Fiches thématique réussir la transition énergétique

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15 SOMMAIRE DES FICHES 1. Les émissions de GES en France et dans le monde 2. L'objectif « Facteur 4 » et les origines des émissions de GES en France 3. La stratégie bas carbone de la Suède 4. Les consommations de pétrole à réduire en priorité 5. Le panorama de la consommation d’énergie en France 6. Le besoin de R&D dans les technologies alternatives du transport 7. Les enjeux de l'hydrogène 8. L’intensité énergétique 9. Le chauffage électrique performant 10. L'incohérence dans les incitations à la maîtrise de l'énergie 11. Le passeport rénovation 12. La qualité de la fourniture d’électricité 13. Le parc de production électrique français 14. La simplification des procédures administratives 15. La précarité énergétique 16. Les prix de l'électricité français 17. Le rôle de l’énergie dans la réindustrialisation américaine 18. Les technologies du stockage 19. Les premiers enseignements de l'Energiewende 20. La comparaison des situations énergétiques de la France et de l'Allemagne 21. La stratégie bas carbone du Royaume-Uni 22. Les enjeux des EnR variables pour le système électrique 23. Les bénéfices de l'interconnexion européenne 24. L'incohérence des politiques énergétiques et climatiques européennes 25. Les dysfonctionnements du marché européen du CO2 26. La situation des utilities européennes 27. L'évolution des prix de gros et des prix de détail de l'électricité 28. Un signal CO2 fort pour la baisse du recours au charbon 29. L'évolution des modalités de soutien des EnR 30. L'apparition des prix négatifs de l'électricité 31. Les enjeux de l'autoproduction 32. L'obligation de capacité : l'exemple de la France 33. Le rôle fondamental de la puissance pour le système électrique

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Les enjeux majeurs des décennies à venir pour le secteur de l’énergie sont ceux de la lutte contre le changement climatique et de la performance économique (compétitivité et dynamisme industriel). Ils donnent donc le cap de la transition énergétique. Celle-ci doit répondre à ces défis en visant l’instauration d’un modèle de développement « bas carbone » qui minimise les émissions de gaz à effet de serre, qui soit un facteur de compétitivité de l’économie, et qui contribue à la renaissance industrielle nationale. L’électricité peut y apporter un concours significatif. Un engagement ferme de la France et de l’Union européenne dans cette direction serait un symbole fort à la veille de la tenue, en France, en 2015, de la conférence internationale sur le climat (COP 21).

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sommaire des FiChes

1. Les émissions de GES en France et dans le monde2. L'objectif « Facteur 4 » et les origines des émissions de GES en France3. La stratégie bas carbone de la Suède 4. Les consommations de pétrole à réduire en priorité5. Le panorama de la consommation d’énergie en France6. Le besoin de R&D dans les technologies alternatives du transport7. Les enjeux de l'hydrogène8. L’intensité énergétique 9. Le chauffage électrique performant10. L'incohérence dans les incitations à la maîtrise de l'énergie11. Le passeport rénovation12. La qualité de la fourniture d’électricité13. Le parc de production électrique français14. La simplification des procédures administratives15. La précarité énergétique16. Les prix de l'électricité français17. Le rôle de l’énergie dans la réindustrialisation américaine 18. Les technologies du stockage19. Les premiers enseignements de l'Energiewende20. La comparaison des situations énergétiques de la France et de l'Allemagne21. La stratégie bas carbone du Royaume-Uni22. Les enjeux des EnR variables pour le système électrique23. Les bénéfices de l'interconnexion européenne24. L'incohérence des politiques énergétiques et climatiques européennes25. Les dysfonctionnements du marché européen du CO226. La situation des utilities européennes27. L'évolution des prix de gros et des prix de détail de l'électricité28. Un signal CO2 fort pour la baisse du recours au charbon29. L'évolution des modalités de soutien des EnR30. L'apparition des prix négatifs de l'électricité31. Les enjeux de l'autoproduction32. L'obligation de capacité : l'exemple de la France

33. Le rôle fondamental de la puissance pour le système électrique

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Les deux tiers des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) dans le monde liées aux activités énergétiques et indus-trielles sont des émissions de CO2 : il est donc indispen-sable de s’intéresser aux origines de ces émissions de CO2 et à la position de la France par rapport aux émissions mondiales3.

Il apparaît que la Chine est le 1er émetteur de CO2 dans le monde, avec plus d’un quart des émissions en 2012, sui-vie par les Etats-Unis. L’Union européenne est quant à elle responsable de 12 % des émissions mondiales, et la France d’environ 1 %. La lutte contre les émissions de gaz à effet de serre doit donc être coordonnée au niveau international pour produire des résultats significatifs.

Alors qu’au niveau mondial, l’électricité, produite majo-ritairement à partir de sources fossiles (fioul, charbon et gaz) est fortement carbonée4 et contribue à un peu plus de

40 % de ces émissions, la France ainsi que quelques autres pays européens tels que la Suède ou la Suisse, ont opté pour un mix de production d’électricité décarboné (majoritaire-ment hydro-électrique et nucléaire). Cela permet en par-ticulier à la France d’émettre seulement 6 tonnes de CO2 par habitant en 2012, alors que le Danemark en émet 8,5 et l’Allemagne 10, deux pays qui s’appuient encore largement sur le charbon pour produire leur électricité5. L’électricité décarbonée est un levier important de la réduction des émissions de CO2 dans le monde.

Pour le futur, les scénarios du GIEC6 témoignent d’une place importante de l’électricité dans le futur bilan énergé-tique mondial, dans la mesure où l’on aura su décarboner cette électricité. Pour cela, toutes les technologies seront requises, qu’elles soient renouvelables, nucléaires et à partir de centrales fossiles avec captage-stockage du CO2.

Le dernier rapport du GIEC1 montre l’urgence à agir contre le réchauffement climatique mondial dont les effets pourraient être encore plus négatifs que ceux prévus dans ses évaluations précédentes. En premier lieu des facteurs de ce réchauffement se situent les émissions de gaz à effet de serre (GES). Or, celles-ci étant constituées au niveau mondial pour trois quarts2 de dioxyde de carbone (CO2), la lutte contre les émissions de CO2 est essentielle pour contrer - ou a minima ralentir - les effets annoncés par le GIEC.

1 Fiche Les émissions de Ges en France et dans Le monde

Les émissions de Co2 dans Le monde

1 5ème rapport du Groupe d’Experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publié le 31 mars 20142 Les autres gaz (méthane, protoxyde d’azote, gaz fluorés) contribuant dans leur globalité pour le dernier quart des émissions de GES (selon l’estimation du GIEC en 2004).3 En outre, la comptabilisation des GES est plus difficile et moins fréquente que celle du CO2.4 AIE 20135 Moyenne européenne UE 27 : 8,5 tCO2/hab en 20126 Rapport d’avril 2014

Origine géographique des émissions de CO2 dans le monde en 2012

Source : UFE selon données BP Statistical Review 2013

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Les émissions de ges en France et dans Le monde

Les Français émettent sensiblement moins de CO2 par habitant que la moyenne européenne, alors que le PIB français est supérieur à la moyenne. Les Français émettent également moins que leurs voisins allemands pourtant très avancés dans leur transition énergétique.

La performance de la France en termes d’émissions de CO2 est donc très bonne par rapport à ses voisins européens.

Cette performance de la France en matière de lutte contre le changement climatique s’explique principalement par des émissions de CO2 très limitées dans le secteur de la produc-tion électrique. En effet, le contenu carbone lié à la produc-tion d’un kWh est très faible en France. Cela s’explique par le choix français d’orienter son mix de production électrique vers des énergies peu carbonées, comme l’hydroélectricité, le nucléaire et les autres énergies renouvelables (éolien ter-restre, photovoltaïque).

Grâce à cette spécificité française, le contenu carbone d’un kWh d’électricité produit en France est nettement plus faible que dans les pays voisins ou que dans les autres pays développés, et la France contribue fortement à réduire le contenu carbone moyen de l’électricité européenne.

De nombreux pays peuvent diminuer leurs émis-sions de CO2 en réduisant le contenu carbone de leur électricité.

La France, déjà très performante dans ce domaine, ne dis-pose donc pas de ce levier, ce qui rend d’autant plus diffi-cile, pour elle, de réduire davantage les émissions de CO2.

Dans le cas français, les moyens de réduire les émissions de CO2 liées à la combustion de l’énergie sont principa-lement la réalisation des transferts d’usages entre éner-gies, en particulier dans le secteur des transports et du chauffage, tout en maintenant le niveau bas d’émissions de son parc de production d’électricité.

La performanCe française

0

200

400

600

800

1000

ENR Nucléaire Gaz Fioul Charbon

0 0

360

800

960

Source : RTE

En gCO2 / kWh

Contenu CO2 de la production d'électricité par technologie

0 100 200 300 400 500 600 700 800

Suède

France

Espagne

UE 27

Danemark

Italie

Pays-Bas

R-Uni

Allemagne

Pologne

En gCO2 / kWh

Source : AIE

Contenu carbone de l'électricité par pays pour 2011

Emissions de CO2 liées à la production d’électricité par pays en 2011

Contenu CO2 de la production d’électricité par technologie

Contenu CO2 de l’électricité par pays pour 2011

0

1000

2000

3000

4000

France Espagne Italie Allemagne UE 27 Etats-Unis Chine

45 71 121287

1151

2274

3227

Source : AIE

En MtCO2

Emissions de CO2 liées à la production d'électricité par pays en 2010

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Les GES sont émis par plusieurs secteurs d’activité. La com-bustion d’énergie, qui intègre le chauffage et les transports, émet essentiellement du dioxyde de carbone (CO2), tandis que l’agriculture émet du méthane (en particulier l’élevage) et du protoxyde d’azote lié aux engrais. Les gaz fluorés sont émis en faible quantité par des usages industriels spécifiques, mais leur pouvoir de réchauffement global est jusqu’à 20 000 fois supérieur à celui du CO2. Les émissions de CO2 issues du secteur énergie représentent la majorité des GES (74 % en France).

La France est déjà vertueuse en termes d’émissions de GES : ses émissions de CO2 par habitant issues de la combustion d’énergie représentaient 6 tCO2/hab en 2012,

contre 7 en UE 27, 9 en Allemagne et 10 en moyenne dans l’OCDE. Atteindre une division par 4 des émissions de GES de la France en 2050 représente donc un effort significatif : cela signifierait concrètement d’atteindre un niveau d’émissions de

139 MtCO2eq en 2050, soit l’équivalent des émissions actuelles de la Belgique.

Ce sont cependant les émis-sions de CO2 issues de la combustion de l’énergie qui représentent la majorité des GES (74 % en France). Elles proviennent en majeure partie de la combustion d’énergies fossiles, en particulier le pé-trole et le gaz, qui concentrent à eux seuls 86 % des émissions de GES du secteur énergie.

Depuis que les scientifiques du GIEC ont démontré le rôle de l’activité humaine sur le réchauffement de la planète, propos complétés par le rapport Stern dénonçant le coût de l’inaction, les pays du G81 se sont fixé un objectif de division des gaz à effet de serre par quatre d’ici à 2050, par rapport au volume des émissions de l’année 19902 .

2 FicheL’objectif « facteur 4 » et Les origines des émissions de ges en france

L’origine des émissions de Co2

Impact de l’objectif «Facteur 4» sur les émissions de gaz à effet de serre

Contribution de chaque énergie aux émissions de CO2 en France en 2011

0

200

400

600

1990 2011 2050 Objectif "Facteur 4"

173 141

383344

En Mt CO2 eq

Emissions de GES liées aux autres secteurs

Emissions de GES liées à l'énergie

Objectif "Facteur 4"

Sources : SOES et calculs UFE

556

485

÷ 4

139

Impact de l'objectif "Facteur 4" sur les émissions de gaz à effet de serre

60 %25 %

4 %11 %

Pétrole

Source : Calculs UFE selon SOeS

Electricité*

Charbon

Gaz

Contribution de chaque énergie aux émissions de CO2 en France en 2011

* Emissions liées à l'utilisation de gaz, de pétrole, et de charbon pour la production d'électricté

1 Etats-Unis, Russie, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Canada.2 En France, cet objectif a été retranscrit au niveau national dans la « loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique ».

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L’objectif « facteur 4 » et Les origines des émissions de ges en france

La combustion d’énergie est utilisée dans de nombreux sec-teurs : le transport, le chauffage, la production d’électricité ou encore l’industrie.Les transports, et en particulier le transport routier, ex-pliquent plus du tiers de ces émissions. La deuxième source d’émissions est le secteur résidentiel-tertiaire, qui représente le quart des émissions de GES issues de la combustion d’énergie en 2011. Cela s’explique par l’utilisation d’énergies carbonées pour le chauffage (fioul et gaz).

Répartition sectorielle des émissions de CO2 liées à la combustion d’énergie en 2011

QueLLe stratégie bas Carbone pour La FranCe ?La production d’électricité étant d’ores et déjà très peu carbonée en France (61 gCO2/kWh en 2011 selon l’AIE, 7 fois moins que dans la moyenne OCDE), il y a peu de gains à attendre de ce secteur. C’est une différence impor-tante avec d’autres pays européens qui peuvent diminuer les émissions de CO2 de leur mix électrique en ayant re-cours à des moyens de production moins carbonés, comme l’Allemagne où le contenu carbone de la production élec-trique est près de 8 fois supérieur à celui de la France. Les principales solutions pour décarboner l’économie française peuvent être :

• L’amélioration de l’intensité énergétique et une efficacité énergétique ciblée sur les sources d’énergies carbonées ;

• Les transferts d’usages entre énergies, notamment vers les énergies pas ou peu carbonées telles que l’électricité dont la production en France est très peu carbonée : ces actions permettent de diminuer l’intensité carbone de la consommation d’énergie dans l’économie, notamment dans le transport et dans les usages chaleur du bâtiment (chauffage, eau chaude sanitaire) ;

• Enfin, l’utilisation de nouveaux procédés énergétiques tels que le biogaz par méthanisation3 : il s’agirait de substi-tuer les énergies fossiles par des énergies décarbonées pour la satisfaction des mêmes usages, comme l’utilisation de biogaz obtenu par méthanisation pour le transport routier.

Au total, la combinaison des actions visant à accroître l’effi-cacité et l’intensité énergétiques, des transferts d’usages, et de l’utilisation de nouveaux procédés énergétiques, permettra de diminuer considérablement le niveau des émissions de CO2 du pays.

L’enjeu de La déCarbonation de La FranCe

n’est pas Le seCteur éLeCtriQue

Les émissions du secteur électrique français s’élèvent à 29 MtCO2, soit 6 % des émissions françaises de gaz à effet de serre.

En d’autres termes, un développement massif des moyens de stockage d’électricité et des énergies renouvelables ne permettrait d’atteindre qu’une très faible réduction d’émissions de CO2.

3 Il s’agit de la fermentation de matières organiques en l’absence d’oxygène

38 %

23 %

19 %

17 %

3 %

Résidentiel - Tertiaire

Industrie manufacturière

358 Mt CO2

Transport

Autres*

Industrie de l'énergie

Répartition sectorielle des émissions de CO2 liées à la combustion d'énergie en 2011

Source : SOeS * Agriculture, sylviculture, pêche...

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Le mix de production électrique suédois repose essentiellement sur le binôme hydraulique et nucléaire, qui assure actuellement 85 % de la production totale. Ce mix est complété par 11 % d’énergies renouvelables non hydrauliques (7 % de biomasse et 4 % d’éolien). Les 4 % restant, fossiles3 (gaz et fioul en majorité), constituent une capacité de réserve techniquement indispensable, compte tenu du fait que le climat scandinave est source d’importantes fluctuations à la fois pour la production et la consommation d’électricité.

Concernant le nucléaire, la Suède a voté par referendum en 1978 un plan de sortie de l’énergie nucléaire sur trente ans. Ce moratoire a toutefois été levé en 2009, et si le texte actuel interdit la construction de réacteurs supplémentaires (10 GW actuellement), il autorise par contre l’augmentation de leur puissance4 et leur remplacement à terme par des réacteurs plus performants. C’est grâce à ce système électrique largement décarboné que la Suède a pu s’engager dans une politique massive de transferts d’usages.

La Suède a décidé dès 1991 de poursuivre une stratégie bas carbone. De fait, les émissions de CO2 ont été réduites de 16 % entre 1990 et 20111, et la Suède est aujourd’hui le pays de l’OCDE dont les performances climatiques sont les meilleures. Avant que la France ne s’engage dans une logique bas carbone, il peut être instructif de s’intéresser à l’approche énergétique adoptée par la Suède.

3 Fiche la stratégie bas carbone de la suède

une production d’electricite decarbonee

une croissance économique et une baisse des ges

Evolution du PIB et des émissions de GES de la Suède depuis 1990

0

50

100

150

200

1990 1995 2000 2005 2010

- 16 %

+ 57 %

Source : Eurostat

Indice base 100 = 1990

Evolution du PIB et des émissions de GES de la Suède depuis 1990

Emissions de GES

PIB

1 Source : Summary of GHG emissions for Sweden, UN Climate Change Secretariat2 Soit une croissance annuelle moyenne du PIB de 2,2 %/an.3 La part de fossile était encore de 20 % il y a 40 ans.4 La Suède est le seul pays au monde à avoir procédé à l’augmentation de puissance de réacteurs nucléaires existants (1 GW soit 10 % de la capacité).

Tout en améliorant sa performance climatique, le PIB de la Suède a augmenté de 57 % sur la période 1990 – 20112. La performance suédoise s’explique en grande partie par une consommation énergétique composée à seulement 39 % d’énergies fossiles (contre 67 % pour la France et 79 % pour l’Allemagne). Le cas de la Suède révèle donc qu’il

est possible de concilier stratégie bas carbone et développe-ment économique.

La stratégie bas carbone de la Suède peut être résumée en quatre points :

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la stratégie bas carbone de la suède

Le développement des technologies décarbonées est le résultat d’une volonté politique ambitieuse appuyée par une politique fiscale et des dispositifs de financement efficaces.

Le gouvernement suédois s’est fixé pour objectif de réduire de 40 % les émissions de GES d’ici à 2020 et de 100 % d’ici à 2050. Pour y parvenir, la Suède a introduit en 1991 une taxe carbone, modulée en fonction de l’exposition des consom-mateurs à la concurrence internationale.

Cette taxe s’élève à 120 €/tCO2, un niveau très supérieur aux 5 €/tCO2 du système ETS de l’UE. Cette taxe carbone a été complétée par une taxe sur l’énergie qui exclut l’électricité.

En contrepartie, les actions de décarbonation font l’objet de déductions de charges (par exemple de charges sociales pour les entreprises) et les actions d’économies d’énergie sont soutenues par l’Energy Conservation Program6 qui intervient à la fois au plan national et local. Enfin, il existe actuellement un programme de subvention pour l’éolien offshore.

Comme en France, le transport demeure le secteur le plus émetteur de GES en Suède. Il absorbe en effet 82 % de la consommation finale totale de produits pétroliers du pays. Le transport, encore essentiellement routier, représente donc l’objectif de recherche prioritaire de l’Agence Suédoise de l’Energie.

Les verrous technologiques et économiques sont encore très importants dans le secteur du transport, même en considérant un niveau élevé de taxation du carbone et des énergies. Pour l’instant, tant du côté de ses énergéticiens que de ses industriels de l’automobile, la Suède n’a pas privilégié une technologie pour décarboner le transport par rapport aux autres.

Au total, mis à part le secteur du transport qui appelle encore des progrès en R&D, la Suède est parvenue à réduire ses émissions de gaz à effet de serre sans austérité et sans réduction massive du niveau de consommation d’énergie. Il est donc essentiel de diffuser ce modèle de lutte contre les émissions de GES.

Contrairement à d’autres pays de l’Union Européenne, la France possède déjà un mix de production d’électri-cité largement décarboné. A l’instar de la Suède, elle doit désormais s’appuyer sur cette énergie pour décarboner son économie en réalisant des transferts d’usages. Pour cela, il est nécessaire d’avoir une ambition politique forte et aussi durable qu’en Suède.

une politique publique ambitieuse mais coherente

l’ultime objectif : les transports

Dans la logique climatique, les transferts d’usages consistent à substituer des énergies fossiles par d’autres sources d’énergie, pas ou peu carbonées. En diminuant la consom-mation d’énergies fossiles, ces substitutions permettent également d’améliorer l’indépendance énergétique. La Suède a été particulièrement volontariste dans ce domaine.

La consommation de l’industrie, secteur le plus énergivore en Suède5, est composée à 77 % d’électricité et d’EnR ther-miques (bois et biomasse en l’occurrence). Les 23 % restants sont en grande partie liés à des usages spécifiques aux éner-gies fossiles, tels que la métallurgie ou la chimie.

L’électricité et les EnR représentent 92 % de l’énergie totale consommée par le secteur tertiaire et 98 % de celle consommée par le secteur résidentiel. Le fioul et surtout le gaz ont été presque totalement éradiqués dans ce sec-teur, grâce à une modification profonde des systèmes de chauffage. Ceux-ci se répartissent désormais entre électri-cité classique, pompes à chaleur et cogénération/biomasse.

