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FILLE OU GARÇON: LA MÊME ÉDUCATION?

FILLE oU GARÇON:LA MÊME

ÉDUCATION?

Étude sur lesprogrammes scolaires dans le secondaire

BÉA.TRICE DUPONT

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Publié en 1980par l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation,

la science et la culture,7, place de Fontenoy, 75700 Paris

Imprimeries Populaires de GenèveISBN 92-3-201823-3

Édition anglaise: 92-3-101823-XÉdition espagnole: 92-3-301823-7

Édition russe: 92-3-401823-0Édition arabe: 92-3-601823-8

© Unesco 1980

PRÉFACE

La présente publication s'inscrit dans le cadre du Plan d'adion adopté parla Conférence mondiale de l'Année internationale de la femme (Mexico,1975) qui a accordé un rang de priorité élevé aux adivités de recherchenationales, régionales et internationales, au rassemblement et à l'analysedes données, et aux études comparées sur tous les aspeds de la condition dela femme et de son intégration à l'effort de développement. Il est essentiel dedisposer de renseignements suffisants pourformuler des politiques et évaluerles progrès accomplis, ainsi que pour modifier les attitudes et opérer deschangements socio-économiques fondamentaux. L'Unesco a toujours encou­ragé et stimulé les adivités de recherche menées en vue d'identifier lespratiques ~iscriminatoires en matière d'éducation et de formation, et ellea aidé les Etats membres àprocéder à des études nationales afin de recueillirdes données sur la situation réelle de la femme et, notamment, d'identifierles facteurs qui facilitent ou freinent l'accès des femmes à tous les niveauxet types d'éducation.

En 1978 et 1979, en application des programmes approuvés par laConférence générale à ses dix-neuvième et vingtième sessions, des études ontété entreprises sur les programmes scolaires et les normes d'enseignement etde formation applicables aux jeunes filles et aux jeunes gens dans les écolessecondaires et normales. Ces études avaient pour objet de comparer des pro­grammes destinés respectivement aux garçons et aux filles et d'identifierles différences qu'ils pouvaient présenter. Il s'agissait de faire prendre cons­cience de ce problème et d'aider les pays concernés à rechercher les moyens dele résoudre, et notam~ent à définir des stratégies et des politiques visant àuniformiser les programmes et les normes d'enseignement et de formationdestinés aux deux sexes. Certains pays ont déjà réalisé de grands progrès

dans cette voie; les initiatives prises pour arriver à ce résultat, les méthodeset moyens employés constituent une riche expérience pouvant servir aux paysconfrontés à une situation analogue.

La présente publication a été rédigée par une consultante, Mlle BéatriceDupont, chargée de recherches sociologiques auprès de différents organismesnationaux et internationaux, qui a mis à profit les études préparées par lesCommissions nationales pour l'Unesco de sept pays de différentes régions(Afghanistan, Jamaïque, Jordanie, Madagascar, Mongolie, Portugal etTurquie). L'auteur, par-delà l'analyse des programmes explicites des établis­sements du second degré, montre que l'école peut être un puissant facteurd'égalisation des chances pour les enfants des deux sexes, mais qu'elle reflètecependant dans une certaine mesure les normes de la société qui l'entoure, etcontribue à transmettre les rôles traditionnels.

Si l'Unesco a jugé utile de publier cette étude, il n'en demeure pas moinsque les idées qui y sont exprimées, les appellations employées et la présen­tation des données qui y figurent ne reflètent pas nécessairement l'opinionde l'Organisation et n'impliquent de la part du Secrétariat aucune prisede position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zonesou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites.

TABLE DES MATIÈRES

Introduction 9

Discordances quantitatives et qualitatives IlDéséquilibres quantitatifs IlDisparités qualitatives 16Discriminations patentes 26

Différences de programmes 29Les valeurs implicites 29L'enseignement général: un subtil conditionnement 31L'enseignement polyvalent 35L'enseignement technique et professionnel:un déterminisme certain . 36L'enseignement normal: une formation sur mesure 44

L'apprentissage des rôles 49Perception des rôles 49Définition des rôles 59La transmission des rôles: les normes implicites 65L'assimilation des rôles 73

Responsabilités de l'éducation 79L'éducation, frein au développement ou,:ecteur de changement? 79Evolutions à suivre 81

Pour l'égalité des chances et des choix

Annexes1. Fonnations réservées aux garçons et

fonnations réservées aux filles de jure2. Enseignement technique et professionnel

Bibliographie

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INTRODUCTION

L'accès à l'enseignement et à la fonnation n'est pas seulement undroit fondamental reconnu dans de nombreux instruments inter­nationaux, il est aussi un facteur clé du progrès social et contribue àatténuer les différences entre les groupes sociaux et les sexes. Dansde nombreux pays, les jeunes filles et les femmes sont nettementdéfavorisées à cet égard; cela constitue pour elles, dès le départ, unhandicap sérieux qui compromet leur situation personnelle dans lasociété, ainsi que l'efficacité de leur contribution au processus dedéveloppement.

Il convient de noter dès l'abord que l'inscription dans un établis­sement scolaire ne suffit pas à garantir l'égalité des chances enmatière d'éducation et de formation. La Conférence mondiale del'Année internationale de la femme (Mexico, 1975) a reconnu que«des considérations historiques et culturelles touchant le rôle de lafemme à tous les niveaux de l'enseignement font trop souventobstacle à la pleine participation des femmes à la société», et que« lafemme ne peut librement choisir le rôle qu'elle jouera dans la sociétéet concrétiser son choix dans la pratique que si elle jouit des mêmespossibilités d'enseignement que les hommes» 1.

Les études auxquelles on se référera au cours du présent ouvragetémoignent des efforts qe l'Unesco visant à encourager et appuyer lesactions menées par les Etats membres pour promouvoir l'égalité deschances offertes aux femmes et aux jeunes filles en matière d'édu-

1. Rapport de la Conférence mondiale de l'Année internationah de la femme, Mexico, 19 juin - 2 juilht1975, première partie, chap. III, rèsolution 24 (publication des Nations Unies, numéro devente: f. 76.IV. 1).

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Introduction

cation, en exécution du Plan d'action mondiale adopté par laConférence de Mexico, et pour renforcer cette action pendant etau-delà de la Décennie des Nations Unies pour la femme (1976-1985).

L'enseignement secondaire est déterminant pour l'avenir de lajeune fille, car c'est à ce stade que jeunes gens et jeunes fillesacquièrent une formation professionnelle ou choisissent de pour­suivre des études supérieures. S'il a souvent été constaté que desdifférences plus ou moins subtiles existaient dans les programmessuivis par les jeunes filles et par les garçons, fort peu de recherchesou d'études ont été effectuées dans ce domaine, en particulier auniveau secondaire et dans plusieurs pays simultanément. Les com­paraisons sont assez difficiles dans la mesure où les structures éduca­tives et le niveau de développement diffèrent selon les pays, maisles données réunies, même si elles sont hétérogènes, permettent dedégager certaines tendances dans la différenciation des programmes,d'ouvrir de nouvelles directions de recherches, et de susciter uneprise de conscience et une réflexion sur les nombreuses et diversesquestions liées à cet aspect de l'inégalité dont les femmes sont encoretrop souvent victimes.

La situation de ces dernières est conditionnée aussi par la diffé­renciation des programmes dans les divers types d'enseignement(général, technique et professionnel, normal). Cependant, qu'entend­on par programme scolaire? On peut ici définir ce dernier commel'ensemble des objectifs, contenus et méthodes d'un enseignement.Mais il faut reconnaître qu'il est impossible de considérer un pro­gramme ainsi défini en faisant abstraction des structures à l'intérieurdesquelles il est mis en œuvre et de l'influence d'autres normesimplicites qui conditionnent son application, ce d'autant plus qu'ils'agit, dans l'étude synthétique qui va suivre, de programmes appli­qués dans différents systèmes d'éducation, eux-mêmes inscrits dansdes contextes économiques, sociaux et culturels hétérogènes. C'estainsi que les choix scolaires et professionnels des jeunes filles sontinfluencés, notamment, par la conception des rôles féminins dontelles font l'apprentissage à travers leur expérience familiale et sco­laire et qu'elles finissent par assimiler.

C'est en étudiant ce processus complexe d'éducation et de socia­lisation que l'on peut juger de ce que sera la participation des jeunesfilles au développement économique, social et culturel.

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DISCORDANCESQUANTITATIVES ET

QUALITATIVES

DÉSÉQUILIBRES QUANTITATIFS

L'égale participation des hommes et des femmes à l'éducationsecondaire repose non seulement sur la reconnaissance du droit àl'éducation pour tous, mais aussi sur les réelles possibilités d'accèsà tous les niveaux et à tous les types d'enseignement et sur l'identitédes conditions d'étude dans les différents types d'établissements.

Pour ce qui est du droit à l'éducation et à l'égalité des chances,sans distinction de sexe, il est pleinement reconnu, dans chacun dessept pays considérés, par les différents textes constitutionnels oufondamentaux, qui se réfèrent aux Droits de l'homme. Les lois rela­tives à l'éducation en général, et à l'éducation secondaire en parti­culier, confirment ce droit et en gar~tissent l'application grâce àun système d'enseignement public. Etudiantes et étudiants sontsoumis aux mêmes examens nationaux et aux mêmes critèresd'admission, qu'il s'agisse des concours d'entrée dans le secondaireUamaïque), des règles fixant les quotas d'admission Uordanie), deslimites d'âge pour être admis dans le secondaire. La Jordanie acependant repoussé cette limite d'âge d'un an «pour les jeunes fillesoriginaires des régions éloignées», défavorisées sur le plan socio­économique, afin que l'enseignement secondaire leur soit plusaccessible. La durée des études et les diplômes décernés sont égale­ment identiques pour tous les élèves.

Si le principe de l'égalité des hommes et des femmes face à l'édu­cation est donc partout proclamé en théorie, il est parfois infirmé pardes dispositions particulières ou démenti par les faits. La situation

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Discordances quantitatives et qualitatives

des jeunes filles dans le secondaire est loin d'être équitable, tant ence qui concerne la proportion relative des effectifs féminins que leurrépartition dans les différents types d'enseignements ou d'établis­sements. D'importants déséquilibres quantitatifs, de notables dispa­rités qualitatives et de réelles discrimations en fonction du sexelimitent encore l'accès des jeunes filles à l'éducation et à la formation.

Deux poids, deux mesures

D'une manière générale, les effectifs féminins ont favorablementévolué dans le secondaire.

LaJamaïque et la Mongolie ont atteint une situation d'équilibreentre garçons et filles. Dans d'autres pays, les effectifs féminins ontprogressé dans de fortes proportions, et même parfois à un rythmeplus rapide que celui observé pour les effectifs masculins.

TABLEAU 1. Taux d'accroissement annuel des effectifs, par sexe, dans l'en­seignement secondaire

Pays Années Filles Garçons

Afghanistan 1970-1975Jordanie 1970-1975~adagascar 1970-1973Portugal 1970-1975Turquie 1970-1973Source. Annuaire statistique de l'Unesco, 1977.

6,0010,04

4,148,976,42

7,256,781,847,443,82

L'augmentation accélérée des effectifs féminins confirme la ten­dance récemment constatée dans l'ensemble des pays en dévelop­pement. Elle s'explique par l'énorme retard accumulé dans lascolarisation des jeunes filles, et par le développement général del'enseignement dont elles profitent aussi.

Dans tous les pays, d'importants efforts ont été entrepris pourétendre et améliorer l'enseignement. Quatre pays ont porté la duréede la scolarité obligatoire à huit ou neuf années: Afghanistan,Jor­danie, Mongolie, Turquie. Des réformes ont été entreprises pouraugmenter les effectifs d'enseignants. Depuis 1967, l'Afghanistan aouvert 7 écoles normales où les jeunes femmes ont été progressive­ment admises. En 1973, la République malgache a instauré leService national pour tous les jeunes, hommes ou femmes, et ceux-cipeuvent choisir d'effectuer leur service militaire hors des forcesarmées. Ainsi, depuis cinq ans, 13 095 jeunes, dont 6939 femmes, onteffectué leur service comme instituteurs. La qualité de l'enseigne­ment a progressé grâce à une meilleure formation des maîtres. LaJordanie et Madagascar ont créé des centres de formation pour les

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Discordances quantitatives et qualitatives

futurs instituteurs. L'Afghanistan a allongé la durée de scolarité dansles écoles nonnales. La Mongolie et la Turquie ont développé desrecherches pédagogiques.

La construction d'écoles et d'internats a pennis à la Jordanie, àMadagascar et à la Mongolie d'accueillir un plus grand nombred'élèves dans le secondaire. L'essor économique, en suscitant unedemande de main-d'œuvre qualifiée, a entraîné l'ouverture d'écolestechniques et augmenté les possibilités de fonnation offertes àl'ensemble des jeunes Jamaïquains.

Mais ni l'expansion de l'enseignement ni l'essor économique nesuffisent à assurer un accès égal des garçons et des filles à l'éducation.La participation féminine, dans certains pays, reste très inférieure àcelle des garçons, et la proportion de jeunes filles inscrites dans lesecondaire est très inégale selon les pays (voir tableau 2).

TABLEAU 2. Les filles dans l'enseignement secondaire

PourcentagePays Année Tolal Effectifs féminins de filles

Afghanistan 1975 180217 21802 12Jamaïque 1975 213555 113007 53Jordanie 1975 164186 66856 41Madagascar 1973 123654 51467 42Mongolie 1975 184688 95719 52Portugal 1975 754174 365994 49Turquie 1973 1516880 462164 30Source. Annuaire statistique de l'Unesco, 1977.

Si trois pays sont parvenus à équilibrer les effectifs masculins etféminins, quatre autres conservent des taux de féminité inférieurs,voire très insuffisants. «Les effectifs féminins n'ont rien de compa­rable aux effectifs masculins: ils traduisent simplement un progrèsimportant dans l'éducation des femmes» [Afghanistan, p. 61J 1.

Il peut même arriver que l'écart entre le taux de scolarisation desfilles et celui des garçons s'aggrave. Cela est vérifié dans le cas del'Afghanistan, où le taux d'accroissement des effectifs féminins estinférieur à celui des garçons en dépit du très faible taux de partici­pation des filles (voir tableau 1). Une enquête de l'UniversitéHaceltept: (Turquie) destinée au Congrès mondial de sociologie(Suède, 1978) signale également que la tendance va dans le sens d'unélargissement du fossé entre les femmes et les hommes pour ce quiest de l'accès à l'éducation.

1. Pour toutes les références aux études nationales, on se reportera à la partie A de la biblio­graphie figurant à la fin de l'ouvrage.

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Discordances quantitatives et qualitatives

Le taux de scolarisation des femmes dans le secondaire demeuretrès faible dans certains pays. En 1970, 6,4% des Portugaises seule­ment avaient bénéficié d'une éducation secondaire; en 1977, 8% desAfghanes avaient reçu une éducation scolaire contre 33%d'Afghans.En valeur absolue, les effectifs féminins ont tendance à progressermoins vite que les effectifs masculins.

Priorité aux garçons

La persistance de l'inégalité de participation entre les garçons et lesfilles tient au fait que le principe de l'égalité entre les sexes, s'il estaccepté, est très rarement garanti par des politiques ou des mesuresde soutien aux jeunes filles.

Au Portugal, au moment de la réforme de l'enseignement de 1971,on ne trouvait «jamais ni dans les déclarations officielles ni dans lestextes de loi ou documents sur les besoins économiques une quel­conque référence à la main-d'œuvre féminine ou à la situation desfemmes par rapport à l'enseignement et à l'éducation» [Portugal,p. 40]. Ni le plan quinquennal en cours d'application en Jamaïque(1978-1983) ni la loi sur l'éducation à Madagascar (17 juillet 1978)n'envisagent de mesures d'appui pour les jeunes filles en matièred'éducation et de formation. Aucun des trois plans quinquennauxturcs n'a pris de dispositions pour les femmes en tant que telles, selonune étude de l'Université du Bosphore destinée au séminaire tenu enmai 1978 à Istanbul sur la femme dans la société turque. Le manquede coordination et le défaut de concertation entre les différentsorganismes responsables de l'éducation contribuent à aggraver ledéséquilibre entre effectifs masculins et féminins. Mais l'ensembledes pays a tendance à considérer que la promotion et la défense desfemmes seront assurées et garanties par une organisation globale dela société sur des bases plus justes et plus égalitaires. Par conséquent,pour la plupart d'entre eux, des mesures de protection spécifiques nese justifient pas. Or, dans l'état actuel des choses, cela revient finale­ment à protéger les garçons qui bénéficient toujours des prioritésgouvernementales.

Les droits et les possibilités des femmes en matière d'éducationont été aménagés avec retard par rapport à ceux des garçons. Avantla révolution mongole (1924), aucune fille n'avait pu recevoir d'édu­cation scolaire. En Afghanistan, le droit à l'éducation pour tous futproclamé en 1920. Mais en ce qui concerne les femmes, elles n'eurenten fait accès aux écoles primaires, secondaires et normales quetrente ans plus tard. Au Portugal, l'enseignement primaire a étérendu obligatoire pour les filles avec quatre ans de retard sur lesgarçons. De nombreuses écoles techniques n'ont été ouvertes que

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Discordances quantitatives et qualitatives

très tardivement aux filles. Ce n'est qu'en 1978 qu'un lycée agricolea ouvert ses portes aux jeunes filles malgaches. Les jeunes Afghanesn'ont eu accès à quelques écoles techniques qu'à partir de 1976.

Dans les pays où la mixité n'existe pas, l'accès des filles à une for­mation est subordonnée à l'ouverture d'une école pour filles. EnJordanie, des écoles commerciales ont été créées en 1970 pour lesgarçons alors que la première école pour filles date de 1975. EnAfghanistan, sur 133 lycées, 16 étaient féminins en 1970. La propor­tion n'a guère changé en 1977: sur 199 lycées, 32 étaient féminins.

L'insuffisance des équipements scolaires restreint d'autant plusles possibilités d'accès des jeunes filles que l'ensemble des paysconsidérés sont confrontés à une explosion de la population âgée demoins de 15 ans: 52% desJordaniens, 44% des Malgaches et 40% desTurcs ont moins de 15 ans et se bousculent à l'entrée du secondaire.

Face à l'insuffisance des places disponibles, certains pays ont étécontraints d'instaurer des quotas ou des examens d'admission dansle secondaire. En Jordanie, 75% seulement des élèves quittantl'enseignement obligatoire sont admis dans le secondaire. En Tur­quie, l'admission dans le secondaire est fonction des résultats sco­laires et des places disponibles. LaJamaïque et Madagascar admettentles étudiants sur concours. Or, il semble que le système sélectif soitplus durement ressenti par les filles. Les statistiques jamaïquainesrelatives aux concours d'entrée dans les différents établissements dusecondaire montrent que les taux de réussite des filles sont trèsinférieurs à ceux des garçons. Alors que les filles étaient deux foisplus nombreuses à se présenter en 1976 à l'examen d'entrée, 16,4%d'entre elles furent reçues contre 20,3% des garçons inscrits.

Les examens de sélection pour les écoles techniques et profession­nelles indiquent les mêmes tendances (voir tableau 3) [Jamaïque,p.27].

TABLEAU 3. Résultats aux concours d'entrée dans les lycées techniques enJamaïque, par sexe, en 1976177.

ge année 13e année

Hommes Femmes Total Hommes Femmes Total

Inscrits 4040 7393 11443 4156 8557 12713Reçus 407 595 1002 399 423 822Pourcentage 10,1 8,0 8,5 9,6 4,9 6,5

Il arrive aussi que la sélection à l'entrée dans le secondaire se fasse«naturellement»: quand la scolarité n'est ni obligatoire ni gratuite,beaucoup de parents ne peuvent assumer la dépense. Si l'éducationsecondaire est encore souvent un privilège pour les garçons, elledevient un luxe lorsqu'il s'agit des filles. D'une part, parce que s'il y

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a un sacrifice financier à faire, les parents donnent toujours la prioritéau garçon sur la fille. D'autre part, parce que nombreux sont lesparents qui préfèrent garder leur fille à la maison où elle est jugéeplus utile dans les tâches domestiques. L'éducation des filles estencore considérée comme moins rentable que celle des garçons.

Enfin, l'adolescente est confrontée à des problèmes spécifiques,car l'âge d'entrée dans le deuxième cycle de l'enseignement secon­daire correspond à celui du mariage. Certains pays comme l'Afgha­nistan, la Jordanie et Madagascar mentionnent le mariage commeune cause d'abandon chez les filles. En Turquie, 53% des femmes semarient entre 15 et 17 ans, et 29% entre 18 et 20 ans. A Madagascar,la loi autorise le mariage des jeunes filles à 14 ans. Ces mariagesprécoces avancent la période de maternité et gênent la poursuite desétudes. Par ailleurs, les structures scolaires pouvant acueillir lesfemmes mariées sont très insuffisantes. Il existe une école à Kaboulmais aucune dans les provinces afghanes. La Jamaïque et Mada­gascar s'inquiètent de la croissance du nombre des grossesses pré­coces et des problèmes de santé entravant le déroulement desétudes des jeunes filles, mais aucune mesure particulière ne paraîtenvisagée pour résoudre ces problèmes féminins.

En raison du retard accumulé dans la scolarisation des filles, destendances gouvernementales et parentales à donner la priorité auxgarçons sur les filles, et de l'absence de prise en considération desproblèmes spécifiques des adolescentes, il semble que, dans certainspays, le processus sélectif s'aggrave aux dépens des filles.

Si trois pays ont réussi à équilibrer les effectifs féminins et mascu­lins dans le secondaire, des disparités qualitatives subsistent néan­moins partout à l'intérieur des pays. Elles sont fonction du milieud'origine des élèves, du type d'établissement fréquenté et du typed'enseignement suivi.

DISPARITÉS QUALITATIVES

Une éducation pour le prestige

La situation sociale et économique et le niveau culturel des parentsdéterminent dans une large mesure l'accès à l'éducation, le typed'enseignement suivi et les conditions d'études, dont dépend l'avenirprofessionnel de la jeune fille.

Pour les milieux aisés, «l'instruction est probablement apparuecomme un moyen de manifester sa richesse et de sacrifier auxconventions sociales» Uordanie, p. 3]. Les jeunes filles de ces milieuxont donc plus de chances d'accéder à l'enseignement secondaire que

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celles des milieux défavorisés. Mais alors, elles sont le plus souventorientées vers un enseignement général jugé plus prestigieux etcapable, en leur fournissant un supplément de culture, de les«valoriser» aux yeux d'un futur mari.

Par ailleurs, on admet difficilement que l'éducation des jeunesfilles puisse être une fin en soi ou une préparation à la vie active. Onconsidère plus généralement qu'elle permet à lajeune fille d'«atten­dre le mariage» et de «parfaire» ses qualités d'épouse (Madagascar).

Ainsi conçue; l'éducation est détournée de sa vocation. C'est pour­quoi l'on estime parfois que les changements ne proviendront pas del'élite, où les femmes tirent rarement parti de leurs possibilités, maisdes classes moyennes où l'éducation est un moyen de promotion etde mobilité sociale, et où le souci de formation professionnellel'emporte sur les considérations traditionnelles.

