Finale Revue Litteraire Passerelle vol2N4

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description

vol2, N.r de la Revue Litteraire Passerelle dont le but est la prmotion de la littérature maghrébine d'expression Francaise

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Vol.2, N.1

Dans ce deuxième numéro du volume quatre de la Revue Lit-

téraire Passerelle, nous nous arrêterons sur la disparition regret-

table de l’ecrivain judéo-marocain d’expression francaise, Ed-

mond Amran El Maleh, ainsi que quelques consécrations dont

celles de Mahi Binebine pour le prix Mamounia et le prix Ar-

gana en poésie attribué à Tahar Benjelloun qui attestent de l’en-

gagement pérenne de la littérature maghrébine au sein de la

francité et pour maintenir le dialogue entre les deux rives.

Un arrêt aussi sur le premier salon des éditeurs électroniques à

Montréal, mandaté par Bookcamp, partenaire québecois de

l’édition en ligne. Cette initiative révéle des intentions réelles à

continuer l’interaction et l’innovation à ce niveau. Quelques in-

terventions aussi sur la situation de la culture au Maroc ainsi

qu’un court périple sur l’auteur marocain Tahar Benjelloun réap-

proprié à travers quelques citations idiomatiques de sa littérature.

La persévérance de la Revue Littéraire Passerelle à oeuvrer pour

la promotion de nos auteurs maghrébins s’inscrit dans la dy-

namique de l’interpellation de notre mémoire collective littéraire

dans l’espace et le temps. Nos prochains numéros verront plus

de diversifications sur le contenu et plus de matières sur la relève

maghrébine et francophone.

Bonne année 2011

Sommaire Bookcamp Montréal Page 3 -Mahi Binebine, lauréat Mamounia Page 5 -Décès de Edmond El Ma-leh Page 7 -La culture entre le mar-teau et l’enclume Page 10 -Le devoir de la fraternité Page 20 -Tahar Benjelloun, prix poésie Argana Page 22

-ACLJ, une Association pour la création jeunes Page 26 -MLM: auteurs de la dias-pora marocaine Page 31

ISSN: 1911-4427 Www.e-passerelle.ca [email protected]

REVUE LITTÉRAIRE PASSERELLE, VOL.2, N.4

Décembre 2010

Éditorial

Par: Kamal Benkirane

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Bookcamp Montréal: le premier regroupement

des éditeurs électroniques au Bibliocafé

Les participants ont tenté ensemble de répondre à des questions de cet ordre: Com ment pouvons-nous aujourd’hui, au Québec, favoriser la diffusion et la production de contenu littéraire de qualité? Quelles sont les possibilités et les défis qu’offre le numérique aux différents intervenants du milieu du livre? Comment éditeurs, libraires et bibliothécaires peuvent-ils travailler ensemble pour faire avancer l’édition numérique québécoise? Quelles sont les nouvelles expérien- ces de lecture et les nouvelles formes d’écriture? Quels projets pouvons-nous entre- prendre dès maintenant? Cette initiative a été parrainée par Kobo qui est un service mondial de livres numé- riques multiplateformes soutenu par de nombreux actionnaires, dont Indigo Livres et Musique, la plus grande librairie canadienne. Kobo croit que les consommateurs devraient être en mesure de lire n’importe quel livre sur n’importe quel appareil. .

Ça y est! le premier BookCamp en sol montréalais vient d’avoir lieu! L’événement a réuni tout les intéressés à la question du livre et de l’édition, à commencer par les professionnels du milieu, et ce pour une journée entière de réflexions et de concertations.

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Reste à savoir à quel point de telles manifestations peuvent interpeller l’ensemble des éditeurs électroniques sur la problématique du prix unitaire du livre. On sait d’avance que de tels débats sur le prix du livre continuent de susciter la polémique en France. La question qu’on ne s’empêchera pas de poser continuellement et surtout au Québec serait: Quelles sont les réelles balises de l’édition électronique pour contourner la problématique du prix unitaire du livre et comment la mettre dans ce contexte- ci?

Bookcamp Montréal: le premier regroupement

des éditeurs électroniques au Bibliocafé

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Mahi Binebine, lauréat de la première édition du Prix Littéraire de La Mamounia Le samedi 6 novembre 2010, c’est à l’auteur Mahi Binebine pour son roman « Les étoiles de Sidi Moumen » (Flammarion -2010), que le premier jury du Prix Littéraire de La Mamounia a décerné cette récompense, une dotation de 200 000 Dirhams. En élisant Mahi Binebine premier lauréat du Prix Littéraire de La Ma-mounia, le jury, présidé, par le journaliste-animateur français Guil-laume Durand, salue la qualité romanesque de l’oeuvre, et à travers un thème grave, le livre fait l’éloge de la vie, qui pose la question de la violence dans sa dimension universelle. Peintre exposé au Guggenheim à New York, autant qu’à la Biennale de Venise, roman-cier traduit dans plusieurs pays, Mahi Binebine vit aujourd’hui à Marrakech. « Les étoiles de Sidi Moumen » est un roman tragique et lumineux, plein de mauvaises farces et de drames muets, d’errances et de poussière, d’amitiés et de trahisons. Yachine raconte comment il a grandi vite et est mort encore plus vite, à Sidi Moumen, cité en li-sière de Casablanca, parmi ses dix frères, une mère qui se bat contre la misère et les mites, et un père ancien ouvrier, accroupi à son chapelet pour l’éternité. C’est un enfer terrestre qui a l’odeur des décharges publiques devenues terrains de foot, du haschich et de la colle qui se sniffe, des plongeons interdits dans la rivière ta-rie,des garages à mobylettes déglinguées. Alors, quand on leur pro-met que le paradis est à la porte d’en face, qu’ont-ils à perdre, lui est sa bande d’amis « crève – la – faim » ?

Source: eMarrakech

Les oeuvres de Mahi Binebine : • Le griot de Marrakech, éd. de l'Aube, (ISBN 275260212X) • Cannibales, éd. de l'Aube, (ISBN 2752601557) • Terre d'ombre brulée, éd. Fayard, (ISBN 2213617627) • Le sommeil de l'esclave, éd. Stock, (ISBN 2234024889) • L'écriture au tournant, co-auteur Abdellatif Laâbi, éd. Al Manar, (ISBN 291389609X) • Pollens, éd. Fayard, (ISBN 978-2-213-60996-6) • Les étoiles de Sidi Moumen, éd. Flammarion, (ISBN 978-2081236363)

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Quatrième de couverture « Quoi ? Je divague ! Et alors ? Que puis-je faire d’autre maintenant que la solitu-de me consume et que je rôde comme un fantôme étranger sur le royaume de mes souvenirs d’enfant. Je n’ai pas honte de vous dire qu’il m’est arrivé d’être heureux dans ces décombres hideux, sur les ordures de ce cloaque maudit, oui, j’ai été heureux à Sidi Moumen, mon pays. » Yachine raconte comment il a grandi vite et est mort encore plus vite, à Sidi Mou-men, cité en lisière de Casablanca, parmi ses dix frères, une mère qui se bat contre la misère et les mites, et un père ancien ouvrier, reclus dans son silence et ses prières. C’est un enfer terrestre qui a l’odeur des décharges publiques deve-nues terrains de foot, du haschich et de la colle qui se sniffe, des plongeons inter-dits dans la rivière tarie, des garages à mobylettes déglinguées. Alors, quand on leur promet que le paradis est à la porte d’en face, qu’ont-ils à perdre, lui et sa bande d’amis « crève-la-faim » ? Un roman tragique et lumineux, plein de mauvaises farces et de drames muets, d’errances et de poussière, de fraternités et de trahisons. Mahi Binebine est pein-tre, sculpteur et romancier. Il vit à Marrakech.

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Décès d’Edmond Amran El Maleh:Décès d’Edmond Amran El Maleh:Décès d’Edmond Amran El Maleh:Décès d’Edmond Amran El Maleh:

l ’homme au parcours immobilel’homme au parcours immobilel’homme au parcours immobilel’homme au parcours immobile

Biographie Edmond Amran El Maleh, né le 30 mars 1917 à Safi, est un écrivain et intellectuel maro-cain, né au sein d'une famille juive originaire d’Essaouira. Il a été responsable du Parti Communiste Marocain(alors clandestin), il a milité pour l'indépendance nationale du Maroc2. Il a été professeur de philosophie au lycée de Casablanca, puis, cessant toute activité politique, il a quitté le Maroc en 1965. El Maleh a été ensuite professeur de philosophie et journaliste à Paris. À partir de 1980, à 63 ans3, il s’est mis à écrire une série de romans et un recueil de nouvelles. Ses écrits sont tous imprégnés d'une mémoire juive et arabe qui célèbre la symbiose culturelle d'un Maroc arabe, berbère et juif. Il revient au Maroc après le décès de sa femme. Il meurt à Rabat le 15 novembre 2010, à l'âge de 93 ans, et est inhumé à Essaouira. Il a reçu, en 1996, le Grand Prix du Maroc pour l'ensemble de son oeuvre. Oeuvres • Parcours immobile, Maspéro, 1980, réédité par André Dimanche, 2001 • Aïlen ou la nuit du récit, La Découverte, 1983, réédité par André Dimanche, 2000 • Jean Genet, Le Captif amoureux et autres essais, La Pensée sauvage/Toubkal, 1988 • Mille ans, un jour, La Pensée sauvage,1986, Le Fennec, 1990, réédité par André Dimanche, 2002 • Le Retour d'Abou El Haki, La Pensée sauvage, 1990 • Abner, Abnour, La Pensée sauvage/Le Fennec, 1996 • La maIle de Sidi Maâchou, Al Manar, 1998 • Le café bleu. Zrirek , La Pensée sauvage, 1999 • Une femme, une mère , La Pensée sauvage, éditions Lixus, 2004 • Lettres à moi-même , Le Fennec, 2010