L’une des conséquences de ces transferts d’usages massifs est de faire du Suédois le premier consommateur d’électri-cité de l’Union Européenne avec 16,4 MWh / habitant en 2011, contre 8,9 pour un Français.

des transferts d’usages audacieux

5 Proportionnellement plus qu’en Allemagne (35 % de la consommation totale d’énergie en Suède contre 29 % en Allemagne). 6 Qui dispose de 2 Mds de SEK sur 3 ans (soit 1 % du PNB). Les économies possibles sont estimées à 30 %.

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La priorisation des actions de réduction des consomma-tions de pétrole vise à faire apparaître les actions les plus pertinentes, principalement en termes d’investissement et de potentiel d’économie d’émissions de CO2, et d’en visuali-ser l’impact. Dans un contexte d’investissements contraints, cette hiérarchisation devient nécessaire car elle seule permet de proposer des éléments de politique publique qui soient compatibles avec les ressources économiques et avec les objectifs de réduction des émissions de CO2.

L’UFE a analysé les actions selon deux facteurs :• Les quantités de CO2 qu’elles permettent d’éviter ;• Leur coût moyen, exprimé en €/tCO2 évité, qui est leur coût complet1 rapporté aux quantités de CO2 qu’elles per-mettent d’éviter.

La combinaison de ces deux facteurs permet de déterminer les actions les plus efficaces à privilégier en priorité dans une stra-tégie bas carbone, c’est-à-dire celles qui procurent les potentiels de réduction de CO2 les plus conséquents par euro dépensé.

Dans un objectif de stratégie bas carbone, il est incontournable de réduire considérablement la consommation de pétrole, celle-ci étant à l’origine de 60 % des émissions de CO2 de la France. Afin d’orienter le consommateur vers les énergies les moins carbonées (biomasse, électricité décarbonée et gaz), il est nécessaire de procéder à l’identification et la classification par ordre de priorité des actions les plus pertinentes qui peuvent être réalisées. L’UFE a réalisé ce classement dans les secteurs du bâtiment et des transports, étant donné qu’ils concentrent à eux seuls les deux tiers des émissions de CO2 de la France.

4 FicheLes consommations de pétroLe à réduire en priorité

PrinciPe d’une Priorisation des actions

Les secteurs cibLes

La consommation de pétrole est aujourd’hui en grande par-tie liée au secteur des transports, en particulier routiers, et au chauffage du secteur résidentiel-tertiaire2.Couvrant à eux deux 60 % des émissions de CO2 de la France en 2011, l’UFE a choisi de concentrer son analyse sur ces deux secteurs en particulier pour établir le classement des actions de réduc-tion de la consommation de pétrole par ordre de priorité. Il s’agit plus précisément de considérer 2 grandes familles d’actions :

dans Le cas du bâtiment (secteur résidentiel-tertiaire), les actions étudiées sont : les changements de modes de chauf-fage, la mise en place d’actions sur le bâti (isolation intérieure et extérieure, double vitrage, isolation des combles…), la mise en place d’actions de régulation (automatisme de l’éclairage...), ou encore des actions sur les équipements du logement (éclai-rage LED, électroménager performant,…). Ces mesures sont étudiées isolément ou sous forme de bouquet. Par ailleurs,

une attention particulière est portée à l’ordre dans lequel ces actions sont effectuées. Par exemple, il vaut mieux isoler les combles d’un logement avant d’en changer la chaudière pour ne pas surestimer le dimensionnement de cette dernière. dans Le cas des transPorts routiers, outre la distinc-tion classique entre transport de marchandises et transport de voyageurs, l’analyse différencie, au sein des transports de voyageurs, les transports « locaux » (déplacement inférieur à 50 kilomètres), et les transports « longue distance » (déplace-ment supérieur à 50 kilomètres). Les alternatives à l’usage d’un vé-hicule thermique ne sont en effet pas similaires dans les deux cas. Les différentes actions alternatives à l’usage d’un véhicule fonctionnant à partir de produits pétroliers sont les suivantes : • pour le transport de marchandises : substitution des ca-mions diesel par des camions fonctionnant à partir de gaz (GNV)3, ou transfert vers le fret ferroviaire ; • pour le transport local de voyageurs : remplacement des véhi-cules particuliers traditionnels par un véhicule électrique, un véhicule hybride rechargeable, ou par un véhicule thermique économique (2 L/100 km), ou hypothèses de transferts mo-daux vers les transports en commun : tramways, bus ou métros ; • pour le transport longue distance de voyageurs : remplace-ment des véhicules particuliers traditionnels par un véhicule hy-bride rechargeable ou par un véhicule thermique économique (2 L/100 km), ou report modal vers une nouvelle ligne de TGV.

1 Par exemple, pour le passage d’un chauffage au fioul à un chauffage par pompe à chaleur (PAC), le coût complet sera égal au surcoût de l’investissement (c’est-à-dire l’investissement dans la PAC moins l’investissement de renouvellement si le consommateur avait conservé son chauffage au fioul) additionné à l’écart de facture énergétique (c’est-à-dire les dépenses en énergie liées à l’utilisation de la PAC moins les dépenses en fioul si le consommateur avait conservé son chauffage au fioul). Ce coût prend aussi en compte la durée de vie des installations, la nécessité de nouvelles infrastructures (cas des transports), ainsi qu’un taux d’actualisation du capital.2 Sachant que l’énergie utilisée pour l’eau chaude sanitaire est dans la très grande majorité des cas la même que celle choisie pour le chauffage.3 Comme c’est déjà le cas aux Etats-Unis notamment

GAZ ÉLECTRICITÉ EnR

Bâtiment(Fioul domestique)

GAZ ÉLECTRICITÉ BIOCARBURANT

Transport routier(Essence et gazole)

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résuLtats dans Le secteur résidentieL et tertiaire

0

100

200

300

400

500

Secteur privé

Secteur public

Commerces énergivores

Santé

Enseignement

3 MtCO2Source : Calculs UFE

Comparaison d’actions dans le secteur tertiaire chauffé au fioul - Rénovation lourde

Bureaux énergivores

Locauxsportifs

Bureaux moyens

Commercesmoyens

En € / tCO2 évitée

résuLtats dans Le secteur des transPorts

-100

-50

0

50

100

150

200

250

Source : Calculs UFE

Camions au gaz (GNV)

Fret ferroviaire

13 MtCO2

9 MtCO2

Comparaison d’actions pour le transport de marchandises

En € / tCO2 évitée

0

500

1000

1500

2000

2500Transport collectif local

Transport individuel

Transport collectif longue distance

Véhicules 2 L / 100km

Hausse du remplissage des TGV existants

Tramway

7 Mt CO2Source : Calculs UFE

Comparaison d’actions pour le transport de voyageurs

Véhiculeshybrides

Nouvelle ligne de TGV

Véhicules électriques à faible usage

( < 5000 km / an)

Nouvelle ligne de bus

10 Mt CO24 Mt CO2 20 Mt CO2 5 Mt CO2 5 Mt CO2 14 Mt CO2

En € / tCO2 évitée

Comparaison d’actions pour le transport de marchandises

Comparaison d’actions dans le secteur tertiaire chauffé au fioul Rénovation lourde

Comparaison d’actions pour le transport de voyageurs

Pour une maison individueLLe4 chauffée initialement au fioul domestique, l’efficacité des différentes actions de réduction est très contrastée. Ainsi, la mise en place d’un système d’eau chaude sanitaire solaire thermique entraîne une très faible réduction d’émissions de CO2 (1 Mt) alors que le coût de l’action demeure très élevé, tandis que l’iso-lation des combles réduit le besoin de chauffage et induit la mise en place d’une chaudière gaz à condensation rentable et bien dimensionnée, permettant d’économiser 7 MtCO2. L’installation d’une pompe à chaleur air/eau permet d’at-teindre le plus grand gisement d’économie de CO2 (11 Mt) pour un coût restant modéré.

Pour Le Parc tertiaire chauffé au fioul domestique, on constate que le gisement d’économie de carbone atteignable par la mise en place d’un grand nombre d’actions dans le cadre d’une rénovation lourde est très faible : secteurs pu-blic et privé confondus, la réduction de CO2 ne s’élève qu’à 3 MtCO2, bien loin des gains potentiellement atteignables dans le chauffage résidentiel. Les actions à privilégier se situent dans les bâtiments classés énergivores des activités de commerce, qui présentent le meilleur rapport gisement atteint et coût par tCO2 évitée.

Pour Le transPort de marchandises, la substitution du quart des camions diesel actuels par des camions alimentés par GNV permettrait une réduction d’environ 9 MtCO2, tout en étant rentable. A titre de comparaison, un transfert équivalent du fret routier vers le fret ferroviaire économi-serait près de 13 MtCO2, mais le coût serait bien plus élevé. Le développement des technologies de camions au GNV doit donc être une mesure à encourager, permettant en outre une amélioration considérable en termes de qualité de l’air comparé à l’usage du diesel.

Pour Le transPort de voyageurs, qui constitue la source potentielle de réduction de carbone la plus importante, les actions les plus pertinentes en termes de coût et d’économie de CO2 engendrée sont celles liées à la substitution des véhi-cules particuliers thermiques traditionnels par d’autres types de véhicules, en particulier les véhicules hybrides rechar-geables et les véhicules thermiques avec moteur ne consom-mant que 2 litres de carburant pour 100 kilomètres, sous réserve d’une baisse substantielle du coût de ces technologies. A l’opposé, mettre en place une nouvelle ligne de tramway ou de bus en milieu urbain engendrerait des coûts très élevés pour une réduction d’émissions de CO2 relativement limitée.

Les consommations de pétroLe à réduire en priorité

4 Afin de faciliter la lecture graphique, les résultats indiqués ici ne concernent que les logements à performance énergétique moyenne.

-400

-200

0

200

400

600

800

1 000

Rénovation lourde

Chaudière gaz à condensation

Isolation des combles

PAC Air / Eau

9 MtCO2

En € / tCO2 évitée

11 MtCO24 MtCO2

7 MtCO2

1 MtCO2

Source : Calculs UFE

ECS solaire thermique

Gains liés aux actions sur une maison individuelle chauffée au fioulGains liés aux actions sur une maison

individuelle chauffée au fioul

Page 10: Fiches thématique réussir la transition énergétique

En 2012, l’utilisation d’énergie finale en France se décompose de la manière suivante :

Comme dans l’ensemble des pays développés, la consom-mation finale d’énergie a crû de manière quasi ininterrom-pue en France, mais depuis 2000, elle s’est stabilisée avec un

décrochage très ponctuel en 2009. Son évolution s’explique par la corrélation historique entre développement écono-mique et consommation d’énergie :

5 Fiche

Une consommation d’énergie qUi stagne après Une haUsse qUasi continUe depUis 1980

Répartition de la consommation finale d’énergie par source en France en 2012

Répartition de la consommation finale d’énergie par secteur en France en 2012

0

400

800

1 200

1 600

2 000

1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010

PIB en Md€Consommation d'énergie en TWh

Consommation d'énergie

Source : SOeS et Insee

PIB

Evolutions du PIB et de la consommation finale d'énergie en France

La prédominance dU pétroLe dans La consommation d’énergie française

Répartition de la consommation finale d'énergie par source en France en 2012

Source : SOeS

Pétrole42 %

EnRt10 %

Gaz21 %

Electricité24 %

Charbon3 %

21 %30 %

14 %

32 %

3 %

Résidentiel

Tertiaire

1796 TWh

Industrie

Agriculture

Transports

Répartition de la consommation d'énergie par secteur en France en 2012

Source : SOeS

Source : SOeS et Insee

Source : SOeS

Comprendre et analyser la structure de la consommation d’énergie est indispensable afin de bien identifier les enjeux liés à la transition énergétique et les secteurs à cibler dans le cadre d’une stratégie bas carbone. Il s’avère que le pétrole est l’énergie la plus consommée en France (42 % de l’énergie totale consommée), principalement pour un usage de transport et de chauffage.

Evolution du PIB de la consommation finale d’énergie en France

Le panorama de La consommation d’énergie en France

Page 11: Fiches thématique réussir la transition énergétique

Le panorama de La consommation d’énergie en France

La première source d’énergie utilisée aujourd’hui en France est le pétrole, qui représente 42 % de la consommation to-tale d’énergie, suivie par l’électricité (24 %) et le gaz (21 %).

Cette prédominance du pétrole dans la consommation to-tale d’énergie s’observe depuis plusieurs décennies.

Le secteur économique qui consomme le plus d’énergie en France est celui des transports : il représente le tiers de la consommation totale d’énergie finale en France en 2012, suivi de près par les secteurs résidentiel et industriel.

Le transport, 1er Usage de prodUits pétroLiers

Cette part importante du secteur des transports est le corollaire du poids élevé de la consommation de produits pétroliers dans la consommation totale d’énergie. En effet, 70 % des produits pétroliers sont consommés par le sec-teur des transports.

Le mode de transport représentant la plus grande part de la consommation d’énergie est le transport routier : il représente à lui seul, en 2012, 95 % de la consommation d’énergie des transports, part relativement stable dans le temps.

Représentant 45 % de la consommation totale d’énergie finale en 2012, le secteur résidentiel-tertiaire consomme 17 % du total des produits pétroliers en 2012 et 65 % de la consom-mation totale de gaz, pour un usage destiné au chauffage des locaux.

En 2012, l’énergie totale utilisée par le chauffage dans le secteur résidentiel-tertiaire représente 389 TWh, toutes énergies confondues, soit 22 % de l’énergie totale consommée. Par source d’énergie, l’utilisation de chauffage au gaz repré-sente près de la moitié de la consommation d’énergie, suivie par les énergies renouvelables thermiques (chauffage au bois), le fioul domestique et l’électricité. 65 % de l’énergie utilisée pour le chauffage provient donc de combustibles fossiles, dont 19 % pour le fioul qui est, de loin, le plus grand émetteur de CO2.

0

20

40

60

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100

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140

160

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1981 1986 1991 1996 2001 2006 2011

Pétrole

Electricité

Gaz

EnRt

Charbon

Mtep

Source : SOeS

Evolution de la consommation finale d'énergie en France, par source d'énergie Evolution de la consommation finale d’énergie en France, par source d’énergie

Répartition de la consommation finale de produits pétroliers en France en 2012

Source : SOeS

Industrie8 %

Agriculture5 % Transport

70 %

Résidentiel-Tertiaire

17 %

Répartition de la consommation finale de produits pétroliers en France en 2012

Le chaUffage, 2ème Usage de prodUits pétroLiers

Répartition de la consommation d'énergie pour le chauffage dans le secteur résidentiel-tertiaire en France en 2012

Source : Calculs UFE selon données SOeS

Pétrole19 %

EnRt21 %

Gaz46 %

Electricité13 %

Charbon1 %

Répartition de la consommation d’énergie pour le chauffage dans le secteur résidentiel-tertiaire en 2012

Source : SOeS

Page 12: Fiches thématique réussir la transition énergétique

Pour appréhender correctement les enjeux de la décarbo-nation du secteur du transport, en particulier routier, on distingue généralement le transport de marchandises du transport de voyageurs. Le graphique montre que les gise-ments les plus importants sont le transport de marchan-dises (39 % des émissions de CO2 du transport) et, plus important encore, le volet mobilité locale du transport de voyageurs (48 % des émissions de CO2 du transport).

Le GNV au secours de La décarboNatioN du traNsport de marchaNdises

Le transport de marchandises représente 39 % des émissions de CO2 du transport. A l’heure actuelle, les principales substi-tutions possibles vers des technologies moins carbonées sont :• Le transfert du fret routier vers le fret ferroviaire• La substitution des camions à carburant pétrolier par des camions alimentés au gaz (gaz naturel pour véhicules – GNV)

Le fret ferroviaire est une solution connue de longue date. En 1990, il représentait 19 % du transport de marchandises.

Cependant, ce mode de transport n’est pas parvenu à s’étendre, mais a, au contraire, décliné depuis : il ne re-présente plus que 9 % du transport de marchandises au-jourd’hui en France. Les coûts de logistique induits par le transport multimodal et la gestion des ruptures de charge qu’il génère, sont les deux principales raisons de ce déclin. Le fret ferroviaire reste intéressant en termes de décarbo-nation du transport de marchandises, dans la mesure où les convois ferroviaires sont alimentés par une électricité très peu carbonée en France. Toutefois, sans une politique publique volontariste, il ne semble pas en mesure de se dé-velopper à court comme à moyen terme.

A l’heure actuelle, la technologie la plus prometteuse ré-side dans les camions utilisant du gaz naturel. Il s’agit d’une technologie disponible dont le surcoût par rapport aux camions classiques est limité. En effet, si une motorisation au gaz requiert un investissement initial plus important qu’une motorisation à essence, le prix du gaz est inférieur à celui des carburants pétroliers. Cela permet de rentabiliser rapidement les camions au gaz. L’exemple emblématique d’un développement rapide de ce mode de transport est celui des Etats-Unis : étant donné le prix très compétitif du gaz américain par rapport aux autres énergies depuis l’exploitation de gaz de schiste, les camions au gaz sont plus compétitifs et de nombreuses compagnies de transport de marchandises ont franchi le pas de la substitution.

Le recours à ce nouveau type de camions permettrait d’améliorer la qualité de l’air sans recours à des systèmes complexes de dépollution, d’améliorer le bilan carbone du transport et ce, d’autant plus substantiellement que l’on aura recours à une proportion plus grande de biométhane incorporé dans le gaz naturel. Cependant, le développe-ment de cette technologie à grande échelle nécessite la mise en place d’une infrastructure de distribution de gaz natu-rel sur l’ensemble du territoire, réseau qui demeure encore marginal aujourd’hui en France.

En France, le transport est le secteur le plus émetteur de dioxyde de carbone (CO2), avec 138 MtCO21, soit 38 % des émissions nationales de CO2. Le transport routier est le principal responsable de cette situation, avec 95 % des émissions du secteur. Le gisement potentiel de réduction des émissions de CO2 du secteur du transport est donc considérable. La lutte contre le change-ment climatique passe nécessairement par la réduction des émissions de CO2 dans le transport routier, secteur qui nécessite des efforts de R&D.

Le besoin de R&d dans Les technoLogies aLteRnatives de tRanspoRt

39 %

138 Mt CO2

Source : Calculs UFE selon données SOeS

67 Mt CO2

17 Mt CO2

54 Mt CO2 Transport de marchandises( 39 % )

Transport de voyageurslongue distance

( 13 % )

Transport de voyageursmobilité locale

( 48 % )

Répartition des émissions de CO2 liées au transport en 2011

a chaque usaGe ses soLutioNs

1 Sur un total de 338 MtCO2 en 2011.

Emissions de CO2 du transport routier en France en 2011

6 Fiche

Page 13: Fiches thématique réussir la transition énergétique

Les choix techNoLoGiques à VeNir

Concernant le transport de voyageurs, deux leviers d’ac-tion sont à considérer : les transports en commun et les véhicules particuliers.

Les traNsports coLLectifs

Si les tramways et les métros représentent des coûts de réduction des émissions de CO2 très élevés et ne consti-tuent donc pas une solution universelle, la substitution des flottes de bus utilisant de l’essence par des bus électriques ou par des bus utilisant du GNV semble très pertinente. En effet, la distance parcourue par ces véhicules est impor-tante, permettant ainsi une rapide rentabilisation du coût initial. De plus, le besoin en infrastructures de bornes de rechargement ou de pompes est limité, puisqu’elles sont installées dans les centres de dépôt.

Les VéhicuLes particuLiers En revanche, concernant les véhicules particuliers, il est nécessaire de rappeler que le secteur automobile est un secteur de temps longs, en raison de la durée de vie impor-tante des véhicules (14 ans en moyenne). La pénétration de véhicules performants est donc structurellement lente. Pour les véhicules thermiques classiques, l’amélioration des rendements des moteurs ne semble pas être en mesure de réduire la consommation à un niveau de 2 l/100km à des coûts pertinents d’ici 20502. Pour la plupart des tech-nologies alternatives, des évolutions sont à envisager sur le long terme car elles ne sont pas encore matures. Il est donc essentiel de favoriser dès maintenant la R&D dans les tech-nologies alternatives.

A l’heure actuelle, un certain nombre de technologies pas ou peu carbonées existent pour les véhicules particuliers:• Les véhicules électriques• Les véhicules à hydrogène3

• Les véhicules hybrides dits « stop and go »• Les véhicules hybrides rechargeables dits « plug-in »

Les véhicules électriques et les véhicules à hydrogène permettent d’éviter les émissions de CO2, à condition que l’électricité utilisée soit décarbonée (produite à partir d’énergie d’origine renouvelable ou nucléaire). Si la tech-nologie des véhicules à hydrogène n’est pas encore assez mature aujourd’hui pour être industrialisée, certains mo-dèles de véhicules électriques sont déjà sur le marché auto-mobile à des prix raisonnables. En revanche, un véhicule pur

électrique ne peut pas à court terme se substituer pleine-ment à un véhicule à essence classique. En effet, l’autono-mie des batteries de ces véhicules est encore relativement faible, ce qui limite leur utilisation à des déplacements lo-caux. La substitution complète des véhicules à essence par des véhicules électriques est donc conditionnée à des efforts de R&D importants qui doivent permettre de diminuer les coûts et d’améliorer l’autonomie des batteries des véhicules électriques. Par ailleurs, il faut signaler que ces deux tech-nologies vont probablement nécessiter la construction d’un réseau d’infrastructures de rechargement soit d’électricité, soit d’hydrogène.

