerie et avoir des équipes dédiées à

plein temps en front et en back office. Nous traitons

également de petites quantités de devises ‘exotiques’

comme le TND et le MAD pour payer des hôtels ce qui

n’est pas un service habituellement demandé à nos

banques luxembourgeoises. »

Quelles sont vos missions quotidiennes?

Louis Brosset: « J’ai notamment été engagé pour traiter

l’ensemble des aspects liés aux couvertures de change

et aux placements, mais j’ai plusieurs casquettes et je

m’occupe aussi beaucoup de recouvrement de créances.

De manière générale, le métier de trésorier est com-

posé d’une multitude de sous-tâches et de gestion de

projet. Le reporting prend aussi pas mal de temps. Heu-

reusement, malgré le grand nombre de filiales, toute la

trésorerie se fait au sein de la maison mère et tout se

passe dans la même time zone. »

Comment travaillez-vous avec le reste du département fi nance?

Louis Brosset: « Le CFO est le chef d’orchestre et en

fonction des besoins il répartit les tâches et définit

les interventions de chacun. Nous ne travaillons bien

évidemment pas en silos imperméables et nous nous

tenons informés de ce que les autres font. »

Depuis vos débuts dans le métier, l’étendue de votre

fonction a-t-elle changé?

Louis Brosset: « Mon arrivé a coïncidé avec la volonté

de la direction générale de mettre en place des couver-

tures de risques de marché systématiques pour le kéro-

sène et les devises. Des couvertures étaient faites au

cas par cas par le passé mais il a fallu mettre en place

de nouveaux outils. Progressivement nous avons cou-

vert de plus en plus de choses comme les achats en livre

sterlings ou l’exposition aux devises nord-africaines. Le

nombre de transactions et de produits financiers uti-

lisés a augmenté en parallèle. Ce qui a aussi évolué,

c’est l’impact des réglementations. Nous sommes, par

exemple, désormais dans le schéma de droits d’émis-

sion de CO2 européen. Il a fallu comprendre la législa-

tion et s’y conformer au moindre coût. »

Avez-vous l’occasion de rencontrer vos confrères?

Louis Brosset: « De nombreuses rencontres se font au

sein de l’ATEL. Echanger avec ses pairs est très appré-

ciable. La plupart des trésoriers ont les mêmes problé-

matiques. Les outils comptables et les partenaires ban-

caires sont généralement les mêmes et nous travaillons

tous sur les impacts de SEPA ou d’EMIR. Nous ne

sommes pas vraiment concurrents, donc les échanges

sont très ouverts. Tout le monde est dans le même ba-

teau. Voir comment chacun réagit aux avancées législa-

tives est très riche. »

« Le métier de trésorier est composé d’une multitude de tâches »

« Nous sommes dans le schéma de droit d’émission de carbone. Il a fallu comprendre la législation et la traduire. »

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DOSSIER

P armi les facteurs qui ont le plus entravé l’activité

des petites structures lors du troisième trimestre

de 2013, les problèmes de trésorerie interviennent

pour 25%. « Environ huit chefs d’entreprises sur dix

qui nous consultent dans le cadre du Centre pour Entreprise en dif-

fi culté ont des problèmes de trésorerie, explique Christelle Closon,

économiste à l’UCM. Malheureusement, ils viennent souvent trop

tard lorsque tous leurs partenaires fi nanciers leur ont fermé les

portes. On est alors plus dans le soin palliatif. Parfois, nous les redi-

rigeons vers d’autres structures comme Credal ou MicroStart. Dans

certains cas, l'arrêt de l'activité est malheureusement parfois la seule

issue afi n d'éviter l'effet boule de neige. Nous essayons de les sensibili-

ser à détecter les signaux avant-coureurs. »

« Beaucoup de personnes viennent avec des dettes et veulent un seul

crédit pour tout éponger, ce qui est contraire à toute bonne gestion,

appuie Vivian Janssens, économiste à l’UCM. Nous devons nous

assurer qu’un nouveau fi nancement soit une source d’oxygène,

pas un fardeau supplémentaire. Cela peut être un coup de pouce

temporaire lorsqu'il s'agit simplement d'un retard de paiements. »

En 2012, le département Développement Economique de l’UCM

Liège a suivi 531 porteurs de projets, dont 52% de créateurs, 21%

de repreneurs et près de 26% déjà en activité. En plus de ses ser-

vices classiques de conseils à la création, au développement et

transmission d’entreprises, l’UCM intervient également auprès

des entreprises en diffi cultés via le Ced-W et leur offre dans ce

cadre, si cela leur est nécessaire, une assistance comptable ou

juridique ou les renvoie vers le Médiateur Concileo.