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Edmond Amran El Maleh (suite)

Bibliographie • Bouazza Benachir, Edmond Amran El Maleh, cheminements d’une écriture, Paris, L’Harmattan, 1997. • R. Benjelloun, « Entretien avec E. A. El Maleh », Jeune Afrique, no 1724, du 20 au 26 janvier 1994, p. 57. • Abdallah Mdarhri-Alaoui, « Tendances de la littérature marocaine actuelle : l’exemple de E. A. El Maleh et A. Serhane », in Charles Bonn, Naget Khadda et Abdallah Mdarhri-Alaoui (dir.), Littératures maghrébines d’expression française, Paris, Edicef-AUPELF, 1996 ; article également disponible sur Internet à l’adresse suivante • Marie Redonnet, Entretiens avec Edmond Amran El Maleh, Rabat / Grenoble, Pulications de la Fondation Edmond Amran El Maleh / La pensée sauvage, 2005. • Mohammed Habib Samrakandi, Mohamed Saad Eddine El Yamani, (dir.), « Le Droit à la mémoire. Présences d’Edmond Amran El Maleh », Horizons Maghrébins, no 7, 1994.

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Edmond El Maleh Par: Tahar Benjelloun

C’est sans doute par hantise de la perte que j’ai souvent fait l’éloge de l’amitié. L’absence envahit le temps, se mêle aux objets, dérange les choses puis s’insinue comme une poussière grise entre l’ongle et la peau. Un ami qui s’en va, même si des années durant, des signes nous avertissent par charité, est un fait inadmissible. Et pourtant on s’y est préparé, on s’est imaginé sans cet être puis notre lâcheté nous joue des tours et nous voilà face au vide, à cette nausée qu’on renvoie au ciel. Derrière des portes immenses qui ont du mal à s’ouvrir, les souvenirs se précipitent dans le désordre. Ils nous tirent du grand silence puis nous abandonnent avec nos illusions. Le deuil s’annonce comme le visiteur inattendu. Cela ne s’apprend pas. Chaque fois c’est différent. La douleur change de couleur. Il s’appelait Admond Amran El Maleh. Juif, né à Safi. Il avait mis beaucoup de temps avant de se mettre à écrire. Il avait du mal à tenir entre ses doigts un stylo. Il s’en amusait. Alors il a attendu que les mots trouvent leur chemin, que les événements qu’il a vécus au Maroc en tant que militant communiste clandestin s’éclaircissent, parviennent à la maturité évidente. En mars 1965, il avait déjà quitté le parti, il enseignait la philosophie dans un lycée de Casablanca, il est arrêté par la police qui le maltraite ; c’était juste après les manifestations de lycéens et d’étudiants qui furent férocement réprimées par le Général Oufkir. L’exil s’imposa à lui. Il le vit douloureusement, vint avec sa femme à Paris et connut des jours difficiles. Le Maroc, la terre marocaine, l’air, le soleil, le vent, la poussière, les parfums du Maroc lui manquaient. Il détestait la nostalgie. Il ne se voyait pas autrement que citoyen marocain, refusant énergiquement de prendre la nationalité française, allant chaque année tôt le matin faire la queue devant la préfecture de la Cité pour renouveler son titre de séjour. Là, il retrouvait des compatriotes, se liait d’amitié avec certains, parlait arabe avec eux, les invitait chez lui. Il était fier d’être marocain et ne supportait pas la moindre critique de son pays. On ne pouvait pas dire que les oranges marocaines étaient cette année moins bonnes que celles d’Espagne, ni que l’huile d’argane avait un goût trop fort. L’exil avait besoin de se raconter. Alors Edmond se mit devant une vieille machine à écrire et écrivit d’un jet un texte admirable « Parcours immobile » que François Maspero publia en 1980 dans la collection « Voix » (réédité en 2001 par André Dimanche ainsi que le deuxième roman « Aïlen ou la nuit du récit »). Sa langue maternelle était l’arabe dialectale. Il dira plus tard « Ecrivant en français, je savais que je n’écrivais pas enfran-çais. Il y avait cette singulière greffe d’une langue sur l’autre, ma langue maternelle, l’arabe, ce feu intérieur ». Un jeune écrivain de 60 ans, salué par la critique. Mais il avait besoin de revoir le pays, de le revivre dans sa chair, dans son cours quotidien. C’était l’époque des années de plomb. L’état d’exception régnait au Maroc. Il fit le voyage, l’angoisse et l’émotion le paralysaient. Ces retrouvailles avaient pour lui une importance vitale. Des amis étaient là ; un bonheur incomplet, car il constatait combien le pays était malade, abîmé, figé après les deux coups d’Etat contre Hassan II, devenu encore plus policier, plus arbitraire qu’avant. Mais Edmond nourrissait l’espoir de voir son pays sortir du tunnel. Ses plaisirs étaient simples : aller au marché, parler avec la paysanne vendant son fromage, acheter l’huile d’argan chez l’épicier berbère. Car Edmond était un grand cuisinier. En fait il l’était devenu avec l’exil. C’était une façon de rester en contact avec la terre de ses ancêtres. Ses livres furent traduits en arabe. Il était devenu une figure de légende, non pas en tant que juif se revendiquant avant tout Arabe et Marocain, défendant sans concession la cause du peuple palestinien, mais en tant qu’intellectuel qui ne ressemblait à personne, exigeant et dissident, nourri par la philosophie de Walter Benjamin, de Cornelius Castoriadis et de Claude Lefort dont il était proche. Il s’intéressait beaucoup au groupe de l’Ecole de Francfort et fréquentait Jürgen Habermas. De retour au Maroc après le décès de sa femme, Edmond ne connut à aucun moment la solitude du veuf. Il était entouré d’amis de différentes générations. Les peintres du Maroc l’appréciaient particulièrement parce qu’il avait un sens subtile de la création des arts plastiques ; il suivait leur travail et écrivait sur certains. Sa maison de Rabat était ouverte. Les amis passaient, prenaient un thé, bavardaient avec lui puis laissaient la place à d’autres qui venaient juste pour le plaisir d’être en sa compagnie et profiter de son sens de l’humour. Il avait connu Jean Genet, mais ce dernier n’avait pas été attentif à ce qu’il pouvait représenter. Plus tard Edmond écrira un superbe texte sur « Un Captif Amoureux ». Edmond El Maleh a traversé le siècle en cultivant le doute et se méfiant des illusions idéologiques. Ce fut en vue de l’indépendance du Maroc qu’il s’était engagé dans le Parti communiste marocain, qu’il a milité dans la clandestinité et que dès que le pays fut souverain, il quitta sa cellule qui se laissait berner par le culte stalinien. Il évoque cette époque de sa vie dans « Parcours immobile », mais le plus important dans cet itinéraire fut la consolidation de son identité judéo-arabe, son ancrage dans les milieux populaires du Maroc, son attachement viscéral à la terre natale et à l’histoire de la symbiose culturelle entre juifs et musulmans telle qu’elle a été décrite dans plusieurs ouvrages par un autre juif marocain, Haïm Zafrani

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Donner en faisant confiance qu’on ne se fera pas avoir, c’est la base de toute société. S’il n’y a pas cette confiance, il n’y a pas de société possible. C’est la lutte contre le déterminisme, contre la nécessité, «tu n’aurais pas du, ce n’était pas nécessaire», dit-on à celui qui nous offre quelque chose, libérant ainsi l’acte de l’ordre de la nécessité. Le don s’oppose aux systèmes mécanistes et déterministes pour se rapprocher de la vie.