Qualité de l'enseignement en zones TUrales

Dans les milieux défavorisés, l'enseignement est non seulement unecharge trop lourde mais aussi un manque à gagner pour la famille,car la jeune fille peut contribuer par son travail à améliorer les res­sources familiales. Cela est particulièrement vrai dans les zonesrurales, où elle participe aux travaux domestiques et aux travaux deschamps. C'est pourquoi les parents répugnent à l'envoyer en classe.

Or, dans la plupart des pays, la population est encore en majoritérurale. La Mongolie n'est pratiquement pas urbanisée, les popula­tions afghanes et malgaches sont rurales à 85%, et celle de Turquiel'est encore à 58%.

Par ailleurs, le réseau scolaire est souvent insuffisamment décen­tralisé. C'est ainsi que la plupart des écoles afghanes sont concentréesdans les grandes villes, et que presque toutes les écoles profession­nelles se trouvent à Kaboul. LaJordanie, dont la population vit pour62% dans les trois villes principales, a été amenée à assouplir lesconditions d'admission dans le secondaire pour les jeunes filles desrégions éloignées. Madagascar a entrepris en 1978 un effort dedécentralisation pour permettre aux enfants des villages dispersésd'avoir les mêmes chances de poursuivre leurs études. D'aprèsl'étude faite par l'Université du Bosphore, il ressort également quel'inégalité face aux structures d'accueil atteint son point culminantdans les zones rurales, où ces structures sont tout à fait déficientes.

Seule la Mongolie semble avoir un réseau d'écoles secondairesextrêmement décentralisé puisque 90% des districts ruraux ont une.école secondaire de huit années. Partout ailleurs, les zones ruralessont assez mal équipées. La scolarisation des jeunes ruraux en estrendue plus difficile, surtout en ce qui concerne les filles. Les parents

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Discordances quantitatives et qualitatives

hésitent à se séparer d'elles ou s'y refusent, soit parce qu'ils redoutentl'éloignement du milieu familial (Afghanistan, Madagascar), soitparce qu'ils ne veulent pas envoyer leurs filles dans un établissementmixte (Madagascar), soit en raison des difficultés de transport et desmauvaises conditions d'hébergement (Afghanistan).

Les conditions d'études sont également moins favorables en zonerurale. EnJamaïque, par exemple, les enseignants qualifiés sont plusdifficiles à trouver. Dans certains cas, formés en ville, ils hésitent àretourner à la campagne, et il s'ensuit une pénurie d'enseignants(Afghanistan).

Les écoles rurales offrent des programmes légèrement différents,dans la mesure où, comme en Jamaïque dans les zones rurales, uneformation agricole fait partie du programme. Bien qu'obligatoiredans toutes les écoles, l'organisation de fermes scolaires et de courssur la production agricole n'existe pratiquement pas dans les écolesurbaines. A Madagascar, le programme d'éducation pratique estdéfini par chaque établissement compte tenu des ressources et despotentialités locales. Ce programme est donc nécessairement diffé­rent dans les régions rurales, comme le montre la liste des travauxénumérés à titre indicatif.

Les problèmes d'éducation dans les zones rurales sont d'autantplus importants que l'exode rural croît avec la modernisation despays. La Jamaïque, la Jordanie et la Turquie doivent faire face àl'arrivée dans les villes de travailleurs migrants sans qualifications.EnJamaïque, les femmes qui envahissent les districts urbains pour ychercher du travail sont dangereusement exposées au chômage. Etles emplois qu'elles trouvent: domestique, ouvrière non qualifiée- surtout dans l'industrie du vêtement - sont mal payés et irréguliers.A Madagascar [p. 63], on souligne la nécessité de procéder à «uneamélioration rationnelle et progressive du milieu rural... qui groupe85% de la population totale et qui souffre actuellement de l'insuffi­sance des moyens matériels et surtout humains mis à sa disposition».

Ces circonstances affectent en particulier les femmes, qui peuventêtre ainsi privées, en pratique, de la liberté de choisir entre les diffé­rents types d'établissements.

Enseignement prive: oui, mais ...

Si enJordanie, on ne trouve en zone rurale que des écoles publiques,au Portugal au contraire, «tandis que l'enseignement public se limiteaux sièges des districts et à quelques autres centres urbains, l'ensei­gnement privé s'étend à beaucoup d'autres endroits». Cette situationn'est pas sans conséquences pour les jeunes filles, car les établisse­ments privés sont principalement orientés vers l'enseignement

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Discordances quantitatives et qualitatives

général, offrent peu de formation professionnelle et peuvent égale­ment modifier une partie des programmes officiels. C'est pourquoil'enseignement privé est parfois suspecté d'ajouter encore à la discri­mination dont souffrent les jeunes filles.

A l'exception de la Mongolie, tous les pays disposent, parallèle­ment à l'enseignement public, d'un enseignement privé. Celui-ciest souvent dirigé par des organisations religieuses, comme c'est lecas en j amaïque, à Madagascar, au Portugal et, dans une moindremesure, enjordanie. Il permet d'assurer la scolarisation d'une partplus ou moins importante des élèves. En 1975, 49,1 % des jeunesMalgaches et 28,7% des jeunes Portugais faisaient leurs étudessecondaires dans des établissements privés. En 1976, 12,5% desjeunes jordaniens étaient inscrits dans des écoles privées.

Il est difficile de mesurer les proportions respectives des effectifsféminins et masculins dans l'enseignement privé. Il semble qu'auPortugal, le pourcentage de filles fréquentant les établissementsprivés soit plus élevé (23,5% des effectifs féminins pour 21,2% deseffectifs masculins du secondaire), alors qu'enjordanie, les garçonss'y inscrivent en proportion plus grande (15% des effectifs masculinspour 10% des effectifs féminins du secondaire).

Dans la plupart des pays, l'enseignement privé permet d'assurerla scolarisation d'un plus grand nombre d'enfants en suppléant auxinsuffisances du système public (Madagascar, Portugal). Les établis­sements privés absorbent les élèves qui échouent aux concoursd'entrée dans le premier cycle Oamaïque,jordanie) ou le deuxièmecycle Oamaïque, Madagascar) du secondaire. Ils accueillent lesenfants qui ont dépassé la limite d'âge fixée pour l'admission dans lesecondaire Oamaïque,jordanie). Enfin, ils permettent le rattrapagescolaire des élèves qui ont échoué dans les écoles publiquesoamaïque, j ordanie, Madagascar, Portugal).

L'enseignement privé recrute généralement ses effectifs parmi lesclasses sociales aisées, car il est payant, et les frais de scolarité y sontparfois assez élevés (Madagascar).

Dans les six pays, il est soumis au contrôle gouvernemental, maiss'il est parfois subventionné comme enjamaïque ou à Madagascar,tel n'est pas toujours le cas. Le problème du soutien à l'enseignementprivé est d'ailleurs largement discuté à Madagascar et au Portugal.Tous les établissements privés sont placés sous le contrôle duministre de l'éducation, ils doivent respecter les directives géné­rales de l'enseignement secondaire, offrir les mêmes programmeset préparer aux mêmes examens. En fait, leurs programmes ne sontpas toujours strictement identiques à ceux de l'enseignement public.Les établissements sont tenus d'offrir les mêmes matières princi­pales, conformément aux plans d'études définis par le ministère,

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Discordances quantitatives et qualitatives

mais ils disposent d'une plus grande latitude pour les matièresfacultatives et supplémentaires.

En Jordanie, les établissements privés sont autorisés à préparerleurs élèves aux examens organisés dans les pays étrangers. Au Por­tugal, ils ont un statut plus libre et plus autonome que les établis­sements publics. Ils peuvent créer des cours d'éducation morale,physique ou artistique, des cours préparant à la fonction d'enseignantou à l'entrée dans les écoles normales, aussi bien que d'autres coursqui ne sont pas prévus dans les plans d'études officiels. Ces courspermettent d'élargir l'enseignement, de dispenser une éducationchrétienne, et de donner aux garçons et aux filles des enseignementssupplémentaires différents (culture physique pour les garçons etéducation féminine pour les filles). D'autre part, les écoles privéesportugaises sont plus libres quant au choix des manuels scolaireset du matériel pédagogique. Cela était particulièrement importantavant 1974, alors que tout l'enseignement reposait, dans le secteurpublic, sur des manuels uniques. Enfin, les classes sont souventmoins chargées et les professeurs ne sont pas soumis aux mêmesexigences de qualification et de formation. EnJamaïque, il n'existequ'une école privée où les professeurs aient les mêmes qualificationsque ceux des écoles publiques.

EnJamaïque, comme au Portugal, les écoles privées sont essentiel­lement orientées vers l'enseignement général. Lorsqu'elles offrent unenseignement technique et professionnel, c'est souvent dans desbranches considérées comme féminines, telles que le secrétariat, leslangues, le service social, la puériculture ...

Au Portugal, jusqu'en 1974, les écoles privées détenaient le mono­pole de la formation des puéricultrices, et il existe actuellement degrandes différences entre les programmes des écoles privées et ceuxdE;s écoles publiques de puériculture. Dans les premières, commel'Ecole religieuse Paula Frassinetti, la formation chrétienne deséducatrices revêt une grande importance, alors que les secondesoffrent une formation laïque basée sur des techniques pédagogiquesmodernes. Ces «différences ont de lourdes consé<J..uences sur l'orien­tation des pratiques éducatives» [Portugal, p. 62J.

TABLEAU 4. Établissements secondaires publics et privés au Portugal en1975176

Établissements

Techniques/professionnelsLycées

TOTAL

20

Publics

167183

350

Privés

16266

282

Discordances quantitatives et qualitatives

Enfin, l'enseignement privé jouit souvent d'une meilleure répu­tation et d'un plus grand prestige que l'enseignement public. Celatient à la fois à la qualification des professeurs, au type d'enseigne­ment dispensé, à des raisons d'ordre moral et idéologique (Portugal),à des causes sociales Uamaïque}, à la plus grande liberté et créativitédans les méthodes pédagogiques et au meilleur pourcentage desuccès aux examens, ou encore au fait que les classes sont moinssurchargées. Chacun de ces facteurs intervient à des degréS diversselon les pays et selon les établissements, et détermine la compo­sition et la qualité des programmes.

Dès lors, il paraît hasarde~ de tirer des conclusions généralessur le caractère plus ou moins discriminatoire de ce type d'ensei­gnement. Il est également difficile d'évaluer l'impact de l'enseigne­ment privé sur les jeunes filles, car rien ne permet de conclurequ'elles y soient plus systématiquement exposées que les garçons.La question mérite cependant d'être examinée au même titre quecelle de la mixité.

La coéducation: une chance supplémentaire?

Il est frappant de constater que si la mixité existe dans certains paysau niveau primaire, elle disparaît souvent au niveau secondairepour reparaître dans le supérieur.

Le Portugal a rétabli la mixité en 1972 après cinquante ans derégime séparé, mais la coéducation est encore loin d'être une réalité.LaJamaïque, Madagascar et la Turquie sont sectoriellement mixtes.L'Afghanistan instaure lentement la mixité, et laJordanie a en faitun régime de séparation (le pourcentage d'établissements mixtes- 4,6% - est pratiquement insignifiant).

A l'exception de la Mongolie et du Portugal, aucune dispositionlégale ne détermine le régime des établissements. Le régime deséparation en Jordanie est dû à des causes historiques et sociales etne fait que «perpétuer les types d'établissements q'!i se sont autre­fois développés localement dans les pays arabes» Uordanie, p. 19].L'Afghanistan évoque les lourdes pressions culturelles, laJamaïqueet le Portugal les problèmes de discipline ou de puberté pour expli­quer l'absence de réelle coéducation. Il semble, de manière générale,que la séparation provienne surtout de facteurs culturels. Dans lespays où les deux types de régimes coexistent, la mixité est surtoutle fait des écoles normales, encore que le déséquilibre entre les effec­tifs masculins et les effectifs féminins empêche de parler de coédu­cation.

Or le régime de la séparation peut avoir des incidences sur lesprogrammes d'enseignement. Même sans être fondamentalement

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Discordances quantitatives et qualitatives

différents, ces programmes présenteront souvent, dans ce régime, unmoins grand éventail de matières à option, puisque celles-ci sont en .général différenciées dans les écoles selon le sexe des élèves. EnJamaïque, les lycées féminins offrent des cours à option correspon­dant aux rôles traditionnels des filles, c'est-à-dire sciences domes­tiques et secrétariat; tandis que les lycées masculins offrent auxgarçons des cours de dessin technique et de travail du bois ou dumétal. EnJordanie, les écoles de filles comptent, en plus des matièresgénérales communes aux garçons et aux filles, des cours d'ensei­gnement ménager. Il en est de même en Afghanistan et enJamaïque.

Par ailleurs, dans le régime de la séparation, le corps enseignantest nettement différencié, ce qui peut avoir des conséquences sur lesprogrammes. Ainsi, au Portugal avant 1972, le statut des lycéesstipulait que les professeurs du sexe masculin ne pouvaient enseignerla culture physique aux élèves-jeunes filles, et que, au cas où il n'yaurait pas d'enseignante dans le lycée, le temps des jeunes filles seraitalors consacré à d'autres activités orientées par la déléguée de laJeunesse portugaise féminine. En sens inverse, faute d'écoles ou desections féminines pour l'enseignement industriel et agricole, lesfemmes jordaniennes ne peuvent être formées et enseigner dansces branches

Le clivage du corps professoral peut entraîner des différencesdans le degré de qualification des professeurs, surtout dans la mesureoù les écoles normales sont séparées et organisent elles-mêmes leurspropres examens Uordanie, p. 29]. EnJordanie, selon les critères duMinistère de l'éducation, il semble que 4,5% des enseignantes et 9,7%des enseignants aient les qualifications requises pour exercerUordanie, p. 26].

Si la différenciation des établissements selon le sexe des élèvespeut être source de disparités qualitatives, il en est de même de ladifférenciation entre types d'enseignement qui préfigurent l'orien­tation professionnelle.

Les choix scolaires sont des choix professionnels

En règle générale, l'enseignement secondaire se divise en deuxcycles: le premier, d'une durée de trois ou quatre ans, se termine à lage année d'études; le second, d'une durée de deux à quatre ans, mèneau certificat de fin d'études secondaires. D'autre part, les étudessecondaires se répartissent en trois branches: enseignement général,technique et professionnel, et normal. L'orientation dans ces diversesbranches a lieu théoriquement en début de deuxième cycle.

Mais cette double structure, qui constitue un modèle théorique,connaît des variations dans les différents systèmes éducatifs. En

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Discordances quantitatives et qualitatives

général, le premier cycle offre un enseignement unifié jusqu'à lage année. (En Mongolie et en Turquie, le premier cycle s'arrête en8e année, le Portu~~ a unifié son premier cycle depuis 1978.) Cepen­dant, deux pays Uamaïque et Madagascar) ont un premier cycledivisé en enseignement général et enseignement technique. Le choixd'une branche d'enseignement s'effectue donc dans le premier cycleà Madagascar (en 6e année) et enJamaïque (en 7e année), alors qu'iln'intervient qu'en première ou deuxième année du deuxième cycledans les autres pays.

Enfin, difficulté supplémentaire, la formation des instituteurscommence à des niveaux scolaires variables. Généralement, l'ensei­gnement normal débute en 12e ou 13e année d'études, mais il arriveque ce soit plus tôt (ge année en Mongolie et lOe année à Mada­gascar), ou plus tard (en fin de secondaire pour laJamaïque et laJordanie).

La variété des structures des différents systèmes rend la compa­raison difficile et délicate. On peut toutefois faire un certain nombrede constatations. Comme le montre le tableau 5, dans quatre payssur sept, la proportion des filles inscrites dans l'enseignement

TABLEAU 5. Pourcentage des effectifs féminins selon les types d'enseigne-ment secondaire

Enseignement Enseignement EnseignementPays Année Total général technique normal

Afghanistan 1975 12 12 14 14Jamaïque 1975 53 53 49Jordanie 1975 41 41 29Madagascar 1973 42 42 30 39Mongolie 1975 52 51 61 83Portugal 1975 49 50 38 78Turquie 1973 30 29 32 48Source. Annuaire statistique de l'Unesco, 1977.

général est supérieure à celle des filles inscrites dans l'enseignementtechnique. Le pourcentage des filles suivant un enseignement nor­mal est très élevé dans deux pays, auxquels il faut ajouter laJamaïque où 85,82% des effectifs de l'enseignement normal étaientféminins en 1978. Il est probable que le pourcentage des femmesmalgaches dans l'enseignement ait beaucoup augmenté depuis 1973,date à laquelle le Service national dans l'éducation a été rendu pos­sible. LaJamaïque et la Mongolie se distinguent par le fort pourcen­tage de femmes poursuivant des études techniques.

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Discordances quantitatives et qualitatives

Les choix scolaires au niveau du secondaire sont extrêmementimportants pour l'avenir des jeunes filles, car ils déterminent leuravenir professionnel et sont le plus souvent irrévocables, à moinsde recommencer la totalité d'un cycle. Il existe peu de passerellesentre les différents types d'enseignement, même si certains pays ontessayé de rendre les cloisons moins étanches (Madagascar, Portugal,Turquie). Dans ces conditions, le choix scolaire devient un choixprofessionnel.

L'orientation dans une branche du secondaire conditionne donc ledegré et le niveau de participation future des femmes dans l'écono­mie nationale. Choisir l'enseignement général, c'est se diriger versdes études supérieures. Mais on sait qu'il y a peu de jeunes filles quipourront poursuivre leurs études au-delà du secondaire dans laplupart des pays en développement. D'autre part, le lycée n'est pasune école professionnelle et il ne forme à aucune profession. Or lesgarçons s'orientent de plus en plus vers l'enseignement technique,et comme les filles continuent à se diriger vers l'enseignementgénéral, le pourcentage de ces dernières dans l'enseignement tech­nique décroît d'autant. De ce point de vue, l'égalité vis-à-vis del'enseignement secondaire est encore loin de se réaliser.

Pourtant, l'enseignement technique et professionnel est partoutreconnu comme primordial: «Les pays en développement du tiersmonde, comme la République démocratique d'Afghanistan, ont biendavantage besoin de techniciens et de spécialistes, afin d'amélioreret de développer la vie économique et sociale» [Afghanistan, p. 28].La Charte de la Révolution socialiste malgache insiste aussi surl'importance de l'enseignement technique et sur l'urgence de formerune main-d'œuvre qualifiée. Le ministre de l'éducation portugaisrappelait en 19631e besoin de main-d'œuvre du pays et les nouvellesnécessités économiques. Enfin, lors du Symposium de l'Unesco surles problèmes de l'éducation et de l'emploi, en 1976, a été soulignéégalement le besoin pressant de main-d'œuvre qualifiée dans lesdomaines techniques et manuels en Jordanie où les statistiques del'année 1974175 révèlent que 10,9% seulement des étudiants diplô­més des écoles secondaires ont suivi un enseignement professionnel,alors que 89,1 % ont reçu un enseignement général, qu'il soit litté­raire ou scientifique.

Dans ces conditions, il est indispensable que les jeunes filles béné­ficient de l'enseignement technique et professionnel, afin de pouvoirêtre intégrées au développement économique national.

Il est significatif, d'ailleurs, que les femmes représentent un pour­centage très élevé des effectifs inscrits dans l'enseignement tech­nique en Mongolie, où l'accent est mis sur la nécessité d'orienter laformation en fonction des besoins économiques, et en Jamaïque où

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Discordances quantitatives et qualitatives

l'essor industriel a facilité l'accès des femmes à ce type de formation.Au demeurant, s'il est vrai que le prestige dont jouit l'enseigne­

ment général est fondé sur des raisons sociales (voir ci-dessus p.16),il est souvent renforcé par le niveau de qualification des enseignantsdans cet ordre d'enseignement. Au Portugal, les professeurs del'enseignement général ont des qualifications supérieures à ceux del'enseignement technique, qui sont à leur tour plus qualifiés queceux des écoles polyvalentes (tableau 6).

TABLEAU 6. Enseignants par qualification et type d'établissement au Portu­gal (en pourcentage pour 1976177)

A B C D Total

Enseignement général 43,2 37,6 6,7 12,4 8853Enseignement technique 31,4 51,2 7 10,3 10406Enseignement polyvalent 22,4 42,8 13,4 21,3 7639

---

TOTAL 32,7 44,8 8,7 14,1 26898A: Professionnels ayant une formation pédagogique, titulaires de leurs postes.B: Enseignants ayant une formation universitaire (licence) adéquate aux matières qu'ils enseignent.C: Enseignants ayant une formation universitaire (fin du 1er cycle) ou une formation complémen·

taire spécifique adéquate aux matières qu'ils enseignent, mais n'ayant pas fini leur formationuniversitaire.

D: Enseignants sans formation unlversitaire ou sans formation universitaire adéquate.

Malheureusement, aucun chiffre n'ayant été communiqué pourles écoles polyvalentes là où elles existent Uamaïque, Jordanie,Madagascar, Portugal), il n'est pas possible de tirer des conclusionssur les incidences de cet enseignement pour les jeunes filles.

Quant à l'enseignement normal, ce dernier forme une impres­sionnante proportion de femmes. Il semble d'ailleurs que le pourcen­tage de femmes dans cet enseignement croisse avec le développementdu système éducatif. Mais la proportion des enseignantes diminue àmesure que l'on monte dans la hiérarchie des enseignements. Celatient sans doute au fait que la profession d'instituteur se dévaloriseprogressivement au profit de celle de professeur dans le secondaireou le supérieur.

Les jeunes filles se dirigent donc massivement vers l'enseignementgénéral ou vers le métier d'institutrice, et restent minoritaires dansl'enseignement technique et professionnel. Avant même que l'onconsidère l'éventail des formations ouvertes aux femmes, on s'aper­çoit, au vu de cette répartition des effectifs, que l'éducation secon­daire des jeunes filles est le plus souvent détournée de sa finalitéqui est de préparer à la vie active, comme elle est déviée de savocation d'instrument de promotion sociale.

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Discordances quantitatives et qualitatives

Personnel enseignant dans l'enseignement public en 1970 au Portugal

./ ./ nl(" ./ ./ ./18,3 68,0

./81,7 -

H11

66,8 1 ,11

1 ~vl 1

1

1

IlrHLl 1 Il i 1

-lJjUJ

88.4 73,6 Femmes

1

1

1

1

1

~11,6 LU Hommes

Cela justifie et renforce l'attitude des parents face à l'éducationdes jeunes filles, et confinne leur piètre opinion quant à sa renta­bilité. De même, cela maintient et accentue la faible participationdes femmes au développement économique et social. Un cercle serefenne dont il sera d'autant plus difficile de sortir que, de toutemanière, la gamme des fonnations professionnelles auxquelles lesjeunes filles pourraient prétendre est réduite par des critèresd'admission discriminatoires.

DISCRIMINATIONS PATENTES

Il existe en effet certains types d'établissements ou de fonnationsqui sont réservés aux garçons, ou réservés aux filles, de jure (voirAnnexe 1). Seules laJamaïque et la Mongolie ne mentionnent pasd'écoles ou de fonnations réservées à l'un ou l'autre sexe.

