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FINANCE ISLAMIQUE ET ISR : CONVERGENCE POSSIBLE ? NOTE DE TRAVAIL MAI 2009

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FINANCE ISLAMIQUE

ET

ISR

:

CONVERGENCE

POSSIBLE

?

NOTE DE TRAVAIL MAI 2009

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Sommaire

Introduction .................................................................... 3

I. De la finance chrétienne à l’ISR....................................... 4

Les exclusions sectorielles.................................................................................... 4

L’actionnariat actif .............................................................................................. 5

Autres approches ISR.......................................................................................... 5

II. La finance islamique en pratique .................................... 7

Les chiffres ........................................................................................................ 7

Les marchés....................................................................................................... 7

Évolutions réglementaires.................................................................................... 9

Autres initiatives................................................................................................10

III. Principes de la finance islamique ..................................11

Pourquoi une finance islamique ...........................................................................11

La finance islamique, une finance éthique…...........................................................11

… morale…........................................................................................................12

… et financière ! ................................................................................................13

IV. Convergences avec l’ISR .............................................14

Finalité et principes moraux ................................................................................14

Exclusions sectorielles ........................................................................................15

Exclusions normatives et Global Compact .............................................................15

Partage ............................................................................................................17

En pratique .......................................................................................................17

Conclusion : Compatibilité et complémentarité ....................19

Annexe : Principaux mécanismes financiers.........................21

Cette étude est disponible en anglais sur Novethic.com.Cliquez ici pour la consulter :

http://www.novethic.com/novethic/v3_uk/upload/Islamic_Finance_and_SRI_Working_Paper.pdf

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Introduction

La crise financière met en lumière certaines approches d’investissement, jusque-là

marginales, qui ont la double vertu de continuer à se développer dans la tempête et de

résister aux spectaculaires contreperformances de certaines catégories de placements.

L’Investissement Socialement Responsable (ISR) et la finance islamique appartiennent

tous deux à cette catégorie. Ces deux concepts d’investissement sont encore largement

méconnus mais ils ont au moins deux points communs : ils font appel à des paramètres

extra-financiers et sont considérés, par les places financières de Londres et Paris, comme

des axes de développement attractifs. Même si l’ISR aujourd’hui pratiqué en France s’en

est considérablement affranchi, il prend sa source tout comme la finance islamique dans

une demande de transcription à l’univers financier de convictions religieuses

d’investisseurs, particuliers ou institutionnels.

Le centre de recherche ISR de Novethic a voulu analyser quelles étaient les convergences

possibles entre ces deux univers d’investissement pour tenter de répondre aux questions

suivantes :

■ Leur mécanismes sont-ils complémentaires et de quelle façon ?

■ Les fondements religieux de la finance islamique sont-ils comparables à ceux qui

ont fait naître la finance éthique dans des pays où les religions dominantes sont le

protestantisme et/ou le catholicisme ?

■ Si oui, peut-on imaginer que son extension dans des pays de culture musulmane

puisse préfigurer un développement ultérieur de l’ISR sur les bases que nous

connaissons aujourd’hui en France ?

Cette note de travail propose des pistes de réponses et commence par rappeler quels

sont les fondamentaux religieux de l’ISR et de la finance islamique avant de décrire leurs

éventuels mécanismes communs et les toutes récentes offres de produits financiers qui

font converger, pour la première fois, les deux concepts.

La finance islamique, fondée sur les principes de la Charia –la loi fondamentale de

l’islam– qui encadrent le rapport des musulmans à l’argent, intègre des composantes

éthiques et extra-financières qui peuvent constituer des points de convergence avec

l’ISR ; mais il convient tout d’abord de mieux comprendre les fondements et le

fonctionnement de la finance islamique, loin des stéréotypes et des raccourcis qui

dominent dans les pays où elle est absente. En se concentrant sur les aspects extra-

financiers de cette approche, on constate qu’il existe une convergence avec l’ISR dans la

finalité sociétale et dans l’exclusion d’activités jugées non éthiques, mais que la finance

islamique est un système financier à part entière. L’émergence, très récente, d’une offre

adaptée émanant de spécialistes suisses de l’ISR permet de voir comment ces démarches

peuvent être conjuguées. Il est beaucoup trop tôt pour savoir si elle constitue les

prémices d’un développement plus large d’une prise en compte des critères

Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG) chez les adeptes de la finance

islamique.

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I. DE LA FINANCE CHRETIENNE A L’ISR

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I. De la finance chrétienne à l’ISR

Il est admis que l’ISR tel qu’il est pratiqué aujourd’hui trouve ses origines dans des

approches motivées par la religion chrétienne, qu’elle soit catholique ou protestante1. De

façon naturelle, les congrégations religieuses ont voulu mettre leurs investissements en

adéquation avec leurs principes. Deux types de stratégie ont dominé les débuts de l’ISR :

les exclusions sectorielles et l’actionnariat actif. Les groupes religieux chrétiens ont

cependant été à l’initiative d’autres approches ISR, même si d’autres institutionnels plus

importants en masse d’encours ont depuis pris le relais.

Les exclusions sectorielles

Dès 1760, John Wesley, fondateur du Méthodisme, a insisté sur le lien entre éthique et

utilisation de l’argent. Pour lui, l’investisseur doit agir non pas en propriétaire, mais en

régisseur (steward/custodian) de biens, et ne doit pas créer de la richesse en nuisant à

son prochain. Il a ainsi été l’un des premiers contempteurs de l’esclavage, à l’instar des

Quakers, les membres de la Religious Society of Friends. Ces derniers, dès la fin du XIXe

siècle, ont intégré des considérations extra-financières dans leurs choix d’investissement

par une stratégie d'exclusion de secteurs d'activités orientée vers la satisfaction de

convictions religieuses.

Aux États-Unis

Le Pioneer Fund, premier fonds socialement responsable, a été lancé en 1928 à

l’instigation du Conseil Fédéral des Églises Américaines. Sa politique d’investissement

excluait les sociétés dont les activités étaient en relation avec l’alcool, le tabac et la

pornographie, des secteurs que l’on retrouve encore aujourd’hui sur la liste noire des

fonds ISR dits éthiques.

L’accès à ce fonds est cependant restreint, et il faut attendre 1971 pour voir le premier

fonds commun de placement éthique accessible aux investisseurs particuliers, le Pax

World Fund. Outre l’exclusion des « sin stocks » traditionnels comme le tabac ou les jeux

d’argents, ce fonds visait à permettre aux investisseurs d’éviter l’investissement dans des

entreprises susceptibles de tirer profit de la guerre du Vietnam, pax signifiant paix en

latin.