(Jacques T. Godbout) (Le langage de la vie)

La création du site culturetoute.net mandaté par le récent prix Goncourt de la poésie Abdellatif Lâabi met à jour une séquelle de concertations sur un manifeste de la culture au Maroc proposé ouvertement par cet auteur de renommée à toutes les instances culturelles et politiques du pays. Rappelons brièvement les points saillants de ce pacte de la culture : -L’impulsion d’un plan d’urgence pour éradiquer l’analphabétisme. -La constitution d’un haut comité scientifique interdisciplinaire auquel sera confiée la mission d’établir l’état des lieux et des besoins dans les domaines de l’éducation, de la culture et de la recherche scientifique. -Le lancement d’un plan visant à doter le pays (des grandes villes aux petites en passant par le milieu rural) des infrastructures culturelles qui manquent cruellement: bibliothèques publiques, maisons de la culture, salles de cinéma, théâtres, conservatoires de musique, écoles de formation des gestionnaires et des animateurs des structures précitées. -L’institution d’un Centre national des arts et des lettres qui aura pour mission de tisser les liens avec les créateurs, d’être à leur écoute, de leur faciliter le contact avec leur public. -La création d’une Agence pour la promotion de la culture marocaine à l’étranger tant en direction du public international que des communautés marocaines. -La mise en chantier d’un plan de sauvetage de la mémoire culturelle marocaine comprenant au moins deux volets : la mémoire contemporaine et la mémoire du passé De ce fait, la question clé qu’on ne peut s’empêcher finalement de poser : comment porter ce plan à une réalisation effective de tout ces points? Sur ce même site, plusieurs réactions d’intellectuels marocains convergent vers les mêmes priorités à savoir, entre autres, la place des langues qui est au coeur de la crise du système éducatif à deux vitesses que le pays vit, ainsi que la lutte contre l’analphabétisme et la nécessité d’une reforme profonde dans le système de l’éducation. Durant des décennies, ces questions n’ont pas vraiment abouti aux résultats escomptés. On en est à discourir encore au niveau des moyens mis en disposition pour aller de l’avant avec la culture et au niveau de la responsabilité des grandes institutions pour parrainer les grands chantiers culturels. Il est vrai que le Maroc émet de la culture mais ne dispense aucune formation pour la réception de cette culture dans tous ses composants et dans toute sa diversité. Non pas que les événements culturels sont absents, il arrive souvent qu’on soit servis d’informations sur tel ou tel festival ou tel salon du livre, informations qui véhiculent plus l’hémisphère que la sphère, dans le sens qu’on ignore potentiellement ce qui se passe dans les coulisses, ce qui se trame par delà le contenant et le contenu. Et c’est ainsi que la situation de la culture se trouve entre le marteau et l’enclume tant que la bonne foi n’est pas de mise et tant que de vrais financements ne seront pas investis pour une réelle libération des énergies.

LA CULTURE ENTRE LE MARTEAU ET L ’ENCLUME PAR: KAMAL BENKIRANE

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Libérer les potentialités Il est judicieux de s’éveiller aux singularités des formes marocaines par une réforme profonde de la pensée dans l’éducation, par l’incitation à la lecture et l’écriture et par la sensibilisation à l’histoire et au patrimoine du Maroc. C’est par le contraste des modèles qu’on peut libérer le champ individuel, par les tendances inhérentes aux nouvelles formes d’expression et par la promotion efficace des artistes de la relève, ceux qui porteront le flambeau de la renaissance du volet culturel pour l’avenir. On ne peut nier l’importance des chantiers entrepris les dix dernières années au Maroc dans tous les secteurs et qui dénotent d’une réelle volonté d’aller de l’avant pour l’avenir. Le mouvement «Nayda»1dans tous ses paramètres culturels en est un exemple récurrent de ce que la jeunesse exprime comme créativité surtout dans le domaine musical. Pourtant, il y a lieu de se demander dans ce contexte si on est devant un courant qui privilégie la création pure et simple, ou tout simplement devant des acteurs exhibitionnistes, prônant des modules improvisés, inspirés d’horizons étrangers, sous prétexte que désormais la mondialisation, et ses vocables sur l’ouverture au monde, favorise ce genre de créations! Ce n’est pas pour censurer les efforts de ces artistes qui expriment leurs préoccupations avec le matériel de bord, mais le devoir d’objectivité et de sincérité nous contraint à un sens critique envers tout ce qui permettrait à notre culture de ne pas côtoyer la médiocrité et ses méandres. On a comme l’impression d’être devant des artistes orphelins de la créativité et qui, au lieu d’oeuvrer pour l’originalité, prêchent plutôt dans les bas fonds d’une créativité puisant dans une réappropriation de modules aliénants, exogènes aux specifités de la culture marocaine. Ce n’est pas par la facilité et la redondance qu’on peut revendiquer l’originalité de notre culture. Ce n’est pas pour rien que des acteurs du milieu culturel en démordent quant à la vraie définition de ce que sera un vrai essor de la culture au Maroc. Nous parlons de la culture en tant que notion d’unité et de complexité qui doit avoir pour but de se recentrer sur l’éducation par la régénération des savoirs, par la nécessité de valoriser la mission de nos médiateurs culturels, de nos enseignants, de nos intellectuels, etc. Le contexte de la société d’accueil Il est vrai que la particularité de chaque nation diffère selon ses spécifités économiques géographiques et culturels. Par ailleurs, on n’insistera jamais assez sur l’importance de l’esprit novateur. En prenant le cas du Québec, le développement de la culture a été mandaté par l'industrialisation de Montréal puis du Québec entier avec la seconde guerre mondiale. Après que la radio, le cinéma et la télévision québécoise ont posé les jalons du développement d'une culture collective, ceci se poursuivra pendant la révolution tranquille dans les années soixante avec une révolution des idées d'origine fondamentalement culturelle. Bref, depuis lors, les actions du Québec appuyés par la grande vitalité des artistes québécois ont permis de faire émerger dans le monde l’image d’un Québec dynamique qui va de l’avant avec ses potentialités.

LA CULTURE ENTRE LE MARTEAU ET L’ENCLUME (SUITE)

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Il va sans dire que beaucoup de pays émergeants ont prouvé dans les dernières décennies qu’il est possible d’aller de l’avant pour ce qui est du volet culturel par l’application de plans rigoureux favorisant des partenariats multilatéraux. Les exigences d’aujourd’hui nous acheminent vers l’identité des cultures comme humanité commune, et c’est de notre devoir d’y réfléchir mûrement, de s’y accrocher pour célébrer la mémoire de notre propre patrimoine. C’est avec un esprit novateur qu’on peut mieux appréhender l’altérité, dans le sens de s’ouvrir par la multiplicité des héritages contrastés de notre pays, de devoir mettre les financements nécessaires à des projets culturels potentiels, tout en restant interactif vis-à-vis de la génération future d’artistes qui prendra la relève. Finalement, le pacte de la culture de Abdellatif Laâbi met au diapason le pouls de la culture au Maroc tout en relançant et en interpellant une certaine classe politique sur ses propres responsabilités et réitère à tout les marocains du monde la contrainte de devoir fédérer les énergies, et la nécessité de faire primer des partenariats continuels et efficaces entre partenaires politiques et partenaires culturels. Et pour autant que le rôle de la culture est intrinsèque à l’épanouissement personnel des individus et dans la préservation de la mémoire du passé et du présent, et pour autant que l’apport de l’action participative est capitale par le don de soi et le sacrifice dans l’espace où nous vivons, l’heure n’est-elle pas venue de poser les premiers jalons du regroupement des auteurs et créateurs marocains du Canada? Gageons que, par cette suggestion ouvertement proposée, un débat sérieux avec tous les acteurs culturels finira par être engagé puisqu’il est temps plus que jamais de coordiner ensemble entre Canado-Marocains, auteurs créateurs de bonne foi, ceux intéressés par l’idée de ce futur regroupement parmi les autres regroupements naissants de notre communauté, et qui, espérons le, verra le jour, un jour!

LA CULTURE ENTRE LE MARTEAU ET L’ENCLUME (SUITE)

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Les définitions de la culture abondent et s’avèrent parfois contradictoires. Cette sensation de paradoxe réside dans l’amalgame fait entre la culture au sens humaniste du terme (l’apanage de l’homme cultivé à apprécier les arts et les belles-lettres) et la culture dans ses significations anthropologiques (l’ensemble des traits distinctifs qui caractérisent le mode de vie d’une société). Ce que le gourou de la culture Geert Hofstede appelle le logiciel du cerveau. D’un côté, les termes de culture ou de culturel sont d’un contenu si riche, et si subjectif, qu’à la limite on pourrait soutenir qu’il n’est pas d’activité humaine qui ne soit culturelle. D’un autre côté, souvent la culture se trouve tellement diluée qu’elle en devient un fourre-tout. Ainsi, si l’on considère la place qu’occupe la culture dans la Constitution marocaine de 1996, on trouve que la seule mention du terme “culturel” figure dans la dernière phrase de l’article 60 du titre IV relatif à l’action du gouvernement : “… dans les domaines intéressant la politique économique, sociale et culturelle…” . L’adjectif culturel arrive le plus souvent de cette manière, à la suite d’une série d’autres, comme rajouté in extremis, alors que du point de vue anthropologique cette façon de faire n’a pas de sens, étant donné que le politique, comme l’économique et le social, fait partie de la culture. D’ailleurs, cette même ambiguïté se retrouve au niveau des droits de l’homme. Meyer-Bisch (2) distingue trois générations des droits de l’homme : les droits civils (première génération), les droits sociaux (deuxième génération) et les droits culturels (troisième génération). Le droit à l’éducation fait partie des droits de la troisième génération, c’est-à-dire que les droits culturels ont été appréhendés comme moins fondamentaux que les droits civils et sociaux, alors que l’éducation conditionne la jouissance effective des autres droits. Il faut préciser que la question de la culture et de la politique culturelle au Maroc a un caractère complexe et intense. Si, globalement, l’objectif est de sortir de la marginalité et du sous-développement, le niveau de départ est délicat. Il s’agit de la coexistence de deux cultures : une culture traditionnelle antérieure au protectorat, qui survit bien qu’elle ait souvent perdu de sa vitalité et de sa fonction originelle, et une culture “moderne” introduite par le protectorat. Dans ces conditions, l’organisme responsable de l’administration de la culture se trouve confronté à une tâche difficile et extrêmement complexe : il faut moderniser, c’est-à-dire rattraper le retard du pays, mais également préserver le patrimoine — ce qui ne se limite pas à maintenir un folklore vivant. Dans une situation de ce type, la question des rapports entre “culture moderne” et “culture autochtone” se pose avec acuité : il s’agit de reforger une identité nationale, c’està- dire réussir une symbiose entre notre patrimoine traditionnel et les aspects les plus bénéfiques et porteurs de progrès de la culture occidentale. Pour tenter une évaluation critique de l’action de l’Etat dans le domaine culturel et son impact sur la production intellectuelle et artistique marocaine, j’ai organisé mon travail en deux parties. ,