Les écoles réservées aux garçons sont le plus souvent des écolesprofessionnelles ne dépendant pas du Ministère de l'éducation. Ils'agit tout d'abord de celles qui donnent une fonnation préparantaux professions militaires (défense nationale, aviation, marine, gen­darmerie), et cela même à Madagascar où les jeunes filles sonttenues - comme les garçons - d'effectuer un service national, civilou militaire. En Afghanistan, les jeunes filles sont exclues des écoles

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Discordances quantitatives et qualitatives

d'aviation, du cadastre, de statistiques et de sciences économiques.Les formations agriçoles sont aussi généralement réservées aux gar­çons. En Jordanie [p. 29], les écoles industrielles et agricoles sontfermées aux jeunes filles. Les cours d'irrigation et de sylviculture etles campagnes de formation agricole sont, en Afghanistan, réservésaux garçons [p. 32]. A Madagascar, les formations d'agents tech­niques des postes sont réservées aux garçons, celles d'agents d'exploi­tation (employés de bureau) étant, elles, ouvertes aux femmes.

Les formations réservées aux filles dépendent plus fréquemmentdu Ministère de l'éducation. Il s'agit essentiellement des métiersd'infirmière, de sage-femme, de sténodactylo, de secrétaire, du ser­vice social et de l'artisanat. Certains lycées ou instituts sont réservésaux jeunes filles ou jeunes femmes et dispensent une formationspécifique (Afghanistan, Portugal avant 1974, Turquie). Au Portugal,par exemple, des cours d'agriculture et d'artisanat sont dispensésaux femmes dans le but de leur donner une formation plus complèteen matière d'économie familiale et pour améliorer l'ambiance dufoyer. Ainsi, L'Œuvre des mères pour l'éducation nationale donnedes cours d'artisanat féminin ainsi que des cours d'économie domes­tique, d'art culinaire et d'hygiène alimentaire, de puériculture, depsychologie, d'histoire de l'art, de technique du moulage céramiqueet de culture religieuse. Ces cours s'adressent uniquement à des per­sonnes du sexe féminin, célibataires. L'Institut de Ovidelas donnedes cours techniques de commerce, de sténodactylo, d'enseignementménager et de premiers secours.

Les discriminations existent dans les deux sens, mais les typesd'avenirs auxquels les formations conduisent sont radicalementdifférents. D'un côté, les garçons ont droit aux formations débou­chant sur les métiers de production et de responsabilités, de l'autre,les jeunes filles sont cantonnées dans des formations correspondantaux métiers de services ou à leurs rôles familiaux. Cela signifie doncque l'«on refuse à la jeune fille le droit d'être préparée à la vieprofessionnelle, ce qui ne contribue nullement à son intégration àla vie active. Cela est plus vrai encore en ce qui concerne la jeunefille rurale» [Madagascar, p. 43], qui est exclue des formationsagricoles - pourtant fondamentales dans ces pays où le secteurprimaire reste dominant.

En dehors de la Mongolie qui semble avoir pleinement intégréles jeunes filles dans l'ensemble du système d'éducation, la situationscolaire des jeunes filles, comme celle des garçons, est d'abord fonc­tion de leur place dans la structure économique et sociale de leurpays, c'est-à-dire de leur milieu social, culturel, économique etgéographique d'origine. Elle dépend en second lieu des structuresde l'éducation dans leur pays, c'est-à-dire des types d'établissements

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Discordances quantitatives et qualitatives

scolaires, mixtes ou séparés, privés ou publics, qu'ils ou elles peuventfréquenter, et des types d'enseignements et de formations qu'ils ouelles peuvent suivre. Elle est donc très diversifiée d'un pays à l'autre,mais aussi à l'intérieur de chaque pays, où les structures discon­tinues qui caractérisent les pays en développement engendrent dessituations très diverses.

Mais à ces facteurs de discrimination qui affectent également lesgarçons et les filles, s'ajoute pour celles-ci une sélection fondée sur lesexe. Car il apparaît que, quelle que soit sa situation, la jeune fille ararement les mêmes chances que son frère d'accéder à l'éducationsecondaire et les mêmes possibilités que lui de recevoir un ensei­gnement et une formation diversifiés. Il peut même arriver quel'enseignement et les formations auxquels elle aura accès puissentêtre tout à fait différents, comme nous venons de le voir à propos decertaines écoles professionnelles.

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DIFFÉRENCESDE PROGRAMMES

Si les pourcentages de femmes dans l'éducation et l'emploi sont undes révélateurs de leur statut dans une société donnée, ils n'ont pasde valeur indicative quant aux rôles attribués aux femmes. Quand ily a interaction entre le système d'éducation et les conditions écono­miques et socioculturelles, en général, cela ne joue en faveur desjeunes filles que dans la limite de leur rôle de femmes dans la société,de la façon dont ce rôle est perçu, de la place de la femme dansl'emploi et de la conception de cette place dans l'avenir.

L'éducation participe à cette définition des rôles par la nature del'enseignement qu'elle diffuse, mais aussi par sa conception du rôledes femmes. C'est pourquoi les programmes et leurs objectifs sontd'excellents indicateurs du type de rôle considéré comme féminin.Le contenu des études secondaires dessine le futur profil écono­mique, social et culturel des jeunes filles. Leurs objectifs délimitentle cadre dans lequel les jeunes filles exerceront leur rôle et la valeurqui est attachée à ce rôle.

LES VALEURS IMPLICITES

L'éducation secondaire s'inscrit dans des contextes nationaux diffé­rents et elle poursuit des objectifs politiques, idéologiques, écono­miques et culturels différents selon les pays.

Le sy~tème d'éducation turc «enseigne que la République turqueest un Etat national, démocratique, cosmopolite et social fondé surles Droits de l'homme» [Turquie, p. 9], tandis que celui de Mada­gascar «se donne pour finalité la construction d'une société socia-

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Différences de programmes

liste, moderne, décentralisée, harmonieusement équilibrée et t«:chni­quement développée» [Madagascar, p. 58], que celui de la Mongolieest conçu comme la «condition préalable et essentielle du dévelop­pement progr~ssif de l'économie nationale et de la consolidationgénérale de l'Etat populaire» [Mongolie, p.l], que celui de l'Afgha­nistan- doit permettre de créer une société plus juste, et que celui dela Jordanie repose sur le principe de l'«unité et de la liberté de lanation arabe» Uordanie, p. 4].

L'éducation a également une fonction économique. Elle permetde développer les forces productives et d'augmenter le revenu natio­nal (Mongolie), de répondre aux nouveaux et aux futurs besoinséconomiques Uordanie, Madagascar, Mongolie, Portugal) selon lesdirectives des planifications.

Elle a enfin des objectifs culturels: foi en Dieu et dans les valeurssuprêmes de la nation arabe Uordanie); élévation du niveau cultureldu peuple (Mongolie); ou élaboration d'une culture nationale(Madagascar).

Dans ce contexte, les objectifs individuels de l'éducation secon­daire visent à préparer de futurs citoyens responsables Uamaïque,Jordanie), à modeler l'homme nouveau acquis à l'option socialiste(Madagascar), ou à former les hommes du socialisme (Mongolie).L'éducation doit préparer les étudiants à la vie et au travail, les aiderà choisir un métier ou à poursuivre leurs études, en développant leursconnaissances et leurs aptitudes et en favorisant leur équilibre moral,intellectuel et physique. L'éducation doit, enfin, faire prendre cons­cience aux jeunes de leurs responsabilités sociales et de la nécessitéde faire passer l'intérêt de la communauté avant leurs intérêts per­sonnels (Afghanistan, Turquie), des avantages de l'organisationcollective du travail (Madagascar), de l'importance de la familleUordanie, Turquie).

Aucune distinction n'est faite dans ces objectifs entre les jeunesfilles et les garçons, du moins dans les textes. Mais les textes et objec­tifs officiels masquent des valeurs qui mettent au premier plan lerôle familial de la femme et ne 1ui attribuent guère de responsabilitésprofessionnelles. Ainsi, le ministre de l'éducation afghan prévoit deremanier les programmes d'enseignement qui s'adressent aux filles,de sorte qu'ils puissent «enseigner à celles-ci à être de bonnes mèrespour les générations futures du pays, et les préparer à tenir leur rôledans les activités économiques, politiques et sociales aux côtés deleurs compatriotes masculins» [Afghanistan, p. 48]. Par ailleurs, ilarrive, comme le souligne l'étude sur le Portugal [p. 12], que le fonc­tionnement des écoles, les normes, les critères et la disciplinequ'elles appliquent contredisent les buts exprimés dans les lois.

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Différences de programmes

Les finalités de l'éducation secondaire ne peuvent donc êtrejugées qu'au vu des plans d'études et programmes, pour chaque typed'enseignement

L'ENSEIGNEMENT GÉNÉRAL: UN SUBTIL CONDITIONNEMENT

L'enseignement général est destiné à permettre aux étudiants depoursuivre des études supérieures, tout en favorisant le dévelop­pement de leur personnalité et leur épanouissement physique, intel­lectuel et moral. Il vise à développer, dans l'ensemble des pays, laculture générale des étudiants, leurs connaissances de base, leurintelligence critique, leurs méthodes de travail et de réflexion, leurimagination créatrice et leur sens des responsabilités. Ces buts sontpartout similaires, que l'enseignement soit mixte ou séparé, et ilsconcernent l'ensemble des étudiants, garçons et filles.

Cependant, l'étude sur laJamaïque mentionne que les lycées, à lasuite d'une enquête, ont fixé eux-mêmes des objectifs spécifiquespour les garçons et pour les jeunes filles [p. 4], et se proposent dedévelopper des qualités et de promouvoir des rôles nettement diffé­rents pour les uns et les autres. En effet, l'enseignement généraltendrait à préparer les garçons à des rôles de direction dans lasociété, et à en faire des gentlemen et des citoyens dignes de l'écoleet de laJamaïque. Quant aux jeunes filles, il devrait tendre à déve­lopper leurs connaissances, en faire des personnes disciplinées etsûres d'elles, de bonnes citoyennes capables de jouer leur rôleefficacement dans la société, leur donner l'esprit de coopération etles préparer à leur rôle de mères, sans perdre de vue leurs fonctionsde femmes dans la communauté.

Un tronc commun mais... des options différentes

Les programmes de l'enseignement général comprennent d'unefaçon générale un tronc commun et des matières à options.

L'enseignement dans les matières principales est le même pourtous les élèves d'un pays. Il est fixé par le Ministère de l'éducation etimposé à tous les établissements, quel que soit leur statut. Les plansd'études doivent mener aux mêmes examens nationaux et per­mettre d'obtenir les mêmes diplômes.

Il y a deux exceptions à cette règle. EnJamaïque [p. 8] un lycéede jeunes filles offre un cours de mathématique d'un niveau inférieuravec un certificat spécial correspondant. Au Portugal jusqu'en 1972,les travaux manuels, qui étaient obligatoires dans le premier cycle,consistaient en dessin pour les garçons et en couture et broderiepour les filles.

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Différences de programmes

Les matières principales du premier cycle comprennent générale­ment la langue maternelle, la littérature nationale, les mathéma­tiques, l'histoire, la géographie, une deuxième langue, la physique,les sciences naturelles, l'éducation physique et l'instruction civique.Cette dernière matière existe dans tous les pays sauf, semble-t-il,en Afghanistan et au Portugal.

Le deuxième cycle se divise en deux ou quatre sections. EnAfghanistan, enJordanie, au Portugal, il existe une branche scienti­fique et une branche littéraire. A Madagascar et en Turquie, il y aquatre sections: mathématiques, lettres, sciences naturelles, scienceséconomiques et sociales. Toutes les sections ont en commun linensemble de matières de base, mais se différencient pour les cour~correspondant à leur spécialisation.

Sans fournir de statistiques, l'étude sur le Portugal constate qu'ily a plus de jeunes filles dans les branches littéraires que dans lesbranches scientifiques. De même, en Jordanie en 1976, les fillesreprésentaient 28,96% des effectifs dans la branche scientifique et50,44% dans la branche littéraire; 58,04% des effectifs masculinsoptaient pour les sciences contre 35,66% des effectifs féminins. Lesjeunes filles se dirigent donc beaucoup plus franchement vers leslettres, alors que les garçons dominent largement la branche scienti­fique. La Mongolie ne signale pas d'orientation de ce type, et enJamaïque le choix semble s'opérer par le biais des options.

Les options représentent environ 10% du nombre d'heures de courshebdomadaires et ont un caractère professionnel, artistique, sportif,ou productif. Les matières à caractère professionnel ont une fonctiond'initiation à un métier et à la vie active. Elles ont pour but d'éveillerl'intérêt des élèves pour une profession et de leur en donner le goût.Au Portugal depuis la réforme de 1972, et en Turquie, elles jouentmême un rôle d'orientation professionnelle. Seuls les lycées jamaï­quains leur attribuent des finalités différentes, selon le sexe del'élève : elles viseraient à parfaire l'éducation des garçons et àapprendre aux filles à s'habiller et à tenir une maison.

Des options mais... obligatoires

Il peut même arriver que certaines matières soient obligatoires selonqu'on appartient à l'un ou l'autre sexe.

Certaines sont imposées à titre supplémentaire aux jeunes filles.Au Portugal, jusqu'en 1971, les filles devaient suivre deux séancesde modes et travaux féminins par semaine, dans le premier et ledeuxième cycle. La réforme Veiga Simao a supprimé toutes lesoptions ayant un caractère spécifiquement féminin et, en 1974, uneffort pour diversifier les options a été entrepris. Ces options sont

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Différences de programmes

maintenant libres. Les matières proposées sont l'élevage, la santé, lachimie technique, l'administration, le commerce et les langues.D'autres options devraient être ouvertes dans les prochaines années.

En Jamaïque, de nombreuses options sont proposées en principe.Mais les écoles non mixtes ne proposent que des matières «appro­priées» au sexe de leurs élèves. Les cours de couture sont générale­ment complétés par des travaux de batik et d'impression sur tissu.

En Mongolie, dans le premier cycle, il existe des classes d'ensei­gnement ménager pour les filles, tandis que les garçons suivent descours techniques. De la 4e à la 8e année, les élèves sont répartis ensous-groupes: les jeunes filles s'initient au travail dans le secteur desservices, pendant que les garçons se livrent à des travaux techniques.En Turquie, dans le premier cycle, 4 à 8 heures de cours hebdoma­daires sont réservées à l'orientation professionnelle. Les jeunes fillesreçoivent des cours d'enseignement ménager, d'économie domes­tique et de couture, et les garçons participent à des travaux manuels.En Jordanie, dans le deuxième cycle, il est prévu d'aménager deuxheures hebdomadaires de cours professionnels, avec un enseigne­ment ménager pour les jeunes filles et un enseignement techniquepour les garçons.

Même quand elles sont laissées au choix des élèves, les optionsprofessionnelles ne sont donc pas toujours offertes également auxdeux sexes quand les établissements ne sont pas mixtes. Par ailleurs,dans de nombreux cas, l'échantillonnage offert aux filles est diffé­rent de celui qui est proposé aux garçons, et il arrive même que lechoix de certaines options soit obligatoire selon le sexe auquel onappartient.

Les enseignements à caractère artistique ou sportif, qui tendent àdévelopper les goûts esthétiques ou l'intérêt pour le sport, permet­tent également d'atténuer la séparation entre travail intellectuel ettravail manuel, et de renforcer les liens entre l'école et la viequotidienne.

Ces objectifs sont identiques pour les garçons et les jeunes fillesdans tous les pays, sauf en Jamaïque encore où, s'agissant de l'édu­cation physique, les lycées lui fixent des buts différenciés: pour lesgarçons, il s'agit d'éveiller chez eux le goût de l'athlétisme et dedévelopper leur vigueur physique; pour les jeunes filles, il est ques­tion de rester en forme et en bonne santé. Dans certains pays Uorda­nie, Madagascar, Mongolie), ces matières font partie du tronccommun obligatoire pour tous les élèves. Au Portugal avant laréforme de 1972, les jeunes filles ne pouvaient suivre de coursd'éducation physique que s'il y avait un professeur femme dansl'établissement. D'autre part, cette activité était couramment priseen charge par la Jeunesse portugaise dans le cadre des après-midi

33

Différences de programmes

qui lui étaient réservés, deux fois par semaine. Or un des articles desstatuts de cette organisation spécifiait [Portugal, p. 31]: «Serontexclus les exhibitions publiques, les compétitions d'athlétisme, lessports qui portent préjudice à la mission naturelle de la femme ettout ce qui pourrait offenser la délicatesse de la pudeur féminine.»L'activité sportive des jeunes Portugaises restait donc nécessai­rement très limitée. Actuellement, laJamaïque et le Portugal offrentégalement aux garçons et aux filles toutes les formes d'activitésartistiques et sportives.

Enfin, quatre pays ont développé la participation des élèves autravail productif. LaJordanie organise de temps à autre desjouméeshors de l'école pour participer à un projet collectif ou à un travailproductif. La Mongolie a organisé l'année scolaire de telle sorte queles élèves puissent se joindre aux travaux saisonniers en agricultureou dans le secteur de la construction. LaJamaïque prévoit, dans sonplan quinquennal actuel, des activités productives intégrées à l'écolepour initier les élèves à la vie active et susciter des attitudes positivesà l'égard du travail manuel et de l'engagement dans la productionéconomique: fabrication d'aliments pour la cafétéria, fabrication,entretien et réparation du mobilier scolaire, vente de produits et deservices à l'extérieur. Madagascar a introduit des cours d'éducationpratique, pour initier les élèves au travail productif, faciliter l'inser­tion dans la vie active et préparer les jeunes à participer au dévelop­pement économique du pays. Chaque école définit son propre pro­gramme en fonction des besoins locaux; d'autre part, les élèves plusâgés participent à des campagnes nationales comme la «bataille duriz» en 1977, ou à des travaux publics.

En principe, il n'est fait aucune différence, dans ces programmesde travail productif, entre les filles et les garçons, ce qui revêt uneimportance particulière puisque ces activités visent directement àintégrer les jeunes dans le développement économique, social etculturel de leur pays. Mais aucune indication ne permet de juger del'application pratique et des types de travaux réellement entreprispar les élèves.

L'enseignement général semble offrir un programme identiquepour l'essentiel aux jeunes gens et jeunes filles. Mais dans lesmatières destinées à préparer à la vie active, il existe une réelle diffé­renciation dans la conception des rôles, qui transparaît à travers lesoptions proposées et l'initiation professionnelle. Cette tendances'accentue dans l'enseignement polyvalent, situé à la limite del'enseignement général et de l'enseignement technique et profes­sionnel, à la charnière entre l'école et la vie active.

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Différences de programmes

L'ENSEIGNEMENT POLYVALENT

L'enseignement polyvalent a pour fonction de fournir une instruc­tion générale de base et une formation professionnelle dans unebranche donnée. Il prépare les élèves à entrer dans la vie active ou àpoursuivre un enseignement professionnel supérieur. Ces objectifssont identiques pour les garçons et les filles dans chacun des quatrepays où cet enseignement existe: Jamaïque, Jordanie, Madagascar,Portugal. En ce qui concerne les matières principales de culturegénérale, aucune distinction n'est faite entre les garçons et les filles:tous les élèves suivent les mêmes cours.

En revanche, en ce qui concerne la formation professionnelle lasituation est moins claire. Les écoles polyvalentes disposent debeaucoup plus d'options que les lycées, mais la répartition des fillesselon les options n'est pas connue.

EnJordanie, si la formation générale est identique dans les écolesde garçons et dans les écoles de filles, l'enseignement professionnelest nettement différencié, sans qu'il soit précisé quelles formationssont réservées aux uns ou aux autres. Au Portugal, les garçons et lesfilles ont accès aux mêmes branches, mais les filles sont sous­représentées dans les branches industrielles et agricoles (voirtableau 7).

TABLEAU 7. Taux de féminité dans l'enseignement polyvalent, par branche

Année

1966/671975

Agriculture

1312,5

Commerce

39,455,2

Industrie

13,415,8

Total

16,637,6

De surcroît, l'enseignement agricole donne aux femmes des coursspécifiques. Il s'agit d'apprentissages liés à l'activité agricole, maisplus «adaptés» aux tâches familiales et domestiques des femmes. EnJamaïque, outre le tronc commun, de nombreuses options sontoffertes, comme dans les lycées. Mais à la différence de l'enseigne­ment général, les buts assignés par les écoles polyvalentes sont lesmêmes pour les garçons et les filles. Il n'y a aucune différence dansles programmes, mais les jeunes filles s'orientent davantage vers lesdisciplines traditionnellement considérées comme féminines.

Que ce soit en raison des objectifs, de la restriction de l'éventaildes options proposées, de la spécificité des matières et des formations,ou plus simplement du choix des élèves eux-mêmes, la différen­ciation d'une partie des programmes de l'enseignement général oupolyvalent peut ainsi contribuer à renforcer la notion de rôlesmasculins et féminins. Mais cette différenciation est encore pluslourde de conséquences dans l'enseignement professionnel, où elle

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Différences de programmes

intervient systématiquement et détermine donc le degré de partici­pation des uns et des autres au développement national.

L'ENSEIGNEMENT TECHNIQUE ET PROFESSIONNEL:UN DÉTERMINISME CERTAIN

L'enseignement technique et professionnel tend à préparer les étu­diants à la vie active, à les former pour une profession ou un secteuréconomique, ou à leur permettre de poursuivre des études supé­rieures. La finalité de cet enseignement est de donner aux jeunes desqualifications facilitant leur intégration au marché du travail, et deformer une main-d'œuvre qualifiée répondant aux besoins del'économie nationale. Dans les pays considérés, ces objectifs et cettefinalité s'appliquent indifféremment aux jeunes filles et aux jeunesgens. Aucune distinction n'est faite entre eux à cet égard.

En revanche, les formations et les secteurs de formation effecti­vement ouverts aux uns et aux autres ne sont pas identiques. EnTurquie, il existe au niveau du Ministère de l'éducation une Direc­tion de l'enseignement technique pour les hommes et une autre pourles femmes. Les types de formation sont donc à priori différenciés.En Jordanie, l'enseignement professionnel est assuré par des écolesagricoles et industrielles pour les garçons et par des écoles d'ensei­gnement professionnel pour les filles, et par d'autres écoles profes­sionnelles non mixtes (commerce) accessibles aux deux sexesUordanie, p. 59]. Ici encore, les formations sont distinctes en fonctiondu sexe des élèves. En Afghanistan, «l'accès des filles à l'enseigne­ment technique est limité par des obstacles d'ordre culturel quitiennent aux vieilles traditions d'une société peu évoluée» [Afgha­nistan, p. 26] .Enfin, dans la plupart des pays, il existe des formationsréservées aux femmes ou conçues pour elles, de sorte que si lesfinalités sont identiques en théorie, en pratique les rôles impartis sontdifférents.

L'enseignement technique et professionnel est dispensé dans deuxtypes d'établissements: a) les lycées qui dépendent des ministèresde l'éducation et dont l'enseignement permet éventuellement depoursuivre des études supérieures; b) les écoles professionnelles ouécoles des métiers, qui préparent directement à la vie active, ontgénéralement un cycle d'études plus court et dépendent des diffé­rents ministères ou d'organismes indépendants.

Les lycées techniques, des filières spécialisées

Les lycées comportent plusieurs filières à l'intérieur desquelles lesprogrammes sont identiques pour tous les élèves inscrits, garçons ou

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Différences de programmes

filles, dans la mesure où cette filière leur est ouverte, ce qui n'est pastoujours le cas.

Quelle que soit la filière choisie, les programmes comportent unepartie pratique et une partie théorique. La partie pratique se déroulesoit en ateliers scolaires soit dans le secteur productif.