En Europe

Le premier produit d’investissement éthique en Europe a été lancé par une association

suédoise de lutte contre l’alcoolisme (Swedish temperance society), sous la forme d’un

1 Sources pour cette section : Présentation de Russel Sparkes à la TBLI (2000) ; « Les agences d’analyse et de

notation extra-financière : Quels services pour quels investisseurs ? » par Émilie Alberola et Stéphanie Giamporcaro-Saunière ; « Sustainable and Responsible Investing in the United States » par Steven J. Schueth

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I. DE LA FINANCE CHRETIENNE A L’ISR

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fonds nommé Ansvar. À l’instar du fonds Pioneer, il était cependant réservé aux

sympathisants du mouvement.

Au Royaume-Uni, les exclusions éthiques font partie des règles d’investissement de

l’Église anglicane dès 1948 et la création des Church Commissioners. Un organe similaire

est créé par l’Église méthodiste en 1960.

En France, les deux premiers fonds éthiques ont été lancés à l’intention des investisseurs

religieux chrétiens. La société financière Meeschaert et l’association Éthique et

Investissement (initiée par un groupe de religieuses économes générales de leur

congrégation) lancent ainsi en 1983 le fonds Nouvelle Stratégie 50, qui exclut

notamment les secteurs du tabac, de l’armement, de l’alcool, de la pornographie et des

jeux d’argent. La société de gestion, très orientée vers une clientèle chrétienne, retiendra

ces critères d’exclusion pour ses autres fonds ISR. Le deuxième fonds historique est

Hymnos, lancé par le Crédit Lyonnais en 1989 pour répondre spécifiquement à la

demande des congrégations religieuses. Un comité éthique, composé d’une vingtaine de

personnalités laïques et religieuses, se réunit chaque trimestre pour réfléchir aux critères

éthiques à retenir pour évaluer les sociétés secteur par secteur et pour s’assurer que la

sélection des titres tient compte de ces critères. Les entreprises sélectionnées doivent

impérativement avoir des activités s'accordant avec une éthique chrétienne et

humaniste.

L’actionnariat actif

Les premières résolutions ISR ont été déposées vers la fin des années 60 aux États-Unis

par des groupes d’églises et des associations étudiantes concernant la guerre du

Vietnam. Un autre sujet de prédilection a été l’apartheid en Afrique du Sud ; à ce sujet,

l’église épiscopale américaine a déposé en 1971 une résolution à l’assemblée générale de

General Motors. L’ensemble de ces initiatives a conduit deux ans plus tard à la création

de l’Interfaith Center on Corporate Responsibility (ICCR), regroupant aujourd’hui 275

institutions protestantes, catholiques et juives détenant plus de 120 milliards de dollars.

Cette organisation a depuis été à la pointe de l’activisme actionnarial sur des questions

sociales aux États-Unis.

Les activistes religieux au Royaume-Uni ont également participé à cette campagne contre

l’apartheid durant la période 1970-1984, notamment en mettant en cause la banque

Barclays et la compagnie pétrolière Royal Dutch / Shell. Leurs efforts visaient notamment

à convaincre des investisseurs institutionnels de se désinvestir de ces compagnies, ce qui

a conduit Barclays à se retirer partiellement d’Afrique du Sud en 1985. D’ailleurs, la

montée en puissance de cette campagne des deux côtés de l’Atlantique s’est traduite par

le départ de plus des deux tiers des entreprises américaines implantées en Afrique du

Sud.

Autres approches ISR

On connait le rôle des investisseurs religieux dans l’essor de l’investissement éthique,

incluant les exclusions sectorielles et l’activisme actionnarial, mais on oublie parfois qu’ils

ont également contribué au développement d’autres approches de l’ISR. Ainsi, EIRIS,

principal fournisseur de recherche extra-financière sur les émetteurs au Royaume-Uni, a

été créé sous l’impulsion des Quakers et de l’Église méthodiste en 1983. À cette époque,

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I. DE LA FINANCE CHRETIENNE A L’ISR

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il n’y avait guère de fonds susceptibles de recourir à ses analyses, et les sponsors

religieux d’EIRIS ont fait le pari réussi que la demande suivrait l’offre.

Ainsi, ces investisseurs chrétiens ont été des investisseurs socialement responsables

pionniers, en adoptant de nouvelles pratiques qui ont structuré le mouvement de l’ISR :

le désinvestissement d’entreprises engagées dans des secteurs ou des pratiques jugées

irresponsables, l’engagement d’un dialogue avec les entreprises et l’exercice du droit de

vote, et plus récemment l’investissements dans des entreprises qui présentent des

bonnes pratiques sociales et environnementales.

Aujourd’hui, les encours ISR détenus par les Églises et congrégations religieuses sont

très marginaux par rapport à ceux des investisseurs institutionnels comme les assureurs,

les organismes de prévoyance ou les institutions de retraite. Ces derniers ne partagent

pas vraiment, surtout en France, leur vision de ce que doit être la prise en compte de

critères extra-financiers. Paradoxalement, l’ISR, tel qu’il a été développé ces dix

dernières années par la plupart des sociétés de gestion en France, affiche même une

certaine aversion pour les approches éthiques. Cette aversion répond à deux facteurs :

les problèmes de gestion financière que pose l’exclusion de certains titres ou secteurs et

la difficulté de trouver une éthique commune dès qu’on s’adresse à des investisseurs qui

ne sont pas réunis par la même conviction religieuse. Les offreurs ont largement préféré

mettre l’accent sur une approche de développement durable concentrée sur les enjeux

Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance.

Ceci dit la demande de certains investisseurs, plutôt en Europe du Nord, et les

campagnes d’ONG comme Amnesty, ont, même en France, abouti à la généralisation

d’au moins une exclusion d’ordre éthique, celle qui s’applique aux armes controversées

(mines antipersonnel et bombes à sous-munition).

Les origines chrétiennes de l’ISR permettent d’identifier les questions posées par

l’intégration de considérations religieuses dans la finance. La finance islamique en est le

phénomène le plus abouti en termes de formalisation, et avant de se demander si elle ne

peut pas constituer un nouveau terreau au développement de l’ISR, il convient de mieux

la comprendre.

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II. LA FINANCE ISLAMIQUE EN PRATIQUE

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II. La finance islamique en pratique

Les chiffres

Les estimations de la taille du marché de la finance islamique varient. Un chiffre souvent

repris est celui de 700 milliards de dollars à fin 2007, publié par IFSL (International

Financial Services London). Plus précisément, le rapport en question parle de 729 Md$,

en hausse de +31% par rapport aux 531 Md$ de fin 2006. Cette hausse est à relativiser

au vu de la couverture plus large des institutions financières islamiques par l’étude en

2007. Il convient de noter que les trois quarts de ces encours correspondent à des

activités de banque commerciale.

Alors que Moody’s table sur une croissance annuelle moyenne de +15%, Ibrahim Cekici,

responsable du master de finance islamique créé par l’École de Management de

Strasbourg, pense qu’elle pourrait dépasser les 1000 milliards de dollars à la fin de

l’année.