DÉTECTER LES SIGNAUXBien souvent, les porteurs de projets se focalisent sur les charges et

leur chiffre d’affaires, et la gestion de leur trésorerie est reléguée au

second plan. « Certains entrepreneurs ne se rendent comptent qu’ils

n’ont pas été payés qu’au bout de trois mois. Peu ont une vraie stratégie

de recouvrement, avec une procédure de rappels et de mise en demeure,

et rares sont ceux qui suivent leurs conditions générales, constate Vi-

vian Janssens. Le problème étant que, pour des gros montants, la TVA

est due dès l’émission de la facture, ce qui crée une double diffi culté »

Dans certains cas, c’est une croissance mal planifi ée qui pose

problème. Par exemple, un entrepreneur accepte un gros contrat,

sans toutefois avoir les moyens d’engager de collaborateur pour

y répondre. « Une croissance non anticipée peut avoir des réper-

cussions importantes, tant au niveau fi nancier que social (fonds

de roulement nécessaire, ONSS, treizième mois, prime de fi n

d’année etc. Contracter un emprunt pour ces charges à court

terme n’a aucun sens », poursuit Vivian Janssens.

L’équipe de l’UCM défend l’usage de tableaux de bord afi n de

Un indépendant doit être bon en toutD’après le dernier baromètre PME de l’UCM, près de deux responsables de PME sur cinq font face à une augmentation de leurs factures impayées. Ce décalage dans les paiements intervient pour 15% des faillites. En y associant des diffi cultés de trésorerie et d’accès au fi nancement, trouver du cash devient la priorité numéro un pour de nombreux entrepreneurs. Pour détecter les signaux avant-coureurs à temps, le recours aux tableaux de bord est plus que conseillé. Le comptable peut aussi jouer un rôle central dans la vie de l’entreprise.

DOSSIER

TEXTE : FLORENCE THIBAUT

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13Grâce aux professionnels de la gestion de crédit, 184 mil-

lions d’euros auraient été réinjectés dans l’économie belge

en 2012, soit l’équivalent de 3000 emplois sauvegardés, ce

qui équivaut à une progression de 8% par rapport à 2011.

Pas toujours bien connu, le métier de recouvreur a pourtant

un vrai rôle à jouer pour soutenir les entreprises. « C’est un

métier qui ne bénéfi cie pas d’une très bonne image, nous

devons souvent défendre notre éthique, explique Etienne

van der Vaeren, président de l’Association belge des socié-

tés de recouvrement. Nous ne sommes ni des mafi eux, ni

des escrocs. Beaucoup de citoyens ne comprennent pas les

tenants et aboutissants de leurs dettes. Notre rôle est aussi

d’expliquer et démocratiser les enjeux. Nous avons reçu une

dizaine de plaintes en 2012, toutes liées à un problème de

compréhension. »

L’ABR se charge de professionnaliser le secteur en offrant

des formations à la carte, tout en contrôlant les pratiques

de ses dix membres à travers un comité de surveillance et

un code de déontologie. Service à la carte, les sociétés de

recouvrement interviennent généralement lorsqu’une mé-

diation est encore possible. Le rôle de recouvreur requière

psychologie et pédagogie. Il lui faut mettre en confi ance ses

interlocuteurs. « Nos clients sont les créanciers. Notre mis-

sion est d’être un intermédiaire proactif. Nous intervenons, la

plupart du temps, quand ce n’est pas nécessaire d’y aller avec

une massue. Il y a mille raisons de ne pas payer ses dettes: un

divorce mal réglé, un problème de santé etc. Les débiteurs ne

sont pas souvent malhonnêtes ou de mauvaise volonté. 15%

d’entre eux voudraient bien payer, mais n’en n’ont pas la pos-

sibilité. Nous essayons d’aider les gens à se réorganiser. Nous

les rappelons à l’ordre de manière douce quand cela est né-

cessaire. C’est cela notre valeur ajoutée. Aucun de nos clients

n’a perdu un de ses clients car nous lui réclamions de l’argent.

