Figures de Retorique

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 Introduction: la rhétorique et les figures, évolution historique I. Définitions de la figure 1. La définition large ou la figure comme forme du discours 2. La définition restreinte ou la figure comme écart 1. Le présupposé psychologique 2. Le critère sociolinguistique !. Le critère formel !. "roposition de définition de la figure 1. #ne relation non linguistique 2. $aractère naturel des relations figurales !. %orme typique des figures II. $lassement des figures 1. %igures in pra esentia et fi gures in absentia 1.  &utres e'emp les de figures in praesentia 2.  &utres e'emp les de figures in absentia !. (elativité de l)opposition entre figures syntagmatiques et figures paradigmatiques 2. *iveau' discursifs 1. %igures du signifiant 2. %igures s ynta'ique s !. %igures sémantiques +. %igures conte'tuelles

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Introduction: la rhtorique et les figures, volution historiqueI. Dfinitions de la figure1. La dfinition large ou la figure comme forme du discours2. La dfinition restreinte ou la figure comme cart1. Le prsuppos psychologique2. Le critre socio-linguistique3. Le critre formel3. Proposition de dfinition de la figure1. Une relation non linguistique2. Caractre naturel des relations figurales3. Forme typique des figuresII. Classement des figures1. Figuresin praesentiaet figuresin absentia1. Autres exemples de figuresin praesentia2. Autres exemples de figuresin absentia3. Relativit de l'opposition entre figures syntagmatiques et figures paradigmatiques2. Niveaux discursifs1. Figures du signifiant2. Figures syntaxiques3. Figures smantiques4. Figures contextuelles3. Relations formellesIII. Importance des figures d'analogie smantique1. Classement des figures d'analogie smantique2. Forme de prsentation des mtaphores1. Prsentation des mtaphoresin absentia2. Prsentation des mtaphoresin praesentia3. Valeur plus ou moins novatrice des mtaphoresIV. Effet des figures1. Effets de rception1. Rception des figuresin absentia2. Rception des figuresin praesentia2. Effet de sens des figures1. Effets de sens dans les figuresin praesentia2. Effets de sens dans les figuresin absentia3. Statut de sens de l'vocation Conclusion Glossaire BibliographieIntroduction: la rhtorique et les figures, volution historiqueLa rhtorique antique constituait un immense difice pdagogique de formation de l'orateur, qui a perdu une partie de son importance partir du moment o l'orateur a cess de jouer un rle politique prpondrant. la fin du Iersicle de notre re, on note une volution qui s'est amorce ds Cicron (106 - 43 avant J.-C): la rhtorique devient pluslittraire. Elle se soucie davantage d'tre une technique de discours orn et non plus seulement une technique de persuasion.Du mme coup, la partie de l'hritage rhtorique qui va se trouver le plus durablement enseigne, et ce jusqu' nos jours, c'est l'elocutioqu'on identifie parfois austyleet qu'on peut traduire plus exactement parmise en figure du discours. Elle a fait l'objet depuis l'antiquit d'innombrablestraits de rhtoriqueoutrait des figures.Cependant cestraits, au fil des sicles ont eu tendance donner une vision rductrice de l'elocutio. Celle-ci dsignait dans la tradition antique une mise en forme totale du discours, qui le rgissait depuis les plus petites units (les sonorits), jusqu'aux plus grandes (la construction de lapriode, ensemble de propositions syntaxiquement et rythmiquement marques), en passant par le choix des mots et leur disposition dans la phrase. De plus en plus, les traits ont prsent au contraire lesfigurescomme desornementspurement locaux, surajouts au discours et sans lien fonctionnel avec lui.I. Dfinitions de la figureLes figures recouvrent des faits de discours si nombreux et si htrognes que la rhtorique a toujours eu de la peine les dfinir rigoureusement. On peut cependant distinguer deux types d'approche des figures, selon une perspective large et selon une dfinition restreinte. Quintilien, qui au Iersicle aprs J.