Les marchés

Classement

Toujours selon l’IFSL, l’Iran est le principal marché, avec plus du tiers des encours

mondiaux. Cela vient du fait que l’Iran a converti dès les années 80 l’ensemble de son

Voir l’annexe pour une

explication des principaux mécanismes financiers.

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II. LA FINANCE ISLAMIQUE EN PRATIQUE

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système bancaire pour qu’il soit conforme à la Charia. Viennent ensuite certains pays du

Golfe, parmi lesquels vient se glisser la Malaisie, précurseur en la matière en Asie du Sud

Est. De façon intéressante, le Royaume-Uni vient en huitième position avec 18 milliards

de dollars, juste devant la Turquie. Il profite ainsi de la forte expertise de sa place

financière, et d’avoir fait assez tôt le pari de la finance islamique.

Il faut toutefois noter que ces chiffres ne prennent pas en compte les sukuks (équivalents

d’émissions obligataires), pour lesquels la Malaisie est, grâce à ses choix réglementaires

expliqués plus bas, le leader incontesté avec plus de la moitié des émissions en 2007.

Toujours est-il que cela ne remet pas en cause le classement par pays.

Depuis fin 2007, certains autres marchés ont vu émerger des initiatives, parmi lesquels

le Soudan, l’Égypte et le Bangladesh. Le Pakistan, malgré la création d’un département

dédié au sein de la banque centrale, tarde à voir ses encours décoller, mais cela ne

pourrait être qu’une question de temps au vu de la coordination en cours avec les pays

du golfe et du désir de s’inspirer de l’expérience malaise d’un conseil de la Charia unique

pour toutes les banques islamiques du pays. Singapour cherche lui aussi à rattraper la

position dominante de la Malaisie dans la région.

En Europe, Londres a très vite saisi l’opportunité de s’ouvrir à la finance islamique,

comme en attestent les encours conformes à la Charia et le nombre d’institutions (plus

d’une vingtaine dont au moins 7 intégralement islamiques). Depuis peu, Paris affiche

clairement sa volonté de concurrencer la City sur ce marché. Le rapport Jouini-Pastré

remis à Paris-Europlace a évalué la manne potentielle d’investissements pour la France à

100 milliards d’euros, en provenance notamment du Moyen-Orient et de l’Asie du Sud

Est. À cela, on peut ajouter la contribution éventuelle des six millions de musulmans

installés en France, soit la communauté musulmane la plus importante d’Europe ; ce

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II. LA FINANCE ISLAMIQUE EN PRATIQUE

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même rapport mentionne notamment deux produits à développer autour des crédits

immobiliers et des dépôts bancaires rémunérés. Société Générale AM a déjà proposé à sa

clientèle de l’île de la Réunion deux fonds de placement en accord avec les principes

islamiques.

Évolutions réglementaires

Des ajustements nécessaires…

Du fait de ses mécanismes financiers particuliers et parfois complexes (voir annexe), la

finance islamique est moins favorisée par les législations fiscales existantes que la

finance traditionnelle, pour des opérations comparables dans leur objectif. Prenons

l’exemple de l’acquisition d’un logement : dans le schéma classique, l’acquéreur

contracte un prêt à sa banque, achète le logement au vendeur, et rembourse son prêt ; il

y a donc eu une seule transaction, et l’opération est donc taxée une seule fois. En

revanche, pour éviter l’intérêt engendré par le prêt, une banque islamique proposera le

mécanisme de murabaha au cours duquel, en simplifiant, c’est elle qui achète le

logement et le revend part à part à l’acquéreur, ce qui implique plusieurs transactions et

donc plusieurs taxations. Un autre exemple est celui de certains avantages fiscaux

relatifs à la rémunération des placements, qui ne s’appliquent pas aux produits financiers

islamiques puisque ceux-ci ne produisent pas d’intérêts fixes.

Le développement de la finance islamique est passé et passe ainsi par des ajustements

réglementaires en vue de permettre une concurrence équitable entre les produits et

services financiers classiques et islamiques.

… mis en place avec plus ou moins d’opportunisme

Le Royaume-Uni a franchi le pas dès 2003, avec une série de changements législatifs

introduits par Gordon Brown, alors ministre de l’économie et des finances. Sa présence

aujourd’hui au 10 Downing Street ne peut que réconforter les partisans du

développement de la finance islamique à Londres.

Ceci dit, la France a plusieurs arguments à faire valoir pour disputer à Londres le

leadership européen de la finance islamique, notamment celui de l’accès à la zone euro.

C’est un des éléments du rapport Jouini-Pastré publié en décembre 2008 par Paris-

Europlace, qui suggère « dix propositions pour collecter 100 milliards d’euros ». Parmi

ces propositions, certaines sont d’ordre juridique, notamment concernant la double

taxation dans le cadre d’opérations d’achat-revente sans intention spéculative comme

mentionné plus haut. Dès le 18 décembre 2008, des textes fiscaux ont été adoptés, sous

l’impulsion d’Europlace et de Christine Lagarde, ministre de l’économie et des finances,

qui avait clairement annoncé son intention de « développer sur le plan réglementaire et

fiscal tout ce qui est nécessaire pour rendre les activités (de finance islamique) aussi

bienvenues ici à Paris qu'à Londres et sur d'autres places ».

La Malaisie est même allée plus loin en vue de se positionner comme la plaque tournante

de l’Asie du Sud Est en matière de finance islamique. Ainsi, ont été mises en place en

2006 des incitations fiscales, consistant en des exemptions de taxes courant jusqu’à

2016 pour les acteurs mettant en place des structures de banques et fonds islamiques.

Le résultat est visible : près de 20% des actifs bancaires sont conformes à la Charia et le

pays est de loin le premier émetteur de sukuks.

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II. LA FINANCE ISLAMIQUE EN PRATIQUE

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Autres initiatives

Du fait du développement de la finance islamique aussi bien sur des marchés de pays

musulmans qu’au Royaume-Uni et aux États-Unis, ce sont non seulement des banques

islamiques qui ont été créées, mais aussi des filiales de grands groupes bancaires. On

citera tout d’abord HSBC Amanah, qui regroupe 87% des actifs bancaires conformes à la

Charia au Royaume-Uni, mais aussi des institutions tels que Deutsche Bank, UBS et

Citigroup. Des institutions régionales et internationales telles que la Banque islamique de

développement (Islamic Development Bank), qui se veut une Banque mondiale pour les

pays musulmans, et des associations comme l’International Association of Islamic Banks,

témoignent elles de l’internationalisation de ce phénomène. En France, la volonté affichée

des autorités financières d’ouvrir les bras à la finance islamique a entrainé la

multiplication des candidats : la Qatar Islamic Bank a déjà annoncé son intention d’ouvrir

une succursale française d’ici 2010. De façon plus ciblée, BNP Paribas expérimente déjà

un fonds indiciel Charia-compliant, et Société Générale AM des offres de placements

islamiques à la Réunion.