En Turquie, la formation extrascolaire dans le secteur productifdonne droit à des unités de valeur comptabilisées dans le systèmescolaire. En Mongolie, la formation en atelier scolaire dure six mois.Par la suite, les étudiants complètent leur formation dans les entre­prises, et l'attestation délivrée par l'entreprise à l'issue de l'appren­tissage est prise en considération pour la délivrance du certificatd'aptitude professionnelle.

La partie théorique comporte un corps de matières principalescommunes à toutes les sections, et un corps de matières spécialiséesadaptées à chaque section [Turquie]. En Jamaïque et au Portugalcertains cours spécialisés sont laissés au choix des étudiants.

Dans ce dernier cas, le choix est limité par l'éventail des matièresproposées et l'équipement des différents établissements. Au Por­tugal, par exemple, si la majorité des lycées techniques offraient en1977178 des cours d'administration et de commerce, de mécanique,d'électricité et de formation sanitaire, peu d'entre eux offraient descours dans les domaines du bâtiment, de l'élevage, de la musiqueou des textiles (voir tableau 8).

TABLEAU 8. Nombre d'établissements offrant les différentes options(Portugal, 1977(78)

Ecoles Écoles techniquesLycées polyvalentes et professionnelles

Administration-commerce 4 77 49Arts / design 18 7 12Bâtiment 2 9Chimie 8 8 19~lectrotechnique 22 40Elevage 6 14 6Langues 37 41 9Mécanique 37 43Musique 5 1 1Santé 43 64 30Sports 26 10 11Textiles 2Théâtre 14

Dans aucun pays il n'est signalé de cours ou matières réservéspour les jeunes filles. Le Portugal a supprimé en 1972 les coursd'économie domestique qui étaient obligatoir~s pour toutes les

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Différences de programmes

jeunes filles, quelle que soit leur section, et avaient pour but «laformation d'une bonne ménagère, son influence sur les conditionséconomiques et morales de la famille», par le biais de l'enseignementde notions d'habillement, de cuisine, de nourriture, d'arts domes­tiques et de gestion financière du ménage [Portugal, p. 13]. Cettematière supplémentaire obligatoire pour les filles n'existant plus,tous les élèves peuvent désormais choisir librement leurs options etleurs formations professionnelles.

Cependant, le choix peut être conditionné par l'intitulé même ducours. Sur 30 cours proposés, le Portugal souligne que 3 ont uneappellation féminine: brodeuse, couturière, brodeuse-dentellière, etque 27 s'adressent aux hommes, comme il ressort des indications auxélèves, des normes d'admission et de fonctionnement, des règlementset des plans d'études. L'utilisation du féminin ou du masculin pourdésigner les différents cours est certainement de nature à influencerle choix des élèves et à favoriser les comportements stéréotypés. EnJamaïque, le choix des élèves est renforcé par la politique des écoles;bien qu'il y ait à peu près le même nombre de professeurs hommeset femmes et qu'ils aient les mêmes qualifications, les lycées répar­tissent les tâches selon le sexe de l'enseignant: les femmes sontpresque toujours responsables des cours d'enseignement ménager,de secrétariat et de commerce, et pour ainsi dire jamais des coursd'agriculture, de mécanique automobile ou des ateliers d'usinage.Il n'est pas surprenant, dans ces conditions, de trouver une majoritéde filles dans les cours enseignés par les femmes et une majorité degarçons dans les cours enseignés par les hommes, en raison d'unphénomène d'identification bien naturel. Le choix des cours tel qu'ilse pratique enJamaïque et au Portugal est particulièrement impor­tant car il détermine le type de formation suivie et donc la spécia­lisation ultérieure.

Il existe dans tous les pays quatre secteurs de formation. Ce sontles secteurs industriel, tertiaire, artistique et agricole. Mais ils nesont pas toujours tous ouverts aux jeunes filles. Les pays qui ont unsystème d'éducation mixte n'établissent en principe aucune restric­tion d'accès fondée sur le sexe des élèves. Pourtant, la répartition deseffectifs masculins et féminins est très inégale selon les secteurs. Enrégime séparé, les jeunes filles n'ont accès à un secteur de formationque dans la mesure où une section, ou une école, a été créée à leurintention. C'est pourquoi en Jordanie, les filles n'ont pas accès auxformations agricole et industrielle, tandis qu'en Afghanistan, laformation agricole et certaines formations industrielles leur sontfermées.

Outre ces quatre sections, certains pays proposent une formationspécifique pour les filles, soit parce que, de jure, elle leur est réservée

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Différences de programmes

(Afghanistan, Turquie) soit parce que aucun garçon ne s'y inscrit(Portugal).

Le secteur industriel regroupe des formations telles que : géniecivil; automobile et aéronautique; technologie électronique, hydrau­lique, électrique; architecture; géologie; topographie, ou encoremines, radio ou textiles. En général, une place importante y estdonnée aux connaissances scientifiques et mathématiques afin depermettre aux futurs diplômés de s'adapter à l'évolution des tech­niques. Ce type d'études est donc de nature à donner de largesdébouchés aux diplômés soit en fin de secondaire comme travailleurqualifié dans des domaines techniques recherchés, soit, après uneformation supérieure, comme ingénieur exerçant de hautes respon­sabilités. C'est pourquoi la formation des jeunes filles dans ce secteurest déterminante du point de vue de leur contribution au dévelop­pement national et de la nature des postes et fonctions auxquelselles pourront prétendre par la suite. Or peu de jeunes filles bénéfi­cient d'une formation industrielle, parce qu'elles n'y ont pas accèsUordanie}, parce que peu de lycées leur sont ouverts (un seul enAfghanistan), ou parce que leurs effectifs sont très faibles. En Afgha­nistan, sur les 830 élèves de l'école technique de Kaboul, 25 étaientdes filles en 1978. Au Portugal, pour l'année 1975176, sur les 10 685inscrits au cours général d'électricité, 73 étaient des jeunes filles, surles 11 855 inscrits au cours général de mécanique, 60 étaient desjeunes filles, et sur les 1357 inscrits au cours d'entrepreneur debâtiments, 143 étaient des jeunes filles. EnJ arnaïque, les statistiquesindiquent une très faible participation des filles dans les cours dedessin industriel, de génie automobile ou de techniques électriques.

Le secteur tertiaire - commerce et administration - offre desformations en gestion, secrétariat, comptabilité, informatique, rela­tions publiques, économie et droit commercial. Ce secteur s'estlargement ouvert aux jeunes filles ces dernières années. LaJordaniea créé une section postale et trois écoles commerciales pour jeunesfilles. L'Mghanistan ne dispose pas d'écoles spécialisées mais formeles jeunes filles au secrétariat dans les lycées de jeunes filles. EnJordanie, 1716 jeunes filles sont inscrites dans des écoles commer­ciales. Elles représentent 44,15% des effectifs dans ce secteur en 1976.EnJarnaïque, on dénombre cinq fois plus de filles que de garçonsdans les cours de secrétariat, et presque deux fois plus dans les coursde comptabilité et commerce, en 1976. Au Portugal en 1975, ellesreprésentent 57% des effectifs des cours de commerce et d'adminis­tration. Les effectifs féminins sont donc généralement très impor­tants dans ce secteur tertiaire, mais les jeunes filles se cantonnent,le plus souvent, dans les formations de secrétariat, de dactylo­graphie et de relations publiques, qui offrent des emplois mal

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Différences de programmes

rémunérés et sans beaucoup de possibilités de promotion. L'impor­tance des débouchés varie en fonction des pays. Dans les pays où lesecteur tertiaire est peu développé, le service public absorbe unegrande partie des diplômés (Afghanistan).

Le secteur des arts et de l'artisanat, qui n'est pas mentionné par laJordanie et la Mongolie, offre des cours de décoration, arts textileset graphiques, photographie, céramique, poterie (Portugal), ou archi­tecture intérieure, tapisserie, publicité, ameublement (Madagascar),artisanat (Jamaïque), musique, menuiserie, tricot, dessin ou impri­merie (Afghanistan). Les principaux débouchés se réduisent àl'enseignement ou à la pratique d'une technique artisanale ou artis­tique. Les perspectives sont donc assez limitées pour les diplômés.Or le pourcentage des jeunes filles dans ce secteur est souvent impor­tant. Au Portugal en 1975, elles représentaient 57,6% des effectifs,et 52% enJamaïque en 1978.

Le secteur agricole offre des formations en sylviculture, élevage,industrie alimentaire, production agricole, irrigation. L'agricultureest un.facteur clé du développement national des différents paysétudiés, dont l'économie repose encore largement sur le secteurprimaire. D'autre part, les femmes participent dans de très largesproportions aux travaux agricoles, et le plus souvent de façon nonrémunérée. A Madagascar, 70% de la production agricole est assuréepar les femmes; 88% des femmes turques travaillent dans l'agri­culture. Le rapport du Portugal confirme que les femmes constituentune part importante de la population active de ce secteur économique.

Or les formations agricoles sont fermées aux jeunes filles enMghanistan et en Jordanie. Madagascar vient d'ouvrir son premierlycée agricole mixte. Au Portugal, 13% seulement des femmes sui­vent cet enseignement en 1975. Seule laJamaïque forme une forteproportion de jeunes filles: 48% des inscrits à ce cours en 1978 dansles lycées. Mais l'école supérieure d'agriculture (12e année) offre auxétudiants jamaïquains trois options: agriculture, sciences domes­tiques et enseignement dans ces deux branches, et les jeunes filleschoisissent plus facilement les sciences domestiques que l'agriculture,alors qu'un seul garçon sur 317 avait choisi cette option en 1978.

«L'école des femmes»

Cinq pays offrent ,une formation spécifique pour les jeunes filles.En Jamaïque, l'Ecole supérieure d'enseignement ménager forme

les futures enseignantes en sciences domestiques. En Turquie, leslycées techniques donnent un enseignement spécifique pour lesfil}es et offrent comme débouché dans le supérieur l'entrée àl'Ecole normale supérieure technique pour femmes, où celles-ci se

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px:éparent à enseigner les sciences domestiques. En Afghanistan,l'Ecole de la République (935 élèves en 1978) donne un e;.nseigne­ment technique réservé aux jeunes filles, tandis que l'Ecole del'Association démocratique des femmes afghanes (987 élèves en1978) permet aux femmes mariées de poursuivre leurs études secon­daires. EnJordanie, 213 jeunes filles fréquentent en 1976 une sectiondite «éducation féminine». Au Portugal, la section «formationféminine» - en voie de suppression - accueillait encore 3 078 jeunesfilles en 1976.

Les programmes de ces écoles sont constitués, en général, d'uncorps de matières principales identiques à celles des autres lycéestechniques (langue maternelle, mathématiques, histoire, géographie,deuxième langue, éducation physique, ...), et de matières à carac­tère professionnel. Au Portugal, on relève: l'hygiène, la réglemen­tation du travail, la puériculture, l'éducation sociale,)a dactylo­graphie, l'économie domestique. En Afghanistan, l'Ecole de laRépublique donne des cours de comptabilité, de secrétariat, decouture, de cuisine, de dactylographie, d'administration, de travauxmanuels, tandis que l'école réservée aux femmes mariées donne descours de puériculture et une initiation aux services sociaux. Lesdébouchés offerts sont généralement assez restreints. A part le pro­fessorat et le secrétariat, il existe peu d'ouvertures possibles pour cetype de formation.

Au moment de la réforme de l'éducation au Portugal, la suppres­sion des matières et formations spécifiquement féminines a soulevéde vives protestations. Les réactions se fondaient sur la nécessité dedonner aux jeunes filles un enseignement capable de les rendre «plusfemmes », et une formation correspondant à la mission et à la fonctionspécifiques que les femmes ont à remplir dans la vie.

Une telle formation est plus une préparation au rôle de mère et deménagère qu'une préparation à une quelconque profession, elle n'apas tant pour but de préparer les jeunes filles à une vie active etproductive que de les maintenir dans des rôles de reproduction, aveccomme seule fonction économique possible l'accomplissement destâches domestiques. Dans ces conditions, il est douteux que ce typede formation favorise la participation des femmes au développementéconomique, social et culturel. Il est même certain, au contraire,qu'elle réduit leurs possibilités de contribuer efficacement et defaçon dynamique et créative aux processus de développement.Enfin, on est en droit de s'interroger sur la rentabilité de cette éduca­tion, tant pour les jeunes filles auxquelles elle n'apporte aucune chancede promotion mais au contraire des risques de chômage, de sous­emploi et de frustration, que pour la collectivité à laquelle cetteéducation aura coûté fort cher pour un résultat quasiment nul.

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Ainsi, la participation des filles, dans l'enseignement technique etprofessionnel des lycées, est concentrée dans les secteurs les moinsprestigieux (secrétariat, comptabilité), comportant le moins dedébouchés (artisanat, arts) et correspondant mal aux besoins écono­miques (éducation féminine) des différents pays. Les garçons domi­nent dans les secteurs de haute technicité (génie) et de premièreutilité (agriculture).

Les écoles professionnelles: des formations spécifiques

La même situation semble régner dans les écoles professionnelles quisont inégalement accessibles aux deux sexes et offrent soit uneéducation féminine, soit une formation professionnelle «adaptée»aux femmes, soit une formation aux métiers «féminins», soit enfinune formation neutre (p. ex. sans considération du sexe de l'élève).

Certaines écoles ne sont ouvertes qu'auxjeunes filles et offrent uneéducation féminine. C'est le cas de l'Office de secours et de travauxdes Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche­Orient (UNRWA) en Jordanie où, en 1976,55 élèves reçoivent uneformation spécifique tandis que 577 garçons suivent un enseigne­ment industriel. C'est aussi le cas dans trois écoles portugaises.L'Institut de Odivelas dispense un enseignement secondaire généralet trois formations: commerce, sténodactylo et formation ménagère,complétées chaque fois de cours de premier secours. Cet in~titutdépend du Ministère de l'armée et fonctionne en internat. L'Ecolede l'assistance publique dispose d'une section pour les filles, quidonne un enseignement secondaire d'«économie domestique» des­tiné à former des ménagères, des gouvernantes, des employéesdomestiques ou des couturières-modistes-brodeuses. Les élèvesdouées peuvent suivre un cours professionnel de couture ou de for­mation féminine et, pour quelques-unes seulement, elles peuventaccéder aux cours d'assistante sociale, d'infirmière, ou aux écolesnormales d'instituteurs.

Enfin, l'école de l'Œuvre des mères pour l'éducation nationaledonne des cours d'éducation familiale et d'artisanat féminin (voirp.27).

D'autres écoles, signalées au Portugal, offrent des formations«adaptées» aux femmes. Il s'agit de cours d'extension agricole fami­li~e (voir p. 27) ou de cours d'éducation familiale rurale, et del'Ecole hôtelière qui dispense des enseignements destinés aux femmes(femme de chambre, femme d'étage) et aux garcons (réceptionniste,barman, cuisinier, gestionnaire, administrateur).

Certaines écoles dispensent des formations aux métiers «fémi­nins» parce que certains cours y sont réservés aux filles, ou parce que

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celles-ci y sont inscrites dans une écrasante proportion. Il existe auPortugal un cours de service social qui a pour but de «former desfemmes à exercer une action de prévention auprès des familles et àcompléter éventuellement l'action des hôpitaux». Tous les pays, àl'exception de la Mongolie, indiquent qu'il existe des écolespubliques ou privées destinées à former des infirmières, des sages­femmes, des auxiliaires médicales, des secrétaires ou des chargées derelations publiques.

Quelques écoles accueillent les garçons et les filles pour des forma­tions à des métiers «neutres»: en Afghanistan, l'école de formationà la technologie médicale (7 filles sur 30 élèves en 1978), l'écoled'aide-pharmacien (2 filles sur 31 élèves en 1978), l'école supérieured'inspecteurs de la santé (2 filles sur 24 élèves en 1978), l'écoled'infirmiers des hôpitaux d'ophtalmologie, les cours de bibliothé­caire. Au Portugal, dans les écoles d'auxiliaires-infirmiers, d'infir­miers psychiatriques, d'infirmiers, 84,60% des effectifs étaient fémi­nins en 1975/76; au Portugal toujours, l'école nautique a été récem­ment ouverte aux filles; il en va de même, en Afghanistan, des coursde radio-télévision.

Enfin, certaines écoles sont fermées, en droit ou en fait, aux jeunesfilles (voir Annexe 1). Il s'agit des écoles militaires (tous les l'ays),des écoles des mines ou industrielles (Afghanistan, Jordanie), desécoles d'aviation et du cadastre (Afghanistan), des écoles agricoles(Afghanistan, Madagascar), de certaines formations postales (Mada­gascar).

Les écoles professionnelles accentuent la dualité des formationssecondaires en soumettant l'accès à certaines sections au critère dusexe, en réservant certains programmes aux garçons et d'autres auxfilles, et en ouvrant aux uns et aux autres des carrières différentes.Cette différenciation pèse d'autant plus lourd sur l'avenir des jeunesfilles que les écoles professionnelles débouchent directement sur lavie active et dirigent les femmes vers des métiers traditionnels,permettant peu d'espoirs de promotion. Cependant, parce qu'ilssont perçus comme féminins et répondent aux besoins économiqueset sociaux, les métiers d'infirmière, de sage-femme, d'assistantesociale pourront être exercés sans entraves par les femmes.

Tel n'est pas le cas d'autres métiers auxquels l'enseignement tech­nique et professionnel conduit les femmes, par exemple ceux decouturière, brodeuse, secrétaire. Ces formations débouchent sur desmétiers inadaptés aux réalités économiques ou surchargés. Le Por­tugal souligne que l'enseignement technique et professionnel neprépare pas les femmes à des professions ayant une valeur réelle surle marché du travail: les jeunes filles se dirigent vers des professionssaturées et s'orientent vers des cours qui «s'accordent avec la

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Différences de programmes

dimension maternelle de leur fonction et où elles savent qu'ellesn'auront ras à affronter la concurrence du sexe masculin» [Portu­gal, p. 46 .

Si l'on tient compte du fait que, dans la plupart des pays, uneminorité de jeunes filles seulement accèdent à l'enseignement tech­nique et professionnel et que, dans tous les pays étudiés à l'exceptionde la Mongolie, les jeunes filles sont orientées ou canalisées de façonplus ou moins systématique vers des formations spécifiques adaptéesà leur rôle ou considérées comme «féminines», on constate quel'enseignement technique et professionnel n'est pas, à l'heureactuelle, un instrument de promotion de la participation des femmesau développement économique, social et culturel, mais bien plutôtun facteur maintenant la traditionnelle division du travail entrehommes et femmes.

L'ENSEI(;NEMENT NORMAL UNE FORMATION SUR MESURE

Au niveau secondaire, l'enseignement normal est destiné à formerdes instituteurs, et éventuellement des puériculteurs (Portugal). EnJamaïque et en Jordanie, cependant, les instituteurs sont formés auniveau supérieur, après les études secondaires. Le but de cette forma­tion est de donner aux futurs maîtres de bonnes connaissances géné­rales, de développer leur aptitude à enseigner dans le primaire etleur sens des responsabilités professionnelles, sociales et politiques.

L'instituteur est souvent considéré comme porteur d'une idéolo­gie ou d'une conception de la société qu'il a pour mission de trans­mettre à ses élèves. Son rôle idéologique revêt une importance parti­culière à Madagascar et en Mongolie, où les élèves instituteursreçoivent une formation politique. Au Portugal, jusqu'en 1974, lesprogrammes étaient élaborés de façon que la future institutricepuisse servir le milieu où elle exercerait son action, celle-ci devant,par-delà l'école, concerner aussi la famille. Depuis 1974, l'instituteura pour mission de favoriser la construction d'une société démocra­tique et plus juste. EnJamaïque, le gelUvernement anglais constataitvers 1870 que la scolarisation des enfants produisait l'effet inverse decelui escompté et ne favorisait nullement leur respect de l'autoritéet leur ferveur au travail. Les enseignants furent jugés responsablesde cet état de fait, et il fut décidé que cette profession devait êtreexercée de préférence par les femmes, considérées à priori comme demeilleurs agents de socialisation. Aussi la plupart des écoles nor­males furent-elles fermées aux garçons jusqu'à ces dernières années.

La façon dont est souvent conçu le rôle des instituteurs expliquela forte proportion des jeunes filles qui suivent cette formation dansla plupart des pays concernés. La fonction d'instituteur est d'abord

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conçue comme «féminine» parce qu'elle est un prolongement durôle de mère. «La bonne institutrice suivra ses élèves pendant toutela vie, en les orientant, éclairant et conseillant» [Portugal, p. 18].L'institutrice est d'abord femme, mère et gardienne des valeurs tradi­tionnelles Oamaïque, Portugal). Elle est jugée plus à même de main­tenir le statu quo social Oamaïque).

La forte concentration de femmes dans cette formation est aussiune conséquence de la dévalorisation progressive de cette fonctionau regard de celle des enseignants des niveaux supérieurs de l'ensei­gnement. Cette relative dévalorisation s'observe surtout dans lespays où le système éducatif a atteint un niveau de développementavancé Uamaïque, Portugal). Signalons à cet égard la situationcaractéristique de la Turquie [p. 30], où les femmes sont assez large­ment présentes, encore que minoritaires, à tous les niveaux d'ensei­gnement, mais où l'on voit leur pourcentage augmenter trèsnettement au niveau primaire entre 1950 et 1972 (voir tableau 9).Au Portugal, « une des causes du taux de féminité élevé dans cetteprofession est sans doute le bas niveau des salaires et les faiblespossibilités de promotion professionnelle ».

TABLEAU 9. Proportion des enseignantes dans les différents niveaux scolairesen Turquie

Années Enseignement Enseignement Enseignement Enseignementprimaire secondaire technique et professionnel supérieur

1923-24 11,82 15,41 13,891950-51 25,52 46,17 33,48 15,121972-73 36,16 34,54 34,07 24,25

Mais bien qu'elles constituent le plus souvent l'écrasante majoritédes instituteurs, les femmes occupent la base de la hiérarchie scolaireet leur proportion diminue au fur et à mesure qu'on s'élève dans lesniveaux d'enseignement. Au Portugal, «les 22 directeurs scolaires enexercice en 1977 sont tous des hommes; parmi les inspecteurs enservice, 43 sont des hommes et seulement 17 sont des femmes»[Portugal, p. 17].

Pour ce qui est de la formation des instituteurs, notons d'abord quesa durée varie selon les systèmes éducatifs. Si elle s'étale sur quatreans en Mongolie, sur trois ans au Portugal et sur deux ans enJor­danie, elle n'est que de quelques mois à Madagascar. Mais quelleque soit la durée de la formation, les programmes sont conçus selonles mêmes principes. Il existe un corps de matières principalesdestinées à donner une bonne culture de base et des matières spécia­lisées destinées à préparer à l'activité pédagogique ultérieure.L'enseignement repose sur l'étude de la langue nationale, des

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mathématiques, de l'histoire et de la géographie, de la psychologieappliquée à l'éducation, des méthodes pédagogiques et didactiques,ainsi que sur des cours d'éducation physique et d'éducation artis­tique. Outre cette formation théorique, des stages pratiques peuventêtre effectués en fin d'études (Madagascar, Mongolie).