-C. est l'auteur d'un monumental cours de formation de l'orateur, l'Institution oratoire, examine successivement ces deux points de vue sur les figures (au chapitre IX,1,11 de son livre).I.1. La dfinition large ou la figure comme forme du discoursD'un premier point de vue, on peut dfinir la figure commela forme, quelle qu'elle soit, donne l'expression d'une pense. Quintilien veut dire que tout nonc a toujours une forme particulire, de la mme faon qu'un corps humain a une forme propre (il est grand ou petit, maigre ou gros, droit ou tordu, etc.).Un nonc a ncessairement aussi une physionomie particulire: il est long ou bref, il fait usage de telles sonorits et non de telles autres, il a une syntaxe simple ou complexe...Dans ce premier sens, unefigureserait donc tout simplement uneforme particulire du discours.Cependant cette dfinition est si large qu'elle ne nous aide gure reprer ces formes typiques et remarquables qu'on associe ordinairement auxfigures. C'est pourquoi Quintilien lui en prfre une seconde qu'a retenue la tradition rhtorique, quelques variantes prs.I.2. La dfinition restreinte ou la figure comme cartQuintilien propose de comprendre la figure commeun changement raisonn du sens ou du langage par rapport la manire ordinaire et simple de s'exprimer. Il fait nouveau un parallle avec le corps humain: prise au sens restreint, la figure lui apparat semblable l'attitude volontaire que peut prendre un corps (il est debout, assis ou couch...).Dans cette acception lafigureapparat donc comme uncart dlibr par rapport une norme de discours.Cette dfinition a t indfiniment reprise depuis Quintilien. Elle n'en pose pas moins de nombreux problmes qui menacent sa cohrence. Elle conjoint un critre psychologique (la figure est une opration volontaire), un critre socio-linguistique (la figure s'carte d'une norme de discours) et un critre formel (la figure s'carte de la forme la plus simple du discours). Or chacun de ces critres prte discussion. Et leur conjonction est problmatique.I.2.1. Le prsuppos psychologiqueLa thorie de l'cart prsuppose que toute figure relve d'une opration volontaire. Cependant, le discours ordinaire est plein de figures qui se font sans mme qu'on y pense. Comme le remarque dj Boileauil se fait autant de figures la Halle qu' l'Acadmie. Et ce critre psychologique n'a donc rien de dfinitoire: une mtaphore involontaire n'en demeure pas moins une figure.I.2.2. Le critre socio-linguistiqueLa thorie de l'cart prsuppose qu'il existe une norme gnrale de discours vis--vis de laquelle on pourrait mesurer les carts. Mais on peut fortement douter de l'existence d'une telle norme. S'il y a normes, il y en a autant que de genres de discours et de situations de parole. L'histoire de la rhtorique montre d'ailleurs que les normes qu'on a dfinies taient infiniment varies et discutables: tantt on a pris pour norme le discours le plus rationnel ( l'poque classique notamment sous l'influence de laLogiquede Port-Royal), tantt on a considr que le discours le plus normal tait aussi le plus passionnel ( partir deL'Essai sur l'origine des languesde Rousseau), tantt on a identifi la norme au discours objectif de la science (comme dans les stylistiques du dbut du XXesicle).I.2.3. Le critre formelQuintilien, comme beaucoup de ses hritiers, associe le discours le plus simple et le discours le plus commun, identifiant donc le critre formel un critre social. Mais le simple n'est pas toujours le plus commun (il y a, on l'a dit, nombre de figures dans le langage ordinaire qui, par exemple, fait un grand usage de mtaphores, comme lorsqu'on ditil pleut des cordes, ou de mtonymies, comme lorsqu'on proposeallons boire un verre).I.3. Proposition de dfinition de la figureAu total la dfinition de la figure comme cart pose plus de problmes qu'elle n'en rsout. Rompant avec la tradition rhtorique, je proposerai donc d'en revenir une dfinition gnraliste de la figure tout en la spcifiant un peu.Lafigureest uneforme typique de relation non linguistique entre des lments discursifs.I.3.1. Une relation non linguistiqueCette caractrisation de la figure peut surprendre: comment en effet pourrait-il y avoir des formes de relation non linguistique dans le discours? Pour mieux le comprendre partons d'un exemple. Soit un vers de Malherbe:Et lesfruitspasseront lapromesse desfleursIl y a dans cet nonc desformes de relation linguistique: par exemple tous les phonmes constitutifs defruitforment un ensemble appel lexme, l'nonc se divise en deux syntagmes l'un nominal et l'autre verbal qui entrent en relation pour former une phrase.Mais il y a aussi desformes de relation non linguistique: on peut remarquer un jeu d'chos la