Le corollaire de ce développement est la multiplication des formations académiques sur le

sujet. Quelques diplômes de type Master ont vu le jour en France, notamment à l’École

de Management de Strasbourg. La palme revient cependant au Royaume-Uni qui, loin

devant d’autres pays comme la Malaisie ou les Émirats, dispense une telle formation

dans 55 établissements sur un total de 205 dans le monde, d’après Research Intelligence

Unit. Par ailleurs, les conférences et colloques sur la finance islamique se multiplient en

France, résultat de la médiatisation du sujet et des évolutions réglementaires en cours.

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III. PRINCIPES DE LA FINANCE ISLAMIQUE

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III. Principes de la finance islamique

Pourquoi une finance islamique

La Charia, la loi islamique qui s’appuie notamment sur les écritures du Coran et les

paroles du Prophète, apporte un cadre normatif à différents aspects de la vie des

musulmans. En particulier, elle édicte cinq grands principes sur le rapport des

musulmans à l’argent :

■ L’interdiction de l’intérêt (riba)

■ Le partage des profits et pertes entre le prêteur et l’emprunteur

■ L’interdiction de l’incertitude et du hasard (gharar), notamment la spéculation

■ L’existence d’un actif sous-jacent, soit l’obligation d’adosser tout placement à un

actif réel

■ L’interdiction des actifs illicites (haram), déterminés comme tels par le secteur

d’activité et la situation financière de l’entreprise

À cela, on peut ajouter l’un des cinq piliers de l’islam qui est l’aumône (zakat). Elle

consiste à donner aux œuvres caritatives un quarantième (2.5%) de sa fortune annuelle.

L’interdiction de l’intérêt, le principe fondamental et le plus connu quand on parle de

finance islamique, n’est pas une spécificité de l’islam puisqu’elle était également prônée

par le passé par le christianisme et le judaïsme. Ceci étant, il est clair que le système

financier "classique" entre en contradiction avec cette interdiction et avec plusieurs de

ces principes.

D’où la nécessité de mettre en place un système permettant aux croyants l’accès aux

services financiers usuels tout en garantissant leur adéquation aux préceptes de l’islam.

Pour ce faire, certains mécanismes assez complexes sont mis en place (voir annexe),

auxquels s’ajoute une certaine marge d’interprétation autour de ce qui est acceptable

(halal) et ce qui est proscrit à l’investissement (haram).

C’est pourquoi chaque institution financière islamique est dotée d’un conseil de la Charia

(Charia board) composé de personnalités indépendantes expertes (érudits, juristes,

économistes spécialisés) qui rend des avis sur les produits mis sur le marché. De plus,

des audits internes et externes réguliers se chargent de valider le respect des principes

islamiques. Enfin, dans le cas où une présomption de genèse d’intérêt ou d’activité jugée

illicite est détectée, des dispositifs de « purification » sont organisés, notamment sous la

forme de donations aux pauvres.

La finance islamique, une finance éthique…

Un des principes d’investissement conforme à la Charia concerne l’interdiction d’actifs

illicites. Parmi les critères de définition de ces actifs illicites, on retrouve l’activité

concernée, qui peut être répréhensible d’un point de vue éthique et religieux. La liste des

activités proscrites est variable, et peut inclure :

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III. PRINCIPES DE LA FINANCE ISLAMIQUE

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■ L’alcool

■ Le tabac (moins systématique)

■ L’armement (moins systématique)

■ Les jeux de hasard

■ La pornographie

■ L’industrie des loisirs (musique, cinéma…)

■ L’industrie financière

■ La filière porcine

Ceci étant, certaines latitudes sont possibles. Par exemple, lors du financement d’un

grand hôtel de luxe, la construction d’un casino a été exclue, mais la vente d’alcool au

sein de l’établissement a été tolérée, car jugée nécessaire à la viabilité économique du

projet, moyennant un processus de purification par la contribution à la lutte contre

l’alcoolisme. Le processus de purification intervient ainsi lorsque l’activité proscrite est

inévitable, ou bien présumée mais difficile à établir, du fait de la complexité des activités

et structures financées.

… morale…

La finance islamique est un système qui se veut équitable et qui a pour objectif

l’amélioration de la qualité de vie. Deux fondements moraux se cachent derrière la

proscription de l’intérêt :

■ L’adoption d’un taux d’intérêt fixe est considéré comme un système injuste et

discriminant. D’une part, il empêche l’accès au crédit aux personnes les plus

défavorisées de la société. D’autre part, dans le cas d’un investissement, il

consacre une répartition inégale du risque et des profits : l’investisseur reçoit une

rémunération fixe décorrélée du succès ou de l’échec de l’activité, alors que

l’entrepreneur en supporte tout le risque ; inversement, en cas de profits

importants, l’investisseur reçoit une part insignifiante des bénéfices alors que

l’entrepreneur s’arroge la plus grosse part du gâteau. En d’autres termes, le profit

attribué au capital est fixe, celui attribué au travail est variable et entaché

d’incertitude.

■ La rémunération par l’intérêt est par définition décorrélée de l’activité elle-même.

Or cela contrevient au principe que la création de richesse s’appuie sur un actif

réel et que l’argent lui-même ne peut pas être source de valeur ajoutée.

Un autre principe moral qui connecte la finance à l’économie réelle est celui de ne pas

vendre ce que l’on ne possède pas. Cela vise en particulier la spéculation, et explique en

partie pourquoi les banques islamiques ont été relativement épargnées par la crise,

n’étant pas exposées aux crédits hypothécaires (subprimes).

Enfin, le principe de la Zakat est lui aussi un vecteur d’équité sociale. En engageant les

fidèles à reverser une part de leur fortune (2,5%) aux œuvres caritatives à destination

des plus démunis, la Zakat permet une redistribution de la richesse et une atténuation

des inégalités.

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III. PRINCIPES DE LA FINANCE ISLAMIQUE

© Novethic 2009. Finance Islamique et ISR : convergence possible ? 13

… et financière !

Pour respecter les cinq principes mentionnés plus haut, notamment l’interdiction de

l’intérêt, la finance islamique a développé un certain nombre de mécanismes parfois

complexes, expliqués en annexe de ce document. Le système financier islamique ne s’est

ainsi pas contenté de poser des règles morales et des principes extra-financiers, mais a

bel et bien conçu les outils nécessaires pour les appliquer. Et ce, en plus de fonder tout

investissement sur un actif sous-jacent réel, et d’avoir fixé des conditions financières

bien spécifiques concernant les entreprises investissables, qui nécessitent de ce fait une

analyse financière particulière. Les ratios suivants sont ceux pris en compte par les

indices Dow Jones Islamic Market, même si les seuils peuvent varier selon les

institutions :

■ Le ratio de la dette sur la moyenne de la capitalisation boursière sur les 12

derniers mois ne doit pas dépasser 33%.