Dans certains pays, quelques disciplines font l'objet d'options. EnMongolie, de nombreuses matières facultatives sont proposées pourélargir le programme (psychologie enfantine, esthétique de l'école,moyens audio-visuels, russe, anglais, littérature ...). EnJamaïque, lesétudiants ont à choisir entre plusieurs matières à caractère artis­tique, sportif ou professionnel. Cependant, deux collèges réserventl'enseignement ménager aux filles tandis qu'un collège réserve auxgarçons les cours d'arts industriels Uamaïque, p. 32].

Dans certains cas, des matières supplémentaires sont imposéesaux jeunes filles. Ainsi en Jordanie, dans les sections littéraires desécoles normales pour filles, où celles-ci doivent suivre un coursd'économie domestique. Jusqu'en 1974, au Portugal, les élèves desexe féminin étaient astreintes à des cours d'économie domestique àraison de deux heures par semaine. On y apprenait à repriser leschaussettes, à raccommoder les habits, à effectuer des broderiesportugaises, à couper et coudre des vêtements d'enfants, d'adulteset de travail, et l'on y recevait une éducation morale, civique, juri­dique, musicale ... Depuis, tous les cours spécifiquement fémininsont été supprimés des nouveaux programmes.

La formation des puériculteurs est longtemps restée le monopoledes écoles privées au Portugal. Depuis 1972, des écoles publiques ontété créées mais leurs programmes diffèrent de ceux des écoles privées,d'orientation catholique. EnJamaïque et au Portugal les jeunes fillesreprésentent la totalité des effectifs des écoles de puériculture.

Dans l'enseignement normal, destiné à former des instituteurs etdes puériculteurs, le nombre des jeunes filles l'emporte de beaucoup,et les matières à options sont parfois différenciées, notamment lors­qu'il s'agit de cours industriels destinés aux garçons ou d'enseigne­ment ménager vers lesquels sont orientées les filles. Cette doublecaractéristiqùe tend à reproduire et à perpétuer les images tradition­nelles de la femme, première éducatrice, seule capable de prendresoin des jeunes enfants puisque les hommes sont en minorité danscette fonction. Cela ne favorise pas l'identification des enfants àd'autres modèles et maintient les femmes dans des rôles étroits.

L'ensemble de l'enseignement du second degré épouse cette repré­sentation traditionnelle de la femme, car si les programmes sontidentiques pour les garçons et les filles dans leurs grandes lignes, dèsqu'il s'agit d'initiation, d'orientation ou de formation profession­nelles, des différenciations interviennent. Or ce qui est en cause ici,

46

Différences de programmes

c'est moins l'accès au savoir que l'accès à des fonctions économiqueset sociales. C'est pourquoi les options à caractère professionnel et lestypes de formations offertes aux jeunes filles sont déterminantespour leur avenir et leur contribution au développement national.

Ainsi, l'omniprésence des sciences domestiques dans les matièresà options, obligatoires ou facultatives, de l'enseignement généraltend à conditionner les jeunes filles au rôle de mère-épouse-ména­gère au lieu de favoriser leur découverte de nouveaux horizons.L'existence de formations spécifiques pour les jeunes filles, lesrestrictions implicites ou explicites dans l'éventail des formationspossibles et les critères d'admission discriminatoires dans l'enseigne­ment technique et professionnel tendent à canaliser les jeunes fillesdans des emplois subalternes, inadaptés aux réalités économiquesou peu gratifiants, et à les enfermer dans le secteur des services, aulieu de favoriser la mobilité sociale et de les intégrer dans les secteursproductifs. La position dominante des femmes dans l'enseignementprimaire et préscolaire et l'existence d'options spécifiques pour lesfilles dans l'enseignement normal tend à perpétuer l'idée de lafonction maternelle de la femme dans le métier d'institutrice.

D'une part, les programmes du secondaire valorisent le rôle mater­nel et la fonction ménagère des femmes plus qu'ils ne les préparent àl'exercice d'une profession. En cela, ils reproduisent la traditionnelledivision du travail qui attribue aux femmes les fonctions du dedanset aux hommes les fonctions du dehors. D'autre part, les formationsprofessionnelles accessibles aux jeunes filles reposent sur des notionsd'aide, de service, et de dévouement, ce qui contribue à prolonger ladivision des tâches dans la vie professionnelle et à exclure les femmesdes travaux productifs. Cependant, si la conception des rôles mascu­lins et féminins qui transparaît à travers l'enseignement secondaireconcourt au façonnement des rôles, elle n'en est pas seule respon­sable. D'autres facteurs - sociaux, culturels et économiques ­concourent à définir ces rôles et favorisent leur assimilation par lesjeunes.

47

L'APPRENTISSAGEDES RÔLES

Les choix scolaires des élèves déterminent leur futur rôle social etéconomique. Ces choix dépendent non seulement des possibilitésqui se présentent au niveau scolaire mais aussi de celles qui s'offrentdans le contexte social et économique, que les élèves perçoivent àtravers les modèles familiaux et scolaires et qu'ils intériorisent plusou moins facilement.

Les orientations et les décisions des élèves dans l'enseignementsecondaire donnent des indications sur leur conditionnement, et surleur volonté et leur capacité de sortir des modèles traditionnels selonleur sexe, leur âge et leur niveau d'études.

PERCEPTION DES RÔLES

Il est difficile, voire spécieux, de décrire ce qu'est un rôle féminin paropposition à un rôle masculin, d'une part, parce que ces rôles ne peu­vent être définis suivant des critères universels et, d'autre part, parcequ'ils ne sont pas rigides et figés mais qu'ils évoluent progressive­ment à l'intérieur d'une même société et varient d'une société à uneautre.

Par ailleurs, peu d'études ont été entreprises pour déterminercomment et pourquoi une discipline ou un métier était défini commeféminin. De surcroît, il est pratiquement impossible de savoir si unediscipline est considérée comme féminine parce qu'elle est, en fait,dominée par les femmes ou parce que, étant conçue à priori commeféminine, on y a orienté massivement les femmes qui y sont dès lorsmajoritaires. Mieux vaut ne pas tenter d'élucider ce difficile pro-

49

L'apprentissage des rôles

blème d'origine, et se contenter d'observer le mouvement des élèvesdans les différentes disciplines dominées par l'un ou l'autre sexe etdéfinir les choix comme traditionnels ou non en fonction de cescritères quantitatifs.

Les données quantitatives et les exemples fournis par le Portugalet laJamaïque se prêtent particulièrement bien à l'analyse du com­portement des élèves.

Exemple du Portugal

Au Portugal [p. 47], en dépit de la réforme des programmes et dusystème scolaire, peu de changements sont constatés dans le compor­tement des élèves.

Les jeunes filles s'orientent toujours massivement vers l'enseigne­ment général et constituent un faible pourcentage dans l'ensei­gnement technique. En revanche, les garçons quittent l'enseignementgénéral pour l'enseignement technique (voir tableau 10).

TABLEAU 10. Répartition des effectifs féminins et masculins par branched'enseignement dans le secondaire (en pourcentage)

Hommes Femmes

1970 1974 1970 1974

Enseignement général 72,88 57,74 69,67 68,80Enseignement technique,

professionnel 27,01 42,22 30,12 31,12Enseignement artistique 0,11 0,04 0,21 0,07

Depuis 1966, la proportion des jeunes filles a considérablementaugmenté dans l'enseignement polyvalent. Mais elles se dirigent engrande majorité vers l'enseignement commercial et restent sous­représentées dans les branches agricoles et industrielles (voir ta­bleau 7, p. 35).

Dans l'enseignement technique en 1975, les jeunes filles choisis­sent massivement les cours d'administration et de commerce(69,88% des effectifs féminins sont inscrits à ce cours) ou, dans uneproportion encore assez importante (12,35%), la formation féminine,alors que, toujours en 1975, les garçons représentent 100% des effec­tifs dans les formations de : charpentier, menuisier-ébéniste, dessi­nateur textile, dessinateur de construction, dessinateur industriel,mécanotechnique, monteur-électricien, 99,31 % en électricité géné­rale et 87,15% en agriculture (voir annexe 2.).

Dans les écoles professionnelles en 1975, les jeunes filles dominenttoujours les spécialisations de: tourisme (95,3%), traducteur­correspondancier (95%), infirmier (84,6%) et secrétariat (72,7%).

50

L'apprentissage des rôles

Enfin, dans l'enseignement nonnal, la situation des garçons et desfilles a considérablement évolué (voir tableau 11). Cela est proba­blement dû aux efforts accomplis pour revaloriser la professiond'instituteur (augmentation des salaires, reclassification profession­nelle ...). La proportion des hommes inscrits a notablement augmenté.

TABLEAU Il. Effectifs dans l'enseignement normal (en pourcentage)

HommesFemmes

1970

11,788,3

1975

2080

Exemple de la}amaïque

En Jamaïque, le comportement des étudiants peut être étudié defaçon beaucoup plus précise, car les statistiques sont données partype d'enseignement, année d'études et sexe, et parce que, en règlegénérale, les options sont offertes sans discrimination aux garçonscomme aux filles.

Dans l'enseignement général, les écoles polyvalentes offrent unelarge gamme d'options aux deux sexes. Pourtant les garçons et lesfilles font des choix très différenciés.

Dès la 7e année, les garçons dominent les cours de: travail du boiset du métal, usinage, installation électrique et arts industriels. A par­tir de la lOe année, ils choisissent massivement les cours de: méca­nique automobile, dessin industriel, électronique, plomberie etcharpenterie.

Les jeunes filles dominent, dès la 7" année, les cours de: couture,cuisine, arts ménagers, économie domestique, comptabilité etéconomat. A partir de la lOe année, elles s'orientent vers les coursde: secrétariat, commerce et puériculture. Les filles sont largementreprésentées dans les premières années des cours d'instructioncivique, agriculture, sciences agricoles, travail du bois et du métal,mais à partir de la lOe année, les garçons dominent largement. Ellestentent encore quelques incursions en lO e et 11 e année des cours decharpenterie, usinage et installation électrique, mais c'est avec demaigres effectifs. Les garçons, pour leur part, sont progressivementmis en minorité par les filles dans les cours d'artisanat, musique etsciences sociales, oû les filles sont majoritaires à partir de la lOe année.Ils font, semble-t-il, moins d'incursions dans les matières dominéespar les filles, les sciences domestiques pendant les trois premièresannées par exemple, ou la puériculture en 7e année. Certains suivent,dans une faible proportion, les cours de cuisine et de dactylo enlOe et Ile année.

51

L'apprentissage des rôles

Il semble donc que les filles soient plus téméraires que les garçons,surtout dans les premières années, et que dans les cours offerts à par­tir de la 10° année, les tentatives soient moins hardies, pour lesgarçons comme pour les filles. Les comportements sont nettementplus stéréotypés dans les dernières années, comme le montre letableau 12 Uamaïque, p. 15].

Dans l'enseignement général donné par les lycées, les compa­raisons sont plus délicates, d'une part, parce que les filles y sont plusnombreuses que les garçons et, d'autre part, parce que certains lycéesne sont pas mixtes et n'offrent pas toutes les options.

Les écoles de filles ont plus rarement des cours de: travail du boiset du métal, dessin industriel, moulage, électricité, et celles de gar­çons ne proposent pas les cours de: couture, cuisine et arts ménagers(voir tableau 13) Uamaïque, p. 20]. Les jeunes filles monopolisent lescours de: couture, cuisine, arts ménagers, santé publique, danse etéducation religieuse. Elles semblent également dominer les coursd'éducation physique et les matières littéraires. Les garçons mono­polisent les cours de: travail du bois et du métal, dessin industriel,moulage, installation électrique et plomberie, et ils sont majoritairesdans les matières scientifiques. Les incursions des uns et des autresen terre étrangère sont très limitées. Si les filles s'essaient courageu­sement en sciences agricoles, les garçons sont beaucoup plus timidesen sciences domestiques.

Les choix dans les lycées apparaissent beaucoup plus stéréotypésque dans les écoles polyvalentes. Cela est sans doute dû au faitqu'ayant réussi le concours d'entrée, les élèves ont tendance à setourner vers les matières académiques et à ignorer les matières àcaractère professionnel.

Les mêmes tendances sont observables dans les écoles privées quiaccueillent les élèves ayant échoué au concours d'entrée. Cependant,on constate des différences qui peuvent s'expliquer par le fait que laplupart de ces écoles sont mixtes et que les élèves sont issus de classessociales moins élevées. Les élèves franchissent en effet beaucoupplus largement les barrières traditionnelles. On trouve des garçonsdans les cours de couture, cuisine et arts ménagers et des fillesen notables proportions dans les cours de dessin industriel, méca­nique automobile et travail du bois (voir tableau 13). En revanche,les cours de sténodactylo comptent beaucoup moins de garçonsque de filles.

Le milieu social et la mixité ont donc un effet certain sur les choixdes élèves.

Dans l'enseignement technique et professionnel, les mêmesoptions sont offertes à tous les élèves mais les comportements sontfranchement stéréotypés (voir tableau 14), Uamaïque, annexe X, p. 2].

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TABLEAU 12. Nombre d'élèves dans chaque matière, par année et selon le sexe en 1976177

7e année Be année gc année IDe année Ile annéeOptions a

M F M F M F M F M F

Arts industriels 543 - 962 - 478Arts ménagers - 102 - 159 - 182 6 36 4 48Bois 5174 463 5026 478 5278 461 1122 2 638Charpenterie - - - - - - 171 22 119 24Comptabilité 18 66 12 42 - - 169 654 167 362Couture - 582 - 601 - 730 - 1194 6 882Cuisine - 597 - 708 - 822 76 1402 48 875Dactylographie - - - - - - 173 1326 94 908Dessin industriel - - - - 88 2 245 2 167

- Économat - 70 - 69 - 60 8 152 10 112~conomie domestique 231 5709 238 6631 251 6931 11 194 5 79Electronique - - - - - - 11 2 24Installation électrique 683 - 751 - 838 - 1516 28 1274 9Mécanique - - - - - - 27 1 - t-<Mécanique automobile - - - - 17 - 707 2 571 2 ~Métal 2817 124 3239 128 2824 139 388 - 236 - "5-

Plomberie - - - - - - 340 1 194 - ~i:!.

Puériculture 88 71 - - - - - 1009 - 589 1:;...,Secrétariat - - - - - - 38 171 6 124 ~Usinage 122 - 87 - 200 - 958 79 649 1 ~Vente - - - - - - 12 178 27 90 ...

(,n a. Options choisies dans 51 écoles polyvalentes sur 71."',~W ..,

L'apprentissage des rôles

TABLEAU 13. Matières étudiées dans les écoles secondaires classiques et lescollèges communautaires et nombre moyen d'élèves selon lesexe par classe d'après l'année d'enseignement

7t année se annéeMatières étudiées a

M F M F

Affaire de la classe 146 146Affaires internationales 73 106 42 94Anglais commercialArithmétique commercialeArt culinaire 682 820Arts ménagersBibliothéconomie 172 246Biologie humaineBricolageConstitution britanniqueCorrespondance commercialeDactylographieDanse 430 420Dessin industriel 255 482~conomie domestique 46 537 47 480Education chrétienne 72 73Éducation physique 373 1383 291 1280Installation électrique 42Matière à option h 175 177Orientation 67 616 69 586PlomberiePrincipes de comptabilitéSanté publique 119 120Soudage 43StatistiquesSténographieTenue de livresTravail de bureauTravaux d'aiguille 1063 1466Travail du bois 485 439Travail du métal 204 494a. Données applicables à 29 des 46 écoles.h. Les élèves choisissent ce qu'ils veulent: art, espagnol ou toute autre matière.

Les filles ont tendance à choisir les matières littéraires alors queles garçons optent pour les disciplines scientifiques. Les filles mono­polisent totalement les cours de couture, cuisine, arts ménagers,sciences domestiques, stylisme et cosmétologie. Elles sont en posi­tion dominante dans tous les cours de secrétariat ou de commerce,alors que les garçons sont largement majoritaires dans les coursd'ingénierie, travail du bois et du métal, construction automobile,

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L'apprentissage des rôles

'" TABLEAU 14. Matières étudiées dans les écoles secondaires techniques de la 7e à la Ile année et nombre d'élèves par t--Ol

~classe selon le sexe""0-

7e année se année ge année lOt année Ile année ~i:!.

Matières étudiées a 1:;.M F M F M F M F M F ..,

Art culinaire 149 70 149 134~- - - - 1 - '"

Arts ménagers 149 36!':l..- - - - - - - - ll:

Agriculture professionnelle - - - - 17 10 - - - - ..."',Cosmétologie - - - - 1 13 - - - - ~Création de mode - - - - - 5Dactylographie - - - - 19 127 34 209 22 184Dessin industriel - - 217 - 360 6 25 8 240 5~conomie domestique - - - 266 - 293 - 34 - 32Electronique - - - - 40 - 17 - 12Installation électrique - - - - 42 - 70 - 54Mécanique automobile - - 72 - 36 2 55 1 39Plomberie - - - - 9Principes de comptabilité - - - - 19 88 171 277 77 149Restauration - - - - - 17Sciences du bâtiment - - - - - - 6 1 27 3Sciences de l'ingénieur - - - - - - 166 8 136 4Sténographie - - - - 19 102 12 155 10 122Travail de bureau - - - - - - 12 57 9 52Travail du bois - - 390 - 275 4 51 5 39 3Travail du métal - - 390 - 300 - 119 1 142 6Travaux d'aiguille - - - 149 - 70 1 137 - 96Topographie - - - - 10 - 73 5 89 23Q. Données pour 4 écoles snr 6.

L'apprentissage des rôles

domaine réservé gue pour suivre des cours de sténodactylo ou decomptabilité. A l'Ecole supérieure d'agriculture, si 62 filles ont choisien 1978 l'option agriculture, 73 ont opté pour les sciences domes­tiques alors qu'un seul garçon sur 317 avait pris cette deuxièmeoption.

Le comportement des élèves de l'enseignement technique et pro­fessionnel semble donc plus fortement stéréotypé que celui desélèves de l'enseignement général.

Dans l'enseignement normal, les comportements sont stéréotypésen un double sens: d'une part parce que les élèves s'orientent versdes formations de niveaux différents, et d'autre part parce qu'ilschoisissent des cours à options différents (voir tableau 15).

TABLEAU 15. Répartition des effectifs des écoles nonna1es par sexe et niveaud'enseignement (1978179)

Niveau d'enseignement M F Total Filles

%Préscolaire (4 écoles) 461 461 100Primaire (6 écoles) 466 1935 2401 80,6Secondaire (3 écoles) 299 602 901 66,8

Options a

Arts et artisanat 272 1364 1636 83,4~conomie domestique 60 948 1008 94,0Education physique 226 1224 1450 84,4Lecture 103 575 678 84,8Musique 271 1310 1581 82,8a. Pour 6 des 11 écoles nonnales fonctionnant à plein temps

Dans quatre écoles proposant une formation en puériculture on necomptait aucun homme ayant opté pour cette branche. Dans sixécoles, la proportion d'hommes et de femmes ayant choisi l'enseigne­ment primaire correspondait à peu près au pourcentage des effectifsmasculins (19,4%) et féminins (80,6%) inscrits dans ces écoles. Enrevanche, dans les trois écoles offrant une formation pour l'enseigne­ment secondaire, la répartition des hommes et des femmes ayantopté pour ce pro~amme n'était pas proportionnelle à celle deseffectifs féminins (84%) et masculins (16%) inscrits dans ces écoles.Les hommes étaient sur-représentés dans cette formation, comptetenu de leur infériorité numérique globale.

En ce qui concerne les matières à option, les choix sont plutôtmoins traditionnels que dans l'enseignement technique et profes­sionnel. Ils correspondent aux pourcentages des élèves inscrits:16% de garçons et 84% de filles. Seules les sciences domestiquescomptent plus de filles que de garçons. Et dans l'une des 11 écoles

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L'apprentissage des rôles

où une option «agriculture» était offerte, 30 garçons sur 59 choi­sirent ce cours et seulement 30 filles sur 603.

Ainsi, le comportement des élèves des écoles normales révèle lesmêmes tendances traditionnelles que dans les autres ordres d'en­seignement en ce qui concerne les options. Mais il est nettement plusstéréotypé lorsqu'il s'agit des spécialisations pédagogiques, et celaest d'autant plus significatif qu'en l'occurrence, les choix scolairessont des choix professionnels.

Dans tous les types d'établissements de niveau secondaire, quelque soit le pays considéré, les orientations sont stéréotypées, maiselles le sont moins dans les établissements qui pratiquent une réellecoéducation et offrent des options plus diversifiées. Les jeunes fillesfont preuve d'une plus grande souplesse dans leurs choix et d'uneplus grande capacité à franchir les barrières traditionnelles alors queles garçons sont plus conformistes, surtout dans les dernières années.Le conformisme des uns et des autres s'aggrave dans les milieuxsociaux élevés, et plus particulièrement quand les choix scolairesdéterminent l'avenir professionnel de chacun. «Les attentes et lesnormes générales de la société quant aux rôles sociaux exercent uneinfluence subtile sur les choix professionnels des élèves des deuxsexes» Uamaïque, p. 3]. En effet, même au Portugal où les insti­tutions sont en pleine mutation, aucun changement notable n'a étéconstaté dans l'orientation des jeunes filles ces dernières années.En revanche, la revalorisation du statut des instituteurs a incité lesgarçons à se préparer à ce métier en beaucoup plus grand nombre.Les conditions d'emploi jouent donc un rôle important dans l'orien­tation scolaire et professionnelle. Par ailleurs, on constate que lesfemmes dominent généralement les professions les moins biendotées en matière de rémunération, de pouvoir et de prestige, sanspouvoir expliquer si cela est dû à une orientation délibérée desfemmes vers ces professions ou si celles-ci acquièrent ces caracté­ristiques parce que les femmes y sont majoritaires. Mais sans avoir àtrancher sur ce point, on voit bien que la structure de l'emploi et lesconditions de travail sont des facteurs déterminants pour l'orien­tation et l'avenir professionnel des hommes et des femmes.

Certes, les programmes scolaires importent pour l'égalité deschances, mais leur efficacité dépend aussi de facteurs culturels,sociaux et économiques.

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L'apprentissage des rôles

DÉFINITION DES ROLES

Les traditions culturelles

Le poids des traditions et valeurs culturelles est souvent évoquépar les différents pays pour expliquer le retard ou les résistances dansl'éducation des femmes.

Ces valeurs culturelles imprègnent des images de la femmevariables selon les pays et les civilisations, mais reflétant toutes àdes degrés divers l'idée de son infériorité par rapport à l'homme. Elles«font de la femme l'admiratrice éternellement dépendante del'homme, l'être dévoué qui vit pour agrandir l'homme et pour servirles valeurs traditionnelles basées sur la discrimination èt les inéga­lités qui ont pour base le sexe» [Portugal, p. 7].

L'infériorité de la femme est invoquée à divers titres et permet dejustifier ou d'expliquer les limites imposées à ses aptitudes et à sespossibilités. Il s'agit d'abord de l'infériorité physique. L'Afghanistanmentionne que certains emplois industriels demandent plutôt desefforts physiques, ce qui contribue à limiter le nombre des filles dansles écoles techniques et professionnelles. Les travaux péniblescomme la conduite des grosses machines ou des tracteurs, les condi­tions de travail qui règnent dans les usines et les mines ... sont autantde facteurs invoqués pour expliquer l'inégalité des effectifs mascu­lins et féminins. L'infériorité serait aussi psychologique ou psy­chique: «Les jeunes filles ont une structure physique et psychiquedonnée, c'est pourquoi elles auraient une mission et une fonctionspécifiques à remplir» [Portugal, p. 42]. Enfin, l'infériorité seraitaussi d'ordre intellectuel, ce qui permet de «justifier» certainesentraves professionnelles. Une enquête dans le milieu des affaires enJamaïque a révélé qu'il y avait encore des hommes pour croire queles femmes n'avaient pas le sens des affaires et que, pour cette raison,elles n'avaient pas leur place dans ce milieu. On considère égalementque les femmes se consacrent moins à leur travail: «Les capacitésintellectuelles et artistiques ne sont sûrement pas le monopole ducerveau masculin ... mais nous constatons que les activités profes­sionnelles absorbent rarement la femme autant que l'homme»[Portugal, p. 4].