fois sonores et smantiques entrefruitsetfleurs, et un autre entrepasseront(c'est--dire au sens classiquedpasseront) etpromesse. Ces lments forment unchiasmec'est--dire une distribution de signifiants ou de significations sous une forme symtrique abba. Or cette relation de symtrie ne rpond aucune rgle linguistique et ne peut servir dfinir aucune unit linguistique. Elle tient purement la particularit du discours ralis.Ce serait aussi le cas d'une paronomase (rapprochement de phonmes ressemblants) comme dans le vers de Mallarmabolibibelot). Et il en va de mme pour de nombreuses autres formes de relation entre les lments du discours.I.3.2. Caractre naturel des relations figuralesOn notera que les relations non linguistiques constitutives des figures ne sontpasdes relations conventionnellesapprises (comme les relations linguistiques qui associent arbitrairement des formes et des significations) mais desrelations naturelles universellement perceptibles(de ressemblance, de contraste, de proximit, de dplacement, de permutation, d'incompltude ou d'augmentation).I.3.3. Forme typique des figuresCes formes de relations non linguistiques, bien qu'elles ne relvent pas d'une convention, sontrcurrentes et typiquesdans le discours. Les traits des figures ont tendance les prsenter comme une sorte de code des particularits du discours. Mais le champ des figures est ouvert. Et les limites de ce qu'on peut caractriser commetypiquerestent mal dfinissables. Cela explique qu'il y ait beaucoup de cas douteux entre figure et non figure.II. Classement des figuresOn peut se proposer un classement des figures selon plusieurs critres: l'axe du discours (syntagmatique ou paradigmatique) selon lequel elles se prsentent, le niveau des lments discursifs o elles interviennent, la forme de relation qu'elles instituent entre les lments discursifs.II.1. Figuresin praesentiaet figuresin absentiaOn peut opposer deux types de figures, selon qu'elles tablissent des relations entre lments co-prsents du discours (figuresin praesentia, ou encoresyntagmatiques), ou selon qu'elles tablissent des relations entre lments prsents dans le discours et lments absents mais qu'on attendrait virtuellement dans le mme contexte (figuresin absentiaou encoreparadigmatiques).Pour illustrer cette opposition, on peut prendre l'exemple d'une figure qui connat deux sous-espces au fonctionnement foncirement diffrent, l'une syntagmatique et l'autre paradigmatique, c'est lamtaphore. Seule la seconde espce entre d'ailleurs dans la catgorie destropes.Lamtaphorein praesentiapropose un rapprochement analogique entre deux ralits explicitement dsignes dans le discours et runies dans une relation de co-prsence.Soleil cou coupApollinaireLamtaphorein absentiapropose un rapprochement analogique entre une ralit explicitement dsigne dans le discours et une autre qu'on attendrait virtuellement dans le mme contexte mais qui n'est pas nomme et doit tre voque par le destinataire.Nous fumons tous icil'opiumde la grande altitudeHenri MichauxLe terme prsentopium, inattendu dans ce contexte, entre en rapport analogique avec d'autres termes virtuellement plus probables commeair.II.1.1. Autres exemples de figuresin praesentiaL'anaphore(reprise d'un mot en tte de phrase ou d'un membre de phrase) est une figurein praesentia:Tendre pouse, c'esttoi, qu'appelait son amour,Toiqu'il pleurait la nuit,toiqu'il pleurait le jour.DelilleL'antanaclase(reprise d'un mme mot ou expression dans deux acceptions diffrentes) est une figurein praesentia:O j'ai lieu, j'ai lieu de louerSaint-John Perse)L'expressionavoir lieuest prise d'abord absolument, au sens d'exister, puis transitivement (avoir lieu de) au sens d'avoir des raisons de.L'antithse(mise en opposition de deux termes ou de deux significations travers des formulations syntaxiques parallles) est une figurein praesentia:Songe aux cris des vainqueurs, songe aux cris des mourantsRacineLeplonasme(rptition d'une ide l'aide des mmes mots ou d'expressions de mme sens) est une figurein praesentia:Je l'ai vu, dis-je, vu de mes propres yeux,Ce qu'on appelle vu...MolireUne femme est une femmeGodardII.1.2. Autres exemples de figuresin absentiaLapriphrase(locution dfinitoire ou caractrisante mise la place du mot propre).La gent trotte-menuLa Fontainepour les sourisL'ensemble destropes figures de substitution portant sur un mot (mtaphorein absentia,mtonymie,synecdoque) constitue par dfinition un groupe de figuresin absentia.Sa main dsespreM'a fait boirela mortdans la coupe sacreMarmontelMtonymie, substitution de l'effetla mortpour la causele poison mortelII.1.3. Relativit de l'opposition entre figures syntagmatiques et figures paradigmatiquesL'opposition des deux types de figuressyntagmatiques(in praesentia) etparadigmatiques(in absentia) est pratique pour une classification des figures mais elle reste relative. Effectivement, si une figure est toujours repre d'abord sur l'un des axes du discours, syntagmatique ou paradigmatique, elle engage ncessairement l'autre dans son dchiffrement.Ainsi une figure ditein praesentiacomme l'antanaclase(cf.supraO j'ai lieu, j'ai lieu de louer) sera d'abord repre sur l'axe syntagmatique comme rptition de signifiants. Mais elle ne sera vritablement comprise que lorsqu'on l'opposera, sur l'axe paradigmatique, un contexte virtuel plus littral (par exempleO j'ai lieu,j'ai des raisons delouer). l'inverse une figure ditein absentiacomme lamtaphorein absentia(Cf.supraNous fumons tous icil'opiumde la haute altitude) sera dchiffre sur fond de rapports paradigmatiques avec un terme plus littral (l'air rarfi), mais sa valeur mtaphorique prsuppose la reconnaissance de son improprit dans la phrase, c'est--dire des rapports syntagmatiques d'infraction combinatoire.II.2. Niveaux discursifsUn autre critre d'identification et de classement des figures tient auniveau discursif des lmentsqu'elles mettent en relation. On distinguera ainsi desfigures du signifiant, desfigures syntaxiques, desfigures smantiques et desfigures rfrentielles.Quel que soit le niveau discursif o les figures sont repres, elles sont finalement justiciables d'uneinterprtation smantique.II.2.1. Figures du signifiantLesfigures du signifiantreposent sur des relationsin praesentiaouin absentiaentre phonmes (ou graphmes).Exemples de figures du signifiantin praesentia:Laparonomaserapproche des sonorits semblables. On parle d'allitrationssi le rapprochement porte uniquement sur des consonnes et d'assonancess'il porte uniquement sur des voyelles.Il pleure dans mon curComme il pleut sur la villeVerlaineLasuffixationajoute une syllabe en fin de mot un mot complet.J mdemandd squ'on faiticigosur cette boule d'indigoQueneauDis donc la bleusaille. ...Clinesuffixation dubleu, au sens dunouveaudans un corps d'armeL'penthseajoute une lettre ou une syllabe l'intrieur du mot.Merdre!A. JarryExemples de figures du signifiantin absentiaL'aphrseretranche une lettre ou une syllabe en dbut de mot.LaspourhlasL'apocoperetranche une lettre ou une syllabe en fin de mot.Il demande ausous-off...Clinepoursous-officierLasyncopeopre la suppression d'une lettre ou d'une syllabe l'intrieur du mot.et c'est la mort assurmentqui provoque cesenterrmentsQueneauLe GroupeMua galement relev des figures oprant unesuppression-adjonctionde lettres ou de syllabes, figures qui n'ont pas de nom traditionnel.oneilleJarrypouroreilleII.2.2. Figures syntaxiquesLesfigures syntaxiquesmettent en jeu des relations entre formes de construction de phrase.Exemples de figures syntaxiquesin praesentiaL'panorthoseest une figure syntaxique qui consiste reprendre et corriger la formulation d'un membre de phrase .Ceci m'arrive aprs cette tape, la dernire de celles qui prolongeaient la route; la plus extrme, celle qui touche aux confins, celle que j'ai fixe d'avance comme la frontire, le but gographique, le gain auquel j'ai conclu de m'en tenir.Segalendouble panorthose procdant d'abord un ensemble de reprise des qualifications decette tape, puis un ensemble de reformulations du termefrontire.Leparalllismeddouble des constructions syntaxiques analogues appliques des contenus diffrents.Le sable atteint la bouche: silence. Le sable atteint les yeux: nuit.HugoJ'ai langui, j'ai sch, dans les feux, dans les larmesRacineLeparalllisme syntaxiqueest ici le cadre d'unchiasme smantique, c'est--dire une distribution symtrique de termes rfrant la douceur et la brulre, au feu et l'eau.Exemples de figures syntaxiquesin absentiaL'ellipseest la suppression de certains lments de la squence discursive qui sont seulement implicits et reconstituer d'aprs le contexte.Je t'aimais inconstant, qu'aurais-je fait fidle?RacineIl faut comprendre:je t'aimaisalors que tu taisinconstant, qu'aurais-je faitsi tu