■ Les liquidités et titres porteurs d’intérêts détenus par l’entreprise ne doivent pas

dépasser 33% de la moyenne de la capitalisation boursière sur les 12 derniers

mois.

■ Le ratio des créances sur la moyenne de la capitalisation boursière sur les 12

derniers mois ne doit pas dépasser 33%.

Ces ratios répondent à la logique de l’existence d’une activité sous-jacente aux rentrées

d’argent et à la proscription de l’intérêt : ainsi, s’il est mécaniquement inévitable que

l’entreprise soit endettée, touche des intérêts et détienne des liquidités, la majorité de sa

valeur ajoutée doit venir d’une activité réelle.

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IV. CONVERGENCES AVEC L’ISR

© Novethic 2009. Finance Islamique et ISR : convergence possible ? 14

IV. Convergences avec l’ISR

La présentation faite jusqu’ici des principes de la finance islamique laisse entrevoir

plusieurs points de convergence avec la finance éthique et l’ISR. Néanmoins, des

décalages importants peuvent apparaitre entre la théorie et la pratique. Si certaines

règles relatives aux pratiques financières sont clairement formalisées, d’autres principes

moraux de la Charia ne se retrouvent que marginalement dans la finance islamique telle

qu’elle est véhiculée aujourd’hui.

Finalité et principes moraux

L’islam peut être vu comme un système normatif basé sur des valeurs morales et

éthiques. Partant, la finance islamique a pour finalité d’améliorer la condition de

l’homme, d’établir l’équité sociale et de prévenir l’injustice dans les échanges

commerciaux. C’est d’ailleurs là l’origine de l’interdiction de l’intérêt et de son

remplacement par un système de partage des profits et des risques.

Cette finalité rejoint celle de l’ISR tel qu’il s’est développé ces dernières années, à savoir

le développement durable, dans ses piliers économique et social : création de richesse

pour la société et amélioration de la qualité de vie humaine. Le pilier environnemental

n’est pas absent non plus de la finance islamique : un des fondements de l’islam est que

l’homme remplit un rôle d’intendance de la création divine. Ainsi, la création de Dieu, qui

ne se limite pas à la nature et l’environnement mais englobe également les hommes et la

société, appartient à Dieu et est confiée à l’homme ; il a donc un devoir d’administration

et de préservation à son égard. Corollaire que l’on retrouve souvent, le gaspillage et la

consommation inutile et superflue sont inacceptables.

Le lien entre religion et éthique des affaires a été plus largement étudié par un

groupement interreligieux réunissant des représentants des trois grandes religions

monothéistes (Christianisme, Islam, Judaïsme), à l’initiative des familles royales

britannique et jordanienne et sous le parrainage du prince Philip, duc d’Édimbourg, du

prince Hassan de Jordanie et de Sir Evelyn de Rothschild. Il en a été tiré quatre grands

thèmes de convergence entre ces trois religions, qui sont la justice, le respect mutuel, le

concept d’intendance confiée par Dieu, et l’honnêteté. La déclaration2 émise par ce

groupe de travail, qui se veut un code d’éthique des affaires commun aux trois religions,

développe les bonnes pratiques à adopter dans chacun de ces thèmes, notamment dans

la relation avec les parties prenantes.

Ceci étant, si beaucoup de ces bonnes pratiques, et plus généralement des principes

qu’on peut déduire des écrits de l’islam, sont des critères communément observés dans

le cadre de l’ISR, notamment pour l’approche de sélection ESG (Best-in-Class)

2 "An Interfaith Declaration: A Code Of Ethics On International Business For Christians, Muslims And Jews"

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IV. CONVERGENCES AVEC L’ISR

© Novethic 2009. Finance Islamique et ISR : convergence possible ? 15

récompensant les meilleurs comportements, la finance islamique n’en a pas fait des

critères d’analyse ni, a fortiori, de sélection contraignants.

Exclusions sectorielles

Si la finance islamique n’est pas spécialement proche du Best-in-Class, elle est en

revanche tout à fait en ligne avec la finance éthique. Les exclusions sectorielles, à

l’origine de l’ISR tel qu’on le connaît aujourd’hui, sont en effet issues de considérations

religieuses, protestantes et catholiques en l’occurrence. Il n’est donc pas surprenant que

la liste des secteurs prohibés soit sensiblement la même que dans le cas de la finance

islamique : alcool, pornographie, jeux d’argent, tabac et armement sont des activités

assez largement réprouvées, étant jugées nuisibles pour l’homme et la société.

Ceci dit, certaines exclusions sont particulières à la finance islamique, comme celle de

l’industrie financière ou celle de l’industrie des loisirs (musique, cinéma…). Ces secteurs

ne font d’ailleurs pas systématiquement l’objet d’une sortie de l’univers investissable.

Pour ce qui est de la filière porcine, elle est proscrite dans la mesure où la religion

musulmane interdit la consommation de viande de porc.

Exclusions normatives et Global Compact

Contrairement à ce qui peut se faire dans le cas de l’ISR, la finance islamique n’exclut

pas explicitement les émetteurs coupables des pires pratiques sociales et

environnementales. Néanmoins, une publication d’OWW Consulting3, cabinet de conseil

en RSE et ISR implanté en Asie du Sud Est, met en avant les convergences entre les

principes de l’islam et ceux du Global Compact.

Pour rappel, le Global Compact4 est une initiative des Nations Unies qui appelle les

entreprises signataires à respecter dix principes répartis en quatre catégories : droits de

l’homme, droit du travail, environnement et lutte contre la corruption.

Ces principes sont basés sur les textes de référence que sont la Déclaration universelle

des droits de l’homme, la Déclaration de l’Organisation Internationale du Travail relative

aux principes et droits fondamentaux au travail, la Déclaration de Rio sur

l’environnement et le développement, et la Convention des Nations Unies contre la

corruption. Il convient de noter que le Global Compact ne revêt aucun caractère

contraignant et ne fait pas l’objet d’un contrôle des pratiques des signataires.

Le rapport d’OWW Consulting montre bien la conformité des principes de l’islam à chacun

de ces principes, en notant des motivations parfois différentes ainsi que des exigences

parfois plus poussées. Il ne regarde pas pour autant la mise en pratique, beaucoup moins

effective, de ces principes dans la finance islamique.