Culture et politique culturelle au Maroc Par Amina Touzani

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Culture et politique culturelle au Maroc (suite)

La première suit un plan chronologique. Elle concerne l’émergence d’un domaine culturel moderne, avec la création en 1912 par le régime du protectorat du Service des beaux-arts et son évolution dans le Maroc indépendant. La deuxième — étant donné que le développement culturel s’apprécie par sa production — a porté spécialement sur quatre secteurs du champ culturel marocain : le livre, le théâtre, le cinéma et le patrimoine. Le choix de ces secteurs n’est pas fortuit. La politique culturelle ’une des caractéristiques de la politique culturelle au Maroc est qu’elle s’exprime peu en textes écrits et qu’elle est sous-analysée. En l’absence d’études, d’enquêtes et de statistiques fiables, elle donne lieu à toutes les interprétations et manipulations possibles et fonctionne en circuit fermé, alors qu’on ignore souvent son impact sur la société. Il convient de rappeler que, par essence et par expérience, le domaine culturel est particulièrement sensible. C’est à partir de revendications d’ordre culturel — le Dahir berbère, entre autres — que se sont déclenchés les grands mouvements de masse qui ont débouché sur l’indépendance. Au Maroc, la politique culturelle n’est devenue explicite qu’à partir de 1974 où après maintes tergiversations entre différents ministères, un département autonome de la culture a été créé. J’ai donc mené une réflexion sur les raisons qui ont précédé la création de ce département. L’idée de doter le Maroc d’une administration de la culture répondait-elle à un besoin d’imitation, dans la mesure où avoir un ministère de la Culture constituait un signe de modernité, ou exprimait-elle une véritable volonté de modernisation ? Celle-ci était-elle ressentie comme un besoin précis ou bien cédait-on encore à l’utopie de croire qu’on pouvait résoudre des questions aussi complexes que celles de la culture par de simples décisions administratives ? Quelle est la mission de ce département ? Quelles fonctions est-il censé remplir ? Et quel est l’impact de cette institution sur la culture marocaine ? Pour répondre à ces questions, j’ai passé d’abord en revue les conditions sociales et idéologiques de l’émergence du ministère des Affaires culturelles, ensuite j’ai essayé de clarifier les objectifs de ce dernier, d’analyser les moyens mis en oeuvre pour les réaliser. Car, si on considère la culture comme outil de changement, quel est notre pouvoir de création en tant que société ? J’ai divisé la première partie en trois chapitres. Le premier couvre la période allant de l’émergence du premier organe administratif relatif aux beaux-arts, fondé en 1912, jusqu’à la création, dans le Maroc indépendant, du premier ministère chargé des Affaires culturelles, en 1974. J’ai consacré une section à chaque ministre pour la raison suivante : au Maroc, la culture étant un domaine moins clairement circonscrit que les autres, sa conception et ses objectifs dépendent énormément de la personnalité du ministre qui en a la charge. Ils varient aussi avec le temps. L’appareil de police, l’institution financière ou le système éducatif, si complexes qu’ils soient, sont bien définis. Dans le domaine de la culture, il en va autrement. Ce qui entraîne une personnalisation du “pouvoir culturel” au profit du ministre qui, de manière souveraine et en fonction des moyens budgétaires mis à sa disposition par le gouvernement, choisit les projets et les met en chantier. Le dernier chapitre intitulé Démocratisation culturelle est consacré aux moyens

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facilitant l’accès à la culture, à savoir les infrastructures et l’éducation artistique

L’action du ministère des Affaires culturelles La fonction première d’un ministère des Affaires culturelles (MAC) consiste à offrir les conditions d’accès à la culture. Car, si aucun gouvernement n’a le pouvoir de faire naître la haute culture, il lui incombe du moins de créer un climat favorable à son épanouissement. Précisément parce que la création ne s’enseigne ni ne se commande, elle doit être cultivée, et c’est la raison d’être, en principe, d’une action culturelle étatique. Il existe deux moyens pour l’accomplissement de cette fin : l’éducation artistique et culturelle, et l’exposition aux grandes oeuvres que les infrastructures telles que bibliothèques, musées, théâtres rendent possible. L’éducation artistique L’accès à la culture exige la maîtrise d’un code auquel il faut être initié. C’est l’éducation artistique qui fournit ce code indispensable. Par éducation artistique, j’entends en premier lieu l’enseignement fondamental, et l’enseignement artistique spécialisé dispensé dans des établissements tels que les conservatoires de musique et les écoles des beaux-arts. En ce qui concerne l’enseignement fondamental, en principe les programmes comportent huit unités pédagogiques, dont une consacrée à l’éducation artisti-que et esthétique. En pratique, l’enseignement artistique est très peu connu dans notre système éducatif. L’absence de véritable initiation artistique dans les écoles porte un grave préjudice à l’équilibre mental et psychologique des enfants. Il contribue à créer une dichotomie entre l’école et les arts, entre la formation de l’intellect et la formation des sens. N’étant pas formés aux valeurs esthétiques de la civilisation moderne, les élèves se trouvent réduits à devenir des consommateurs passifs. La formation artistique Il n’existe pas au Maroc d’enseignement des arts au sein de l’université. En revanche, on trouve un noyau d‘institutions spécialisées relevant du MAC : - les écoles des beaux-arts de Casablanca et de Tétouan ; - 21 conservatoires de musique et de danse ; - l’Institut national des sciences de l’archéologie et du patrimoine (INSAP) ; - l’Institut supérieur des arts dramatiques et de l’animation culturelle (ISADAC), ouvert en 1987 pour former des cadres spécialisés dans les métiers du théâtre et de l’animation culturelle. La formation aux métiers culturels et artistiques est un des procédés qui aurait permis au MAC d’investir le domaine culturel. Mais l’examen du dispositif d’enseignement artistique nous montre la fragilité du réseau de formation et surtout son inadéquation qualitative aux besoins du pays, notamment dans les domaines de la scénographie, du cinéma, de la télévision, du graphisme de publicité, de la muséographie, de la restauration… des filières pour lesquelles la demande existe mais la formation est absente.

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Les infrastructures Les équipements culturels : bibliothèques, musées, théâtres, cinémas et conservatoires de musique, constituent le chaînon nécessaire à la rencontre entre les oeuvres et le public. Or, une fois qu’on a fait l’inventaire des équipements du MAC, ce qui frappe c’est d’abord le sous-équipement du territoire national, et ce selon les normes minimales recommandées par l’Unesco (normes pour les PVD). Le Maroc devrait avoir un minimum de 2000 salles de cinéma, alors que leur nombre ne dépasse pas 175 ! Fès, la “capitale spirituelle” du pays, ne possède pas un seul théâtre. Ouarzazate, le “Hollywood marocain”, n’a pas une seule salle de cinéma ! Cette faiblesse des infrastructures est encore aggravée d’un côté par l’inégalité de la répartition : ville/campagne, majorité culturelle/minorité culturelle, culture intellectuelle/culture populaire, et de l’autre par la centralisation et le dirigisme. Sur le plan qualitatif, la majorité de ces équipements ne répondent pas aux normes matérielles et humaines requises par des institutions culturelles. Selon le MAC, vingt salles de théâtre assurent aujourd’hui la diffusion de l’art dramatique sur l’ensemble du territoire marocain. En réalité, seules trois répondent aux normes techniques et artistiques de la scène. Il serait banal de rappeler ici que c’est la représentation qui donne au lieu son caractère théâtral. Or aucune de ces salles appelées théâtre ne possède de direction artistique. Aucune ne dispose d’un budget d’animation. Ce que le MAC nomme pompeusement (musées) ne remplit aucun des rôles traditionnels d’un musée. Ainsi, concernant l ‘aménagement culturel du territoire, force est de constater qu’il y a pénurie de tout ce qui constitue les infrastructures de base qui permettent l’accès à la culture, à savoir le réseau des équipements culturels et l’apprentissage. La production culturelle A l’aube du XXIe siècle, l’indépendance d’un pays ne se présente plus dans les mêmes termes qu’auparavant. Cela signifie la capacité d’un pays à avoir des industries culturelles prospères et bien adaptées. Car, s’il peut être justifié d’importer du blé et des ordinateurs, il n’est pas possible à un peuple de laisser à d’autres le soin de fabriquer les produits reflétant sa culture, son histoire et ses préoccupations. Au Maroc, non seulement notre consommation de produits culturels (livres, films, théâtre) est très faible, mais plus de 90 % des produits consommés sont importés Le livre et la lecture La production du livre au Maroc est faible. La faiblesse se traduit aussi bien par la proportion de titres publiés (368 en 1996), que par le nombre d’exemplaires tirés. J’ai examiné les facteurs qui ont un impact sur le secteur du livre et de la lecture, le taux d’illettrisme, la pauvreté, le manque de capitaux d’investissement dans