Dans l’immédiat, hormis les véhicules 100 % électrique, la seule technologie permettant de réduire significativement les émissions de CO2 à court et moyen terme et à un coût raisonnable semble être le véhicule hybride rechargeable4. Disposant d’une autonomie de 30 à 50 kilomètres, les véhi-cules équipés de cette technologie permettent de réaliser la grande majorité des déplacements en mode électrique (trajets courts et trajets domicile-travail) tout en permet-tant de réaliser des déplacements longs grâce au moteur thermique. Le surcoût de cette technologie est donc limité, malgré le besoin d’infrastructures de bornes de rechar-gement, besoin moins aigu puisque le fonctionnement en mode thermique reste possible tout en étant capable d’assumer tous les usages d’un véhicule classique.

Pour les technologies alternatives (pur électrique, hydro-gène…), les évolutions sont à envisager sur le long terme car elles ne sont pas encore matures et exigent que de nombreux verrous technologiques soient levés. Il est donc essentiel de favoriser dès maintenant la R&D dans ces technologies.

Cependant, privilégier dès à présent une technologie par rapport à une autre pourrait se transformer en une véri-table erreur de stratégie industrielle. Un mauvais choix pourrait en effet aboutir à la construction d’un réseau d’infrastructures inutiles. A l’inverse, lorsque certaines incertitudes seront levées, un non-choix qui freinerait le développement serait également regrettable. Le choix de la technologie bas carbone dans le transport de voyageurs devra alors se déployer le plus rapidement possible. En at-tendant, des efforts de R&D sont attendus sur chacune des technologies pour lever les incertitudes au plus vite.

2 A raison d’une moyenne de consommation actuelle de 6,8 l/100 km et d’une amélioration des rendements des moteurs inférieure à 1 %/an sur les vingt dernières années, les moteurs 2 l/100 km ne devraient pas être disponibles au niveau industriel avant la fin du siècle, sauf rupture technologique majeure.3 Nous n’insistons pas sur les véhicules au biocarburant car cette technologie comporte des problèmes plus globaux, notamment les conflits dans l’affectation des sols sauf pour le biomé-thane issu de déchets ou de cultures intercalaires.4 Quant à la technologie hybride « stop and go », même si elle permet des économies de carburant, elle maintient une consommation trop importante pour atteindre une partie significative du gisement de CO2 du secteur du transport.

Le besoin de R&d dans Les technoLogies aLteRnatives de tRanspoRt

Page 14: Fiches thématique réussir la transition énergétique

La transition vers une économie bas carbone se heurte au défi du stockage de l’énergie, en particulier électrique, car il est difficile et coûteux. Seul le stockage d’énergie par les stations de pompage (STEP) est économiquement pertinent, mais son développement est géographiquement contraint.

Un autre vecteur énergétique potentiellement non carboné doit être examiné : l’hydrogène. Il présente en effet le double inté-rêt de pouvoir être produit par électrolyse de l’eau, offrant ainsi un débouché à la production d’électricité et notamment à la production renouvelable intermittente en excès, et de pouvoir être utilisé directement ou indirectement pour répondre aux besoins d’énergie.

C’est ainsi qu’un intérêt croissant se porte sur l’hydrogène depuis plusieurs années, aussi bien pour la recherche visant la mise au point d’électrolyseurs plus performants, que pour les modes d’utilisation par combustion et par production d’électricité ou de chaleur au moyen de piles à combustible. Le Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) étudie cette technologie depuis la fin des années 1990 pour en renforcer l’intérêt économique.

Si ces travaux aboutissent, l’hydrogène pourra se substituer aux énergies fossiles dans plusieurs usages de l’énergie, contri-buant à la décarbonation de l’économie : dans le transport en substitution au pétrole, dans la chaleur par utilisation directe (mélange avec le gaz naturel) et indirecte (méthanation) ; et le tout avec l’avantage, comme tout gaz, d’être stockable.

7 Fiche

Les enjeux de L’Hydrogène

L’enjeu de La production décarbonée d’hydrogène

L’usage de l’hydrogène dans le transport et dans le réseau de gaz naturel est conditionné par le procédé de la production d’hydrogène (il ne doit pas émettre de gaz à effet de serre) et par le coût de son utilisation (qui doit être compétitif par rapport aux autres énergies pour les mêmes usages).

A l’heure actuelle, l’hydrogène est déjà utilisé dans la chimie, essentiellement pour produire de l’ammoniaque. Ce sont 900 000 tonnes d’hydrogène qui sont produites chaque année en France pour les besoins de l’indus-trie chimique. N’existant pas à l’état naturel, il doit être fabriqué à partir d’une source d’énergie primaire. Le procé-dé de production le moins coûteux aujourd’hui consiste à « craquer » du méthane, ce qui libère du CO21. Dans le cadre d’une logique de stockage d’énergie, il est fondamen-tal de s’affranchir des émissions de CO2 dans la production d’hydrogène, et donc de favoriser le procédé de l’électrolyse.

Celui-ci consiste à séparer l’eau en dioxygène et en dihydro-gène2 au moyen d’une circulation d’électricité. Ce procédé n’émet pas de gaz à effet de serre dès lors que l’électricité nécessaire est décarbonée et il peut se reproduire à l’infini puisqu’il n’exige que de l’eau, de l’électricité et de la chaleur. Ce procédé est connu, mais ne représente qu’une très faible proportion de l’hydrogène produit en France3 et dans le monde. Par ailleurs, la contrainte économique est majeure. Le coût de la production d’hydrogène par électrolyse peut s’élever aujourd’hui jusqu’à 800 €/MWh4. Les électrolyseurs sont onéreux car ils ne sont pas fabriqués en grande sé-rie et ont une durée de vie relativement faible. De plus, la quantité d’électricité nécessaire à la réaction est importante5.

L’enjeu majeur de R&D pour faire de l’hydrogène un fac-teur performant de décarbonation de l’économie consiste donc à faire baisser les coûts de l’électrolyse.

1 La production d’hydrogène est responsable de 1 à 2 % des émissions de CO2 en France. L’enjeu de la production décarbonée de l’hydrogène concerne donc aussi le secteur industriel.2 Si on parle toujours d’hydrogène par abus de langage, il s’agit bien du dihydrogène.3 Ce procédé est utilisé pour produire de l’hydrogène pur et représente entre 1 et 4 % de la production totale d’hydrogène selon le CEA et l’IFP.4 Source : « Les technologies de l’hydrogène au CEA », CEA, 20125 Pour des électrolyses à basse température, l’électricité représente 80 % du coût de production de l’hydrogène selon le CEA.

Page 15: Fiches thématique réussir la transition énergétique

Les enjeux de L’hydrogène

L’hydrogène dans Le transport

L’hydrogène dans Le gaz natureL : L’hythane

Dans le cas de la France, où 38 % des émissions de CO2 proviennent de la combustion d’énergies fossiles dans le transport, l’impératif climatique implique de s’intéresser à l’alternative que constitue l’hydrogène6 comme carburant.

Si l’usage de l’hydrogène dans le transport terrestre est en-core freiné par de nombreuses contraintes technico-écono-miques, ce vecteur énergétique est utilisé depuis de nom-breuses années comme combustible pour la propulsion des fusées. Aujourd’hui, de grands constructeurs automobiles (Daimler, Hyunday, Nissan, Ford, …) sont sur le point de proposer des automobiles à hydrogène sur le segment haut de gamme avant peut-être de descendre sur l’échelle des segments ; ils tirent ainsi parti des travaux réalisés depuis plusieurs années et du retour d’expérience des premières réalisations (utilitaires légers, autobus). Ces constructeurs ont fait le choix de la propulsion électrique utilisant l’élec-tricité produite par une pile à combustible embarquée ali-mentée par l’hydrogène contenu dans un réservoir haute pression. L’hypothèse du moteur à combustion utilisant l’hydrogène comme carburant a, semble-t-il, été abandon-née par les constructeurs qui l’avaient un moment envisagée, tels que BMW. D’autres segments d’utilisation ont également le vent en poupe, par exemple les chariots élévateurs ; les aéroports de Montréal et de Vancouver se sont dotés de tech-nologies alimentées à l’hydrogène (les navettes, les véhicules de transport de passagers et les véhicules utilitaires).

L’hydrogène peut être utilisé comme combustible dans le transport grâce à deux technologies distinctes : le moteur à combustion interne et la pile à combustible.

Le principe du moteur à combustion interne est le même que celui des moteurs à essence. La pile à combustible permet quant à elle de créer de l’électricité, de la chaleur et de l’eau à partir du dihydrogène et du dioxygène. Selon l’IFPEN7, l’avan-tage de l’utilisation de l’hydrogène est qu’il libère 2,8 fois plus d’énergie que l’essence, à poids équivalent. L’hydrogène peut ainsi contribuer à la décarbonation de la mobilité avec l’avan-

tage non négligeable d’une autonomie comparable à celle des véhicules à essence. Encore faut-il pouvoir disposer de piles à combustible à un coût abordable car c’est la pile à combustible qui constitue la plus grande partie du surcoût du véhicule à hydrogène par rapport au véhicule à pétrole : le prix d’un véhi-cule à hydrogène commercialisé est annoncé aux environs de 50 000 €, dont la moitié correspond à la pile à combustible. Il est primordial de poursuivre la R&D sur la pile à combus-tible et sur la substitution de ses composants les plus chers pour atteindre un niveau de prix rivalisant avec celui des véhicules à essence. Cela nécessite de diviser par dix le coût de la pile à combustible.

Par ailleurs, quel que soit le choix technologique envisagé, l’usage de l’hydrogène dans le transport routier devra s’af-franchir de deux contraintes majeures. En premier lieu, la densité de l’hydrogène est si faible qu’il est nécessaire de le compresser à de très hauts niveaux de pression. Cela en-traîne à la fois des pertes de rendement dans la production d’hydrogène, puisque la compression est un procédé éner-givore, et l’installation de réservoirs imposants et coûteux. La deuxième contrainte, de taille également, est l’installa-tion d’un réseau de distribution d’hydrogène qui devra ac-compagner le développement des technologies hydrogène.

La substitution des produits fossiles par l’hydrogène dans le transport est donc coûteuse, et elle ne se fera pas sans les inno-vations technologiques nécessaires à une viabilisation de son modèle économique. Il est donc urgent de favoriser la R&D dans les technologies de stockage mobile et fixe de l’hydrogène.

L’hydrogène peut également être mélangé au méthane dans le réseau de gaz naturel. Le mélange de l’hydrogène et du gaz naturel forme l’hythane8. Ce gaz peut être utilisé pour le chauffage, mais aussi pour les véhicules fonctionnant avec des moteurs au gaz, dès lors que les adaptations nécessaires ont été faites sur les installations.L’intégration de l’hydrogène dans le gaz naturel offre une solution flexible de stockage d’énergie permettant de valo-riser l’électricité. Cela permet non seulement de sécuriser le système électrique lors des situations d’excès de production des EnR fatales, mais l’hythane émet moins de CO2 que le

gaz naturel. Le développement de la production d’hythane est aujourd’hui confronté au coût de production élevé de l’hydrogène par électrolyse.

Une autre transformation de l’hydrogène est possible, la combustion grâce à la méthanation. Ce procédé consiste à obtenir du méthane et de l’eau par co-électrolyse de CO2 et d’eau. Là aussi, l’équation économique est clé : même avec un coût de production de l’hydrogène optimiste, le coût du méthane ainsi produit est plusieurs fois supérieur à celui du prix sur le marché du gaz.

6 Il faut cependant garder à l’esprit que substituer la totalité des hydrocarbures consommées par le secteur du transport par de l’hydrogène implique de produire environ 16 millions de tonnes d’hydrogène, soit environ vingt fois plus qu’aujourd’hui.7 Institut Français du Pétrole et des Energies Nouvelles8 L’Hythane est formé à 80% de gaz naturel et 20% d’hydrogène. Au niveau de consommation actuel, il est donc possible de mélanger environ deux millions de tonnes d’hydrogène au gaz naturel, soit deux à trois fois le niveau de production d’hydrogène actuel.

Page 16: Fiches thématique réussir la transition énergétique

Deux effets conjugués expliquent cette amélioration de l’intensité énergétique française :

les innovations dans les moyens de production et dans les usages d’énergie : les entreprises ont en effet depuis longtemps mis en œuvre des actions cherchant à réduire leur consommation d’énergie, en particulier pour faire face aux deux chocs pétroliers des années 1970 et à l’explosion des prix du pétrole. Les exemples embléma-tiques de ces actions se retrouvent dans les rendements des moteurs des véhicules thermiques, qui se sont améliorés de 0,8 % par an en moyenne depuis les années 1980. D’autres innovations visant à réduire la consommation d’énergie se sont également généralisées à l’ensemble de l’économie, comme par exemple le passage des ampoules à incandes-

cence aux ampoules basse consommation et aux LED, qui a permis une économie d’énergie de grande échelle pour un même niveau de confort. En effet, les ampoules basse consommation économes en énergie (LED, ampoules fluo-compactes) consomment – à éclairage égal - cinq fois moins d’électricité que les ampoules classiques incandes-centes et ont une durée de vie de 12 à 15 fois supérieure.

la tertiarisation de l’économie : le poids des services dans la valeur ajoutée française est passé de 64 % en 1980 à 79 % en 2012, alors que le poids de l’industrie a décliné, passant de 24 % à 12,5 % sur la même période. Le secteur tertiaire étant moins énergivore dans son ensemble que l’industrie, alors mécaniquement la consommation d’énergie nécessaire à la production d’une unité de PIB s’est réduite.

L’intensité énergétique finale d’un pays désigne la quantité d’énergie finale utilisée dans l’économie une année donnée pour produire une unité de PIB. Elle est calculée comme le ratio « consommation finale d’énergie / PIB » et est généralement expri-mée en tonnes équivalent pétrole (tep) par million d’euros de PIB. Observer son évolution pour un pays donné permet de se rendre compte des variations de l’utilisation d’énergie dans l’activité productive.

8 Fiche

L’intensité énergétique

l’évolution de l’intensité énergétique en France

100

70

50

60

70

80

90

100

110

1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010

Indice base 100 = 1981

Sources : SOeS et Insee

Intensité énergétique

Evolution de l'intensité énergétique finale en France

Crise économique de 2009

Récession de 1993

Evolution de l’intensité énergétique finale en France

En France, l’intensité énergétique s’améliore quasi continû-ment depuis 1980 : alors qu’il fallait utiliser 122 tep d’éner-gie en 1981 pour produire un million d’euros de PIB, il n’en

fallait plus que 85 en 2012, ce qui correspond à une amélio-ration de 30 % de l’intensité énergétique en 30 ans, soit en moyenne une amélioration de 1,2 % par an.

Page 17: Fiches thématique réussir la transition énergétique

0

40

80

120

160

200

1990 1995 2000 2005 2010

Union européenne (28 pays) Allemagne France Suède Royaume-Uni

Intensité énergétiqueen tep / M€ PIB

Source : Eurostat

Evolution de l'intensité énergétique finale dans l'Union Européenne

Crise économique de 2009

L’intensité énergétique

Deux phénomènes conduisent à une amélioration de l’in-tensité énergétique. Lorsque la croissance économique est au rendez-vous, l’amélioration de la performance énergé-tique est dynamisée. De plus, lorsque les prix de l’éner-gie ont tendance à monter, les efforts visant à réduire la consommation d’énergie s’accentuent, les entreprises cher-chant à minimiser leurs coûts de production.

A long terme, le rythme d’amélioration de l’intensité énergétique est un des déterminants de l’évolution de la demande finale d’énergie.

Si l’intensité énergétique de la France cessait de s’amélio-rer à partir d’aujourd’hui et que le PIB augmentait annuel-lement de 1,7 % en moyenne, alors la demande d’énergie totale à long terme (2050) serait quasiment double de l’ac-tuelle. Il est donc indispensable de poursuivre les actions d’intensité énergétique grâce notamment à l’innovation, et de les compléter par des actions ciblées de maîtrise de la demande d’énergie.

l’intensité énergétique, élément déterminant de l’évolution de la demande d’énergie

Sur les dix dernières années, l’amélioration de l’intensité énergétique de la France est comparable à celle observée en moyenne dans la Zone Euro (à 17 pays), mais cette amé-lioration est légèrement moindre que celle enregistrée en moyenne dans l’Union Européenne (à 28 pays). Cela tient

d’une part au fait que l’intensité énergétique de la France était historiquement plus faible que celle de nombreux pays, notamment ceux d’Europe de l’Est, et d’autre part à des dynamiques de tertiarisation de l’économie différentes entre les pays.

Lorsque l’on considère l’évolution de l’intensité énergé-tique des principaux pays développés, on constate qu’elle s’est nettement améliorée pour l’ensemble de ces pays sur

la période 1980-2000, mais que depuis les années 2000, le rythme moyen d’amélioration s’est ralenti.

Evolution de l’intensité énergétique finale dans l’Union Européenne

Page 18: Fiches thématique réussir la transition énergétique

9 Fiche Le chauffage éLectrique performant

L’améLioration de La performance des équipements de chauffage éLectrique

En France, un tiers des foyers sont équipés de chauffage électrique, soit environ 60 millions d’appareils, dont envi-ron 15 millions sont des appareils d’ancienne génération. Les remplacer par des appareils utilisant des technologies de chauffage électrique performant permettrait des écono-mies d’énergie très conséquentes et un confort amélioré.

Les nouveaux appareils de chauffage électrique tels que les pompes à chaleur (PAC) consomment beaucoup moins d’électricité que les appareils d’ancienne génération2. En effet, le fonctionnement d’une PAC consiste à capter les calories présentes dans l’environnement extérieur pour chauffer un logement ou de l’eau chaude sanitaire. L’instal-lation d’une PAC permet ainsi de diviser la consommation d’électricité par trois, et donc de diminuer les émissions de CO2 liées au chauffage.

Au-delà des progrès en termes de rendement, le chauffage électrique a amélioré sa performance grâce à l’intégration d’une régulation électronique. Celle-ci offre trois avantages :

• Le maintien de la température de confort en évitant les surchauffes inutiles : la régulation permet aussi de mainte-nir un niveau de confort en toutes circonstances, notam-ment dans un bâtiment utilisant des apports internes (cui-sine, multimédia) et externes (soleil) ;

• Un fonctionnement mieux adapté au comportement de l’utilisateur : les appareils de chauffage électrique perfor-mant optimisent leurs périodes de fonctionnement, en évi-tant notamment le gaspillage d’énergie lorsque le logement n’est pas occupé ;

• Une plus grande simplicité d’usage : la programmation centralisée, les indicateurs de consommation ou encore les systèmes de détection d’ouverture de fenêtres permettent d’optimiser les consommations de chauffage et de simpli-fier leur gestion pour le consommateur.

Ces technologies sont particulièrement bien adaptées aux logements qui ont de très faibles besoins de chauffage (20 kWh/m2.an au lieu de 126 kWh/m2.an en moyenne dans le parc existant). Elles sont peu onéreuses à l’installa-tion et ne nécessitent aucun entretien.

Toutes ces innovations permettent des économies d’éner-gie et donc une réduction de la facture d’électricité. C’est pourquoi la modernisation du parc actuel d’appareils de chauffage électrique participe à l’objectif de réduction des consommations énergétiques nationales.

1 Source : SOeS2 Source : ADEME, Chiffres-clés du bâtiment 2012

En France, le chauffage du secteur résidentiel-tertiaire représente 22 % de la consommation d’énergie finale totale1. La décarbo-nation du chauffage passe à la fois par l’utilisation d’énergies pas ou peu carbonées (gaz, électricité, biomasse…) en lieu et place de l’utilisation du fioul et par l’utilisation d’équipements plus performants. Le chauffage constitue donc une cible privilégiée de la stratégie bas carbone.

Les nouvelles générations d’équipements de chauffage électrique permettent de réduire la consommation d’énergie tout en améliorant le confort des utilisateurs. A ce titre, les substituer aux anciens appareils énergivores contribue à la dynamique nationale de réduction des consommations énergétiques et des émissions de CO2. Par ailleurs, les chauffages performants ont également toute leur place dans le logement neuf parce qu’ils sont parfaitement adaptés à ce nouvel habitat.

pompe à chaLeur

Page 19: Fiches thématique réussir la transition énergétique

Le chauffage éLectrique performant

Parce que son utilisation est lissée au cours de la journée, le chauffage électrique performant a un impact favorable sur l’appel de puissance.

Il présente de plus d’autres atouts en termes d’intégration dans le système électrique :

• Il peut intégrer du stockage (dans le cas d’un radiateur à accumulation par exemple), lui permettant de consommer de l’énergie sur les périodes les plus favorables et d’éviter de consommer lors des périodes de plus fortes consommations.

• Il est également pilotable : il est ainsi possible de jouer sur l’inertie du bâtiment et de réduire le fonctionnement des radiateurs sur la pointe quotidienne sans que le confort pour l’habitant ne soit altéré. Cela peut se faire à l’aide d’un simple gestionnaire d’énergie.

Cette flexibilité peut également être sollicitée de manière ponctuelle et se traduire par des effacements (en réponse à un signal de prix adressé par un fournisseur ou par un pilotage à distance).