3 Islam and CSR: The compatibility between the tenets of Islam and the UN Global Compact, disponible sur

http://www.oww-consulting.com/downloads/research/islam-and-csr/download.html

4 Détail des 10 principes sur http://www.unglobalcompact.org/

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IV. CONVERGENCES AVEC L’ISR

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Analyse par OWW Consulting de la compatibilité entre la Charia et les

principes du Global Compact

Droits de l’homme

La Charia, qui s’appuie notamment sur le Coran et les paroles du Prophète, prône des

principes tels que la démocratie (gouvernement par consultation), l’égalité des races,

des religions, des sexes, et le respect des non-musulmans et de la liberté de religion.

Le fait qu’on ne retrouve pas forcément ces principes dans la pratique, notamment

l’égalité des sexes, viendrait plus du fait de considérations culturelles et régionales que

religieuses, ou alors d’une lecture partielle et erronée des textes religieux. Le concept

de justice est également très ancré dans la religion musulmane. La liberté d’expression

est elle encouragée pour promouvoir le bien et le comportement juste, mais elle est

limitée dans le cas contraire. Quant à la protection de la vie privée, elle va au-delà de

ce qui se pratique dans les sociétés occidentales puisqu’elle prévaut même pour les

personnes jugées potentiellement dangereuses. L’islam considère enfin que le rôle de

l’État, outre le fait d’agir en consultation du peuple et avec son consentement, est

d’assurer l’indépendance du système judiciaire et de procurer au peuple des services

fondamentaux, comme l’assistance aux orphelins et aux personnes âgées ou malades.

Droits du travail

Ce pilier du Global Compact s’appuie sur les conventions fondamentales de l’OIT. Si la

liberté d’association n’est pas clairement abordée par la Charia, le travail forcé est lui

clairement prohibé. Le travail attendu doit être clairement défini, le travailleur doit être

rémunéré de façon juste dès l’accomplissement du travail demandé, et il ne doit pas

être tenu de fournir plus que ce dont il est capable. Concernant le travail des enfants,

il est stipulé qu’un contrat de travail doit se faire entre personnes considérées comme

adultes, c’est-à-dire ayant atteint la puberté (on peut trouver cette définition

discutable). La discrimination entre les personnes est, elle, décriée dans le dernier

sermon du Prophète, pour qui ce ne sont ni la race, ni la couleur, mais la droiture et

l’honnêteté qui font honneur aux yeux de Dieu.

Environnement

En s’appuyant sur le rôle d’intendance confié par Dieu, il apparait assez directement

que la protection de l’environnement est du devoir de l’homme. Ce principe

apparaitrait explicitement dans la Charia. Par ailleurs, l’islam prône la modération et

réprouve le gaspillage, ce qui inclut la consommation immodérée des ressources

naturelles.

Lutte contre la corruption

La corruption est considérée contraire à l’éthique puisqu’elle vise un traitement inégal

devant la loi et contrevient au principe fondamental de justice. La Charia, en se basant

sur les paroles rapportées du Prophète, condamne tant le corrupteur que le corrompu

et l’intermédiaire. Quant à la transparence, l’islam va très loin en exigeant notamment

un contrat clair et écrit pour chaque transaction, avec toutes les informations relatives

à l’article échangé et en condamnant toute dissimulation de défauts éventuels.

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IV. CONVERGENCES AVEC L’ISR

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OWW Consulting note cependant, pour l’ensemble de ces principes, un décalage entre

la théorie et la pratique. Les exemples les plus frappants concernent les pratiques

mitigées des pays musulmans dans l’égalité hommes/femmes ou encore dans les

indices de perception de la corruption. Performances que la société de conseil attribue

plutôt à des facteurs socioculturels qu’à des facteurs religieux. Et prône de ce fait

l’émergence d’un islam plus libéral et plus "européen", en vue de favoriser ces

principes de RSE et d’atténuer les influences culturelles spécifiques à l’Afrique et au

Moyen-Orient.

De là à attribuer une approche d’exclusion normative à la finance islamique, il n’y a qu’un

pas, qui semble cependant très loin d’être franchi. Les principes susmentionnés sont

globalement déconnectés de la sphère financière, et rien ne suggère aujourd’hui que la

finance islamique se dirige vers leur intégration systématique, ou même informelle, dans

ses investissements. Outre ce rapport d’OWW Consulting, peu de travaux se sont

réellement penchés sur les pratiques acceptables des entreprises, au-delà des activités

interdites et des ratios financiers. De même, les informations disponibles sur les Charia

boards de certaines banques islamiques ne suggèrent rien en ce sens.

Partage

Pour certains, la finance de partage est une forme d’ISR. Cette pratique consiste à

reverser une partie des bénéfices à des ONG ou des associations humanitaires.

La finance islamique pratique cette approche de deux façons :

■ La Zakat, un des cinq piliers de l’islam, qui peut se traduire par "aumône" ou

"dîme". C’est un impôt obligatoire qui représente un quarantième (2,5%) des

ressources financières, et est destiné aux plus démunis. Il sert d’une part à

purifier le croyant d’éventuelles pensées contraires à la religion (avarice,

cupidité…) et d’autre part à subvenir aux besoins de la société. Le client d’une

banque islamique peut autoriser celle-ci à le prélever directement et lui délègue

alors le choix du projet caritatif à financer.

■ Le financement de dispositifs de purifications, parfois également appelés zakat. Ils

concernent les opérations financières présentant une présomption de genèse

d’intérêt ou une activité jugée inévitable alors qu’elle est illicite. C’est le cas par

exemple de l’hôtel de luxe autorisé à vendre de l’alcool pour assurer sa viabilité

économique, moyennant une contribution régulière à la lutte contre l’alcoolisme.

En pratique

En vue d’évaluer dans quelle mesure ces points communs théoriques se traduisent dans

les pratiques de gestion, Novethic a interrogé plusieurs acteurs présentant une expertise

à la fois dans l’ISR et la finance islamique.

Du côté de l’offre, ont été interrogées trois sociétés de gestion concernées par les deux

démarches, deux suisses Pictet et SAM (Sustainable Asset Management) et une

britannique, F&C Investments. Du côté de la demande éventuelle, le fonds souverain

d’Abou Dhabi, ADIA (Abu Dhabi Investment Authority), a été contacté. Il ne se sent pas

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IV. CONVERGENCES AVEC L’ISR

© Novethic 2009. Finance Islamique et ISR : convergence possible ? 18

concerné par le sujet puisqu’il ne pratique ni l’ISR, ni une forme d’investissement

conforme à la Charia.

Enfin les avis d’ASrIA, association de promotion de l’ISR et de la RSE en Asie, et d’OWW

Consulting, société de conseil en ISR et RSE, ont été recueillis. Ces deux acteurs sont

implantés en Asie du Sud Est, seule zone géographique (hors Royaume-Uni) où se

développent parallèlement la finance islamique et de l’ISR.