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l’édition, l’absence d’infrastructures appropriées, mais c’est surtout la pénurie d’auteurs qui constitue un handicap de taille pour la croissance d’une industrie du livre au Maroc. Il est évident que, dans un pays où 55 % de la population est encore analphabète, il ne peut y avoir pléthore d’écrivains. Les efforts déployés en matière de scolarisation permettent, dans le meilleur des cas, de mettre en place le dispositif de réception du livre (les lecteurs) mais le dispositif de production (les auteurs) manque. C’est qu’il faut un certain temps pour que la masse qui lit puisse atteindre un volume suffisant pour fournir ses propres auteurs. Le théâtre Le théâtre marocain est toujours à l’état de projet. Il souffre de la fragilité des infrastructures, de la faiblesse des moyens financiers et de la mauvaise gestion de ces moyens, du manque de formation, de l’absence du public et de la rareté des textes ; mais surtout, le théâtre marocain compte peu de talents créateurs. Ce sont les mêmes noms qui dominent la scène depuis presque un demi-siècle. Le cinéma En ce qui concerne l’action de l’Etat dans le domaine du cinéma, on peut affirmer qu’une politique du cinéma ou plus exactement du film marocain (financement et organisation des différentes branches du secteur) reste à inventer, une politi-que qui situerait le cinéma dans le contexte général de l’audiovisuel, domaine par excellence de la convergence des technologies de l’informatique, de télécommunications et de l’image. Le cinéma marocain souffre de problèmes au niveau de la liberté d’expression, de la production, de la distribution, de l’exploi-tation, et de sa relation ambiguë avec la télévision. La question essentielle pour lui est de parvenir à trouver des formes de narration authentiques et des cinéas-tes mus par le seul désir d’exprimer des choses qui ne se trouvent pas dans les films des autres. C’est ainsi qu’en examinant la production de notre culture on constate que les problèmes sont complexes et variés, que l’on pourrait ordonner autour de quelques axes : manque réel de volonté politique, défaut de législation, absence d’infrastructures — qui sont des problèmes objectifs. Mais ce qui revient constamment et se trouve en tête des handicaps, c’est que la source de l’inspiration semble tarie. La culture marocaine n’a jamais dépassé un stade de balbutiements et n’a pas été capable de produire une figure dominante dans n’importe quel secteur culturel. A mon avis, l’origine de ce dessèchement réside dans le fait que ces pratiques expriment la culture de la société occidentale du XXe siècle, une société qui a atteint un développement technologique, social et culturel prodigieux. Ce n’est pas le cas du Maroc, qui n’est entré en contact avec la civilisation occidentale, dont sont issues ces pratiques, que tardivement et dans des circonstances particulières, à savoir la colonisation. Ce n’était donc pas quelque chose de consenti mais plutôt d’imposé. La société marocaine n’a découvert l’imprimerie qu’à la fin du XIXe siècle et elle a découvert le théâtre et le cinéma presque en même temps. De plus, on n’est pas allé les chercher à la source mais ils nous sont parvenus par l’intermédiaire des pays du Moyen-Orient.

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parvenus par l’intermédiaire des pays du Moyen-Orient. Nous vivons une époque pour laquelle nous ne sommes pas vraiment préparés. Nous n’avons eu ni la Renaissance ni la Réforme et le foisonnement d’idées qui ont engendré la modernité. Or ces étapes sont indispensables, et les conséquences de leur absence sont graves et durables. Cette vacuité tire son origine de l’illusion que nous nous faisons en tant que Marocains d’avoir réalisé une symbiose culturelle réussie. Nous croyons vivre dans la continuité de notre passé arabo-islamique tout en nous imprégnant de la culture occidentale. Or cette symbiose n’est pas encore faite. Et elle ne se réalisera pas seule, par la juxtaposition de valeurs différentes. Elle se construit et exige un effort délibéré, conscient et continu dans le temps. Nous souffrons d’une incapacité totale d’appropriation des valeurs modernes devant lesquelles nous restons dans un état d’indécision molle : elles n’ont susci-té chez nous ni adhésion décisive ni rejet instinctif. Nous intégrons l’usage de l’appareil technique mais sans manifester de véritable volonté de lutte pour que les valeurs qui ont permis de l’inventer deviennent un jour les nôtres. Comme si nous avions décidé que cette connaissance des valeurs était totalement superflue par rapport à l’objet. Une telle attitude maintient la société dans un état de pré-modernité déchirée entre des traditions stériles et une modernité factice. La recherche d’une synthè-se assortie de l’adhésion massive de la population s’impose. Conclusion Après environ un demi-siècle de politique culturelle tous azimuts et une succession de ministres (politiques et technocrates), le résultat est accablant : analphabétisme, patrimoine en déperdition sans pour autant avoir acquis les équipements et les valeurs de la culture moderne, et production culturelle si maigre que la dépendance de l’étranger est quasi totale. Incapable d’aller au-delà des questions administratives, le ministère des Affaires culturelles se replie sur lui-même, ressassant le même refrain : manque de ressources budgétaires. Mais je pense qu’il y a d’autres raisons plus fortes que le manque d’argent. Certes, la culture a un coût. Mais à ne considérer que l’argent, comme on s’obstine à le faire au ministère des Affaires culturelles, on oublie qu’il ne s’agit que d’un élément certes important mais limité et presque anecdotique d’un plus vaste domaine dont dépend tout simplement l’avenir même du pays. Le plus inquiétant ce n’est pas l’insuffisance des moyens, mais l’inconsistance de lapensée en matière de politique culturelle. Même si on ne le déclare pas de façon catégorique, nos gouvernements conçoivent la culture comme un divertissement superflu, au lieu de la considérer comme un facteur éducatif, une dimension de la vie et un levier du développement. Depuis l’indépendance, on a pris l’habitude de penser le devenir du Maroc en termes de croissance économique : selon cette conception, le progrès culturel semble devoir se déduire naturellement du développement économique. c’est donc l’asservissement du culturel à l’économique qui est à l’origine du double échec (économique et culturel).

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Le dossier de la culture n’est pas appréhendé de manière à la fois exhaustive et synthétique. Le développement global exige des politiques complémentaires dans les domaines de la culture, de l’éducation, de la science et de la communica-tion. (1) Royaume du Maroc. Constitution, ministère de la Communication, Rabat, 1996, p. 26. (2) “Les droits culturels, une catégorie sous-développée de droits de l’homme”, Actes du VIIIe colloque interdisciplinaire sur les droits de l’homme, Fribourg, 1993, 360 p.

Source : http://www.culturetoute.net/

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Les derniers événements de Lâayoune ne laisseraient pas indifférent tout hu-maniste pacifique sur cette terre aspirant au meilleur pour les générations futu-res. Le conflit du Sahara entre le Maroc et l’Algérie, et qui n’a pas cessé d’atti-ser depuis des décennies les foudres d’une guerre froide, continue hélas d’endi-guer et d’hypothéquer l’avenir de toute une génération. Pour autant que ce dossier a toujours représenté une essence identitaire intrin-sèque dans la marche de tout les pays de la région vers la paix et la prospérité, la violence ne peut cautionner les mésententes en laissant à la marge le débat constructif et l’aspiration commune à la paix. Je n’ai aucune intention de m’en-farger dans les tenants et aboutissants d’un tel conflit puisque d’autres l’ont bien fait avant moi. Loin de moi toute intention de se réapproprier des ran-coeurs qui serviront d’alibi à tout ceux qui ne sont pas capables de s’élever au-delà des surenchères mercantilistes, ceux qui ne sont pas conscients de ce réel gaspillage d’énergies, de cette fuite implacable des cerveaux vers l’ailleurs, de ces violations des droits humains alimentés par la rage des passés révolus et des nostalgies meurtrières. Mon opinion n’engage que moi- même. Je fais juste partie de ceux qui condamnent tout acte de violence injustifiée, et qui maintiendront que les der-nières manifestations des marocains dans les rues sur les événements de Laayoune ne sont pas une déclaration de guerre contre le peuple algérien frère. Je rêve juste de fraternité. Auguste étendard, glané dans les œuvres de beaucoup d’auteurs maghrébins tels que Mimouni, Chraibi ou encore Khadra, ces auteurs qui ne s’arrêtaient pas aux simulacres des rétributions, et qui revendiquaient en une seule voix qu’un droit s’acquiert par la force de la raison en écrivaient sans relâche à l’ombre du rêve. Le devoir de la fraternité c’est notre devoir à tous. Le devoir de la fraternité n’en finira pas de nous éclairer aux lumignons de nos craintes et de nos convictions, de brasser les torpeurs pour la paix, et de contrer tout ceux qui complotent contre l’union du Maghreb dont les pays partagent en commun histoires, coutumes, religion, etc