avais tfidle.L'anacolutheourupture de constructionlaisse attendre un dveloppement syntaxique qui n'apparat pas et auquel s'en substitue un autre.Le plus grand philosophe du monde, sur une planche plus large qu'il ne faut, s'il y a dessous un prcipice (...), son imagination prvaudra.PascalLe groupe nominalle plus grand philosophe du monden'est le sujet d'aucun verbe et reste dpourvu de fonction, tandis que la phrase lui substitue une autre construction qui commence avec le groupe nominalson imagination.Lezeugmeest l'ellipse de la rptition d'un terme rgissant ou rgi.Tout tremblait dans l'immense difice et soi-mme des pieds aux oreilles possd par le tremblement...Clinela phrase fait l'ellipse de la rptition detremblaitaprssoi-mmeII.2.3. Figures smantiquesLesfigures smantiquesmettent en jeu des formes particulires de relationin praesentiaouin absentiaentre des reprsentations smantiques.Exemples de figures smantiquesin praesentiaLamtaphore in praesentiaest une figure de rapprochement analogique entre deux reprsentations co-prsentes.Nous faisons basculerla balance hmisticheHugoOn appelle parfoismtaphore maximace type d'analogie prsente par une simple apposition sans aucun mot de liaison.L'oxymoreest un rapprochement syntaxique (souvent travers une relation nom-adjectif) de termes smantiquement antithtiques.Cetteobscure clartqui tombe des toilesCorneilleL'attelagecoordonne dans une seule construction des termes appartenant des champs smantiques htrognes (souvent des termes concrets et des termes abstraits).Vtu de probit candide et de lin blancHugoL'hypallagetransfre une caractrisation d'un terme un autre qui lui est associ par contigut.Elle lve encore la main dansle dsordre blondde ses cheveux.DurasLebruit ferrugineuxdu grelotProustExemple de figures smantiquesin absentia.Lasynecdoqueest un trope qui substitue un terme un autre terme plus gnrique (synecdoque gnralisante) ou plus spcifique (synecdoque particularisante). La synecdoque gnralisante tend vers l'abstrait, tandis que la synecdoque particularisante a un effet pittoresque et imag. La synecdoque peut aussi oprer des substitutions de terme sur la basse de rapports entre le tout et la partie, le plus englobant ou le plus partiel.ennuis kilomtriquesLaforguekilomtriquespourlongsapparat comme une particularisation.quadrupde cume et son oeil tincelleFontainequadrupde est ici substitu au littrallion, la synecdoque est gnralisante.Souvenez-vous qu'il rgne et qu'un front couronn...Racinefront; vaut ici pour la personne - le roi Pyrrhus - et dsigne donc le tout par la partie.Lamtonymiesubstitue un terme un autre qui lui est associ par contigut matrielle ou symbolique.C'est la reine des fleurs de lis.MalherbeLesfleurs de listant symboliquement l'emblme de la France servent la dsigner.Lamtaphore in absentiasubstitue un ou plusieurs termes attendus, car virtuellement plus littraux dans le contexte, un autre terme qui leur est associ par analogie.C'tait l'aurore d'une convalescence...MichauxII.2.4. Figures contextuellesCertaines figures se laissent reprer partir d'une relation entre une reprsentation smantique et uncontexte de discours ou de ralit. Il s'agit de figuresin absentiamais qui ne sont pas signales d'abord par une infraction combinatoire. C'est la connaissance du contexte qui les rvle comme des relations impropres.C'est le cas de l'ironiequi consiste pour le locuteur assumer fictivement un jugement d'valuation contraire ses propres valeurs (esthtiques, morales, affectives, etc.) et qui apparat donc comme le discours d'autrui polmiquement cit. En ce sens l'ironie relve du dialogisme.Candide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu'il put pendant cette boucheriehroque.VoltaireEn contexte l'ironie se laisse dceler partir des valuations contradictoires impliques par les termesboucherieethroque; mais nous ne pouvons savoir que l'ironie porte sur la seconde valuation, et non la premire, qu' partir d'une connaissance de la personne de Voltaire et des valeurs qu'il dfend.L'hyperboleest la formulation exagre d'une ralit.Rome entire noye au sang de ses enfants.CorneilleL'hyperbole est repre partir de l'invraisemblance matrielle de la ralit voque.Lalitoteest la formulation attnue d'une ralit.Va, je ne te hais point.CorneilleSeule la connaissance du contexte de la pice permet d'identifier dans cette formulation de Chimne