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CONCLUSION : COMPATIBILITÉ ET COMPLÉMENTARITÉ

© Novethic 2009. Finance Islamique et ISR : convergence possible ? 19

Conclusion : Compatibilité et complémentarité

Le sentiment général qui domine parmi ces acteurs est que la finance islamique et l’ISR

sont compatibles, mais qu’ils ne convergent pas naturellement, d’une part car ils ne

mobilisent pas les mêmes expertises, et d’autre part car ils ne s’adressent pas à la même

clientèle. Cela est d’autant plus frappant chez Pictet que les équipes de gestion des deux

types de fonds, lancés de façon distincte, sont situées dans deux pays différents (la

Suisse pour l’ISR et le Royaume-Uni pour le fonds Charia-compliant). Même constat pour

OWW et ASrIA : en Asie du Sud Est, si les deux marchés se développent, la finance

islamique est plutôt présente en Malaisie, en Indonésie et à Singapour, alors que l’ISR

est mieux implanté au Japon et en Corée du Sud.

Pour ASrIA, l’ISR et la finance islamique ont en commun le fait d’être des alternatives à

la finance traditionnelle, mais les problématiques y sont analysées avec un regard

différent. Dans le même ordre d’idées, pour Geoffrey Williams d’OWW Consulting, deux

grandes différences subsistent :

■ En matière extra-financière, l’ISR va plus loin que la finance islamique, en ne

regardant pas uniquement le secteur d’activité mais également les pratiques

extra-financières. Les exclusions sectorielles ne sont par ailleurs pas

systématiques pour l’ISR : par exemple, les indices Dow Jones Sustainability

Indexes n’excluent pas tous des secteurs comme le tabac.

■ L’architecture financière de la finance islamique est très différente de la finance

classique occidentale, à cause de l’interdiction de l’intérêt et du rapport au risque

et à l’incertitude. De ce fait, il n’est pas toujours pertinent, voire possible, d’y

associer des critères de sélection applicables à la finance classique.

OWW insiste en tout cas sur l’absence de dialogue entre les acteurs des deux finances.

Même si l’ISR trouve ses origines dans la finance chrétienne, il a évolué depuis et les

financiers classiques sont très prudents vis-à-vis de la finance religieuse. Ils montrent un

intérêt limité pour ce qu’ils considèrent comme une niche, qui plus est si elle n’apporte

pas de surperformance (éventuellement moins de risque pour la finance islamique), et

préfèrent se tourner vers le créneau plus porteur des fonds environnementaux.

Peut-être la seule exception dans ce paysage vient de SAM. La société de gestion suisse,

experte dans l’analyse ESG des thématiques durables et des pratiques des émetteurs,

vient de lancer avec la banque islamique britannique Gatehouse un fonds Charia-

compliant axé sur la thématique de l’eau. Pour Daniel Wild, l’ISR et la finance islamique

se rejoignent sur deux principes fondamentaux :

■ L’idée que pour l’Islam, l’homme est un intendant qui doit préserver les

ressources naturelle est en phase avec le concept de développement durable tel

que défini par le rapport Brundtland, qui vise à préserver la capacité des

générations futures à subvenir à leurs besoins.

■ La finalité de la finance islamique qui est l’amélioration des conditions de vie et le

bien-être social est tout à fait convergente avec des thématiques de durabilité

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CONCLUSION : COMPATIBILITÉ ET COMPLÉMENTARITÉ

© Novethic 2009. Finance Islamique et ISR : convergence possible ? 20

comme l’eau. Ce sujet est d’autant plus crucial dans des régions comme le

Moyen-Orient où l’eau est un bien de plus en plus rare.

L’initiative portée par SAM et Gatehouse Bank leur semblait ainsi tout à fait cohérente.

L’équipe "Sustainability" de SAM a eu de nombreux échanges fructueux avec le Charia

board de Gatehouse, et ces derniers ont été très intéressés par les analyses thématiques

et ESG des émetteurs.

Cependant, plusieurs nuances sont à apporter à cette convergence. D’une part, l’idée de

SAM, acteur centré sur l’ISR, de lancer un produit Charia-compliant répondait à des

opportunités de marché avant de tenir compte d’éventuels recoupements dans la

philosophie. Mais de façon plus caractéristique, et malgré les échanges entre les deux

institutions, les expertises sont clairement délimitées, les équipes géographiquement

distinctes, et leurs tâches cloisonnées dans le processus de construction du fonds :

Gatehouse fournit à SAM la liste des entreprises Chariah-compliant dans l’univers de

départ, et SAM applique son processus extra-financier et financier à partir de là.

Cela ne remet pas en cause la particularité du projet porté par SAM et Gatehouse Bank,

qui reste un exemple très isolé de combinaison d’une stratégie ISR à la finance

islamique. Il n’est pas exclu que d’autres initiatives suivent cette voie ; une réflexion en

ce sens est déjà en cours chez le britannique F&C Investments.

La finance islamique, tout comme l’ISR, n’est pas un tout homogène. Elle est cependant

moins disparate que l’ISR, puisqu’elle s’appuie sur une loi, la Charia, certes sujette à

interprétation, mais dont une part importante des principes liés à la finance fait l’objet

d’un certain consensus. L’ISR prend lui plusieurs formes qui peuvent coexister sans

forcément se superposer : la finance éthique et ses exclusions sectorielles, la sélection

ESG des meilleures pratiques ou l’exclusion des pires pratiques, l’activisme actionnarial,

et en élargissant le champ de la finance responsable, la finance solidaire et de partage.

Si ces "finances" se rejoignent par une finalité globale favorable au bien-être social et à

un respect par l’homme de son environnement, la finance islamique est un système plus

normé qui fournit à la fois des directives financières et extra-financières. Ces dernières,

si on les compare à la finance responsable, convergent plutôt avec la finance éthique et

de partage, que ce soit dans la façon de faire ou dans l’objectif.

La finance islamique reste cependant compatible avec les autres approches de l’ISR :

même si elle n’adopte pas de critères de sélection extra-financière sur les pratiques des

entreprises, elle est en ligne avec les principes du Global Compact des Nations Unies, sur

lesquels s’appuient plusieurs gérants ISR dans le cadre d’exclusions normatives.

Partant, dans la mesure où les deux approches ne sont pas contradictoires dans leur

finalité, elles pourraient être non seulement compatibles, mais aussi complémentaires, la

prise en compte d’enjeux ESG apportant à la fois une valeur ajoutée éthique et

financière, notamment de limitation des risques. L’essor de la finance islamique et celui

de l’ISR ne semblent pas corrélés aujourd’hui, mais il appartient aux acteurs de place,

financiers, centres de recherche, agences de notation, ONG ou même régulateurs, de

favoriser leur rapprochement. Cela permettrait de développer conjointement ces

approches qui visent à encourager des pratiques plus éthiques, responsables et

transparentes, et de trouver de nouvelles clientèles, notamment pour l’ISR dans les pays

où il est aujourd’hui absent.