Le devoir de la fraternité Par: Kamal Benkirane

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Sur la littérature, je me référerais toujours à Mario Vargas Llosa dans cette citation pérenne: ( La chance de la littérature c’est d’être associée aux destins de la liberté dans le monde. Elle reste une forme fondamentale de contestation et de critique de l’existence). Tant que liberté d’expression cautionnera le droit d’émerger de ses propres convictions en utilisant le mot comme un élément unificateur, tant que la guerre ne sera jamais une nuance pour légitimer un droit, la paix sera toujours un tremplin pour légitimer l’aspiration à la justice sociale. Je n’ai à coeur que ce pas-sage de cet écrit intitulé De la fraternité de Adam MICKIEWICZ que je dédie sciemment à tout les lecteurs de la Revue Littéraire Passerelle, en célébrant les lauriers de ce rêve ombré qui fera sortir de l’obscurité toute intransigeance ou in-gratitude non justifiée contre les humains et contre les peuples. (…) Les nations sont devenues des personnes de connaissance pour tout le monde : tout le monde en demande des nouvelles chaque jour. On devient ami et même amoureux d’une nation, on en déteste une autre ( ). Ces amours et ces haines étaient inconnues à nos ancêtres : ils ne haïssaient que ceux à qui ils faisaient la guerre, ils ne voulaient du bien qu’à leurs alliés. Maintenant chaque citoyen a des rapports d’alliance ou des démêlés politiques (..)Il se croit personnellement obligé de s’informer de leur conduite, et d’en apprécier consciencieusement la moralité. Il y cherche des exemples, des règles de conduite. ..Le gouvernement (..) est à la recherche des moyens de moraliser le peuple. Il n’y en a pas de plus simple et de plus efficace que de lui donner l’exemple de la mora-lité. Voulezvous rétablir parmi les particuliers la religion du serment et de la paro-le donnée, commencez par observer le serment et la parole politiques qui vous en-gagent envers les nations. Vous vous plaignez de l’affaiblissement de la foi, de l’é-goïsme, du manque de charité ! Vous n’en avez pas le droit. Le meurtrier à qui vous demanderez ce qu’il a fait de son frère, le père dénaturé à qui vous reproche-rez d’avoir abandonné ses enfants, l’usurier impitoyable que vous accuserez d’a-voir ruiné son voisin vous demanderont à leur tour ce que vous avez fait de Rome, de la Pologne et de la Hongrie ! …Dans les siècles de la théocratie les yeux des peuples étaient fixés sur le prêtre. Le prêtre enseignait ; le prêtre, par son exemple, montrait comment on doit prati-quer l’enseignement. À notre époque politique, la position qu’occupent dans le monde les hommes politiques leur impose ce double devoir.(..)

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Tahar Benjelloun Jelloun reçoit Le Prix Internatio nal de Poésie ARGA-NA à Rabat (Théâtre MohamedV); ce prix a couronné A donis et Mah-moud Darwish. Ce prix rejoint les autres distinctio ns qui ont jalonné la carriére de cet auteur prolifique, entre autres le prix honorifique de Docteur Honoris Causa reçu à Montréal en 2008.

Biographie Après avoir fréquenté une école primaire bilingue arabo-francophone, il étudie au lycée français de Tanger jusqu'à l'âge de dix-huit ans, puis fait des études de philoso-phie à l'université Mohammed-V de Rabat, où il écrit ses premiers poèmes — re-cueillis dans Hommes sous linceul de silence (1971). Il enseigne ensuite la philosophie au Maroc. Mais, en 1971, suite à l'arabisation de l'enseignement de la philosophie, il doit partir pour la France, n'étant pas formé pour la pédagogie en arabe. Il s'installe à Paris pour poursuivre ses études de psychologie. À partir de 1972, il écrit de nombreux articles pour le quotidien Le Monde. En 1975, il obtient un doctorat de psychiatrie sociale. Son écriture profitera d'ailleurs de son expérience de psychothérapeute (La Réclusion solitaire, 1976). En 1985, il publie le roman L'Enfant de sable qui le rend célèbre. Il obtient le prix Goncourt en 1987 pour La Nuit sacrée, une suite à L'Enfant de sable. Tahar Ben Jelloun vit actuellement à Paris avec sa femme et ses enfants (Merième, Ismane, Yanis et Amine), pour qui il a écrit plusieurs ouvrages pédagogiques (Le Racisme expliqué à ma fille, 1997). Il est aujourd'hui régulièrement sollicité pour des interventions dans des écoles et Universités Marocaines, françaises et européennes.

Les oeuvres de Tahar Ben Jelloun • Les cicatrices du soleil, 1972 • Hommes sous linceul de silence, 1971 • Harrouda, 1973 - rééd. Gallimard, 2010 • La Réclusion solitaire, 1976 • Les amandiers sont morts de leurs blessures, poèmes, 1976, prix de l'Amitié franco-arabe 1976 • La Mémoire future, Anthologie de la nouvelle poésie du Maroc, 1976 • La Plus Haute des solitudes, 1977 • Moha le fou, Moha le sage, 1978, prix des Bibliothécaires de France, prix Radio- Monte-Carlo 1979

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• À l'insu du souvenir, poèmes, 1980 • La Prière de l'absent, 1981 • L'Écrivain public, récit, 1983 • Hospitalité française, 1984 • La Fiancée de l'eau, suivie de Entretiens avec M. Saïd Hammadi ouvrier algérien, théâtre, 1984 • L'Enfant de sable, roman qui montre au lecteur comment le poids des traditions et de la religion peuvent pousser un père à faire de sa fille un homme , 1985 • La Nuit sacrée, 1987, prix Goncourt • Jour de silence à Tanger, récit, 1990 • Les Yeux baissés, roman, 1991 • Alberto Giacometti, 1991 • La Remontée des cendres, poème (édition bilingue, version arabe de Kadhim Jihad), 1991 • L'Ange aveugle, nouvelles, 1992 • Éloge de l'amitié1994 • L'Homme rompu, 1994 • La Soudure fraternelle, 1994 • Poésie complète, 1995 • Le premier amour est toujours le dernier, nouvelles, 1995 - (ISBN 978-2-02-030030- 8) • Les Raisins de la galère, 1996 - (ISBN 978-2-213-59474-3) • La Nuit de l'erreur, roman, 1997 • Le Racisme expliqué à ma fille, 1997 • L'Auberge des pauvres, 1997 • Cette aveuglante absence de lumière, 2001 - (ISBN 978-2-02-053055-2) • L'Islam expliqué aux enfants, 2002 • Amours sorcières, 2003 - (ISBN 978-2-02-063887-6 )

• Le Dernier Ami, 2004 - (ISBN 978-2-02-066267-3) • La Belle au bois dormant, 2004 - (ISBN 978-2-02-063999-6) • Partir, 2006 - (ISBN 978-2-07-077647-4) • Yemma, 2007 - (ISBN 3827007585) • Sur ma mère, 2008 - (ISBN 978-2070776467)

• Au pays, 2009 - (ISBN 978-2070119417) • Le texte d'un album-photo : Marabouts, Maroc, 2009 Gallimard - (ISBN 978- 2070127047) • Beckett et Genet, un thé à Tanger, 2010 Gallimard - (ISBN 978-2070130030) • Jean Genet, menteur sublime, 2010 Gallimard - (ISBN 978-2070130191)

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Quelques citations de Tahar Ben Jelloun «L’homme qui, du désert ne saccage point la légende, ne peut subir l’outrage.» [ Tahar Ben Jelloun ] - Sahara «Les grands créateurs n'ont pas le monopole de la souffrance.» [ Tahar Ben Jelloun ] - L'auberge des pauvres «Chaque personne est une armoire pleine d'histoires, il suffit d'ouvrir les tiroirs, c'est comme un chapelet qu'on égrène.» [ Tahar Ben Jelloun ] - L'auberge des pauvres «La religion, c'est souvent le tout et le contraire de tout : il faut que chacun puisse y puiser son miel.» [ Tahar Ben Jelloun ] - L'auberge des pauvres «Les écrivains devraient mettre plus souvent les pieds dans la société civile.» [ Tahar Ben Jelloun ] - Extrait d'une interview dans Lire - Mars 1999 «C'est dans l'irrégularité, la clandestinité, le cambriolage que le plaisir est intense ; pas dans la préméditation.» [ Tahar Ben Jelloun ] - Extrait d'une interview dans Lire - Mars 1999 «La dépression frappe au hasard : c'est une maladie, pas un état d'âme.» [ Tahar Ben Jelloun ] - L'auberge des pauvres «Le désert est un malentendu, un mauvais lit pour le sommeil et le songe, une page blanche pour la nostalgie.» [ Tahar Ben Jelloun ] - Sahara «On ne peut aimer que si l'on est ivre de vie.» [ Tahar Ben Jelloun ] - L'auberge des pauvres «La liberté n'est rien si elle ne respire pas dans le corps et l'esprit de l'homme, de tous les hommes, sans distinction ethnique, religieuse ou géographique.» [ Tahar Ben Jelloun ]«Le mariage est un contrat social souvent incompatible avec le grand amour.» [ Tahar Ben Jelloun ] - L'auberge des pauvres «L’homme qui, du désert connaît le secret, ne peut vieillir. La mort viendra, tournera autour de la dune puis repartira.» [ Tahar Ben Jelloun ] - Sahara «La littérature ne change ni l'homme ni la société. Pour autant, l'absence de littératu-re rendrait l'homme encore plus infréquentable.» [ Tahar Ben Jelloun ] - Extrait d'une interview dans Lire - Mars 1999 «Trop de raison dans les sentiments, ça les abîme souvent.» [ Tahar Ben Jelloun ] - L'auberge des pauvres «Ecrire, c'est rendre compte de quelque chose que l'on a vécu et qui mérite de sortir ducadre personnel. En ce sens, beaucoup d'écrivains d'aujourd'hui n'ont aucune légi-timité. Ils devraient arrêter d'écrire.» [ Tahar Ben Jelloun ] - Extrait d'un Entretien avec Catherine Argand - Mars 1999