Cependant, les images évoluent et l'on conçoit de mieux en mieuxque les femmes puissent assumer des fonctions de responsabilité etde direction. Mais cela ne va pas sans certaines contradictions, carsoit on exige d'elles de plus grandes qualités et compétences (Mada­gascar), soit on souhaite, malgré tout, maintenir les hommes ausommet de la hiérarchie Uamaïque).

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L'apprentissage des rôles

La discrimination dont souffre la femme peut avoir aussi descauses spirituelles ou religieuses. Comme il est indiqué dans l'étudede l'Université du Bosphore à propos de la femme turque et de lareligion, l'éthique islamique, en ce qu'elle soumet la femme à l'auto­rité du mari, semble influencer l'attitude à l'égard des femmes danstous les milieux sociaux. Cette infériorité religieuse peut avoir desconséquences sur le plan éducatif. Tant que l'instruction n'a été dis­pensée que dans le cadre religieux (temples tibétains, mosquées),«seuls les garçons en bénéficiaient. Pour une jeune fille, la seule façonde s'instruire était d'apprendre ce lue lui enseignait son père; aucuneautre chance ne lui était offerte» Afghanistan, p. 20].

Les images de la femme reflètent les valeurs et les conditionne­ments sociaux mais, en même temps, elles imprègnent les mentalitéset alimentent les normes sociales. C'est pourquoi elles sont trèslentes à évoluer, peuvent devenir de véritables contraintes moraleset finissent par empreindre la personne, qui se sent obligée de seconformer à ces images pour être acceptée par la société. Ces imagesfaçonnent les structures mentales et contribuent à déterminer lacondition de la femme, qui dépend également, par ailleurs, des struc­tures familiales et des structures économiques propres à chaquesociété.

Les strudures familiales

A l'intérieur de chaque pays, on trouve des structures familiales trèsvariées, allant du groupe familial large à la cellule familiale réduite,et déterminant la place de la femme, son rôle, ses responsabilités etson degré d'indépendance.

Dans certains cas, l'intérêt de la famille est prioritaire et les besoinsde la femme sont pris en charge par l'homme dont elle dépend, quece soit son père, son frère ou son mari. Qu'elle appartienne à unefamille large ou à une famille nucléaire, la femme est alors dépen­dante de l'homme, moralement et économiquement.

N'ayant ni le loisir ni l'obligation de subvenir à ses besoins, elle nesera guère incitée à travailler et à tirer parti de son éducation. C'estle cas dans certains milieux turcs et à Madagascar, où «la femmemariée sans emploi est toujours l'idéal des maris autoritaires. Sansemploi, elle est moralement obligée d'être soumise à son mari, voire àla belle-famille» [Madagascar, p. 50]. Légalement, le mari malgacheest d'ailleurs le chef de famille et fixe le domicile conjugal.

L'intérêt familial peut entraîner des restrictions à la liberté decirculer ou de travailler des femmes, dans la mesure où la promis­cuité qui en résulte peut mettre en danger leur chasteté et compro­mettre ainsi l'honneur familial. Dans ces conditions, la femme peut

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L'apprentissage des rôles

rarement accéder à un emploi rémunéré et à l'indépendance écono­mique puisque, veuve, divorcée, célibataire ou mariée, elle répondtoujours de l'honneur familial. Telle est la situation en Turquie, car,d'après l'étude de l'Université du Bosphore, «même les femmes qui,en ville, ne portent pas de voile, restent captives dans une société quileur apprend à être dociles, économiquement dépendantes del'homme et rivées à la maison». En Afghanistan, la tradition, trèsstricte, interdit aux filles d'habiter ailleurs que dans leur famillejusqu'à leur mariage. Cette tradition est surtout respectée dans lescampagnes où vivent les trois quarts de la population. Il est impos­sible à une jeune fille habitant hors de la capitale d'y venir faire sesétudes, sauf si des proches peuvent l'accueillir. Ainsi, «les jeunesfilles qui n'ont pas fréquenté l'école (...) passent toute leur vie à lamaison» [Afghanistan, p. 14].

Dans d'autres cas, la femme est chef et soutien de famille. Seuleresponsable du foyer parce qu'elle est veuve ou divorcée, qu'aucunhomme ne subvient à ses besoins et à ceux des enfants, ou que legroupe familial ne peut la prendre en charge en raison des nouvellescontraintes économiques, la femme est obligée de travailler. C'estle cas des catégories sociales les plus défavorisées, où les femmes,placées dans des conditions économiques désespérées, émigrent enville pour trouver du travail. Il en est ainsi dans tous les pays forte­ment affectés par l'exode rural (Jamaïque, Madagascar, Turquie).

EnJamaïque, la famille a une structure particulière du fait que lesfemmes sont souvent chefs de famille de mère en fille, que lesmariages sont instables, que l'union libre est assez bien admise, etque les liens du sang sont plus importants que les liens conjugaux.Un tiers des foyers jamaïquains ont une femme pour chef de famille.Pour autant, la situation sociale et familiale des femmes des classesdéfavorisées n'est pas une situation de pouvoir mais une situationd'insécurité aiguë. Car le taux de fertilité est élevé et les hommesconsidèrent que la responsabilité parentale incombe aux femmes, età elles seules. Les femmes chefs de famille sont donc rarement dansune situation sociale et économique favorable. Enfin, si la femme ale désir et la latitude de travailler, elle doit parvenir à concilier la viefamiliale avec sa vie professionnelle. La plupart du temps, ellecumule les tâches domestiques, les maternités, les soins aux jeunesenfants et l'exercice d'un métier. «Elle doit en général faire com­prendre à son partenaire que certains travaux au foyer ne sont pasinfamants pour le mari, qu'ils devraient être à deux pour 's'occuper',au sens plein du terme, quotidiennement des enfants, que certainestâches domestiques, pour être manuelles, n'en sont pas moins néces­saires au bonheur et à la tranquillité du foyer. .. La femme se rendcompte que le fait d'avoir beaucoup d'enfants épuise, et elle veut

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L'apprentissage des rôles

contrôler et limiter les grossesses. Son avis n'est pas toujours partagépar son conjoint, ni même par le reste de la famille» [Madagascar,p.SO].

L'absence de participation du mari aux tâches domestiques peutêt.re suppléée par l'existence de structures d'aide, mises en place parl'Etat comme en Mongolie, ou comme en Turquie où la loi oblige lesgrands ensembles industriels à organiser des crèches et des jardinsd'enfants ainsi que des colonies de vacances pour les enfants destravailleurs. Cependant, bien souvent, ces structures d'accueil fontdéfaut ou sont insuffisantes (Portugal).

La situation familiale de la femme détermine dans une très largemesure ses chances de participer au développement national en accé­dant au monde du travail. Mais la nature de sa participation estconditionnée aussi par son niveau d'éducation et les réelles possi­bilités qui lui sont offertes sur le marché du travail.

La division du travail

Selon les statistiques 1 de l'Organisation internationale du travailpour les sept pays considérés, la participation des femmes à la vieactive est très inégale suivant les pays. Bien que les pays aient descritères différents en ce qui concerne l'inclusion ou l'exclusion decertaines catégories de travailleurs du secteur agricole dans la popu­lation active, on peut cependant constater que les femmes sont net­tement moins nombreuses à travailler que les hommes. Cela tientaux raisons qu'on vient d'analyser, mais aussi à leur position défavo­rable sur le marché du travail, comme on peut le constater d'après letableau concernant le pourcentage de la population active en 1975(tableau 16).

TABLEAU 16. Pourcentage de la population active au milieu de l'année 1975

Pays

AfghanistanJamaïqueJordanieMadagascarMongoliePortugalTurquie

Hommes

54,741,244,455,950,361,553,2

Femmes

12,825,2

3,045,225,518,832,1

Total

34,233,124,250,537,939,042,8

La plupart des pays ont à affronter un chômage important et cesont les femmes qui sont d'abord touchées dans cette situation. En

1. Annuaire des statistiques du travail 7978.

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L'apprentissage des rôles

Jamaïque, en octobre 1976, le taux de chômage chez les femmesétait de 35,6%, et de 14,7% chez les hommes. Dans la tranche d'âgede 14 à 24 ans, 63,6% des femmes y sont au chômage. En Turquie,69% des chômeurs sont des femmes. Le chômage des jeunes est parti­culièrement dramatique, car « une grande partie [d'entre eux] netrouve pas sa place économiquement et culturellement, et ces jeunessont alors considérés comme des 'marginaux', des 'malades', et ilsreprésentent des charges sociales importantes pour la nation»[Madagascar, p. 9].

D'autre part, les femmes ont moins facilement accès au secteurnon agricole. En Jordanie, 3,8% d'entre elles seulement travaillenten dehors du secteur agricole, bien que leur participation se soitaccrue de 9,6% à 13,6% entre 1970 et 1975 dans les branches nonagricoles. Le gouvernement jordanien est le principal employeur dusecteur tertiaire et fournit des emplois essentiellement dans lesmétiers de la santé et dans l'enseignement. En Turquie, il ressort del'étude de l'Université du Bosphore que 10,4% des femmes activestravaillaient, en 1975, dans les secteurs non agricoles. L'éventail desprofessions dans lesquelles elles sont représentées est donc assezrestreint. Les femmes sont principalement employées dans l'indus­trie du tabac, du vêtement, des produits alimentaires et des machinesélectriques, ou dans l'industrie chimique, le professorat, la banque,les professions médicales dont elles constituent une proportionimportante. En revanche, elles sont sous-représentées dans les mines,la construction, l'ameublement, les métaux, l'automobile, la pétro­chimie, les transports et communications, et le commerce. Il y a unetrès nette division du travail, et cette ségrégation professionnelle,évaluée depuis 1950, a tendance à s'accentuer.

A Madagascar, les conditions de travail sont difficiles, et desmesures législatives ont été prises pour protéger les femmes et lesenfants qui travaillent (réglementation du travail de nuit, du reposquotidien, des emplois pénibles). Les femmes travaillent essentiel­lement dans l'agriculture, l'artisanat et les services. EnJamaïque, lesfemmes représentent 38,1%de la population active en 1976 (voirtableau 17). Elles travaillent essentiellement dans les administra­tions publiques, et surtout comme enseignantes ou .infirmières.Elles constituent une importante proportion du secteur commercial,où elles sont d'abord vendeuses et employées de bureau et nedétiennent que 14,8% des postes de direction. Dans la construction,3% des travailleurs sont des femmes; si aucune n'occupait un postede direction en 1974175, en 1976, 7,7% de ces postes étaient occupéspar des femmes. Dans les industries manufacturières, 30% des tra­vailleurs sont des femmes, mais leur présence dans les postes dedirection a considérablement diminué entre 1974 et 1976, leur

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L'apprentissage des rôles

pourcentage passant de 22,9% à 9,8%. Enfin, les femmes représentent25,6% des travailleurs du secteur agricole.

TABLEAU 17. Répartition de la population active par sexe et par activitéen Jamaïque en 1976

Activité Hommes Femmes

Administration publique 46,1 53,9Agriculture 74,4 25,6Commerce 30,3 69,7Construction 97,0 3,0Manufacture 69,9 30,1

Les femmes sont donc généralement employées, en dehors dusecteur agricole, dans l'administration et les services publics. «Jeunesfilles et jeunes femmes côtoient les hommes dans l'administration etles emplois de bureau. C'est l'enseignement qui attire le plus lesfilles» (Afghanistan). Elles constituent une part importante du per­sonnel des services (commerce, vente), mais elles occupent peu depostes de direction dans les secteurs où elles sont pourtant majo­ritaires. Non seulement les femmes rencontrent des difficultés pouraccéder au marché du travail, mais elles sont essentiellementemployées dans le secteur des services, et elles occupent la base dela pyramide professionnelle.

Le travail de la femme, quand il n'est pas un impératif de premièrenécessité, est aussi considéré souvent comme un moyen d'améliorerle budget familial et rarement comme un moyen d'émancipation etd'accomplissement de la femme. «Si la femme n'attend du travailque la paie de chaque fin de mois, elle est soumise, asservie à l'auto­rité du 'patron'. Dans ces conditions, tous les préjugés que l'hommeporte à son égard se confirment» [Madagascar, p. 50].

Cet aperçu de la situation familiale et professionnelle de la femmeet des préjugés auxquels elle doit faire face montre quelles difficultésles jeunes filles rencontrent si elles veulent tirer parti de leur éduca­tion, et cela explique pourquoi elles sont rarement incitées à le faire ..Les choix scolaires et professionnels des étudiants répondent, en fait,à une juste perception des réelles possibilités et conditions detravail offertes, perception faite de lucidité et de résignation, etque des normes implicites contribuent à imposer aux élèves.

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L'apprentissage des rôles

LA TRANSMISSION DES RâLES: LES NORMES IMPLICITES

Influence des parents

Les jeunes ont tendance à se confonner aux modèles qui leur sontproposés par les parents, les enseignants, les manuels scolaires ou lesorganisations parascolaires, et que l'orientation scolaire et profes­sionnelle ne semble pas corriger. «L'enfant est très influencé par sonmilieu familial. Il est influencé par les attitudes et le code moral deses parents, ainsi que par la nature des relations qu'il établit aveceux» Uordanie, p. 31]. Par leur comportement et par leurs sollici­tations les parents inculquent aux enfants - à des degrés divers ­l'idée qu'il y a des rôles familiaux, sociaux et professionnels diffé­rents selon le sexe.

Ainsi, en Afghanistan, les garçons qui vont à l'école doiventprendre part aux travaux qui pennettent de subvenir aux besoinsde la famille: tenue d'un magasin, participation à une activitémanuelle productrice - métier de cordonnier, de tailleur, de menui­sier, travail du cuir et du laiton, forge, mécanique automobile, etc.-,tandis que les jeunes filles doivent d'ordinaire aider leurs mèresdans les tâches ménagères - cuisine, couture, tissage et ménage.En Turquie, c'est aussi la mère qui montre et apprend son rôle à lajeune fille, alors que l'éducation des fils est diamétralement opposée.Il s'y ajoute une différenciation quant à la valeur respective desenfants. Les garçons sont appréciés pour l'aide financière ultérieurequ'ils pourront apporter et parce qu'ils perpétueront le nom familial.Les filles sont appréciées pour leurs qualités personnelles et pourleur aide dans les tâches ménagères. Lors d'une enquête expérimen­tale dans les établissements de l'enseignement secondaire et normalen 1978, interrogées sur leur degré de participation aux tâchesdomestiques, 88,6% des jeunes Portugaises répondirent qu'elles yparticipaient toujours ou régulièrement (contre 50,7% des garçons),et 9,6% qu'elles y participaient peu ou pas du tout (contre 43,1%des garçons). Il est intéressant de noter que les garçons et les fillessemblent avoir une perception différente du degré de participationde leurs pères à ces mêmes tàches (voir tableau 18). Les jeunes fillesont davantage tendance à penser qu'ils y participent rarement, et lesgarçons sont plus nombreux à considérer qu'ils y participent régu­lièrement [Portugal, Enquête].

Ainsi, dès leur enfance, par cet apprentissage différencié, garçonset filles apprennent et assimilent la division des tâches et des rôles.

D'autre part, les parents ont des goûts et des attentes distinctspour leurs enfants, en fonction de leur sexe. A Madagascar, lesparents font nettement sentir à leur fille qu'elle n'a qu'un objectif:

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L'apprentissage des rôles

TABLEAU 18. Participation de l'interviewé et de son père (en pourcentage)aux tâches domestiques, par sexe

Garçons Filles

Père Interviewé Père Interviewée

Participe toujours 8,8 Il,9 4,4 33,7Participe régulièrement 20,6 38,8 12,5 54,9Participe parfois 39,4 38,1 48,4 8,1Ne participe jamais 26,9 5,0 30,0 1,5On ne lui demande jamais 3,1 5,0 2,6 1,1Ne répond pas 1,3 1,3 2,2 0,7

le mariage; et si elle étudie, ils attendent et exigent d'elle plus desérieux et plus d'application.

En Turquie, et en milieu urbain, les mères souhaitent à leurs fillesde devenir professeur, infirmière, sage-femme, couturière ou phar­macienne, et aussi de se marier, alors qu'elles évoquent un éventailde métiers et professions beaucoup plus diversifié pour leurs fils. EnJamaïque [p. 40], au cours d'une enquête, il a été demandé à desparents, à des adultes sans enfants et à des étudiants du secondairede classer par ordre de priorité les métiers qu'ils souhaitaient pourleurs enfants, filles et garçons (voir tableau 19). La liste comprenait,pour chacun, une série de métiers traditionnels ou non traditionnels.L'ensemble des participants semble partagé quant aux métiers sou­haitables pour les filles, mais tout à fait unanime et inébranlable ence qui concerne les professions traditionnelles (ingénieur, pilote,mécanicien) qui sont souhaitables pour les garçons.

TABLEAU 19. Préférences professionnelles pour les fils ou les filles

Pour les fils Pour les filles

Métier Métier Métier Métiertraditionnel non traditionnel traditionnel non traditionnel

Pères 4Mères 16Hommes sans enfants 12Femmes sans enfants 27Étudiants 10Étudiantes 24

83

108

138

20

2155

1424

En général, on considère que les femmes devraient avoir lesmêmes possibilités que les hommes, en particulier en ce qui concerneles rôles professionnels, mais en même temps, on désire maintenir laprimauté des hommes dans la hiérarchie professionnelle. En d'autrestermes, il y a un conflit entre le désir de changement et le désir demaintenir le statu quo liamaïque, p. 40J.

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L'apprentissage des rôles

Les exemples, les comportements, les aspirations, et les modèlesperçus et vécus à travers l'expérience familiale façonnent la cons­cience, la personnalité et la psychologie de l'enfant dès son plusjeune âge. Ils déterminent sa conception et sa perception des rôlessexuels et conditionnent son comportement ultérieur.

Influence des enseignants

Les enseignants ont également de lourdes responsabilités dans latransmission des stéréotypes.

Les conceptions des enseignants se reflètent dans leurs choixprofessionnels. Les hommes dédaignent généralement les petitesclasses et choisissent le supérieur tandis que les femmes sont concen­trées dans le préscolaire. A l'intérieur de l'enseignement techniqueet professionnel, au Portugal (1970), les femmes sont représentées àraison de 78,9% des enseignants dans les cours de service social,56,1 % dans les cours d'infirmières et de sages-femmes, 44% dans lesecteur commercial, 30,6% dans le secteur artistique et 18% dans lesecteur agricole. Cette répartition est tout à fait similaire à celle desélèves filles dans les différents cours.

Les choix des enseignants sont quelquefois renforcés par l'attitudedes écoles normales. En Jamaïque, à la question «quelles matièressont mieux enseignées par les femmes ou les hommes? », les écolesont donné des réponses relativement stéréotypées (voir tableau 20).

TABLEAU 20. Réponses des écoles nonnales jamaïquaines sur la façon deshommes ou des femmes d'enseigner certaines matières

Disciplines

Arts et artisanatAgricultureArts industrielsBibliothécaireÉducation physique pour les fillesÉducation physique pour les garçonsMusiqueSciences domestiques

Enseignementmeilleurpar les hommes

66433542

Enseignementmeilleurpar les femmes

53145365

Les femmes sont considérées comme plus aptes à donner des coursde bibliothécaire, de sciences domestiques, de musique et d'édu­cation physique aux jeunes filles, et les hommes sont jugés plus aptesà enseigner l'agriculture, les arts industriels et l'éducation physiqueaux garçons.

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L'apprentissage des rôles

Les écoles nonnales jamaïquaines se sont cependant efforcéesd'atténuer le confonnisme des étudiants et de les inciter à choisirdes orientations moins traditionnelles. Si les barrières sexuellesdétenninant le choix des cours et des carrières tombent dans lesécoles normales, grâce à des changements de politique et aux conseilsd'orientation donnés aux étudiants, il est possible que ces barrièresdisparaissent aussi progressivement dans les écoles secondaires, dansla mesure où les professeurs transféreront de nouvelles valeurs etde nouvelles attitudes des écoles nonnales vers les lycées.

L'exemple offert par l'enseignant est très important dans le pro­cessus d'identification des élèves. De la même façon, son attitudevis-à-vis des élèves, la conception des rôles qu'il projette sur eux etses attentes contribuent à modeler leur identité sociale en fonctionde leur sexe. Les maîtres attendent souvent des jeunes filles qu'ellessoient plus soigneuses, plus attentives, plus appliquées et plus disci­plinées, et des garçons qu'ils soient plus turbulents, plus bagarreurset plus inventifs, et finalement ces attentes finissent par être trèsnonnatives, d'autant qu'elles sont étayées par les manuels scolaires.

Influence des manuels scolaires

Les manuels scolaires offrent souvent des images très rigides desrôles féminins et masculins.

L'importance des manuels scolaires est telle qu'au moment del'ouverture des premières écoles féminines afghanes, des livresfurent imprimés spécialement pour les jeunes filles. Et au Portugal,jusqu'en 1974, un manuel unique par discipline était imposé à toutesles écoles et diffusait l'idéologie de la femme-mère au foyer, gar­dienne des valeurs traditionnelles, qui ne motive nullement les fillesà entreprendre des études et une fonnation professionnelle - nimême à exercer une profession. Une certaine image de la femme etde sa fonction sociale était ainsi, peu à peu, imposée aux élèves, etinfluait sûrement très fortement sur les motivations, aspirations etchoix scolaires et professionnels ultérieurs.

Influence des organisations de jeunesse

Les processus d'éducation incluent également l'action des organi­sations de jeunesse, lesquelles peuvent exercer une très grandeinfluence sur les structures mentales des élèves.