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ANNEXE : PRINCIPAUX MÉCANISMES FINANCIERS

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Annexe : Principaux mécanismes financiers

Moudaraba

La moudaraba est une opération mettant en relation un investisseur, qui apporte le

capital (financier ou autre) et un entrepreneur qui apporte son expertise. L’entrepreneur

est responsable de la gestion de l’activité, et les bénéfices (hors capital engagé et frais

de gestion de l’entrepreneur) sont partagés entre les deux parties selon une répartition

prévue dans le contrat. En cas de pertes, celles-ci sont supportées par l’investisseur,

l’entrepreneur perdant son apport en capital humain, c’est-à-dire la rémunération de son

temps de travail.

Figure 1 - Principe de fonctionnement de la Moudaraba

Investisseur (Rab el Mal)

Projet (investissement,

société)

Entrepreneur (Moudarib)

CAPITAL FINANCIER

RENDEMENT (2)

RÉMUNÉRATION (1)

CAPITAL HUMAIN(savoir-faire, expertise)

(1) Part des bénéfices en cas de profit ; sinon rien.(2) Part des bénéfices en cas de profit ; en cas de perte, l’investisseur assume l’intégralité des pertes.

Source : Paris Europlace, Rapport Jouini et Pastré

Une variante de cette opération est la moudaraba à deux volets, où la banque joue le

rôle d’intermédiaire. Elle a un rôle d’entrepreneur vis-à-vis des clients qui lui ont confié

leurs dépôts, et un rôle d’investisseur vis-à-vis des entrepreneurs des projets qu’elle

finance avec ces dépôts.

Moucharaka

La moucharaka est proche de la moudaraba, mais dans ce cas les deux parties apportent

du capital et se répartissent les profits et pertes au prorata du capital apporté.

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ANNEXE : PRINCIPAUX MÉCANISMES FINANCIERS

© Novethic 2009. Finance Islamique et ISR : convergence possible ? 22

Figure 2 - Principe de fonctionnement de la Moucharaka

Investisseur Projet Entrepreneur

CAPITAL FINANCIER

PART DES PROFITS ET DES PERTES

PART DES PROFITS ET DES PERTES

CAPITAL HUMAIN / EN NATURE / FINANCIER

Source : Paris Europlace, Rapport Jouini et Pastré

Mourabaha

Ce dispositif se substitue à un crédit bancaire traditionnel : la banque achète un actif

donné, et le revend au client moyennant un ou des paiements convenus d’avance. La

distinction avec un crédit est d’une part le fait que la banque devient propriétaire de

l’actif avant de le revendre, et se rémunère non pas par un intérêt mais par une

commission, qui ne varie d’ailleurs pas dans le temps. Si le résultat est le même, la

transaction a respecté l’adossement à un actif réel et la rémunération non pas de l’argent

mais d’un service rendu par la banque.

Figure 3 - Principe de fonctionnement de la Mourabaha

VendeurIntermédiaire Financier

Acheteur

TRANSFERT DE LA PROPRIÉTÉ DE L’ACTIF

PAIEMENT AU COMPTANT (100)

PAIEMENT À TERME(100+x, marge)

TRANSFERT DE LA PROPRIÉTÉ DE L’ACTIF

Source : Paris Europlace, Rapport Jouini et Pastré

Ijara

Ce mécanisme est proche de la mourabaha, sauf que l’acheteur est en fait locataire de

l’actif avec une option d’achat à l’issue de la durée de location. L’Ijara ressemble donc à

un crédit-bail, à la différence que l’acheteur n’est pas soumis à des pénalités en cas de

retard, et que c’est le bailleur qui supporte le risque de destruction ou de perte de l’actif

en tant que propriétaire de cet actif (sauf en cas de malveillance ou négligence de la part

du locataire).

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ANNEXE : PRINCIPAUX MÉCANISMES FINANCIERS

© Novethic 2009. Finance Islamique et ISR : convergence possible ? 23

Les deux mécanismes de mourabaha et ijara peuvent être utilisés comme substitut à un

crédit immobilier, la différence étant le transfert progressif de la propriété dans le cas de

la mourabaha, transfert qui n’intervient qu’à la fin du contrat d’Ijara.

Figure 4 - Principe de fonctionnement de l'Ijara

VendeurIntermédiaire Financier

Acheteur

TRANSFERT DE LA PROPRIÉTÉ DE L’ACTIF

PAIEMENT AU COMPTANT

PAIEMENT DE LOYER AVEC OPTION D’ACHAT

LOCATION DE L’ACTIF

Source : Paris Europlace, Rapport Jouini et Pastré

Takaful

Le terme takaful désigne un ensemble de personnes qui s’assurent mutuellement. Les

compagnies takaful ont ainsi un fonctionnement proche de celui des mutuelles

d’assurance, en ce sens qu’elles permettent de mutualiser les risques et répartir les

pertes éventuelles entre l’ensemble des assurés. Les membres d’une compagnie

d’assurance takaful sont à la fois assureurs et assurés. Ils détiennent les fonds, la

compagnie jouant le rôle de gestionnaire et se rémunérant par le biais de commissions.

Évidemment, les investissements qu’elle effectue grâce à ces fonds doivent être

conformes à la Charia.

Sukuk

Le sukuk est un certificat d’investissement conforme à la Charia, équivalent d’une

émission obligataire publique ou privée. Il doit être adossé à un actif tangible ou à

l’usufruit d’un actif tangible, et correspond généralement à un projet donné. La

rémunération versée est fonction de la performance de l’actif sous-jacent et non du

temps qui passe.

Une crainte qui apparait aujourd’hui est que le développement de nouveaux types de

mécanismes aboutisse à des produits complexes qui seraient conformes à la lettre de la

Charia sans en être fidèle à l’esprit, comme des produits permettant de spéculer.

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56, rue de Lille – 75007 PARIS Tel : +33 (0)1 58 50 98 14 – Fax : +33 (0)1 58 50 00 30

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Depuis 2001, le centre de recherche de Novethic propose son expertise aux professionnels et

anime des échanges entre différents acteurs : investisseurs, entreprises, ONG et autres parties

prenantes. Seule source de statistiques sur l’ISR en France, Novethic analyse ce marché d’un

point de vue quantitatif et qualitatif et évalue la qualité des processus de gestion ISR mis en

place par les sociétés de gestion.

FINANCE ISLAMIQUE ET ISR : CONVERGENCE POSSIBLE ?

Une étude réalisée par Samer Hobeika, centre de recherche ISR de Novethic,

sous la responsabilité d’Anne-Catherine Husson-Traore, directrice générale de Novethic