Ainsi, le chauffage électrique performant peut contribuer à l’équilibrage du système électrique, voire apporter son concours aux besoins croissants de flexibilité qui résultent du développement des énergies renouvelables intermittentes.

Page 20: Fiches thématique réussir la transition énergétique

Les actions d’efficacité énergétique visant le chauffage (actions d’isolation) et la production d’eau chaude sanitaire permettent de réduire la consommation d’énergie dans les logements dans la même proportion quelle que soit l’éner-gie utilisée2. Au regard du critère du coût de la tonne de carbone évitée, la priorité est donc d’orienter les efforts d’efficacité énergétique dans les logements consommant l’énergie la plus carbonée, à savoir le fioul domestique.

Le cas de l’isolation des combles est un bon exemple pour appréhender l’importance de cette priorité. Bien que le coût3

de l’isolation des combles soit équivalent quel que soit le type de chauffage, cette action est beaucoup plus perfor-mante en termes de CO2 évité dans un logement chauffé au fioul que dans un logement chauffé à l’électricité. En effet, si l’isolation des combles permet d’éviter un même nombre de kWh quelle que soit l’énergie, le contenu CO2 des énergies est différent, comme illustré par le graphique suivant.

La mise en œuvre d’une stratégie bas carbone suppose que la puissance publique encourage la réalisation d’actions d’efficacité énergétique en fonction des émissions de CO2 évitées et de critères économiques. Or, en France, certains secteurs, comme le transport qui représente à lui seul 38 % des émissions de CO2 de la France, ne font pas ou peu l’objet d’incitations de maîtrise de la consommation d’énergie.

Dans le bâtiment, la réalisation d’un certain nombre d’actions d’efficacité énergétique est encouragée par la puissance pu-blique à travers des instruments fiscaux tels que le Crédit d’Impôt Développement Durable (CIDD). Cependant, ce dispositif ne délivre pas les bons signaux économiques puisqu’il finance1 les actions sans opérer de distinction selon le type d’énergie considérée et l’efficacité de l’équipement installé. Deux exemples illustrent la nécessité de réorienter les politiques publiques en fonction de critères cohérents avec la stratégie bas carbone :• l’isolation des combles dans des logements consommant des énergies différentes, • l’installation d’une PAC air/eau ou d’un appareil de production d’eau chaude sanitaire solaire thermique.

10 FicheL’incohérence dans Les incitations à La maîtrise de L’énergie

RéduiRe la consommation de pRoduits pétRolieRs

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300

400

500

Source : Calculs UFE

Isolation des combles-

Maison fioul

Isolation des combles-

Maison électricité

1 MtCO2 2 MtCO2

Il est plus efficient d'agir sur un logement chauffé au fioul domestique que sur un

logement chauffé à l'électricitéx 3,5

Comparaison du coût de la tonne de CO2 évitée de l'isolation des combles dans les maisons individuelles chauffées à l'électricité et au fioul domestique

En € / tCO2 évitée

Gisement CO2

Comparaison du coût de la tonne de CO2 évitée de l’isolation des combles dans les maisons individuelles chauffées à l’électricité et au fioul domestique

1 Loi de finances pour 2014 n° 2013-1278 du 29 décembre 2013. 2 L’isolation des combles d’un logement permet par exemple de réduire de 25 % la consommation d’énergie liée au chauffage. 3 Coût au mètre carré.

Une stratégie bas car-bone doit donc favoriser le déclenchement des actions d’efficacité énergétique dans les logements utilisant le fioul domestique afin de réduire le coût de la réduc-tion des émissions de CO2.

Page 21: Fiches thématique réussir la transition énergétique

L’incohérence dans Les incitations à La maîtrise de L’énergie

souteniR les technologies les plus peRtinentes

Les pompes à chaleur (PAC) air/eau et les appareils de pro-duction d’eau chaude sanitaire (ECS) solaire thermique sont deux actions plébiscitées par les ménages lors des travaux de rénovation car elles permettent de bénéficier, toutes deux, d’un taux de crédit d’impôt de 15 %.

Les PAC air/eau captent les calories naturellement pré-sentes dans l’air pour chauffer un logement. Elles peuvent donc se substituer à la consommation de fioul liée au chauffage dans une maison individuelle par exemple. Elles éliminent complètement la consommation de fioul mais ont un besoin (limité) d’électricité pour fonctionner.

Les appareils de production d’ECS solaire thermique chauffent l’eau destinée à un usage sanitaire grâce à un équipement solaire. Ils permettent ainsi d’éviter une partie de la consommation de fioul liée à l’eau chaude sanitaire. La substitution n’est cependant pas totale car la consommation d’ECS est stable, contrairement au niveau d’ensoleillement.

Au regard des émissions de CO2 évitées et du coût par tonne évitée, ces deux actions présentent des performances très contrastées. Le graphique suivant montre le coût de la tonne de carbone évitée par ces deux actions, avec un net avantage pour les PAC air/eau.

Dans les maisons chauffées au fioul, le chauffage est un poste de consommation d’énergie plus important que la production d’ECS. Ainsi, malgré le coût supérieur de la PAC air/eau par rapport à l’ECS solaire thermique, la PAC permet d’éviter une consommation de fioul très impor-tante. Elle permet ainsi d’éviter dix fois plus d’émissions de CO2 pour un coût très inférieur à celui de l’ECS solaire thermique.

Cette étude de cas révèle le besoin de différencier les actions entre elles dans les politiques publiques. Celles-ci doivent permettre de déclencher les investissements dans les actions les plus efficaces en termes de CO2 évité, et dans ce but, veiller à une plus grande cohérence des si-gnaux économiques (adaptation du CIDD…).

L’accélération du rythme de la réalisation des actions d’efficacité énergétique est possible si leur coût diminue. Pour cela, la puissance publique doit également permettre l’émergence de deux types de filières structurées :

• Les filières technologiques, pour les technologies bas-carbone les plus pertinentes. Le développement de la fi-lière de la PAC, aujourd’hui quasi-inexistante en France, doit être encouragé et appuyé par l’Etat.

• Les filières de formation, pour créer les compétences humaines nécessaires à la bonne sélection, à la pose et à la maintenance des technologies bas carbone.

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200

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800

1 000

1 200

Source : Calculs UFE

PAC air/eau

ECS solairethermique

1 MtCO2 11 MtCO2

Le coût de la tonne de CO2 évitée del'ECS solaire thermique est 5 fois plus

élevé que celui de la PAC air/eaux 5

Comparaison du coût de la tonne de CO2 évitée d'une PAC air/eau et de l'ECS solaire thermique dans une maison individuelle chauffée au fioul

En € / tCO2 évitée

Gisement CO2

Gains liés aux actions sur une maison individuelle chauffée au fioul

Page 22: Fiches thématique réussir la transition énergétique

La création du passeport rénovation résulte d’un constat double :

• En France, le prix des travaux d’efficacité énergétique est élevé, avec peu d’offres de travaux structurées et globali-sées. Les prix de l’énergie, quant à eux, ne permettent pas de rentabiliser les travaux d’efficacité énergétique.

• Les ménages se sentent perdus face à leur besoin de rénovation, et ce, en raison d’un manque d’informations fiables, accessibles, compréhensibles et indépendantes.

Contrairement à d’autres éléments de la vie quotidienne comme l’automobile pour les équipements du logement, on constate une forte méconnaissance des performances des logements eux-mêmes.

L’objectif du passeport est donc d’encourager les ménages à réaliser des travaux d’économies d’énergie en les orientant dans un cycle vertueux d’efficacité énergétique, à savoir un parcours de rénovation1.

Pour que la politique énergétique française réponde aux enjeux de l’efficacité énergétique, elle devra soutenir les actions d’éco-nomies d’énergies par la mise en place de dispositifs incitatifs et pertinents. Dans la transposition de la directive européenne sur l’efficacité énergétique et dans le respect de la directive sur la performance énergétique des bâtiments, la France a fait le choix d’un recours à des leviers complémentaires aux actuels certificats d’économies d’énergie (CEE), notamment par la mise en place d’un passeport rénovation. Grâce à son contenu personnalisé et avec sa vision globale du logement, le passeport rénovation pourra être un réel outil d’aide à la décision pour les ménages.

11 Fiche

Le PassePort rénovation

Les freins rencontrés par Les ménages pour réaLiser des travaux d’efficacité énergétique

1 L’incitation à la réalisation d’un passeport rénovation peut se faire via un guichet unique local ou par le fournisseur directement, qui informe son client de la possibilité de sa réalisation et des bénéfices que celui-ci peut lui apporter dans son parcours rénovation.

Page 23: Fiches thématique réussir la transition énergétique

Le PassePort rénovation

une vision gLobaLe et personnaLisée du Logement

Le rôLe du fournisseur d’énergie

garantir L’efficacité du dispositif

Aujourd’hui, il existe deux outils qui devraient permettre d’établir la performance énergétique du bâti : le diagnostic de performance énergétique (DPE), rendu obligatoire lors des transactions immobilières, et l’audit énergétique, obli-gatoire pour les grandes copropriétés.Pour les logements, il est admis que le DPE ne permet pas de façon fiable d’informer les ménages sur les travaux adaptés à leur logement et à mettre en œuvre pour réaliser des économies d’énergie.Le passeport rénovation s’intègre dans une démarche de rénovation ambitieuse qui comporte plusieurs volets afin de donner au ménage une vision globale de son logement et des travaux à mener :• Le ciblage et la détection des logements avec un nouvel outil à créer.• Un audit énergétique approfondi via des auditeurs quali-fiés et labellisés, destiné en priorité aux logements détectés dans le ciblage : le passeport comprend des informations relatives à la performance énergétique du logement et au comportement du ménage.

• Des préconisations de travaux adaptées : le passeport pré-conise des solutions de travaux et précise leur calendrier, leur coût et les économies attendues, ainsi que les aides et financements possibles pour les réaliser.

• La présentation des résultats issus des travaux : le passe-port prévoit une présentation des résultats au ménage.

Ce parcours, qui pourra être proposé à tous les logements individuels, sur la base du volontariat, permet de dispo-ser d’une vision globale sur le logement, ainsi que sur les travaux possibles et économiquement pertinents, de ma-nière à déclencher les décisions de travaux de rénovation énergétique adaptés. C’est donc un outil d’aide à la déci-sion pour les ménages et pour les banques qui financeront les travaux. Cette vision dynamique permettra de placer le ménage dans un parcours rénovation.

Le passeport rénovation pourra être financé en tout ou partie par les fournisseurs d’énergie, en contrepartie d’une conversion en CEE. La rémunération de la réalisation de passeports devra être précisée et garantie. Elle devra être adaptée à la mise en œuvre des passeports, faisant l’objet d’un programme spécifique.

Par ailleurs, au-delà de la seule participation financière au dispositif, les fournisseurs d’énergie ont un rôle majeur en

matière d’efficacité énergétique. Interlocuteurs privilégiés des clients, les fournisseurs sont en mesure de traiter les informations relatives aux consommations du ménage, ce qui permet la mise en place de conseils concrets et person-nalisés. Ils seront à même d’accompagner les clients dans leur parcours rénovation, pour le suivi et la maîtrise, dans la durée, des consommations d’énergie.

Concernant l’élaboration du passeport, celui-ci doit être réalisé avec une méthode certifiée et garantissant un prin-cipe d’indépendance dans les préconisations de travaux suggérés. La méthode devra être transparente et garantir le principe de neutralité. Par ailleurs, le coût du passeport devra être faible. Le coût des audits énergétiques est parfois excessif et il ne s’agit pas de créer un nouvel audit énergé-tique à coût élevé, pour garder la logique d’accessibilité aux ménages.

La structuration de la filière de l’efficacité énergétique est pour cela essentielle. La formation des professionnels devra être assurée pour garantir la bonne réalisation des passe-ports. L’adaptation des ressources humaines au volume à réaliser devra être anticipée.

Page 24: Fiches thématique réussir la transition énergétique

12 Fiche La quaLité de La fourniture d’éLectricité

La continuité d’aLimentation

La qualité de la fourniture d’électricité est un élément essentiel pour les consommateurs. Elle est en effet génératrice de valeur et facteur d’attractivité pour les entreprises. Son importance est d’autant plus grande que les nouveaux usages électriques se développent, en particulier les usages liés à l’économie numérique. La société française, et notamment le secteur industriel, est de plus en plus sensible à la qualité de fourniture d’électricité.

La qualité de la fourniture relève de la responsabilité des gestionnaires de réseaux, qui assurent aujourd’hui l’une des meil-leures qualités de fourniture en Europe. Celle-ci peut se mesurer à l’aune de trois critères :• La continuité d’alimentation (l’absence de coupures d’électricité)• La qualité de l’onde électrique (qui est nécessaire au bon fonctionnement des appareils électriques)• La qualité de service (relations avec les gestionnaires de réseaux).

Le principal indicateur pour mesurer la qualité de fourniture d’électricité retenu au niveau international est la durée annuelle moyenne de rupture d’alimentation.

En France, le temps moyen de coupure, hors incidents exceptionnels et coupures programmées pour travaux, d’un client Basse Tension est de 60 minutes. Cela corres-pond à un taux de 99,99 % de disponibilité du service.

Un tel niveau représente une bonne performance en com-paraison avec d’autres pays européens, particulièrement si

on prend en compte la faible densité de population de la France qui a conduit à développer des réseaux étendus et aériens en zones rurales, sensibles aux aléas climatiques.

En Allemagne par exemple, le temps de coupure est de 20 minutes environ, mais la densité de population et le type d’habitat sont très différents, et le coût des réseaux suppor-tés par les utilisateurs est de 50 % plus élevé.

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Danemark Allemagne Pays-Bas Espagne R-Uni France Suède Portugal Italie Républiquetchèque

Pologne

Coupures non planifiées hors évènements exceptionnels

Evènements exceptionnels

Coupures planifiées

Source : Council of European Energy Regulators (CEER)

Temps moyen des coupures de courant en Europe en 2012

Temps moyen d'interruption annuelen minutes

Temps moyen des coupures de courant en Europe en 2012

Page 25: Fiches thématique réussir la transition énergétique

La quaLité de La fourniture d’éLectricité

Les améliorations constatées depuis 20 ans et la stabilité de ces dernières années à un bon niveau de performance tra-duisent l’engagement des gestionnaires de réseaux en matière de qualité de l’électricité et la dynamique de leurs politiques de modernisation, d’exploitation et de maintenance.

Toutefois, la France est exposée aux tempêtes de vent par sa façade Ouest ainsi qu’à des épisodes climatiques de neige « collante ». Ces dernières années sont marquées par une recrudescence des aléas climatiques. En 2013, la moitié du pays, soit un département sur deux, a subi au moins un épi-sode météorologique exceptionnel, et chaque saison a connu ses excès météorologiques, ce qui est rare. Cela se traduit par les « pics » visualisés par la courbe en noir ci-dessus.

Pour limiter les conséquences de ces aléas climatiques, les gestionnaires de réseaux mettent en œuvre des programmes

d’insensibilisation du matériel aux aléas climatiques : pro-gramme d’enfouissement, modernisation des infrastructures, dispositifs de pré-mobilisation afin de faire face aux événe-ments climatiques exceptionnels. Ils poursuivent également des programmes d’amélioration de la sûreté en zones urbaines.

La dynamique d’investissement significative, financée par le TURPE, doit donc être conservée pour maintenir et renforcer le niveau de qualité sur le système électrique français.

La qualité de la fourniture d’électricité en France pourra ainsi continuer à avoir un des meilleurs rapports qualité / prix de l’Union européenne et à contribuer efficacement à la compé-titivité du pays.

La qualité de l’onde électrique est déterminante pour le fonctionnement de nombreux équipements chez les par-ticuliers comme dans les entreprises (notamment infor-matiques). Il convient de s’assurer que les niveaux de per-turbations sur la qualité de l’onde électrique induits par le développement sans précédent des appareils, connectés à des fins de consommation ou de production d’électricité et

utilisant de l’électronique de puissance, restent compatibles avec le bon fonctionnement du système.

Les leviers pour préserver dans la durée la qualité de l’onde pour le bénéfice de tous les utilisateurs sont la limitation des émissions unitaires par la norme et la réglementation.

La qualité de service caractérise la relation entre un utilisateur et son gestionnaire de réseau, ainsi qu’éventuellement son fournisseur : délai de (re)mise en service, délai d’intervention d’urgence, délai de raccordement, notification de coupure programmée, tenue des horaires de rendez-vous, etc.

Il existe dans le tarif d’acheminement un cadre de régula-tion pluriannuelle incitant les gestionnaires de réseaux à améliorer continuellement cette qualité du service rendu aux utilisateurs.

La quaLité du service

La quaLité de L’onde éLectrique : un bien précieux à préserver

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1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010

Temps moyen de coupure toutes causes confondues

Temps moyen de coupure hors RTE et hors événements exceptionnels

Temps moyen de coupure hors travaux

Temps moyen de coupureen minutes

Source : ERDF

Evolution du temps moyen de coupure en France depuis 1980

Evolution du temps moyen de coupure en France depuis 1980

Page 26: Fiches thématique réussir la transition énergétique

Le système électrique français est un atout indéniable sur lequel pourra s’appuyer la politique bas carbone de la France. Il convient de rappeler que le mix de production français est constitué à 90 % d’énergies non carbonées, et que la France est le plus grand pays exportateur d’électricité d’Europe.

13 Fiche Le parc de production éLectrique français

Le mix éLectrique français actueL

La progression des énergies renouveLabLes

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20

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60

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Nucléaire Hydraulique Charbon Fioul Gaz Eolienterrestre

Photovoltaïque Biomasse

63

25

7 9 118

41

Source : RTE

Capacités installéesen GW

Capacités de production électrique installées en France au 1er janvier 2014

Total des capacités installées128 GW

Sur un total de capacités installées d’environ 130 GW, les installations nucléaires en représentent environ la moitié, suivies des capacités thermiques (20 %) et hydrauliques (20 %), et enfin des autres énergies renouvelables (11 %) telles que l’éolien terrestre, le photovoltaïque et la biomasse.

73 %

14 %

8 %

5 %

Nucléaire

Hydraulique

Production totale551 TWh

Décomposition du mix de production d'électricité en France en 2013

Source : RTE, Bilan électrique 2013

Thermique

ENR hors hydraulique

Depuis plusieurs années, les capacités installées d’énergies renouvelables autres qu’hydrauliques augmentent, bien qu’un ralentissement ait été observé au cours des dernières

années. Ces énergies renouvelables représentent 5 % de la production totale d’électricité en 2013, et leur production a augmenté de 8 % entre 2012 et 2013.

0

2

4

6

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14

2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

Capacités installéesen GW

Eolien terrestrePhotovoltaïque

Source : RTE

Evolution des capacités installées de photovoltaïque et d'éolien pour la production d'électricité

12,4 GW

Capacités de production électrique installées en France au 1er janvier 2014

Décomposition du mix de production d’électricité en France en 2013

Evolution des capacités installées de photovoltaïque et d’éolien pour la production d’électricité

Source : RTE

Source : RTE

Au 1er janvier 2014, le parc de production d’électricité en France est composé de la manière suivante :

Cette puissance installée a permis de produire 551 TWh sur l’ensemble de l’année 2013, production qui se décompose de la façon suivante :

Page 27: Fiches thématique réussir la transition énergétique

Le parc de production éLectrique français

une production aujourd’hui très peu carbonée

Le mix électrique français contribue aujourd’hui fortement à la sécurité d’approvisionnement en énergie de la France et à ne pas aggraver davantage son déficit commercial.

La France dispose aujourd’hui, au travers de ces capacités d’interconnexions avec ses voisins, de capacités d’importa-

tions estimées à 9 GW et de capacités d’exportations estimées à 13 GW. En 2013, le solde net des échanges transfrontaliers d’électricité de la France a été exportateur de 47,2 TWh, avec 79,4 TWh exportés et 32,2 TWh importés, ce qui en fait le pays le plus exportateur d’électricité au niveau européen.

La production d’électricité française repose pour près de 90 % sur les moyens de production nucléaires et hydrau-liques, technologies présentant l’avantage, comme pour les autres sources d’énergies renouvelables, de ne pas émettre de gaz à effet de serre. A titre de comparaison, l’électricité allemande ou danoise est beaucoup plus carbonée que celle

produite en France, en raison du recours massif aux moyens de production à base de charbon et de lignite. Ainsi, en dépit d’une puissance installée éolienne et photovoltaïque d’environ 70 GW au total à fin 2013, l’Allemagne a produit son électricité en 2013 pour près de 60 % à partir d’énergies fossiles, dont 45 % à partir de lignite et de charbon.

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00:00 04:00 08:00 12:00 16:00 20:00

x 2,7

Source : RTE

En MW

Evolution de la production éolienne le 28 janvier 2013

2126 MW

5749 MW

Evolution de la production éolienne d'électricité le 28 janvier 2013

Toutefois, l’intégration de ces technologies renouvelables n’est pas sans conséquence sur le système électrique. En effet, la production éolienne et photovoltaïque a la caractéristique d’être intermittente : leur niveau de production est très va-riable selon les conditions climatiques (vent, ensoleillement, nébulosité). En l’absence de conditions favorables, ce niveau peut en effet être très faible. Par exemple, la production pho-tovoltaïque ne contribue pas à la pointe du soir (19 h) en hiver où il fait nuit. La forte variabilité de cette production

nécessite de recourir à d’autres moyens de production pour assurer l’équilibre offre-demande lorsque les conditions cli-matiques sont défavorables.