Le tout est de se mettre d’accord ensemble, sans recourir à la

force, ni à la menace. »

« IL Y A MILLE RAISONS DE NE PAS PAYER SES DETTES »

suivre au mieux l’activité de l’entreprise et les paiements de ses

clients, une pratique encore peu répandue. « Dès le départ, nous

essayons de les conscientiser à avoir un plan fi nancier élaboré,

doté d’une trésorerie suffi sante. Certains se lancent sans matelas

de sécurité. Au premier imprévu, ils connaissent de grandes dif-

fi cultés. Les trois premières années sont critiques. Nous faisons

tout pour armer l’entrepreneur afi n qu’il démarre sa société au

mieux, précise Christelle Closon. Nous militons pour que chaque

porteur de projet mette en place des tableaux de bord avec des

indicateurs simples, des tableaux de trésorerie, des balances

âgées, afi n que les signaux d’alarme s’allument à temps. »

Le comptable a aussi un important rôle de conseil à jouer

pour épauler le chef d’entreprise. « Il peut, par exemple, expli-

quer l’impact de la TVA dans la trésorerie. Certaines sociétés

ne le comprennent pas. Il doit contribuer à professionnaliser

son client. Un indépendant doit être bon dans son domaine,

commercialement parlant, mais également veiller à la bonne

gestion de son entreprise, il doit pouvoir s’entourer de profes-

sionnels pour l’y aider », achève Vivian Janssens.

Christelle Closon: « Nous militons pour que chaque porteur de projet mette en place des tableaux de bord avec des indicateurs simples, des tableaux de tréso-rerie, une balance AG, afi n que les signaux d’alarme s’allument à temps. »

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N° 51 - Novembre 2011Finance & HR

N° 52 - Décembre 2011« Glocal » CFO

N° 53 - Février 2012Compliance

N° 54 - Mars 2012Finance & IT

N° 55 - Avril 2012Secteur public

N° 56 - Mai 2012Reinventing Finance

N° 57 - Juin/Juillet 2012Leadership in Finance

N° 58 - Septembre 2012Banques & Assurances

N° 59 - Janvier 2013Cash Management

N° 60 - Mars 2013Sécurité de l'information

N° 61 - Mai 2013Finance Durable

N° 62 - Juin 2013Financer l'innovation

N° 63 - Août 2013Cloud computing

N° 64 - Septembre 2013Talent in Finance

N° 65 - Octobre 2013Public Authorities

Finance Management vous livre, chaque mois, un état des lieux, des témoignages, des conseils, un partage de bonnes pratiques sur des dossiers clés pour votre gestion fi nancière.

Finance Management une publication périodique destinée aux respon-sables fi nanciers et autres professionnels du secteur fi nancier des entre-prises de Belgique et du Grand-Duché de Luxembourg. Elle s’adresse également aux dirigeants d’entreprises soucieux d’optimiser la gestion fi nancière de leur société ainsi qu’aux étudiants.

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Rédacteur en chef : Christophe Lo Giudice (redaction@fi nancemanagement.be)

Comité de rédaction: Bruno Colmant (Roland Berger Strategy Consultants, Chargé de cours invité à l'UCL et à la Vlerick Leuven Gent Management School), Charles Delloye (Alethea), Denis Dubru (Vice-President Finance, Belgium and Shared Services, GSK Biologicals), Frédéric Mailleux (Directeur Finan-cier-GFA, Ets. Ronveaux), Chris Vroman (HR, Legal et Tax Director chez Ineos), Joël Poilvache (Regional Manager, Robert Half International)

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