En Mongolie, la Ligue de la jeunesse révolutionnaire, les Pionnierset les organisations d'élèves organisent des activités dans le cadre del'école. A Madagascar, depuis 1978, le Ministère de la jeunesse adécidé de mettre en place des structures d'accueil, d'animation et

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L'apprentissage des rôles

de promotion qui ont une double vocation: la formation de la jeu­nesse et son insertion dans la vie économique productive. Et depuis1976, des associations de jeunes révolutionnaires ont été implantéesdans les collectivités de base (fokontany). L'objectif de ces organi­sations est de mobiliser la population jeune «qui est un des princi­paux piliers de la Révolution» [p. 9]. Au Portugal, jusqu'en 1971,la Jeunesse portugaise - qui comprenait une branche féminine ­s'occupait des activités extrascolaires. Elle disposait pour cela dedeux après-midi par semaine. Toutes les filles de 7 à 14 ans y appar­tenaient obligatoirement, et le service de laJeunesse portugaise étaitobligatoire pour tous les enseignants. Organisée en centres, sco­laires ou extrascolaires, elle offrait différents types d'activités: jeuxet sports, camping, danse, formation morale et sociale, puériculture,art culinaire, couture, industries ménagères, arts plastiques, jardi­nage, théâtre ... Elle disposait d'une revue qui développait desthèmes annuels: «Vers la vie» (1950151), «Tu peux, si tu veux»(1951152), «La vocation missionnaire des Portugais» (1952/53),«Pour être une femme» (1953154), «Servir» (1954/55). La Jeunesseportugaise féminine était constamment préoccupée par l'idée depréserver les jeunes filles «des idées modernes qui rendent les jeunesfilles inconscientes du bien et du mal». Ses activités étaient rigou­reusement adaptées au sexe féminin, que ce soit en matière de sportsou de travaux manuels. L'article 5 de ses statuts stipulait que«l'éducation sociale cultivera chez les jeunes filles la prévoyance, legoût de la vie domestique et celui de servir le bien commun, mêmeau prix du sacrifice, ainsi que les diverses formes de l'esprit socialpropre à leur sexe, orientant le plein accomplissement de la missionde la femme dans la famille, dans le milieu auquel elle appartient etdans la vie de l'État» [p. 31]. Ces activités et cette idéologie ouverte­ment discriminatoires ont marqué plusieurs générations d'hommeset de femmes, et il est clair que le Portugal a hérité, en 1974, d'unesituation qui sera longue à dépasser.

Pouvoir correcteur de l'orientation scolaire?

Les organisations scolaires et parascolaires peuvent donc exercer devéritables pressions culturelles et sociales sur les jeunes et condi­tionner fortement leur comportement dans un sens ou un autre.Elles peuvent même jouer un véritable rôle d'orientation scolaireet professionnelle si elles prennent en charge des activités pratiques,artistiques, sportives et productrices s'adressant aux jeunes, et si lesservices d'orientation scolaire et professionnelle sont déficients.L'existence d'une orientation scolaire et professionnelle peut éviterque seuls les mécanismes socio-culturels régularisent et conditionnent

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L'apprentissage des rôles

les choix et l'avenir des étudiants. Elle peut éviter le détenninismesexuel. Mais dans la plupart des pays, elle est encore embryonnaire,trop récente ou inefficace.

En Mongolie, l'orientation est complètement intégrée au proces­sus éducatif. «La fonnation polytechnique, l'éducation au travail,l'orientation professionnelle ont lieu progressivement à traversl'étude des grands principes des sciences, l'initiation au travail,l'organisation de diverses sortes d'activités extrascolaires, le tra­vail d'utilité sociale fourni par les élèves selon leur âge, leur état desanté et les moyens scientifiques et techniques disponibles» [Mon­golie, p. 13]. Dans ce système, il n'y a pas, semble-t-il, de séparationet de rupture entre le monde de l'école et le monde du travail. L'écoleet les activités des élèves sont étroitement imbriquées dans la vieproductive et sociale. C'est donc à travers ces activités que les choixet l'orientation s'effectuent. En]amaïque, l'orientation scolaire opèrepar le biais des examens et concours à!'entrée dans le secondaire. Lesélèves qui réussissent les concours ont accès soit aux lycées d'ensei­gnement général, soit aux lycées techniques et professionnels. Ceuxqui échouent sont dirigés vers les écoles polyvalentes. Par la suite,l'orientation professionnelle s'organise autour des cours et matièresà option. En principe, ceux-ci sont offerts sans distinction aux gar­çons et aux filles, et les conseillers d'orientation indiquent qu'ilsencouragent les jeunes filles à choisir plutôt des cours techniques etagricoles en raison des besoins économiques nationaux. Les conseil­lers d'orientation sont tous membres d'une association patronnéepar le Ministère de l'éducation, et ils se rencontrent une fois par mois.Actuellement, ils préparent, avec l'aide des étudiants, un guide d'in­fonnation sur les carrières. La diversification des options et l'égalaccès de tous aux cours ne semblent pas rompre le confonnisme desélèves parce qu'il y a, en fait, peu d'efforts d'orientation pour luttercontre ces modèles traditionnels. L'orientation existante tend àdécrire les différentes professions, leurs avantages et le cursus sco­laire qui y mène, mais elle ne va pas dans le sens d'un changementdes attitudes ou d'une transfonnation des valeurs en ce qui concerneles rôles professionnels Uamaïque, p. 29].

En Turquie, l'orientation professionnelle suit le même schémadans le premier cycle secondaire, où les élèves ont à choisir un sec­teur de fonnation - industrie, économie domestique, commerce,agriculture - dans lequel ils suivent 4 à 8 heures de cours hebdoma­daires. De la 6" à la 9" année, ils peuvent changer de secteur tous lesans s'ils le désirent. Dans les lycées de plus de 1000 élèves, ils sontaidés par des conseillers d'orientation, et les enseignants suivent descours d'orientation afin de pouvoir conseiller les individus commeles groupes. En Afghanistan, les premiers conseillers pédagogiques

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L'apprentissage des rôles

ont commencé à exercer leur métier en 1976. Ils ont mis au point destests et autres outils d'évaluation. Ils distribuent des brochures etprojettent des films et des diapositives aux élèves. Enfin, ils guidentceux-ci sur le plan scolaire, culturel, social, voire familial. Au Por­tugal, jusqu'en 1974, il n'y avait aucune orientation scolaire systé­matique au niveau des établissements scolaires; un seul institut,l'Institut Maria Luisa Barbosa de Carvalho, pouvait faire desexamens d'orientation et donner des conseils, dans de très mau­vaises conditions pédagogiques et sans être en mesure de répondreà la demande. Cet institut continue de procéder à l'orientationoccasionnelle des élèves qui, au moment décisif du choix scolaire,accourent en vue d'un conseil urgent sur le type d'enseignement àsuivre après la scolarité obligatoire. Mais depuis 1974, des expé­riences pilotes ont été lancées. Il s'agit d'une orientation fondée surles résultats scolaires et divers entretiens. Aucune liaison n'existeavec le monde du travail. Aucune campagne d'information n'a étélancée de peur de susciter une demande à laquelle les structures nepermettraient pas de répondre. Aucune étude sur les discriminationsselon le sexe n'a été entreprise. Aucun cours de conseiller d'orien­tation ne s'attache à étudier et à réduire les inégalités entre leshommes et les femmes sur le plan scolaire et professionnel. C'estpourquoi «il y a lieu de croire que le manque de réflexion etd'analyse de cette problématique conduira l'Institut à maintenir lestatu quo pour ce qui est des discriminations scolaires et profession­nelles envers les jeunes filles et les femmes» [Portugal, p. 69].

A Madagascar, l'orientation des élèves est décidée par un «conseilde classe» ou «conseil des professeurs» en fin de ge année et en finde lOe année. Il n'y a pas de service ou de cours d'orientation àl'intérieur des établissements, mais en cas de difficulté, les élèvespeuvent s'adresser au Service de la psychologie, de l'information etde l'orientation scolaires et professionnelles (SPINO) qui a pourmission d'informer en vue d'orienter. Il reçoit les élèves, diffuse desémissions de radio et édite des documents, brochures et bulletinsd'information. Il a entrepris également une série d'études sur lestests, les niveaux d'orientation et les débouchés. En Jordanie, il n'ya pas à proprement parler d'orientation scolaire et professionnelle.Les étudiants sont dirigés dans les différentes branches ou sectionsde l'enseignement en fonction de leurs résultats scolaires, consignésdans des dossiers, et en fonction des quotas d'admission.

On constate que l'orientation scolaire est le plus souvent dissociéede l'orientation professionnelle. Les élèves sont dirigés vers lesdifférentes sections ou branches d'enseignement et de formation enfonction de leurs résultats scolaires, sans que soit vraiment pris enconsidération leur avenir professionnel, et sans l'assistance de

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L'apprentissage des rôles

conseillers pédagogiques. Dans le meilleur des cas, ils peuvent avoirrecours à des services d'information extérieurs au système scolaire,mais ils ne les consultent qu'en dernière extrémité, au moment oùils ont à choisir leur orientation scolaire. Or l'orientation scolaire estune orientation professionnelle; d'une part, parce que les choixscolaires sont souvent précoces et canalisent les élèves vers desbranches d'enseignement - général, technique ou professionnel,normal - qui déterminent leurs futures possibilités professionnelleset, d'autre part, parce qu'il existe fort peu de passerelles ou d'équiva­lences entre les divers types d'enseignement.

Les jeunes filles s'orientant davantage vers l'enseignement généralet normal, leurs perspectives professionnelles s'en trouvent réduites.Par ailleurs, le choix des cours et des matières à option qui ont unevocation d'orientation dans l'ensemble des études secondaires estsouvent limité pour les jeunes filles ou fondé sur des considérationsstéréotypées. Les conseillers d'orientation et les enseignants étantpeu sensibilisés à la problématique particulière des jeunes filles, cesont les possibilités d'études qui leur sont offertes et les choix qu'ellesfont elles-mêmes qui sont décisifs. Enfin, les systèmes d'orientationexistants sont embryonnaires, «passifs» ou inefficaces. Ils se conten­tent le plus souvent de diffuser des informations sur les carrières, lesmétiers et les études qui y préparent. Leurs relations avec le marchédu travail sont insuffisantes. Ils n'ont pas de stratégie qui prenne enconsidération la situation des jeunes filles face aux choix scolaires etprofessionnels, ou qui vise à agir sur les comportements, les préjugésou les résistances culturelles et sociales qui entravent la libre déter­mination des jeunes filles.

L'orientation scolaire et professionnelle n'a donc pas de rôlecorrecteur ou compensateur des inégalités, discriminations et pré­jugés dont sont l'objet les jeunes filles, et ce sont finalement lesmécanismes socioculturels qui régularisent les choix des étudiants.Les valeurs culturelles qui sous-tendent l'organisation sociale et écono­mique et qui sont véhiculées par l'école et les parents se frayentaisément un chemin jusqu'à l'enfant et finissent par modeler sesstructures mentales, de telle sorte qu'il intériorise et assimile lesimages et les rôles offerts.

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L'apprentissage des rôles

L'ASSIMILATION DES ROLES

Exemple du Portugal

Le processus d'intériorisation des stéréotypes est le dernier maillonde la chaîne du façonnement des rôles, Il explique pourquoi, en dépitdes plus larges possibilités qui leur sont données, les jeunes filles netirent pas davantage parti de leur éducation et de leurs aptitudes.

Une enquête menée au Portugal au printemps lUï~ montre com­ment les jeunes gens et jeunes filles adoptent et adaptent les modèlesqui leur sont proposés. L'enquête a porté sur un échantillon de160 filles et 273 garçons, âgés de 15 à 19 ans, répartis entre 8 établis­sements scolaires, au niveau du deuxième cycle de l'enseignementsecondaire. Les établissements scolaires ont été choisis de manièreque tous les types d'enseignement soient couverts (général, tech­nique et professionnel, normal). Il s'agit d'un échantillon stratifié,statistiquement non représentatif. Toutefois, même si on ne peut,à partir de cette enquête, tirer des conclusions générales ou affirmerqu'il existe une influence de certaines variables ou des liaisons entrecertaines autres, nous pensons qu'elle pourra révéler des tendancesgénérales et certains modèles de comportement, et fournir de ponsindicateurs et une contribution pour une étude ultérieure. Etantdonné l'étendue de l'enquête, seules quelques données ont pu êtresélectionnées comme révélatrices des goûts et aspirations des gar­çons et des filles, de leurs ambitions professionnelles, de leur cons­cience sociale et de leur perception des rôles masculins et féminins.

Garçons et filles se distinguent d'abord - et de façon assez inat­tendue - par leurs aspirations (voir tableau 21), [Portugal, Enquête].

TABLEAU 21. Les trois principaux facteurs de réalisation personnelle: inter-viewés par sexe, en pourcentage

1cr critère 2'= critère 3e critère

\1 F M F M F

Avoir du succès dans la 21,9 16,5 21,3 30,0 18,1 25,3profession ou carrièrechoisie

Se marier, avoir des enfants 24,4 19,4 20,0 22,7 14,4 19,8et être heureux

Jouir d'une bonne santé 18,8 38,5 21,3 21,2 16,3 12,5Sans réponse 24,4 14,7 23,4 18,3 25,0 19,8

Les garçons sont généralement plus indécis que les filles sur lepoint de savoir quels sont les facteurs de réalisation personnelle lesplus importants. Mais ils considèrent que la principale source

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L'apprentissage des rôles

d'épanouissement est de se marier, d'avoir des enfants et d'êtreheureux, alors que pour les filles, ce facteur n'entre que médiocre­ment en ligne de compte. En second lieu, les garçons souhaitents'accomplir dans leur profession et bénéficier d'une bonne santé. Lesfilles, en revanche, accordent une très grande importance à la santéet estiment que la réussi te professionnelle est un facteur déterminantde leur accomplissement personnel. Elles sont d'ailleurs 67,8% àpenser qu'elles continueront toujours à exercer leur profession.Seulement 9,9% d'entre elles pensent interrompre leur carrière sielles ont des enfants en bas âge. Aucune d'entre elles n'envisagecomme profession d'être maîtresse de maison. Cependant, elles ontun niveau d'aspirations professionnelles relativement inférieur àcelui des garçons, puisqu'elles s'imaginent plus massivement cadresmoyens ou cadres techniques que les garçons, et n'envisagent pas depouvoir être propriétaires d'une entreprise. Il est également intéres­sant de noter que peu d'entre elles souhaitent être employées alorsqu'on sait qu'elles s'orientent majoritairement dans ce secteur. Lesgarçons sont sensiblement plus nombreux à envisager les professionslibérales et celles de cadres supérieurs (tableau 22), [Portugal,Enquête].

TABLEAU 22. Profession souhaitée: interviewés par sexe, en pourcentage

Professions libérales, cadres supérieursCadres moyens, cadres techniquesEmployésPropriétaire de commerce, industriel ou agricoleOuvriersOfficier de l'aviation, marine, arméeMaîtresse de maisonSans réponse

TOTAL

Hommes

27,555,0

0,62,52,52,5o9,31

99,9

Femmes

21,667,0

5,1oooo6,2

99,9

Les garçons ont également plus de difficultés que les jeunes fillesà imaginer les professions qu'ils souhaiteraient exercer s'ils étaientde l'autre sexe. Il semble qu'ils aient une moins grande perception del'inégalité sexuelle, puisqu'ils sont seulement 14,3% à penser exercerune profession de statut inférieur s'ils étaient de l'autre sexe, alorsque les filles sont 29,6% à penser qu'elles exerceraient une professionde statut supérieur si elles étaient du sexe opposé.

Ils n'envisagent d'ailleurs pas de changer de profession et, s'ils lefont, ils optent d'abord pour celle d'employé et, éventuellement,pour celle de maîtresse de maison, et ce dans de plus fortes propor­tions que ne le faisaient les filles. De la même façon, ils ne pensent

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L'apprentissage des rôles

pas qu'ils pourraient, étant du sexe opposé, choisir d'être ouvrier ouofficier. Les filles, elles, sont moins nombreuses à penser garder lamême profession, et elles estiment qu'elles pourraient choisir d'êtreofficier mais pas pour autant propriétaire d'une entreprise si ellesétaient de l'autre sexe.

Les garçons ont, de la même façon, du mal à évaluer les raisonsqui peuvent pousser les femmes à travailler (voir tableau 23), [Por­tugal, Enquête]. Quand ils le font, ils donnent des justifications d'unautre ordre que les filles. Pour eux, la femme travaille d'abord pouraméliorer le budget familial, et ensuite par goût et par intérêtpour la profession, alors que les filles envisagent assez systématique­ment de travailler par goût et intérêt pour la profession et, semble-t-il,moins pour être indépendantes. Il ressort d'ailleurs de l'ensembledes données que les jeunes filles jugent le travail selon des critèresplus personnels, et davantage fondés sur des considérations humani­taires, les garçons accordant au contraire plus d'importance auxconsidérations matérielles.

TABLEAU 23. Justification du travail des femmes à l'extérieur: interviewésen pourcentage, par sexe

M

1re raison

F M

2e raison

F M

3e raison

F

Améliorer le budget familial 26,3 21,2 14,4 18,7 10,6 13,6Goût et intérêt pour la profession 16,0 25,3 18,8 20,9 13,1 17,0Pour être indépendante Il,9 19,4 14,4 16,5 Il,9 13,9Sans réponse 21,9 13,2 22,5 Il,4 23,8 14,7

Enfin, garçons et filles ont des conceptions relativement stéréo­typées en ce qui concerne les professions qui seraient mieux exercéespar l'un ou l'autre sexe (voir tableau 24). Dans l'ensemble, ilsattribuent moins de capacités professionnelles spécifiques aux filles,les pourcentages concernant les professions qui seraient mieux exer­cées par celles-ci étant plus faibles que pour les garçons. Les garçons,et les filles dans une moindre mesure, ont tendance à penser que lesgarçons sont plus à même d'être mécaniciens, électriciens, pilotes,conducteurs de tracteur et chauffeurs de taxi.

Mais si les garçons considèrent qu'ils sont eux-mêmes plus aptesà être juges, administrateurs, chauffeurs et travailleurs agricoles, lesfilles ne partagent pas cette opinion. Elles ne sont pas d'accordnon plus pour penser qu'elles-mêmes sont plus capables d'exercerles professions de coiffeur, couturier, travailleur ménager ou secré­taire. Mais elles partagent l'idée des garçons sur leurs compétencesen tant qu'éducatrices d'enfants.

Par ailleurs, sur les vingt-cinq }Jrofessions envisagées, plus d'une

75

L'apprenlissage des rôles

TABLEAU 24. Professions dont les filles et les garçons estiment qu'elles peu-vent être mieux exercées par l'un ou l'autre sexe ou par lesdeux indifféremment (en pourcentage)

Selon les filles Selon les garçonsH F Les 2 Les 2 H F

Administrateur 34,4 1,1 59,3 36,9 56,3 1,3Avocat 17,6 1,1 77,7 55,0 38,8 0,6Chauffeur de taxi 44,3 2,6 47,6 41,9 53,1 0,6Coiffeur 2,6 13,9 79,5 46,9 0,6 47,5Conducteur de tracteur 46,9 0,4 47,6 23,8 71,2 °Conducteur de voiture 24,2 0,4 70,0 46,3 49,4 °Couturier 11,8 15,8 79,5 43,8 ° 51,3Cuisinier 4,8 12,1 79,1 63,8 5 25,6Dactylo 3,3 13,9 78,4 54,4 3,8 36,9I;>éputé 18,3 0,7 75,8 65,0 29,4 0,6Educateur d'enfant 2,9 53,1 39,6 21,9 2,5 70,6Électricien 56,0 1,1 39,2 26,9 68,8 °Enseignant 0,7 3,3 93,0 82,5 2,5 10,0Gérant 27,5 0,7 67,8 49,4 44,4 0,6Infirmier 1,1 10,6 84,6 72,5 3,1 19,4Juge 33,7 0,4 62,3 46,9 47,5 0,6Mécanicien 72,9 0,4 20,9 12,5 81,9 °Médecin 4 ° 92,7 79,4 15,0 1,3Ministre 27,1 0,4 67,8 49,4 42,5 0,6Musicien 2,6 1,1 93,4 83,7 8,8 3,8Pilote 48,4 1,5 46,2 28,1 65,0 1,3Scientifique 20,5 0,4 74,7 69,4 24,4 0,6Secrétaire 2,9 9,9 83,9 68,1 6,9 20,6Travailleur ménager 1,5 36,3 58,2 34,4 2,5 56,9Travailleur rural 27,1 ° 69,6 40,6 53,8 0,6

dizaine sont considérées comme «bisexuelles» par les garçons et lesfilles, même si les garçons sont moins nombreux à le penser.

Des choix qui contredisent les aspirations

Il semble donc que les filles aspirent fortement à travailler, qu'ellesaccordent une grande importance à leur épanouissement professionnel­davantage semble-t-il qu'à leur rôle de mère - et qu'elles soient moinsconformistes que les garçons en ce sens qu'elles envisagent pourelles-mêmes des professions plus variées et plus valorisantes que nele font les garçons pour elles. Il y aurait donc à première vue unecontradiction entre les aspirations avouées et les choix scolaires etprofessionnels que font les jeunes filles, puisqu'il a été constaté queceux-ci restaient très conventionnels.

76

L'apprentissage des rôles

Cet hiatus entre les aspirations des filles et leurs choix est révéla­teur des résistances socio-culturelles qui les empêchent de contri­buer pleinement au développement national et entravent leurépanouissement individuel. Cette situation conduit à épouserl'hypothèse portugaise sur les facteurs expliquant cet état de fait.«Si le choix scolaire et professionnel des jeunes filles, d'une part, estfonction de leurs goûts, de la perception qu'elles ont de leur person­nalité et de leur situation, ainsi que de leurs aspirations, il est, d'autrepart, influencé par le milieu socio-économique auquel elles appar­tiennent, par les goûts et les attentes des parents à leur égard, par laperception qu'elles ont des conditions réelles qui sont offertes sur lemarché du travail, en termes de perspectives et de débouchés sijamais elles choisissent une profession qui ne soit pas traditionnel­lement féminine. A tout cela s'ajoute encore l'image qu'elles ont desfemmes en général, des rôles féminins dans la famille et dans lecouple, de la participation des femmes au marché du travail, imagesqui leur viennent de l'influence de leur milieu mais qui malgré toutsont intégrées et finissent par se confondre avec l'image qu'elles ontd'elles-mêmes, conditionnant ainsi leurs options en matière de for­mation professionnelle et leur mode de participation au marché dutravail. Il se produirait donc un jeu dialectique entre les images de lafemme dans la société, qui découlent elles-mêmes des opinions desdifférents milieux et qui, à leur tour, vont conditionner les optionsréelles des jeunes filles, créant ainsi de nouvelles images» [Por­tugal, Enquête, p. 1].

Dans ce processus de façonnement des rôles, l'école, par son fonc­tionnement, ses programmes, ses normes implicites et ses méthodeséducatives a une fonction qui dépasse les objectifs pédagogiques.Elle ne transmet pas seulement un savoir, mais un savoir-être, uncomportement social. «Il est évident que l'école n'est pas seulementun centre d'apprentissage, mais le lieu où s'opère la transmission dela culture et de la tradition d'une génération à l'autre. En d'autrestermes, l'institution éducative ne se borne pas à jouer i.m rôle actifdans le développement intellectuel de l'enfant» [Afghanistan, p. 49].Or l'école reflète les structures sociales plus qu'elle ne les transformeet, en ce qui concerne les jeunes filles, elle contribue parfois à main­tenir le statu quo.

77

,.

RESPONSABILITESDE L'ÉDUCATION

L'éducation peut être un puissant vecteur de changement, tant auniveau de la société qu'au niveau des individus, parce qu'elle peutmodifier l'équilibre des rôles masculins et féminins, élargir le champdes possibilités féminines et bouleverser les comportements et lesmentalités. Mais l'efficacité de l'éducation dans la redistribution desrôles dépend de son adaptation aux réalités et aux besoins écono­miques, sociaux et culturels.

Au niveau national, l'éducation est-elle d'une part fonctionnelle,rentable et en corrélation avec les besoins nationaux et, d'autre part,favorise-t-elle ou non le développement culturel et l'évolution desstructures sociales? Au niveau individuel, l'éducation est-elle, d'unepart, un facteur de mobilité sociale et un moyen de promouvoirl'égalité des chances et, d'autre part, favorise-t-elle le plein épanouis­sement des individus et leur participation au développement écono­mique? Les réponses à ces quatre questions permettent d'évaluer lerôle et la fonction de l'éducation dans les différents pays en tenantcompte de leur développement historique et de leurs structuresdiverses, et de définir deux types de situation.