Les variations rapides de la production fatale peuvent se traduire par des variations importantes des flux sur le réseau et solliciter fortement les moyens d’équilibrage sur l’ensemble du réseau synchrone européen.

Au cours de la journée du 28 janvier 2013, la puissance éolienne produite est passée de 2 400 MW à 5 800 MW entre 11h et 21h.

Solde exportateur net sur l’ensemble de l’année 2013 :

+ 47,2 TWh

La facture énergétique de la France, constituée prin-cipalement des importations de pétrole (51,2 Md€) et de gaz (14,1 Md€), s’est établie à 65,6 Md€ en 2013, en légère baisse par rapport au niveau de 2012 (69 Md€, soit un allégement de 3,3 Md€). La constitution du

mix actuel électrique évite de grever davantage ce défi-cit, les exportations d’électricité permettant d’atténuer le déficit commercial (1,8 Md€ d’excédent commercial généré par le solde exportateur en 2013).

-4

-2

0

2

4

6

8

Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Septembre Octobre Novembre Décembre

En TWhExportations

Importations

Solde exportateur

Source : RTE, eCO2mix

Echanges d'électricité aux frontières de la France pour l'année 2013

Solde exportateur net en 2013+ 47 TWh

Echanges d’électricité aux frontières de la France pour l’année 2013

Sources : RTE, eCO2mix

Source : RTE

un parc de production significativement exportateur

Page 28: Fiches thématique réussir la transition énergétique

La simpLification des procédures administratives

Une adaptation nécessaire des procédUres administratives

Les acteurs du secteur électrique qui développent des projets industriels rencontrent aujourd’hui de nombreuses difficultés pour faire aboutir leurs projets d’ouvrages de transport, de distribution et de production d’électricité : complexité et longueur des procédures administratives en général, multiplicité des autorisations devant être obtenues et des contentieux afférents, mais aussi prise en compte des modifications de la réglementation en cours de procédures d’autorisation. L’objectif du gouvernement a été clairement annoncé : aménager et simplifier les procédures administratives afin que soit assurée la réalisation des projets d’intérêt économique et social tout en facilitant une réelle protection de l’environnement. A cet égard, les expérimentations formulées dans la loi d’habilitation du 2 janvier 2014, ainsi que les démarches lancées dans le cadre des Etats Généraux sur la Modernisation du Droit de l’Environnement constituent une première mais grande avancée.

La transition énergétique française ne pourra en effet réus-sir sans une adaptation des procédures administratives ap-plicables à ces acteurs. Les producteurs d’électricité comme les gestionnaires de réseaux font le constat de délais - s’agis-sant de l’octroi des autorisations puis des éventuels recours contentieux - particulièrement longs et incompatibles avec la politique énergétique de la France. L’enjeu de la transi-tion énergétique est également celui de la politique indus-trielle et de l’emploi : le développement des énergies renou-velables en France, notamment des énergies renouvelables marines, est vecteur de créations d’emplois et de filières françaises d’avenir. La simplification administrative sera un vecteur-clé dans l’atteinte de ces objectifs.

Ainsi, ce ne sont pas moins de 7 à 8 ans qui sont souvent nécessaires avant de pouvoir entamer les premiers travaux d’un parc éolien terrestre ou d’une centrale thermique, et jusqu’à 10 ans entre l’identification du besoin d’une ligne à haute tension et sa construction, dont 8 ans consacrés aux multiples procédures.

Les expérimentations lancées dans sept régions constituent une première étape bienvenue. L’exemple de la transition énergétique allemande montre que l’évolution de la poli-tique énergétique, associée au développement conséquent des énergies renouvelables, ne peut se faire sans une adap-tation et un renforcement substantiels des réseaux élec-triques, tant pour accueillir les nouveaux moyens de pro-duction d’électricité, notamment énergies renouvelables, que pour fluidifier les flux et assurer la solidarité entre les territoires aux échelles locale, régionale et nationale. C’est pour répondre à cet enjeu que le législateur allemand a notamment adopté une loi d’accélération du développe-ment du réseau. Notons que le développement des énergies renouvelables en Allemagne est aujourd’hui plus avancé qu’en France. Il est donc essentiel que la France tire les conséquences de l’expérience allemande et prenne la me-sure des évolutions nécessaires pour le développement des projets d’énergies renouvelables et des réseaux électriques.

des propositions garantissant le niveaU de protection de l’environnement, l’information et la participation dU pUblic

Afin d’être au rendez-vous de la transition énergétique, il apparaît indispensable de simplifier les différentes procé-dures administratives auxquelles sont soumis les projets d’installations et d’ouvrages électriques. Plusieurs proposi-tions sont susceptibles de dynamiser les filières électriques, tout en garantissant le niveau de protection de l’environne-ment, l’information et la participation du public, mais aussi la sécurité des procédures et des ouvrages. Le respect de l’équilibre entre la nécessaire simplification des procédures

et le maintien de garanties environnementales fortes doit être une ligne directrice pour l’ensemble des propositions avancées.

Plusieurs propositions d’évolution doivent être envisagées. Elles s’articulent autour de deux axes de modernisation : simplifier les procédures d’autorisation des projets et sécuri-ser juridiquement les projets d’ouvrages et les ouvrages exis-tants. Parmi ces propositions, il est notamment proposé de :

14 Fiche

Page 29: Fiches thématique réussir la transition énergétique

La simpLification des procédures administratives

• SIMPLIFIER la notion de « programme de travaux » pour rationaliser les délais de réalisation des études d’impact des ouvrages de transport et de production d’électricitéLes projets d’ouvrages de transport et de production d’élec-tricité nécessitent la réalisation d’une étude d’impact avant leur construction, pour garantir la bonne prise en compte dans le projet des enjeux et impacts environnementaux. Afin de tirer les leçons des retards rencontrés par des pro-jets de production électrique, il est nécessaire d’accélé-rer le lancement de ces études d’impact. Or, l’application extensive de la notion de programme défini dans le Code de l’Environnement implique pour les porteurs de projets de réaliser une étude d’impact commune, ce qui suppose qu’ils s’attendent les uns les autres pour pouvoir connaître les incidences de leurs projets, et retarde ainsi considéra-blement leurs opérations respectives. Il est donc souhai-table de circonscrire cette notion de programme, en vue de rationaliser les délais de réalisation des études d’impact pour chaque projet d’ouvrage.

• SIMPLIFIER les procédures administratives rela-tives au réseau de transport en fixant un délai glo-bal de 3 ans ½Les délais observés pour la concertation avec le public puis pour l’instruction des autorisations des ouvrages de transport d’électricité sont aujourd’hui très longs, souvent au-delà de 8 ans. Ces délais ne permettent pas de répondre aux défis liés à la transition énergétique. L’inscription dans la loi d’un délai global maximum encadrant ces procédures permettrait, sans modifier leur teneur, de prévenir la dérive des délais de concertation et d’instruction des projets de développement de réseau.

Il est proposé d’inscrire dans la loi un délai de 3 ans ½ pour encadrer les procédures des projets d’ouvrages du réseau public de transport. Ce délai encadrerait tant la phase de participation du public que l’octroi des autorisations.

• SIMPLIFIER les procédures d’autorisation des projets en mer, grâce à l’autorisation unique La multiplicité des règlementations applicables au dévelop-pement des énergies marines renouvelables et l’absence de coordination entre elles ralentissent le développement de ces projets. Une procédure commune pour tous les pro-jets d’énergie marine renouvelable et de liaisons électriques sous-marines pourrait être créée. Cette procédure abouti-rait à l’adoption d’une autorisation unique par laquelle l’au-torité compétente autoriserait la construction et l’exploita-tion du projet tout en fixant les mesures et prescriptions propres à assurer notamment le respect de l’environne-ment, des biens culturels maritimes et la sécurité publique.

• SECURISER la réalisation des projets en fixant un délai unique de 2 mois pour les recours des tiersLes installations de production d’électricité font l’objet d’autorisations relevant de diverses réglementations (urba-nisme, ICPE1, loi sur l’eau…). Ces autorisations se voient appliquer des délais de recours par les tiers très hétéro-gènes. Cette absence de coordination des délais de recours devient particulièrement pénalisante lorsqu’un même pro-jet d’installation nécessite l’obtention de plusieurs autori-sations (permis de construire et autorisation ICPE, autori-sation loi sur l’eau et convention d’occupation du domaine maritime, par exemple).

De tels délais sont à l’origine d’un renchérissement du coût des projets et créent une incertitude qui pèse sur la situa-tion économique des acteurs du secteur. Il est donc recom-mandé d’harmoniser les différents délais en les alignant sur le délai de recours de droit commun de 2 mois, à compter de la publication de l’autorisation, quelle que soit la déci-sion attaquée.

1 Installations classées pour la Protection de l’Environnement

Page 30: Fiches thématique réussir la transition énergétique

On considère généralement que les ménages consacrant plus de 10 % de leurs ressources pour l’énergie dans leur logement1 sont en situation de précarité énergétique, ce qui représente selon l’Insee 3,8 millions de ménages français en 2012. Par ailleurs, 3,5 millions de personnes déclarent souffrir du froid dans leur logement.

La précarité énergétique résulte essentiellement de la pré-carité économique. En effet, l’Insee estime que 70 % des ménages aux revenus les plus modestes2 sont concernés par la précarité énergétique. Celle-ci prend un relief parti-culier dans un contexte de hausse de la part des dépenses contraintes (loyers, charges, télécommunications, énergie…) dans le budget des ménages au cours des trente dernières années.

La part des dépenses consacrées à l’énergie par les ménages est en effet inégalement répartie selon les niveaux de res-sources, d’autant que les ménages les plus précaires vivent dans les logements les moins performants, ce qui implique un « effort énergétique » plus important3.

De plus, la crise économique qui a débuté à l’été 2008 a pro-gressivement généré une dégradation du pouvoir d’achat des ménages français et accentué les difficultés des plus fragiles.

La précarité énergétique, qui résulte en grande partie de la précarité économique, est une question majeure. Elle concerne à la fois les dépenses liées au logement, mais également au transport. Dans le logement, la précarité énergétique se traduit par des difficultés de paiement des factures d’énergie, mais aussi par des restrictions d’utilisation d’équipements, notamment de chauffage, ce qui est dommageable aux individus. La lutte contre la précarité énergétique nécessite des dispositifs spécifiques, alliant des actions curatives et préventives et visant les différentes énergies utilisées par ces ménages.

15 Fiche

La précarité énergétique

CaraCtéristiques de la préCarité énergétique

1 Les dépenses énergétiques considérées pour définir ce critère sont les suivantes : dépenses de chauffage, éclairage, eau chaude sanitaire et consommation des appareils électroménagers2 Les revenus les plus modestes sont définis par le 1er quintile de revenu.3 L’effort énergétique désigne la part de budget des ménages consacrée à l’énergie dans le logement. Plus le revenu est élevé, plus cet effort décroît.4 Rapport du Groupe de travail sur la Précarité énergétique du 6 janvier 2010, présenté dans le cadre du Plan Bâtiment Grenelle.

Ménages en situation de préCarité énergétique

D’après les statistiques nationales4, les caractéristiques des ménages ayant un taux d’effort énergétique supérieur à 10 % sont les suivantes :• 87 % de ces ménages habitent un logement dans le parc privé ;• 62 % de ces ménages sont propriétaires, dont 90 % habitent une maison individuelle, souvent située en zone rurale ;• 55 % de ces ménages ont plus de 60 ans, se logeant princi-palement dans des maisons anciennes, construites avant 1975.La précarité énergétique touche donc les locataires, mais également, et surtout, pour plus de la moitié des ménages concernés, des propriétaires âgés, vivant en zone rurale.

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1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010

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Source : UFE selon données INSEE

Evolution du PIB et du pouvoir d'achat des ménages

PIB

Pouvoir d'achat des ménages

Evolution du PIB et du pouvoir d’achat des ménages

Page 31: Fiches thématique réussir la transition énergétique

La précarité énergétique

politique de lutte Contre la préCarité énergétique

La précarité énergétique est un phénomène qui nécessite un dispositif adapté et spécifique pour aider les ménages concernés. Il se doit d’associer des actions curatives et des actions préventives, à la fois pour accompagner ces mé-nages pour le paiement de leurs factures d’énergie, mais aussi pour soutenir les efforts d’amélioration de la perfor-mance énergétique de leur logement.

Aujourd’hui, la Tarification Spéciale de l’Electricité (TSE), que propose l’ensemble des fournisseurs aux clients en situation de précarité énergétique, permet de soutenir ces ménages par une déduction forfaitaire imputée sur la fac-ture individuelle. Dans le cadre des travaux relatifs au pro-jet de loi de programmation sur la transition énergétique, le gouvernement a annoncé la possibilité de mettre en place un dispositif de soutien aux ménages en situation de préca-rité énergétique concernant toutes les énergies au-delà des actuels tarifs sociaux de l’électricité et du gaz (TSE et TSS5).

En complément de ces mesures curatives, la politique de lutte contre la précarité énergétique doit également com-prendre des actions préventives. Il s’agit d’accompagner le ménage dans l’amélioration de la performance énergétique de son logement, afin de réduire, en amont, ses consom-mations d’énergie, et donc sa facture d’énergie. Pour ce faire, il est nécessaire de renforcer les programmes de réhabilitation thermique de l’habitat, dédiés aux ménages précaires, pour les logements énergivores. Pour favoriser la réalisation des travaux, le programme nécessite un dis-positif pro-actif, sous pilotage des collectivités territoriales, pour détecter les personnes en situation de précarité et les accompagner dans le montage des dossiers et l’obtention des aides.

5 Tarification spéciale de solidarité (TSS) pour le gaz

Page 32: Fiches thématique réussir la transition énergétique

La France dispose aujourd’hui d’un avantage concurrentiel qu’il est souhaitable de préserver pour la compétitivité de son économie et le pouvoir d’achat des ménages : le prix de son électricité.

Le prix de l’électricité facturé en France présente un double avantage compétitif :

• il est l’un des plus bas des pays de l’OCDE (avantage rela-tif aux autres pays) ;• il est stable dans le temps (voir graphique ci-dessous), alors que le prix des produits pétroliers se montre extrê-mement volatil.

L’électricité vendue en France aux particuliers et aux entreprises est parmi les moins chères d’Europe. Cela lui procure un avan-tage compétitif par rapport aux autres énergies, et lui permet de renforcer l’attractivité du territoire français pour les entreprises. En outre, l’évolution du prix de l’électricité est relativement stable, contrairement aux énergies telles que le pétrole qui sont soumises aux fluctuations des cours internationaux.

16 Fiche Les prix de L’éLectricité français

Les avantages du prix de L’éLectricité en France

comparaison avec Les autres pays de L’ocde

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Prix du pétrole en $ / barilPrix de l'électricité en € / MWh

Source : UFE selon données Insee et SOeS

Comparaison de l'évolution du prix du pétrole et du prix de l'électricité facturé aux entreprises

Prix de l'électricité facturé aux entreprises*

Prix du baril de Brent

* Hors TVA, pour une utilisation moyenne

Que ce soit pour les prix de l’électricité facturés aux entreprises industrielles ou pour ceux facturés aux ménages, la France dispose clairement d’un avantage compétitif par rapport aux autres pays européens. En effet, en 2013, le prix de l’électricité facturé aux entre-prises françaises est en moyenne 25 % inférieur au prix facturé dans l’Union Européenne (et 50 % inférieur au prix allemand).

Cet avantage est encore plus marqué en ce qui concerne l’électricité facturée aux ménages : parmi les pays européens les plus développés, la France se classe au 1er rang pour son prix de l’électricité le plus bas, alors que les consommateurs allemands payent leur électricité le double du consomma-teur français.

Comparaison de l'évolution du prix du pétrole et du prix de l'électricité facturé aux entreprises

Page 33: Fiches thématique réussir la transition énergétique

Les prix de l’électricité français

un atout à préserver La politique énergétique française devra donc veiller à la préservation de cet atout qui rend l’économie fran-çaise attractive auprès des investisseurs internationaux. Le contexte international de plus en plus concurrentiel place la France dans une situation fragile. Elle doit, pour préserver son activité économique, conserver cet atout du

faible prix relatif de son électricité dont bénéficient tous les consommateurs (ménages et entreprises). En outre, le prix compétitif de l’électricité française pourra servir de sup-port à la dynamique de « renaissance industrielle » qu’il est nécessaire de promouvoir pour permettre une transition bas carbone.

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Source : Eurostat

Prix de l’électricité facturé aux entreprises en Europe au 1er semestre 2013

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France

R. Uni

UE 28

Suède

Espagne

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En €/MWh, TTC

Source : Eurostat

Prix de l’électricité facturé aux particuliers en Europe au 1er semestre 2013

147 €/MWh

199 €/MWh

Prix de l’électricité facturé aux entreprises en Europe au 1er semestre 2013

Prix de l’électricité facturé aux particuliers en Europe au 1er semestre 2013

Le prix moyen du kWh français constitue un avantage éco-nomique certain aussi bien pour les ménages que pour les en-treprises. Nettement inférieur au prix observé chez nos voi-sins européens, il est en outre relativement stable, bien loin de la volatilité générée par l’usage des combustibles fossiles.

Cet avantage est en grande partie lié à la structure même du parc de production d’électricité français : en ayant opté

pour un mix électrique reposant fortement sur les techno-logies nucléaire et hydraulique, la France a pu produire son électricité à un coût relativement faible, et surtout stable, ce qui lui permet d’offrir son électricité à des prix bas compa-rés aux autres pays dont les mix de production sont majori-tairement soumis aux évolutions des prix des combustibles fossiles, ou aux coûts élevés des EnR.

Page 34: Fiches thématique réussir la transition énergétique

Depuis que les Etats-Unis ont décidé d’exploiter massivement les gaz et pétrole de schiste sur leur territoire à la fin des années 2000, de nombreuses études d’impact ont présenté des résultats contradictoires sur les conséquences économiques de cette réo-rientation énergétique. Force est de constater que les gaz de schiste ont conduit à un bouleversement du paysage énergétique américain, entraînant des conséquences économiques indéniables tout en renforçant l’indépendance énergétique des Etats-Unis.

17 Fiche

Le rôLe de L’énergie dans La réindustriaLisation américaine

Une compétitivité-prix de l’énergie exacerbée et la réorientation dU mix de prodUction électriqUe

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En Mtep

Source : AIE

Production brute de gaz naturel aux Etats-Unis

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Production brute de gaz naturel aux Etats-UnisL’exploitation des gaz et pétrole de schiste aux Etats-Unis a débuté de façon significative à partir de 2007-2008, dans un contexte de crise économique et de sommets des prix inter-nationaux du pétrole, et elle a pris sa pleine expansion au moment de la catastrophe de Fukushima en 2011. En exploi-tant une nouvelle forme d’énergie, les Américains sont parve-nus à accroître leur indépendance énergétique tout en ayant à disposition une quantité massive d’énergie bon marché.

En ce sens, la chute des prix du gaz naturel aux Etats-Unis est spectaculaire : après le pic enregistré en 2008, le prix du gaz américain s’établit à moins de 4 $/MBtu depuis environ quatre ans (de mi-2010 à aujourd’hui). Le gaz américain est ainsi trois fois moins cher que le gaz européen (aux alentours de 12 $ début 2014) et quatre fois moins cher qu’en Corée du Sud ou au Japon (15 $ environ en 2014).

Le choc d’offre de gaz aux Etats-Unis, lié à l’exploitation des gaz de schiste, a donc incontestablement entraîné une forte baisse de son prix.

Ces gisements de gaz ont permis aux industries directement consommatrices de cette énergie d’accroître leur compétiti-vité-prix, mais ce gaz a également donné lieu à une réorien-tation du mix de production électrique américain. En effet, avec un prix du gaz faible, les coûts variables de produc-

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Charbon Gaz Nucléaire Hydraulique Pétrole EnR hors hydrauliqueSource : EIA

Décomposition du mix de production électrique américain par source d'énergie

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Début de l'exploitation des gaz de schiste

Décomposition du mix de production électrique américain par source d’énergie

tion des centrales à gaz pour la production d’électricité ont considérablement chuté, rendant cette source de production d’électricité très compétitive, au détriment des autres sources traditionnelles, principalement du charbon (voir graphique ci-dessus). Cela a eu pour conséquence la fermeture de plu-sieurs centrales au charbon sur le territoire américain depuis le début de la décennie 2010.

Cette substitution du charbon par le gaz comme source de production d’électricité aux Etats-Unis a entraîné une chute drastique du prix du charbon, ce qui a favorisé son impor-tation massive par l’Europe et l’Asie en particulier.

Page 35: Fiches thématique réussir la transition énergétique

Le rôLe de L’énergie dans La réindustriaLisation américaine

Bien qu’une étude complète et approfondie soit nécessaire pour mesurer l’impact des gaz de schiste sur l’économie américaine1, on peut constater que la période d’extraction des énergies fossiles

de schiste coïncide avec une période de reprise économique aux Etats-Unis, d’une ampleur plus forte que pour les autres grandes puissances économiques, notamment européennes.

conséqUences positives poUr le dynamisme économiqUe américain

1 D’autres éléments non énergétiques ont en effet pu concourir à la reprise économique américaine, notamment la hausse du coût du travail en Chine qui a rendu la main-d’œuvre chinoise moins compétitive.