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«L'âme humaine ne s'explique pas par la psychologie. Elle ne peut être expli-quée, elle est à vivre.» [ Tahar Ben Jelloun ] - Extrait d'une interview dans Lire - Mars 1999 «Respecter une femme, c'est pouvoir envisager l'amitié avec elle ; ce qui n'ex-clut pas le jeu de la séduction, et même, dans certains cas, le désir et l'amour.» [ Tahar Ben Jelloun ] - Extrait d’Eloge de l'amitié «La morale, ça ne sort personne de la fosse commune.» [ Tahar Ben Jelloun ] - La réclusion solitaire «Dans une société où l'individu n'est pas reconnu, ce qui compte avant toute chose, c'est la tribu et le clan.» [ Tahar Ben Jelloun ] - Extrait d’une tribune pa-rue dans Le Monde -10 Avril 2003 «Les blessures d'amitié sont inconsolables.» [ Tahar Ben Jelloun ] - Eloge de l’amitié «La politique dénature et ruine l'amitié.» [ Tahar Ben Jelloun ] - Eloge de l’amitié «Le temps est le meilleur bâtisseur de l'amitié. Il est aussi son témoin et sa conscience. Les chemins se séparent, puis se croisent. » [ Tahar Ben Jelloun ] - Eloge de l’amitié «Dire oui à tout et à tout le monde, c'est comme si on n'existait pas.» [ Tahar Ben Jelloun ] - L'auberge des pauvres «L'ami est-il celui qu'on peut déranger ? Oui, surtout s'il peut être utile.» [ Tahar Ben Jelloun ] - Eloge de l’amitié «Seuls les yeux ne vieillissent jamais : l'âge passe et ne touche pas le regard.» [ Tahar Ben Jelloun ] - L'auberge des pauvres «Le destin est ce qui nous arrive au moment où on ne s'y attend pas.» [ Tahar Ben Jelloun ] - Extrait d’Eloge de l'amitié

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Communiqué de Association pour la création littéraire chez les jeunes

« Livres comme l’air » est un projet de l'ACLJ, organisé par Chantal Jorg, en partenariat avec une école UNESCO, l'École Alternative Atelier, de la Commission Scolaire de Montréal et avec Amnistie Internationale Canada Francophone en collaboration avec l'Union des écrivaines et des écrivains du Québec et du Centre Québécois du P.E.N. International. Dix albums ont été offerts par l’ACLJ pour qu’ils soient envoyés aux écri-vains emprisonnés retenus par P.E.N. International, en même temps que les livres dédicacés par des auteurs québécois. Ces albums, dont la couverture a été illustrée par Myriam Aubin-Labelle, sont des albums de dédicaces, comprenant aussi des citations inspirantes, de courts textes et surtout des dessins, réalisés par les jeunes personnes de cette école primaire afin de soutenir le droit de parole des journalistes, des auteurs, des scientifiques et des blogueurs, emprisonnés ou persécutés autre-ment dans divers pays, pour «délit d'opinion». Ce recueil contient aussi trois textes illustrés composés par Antoine Bressani, 17 ans et par Char-lotte Doucet, 13 ans, tous deux du Québec ainsi que par Yara A. Grace Koudadje, 17 ans, du Togo. Ces textes proviennent d'un concours lancé pour soutenir cette cause.

L’ACLJ à Radio-Canada Projet Lors de la cérémonie de remise des dédicaces par les auteurs québécois dans le cadre de « Livres comme l’Air »au Salon du Livre de Montréal, l’animateur Michel Desautels a été sensible à l’effort de tous ces jeunes qui se sont investis dans la réalisation de ce livre, de même que par l’approche de l’ACLJ. Il a invité Didier Calvet à son émission à Radio - Canada pour expliquer le rôle de cet organisme en émergence. En introduction, il a bien défini le rôle, les objectifs et l’action de l’ACLJ : «Partout où la Francophonie existe, elle peut s’exprimer. Par où com-mencer ? Par les jeunes. Une vraie démocratisation de l’Art par Internet et par le bais d’une langue commune, c’est possible et vous êtes en train de le réaliser. »

3e Festival Francophone de la Poésie des Jeu-nes

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Cette année, le Festival Francophone de la Poésie des Jeunes aborde une approche diversifiée, tant pour le recrutement des jeunes, que pour celui des aînés et des poètes qui leur offrent la réplique, elle aussi, poé-tique. Depuis son entrée en action, Facebook, avec un nombre expo-nentiel de collaborateurs et de collaboratrices, est le médium qui aura permis de créer un réseau très convivial, principalement pour le recrute-ment d’aînés et de poètes. Il faut espérer que les jeunes des écoles secondaires vont se mettre au travail pour composer des poèmes pour lesquels les aînés et les poètes de plusieurs pays seront prêts à répliquer poétiquement. Toutes les productions sont incluses au fur et à mesure sur le site, à la section FESTIVAL, sous forme d’affiches imprimables qui peuvent d’ores et déjà être utilisées pour des mini expositions. Les jeunes pourront ain-si en admirer le résultat et s’en inspirer. C’est également, pour les en-seignants, l’occasion de les utiliser pour stimuler les jeunes à s’impli-quer. Soulignons l’intérêt de plusieurs pays non francophones qui profi-tent de cette occasion pour encourager leurs jeunes à écrire dans une langue seconde. C’est le cas de la Roumanie et de l’Uruguay. Voilà des expériences dont plusieurs pays non francophones pourraient s’inspirer. Nous attendons de pied ferme leur participation. Comment participer ? Rien de plus simple : écrivez à [email protected] pour préciser vos intentions. Offrir aux jeunes de les soutenir dans une démarche d’écriture de poèmes ou/et d’illustrations de poèmes ; proposer de composer des répliques poéti-ques aux poèmes des jeunes en tant qu’aîné (plus de 30 ans) ou poè-te ; procurer à la population de votre région, de votre école ou de votre centre culturel, social ou éducatif, la possibilité d’une mise en place d’un Festival Francophone de la Poésie des Jeunes.

Les enfants ont des droits Après un premier projet sur la vie des jeunes talibés, nous abordons un deuxième projet, tout aussi poignant; un projet qui fait témoigner des jeunes filles qualifiéesde sorcières, en République démocratique du Congo. Ce projet avu le jour, grâce à la collaboration de Billy Mangole,

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qui a réuni les témoignages de jeunes filles recueillies et protégées dans l’ONG Réconfort-Kinshasa. Les illustrations seront réalisées par une de nos collaboratrices de longue date en Côte d’Ivoire. Mafri Bamba a illus-tré de nombreux contes qui mettent en valeur des traditions de son pays Voici quelques exemples que l’on retrouvera parmi les contes afri-cains du site de l’ACLJ : Le règne du margouillat, Certaines discussions nous conduisent à la honte… Rappelons que ce projet ne veut pas dénoncer, mais exposer les condi-tions de vie de jeunes filles qui ont réellement besoin qu’on se penche sur leur sort, dans le but d’améliorer leur environnement, leur éducation et la perception de certaines populations face à elles. Nous voulons aus-si montrer que, dans certains cas, l’espoir, la compassion, l’entraide et un regard neuf posé sur ces jeunes filles, peuvent faire une différence. Montrer aussi, qu’au-delà des souffrances et des frustrations, ces jeunes -filles ont des rêves, des espoirs et des joies. Ce sont elles-mêmes qui, à travers les contes qu’elles ont imaginés, racontent à leur manière, non seulement ce qu’elles vivent, ce qui les émeut ou les attriste ou parfois même les effraie, mais aussi, ce qui les amuse et les fait rire, comme tous les enfants. Avec un premier projet : « Vie d’un talibé » nous avons eu l’occasion de rencontrer par Internet, plusieurs personnes qui se sont mises à notre disposition pour alimenter la documentation sur le sujet. Plusieurs artistes ont également offert leur collaboration pour inclure des photos et même, une chanson sur les talibés. Nous voudrions pour-suivre la documentation sur la vie de ces jeunes filles et comprendre davantage, pourquoi une telle situation se perpétue et s’amplifie dans plusieurs pays comme le Sénégal et le Mali. Nous avons été sollicités pour ouvrir un autre dossier : celui des jeunes- filles qui sont excisées. C’est un dossier délicat et sensible que nous voudrions traiter avec beaucoup de retenue car plusieurs valeurs incom-patibles, possiblement conflictuelles, sont en jeu. Nous retiendrons avant tout, les témoignages de personnes qui l’ont vécu, car notre ap-proche se veut avant tout, une écoute. Consultez les affiches du premier tome, « Vie d’un talibé », sur le site de l’ACLJ. Elles sont imprimables. Voilà l’occasion de les utiliser pour les

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exposer et les montrer à vos jeunes dans les écoles, les centres cultu-rels, les bibliothèques : Il l’a échappée belle, Un malentendu , Solidarité d’un maître . N’hésitez pas à nous contacter si vous avez des idées ou des propositions de collaboration. [email protected] .