L'ÉDUCATION, FREIN AU DÉVELOPPEMENT OUVECTEUR DE CHANGEMENT?

L'éducation peut contribuer à prolonger le retard et les disparitéséconomiques et à perpétuer des structures sociales archaïques. EnAfghanistan, l'éducation est restée longtemps inadaptée aux besoinséconomiques nationaux dans la mesure où elle dispensait surtout un

79

Responsabilités de l'éducation

enseignement général et ne formait pas les techniciens et les travail­leurs qualifiés dont le pays avait un urgent besoin. Elle visait àpréserver le statu quo social et politique, «les jeunes étaient isolés dela société. Les classes au pouvoir s'efforçaient de démontrer qu'iln'appartient pas à la jeunesse ni au système éducatif de prendre cons­cience des problèmes sociaux et d'être à l'écoute du peuple» [Afgha­nistan, p. 46]. Cela a eu des répercussions sur la condition desfemmes, car l'«enseignement secondaire ne visait nullement à faireprendre conscience aux femmes de leurs responsabilités sociales età les y préparer (00')' Les programmes étaient conçus de manière queles femmes non seulement soient incapables d'assumer leurs respon­sabilités vis-à-vis de la société, mais restent dans l'ignorance de leursdroits civiques (00')' Ils traduisaient des attitudes mentales et unephilosophie totalement coupées de la réalité» [Afghanistan, p. 47].

Au Portugal jusqu'en 1971, l'éducation ne permettait pas de faireface, vu l'ampleur des besoins, au problème de la formation de lamain-d'œuvre nécessaire à la mécanisation agricole, au développe­ment de l'élevage, à l'installation de nouvelles industries et à lacréation de nouveaux services à l'intérieur de l'espace économiqueportugais, vaste et discontinu. Le retard du système éducatif par rap­port à l'évolution sociale était important. Pendant environ vingt ans,les structures de l'enseignement des lycées sont restées étrangèresaux transformations sociales. L'évolution extrêmement rapide qu'ilsont connue ces dernières années a été déterminée par l'arrivée dejeunes prématurément adultes par rapport aux générations précé­dentes et ayant une mentalité différente de celles-ci, «désintéresséesd'une grande partie des contenus que les programmes scolaires leuroffraient, insensibles à certaines motivations d'ordre didactique,insoumises par rapport au système scolaire lui-même» [Portugal,p.38].

Sectoriellement, le système scolaire peut amplifier des désé­quilibres locaux et sociaux. Dans les zones rurales, l'accès à l'éduca­tion reste souvent plus difficile et les programmes, notamment del'enseignement secondaire, peuvent être inadaptés aux besoinséconomiques locaux et à l'évolution sociale consécutive à un exoderural important. De la même façon, le type d'enseignement donnéaux jeunes filles s'avère souvent peu fonctionnel, et orienté vers desactivités professionnelles inadaptées aux structures économiques,inutiles dans une perspective de développement national, et coû­teuses pour la collectivité.

Des pratiques culturelles peuvent ainsi aller à l'encontre de la ratio­nalité économique, et gêner la productivité et le développement.

Il est encore une autre façon, pour l'éducation, d'être inadaptéeaux structures économiques et sociales, et source d'antagonismes et

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Responsabilités de l'éducation

de déséquilibres. En Afghanistan, par exemple, les programmes etles méthodes pédagogiques étaient calqués jusqu'en 1974 sur desschémas européens, particulièrement inadaptés à la situation natio­nale. Par la suite, une réforme fut mise en place. Mais la réforme de1974, qui n'était pas fondée sur une recherche scientifique ni sur uneanalyse des conditions économiques et sociales, loin de résoudre lesproblèmes éducatifs, a introduit la pratique des concours et d'autresmesures qui ont créé des difficultés et des problèmes pour des mil­liers de jeunes, qui ne purent poursuivre leurs études secondaires,qu'elles aient été professionnelles ou générales. Cette réforme aégalement créé des conflits sociaux et familiaux, les parents accusantl'école de transformer leurs enfants et d'en faire des «êtres obstinés,négligents et insolents». «Il s'est ainsi créé entre la mentalité del'élève et les désirs des parents, un hiatus qui ne peut qu'aboutir àun conflit» ]Afghanistan, p. 45].

L'éducation peut provoquer des conflits familiaux mais aussiêtre une source de sous-emploi et de frustrations pour la jeune fillequi a fait des études. L'éducation lui a ouvert des horizons, elle aélargi le champ de ses possibilités, mais les structures mentales,sociales et économiques, évoluant trop lentement, empêchent lajeune fille d'en tirer parti. A l'inverse, le système éducatif peut êtreen porte à faux dans une société en mutation, faute d'avoir su s'adap­ter aux nouvelles réalités économiques et sociales. Ainsi, la rapiditédes changements intervenus ces trente dernières années a provoquéde profondes ruptures dans la société jamaïquaine. Il s'est produitune refonte et une redéfinition des comportements, des valeurs, desaspirations et des buts individuels, familiaux et collectifs. En consé­quence de quoi, les jeunes doivent affronter certains problèmes cri­tiques tels que: l'accroissement des grossesses adolescentes, les crisesfamiliales à tous les niveaux de la société, l'inadéquation entrel'éducation et l'emploi, les difficultés d'accès à l'éducation dues auxmauvaises conditions socio-économiques. Le système éducatifdevrait accorder la plus grande attention à ces problèmes de la jeu­nesse afin d'aider à les régler [voir Jamaïque, annexe VII].

ÉVOLUTIONS À SUIVRE

L'ensemble des pays considérés s'efforcent de planifier l'éducationde telle sorte qu'elle s'intègre aux processus de développement etcontribue pleinement aux changements structurels.

Le Portugal a entrepris une profonde réforme de son systèmeéducatif depuis 1971. A Madagascar, les travaux du Comité nationalde restructuration de l'enseignement ont abouti à la promulgationd'une loi (17 juillet 1978) qui définit le cadre du système d'éducation

81

Responsabilités de ['éducation

et de fonnation. La Jordanie pratique une politique officiellevisant à utiliser l'éducation comme instrument du développementsocio-économique. La Jamaïque a élaboré un plan quinquennal(1978-1983) pour adapter l'éducation aux nouveaux impératifsnationaux. La Mongolie poursuit l'application de son sixième planquinquennal fondé sur l'idée que l'éducation est «une authentiqueforce motrice du progrès social». L'Afghanistan a entrepris un pro­gramme de développement progressif de l'éducation allant de pairavec le progrès social et économique.

Tous les pays attribuent à l'éducation un rôle moteur dans ledéveloppement économique et social. L'Afghanistan insiste sur lanécessité de planifier l'éducation en respectant les aspects positifs dela culture et des coutumes nationales, tout en tenant compte desprogrès des sciences et de la technologie moderne; la Mongolies'efforce de traiter et de résoudre tous les problèmes du développe­ment culturel en tenant compte à la fois des conditions et des exi­gences de la société contemporaine et de la culture nationaleséculaire. D'autres pays se préoccupent d'entreprendre des enquêtessocio-économiques pennettant d'agir en toute connaissance desbesoins locaux et des conséquences éventuelles (Madagascar,Portugal).

Mais dans les plans et les lois relatifs à l'éducation, on trouve fortpeu de mesures ou d'indications particulières en faveur des femmes.«Il n'y arien au niveau législatif qui explicite l'importance de l'ensei­gnement secondaire pour la promotion de la femme et son inté­gration dans les structures sociales et politiques» [Portugal, p. 60].Au contraire, certains pays considèrent que des mesures spécialespour les femmes ne sont pas nécessaires et qu'un «traitement defaveur» ne ferait que contribuer à accroître les discriminations dontelles sont l'objet. La lutte contre les inégalités est pour ces pays unprocessus global dont les jeunes filles peuvent bénéficier au mêmetitre que tous les citoyens Uamaïque, Madagascar). «Beaucoupd'inégalités de fait subsistent et leur disparition sera certainementtrès lente puisque l'on n'a pas créé de mécanismes d'appui à lafonnation scolaire et professionnelle des jeunes filles, qui partentd'une situation d'inégalité profonde» [Portugal, p. 76].

Des efforts ont cependant été accomplis en direction des jeunesfilles dans l'organisation des programmes, l'élaboration des nonneset des méthodes d'enseignement, l'amélioration de l'orientation sco­laire et professionnelle, et l'action sur l'environnement social.

Le Portugal a complètement réfonné ses programmes depuis 1971,en particulier ceux qui s'adressaient aux jeunes filles. Les matièresspécifiquement féminines ont été supprimées. L'enseignement tech­nique féminin est voué à disparaître. Les cours et activités para-

82

Responsabilités de l'éducation

scolaires de type féminin ont disparu du secondaire en même tempsque l'organisation de laJeunesse portugaise. Les discriminations lesplus criantes ont été éliminées des programmes. Les jeunes fillespeuvent donc choisir les mêmes cours, sections ou branches que lesgarçons. L'orientation se fait à travers les matières à options, car,d'une part, le premier cycle a été unifié et, d'autre part, les enseigne­ments technique, professionnel et général comportent un mêmetronc commun dans le deuxième cycle. Les matières à option necomprennent plus de cours comme la couture, la broderie, l'ensei­gnement ménager, la cuisine ou les soins aux enfants, ce qui estcapital pour les jeunes filles, car leur avenir professionnel s'en trouveélargi. Cependant, il n'y a rien dans les programmes qui appelle lesjeunes filles à jouer un rôle plus responsable dans la société, rien quiles encourage à choisir des cours et des carrières moins traditionnels.

Dans l'enseignement normal, plusieurs réformes ont été intro­duites. Tout d'abord, des écoles de puériculture ont été ouvertesdans l'enseignement public. Elles donnent un enseignement laïcet plus moderne de telle sorte que les méthodes pédagogiques et lesattitudes des enseignantes seront largement modifiées. D'autre part,les programmes des écoles d'instituteurs ont été profondémentremaniés. Aux notions d'obéissance, de discipline et d'esprit decharité ont été substituées celles d'autonomie, de liberté et de res­ponsabilité sociale. La profession d'instituteur a été revalorisée grâceà une reclassification professionnelle, une très importante augmen­tation de salaire et une plus grande autonomie en matière de gestionet de pédagogie. Ces mesures ont permis de voir un plus grandnombre de garçons s'inscrire dans cette profession, ce qui est essen­tiel pour changer l'image de l'institutrice mère, fournir aux enfantsdes modèles d'identification moins stéréotypés et ~surerune éduca­tion mixte. Quant aux écoles professionnelles, l'Ecole nautique aouvert ses portes aux jeunes filles mais les écoles militaires leurrestent fermées.

Enfin, la mixité a été progressivement introduite dans l'enseigne­ment secondaire, à partir de 1971, d'abord à titre expérimental puisde façon généralisée. Les expériences pédagogiques ont été auto­risées dans tous les établissements publics et privés, quel que soitle type d'enseignement, à condition que le corps enseignant soitmixte et que le nombre de garçons et de filles soit égal, afin qu'on nemette pas fin à la ségrégation des sexes sans réaliser une véritableexpérience de coéducation. En dépit des résistances que la mixitéa soulevées, elle s'est graduellement installée, mais il ne semble pasqu'une réelle coéducation ait pu être instaurée. Toutefois, il s'agitdéjà d'un progrès vers l'égalité des chances, car on sait que la mixitéet la coéducation développent la camaraderie entre garçons et filles,

83

Responsabilités de l'éducation

motivent celles-ci à poursuivre des études, et développent sûrementl'ambition, l'intérêt et la volonté des filles placées dans une situationscolaire, sociale et professionnelle égale à celle de leurs compagnonsd'études. Au contraire, la séparation des sexes dans les établis­sements scolaires contribue à maintenir les filles dans un ghettoéducatif et social, conditionnant leurs aspirations et motivationsscolaires et professionnelles et les rendant plus dociles et per­méables aux valeurs traditionnelles. «Prétendre que l'initiative, lesens des responsabilités et l'esprit de commandement ont de plusgrandes chances de se développer dans un contexte non mixterevient directement à dire, semble-t-il, que les filles ne peuvents'affinner qu'au milieu de personnes de leur sexe 1.»

L'Afghanistan s'efforce aussi d'introduire graduellement la mixitédans les écoles techniques et professionnelles, de telle sorte que lesjeunes filles puissent accéder en nombre toujours plus grand à cetype d'enseignement. La mixité existe maintenant dans les écolesnonnales, ce qui marque le début d'une ère nouvelle pour les jeunesfilles.

EnJamaïque, un Bureau des femmes a été créé en 1974. Rattachésignificativement au Ministère du travail, il vise à instaurer l'égalitédes sexes et la pleine intégration des femmes dans le développementnational. A cet effet, il entreprend des études pour identifier le statutet la condition actuels de la femme, et il conduit des politiques desti­nées à favoriser l'intégration des femmes dans le développement.En matière d'éducation, l'accent est mis sur la nécessité d'élever leniveau de conscience des femmes afin qu'elles puissent se libérerelles-mêmes des obstacles psychologiques qui ont traditionnellementempêché le plein accomplissement de leurs virtualités humaines [voirJamaïque, Annexe 6, p. 2]. Pour cela., des actions sont entreprises avecle Ministère de l'éducation afin de réviser les programmes et le maté­riel scolaires, et d'en éliminer les stéréotypes relatifs aux rôles mascu­lins et féminins. Des actions, associant les professeurs, les conseillersd'orientation et le personnel chargé des programmes d'éducationfamiliale, doivent être développées afin de promouvoir une nou­velle conception du rôle des femmes dans le développement.

Dans les autres pays, les seules réfonnes susceptibles de favoriserl'insertion des jeunes filles dans le monde du travail consistent àintroduire dans les programmes des activités productives menéesdans le cadre scolaire ou en dehors. Si les jeunes filles sont initiées autravail dans les mêmes secteurs que les garçons et si possible à leurscôtés, il y a de grandes chances pour que leurs aspirations et leursambitions se développent parallèlement à leurs compétences pra­tiques et à leur connaissance du milieu productif.1. Fay E. Saunders, p. 394.

84

POUR L'ÉGALITÉDES CHANCES ET

DES CHOIX

La participation des femmes au développement national est condi­tionnée par un faisceau de facteurs déterminés par les structuressociales, économiques, éducatives, culturelles et psychologiquespropres à chaque société. Décider de la promouvoir exige une poli­tique multidimensionnelle agissant à la fois sur le système scolaire,l'emploi, et l'environnement social et culturel afin que l'égalité deschances et des choix ne soit pas un vain mot. Cela représente unvéritable choix de société et une redéfinition des rôles masculinset féminins en fonction de la situation respective de chaque payset de ses objectifs à long terme. Cette redéfinition met en causel'image de la femme dans la représentation collective, et sa placedans la famille et la vie professionnelle. Elle doit donc être envisagéesous différents angles. Du point de vue de l'éducation, l'égalité deschances dépend des possibilités d'accès au niveau secondaire, et plusparticulièrement à l'enseignement technique et professionnel et auxdifférents types de formations existants, de la nature et de la diver­sité des formations offertes, de leur adéquation aux réalités et auxbesoins économiques et sociaux, du contenu des programmes et deleur capacité à préparer les jeunes filles à exercer des responsabilitésà tous les échelons de la société. Mais cette égalité est aussi fonctiondu système d'éducation, de la répartition équilibrée des enseignanteset des enseignants à tous les niveaux et dans tous les types d'ensei­gnement, des normes implicites que transmettent les professeurs, lesmanuels et les organisations scolaires. Enfin, une orientation sco­laire et professionnelle intégrée au système scolaire, prospective entermes de débouchés et sensibilisée aux problèmes spécifiques des

85

POUT l'égalité des chances et des choix

jeunes filles peut certainement favoriser et encourager l'intégrationdes jeunes filles dans la vie professionnelle.

Dans le domaine de l'emploi, des actions coordonnées peuventêtre entreprises pour faciliter l'accès des femmes à la vie profession­nelle (équipements sociaux) et à tous les types d'emplois, et pour leurassurer des chances égales en matière de salaires et de promotions.

L'efficacité de ces mesures dépend cependant de l'évolution desmentalités, évolution qui dépend elle-même en grande partie desimages de la femme que diffusent les médias, radio, télévision,jour­naux et publicité. Une action sur et avec les médias peut doncs'avérer utile.

Si la participation des femmes au développement national estétroitement liée à l'égalité des chances et des choix en matièred'éducation, de formation et d'emploi, le développement écono­mique, social et culturel est lui-même étroitement lié à cette parti­cipation des femmes.

« Dans plusieurs régions du monde, une véritable réforme des pro­grammes scolaires tendant à mettre fin à la différenciation entregarçons et filles progresse, et sans doute plus vite dans les pays endéveloppement qu'ailleurs. L'impulsion vient peut-être du fait queces pays ont acquis récemment leur indépendance et qu'ils sou­haitent débarrasser leurs écoles des vestiges d'un système colonial.En outre, il ressort clairement des plans de développement que cespays ne peuvent se permettre de gaspiller leur potentiel de res­sources humaines, et la nécessité de former du personnel l'emporte

., sur la conception traditionnelle du rôle de la femme 1. »Si l'on peut effectivement enregistrer quelques acquis en matière

de promotion des femmes, beaucoup reste à faire cependant, et ilfaut se garder d'un optimisme béat, inconscient de l'ampleur desefforts qui doivent encore être accomplis.

1. Fay E. Saunders, p. 390.

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ANNEXE 1

FORMATIONS RÉSERVÉESAUX GARÇONS ET

FORMATIONS RÉSERVÉESAUX FILLES DE JURE

FORMATIONS RÉSERVÉES AUX GARÇONS

Écoles dépendant du Ministère de l'éducationLycées industriels et agricoles en JordanieLycées techniques et professionnels en Turquie (directions ministérielles

différentes pour l'enseignement technique et professionnel des garçonset pour celui des filles)

Écoles dépendant d'autres ministèresMinistère de l'agriculture

Madagascar: Centre de formation professionnelle agricole et lycéesagricoles

Ministère de l'information et de l'animation idéologiqueMadagascar: Centre de formation rurale et artisanale

Ministère de la défense et des arméesMadagascar: École nationale militaire (Académie militaire et Section

technique - Gendarmerie nationale)Portugal: Collège militaire; Pupilles de l'armée (enseignement technique

et commercial)Ministère des postes et télécommunications

Madagascar: sur trois formations, deux 1 sont réservées aux garçons,celles d'agent technique et d'employé technique

Ministère des financesAfghanistan: École d'aviation; École du cadastre

1. La troisième est mixte et forme des agents d'exploitation.

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Annexe 1

FDRMATIüNS RÉSERVÉES AUX FILLES

Écoles dépendant du Ministère de ['éducationAfghanistan: école professionnelle de l'Association démocratique des

femmes afghanes et École de la RépubliqueJordanie: école d'infirmièresPortugal: sections formation féminine des lycées techniquesTurquie: écoles d'infirmières et de sages-femmes; écoles de secrétaires

Écoles dépendant d'autres ministèresMinistère de la santé

Afghanistan: écoles d'infirmières et de sages-femmesPortugal: école de service social

Ministère de l'arméePortugal: Institut de Odivela (commerce, sténo, dactylo, formationféminine)

Ministère de l'économiePortugal: Cours d'extension agricole familiale

Ministère de la santé et de l'assistancePortugal: Cours d'éducation familiale rurale et section des filles de l'Assis­

tance publiqueÉtablissements indépendants

École de l'Œuvre des mères pour l'éducation nationale (Portugal enliaison avec le Ministère de l'éducation); Écoles privées de secrétariat,administration, langues, commerce

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ANNEXE 2

ENSEIGNEMENTTECHNIQUE ETPROFESSIONNEL

Élèves inscrits et élèves qui ont terminé le cours, par sexe et cours (Portu-gal, 1975/76)

Élèves inscritsÉlèves qui ontterminé le cours

CoursMlF M MlF M

Administration et commerce 54595 23484 10404 4073Agriculture 817 712 209 186AjusteurAide de laboratoire chimique 279 244 41 24Ameublement artistique 20 20 2 2Arts visuels et appliqués 397 204 67 34Auxiliaire de tissageBrodeuse-dentellière 193 71Céramique décorative 17 3CéramisteCharpentier 36 36 6 6CiselureCompositeur-typographeCouturièreDessinateur de construction 14 14 7 7Dessinateur-graveur-lithographeDessinateur industriel 2 2Dessinateur textile 5 5 2 2Électricien 1965 1892 372 351~Iectricité (cours général d') 10685 10612 1700 1698Electromécanicien 515 491 126 106Entrepreneur de bâtiment 1357 1214 307 259Fileur

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Annexe 2

Élèves qui onlÉlèves inscrits tenniné le cours

CoursMlF M MlF M

FiligranisteFormation féminine 5053 1618HorlogerImprimeur-typographeIndustries alimentaires 21 20 6 6MarineMécanique (cours général de) 11855 11795 2058 2040Mécanicien agricoleMécanicien automobileMécanicien de précisionMécanotechnique 259 259 52 52Menuisier ébéniste 79 79 9 9Menuisier-modeleurMonteur-électricien 1600 1600 257 257Monteur radio-électricienMonteur radiotechnique 161 161 7 7Peinture décorative 54 29 4 3Production agricole 96 89 31 31Production animale 16 16 5 5Production forestière 1 1Sculpture décorative 12 3Sculpture sur boisSerrurier 2563 2563 525 525Serrurier d'artSténodactylographeTextile 9 8TisserandTopographe (aux. de travaux publics)

90

BIBLIOGRAPHIE

A. ÉTUDES NATIONALES PRÉPARÉES PAR LES COMMISSIONSNATIONALES DE SEPT ÉTATS MEMBRES DE L'UNESCO

AfghanistanÉtude comparée des programmes d'enseignement destinés aux jeunes filles et auxjeunes gens en République démocratique d'Afghanistan. Paris, Unesco, 1978.(Doc. ED-78/WS/116. Distribution limitée.)

JamaïqueÉtude sur les programmes scolaires et les normes d'enseignement et de formationapplicables aux jeunes filles et aux jeunes gens dans les écoles secondaires etnormales de laJamaïque. Paris, Unesco, 1979. (Doc. ED-79/WS/3. Distri­bution limitée.)

Jor~anieEtude des programmes et normes d'enseignement et de formation pour les jeunesgens et les jeunes filles dans les écoles secondaires et normales deJordanie. Paris,Unesco, 1978. (Doc. ED-78/WS/112. Distribution limitée.)

MadagascarProgrammes scolaires et normes d'enseignement et de formation applicables auxjeunes filles et aux jeunes gens dans les écoles secondaires et normales de laRépublique démocratique de Madagascar. Paris, Unesco, 1978. (Doc.ED-78/WS/l15. Distribution limitée.)

MongolieNormalisation de l'éducation et des programmes dans les écoles mixtes d'enseigne­ment général, dans les établissements de formation professionnelle et dans lesécoles normales en République populaire de Mongolie. Paris, Unesco, 1979.(Doc. ED-78/WS/131. Distribution limitée.)

PortugalProgrammes scolaires et normes d'enseignement et de formation applicables aux

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