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Etats-Unis France Allemagne

Source : OCDE

Comparaison de l'évolution annuelle du PIB des Etats-Unis, de la France et de l'Allemagne

En %Comparaison de l’évolution annuelle du PIB des Etats-Unis,

de la France et de l’Allemagne

Enfin, la disponibilité d’une énergie primaire à moindre coût sur le territoire américain a sans doute également permis à un grand nombre d’industries d’alléger leur facture d’éner-gie, tout en favorisant la compétitivité du territoire améri-cain par rapport à d’autres pays, ce qui a pu inciter au retour d’entreprises délocalisées et permis au secteur de la chimie de stopper son déclin. L’impact de l’exploitation des gaz et pétrole de schiste aux Etats-Unis a indéniablement stimulé l’activité industrielle outre-Atlantique, dans un contexte de morosité écono-mique parmi les autres puissances économiques mondiales, en particulier en Europe. Ce dynamisme s’étendrait au-delà

du secteur énergétique seul, puisqu’une énergie peu chère constitue un avantage compétitif majeur pour bon nombre d’industries, en particulier pour les industries énergivores.Au-delà de cet aspect économique, les Etats-Unis ont aussi pu conforter leur position en termes d’indépendance éner-gétique par un moindre recours aux importations d’énergie, à l’inverse de l’Union européenne, celle-ci étant en outre confrontée aux tensions actuelles en Ukraine et aux risques potentiels sur son approvisionnement en gaz depuis la Rus-sie. Les experts estiment ainsi que les Etats-Unis se classent désormais dans les premiers pays au monde en termes d’in-dépendance énergétique.

Le taux de croissance moyen du PIB américain sur la pé-riode post-crise (2010 à 2013) s’est ainsi élevé à près de 2 % avec en parallèle une baisse du taux de chômage dans le secteur industriel de 8 % en 2012 à 6,5 % début 2014 ; tandis que le taux de croissance économique moyen s’est établi à 1 % pour la France et à 1,5 % pour l’Allemagne sur la période 2010-2013.

En termes sectoriels, c’est la production industrielle de biens durables qui semble avoir le plus bénéficié d’un regain d’acti-vité économique outre-Atlantique, en particulier en ce qui concerne l’industrie automobile. On peut également attester d’un lien de causalité fort entre exploitation des gaz de schiste aux Etats-Unis et relance de la production des entreprises du secteur électrique et gazier et de la production industrielle des machines d’extraction d’énergie fossile (gaz et pétrole).

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Biens durables Entreprises du secteur électrique et gazierIndustrie automobile Machines d'extraction de gaz et de pétroleBiens non durables Chimie

Source : Federal Reserve

Indices de production industrielle aux Etats-Unis

Indice base 100 = 2007 Indices de production industrielle aux Etats-Unis

Page 36: Fiches thématique réussir la transition énergétique

Le stockage de l’énergie est multiforme. On peut stocker de l’énergie pour la restituer en mobilité électrique, on peut également stocker de l’énergie sous forme de thermies, d’énergie potentielle… Ces modes de stockage peuvent jouer un rôle important dans le système électrique1. On se focalisera néanmoins ici sur le stockage d’électricité « pour l’électricité », c’est-à-dire pour restitution directe dans le système électrique. Des STEP aux batteries, la gamme des technologies est large.

18 Fiche Les technoLogies du stockage

Le stockage : un Levier d’optimisation de La gestion du système éLectrique

Le rôle « historique » du stockage d’électricité est de stocker pendant les périodes de faible demande (où elle peut être produite à bas coût) pour la restituer aux moments de forts appels de puissance, en évitant alors des coûts de produc-tion plus élevés.

Le stockage est pertinent dès lors que l’ensemble des écono-mies (de coût de production et d’émissions de CO2) qu’il permet de réaliser est supérieur à son coût fixe d’investis-sement et d’exploitation. Il y a donc d’autant plus d’intérêt à développer le stockage que le contraste de coût de l’élec-tricité est élevé entre les périodes de stockage et les pé-riodes de restitution, et d’autre part que le système fait face à des besoins de nouvelles capacités que le stockage peut permettre d’éviter. Le rendement de cette restitution et les « constantes de temps » du stockage qui caractérisent la du-rée pendant laquelle il peut restituer de l’électricité sont donc des facteurs importants de sa performance économique.

Le mix électrique de la France permet de remplir les stoc-kages en bénéficiant d’une électricité peu chère et peu car-bonée lorsque la demande est faible et d’éviter le recours à des technologies de pointe carbonées (centrales au fioul et au gaz notamment) et coûteuses en restituant cette électri-cité pendant les épisodes de forte demande. Les capacités de stockage permettent donc en France de diminuer le coût moyen de production de l’électricité et d’éviter des émissions de CO2. Le parc de Stations de Transfert d’Energie par Pom-page (STEP) est ainsi utilisé en pompant de l’eau pendant la nuit et le week-end vers des réservoirs amont, eau qui est ensuite turbinée à la pointe pendant les jours de la semaine.

La France n’est bien sûr pas un cas à part : les STEP ont logiquement trouvé place dans des systèmes ayant une part importante d’hydraulique et nucléaire (pays scandi-naves, Suisse, Autriche,...). A contrario, là où le mix est très homogène et fossile (exemple du charbon en Pologne), le stockage a peu d’intérêt.

A court terme, en Europe, dans un contexte de surcapacité et de faibles contrastes de prix, il n’y a pas d’intérêt écono-mique à développer de nouvelles STEP ou d’autres moyens de stockage. En particulier, si stocker des kWh de produc-tion renouvelable disponible peut paraître intéressant, leur déstockage ayant une valeur réduite, il ne permet pas de rentabiliser une installation : renoncer à injecter ces kWh sur le réseau est, dans les conditions actuelles, préférable au fait de construire un nouvel ouvrage de stockage.

A moyen-long terme, le suréquipement devrait être ré-sorbé. De nouvelles STEP peuvent retrouver l’intérêt économique exposé précédemment. Dans un système en développement, le prix du CO2 ajoute une valeur supplé-mentaire au stockage, dans la mesure où les kWh stockés sont décarbonés, et que leur déstockage économise des émissions de CO2. Le potentiel de développement reste néanmoins limité, tant côté offre (sites favorables) que côté demande (l’intérêt à réaliser des stockages se réduisant avec la puissance de stockage).

Par ailleurs, si les transferts d’énergie hebdo-journaliers sont le service « historique » majeur que le stockage fournit au sys-tème électrique, il en existe d’autres. On pense ici à des usages de très courte durée comme la contribution à l’équilibrage du système électrique que certaines batteries électrochimiques pourraient fournir (batteries au plomb ou lithium-ion). Tant le progrès sur ces technologies que l’insertion massive des énergies renouvelables intermittentes dans le système élec-trique ont de fait contribué à donner un regain d’intérêt à ces questions avec la croissance des besoins de flexibilité.

On peut également mentionner des applications comme l’alimentation des antennes-relais de télécommunication ou certains foyers isolés et éloignés des centres de consom-mation pour lesquels le raccordement au réseau serait socialement trop coûteux. Là encore le stockage, couplé avec une source de production locale, peut faire sens.

1 Notons ainsi que le stockage thermique est aussi un levier de flexibilité du système en France, avec aujourd'hui un parc de logements résidentiels équipé de 8 millions de ballons chauffe-eau électriques raccordés sur le signal "heure creuse". Ceux-ci offrent ainsi une modularité de puissance de 8 GW et une capacité de stockage de 60 GWh à un coût faible. La réglementation thermique 2012 introduit progressivement dans le parc résidentiel neuf, le chauffe-eau thermodynamique, à la fois plus performant d'un point de vue énergétique et moins performant en termes de capacité de stockage du fait d'une consommation d'énergie d'électricité réduite.

Page 37: Fiches thématique réussir la transition énergétique

Les technoLogies de stockage

Les technoLogies en présence

Les différentes technologies de stockage sont caractérisées par une puissance typique (du MW au GW), une énergie stockée (du kWh au GWh), une durée de vie (de quelques années à plusieurs décennies), ainsi que par une maturité technologique et un coût. Les principales technologies de stockage existantes sont les suivantes :• Les Stations de Transfert d’Energie par Pompage (STEP)• Le stockage par air comprimé (CAES2)• Le stockage par l’hydrogène • Les volants d’inertie• Les batteries

Actuellement, seule la technologie des STEP est mature3. Le principe des STEP consiste à pomper de l’eau dans un bassin supérieur pour stocker l’électricité, et à turbiner pour la réinjec-ter dans le réseau. Il en existe 4,3 GW4 en France aujourd’hui. Si le potentiel géographique de STEP n’est pas encore complè-tement exploité en France, il est relativement limité en termes économiques du fait de coûts d’investissements élevés.

Le CAES (air comprimé) est une technologie d’avenir dont les caractéristiques économiques (taille, puissance, capacité de stockage...) ressemblent à celles des STEP. Mais elle n’est pas mature. Son développement reste conditionné par des efforts de R&D, la réalisation de démonstrateurs (allant au-delà des deux seuls ouvrages existants dans le monde en Allemagne et aux Etats-Unis), et la disponibilité de sites de stockage.

Les autres technologies nécessitent davantage d’efforts de RD&D (Recherche, Démonstration & Développement), notamment sur la chimie des batteries. Les technologies non matures peuvent cependant être compétitives pour certaines applications. Ainsi, les batteries, dont les coûts sont encore trop élevés s’il faut les dimensionner pour four-nir des services de transfert d’énergie, peuvent être adaptées et économiques pour des applications de « flexibilité » (ges-tion des « réserves », certains services « système » tels que la tenue de fréquence) ou pour des applications isolées du réseau électrique.

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Stockage par air comprimé

La taille des sphères est proportionnelle à la capacité de stockage de la technologie

Les caractéristiques des technologies du stockage

* L'énergie est stockée sous forme d'énergie cinétique par la rotation d'un disque lourd.

Le graphique illustre l’état ac-tuel des technologies en termes de coûts par kW5, de gamme de puissance (taille des bulles) et de réactivité.

On remarque qu’à part les STEP, le stockage par air comprimé et l’hydrogène sont aujourd’hui les deux technologies de stockage les plus prometteuses.

Les caractéristiques des technologies du stockage

2 Compressed Air Energy Storage3 Il est certes possible d’espérer des progrès marginaux sur les rendements, mais ceux-ci sont déjà de l’ordre de 80 %.4 Puissance de pompage 5 Les batteries, les volants d’inertie et l’hydrogène pourraient connaitre des évolutions significatives en termes de coûts.

stockage d’éLectricité et stockage d’énergie

Selon la technologie de stockage, l’utilité pour le système électrique diffère. Certaines technologies stockent de l’électricité pour restituer ultérieurement de l’électricité, comme le stockage par air comprimé ou par pompage (les STEP). D’autres, comme la production d’hydrogène par électrolyse, permettent de stocker de l’énergie électrique sous une autre forme (l’hydrogène) destinée ensuite à se substituer à des énergies fossiles dans d’autres usages. Ainsi, l’hydrogène produit par électrolyse constitue un vecteur de substitution de consommations d’énergies fossiles par de la consommation d’électricité.

Page 38: Fiches thématique réussir la transition énergétique

19 Fiche Les premiers enseignements de L’energiewende

L’EnErgiEwEndE : unE poLitiquE ambitiEusE

dEs résuLtats coûtEux Et partiELs

La transition énergétique allemande a été véritablement lancée au début des années 2000, mettant en avant la sor-tie du nucléaire et le développement des EnR. En 2010, le gouvernement avait annoncé une prolongation de l’exploi-tation du parc nucléaire mais au lendemain de Fukushima

une partie du parc est arrêtée et l’échéance initiale de sortie du nucléaire en 2022 est réaffirmée. Les objectifs de la transition ont été précisés :

L’Allemagne a amorcé sa transition énergétique depuis une quinzaine d’années, et l’a renforcée après l’accident de Fukushima de mars 2011. La pénétration des EnR dans le système électrique est très rapide, et cette vitesse de transformation du système crée des difficultés croissantes. La réussite de l’Energiewende reste une incertitude, notamment s’agissant de la réduction des émissions de CO2.

L’Energiewende est une politique énergétique très ambi-tieuse puisqu’elle a pour vocation de modifier l’ensemble de la chaîne de valeur du système énergétique. Comme l’indique

son nom, il s’agit pour l’Allemagne d’un véritable tournant au cours duquel elle devra relever un certain nombre de défis.

Les résultats sont visibles : les EnR ont assuré en 2013 près de 24 % de la production d’électricité, et le système électrique a su jusque-là intégrer ces nouveaux flux et faire face au retrait du nucléaire.

Mais les difficultés, croissantes, sont tout autant visibles, à commencer par les coûts de la transition : les consomma-teurs d’électricité supportent, en 2014, 23 Md€ de soutien aux EnR, en acquittant une contribution de 62,4 €/MWh sur leur facture. Ce montant, qui a été multiplié par 3 entre 2010 et 2013, dépasse le prix de la fourniture de l’électricité en Allemagne. Si les prix de gros se sont effondrés, seule la grande industrie a pu en profiter, tandis que PME et parti-culiers connaissent des factures très élevées : 300 €/MWh TTC pour ces derniers, soit le double du prix en France.

Les difficultés techniques sont, elles aussi, conséquentes : les nouveaux flux électriques sont marqués par la forte intermittence des EnR et par une localisation des moyens de production, notamment éolienne, qui tend à s’éloigner des lieux de consommation (cf carte).

Réacteurs touchés par le moratoire

Réacteurs toujours en service

3400 MW concernés par le moratoire

90% des 27 GW d’éolien installés

5000 MW concernés par le moratoire

80% des 17 GW de PV installés

Objectifs de l'Energiewende à 2050

Emissions de CO2 - Réduire de 80 % à 95 % les émissions de CO2 par rapport à 1990

Consommation d'énergie

- Réduire la consommation d'énergie primaire de 50 % rapport à 2008

- Réduire la consommation d'électricité de 25 % rapport à 2008

Production d'énergie- Augmenter la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute à 60 %

- Augmenter la part des énergies renouvelables dans la production brute à 80 %

- Sortir du nucléaire d'ici à 2022

Page 39: Fiches thématique réussir la transition énergétique

Les premiers enseignements de L’energiewende

Un pari industriel qui reste difficile : l’Energiewende est également pour l’Allemagne, un moyen de se positionner avant d’autres pays sur des technologies nouvelles et sur de futurs flux d’exportations. Mais c’est un pari risqué, comme en témoigne l’aventure du photovoltaïque qui s’est en définitive soldée par une succession de faillites, sous la pression de la concurrence asiatique.

L’Allemagne, forte de sa puissance industrielle et financière, poursuit ses efforts d’investissement en R&D et cherche à développer de nouvelles filières : stockage, électrolyse, hydrogène... Le succès de ces différentes filières reste toutefois très incertain.

Cela constitue une contre-performance en termes d’émissions de CO2 : malgré le développement des EnR et des programmes d’efficacité énergétique ambitieux, le secteur électrique reste à ce jour fortement émetteur. Si la montée des EnR a compensé le retrait du nucléaire, la place du charbon et du lignite est res-tée inchangée à 290 TWh en 2013 comme en 2000.

Dans le même temps, les programmes d’efficacité énergé-tique ne produisent pas les résultats attendus sur la consom-mation, en particulier pour le logement où le rythme de rénovation reste inférieur à 1 %/an alors que l’objectif visé était de 2 %/an.

Les coûts de la transition vont continuer à augmenter pour le système électrique allemand : coût des EnR, coût des réseaux. La nouvelle loi dite « EEG 2.0 » ne devrait affecter qu’à la marge les tendances observées, en cherchant à limiter le rythme de cette augmentation. Comme obser-vé depuis 2000, la disparition de la production nucléaire d’ici 2022 devrait être compensée par la montée des EnR, laissant au charbon et au lignite peu ou prou la place qu’ils occupent aujourd’hui. La question de la diminution des émissions de CO2 reste donc entière.

dEs pErspEctivEs incErtainEs

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2011 2012

802 MtCO2 815 MtCO2

Emissions de CO2 en Allemagne en 2011 et en 2012

Source : BP statistical review 2013

En Mt CO2 Emissions de CO2 en Allemagne en 2011 et en 2012

Il en résulte un besoin d’adaptation des réseaux considérable. L’Allemagne annonce un coût d’adaptation d’une soixan-taine de milliards d’euros sur les 10 prochaines années : 20 Md€ pour les réseaux très haute tension Nord-Sud, 20 Md€ pour le raccordement des parcs éoliens offshore, 20 Md€ pour l’adaptation des réseaux de distribution.

De plus, l’Allemagne rencontre des difficultés du fait des oppositions locales pour réaliser les corridors Nord-Sud qui sont de plus en plus indispensables.

Malgré le développment des EnR, les émissions de CO2 se sont accrues de 13 Mt en 2012.

Page 40: Fiches thématique réussir la transition énergétique

La Comparaison des situations énergétiques de La FranCe et de L’aLLemagne

Structure et évolution de la conSommation d’énergie

La consommation d’énergie finale est plus élevée en Allemagne qu’en France, aussi bien en valeur absolue que rapportée au nombre d’habitants ou à la valeur de la richesse créée. En moyenne sur la période 1990-2012, l’Allemagne consomme 1,5 fois le volume d’énergie consommé par la France (221 Mtep en 2012 contre 152). Cette situation est historique et structurelle du fait d’une part, d’une popula-tion plus élevée1, et d’autre part, d’une contribution au PIB de l’industrie supérieure (26 % en Allemagne contre 12,5 % en France en 2012).

Si l’on s’intéresse plus précisément aux différentes énergies consommées dans chacun des deux pays, on constate que la répartition de la consommation par énergie est assez proche :

Décomposition de la consommation finale d'énergie en Allemagne en 2011

Source : Commission Européenne

Pétrole39 %

EnRt11 %

Electricité22 %

Gaz23 %

Charbon5 %

Origine sectorielle de la consommation finale d'énergie en Allemagne en 2011

Source : Commission Européenne

Industrie29 %

Tertiaire14 %

Résidentiel26 %

Transports30 %

Autres1 %

Agriculture0 %

Décomposition de la consommation finale d'énergie en France en 2011

Source : Commission Européenne

Pétrole44 %

EnRt10 %

Electricité25 %

Gaz18 %

Charbon3 %

Origine sectorielle de la consommation finale d'énergie en France en 2011

Source : Commission Européenne

Industrie21 %

Tertiaire14 % Résidentiel

25 %

Transports34 %

Autres4 %

Agriculture3 %

Décomposition de la consommation finale d’énergie en Allemagne en 2011

Origine sectorielle de la consommation finale d’énergie en Allemagne en 2011

Décomposition de la consommation finale d’énergie en France en 2011

Origine sectorielle de la consommation finale d’énergie en France en 2011

1 80,5 millions d’habitants en 2013 en Allemagne contre 65,6 millions en France.

L’intérêt d’une coopération franco-allemande dans le secteur de l’énergie est souvent mis en avant sur la place médiatique. En mettant en perspective les situations énergétiques des deux pays, on constate que, bien que la France et l’Allemagne connaissent des situations énergétiques et en particulier électriques très distinctes, les deux pays n’en partagent pas moins certains défis majeurs dans le domaine de l’énergie.

Les énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) représentent 67 % de la consommation totale d’énergie finale en Allemagne en 2012, contre 66 % en France ; tandis que la part de l’électricité est plus élevée en France qu’en Allemagne (respectivement 24 % et 21 %). Toutefois, comme souligné dans la partie suivante, l’énergie primaire mobilisée pour produire cette électricité est sensiblement différente entre les deux pays.

La répartition de cette consommation par secteur met en évidence une part de la consommation de l’industrie dans la consommation totale d’énergie plus importante en Allemagne qu’en France, reflet d’une industrialisation allemande plus importante.

Source : Commission Européenne

Source : Commission Européenne

Source : Commission Européenne

Source : Commission Européenne

20Fiche

Page 41: Fiches thématique réussir la transition énergétique

La comparaison des situations énergétiques de la France et de l’allemagne

Concernant la structure de la production électrique, les choix historiques français et allemand ont conduit à dessiner des mix de production électriques contrastés entre les deux pays :

• Alors que la France a choisi d’orienter son appareil de pro-duction électrique vers la technologie nucléaire dès les an-nées 1970 et de conforter ce choix, l’Allemagne a développé le nucléaire dans des proportions moindres et a privilégié les moyens utilisant les sources domestiques de production fos-siles (61 % de son mix électrique en 2013), en particulier le charbon et le lignite, dont elle dispose en abondance ; • En Allemagne, à côté du parc nucléaire développé dans les années 1970 et 1980 et appelé à fermer d’ici 2022, le gaz, en

grande majorité importé, est venu plus récemment complé-ter ce mix. En outre, le charbon, dont le prix est aujourd’hui très compétitif, reprend une place significative dans le mix de production électrique allemand. De son côté, la France dispose de ressources et de moyens de production hydrau-liques (14 % du mix de production électrique en 2013), alors que l’Allemagne en est moins bien dotée ;

• Plus récemment, depuis la fin des années 2000, l’Alle-magne a fait le choix de développer massivement les tech-nologies renouvelables de production électrique : bio-masse, photovoltaïque et éolien, qui ont représenté en 2013 20 % de sa production d’énergie électrique (12 % pour les seuls éolien et photovoltaïque).