une attnuation de l'expression de son amour pour le Cid.II.3. Relations formellesUn dernier type de classement des figures s'intressera non plus au niveau discursif o elles apparaissent mais laforme de relationqu'elles tablissent entre les lments qu'elles mettent en jeu.On a dit que les relations figurales taient non conventionnelles ( la diffrence des relations linguistiques qui sont institues et apprises). En revanche les relations figurales relvent de rapports perceptifs ou logiques simples immdiatement saisissables en dehors de toute convention.Ces rapports sont de plusieurs types: analogie, antithse, contraste, inclusion, contigut suppression, adjonction, permutation, substitutionCertaines des figures se laissent dcrire selon plusieurs de ces rapports simultans. Ainsi lamtaphorein absentiaimplique la fois des rapports desubstitutionet des rapports d'analogie.L'analogiergit des figures fondes sur des rapports de ressemblance diffrents niveaux comme laparonomase, la mtaphore, le paralllisme syntaxique, le plonasme.L'antithsergit des figures fondes sur des rapports de strictecontradictioncomme l'antithse syntaxique, l'oxymoreet l'ironie.Lecontrastergit des figures fondes sur desrapports entre lmentsnon pas contradictoires maishtrognescomme l'attelage.Lesrapports d'inclusionrgissent les figures fondes sur des rapports entre tout et partie, genre et espce comme lasynecdoque.Le groupeMudans saRhtorique gnrale(1970) a par ailleurs tent de dcrire toutes les figures de rhtorique selon 4 oprations logiques simples:suppression,adjonction,permutationetsubstitutiond'lments discursifs saisis tantt au niveau du signifiant, tantt au niveau du signifi. Ce modle ressaisit implicitement toutes les figures sous l'angle de la substitution (c'est--dire d'un point de vue paradigmatique). Il apparat cependant moins prcis pour dcrire certaines figuresin praesentia(par exemple les relations de paralllisme syntaxique).III. Importance des figures d'analogie smantiqueLes figures d'analogie ont un statut privilgi parmi les autres figures en raison de leur frquence dans les formes ordinaires du discours tout comme dans le discours littraire, et galement en raison de leur richesse d'vocation, nettement plus leve que celle de la plupart des autres figures.III.1. Classement des figures d'analogie smantiqueOn peut classer les figures d'analogie smantiqueselon leur forme de prsentation syntaxiquequi correspond aussi des degrs d'explicitation de la relation analogique et de ses termes.On distinguera ainsi:1. nonc de ressemblance: ses joues sont semblables des roses2. comparaison: ses joues sont comme des roses3. mtaphorein praesentia: les roses de ses joues4. mtaphorein absentia: le baume est dans sa bouche et les roses dehorsDans a et b, la nature de la relation est explicite ainsi que ses termes. Dans c les termes de la relation sont explicits mais pas la nature de la relation. Dans d, un seul terme de la relation est explicit et pas la nature de la relation. Le travail d'vocation augmente avec l'implicitation.III.2. Forme de prsentation des mtaphoresIII.2.1. Prsentation des mtaphoresin absentiaLereprage d'une mtaphorein absentias'opre partir du constat d'une contradiction entre rgles combinatoires syntaxiques(prsupposant la compatibilit des termes lis) etrgles combinatoires smantiques(dnonant l'incompatibilit des termes lis).Le lien syntaxique prsupposant la compatibilit des termes peut tre de nature trs diverse.1. Relation sujet-verbeMon me rveuse appareillePour un ciel lointainBaudelaire2. Relation verbe-objetQuand notre cur a fait une fois sa vendangeBaudelaire3. Relation nom-complment du nomVoil que j'ai touch l'automne des idesBaudelaire4. Relation nom-adjectifla pendule enrhumeBaudelaireIII.2.2. Prsentation des mtaphoresin praesentiaLes mtaphoresin praesentiasont prsentes sous desformes syntaxiques diverses mais qui ont toutes une valeur d'identification.1. Relation sujet-prdicatMon cur est un palais fltri par la cohueBaudelaire2. Relation d'appositionPar ces deux grands yeux noirs, soupiraux de ton meBaudelaire3. Relation nom-complment valeur d'identification appositiveDans l'enfer de ton lit devenir ProserpineBaudelaireton lit est un enfer; ton lit, cet enfer...III.3. Valeur plus ou moins novatrice des mtaphoresLes mtaphores sont extrmement courantes dans le discours ordinaire. Dans leur