Lutte contre le travail des enfants Rappelons ce projet de l’Aide internationale pour l’enfance (AIPE) qui organise un concours chaque année. L’ACLJ prépare un recueil des ré-alisations des récipiendaires des dernières années. Il devrait être prêt sous peu, sous forme d’album. Il sera inclus dans la BIBBLIOTHÈQUE VIRTUELLE de l’ACLJ et disponible également sous forme de disque compact. Cet album intitulé « Changer le Monde » comporte quatorze textes qui ont été illustrés par les 24 élèves de 3e année de la classe de Geneviève Dupuis de l’école St-Rosaire de Gaspé (Québec).

Contes de partout De République Dominicaine Certains, parfois, prennent des risques pour recueillir des contes. C’est le cas de l’équipe qui a oeuvré pendant plusieurs semaines en Républi-que Dominicaine, avec des jeunes d’origine haïtienne, vivant dans des situations illégales aux yeux des autorités de l’Immigration. Voici un compte rendu de ce qu’ils viennent de vivre, quelques jours avant leur retour au Québec :« En fin de semaine, il y a eu une descente de l'Im-migration dominicaine. Mitraillettes au poing, ils ont embarqué pleins d'Haïtiens illégaux, pour les déporter en Haïti. Heureusement, tout s'est réglé par una propina de 1 000 pesos RD (environ 30 $), comme bien d'autres choses ici. J'étais sur place, avec seulement une copie de mon passeport, plutôt que l'ori-ginal. On a failli nous fouiller, mais Jean, notre conducteur, a raconté sa salade habituelle, pour éviter le barrage et la fouille. Piouffff! » Depuis 4 ans, une Québécoise du nom de Lise Gagnon (de Laval) inter-vient auprès d'une communauté de travailleurs haïtiens émigrés (parfois illégalement) en République Dominicaine, dans le secteur Puerto Plata

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(au nord du pays). Pour donner plus de portée à cette intervention, j'ai pensé jumeler la classe de Rép. Dom. avec une classe du primaire dans ma région natale, l'Abitibi. J'ai pu recruter une enseignante (du village de Mont-Brun) désireuse de collaborer à ce projet, ce qu’elle a fait en réalisant dix-sept contes, dont cinq ont été illustrés par les jeunes de Rép. Dom. » Aujourd’hui l’équipe est au Québec. Daniel Gagné, dès son arrivée, a eu le temps de rencontrer les élèves de l’école Mont-Brun pour leur mon-trer les illustrations de leurs textes, réalisées par les jeunes de Puerto Plata, en République Dominicaine et leur présenter les textes des jeunes dominicains qu’ils auront à illustrer dès leur retour des vacances scolai-res

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Avec l’appui et la collaboration du Conseil de la communauté ma-rocaine à l’étranger, le numéro hors série du Magazine Littéraire du Maroc, en vente depuis fin juillet, est consacré aux écrivains de la diaspora marocaine. Une vingtaine de contributions d’écrivains d’origine marocaine, établis à l’étranger, ont été rassemblés grâce au concours du CCME, dans le prolongement de la seizième édition du Salon Inter-national de l’Édition et du Livre, durant laquelle les Marocains du monde étaient mis à l’honneur. Tahar Benjelloun, Mina Oulhadj, Leïla Houari, Abdelhak Serhane, Siham Bouhlal, Fouad Laroui, et bien d’autres d’Allemagne, de Belgique, du Canada, des Etats-Unis, de France ou encore des Pays-Bas. Romanciers, poètes, nouvellistes ou essayistes, ils offrent aux lecteurs des extraits de leurs oeuvres, ou partagent leurs réflexions avec un public peu familier avec leurs productions. Une occasion de réunir des voix à l’étranger, connues ou moins connues, ambas-sadeurs du Maroc à l’étranger. Les auteurs Canadiens d’origine marocaine qui ont été sélectionnés pour participer avec leurs écrits dans ce numéro sont : Kamal Ben-kirane avec (Halloween oriental), Rachida M’faddel avec (Jamais sans mon foulard) et Majid Blal avec des poèmes extraits de (Les liens carnassiers)

Source : Conseil de la communauté marocaine à l’étranger Hors-série été 2010 de MLM, 60 dirhams, en kiosque

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POÈMES D’ICI ET D’AILLEURS…..

SAINT JOHN KAUSS

Saint-John Kauss. Écrivain d’origine haïtienne. Vit au Québec depuis plus de trente ans. Écrit en français et en créole. A publié plus d’une vingtaine d'ouvrages (poésie, essai, critique, anthologie). Sa poésie, saluée par ses contemporains, est traduite dans plusieurs langues (anglais, espagnol, roumain, portugais et allemand). Elle fait aussi l'objet de travaux universitaires. Son oeuvre est marquée par l'exil, le pays, la famille, la tendresse et l'errance. Paroles de traversier dans le temps et l’espace, elle est enracinée dans la mémoire. Saint-John Kauss est considéré aujourd'hui comme le père du Surpluréalisme, mouvement littéraire permettent de visualiser le monde dans tous ses univers.

VILLES toutes les villes ont leurs histoires de sang de sel frais de carnavals aux fûts des arcs-en-ciel toutes les villes ont leurs histoires d’hommes libres des mots à dire sous la fumée des cigares des femmes de paille consolatrices des douleurs des victoires remémorées au salon du souvenir des hommes en guerre sans fin dans leurs misères et des remords quelque part dans le coeur toutes les villes ont leurs rues d’enfants inanimés des blessures noyées dans le fond des nuits des amis disparus à l’orée des étoiles résignées des fiancés trahis jusqu’à l’humiliation suprême toutes les villes ont leurs histoires d’amour d’heures libres aux yeux de l’arc-en-ciel de femmes blessées dans leur silence de filles catégoriques dans leur orgasme de mains immaculées jusqu’aux bords de l’ivresse de pauses certaines au gel de l’infidèle

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SAINT JOHN KAUSS

de jeunes mariés qui n’aiment plus les confettis toutes les villes ont leurs histoires d’orgues mures des souvenirs qui ne puissent chavirer la mer de fleurs qui se taisent à chaque angoisse verticale de matins heureux qui saluent le bonheur de tranquilles assassins aux gestes mendicitaires de murmures trop voilés qui indiquent le chemin du désespoir toutes les villes ont leurs histoires de révolution l’enchantement des grands gestes utiles l’égarement dans la foulée de dix mille vies les grâces de l’arc-en-ciel dans les chaînes de l’espoir l’illusion de la géographie qui s’ouvre aux étoiles la liberté dans les mots qui chassent les solitudes le sourire triste quand il ne faut pas pleurer toutes les villes ont leurs histoires de sang de globules frais dans la nudité des anneaux le corps du révolutionnaire englouti dans les forges toutes les villes ont leurs histoires de paix la belle paix que l’on souhaite à chaque fenaison la saison des amours et des cigales Ô filles le désarroi des semeurs et des diseurs de bonne aventure la longue marche des grévistes aux carrefours des histoires la faiblesse des vaincus habités par mille regrets les visages qui se lèvent à l’effondrement de la première victime toutes les villes ont leurs histoires de deuil deuils et mélancolie dans les limbes de la terre d’hommes bouleversés vers les mélasses du quotidien de mains mouillées aux ancrages des paquebots de marins et de marchands d’opium aux racines de l’oubli de navires pleins de filles amoureuses qui rêvent de paradis sur terre deuils de pluie glacée aux sept plaies de l’Égypte ô lait blanchissant mon âme contre tout fruit défendu

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SAINT JOHN KAUSS

toutes les villes ont leurs histoires d’enfants d’enfance à la misée de l’aube aux pas incertains de balançoires de filets grimpeurs et de jets d’eau d’innocence dans les parcs d’attraction au creux de la joie de songes imprévisibles au balancement des premiers gestes de rêves apprivoisés au gazouillement des premiers mots d’enfants plaintifs à la merci des étoiles toutes les villes ont leurs histoires de mères de pages trop maternelles aux vallons des plaisirs de mères aux deux bras ouverts Ô coeurs sacrés dans la nuit de chrysalides aveugles saignant des ailes et des paupières de femmes aux yeux torturés d’amour et d’eau fraîche de filles qui aiment trop jusqu'à un léger seuil de tolérance de fiancées à peine mariées qui courent déjà après leur ombre de mères anonymes qui refoulent la mer au péril des infidèles histoires d’éternels passagers contre le temps vagues d’une égale naissance voyageurs souverains de chaque matin masqué du soleil de chaque jour de chaque feuille morte du bout des doigts de chaque enfant de chaque homme libre privilégié sans fin à qui il eût fallu à grands pas la haute délivrance des jours sans elles les villes qui pleurent aux limons des vacarmes

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SAINT JOHN KAUSS (POÉSIE HAITIENNE CONTEMPORAINE) I SBN:9782923564180 Pr ix : $15.00

LAMIA MAZOUZ ( FRAGILE SOLITUDE) ISBN: 978-2-923564-19-7 Prix: 12$

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DERNIÉRES PARUTIONS DE E-PASSERELLE

Méli-mélo ( Isabelle Gauthier ) ISBN: 9782923564166 Pr ix : $12.

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Conception et infographie: KAMAL BENKIRANE

Révision: PASCAL DESROSIERS

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