Structure et évolution de la production d’électricité

La part des énergies renouvelables dans le mix de production électrique est relativement proche entre les deux pays : 23 % en Allemagne et 19 % en France. Toutefois, le poids des énergies carbonées est nettement plus conséquent en Allemagne qu’en France, notamment suite à la décision allemande de fermer des centrales nucléaires, intervenue dès 2011. En effet, malgré le développement parallèle des capacités EnR, les prix très faibles du charbon ont conduit à une forte production d’électricité à partir de cette source d’énergie outre-Rhin. En dépit de ces mix de production électrique différents, la sécurité d’alimentation électrique demeure un enjeu majeur pour les deux pays à moyen-long terme. Le développement

de nouvelles capacités de production d’électricité, notam-ment d’énergies renouvelables, combiné à la crise économique et son impact sur la demande d’électricité, ont conduit à une situation de surcapacité de production d’électricité en Europe. Mais cette électricité n’est pas disponible en permanence et la question de la sécurité d’alimentation reste un sujet de préoc-cupation : la France est surtout soucieuse de disposer à terme de suffisamment de capacité installée, tandis que l’Allemagne fait face à cette même préoccupation dans le sud de son ter-ritoire. Les besoins de flexibilité vont également en croissant dans les deux pays pour faire face en particulier à l’intermit-tence de la production issue des énergies renouvelables.

La différence de structure des appareils de production d’éner-gie - et en particulier d’électricité – se reflète dans les émissions de dioxyde de carbone (CO2) des parcs de production élec-trique : en 2011, le contenu CO2 moyen d’un kWh d’électricité est près de huit fois plus élevé en Allemagne qu’en France.

Cet écart se retrouve lorsqu’on compare les émissions to-tales de GES des deux pays en 2011 : la France a émis près de deux fois moins de gaz à effet de serre que l’Allemagne. Les deux pays se sont engagés dans une lutte contre les émissions de GES, en adoptant un objectif de division par quatre de ces émissions à horizon 2050 (objectif dit « Fac-teur 4 »). Mais partant d’une situation de départ très dif-férenciée, les deux pays ont adopté des rythmes distincts :

• l’Allemagne s’est fixée pour objectif une réduction de 40 % de ses GES dès 2020 par rapport à leur niveau de 1990 ;

• la France s’est fixée une réduction de 40 % de ses émis-sions de GES en 2030 par rapport à leur niveau de 1990.

Alors que l’Allemagne dispose encore de marges de ma-nœuvre pour rendre son mix de production électrique moins carboné, la France se trouve déjà dans une situation où la production d’électricité est très faiblement carbonée. Pour réduire drastiquement ses émissions de GES, la France devra alors concentrer ses efforts sur les secteurs les plus émetteurs, en priorité le transport et le chauffage au fioul. En outre, les deux pays ne seront pas soumis aux mêmes contraintes énergétiques à long terme, notamment en ce qui concerne la demande d’énergie : alors que le dynamisme démogra-phique français va augmenter la demande d’énergie dans les prochaines années, la population allemande décline et conti-nuera de décliner, ce qui in fine réduira mécaniquement la consommation énergétique des ménages outre-Rhin.

conSéquenceS en termeS d’émiSSionS de geS

Décomposition des sources de la production d'électricité en Allemagne en 2013

Source : AGEB

Biomasse8 %

Nucléaire15 %

Charbon45 %

Hydraulique 3 %

Autres EnR 12 %

Fioul 1 %

Gaz15 %

Décomposition des sources de la production d'électricité en France en 2013

Source : RTE

1 % Fioul

Nucléaire73 %

4 % Charbon

14 % Hydraulique

4 % Autres EnR1 % Biomasse

4 % Gaz

Décomposition des sources de la production d'électricité en Allemagne en 2013

Décomposition des sources de la production d'électricité en France en 2013

Page 42: Fiches thématique réussir la transition énergétique

21 Fiche La stratégie bas carbone du royaume-uni

Un objectif clair

La nécessité de construire près de 35 GW de nouvelles capa-cités de production électrique pour remplacer les tranches charbon et nucléaire installées dans les années 1970 et le renversement, depuis le milieu des années 2000, de la position nette exportatrice d’hydrocarbures du pays, ont conduit les autorités britanniques à revoir en profondeur la politique énergétique nationale. Depuis l’adoption en 2008 du Climate Change act, celle-ci vise désormais, à titre prin-cipal, une réduction des émissions de CO2 de 34 % d’ici à 2020, et de 80 % d’ici à 20501. Elle vise également à limiter

la dépendance aux importations pour renforcer la sécurité d’approvisionnement, et à promouvoir les mécanismes de marché, afin de préserver la compétitivité de l’offre énergé-tique pour les entreprises et les ménages.

Pour atteindre ces objectifs, le gouvernement a décidé de privilégier une approche globale, en agissant sur la consommation et la production d’énergie sous toutes ses formes. Concernant la consommation, il s’agit d’encoura-ger le développement des usages climatiquement vertueux et de réaliser par ailleurs des efforts pour améliorer l’inten-sité énergétique du pays. Tous les secteurs économiques seront concernés par ces efforts. A terme, en 2030, il est même prévu que 50 % des économies d’énergie soient réa-lisées dans le secteur des transports.

Dans le domaine de la production d’énergie, les pouvoirs publics entendent là encore orienter les investissements vers les sources énergétiques les moins carbonées.

Une chose est sûre, tant du point de vue de la production que du point de vue de la consommation, le secteur élec-trique est amené à jouer un rôle considérable dans la réus-site de cette stratégie bas carbone.

Le Royaume-Uni est, derrière l’Allemagne, le deuxième Etat-membre de l’Union Européenne le plus émetteur de CO2 (472 Mt contre 728 Mt en Allemagne en 2012). Initialement peu enclines à s’investir dans la lutte contre le changement clima-tique, les autorités britanniques se sont finalement engagées, dans la foulée de la publication du rapport Stern (2006), à réduire de près de 80 %, d’ici à 2050, les émissions de CO2 du pays. Pour y parvenir, les pouvoirs publics ont choisi de bâtir une politique énergétique nouvelle, centrée sur la poursuite d’un unique objectif : la réduction des émissions de CO2 de l’économie nationale.

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2050118 Mt CO2

2012474 Mt CO2

Source : Department of Energy & Climate Change(Ministère de l'Energie et du Changement Climatique britannique)

En Mt CO2

Evolution et objectif de réduction des émissions de CO2 au Royaume-Uni

1990591 Mt CO2

Un moyen efficace : l’électrification des Usages

En effet, le développement du secteur électrique, dès lors qu’il repose sur un mix de production faiblement carboné, constitue un moyen idéal pour atteindre cette cible clima-tique ambitieuse. C’est la raison pour laquelle le gouverne-ment britannique en a fait l’un des piliers de son objectif de décarbonation. Du côté de la production, la montée en puissance des technologies bas carbone (nucléaire et EnR, avec un rôle privilégié pour l’éolien) sera fortement encouragée.

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Energie annuelle produite En TWh

Evolution prévisionnelle du mix électrique du Royaume-Uni

Autres EnR

Eolien offshore

Eolien onshore

Nucléaire

Thermique avec CCS

Thermique sans CCS

Source : Scénario prospectif 2013 de Nationalgrid(Gestionnaire du Réseau de Transport britannqiue)

Evolution prévisionnelle du mix électrique du Royaume-Uni

Evolution et objectif de réduction des émissions de CO2 au Royaume-Uni

1 Toutes ces évolutions sont calculées par rapport au niveau des émissions en 1990.

Page 43: Fiches thématique réussir la transition énergétique

La stratégie bas carbone du royaume-uni

Une politiqUe ambitieUse

Du côté des usages énergétiques, les transferts d’usages au profit de l’électricité seront encouragés dans le transport et la production de chaleur. En 2050, la part de l’électri-cité dans le chauffage devrait ainsi atteindre 30 % (contre 10 % aujourd’hui) grâce notamment au développement des pompes à chaleur. Dans les transports, il est prévu, à cette même échéance, que les véhicules électriques et hybrides représenteront 90 % du parc total des véhicules individuels.

Ainsi, contrairement à ce qui s’observe dans d’autres Etats-membres, l’objectif n’est pas de réduire la demande d’électricité mais au contraire d’en favoriser la pénétration dans l’économie. D’ailleurs, si l’on en croit les projections nationales, cette consommation devrait presque avoir doublé en 2050.

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2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050

Décarbonation de l'économie et augmentation de la consommation d'électricité au Royaume-Uni

Source : Scénario prospectif 2013 de Nationalgrid

Consommation d'électricité en TWhEmissions de CO2 en MtCO2

Consommation totale d'électricité

Emissions totales de CO2

Le succès d’une telle politique est bien sûr conditionné à l’implication des acteurs privés. Conscient de cet enjeu, le gouvernement britannique a su faire preuve de pragma-tisme en menant à bien, en 2013, une réforme ambitieuse de l’architecture du marché de l’énergie (promulgation le 18 décembre 2013 de l’Energy Act). Cette réforme vise à ga-rantir aux acteurs privés la visibilité dont ils ont besoin pour engager les milliards d’investissement attendus. Au nombre des principales mesures adoptées figurent notamment :

• la mise en place d’un prix-plancher du CO2 afin de pallier la faiblesse du prix sur l’ETS, la trajectoire de ce prix-plancher devant permettre d’atteindre un prix de la tonne de CO2 de 35 € en 2020 et de 85 € en 2030 ;

• l’instauration de contrats de long terme garantissant une rémunération stable pour tous les investissements dans des centrales électriques faiblement émettrices de CO2 : contract for differences pour les EnR, le nucléaire, et les centrales équi-pées d’un dispositif de captage et de stockage du CO2 (CCS); feed-in-tariff pour les petites installations EnR ;

• la création d’un mécanisme de capacité pour les techno-logies non éligibles aux contrats pour différence ;

• l’édiction de normes d’émissions plafonnées à 450 gCO2/kWh pour les centrales thermiques, ce qui condamne le charbon conventionnel hors CCS ;

• le lancement du programme « green deal » qui encoura-gera les mesures d’efficacité énergétique et soutiendra les investissements visant à limiter les effets du renchérisse-ment attendu des prix de détail de l’énergie. Une « green bank » à dotation publique aura pour mission de soutenir financièrement ce programme.

Par ailleurs, dans un souci de simplicité et d’efficacité, la conduite de la politique énergétique a été confiée à une administration unique, le Department of Energy and Climate Change, créée à cet effet en 2008. Celui-ci est assis-té dans sa tâche par le régulateur en charge de l’électricité et du gaz outre-Manche, l’Ofgem, qui s’est vu confirmé dans sa fonction de surveillance des marchés.

Aussi économiquement et écologiquement vertueuse que soit cette politique, son succès n’est toutefois pas assuré. Le principal élément d’incertitude tient à l’acceptabilité sociale de son coût, qui pourrait s’avérer élevé si les écono-mies d’énergie se révélaient insuffisantes pour compenser la hausse des prix aux consommateurs finals. Ce sujet est d’autant plus sensible outre-Manche, que la question de la précarité énergétique figure parmi les préoccupations principales de l’opinion publique britannique.

Décarbonation de l'économie et augmentation de la consommation d'électricité au Royaume-Uni

Page 44: Fiches thématique réussir la transition énergétique

Le développement des énergies renouvelables variables, en particulier solaires et éoliennes, rend cet équilibrage plus complexe. En effet, ces énergies dépendent directement des conditions météorologiques : elles sont donc aléatoires et difficiles à prévoir. De plus, elles sont « fatales », c’est-à-dire que leur production n’est aujourd’hui pas programmable et doit être évacuée lorsqu’elle survient. La production photovoltaïque est, par exemple, cyclique (alternance jour / nuit), elle peut aussi varier fortement d’un jour à l’autre en fonction de l’ensoleillement, tout comme la production éolienne selon les conditions de vent. Ces va-riations de production peuvent donc être significatives. Le graphique ci-contre montre un exemple de l’ampleur des variations de ces productions.

Ces variations de production sont en partie prévisibles. En effet, l’erreur de prévision de la production éolienne française pour le lendemain est, en moyenne, assez faible. Cependant, certaines erreurs de prévision peuvent être im-portantes, même si celles-ci ne surviennent que rarement, si bien que des situations extrêmes peuvent se présenter. En effet, malgré les trois régimes de vent français qui per-mettent un certain foisonnement, le niveau de la produc-tion éolienne nationale peut, en quelques heures, doubler ou tripler, ou au contraire chuter à près de zéro.

Ainsi, plus il y a de capacités de production d’EnR variables installées, plus le système électrique doit être en mesure de faire face à des variations d’envergure et à des situations ex-trêmes (surproduction d’EnR par rapport à la demande, ou au contraire production d’EnR très faible devant être com-pensée par des centrales programmables en « back-up » pour satisfaire la demande). Ces situations sont partiellement pré-visibles, mais leur existence nécessite des leviers de flexibilité.

Par conséquent, l’insertion dans le système électrique d’un volume important et croissant d’EnR, dont la production est variable impose le maintien de capacités de « back-up » pour les épisodes de faible production et une meilleure flexibilité du système électrique.

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01/08/2013 02/08/2013 03/08/2013 04/08/2013 05/08/2013

Production photovoltaïque

Production éolienne

Productionen MW

Source : RTE

Evolution de la production fatale d'électricité du 01/08/2013 au 05/08/2013

22 Fiche

Les enjeux des enR vaRiabLes pouR Le système éLectRique

Les enjeux des enR vaRiabLes

En raison des propriétés physiques de l’électricité, l’équilibre entre la production et la consommation d’électricité doit être ri-goureusement maintenu, sous peine d’effondrement du système électrique. Aussi, la demande variant au cours de la journée, de la semaine et de l’année, le parc de production doit répondre à ces variations par la modification de la puissance, l’arrêt ou la mise en marche de moyens de production. Cet ajustement peut être opéré sur des centrales situées sur le territoire national ou situées dans des pays voisins en donnant lieu dans ce cas à des échanges d’énergie avec ces pays voisins. La flexibilité de la demande concourt également à cet équilibrage.

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15/01/2013 16/01/2013 17/01/2013 18/01/2013

Production photovoltaïque Production éolienne Consommation

Production en GW

Production éolienne très inférieure à la moyenne

0,9 GW

Source : RTE

Pic de consommation annuel92,8 GW

Production photovoltaïque nulle

0 GW

Consommationen GW

Niveau de la production fatale d'électricité lors du pic de consommation annuel de 2013

Niveau de la production fatale d’électricité lors du pic de consommation annuel de 2013

Evolution de la production fatale d'électricité du 01/08/2013 au 05/08/2013

Page 45: Fiches thématique réussir la transition énergétique

L’enjeu du foisonnement et du déveLoppement Réseau Le foisonnement des productions renouvelables variables s’améliore quand on les observe sur une zone géographique élargie. Ainsi, l’existence de différents régimes de vents et l’ensoleillement glissant sur plusieurs latitudes permettent de mutualiser les productions éoliennes et photovoltaïques, sous réserve toutefois de l’existence d’un réseau électrique suffisant pour transporter cette production. Cependant, même à l’échelle de l’Europe, le phénomène du foisonne-ment ne conduit pas à une production régulière. En effet, la production reste aléatoire et il existe des périodes très peu ventées et des périodes de très faible ensoleillement, et ce, sur l’ensemble de l’Europe.

Renforcer les interconnexions européennes permet de réaliser plus d’échanges et ainsi de faciliter l’évacuation et l’utilisation des productions renouvelables. Les déve-loppements des interconnexions doivent toutefois rester économiquement efficaces dans l’intérêt final des consom-mateurs. Il importe donc de s’assurer que les arbitrages aux frontières qu’ils permettent de réaliser, notamment en exploitant mieux le foisonnement de la production renou-velable, dégagent des économies de coûts de production supérieures aux coûts des infrastructures : construire des infrastructures afin de pouvoir évacuer la production 100 % du temps serait économiquement déraisonnable.

L’adaptation du paRc de pRoduction

Le développement de capacités de production EnR va-riable exige le maintien de capacités de « back-up » pour garantir la sécurité d’alimentation électrique. Ces capa-cités programmables doivent aussi être flexibles pour ré-pondre rapidement aux situations imprévues. Dans le cas français, la présence importante de moyens hydrauliques sert de fait de « back-up » en-deçà d’un certain seuil de développement des EnR, mais doit être complétée par des moyens thermiques au-delà. Si l’insertion d’EnR se fait de manière massive, la nécessité de disposer de ces capacités de « back-up » aura un coût pour la collectivité.

Le piLotage des enR en situation de suRpRoduction

Un levier d’ajustement dans des situations de surproduc-tion en période creuse peut être d’écrêter la production des énergies fatales, en arrêtant certaines installations. Le cadre actuel de soutien des énergies renouvelables n’est pas adapté à un tel fonctionnement car il incite les producteurs d’EnR à produire le plus possible, indépendamment de la situation du système. Ce cadre doit donc évoluer afin que le fonctionnement des EnR s’intègre efficacement dans le système électrique et que leur production soit pilotée, afin de pouvoir être interrompue en situation de surproduction.

Le besoin de mieux géReR La demande

Un autre levier possible est d’agir sur la consommation d’électricité : une demande d’électricité plus réactive per-mettrait de déplacer la consommation vers les périodes où le coût marginal est le plus faible comme la nuit ou comme lors d’épisodes de forte production des énergies renouve-lables variables.

La gestion de la demande nécessite des signaux de prix incitatifs et sera dynamisée par le développement des réseaux de distribution intelligents. La gestion de la de-mande contribuera plus fortement à la gestion du système donc à la fois grâce à l’innovation dans les réseaux, dans les usages de l’électricité et dans leur pilotage (via l’effacement par exemple), dans l’accès simultané à plusieurs marchés (énergie, services systèmes, capacité…) et par la voie régle-mentaire. Mais ces développements ont un coût qui devra rester inférieur aux bénéfices procurés pour être économi-quement efficaces. Ils impliquent également d’assumer une politique de prix élevés à la pointe lorsque les coûts sont les plus importants afin de véhiculer des signaux de prix incitatifs.

Le développement des EnR variables modifie le fonction-nement du système électrique. Leurs productions sont variables, partiellement prévisibles et ne surviennent pas toujours aux moments les plus opportuns. Le stockage de l’électricité n’étant pas économique pour l’instant, le système électrique doit donc s’adapter pour les intégrer de la façon la plus efficace possible (écrêtement des EnR en situation de surproduction, développement de moyens programmables en back-up, développements des réseaux, pilotage de la demande). Cette adaptation a dans tous les cas un coût, qui croît avec le développement des EnR. Elle doit se faire au moindre coût pour la collectivité, en agis-sant à tous les niveaux de la chaîne de valeur du système électrique, ce qui nécessite encore d’importantes innova-tions, notamment au niveau des réseaux, de la gestion de la demande et de l’architecture de marché associée.

Les LevieRs d’intégRation des enR vaRiabLes

Les enjeux des enR vaRiabLes pouR Le système éLectRique

Page 46: Fiches thématique réussir la transition énergétique

23 Fiche

Les bénéfices de L’interconnexion européenne

Le besoin croissant de nouveLLes capacités d’interconnexions

L’interconnexion des réseaux de transport d’électricité per-met aux systèmes électriques d’échanger de l’énergie entre eux. Ces échanges sont bénéfiques à triple titre.

Les interconnexions permettent une assistance mu-tueLLe entre systèmes éLectriques. Lorsqu’un système doit faire face à l’indisponibilité fortuite d’un groupe de production ou à un appel de demande extrême, les inter-connexions permettent une réponse collective. En mutua-lisant les ressources et les réserves, les interconnexions per-mettent d’assurer la sûreté des systèmes à moindre coût.

Les interconnexions permettent de minimiser Le coût de production du système interconnecté. Les arbitrages éco-nomiques réalisés via les marchés de gros, et notamment par les couplages de marché, permettent d’optimiser les échanges transfrontaliers car ils permettent de mobiliser la ressource disponible la plus compétitive.

en permettant d’optimiser L’utiLisation des moyens de production de manière transfrontaLière, les intercon-nexions entraînent une diminution des besoins de capacité installée nécessaire à sécuriser l’alimentation en électricité.

Les interconnexions contribuent ainsi à améliorer l’effica-cité économique du système électrique tant que leurs coûts de construction ne sont pas plus importants que les béné-fices engendrés1. Les plus grands bénéfices peuvent être attendus pour les interconnexions reliant des systèmes avec des écarts de prix importants, comme celles reliant la Grande-Bretagne à la France, ou les interconnexions reliant des systèmes aux ressources complémentaires, comme celles entre l’Allemagne - où la production inter-mittente est importante - et la Suède, qui dispose d’impor-tantes ressources hydrauliques programmables.