livre,Les mtaphores dans la vie quotidienne, G. Lakoff et M. Johnson soulignent mme quenotre systme conceptuel ordinaire qui sert penser et agir est de nature fondamentalement mtaphorique. C'est particulirement vrai d'un ensemble de concepts abstraits que nous avons tendance nous reprsenter de faon mtaphorique. Ainsi, nous nous reprsentons le temps en termes mtaphoriquement spatiaux (j'ai du tempsdevantmoi,le temps est pass, etc.) ou les motions en termes de chocs physiques (j'ai t frapp par son attitude,il a explos,je vais craquer, etc.).Ces mtaphores forment de vastessystmes analogiquesconstituant des ensembles de reprsentations propres une culture donne. Elles ne sont pas perues comme telles et appartiennent notre faonlittralede parler.Dans les termes de l'ancienne rhtorique, on peut les dcrire comme descatachrses, ou figures uses qui n'induisent plus d'effets de rception ni d'effets de sens mais prennent la place d'une dnomination littrale.Les pieds du fauteuilLesmtaphores novatrices, courantes dans le discours littraire, ne s'inventent pas partir de rien. La plupart du temps, elles apparaissent comme des prolongements, des spcifications et des renouvellements d'quivalences mtaphoriques dj tablies dans le discours ordinaire.Dans l'Ombre des jeunes filles en fleurs, Proust s'appuie sur une quivalence mtaphorique entrejeunes fillesetfleursdont la tradition remonte au moins auRoman de la Roseet qui a t nourrie par des sicles de posie, notamment la Renaissance. Mais lorsqu'il crit que nos regardsbutinentle visage des jeunes filles et que notre dsirsucre lentement notre cur, par extension des implications d'une mtaphore conventionnelle il parvient des mtaphores indites et surprenantes.IV. Effet des figuresLes figures du discours produisent des effets sur larceptiondu discours et sur soninterprtation.IV.1. Effets de rceptionLes figures dans le discours ont pour effet de troubler, retarder et complexifier l'interprtation du discours. L o le discours est peru commelittral, on peut dire qu'une reprsentation smantique immdiate vient s'associer une forme discursive. La signification apparattransparente. L o le discours est peru commefigur, le destinataire prouve qu'il doit procder la reconnaissance d'une relation figurale pour accder l'interprtation du sens du discours.La rquisition d'une coopration du destinataire dans la rception des figures est plus ou moins forte selon qu'on a affaire des figuresin absentiaouin praesentia. Indispensable dans le cas des figuresin absentia, le travail interprtatif du destinataire apparat facultatif dans le cas des figuresin praesentia.IV.1.1. Rception des figuresin absentiaLes figuresin absentiasont d'abord reconnues sur fond d'unelacunediscursive (par exemple dans le cas de l'ellipsevoque enII.2.2.Je t'aimais inconstant, qu'aurais-je fait fidle) ou d'unecontradictionentre rgles combinatoires syntaxiques et rgles combinatoires smantiques.Ainsi dans l'exemple demtaphorein absentia:Haleine de la terre en cultureClaudella relation syntaxique de dtermination du nom (haleine) par un complment (de la terre en culture) est formellement affirme. Mais smantiquementde la terre en culturen'est pas un caractrisant smantiquement admissible dehaleine. Il y a donc tension entre divers niveaux de rgles combinatoires. Cette tension signale l'improprit d'un des termes de la relation.Les relations de figuralitin absentiasont donc marques par l'incompltude. Sans une coopration active du destinataire, le discours ne suffit pas fournir une reprsentation smantique acceptable. On peut donc dire que les figuresin absentiainduisent une relation de rception contraignante ou encoretendue avec le destinataire.IV.1.2. Rception des figuresin praesentiaLes figuresin praesentia(comme laparonomaseou leparalllisme) se signalent l'attention du destinataire non par une incompltude discursive mais par unsurplusde relations. Aux relations linguistiques littrales s'en surajoutent d'autres (dcrites enII.3., comme l'analogie ou le contraste) qui viennent surdterminer le discours.Ainsi dans l'exemple deparonomasedeI.3.1.(aboli bibelot) la relation smantique de caractrisation du nom par l'adjectif s'ajoute une relation de ressemblance entre nom et adjectif.La rception des figuresin praesentiaprsente pour le destinataire un caractre plus facultatif (que celle des figuresin absentia) dans la mesure o il peut parvenir une reprsentation smantique satisfaisante indpendamment de leur reconnaissance. S'il nglige ces relations, il manque nanmoins une partie des rapports implicites entre lments du discours et, par voie de consquence, une partie des effets de sens implicites du discours (ainsi dans notre exemple l'analogie implicite entre la futilit du bibelot et le nant de sonabolition).IV.2. Effets de sens des figuresLes figures qu'elles soientin praesentiaouin absentiaprovoquent la rception un supplment d'laboration de relations entre lments discursifs prsents ou lments discursifs prsents et absents (mais attendus ou vraisemblables dans le contexte).IV.2.1. Effets de sens dans les figuresin praesentiaDans lesfiguresin praesentia,les relations figurales mettent en relief des rapports lmentaires(d'analogie, de contraste, etc.) entre segments de discours mais elles laissent implicites les justifications de ces mises en rapport. Elles ouvrent ainsi un travail d'vocation de ces justificationsqu'il revient au destinataire d'oprer, sur la base de sa comptence culturelle, c'est--dire de sa connaissance des associations de reprsentations propres une langue et une culture donne. Cettevocationconstitue l'effet de sensde la figure.Soleil cou coupApollinaireL'effet de sens de cette mtaphorein praesentiatient l'vocation de toutes les associations qu'elle engendre. L'vocation prend la forme de la recherche des points de vue x, y, z, etc. sous lesquels on peut rapprocher ces deux reprsentations. Ainsi:le soleil est comme un cou coup, du point de vue de la forme ronde, du point de vue de la couleur sanguine, du point de l'panchement de cette couleur, du point de vue d'un effet de dclin, etc.Et les fruits passeront la promesse des fleursMalherbeLa relation figurale met en relief une relation symtrique defruitsfleurspar del deux autres termes qui forment le pivot de la symtrie (passerontetpromesse). La relation symtrique conjoint analogie des termes et antithse dans leur distribution. Elle embraye un travail de recherche de justifications: en quoifleursetfruitspeuvent-ils tre dits la fois semblables et opposs? En ce qu'il s'agit bien du mme tre vgtal, transform il est vrai par la maturation, et saisi tantt sous l'aspect de sa virtualit et tantt sous celui de sa ralisation. La relation figurale a montr sensiblement ce qui pourra tre smantiquement paraphras dans le travail d'vocation.IV.2.2. Effets de sens dans les figuresin absentiaDans le cas d'une figurein absentia, l'vocationse fait en deux temps. C'est d'abordcelle du ou des termes attendus plus vraisemblablement dans le mme contexte. Une fois ce ou ces termes dfinis, c'estcelle des justifications de la substitution ces termes d'un autre moins attendu.Haleine de la terre en cultureClaudelIl s'agira d'abord de rechercher des substituts virtuels d'haleine, terme impropre en contexte. Il y a plusieurs candidats possibles tels quebrume, vent, souffle, etc.. On procdera ensuite la recherche des justifications de l'une ou l'autre de ces substitutions. Labrumeest comme unehaleinepar l'apparence vaporeuse, par l'humidit, par la tideur, par le caractre presque anim de cette manifestation physique, etc.IV.2.3. Statut de sens de l'vocationL'effet de sens des figures est donc de l'ordre d'unevocationet non d'unesignification. Entendons par l qu' la diffrence d'unesignificationlimite une reprsentation, l'vocationa la forme d'un raisonnement, que son champ de justifications est ouvert et non limitatif, que l'ordre des justifications peut y tre variable.ConclusionLa reconnaissance et le dchiffrement des figures sont indispensables une interprtation des noncs littraires. Les figures nous invitent parcourir le contexte de l'univers symbolique propre une culture donne pour y trouver le sens des relations qu'elles pointent entre lments discursifs sans en expliciter entirement les raisons.Glossaire allitrations anacoluthe anaphore antanaclase antithse aphrse apocope assonances attelage catachrse chiasme ellipse panorthose penthse figures du signifiant figuresin absentia figuresin praesentia hypallage hyperbole ironie litote mtaphorein absentia(1) mtaphorein absentia(2) mtaphorein praesentia(1) mtaphorein praesentia(2) mtaphoremaxima mtonymie oxymore paralllisme paronomase priphrase plonasme suffixation syncope synecdoque tropes zeugmeBibliographie