La France n’est pas une île électrique : 111,6 milliards de kWh ont été échangés en 2013 avec nos partenaires européens, dont près de 80 milliards à l’export. Les échanges aux frontières permettent de minimiser les coûts de production de l’électricité tout en assurant la sécurité des systèmes électriques interconnectés. Selon l’ENTSO-E, l’association des gestionnaires de réseau de transport d’électricité européens, le développement de capacités d’interconnexions en Europe est économiquement pertinent à de nombreuses frontières. Les gestionnaires de réseau doivent cependant faire face à un certain nombre de défis dans les projets de développement de nouvelles lignes d’interconnexion.

1 En effet, plus des systèmes sont interconnectés, moins l’ajout d’une nouvelle capacité d’interconnexion engendrera de bénéfices. Il y a donc un arbitrage à réaliser entre les gains procurés par une interconnexion supplémentaire et le coût de l’interconnexion.

Source : UFE selon ENTSOE

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En import En exportSource : RTE

Pas horaires pour lesquels l'interconnexion France-Allemagne est saturée en J-1

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Les bénéfices de L’interconnexion européenne

Les gestionnaires de réseau doivent faire face à de nom-breux défis dans les projets de développement de nouvelles lignes d’interconnexion.

des défis économiques : la situation de surcapacité de production en Europe, liée à la fois aux conséquences de la crise sur la demande et au développement massif des re-nouvelables sans lien avec les besoins du système, a limité la fréquence des situations de prix extrêmes, et par la même occasion l’ampleur des différences de prix entre systèmes électriques4. L’intérêt économique des interconnexions se trouve donc transitoirement amoindri. La valorisation de la contribution des interconnexions à la sécurité d’appro-visionnement n’est pas révélée aujourd’hui en Europe dans des marchés « energy only », qui révèlent mal le prix de la sécurité d’alimentation. Les enjeux de réduction des émis-sions de CO2 devraient également dynamiser le dévelop-pement de certaines interconnexions mais le signal de prix du carbone reste trop faible.

des défis d’acceptabiLité sociétaLe : le développement des interconnexions est freiné par le manque d’accep-tabilité des populations subissant les désagréments des projets. Les phénomènes sociétaux de type NIMBY (Not In My BackYard) ont contribué à la longueur de la procédure (14 années de négociations) pour la construction de l’inter-connexion entre la France et l’Espagne, et à des coûts 7 fois supérieurs aux prévisions initiales.

des défis administratifs : en Europe, le développement des interconnexions est également freiné par la longueur des délais d’instruction administrative. La réglementation française est particulièrement restrictive puisque les seuils de soumission aux études d’impact des projets publics et privés sur l’environnement qui s’appliquent en France sont beaucoup plus contraignants que ceux retenus par les di-rectives européennes5.

et parfois, des défis techniques : la construction de lignes haute tension dans les zones maritimes ou monta-gneuses entraîne de véritables défis techniques, à l’instar de l’interconnexion entre la France et l’Espagne, creusée sous la chaîne montagneuse des Pyrénées, ou des projets d’interconnexions sous-marines. Ces défis techniques se traduisent le plus souvent par des coûts importants ce qui renvoie au défi de l’efficacité économique du développe-ment des interconnexions.

des barrières à Lever

2 En effet, l’Allemagne, dont les prix de gros sont significativement inférieurs aux prix français, est désormais structurellement exportatrice vers la France. Cela résulte de la conjonction d’une baisse importante des prix du CO2 et du charbon et de volumes de production EnR très importants.3 Association européenne des réseaux de transport d’électricité4 Selon l’ENTSO-E, 75 % des projets d’interconnexion actuels ont pour motivation principale la gestion des risques que fait peser sur le système le développement des énergies renouvelables variables.5 Notamment la Directive 85/337/CEE du 27 juin 1985

Les interconnexions vont dans le sens de l’intégration européenne, car elles introduisent plus de compétition économique entre les systèmes électriques. Le principe est simple : une inter-connexion permet à un pays dont l’électricité est peu chère de l’offrir sur le marché d’un pays voisin où elle sera retenue

jusqu’à égalisation des prix de marché de gros ou saturation des interconnexions. Les écarts de prix entre deux systèmes électriques reflètent ainsi les situations où la capacité d’inter-connexion est saturée.

Les prix de gros étaient identiques en France et en Allemagne 45 % du temps en 2013, ce qui signifie que les capacités d’interconnexion étaient saturées 52 % du temps. Le nombre de ces situations s’accroît avec le dévelop-pement des énergies renouvelables variables2 et conjonctu-rellement avec la compétitivité du charbon allemand. Dans ces conditions, de nouvelles capacités d’interconnexions seraient économiquement pertinentes et donc souhai-tables. L’ENTSO-E3 a estimé en 2013 que la construction de 46,6 GW d’interconnexions supplémentaires est économi-quement pertinente à horizon 2023 en Union Européenne.

Les interconnexions : une condition de réussite du marché unique européen

Pas horaires pour lesquels l'interconnexion France-Allemagne est saturée en J-1

Page 48: Fiches thématique réussir la transition énergétique

L’Union Européenne s’était fixé en 2008 des objectifs « 3x20 » pour l’horizon 2020 en matière de CO2, d’énergies renouve-lables et d’efficacité énergétique. Or, la situation actuelle du marché de l’électricité en Europe a mis en exergue un aspect for-tement interdépendant, initialement sous‐estimé, de ces objectifs. Il en résulte que, globalement, la politique Energie‐Climat de l’Union Européenne est aujourd’hui engagée dans une impasse.

24 Fiche

L’incohérence des poLitiques énergétiques et cLimatiques européennes

Un « PaqUet energie-Climat » : 3 objeCtifs à l’horizon 2020

L’Union Européenne s’est fixé 3 objectifs majeurs, définis dans le Paquet législatif Energie-Climat, adopté en 2008, et déclinés au niveau français.

La transposition au niveau français de ces objectifs a été déclinée comme suit :

1 Le Paquet Energie-Climat a confirmé l’objectif de réduction de 20 % des émissions de CO2 de l’Europe à l’horizon 2020 à travers deux outils : un système d’échanges de quotas d’émissions de CO2 pour certains secteurs (industrie, électricité notamment) appelé ETS « Emission Trading System », et un objectif de réduction globale pour d’autres secteurs (transports, bâtiment…).

Energie Objectifs de l'UE "3x20" Objectifs déclinés pour la France

Gaz à Effet de Serre (GES)

-20 % d'émissions de GES en 2020 par

rapport à 1990

-21 % par rapport à 2005 pour les

secteurs soumis à ETS

Participation des entreprises des

secteurs ETS au marché de permis

-14 % d'émissions par rapport à 1990

pour les autres secteurs (hors ETS)

Energies renouvelables (EnR)

20 % d'EnR dans la consommation finale

d'énergie en 2020

23 % d'EnR dans la consommation finale

d'énergie en France en 2020

Efficacité Energétique

20 % d'économies d'énergie en 2030

20 % d'économies d'énergie en 2020

(soit une consommation finale de

1500 TWh en 2020)

Des DysfonCtionnements et Des inCohérenCes majeUrs

L’Europe a probablement sous-estimé, au départ, la difficulté intrinsèque qu’il y avait à atteindre simultanément les trois objectifs qui avaient été fixés pour l’horizon 2020 en matière de CO2, d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique.

Cette difficulté a été aggravée par les dysfonctionnements causés par le manque de cohérence et de convergence dans leur mise en œuvre entre :

• La mise en place des « 3 x 20 » ;

• Le système européen d’échange de quotas d’émissions de CO2 ;

• La construction du marché unique de l’énergie.

Divers effets contreproductifs d’une politique sur l’autre peuvent en effet être constatés.

Les mesures d’efficacité énergétique et le développement des EnR électriques ont engendré une baisse des émissions de CO2 qui n’a pas été suffisamment prise en compte dans la définition initiale de l’objectif « -20 % CO2 » du Paquet Energie-Climat.

Cela a eu un effet dépressif sur le prix du CO2, ce qui a accru encore la compétitivité des centrales thermiques au charbon et au lignite par rapport aux centrales à cycle combiné gaz, pourtant plus performantes en termes d’émissions de CO2.

Ce phénomène, aggravé par la crise économique et par la baisse de la consommation d’électricité, a entrainé un excé-dent de quotas sur le marché carbone, et une chute du prix du CO2 (entre 3 et 5 € la tonne).

Page 49: Fiches thématique réussir la transition énergétique

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2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

Les émissions de 2005

sont rendues publiques

Surplus non transférables

en phase 2

Annonce des objectifs EU ETS

pour 2020

Crise économique et financière

Nouvel équilibre dans un contextede reprise molle

Crise de la dette et dégradation

des perspectives économiques de croissance

32 €/tCO2

Prix du CO2en €/tCO2

Sources : Chaire économie du climat selon données Bluenext et ICE

3 €/tCO2

Le prix profondément déprimé du CO2, fixé par le marché EU-ETS, contredit les ambitions de la politique Energie-Climat de l’Union Européenne. Ce prix est actuellement d’environ 5 €/tCO2, alors qu’il dépassait 30 €/t en 2008, année où a été adopté le Paquet Energie-Climat.

25 Fiche Les dysfonctionnements du marché européen du co2

Un prix dU co2 trop bas

Le marché ETS permettant aux acteurs de faire des arbi-trages entre périodes, ce prix n’est pas un simple signal de court terme, il intègre les anticipations de long terme des acteurs.

Un tel niveau de prix ne déclenche aucun investissement dans les technologies bas carbone, et encourage l’utili-sation maximale en Europe des capacités existantes de production d’électricité à base de lignite ou charbon : on le constate en 2013 comme en 2012.

On peut noter que le bas prix du CO2 et la baisse du prix du charbon sont des facteurs importants qui expliquent la hausse des exportations d’électricité de l’Allemagne en Europe, deuxième exportateur derrière la France en 2013. Ainsi, les productions à base de charbon et lignite, souvent disponibles du fait des surcapacités, s’imposent dès qu’elles entrent en concurrence avec les cycles combinés gaz des pays voisins.

La trajectoire d’offre de quotas a été fixée par l’UE avant la crise économique, et traduisait sa volonté et son engagement de baisser ses émissions. Mais la demande de quotas, c’est-à-dire le niveau d’émissions, a subi les effets de la crise et notamment une baisse prononcée de l’activité de la grande industrie : la crise conduit les émissions à un niveau infé-rieur à celui attendu lors de l’engagement européen. L’offre de quotas excédant la demande, le prix du CO2 s’est effondré.

A cet effet premier de la crise, s’ajoutent les effets des poli-tiques de soutien aux EnR ou d’efficacité énergétique, mal pris en compte lors de la définition des objectifs CO2 : celles-ci effaçant des quantités supplémentaires d’émissions de CO2, le déséquilibre entre offre et demande s’accroît, tirant encore plus le prix du CO2 vers le bas.

Dans ce contexte, tout effort supplémentaire de réduction des émissions déprime le prix du CO2 et encourage en retour les technologies ou les installations très émettrices.

Le prix de la tonne de CO2 depuis 2005

Page 50: Fiches thématique réussir la transition énergétique

Les dysfonctionnements du marché européen du co2

ets : Un instrUment-clé vers Une économie bas carbone

Une réforme strUctUrelle indispensable

Il constitue en effet, dans son principe, un bon mécanisme pour accompagner la réduction des émissions de CO2 et faciliter la transition vers une économie bas carbone au moindre coût. Le marché incite à choisir les actions les plus efficaces, rentables au regard du prix de marché, alors qu’un pilotage par plusieurs objectifs, particulièrement s’ils sont contraignants, conduit à effectuer des investissements qui peuvent être très coûteux à la tonne d’émission évitée.

On voit aujourd’hui dans certains pays des mesures, avec des coûts implicites de plusieurs centaines d’euros par tonne de CO2 évitée, alors que, par exemple, le recours aux cycles combinés gaz plutôt qu’aux centrales charbon se jus-tifie dès que le prix est de 50 à 60 €/tCO2.

Pour être efficace, le mécanisme ETS doit d’une part, offrir un niveau suffisant d’incitations pour investir dans des ac-

tifs peu ou pas carbonés ; et d’autre part, assurer cette inci-tation dans la durée, car les investissements dans le secteur électrique relèvent de choix de long terme.

Les propositions publiées par la Commission Européenne en janvier 2014, qui plaident pour la fixation d’un objectif européen contraignant de 40 % de réduction des émissions de CO2 à l’horizon 2030, constituent un premier pas enga-geant pour donner aux acteurs la visibilité de long terme dont ils ont besoin pour investir. C’est pourquoi la France doit impérativement pousser l’adoption officielle de cet ob-jectif de long terme par l’Union Européenne. Par ailleurs, en complément de la fixation d’un objectif unique, contrai-gnant et ambitieux à l’horizon 2030, le mécanisme ETS doit encore être réajusté et renforcé par des mesures structurelles profondes.

Dans ce cadre, il importe de mettre en œuvre une véritable réforme structurelle du mécanisme, afin d’en assurer la sta-bilité et l’efficacité à long terme :

• Une mesure ponctuelle et rapidement opérationnelle de court terme a déjà été prise : l’ajustement immédiat (backloading) de l’offre de quotas, indispensable pour affi-cher la mobilisation européenne sur le mécanisme ETS ;• Une mesure de plus long terme doit suivre : la gestion dynamique de l’offre de quotas, qui consisterait en l’ajuste-ment, plus ou moins automatique, de cette offre en fonc-tion de critères à définir.

Structurellement, le marché ETS repose sur une offre de quotas déterminée au préalable et qui demeure fixe sur l’ensemble de la période (pour la phase 3 jusqu’en juin 2020). En revanche, la demande varie plus rapidement et en fonction de plusieurs facteurs (les objectifs de réduc-tion des émissions de CO2 assignés par voie règlementaire, les autres politiques publiques présentant des interactions avec la réduction des émissions de CO2, l’environnement macro-économique).

Ces règles de fonctionnement du système ETS sont aujourd’hui trop rigides et devraient être adaptées afin de permettre un pilotage plus fin du système. Il est donc nécessaire de s’orienter vers une gestion plus dynamique de l’offre. La Commission Européenne a proposé une réserve de stabilisation des prix : il faut s’assurer que le mécanisme proposé a la puissance suffisante (réactivité, volumes,…) pour corriger les défauts constatés. Il n’est pas certain que ses effets soient rapides. En outre, elle s’attaque au symptôme et non au mal, qui est la faible efficacité carbone de nombreuses actions de politique énergétique. Par ailleurs, le Royaume-Uni a développé une autre approche, en fixant un prix-plancher du CO2 (carbon price floor) et une trajectoire de référence, à laquelle il convient de rester attentif. L’ensemble des options pour une réforme ambi-tieuse à plus long terme nécessitent d’être étudiées. Il faudra, dans ces réflexions, veiller à protéger des effets d’un prix du CO2 plus élevé qu’aujourd’hui la partie de l’industrie européenne qui pourrait se trouver pénalisée face à la concurrence mondiale.

Page 51: Fiches thématique réussir la transition énergétique

Dans un contexte de crise économique profonde et d’excès d’offre, la poursuite du développement des EnR induit une baisse des prix de gros de l’électricité : les actifs existants peinent de plus en plus à recouvrer leurs coûts, avec des acteurs conduits à s’en délester définitivement ou temporairement pour tenter d’endiguer leurs pertes. Dans le même temps, le marché de l’éner-gie n’envoie pas un signal de prix susceptible de déclencher les décisions d’investissements répondant aux enjeux de sécurité d’alimentation à moyen terme. Sans correction visant à compléter le signal de prix énergie, il en va à terme de la sécurité d’approvisionnement de l’Europe.

La situation des utiLities européennes

Un secteUr soUmis à de profondes mUtations

Des décisions structurantes pour les marchés de l’énergie ont été prises ces 20 dernières années en Europe :

• Le passage d’un régime monopolistique à un régime de mar-ché ouvert afin de construire un marché intérieur intégré ;

• L’adoption du paquet énergie-climat dit du « 3x20 » : -20 % d’émissions de GES, 20 % d’EnR, +20 % d’efficacité énergétique d’ici 2020, et mise en place d’un marché du CO2 (ETS) ;

• La redéfinition par les Etats-membres de leur politique énergétique nationale, à travers leur « transition énergétique », devant induire à long terme une modification en profondeur de leurs mix et modes de consommation énergétiques. Le secteur électrique est un des piliers essentiels de ces politiques et les acteurs qui le composent seront appelés à participer directement au financement des investissements attendus pour atteindre les objectifs.

Or, force est de constater que l’Europe est entrée dans une crise de la régulation des marchés électriques qui va s’approfondissant compte tenu de la discordance entre une politique européenne conçue dans les années 2000 et mise en œuvre dans les années 2010.

La crise économique profonde, qui n’a pas été anticipée, a induit un choc significatif de demande qui ne retrouvera probablement son niveau d’avant-crise que dans la fin de la décennie, alors qu’une hausse sensible de demande était initialement attendue. Dans le même temps, les capaci-tés de production EnR se sont significativement dévelop-pées, parfois à un rythme mal contrôlé, compte tenu des politiques de soutien mises en œuvre par les Etats pour atteindre leurs objectifs EnR, le plus souvent fondées sur des tarifs d’achat.

1 Le terme utilities est un terme anglais qui désigne les entreprises de services à la collectivité comme la production et la distribution de l’eau, de gaz et d’électricité.

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Valeur moyenne annuelle Indice base 100 en 2005

EDF

GDF SUEZ

RWE

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Source : Cotations publiques

Evolution de la cotation boursière des utilities en France et en Allemagne

Evolution de la cotation boursière des utilities1 en France et en Allemagne

malgré la sortie de crise économiqUe, les principales entreprises de l’énergie ont vU leUr cotation boUrsière perdre 50 % de leUr valeUr de 2009 à 2013.

26 Fiche

Page 52: Fiches thématique réussir la transition énergétique

La situation des utiLities européennes

Une crise de la régUlation

des prix de détail déconnectés des prix de gros

des sitUations diffèrentes d’Un marché à l’aUtre

Une visibilité indispensable poUr les acteUrs

Des conséquences majeures en résultent pour les utilities européennes :

• Une situation de surcapacité globale s’est installée avec le renouvellement et le développement de moyens ther-miques conventionnels entamés dans la première moitié des années 2000 sans que ni la crise, ni le rythme de déve-loppement des EnR, n’aient pu être anticipés.

• Des impacts significatifs sont constatés sur les prix puisque les volumes importants de production EnR réduisent les besoins de production thermique. Comme par ailleurs les prix bas du charbon et du CO2 repoussent le gaz après le charbon dans l’ordre de mérite, les moyens gaz sont évincés au profit du charbon.

Il en résulte une baisse tendancielle des prix de gros et un écrasement des écarts de prix entre base et pointe. Le développement massif d’EnR subventionnées conduit

ainsi à un double effet dépressif sur les moyens conven-tionnels : de moindres prix collectés moins d’heures dans l’année induisent mécaniquement une difficulté croissante pour ces derniers à couvrir leurs coûts fixes.

L’afflux des EnR sur les marchés de gros combiné à la compé-titivité de la production à partir de charbon (du fait des prix bas du charbon et du CO2) conduisent au constat inattendu d’un développement soutenu des EnR qui s’accompagne dans certains pays d’une hausse des émissions de CO2.

C’est donc dans une situation particulièrement critique, dont l’évolution est très incertaine, que se retrouvent aujourd’hui les utilities européennes : à court terme, la ré-munération de leurs actifs conventionnels n’est pas assurée par le niveau atteint par les prix de gros. A long terme, les incitations à investir pour assurer le renouvellement des parcs et la sécurité d’approvisionnement sont inexistantes.

Partout où leur développement a été mal contrôlé, les EnR ont généré des surcoûts croissants pour la collecti-vité : ils sont estimés à 23 Md€ en Allemagne, à plus de 11 Md€ en Italie, à 3 Md€ en France tandis que le déficit tarifaire espagnol2 cumulé fin 2013 atteint 30 Md€ dont

4 pour cette seule année. En Allemagne, ce surcoût est su-périeur à la valeur « marché » de l’ensemble des 600 TWh qui y consommés. Ces surcoûts, associés à ceux de la nécessaire adaptation des réseaux, accroissent la facture du consomma-teur et le découplage avec les prix de gros qui s’effondrent.

• En Allemagne, les opérateurs historiques sont fortement affectés : ils constatent une forte baisse de la rentabilité de leurs actifs conventionnels et sont conduits à mettre sous cocon ou à déclasser des centrales à gaz, même récentes.

• En Italie, malgré les prix les plus élevés d’Europe, les ac-tifs ne couvrent pas non plus leurs coûts.

• En Espagne, la rémunération des actifs est également problématique tandis que de nouvelles règles de fixation du prix au client final pourraient encore aggraver la situation.

• Au Royaume-Uni, la situation s’avère moins tendue pour les acteurs que pour le système du fait d’un moindre dé-veloppement des EnR, mais les autorités sont conscientes que sans réforme de l’architecture de marché, les enjeux du renouvellement du parc qui se posent dès maintenant ne pourront être relevés.

Le manque de visibilité pour les acteurs et les fortes incerti-tudes qui pèsent sur le secteur ne sont pas compatibles avec l’horizon de décision d’investissements des acteurs dans des ac-tifs aux temps de développement et aux durées de vie très longs.

Le système électrique européen a subi ces 5 dernières années une mutation durable et appelée à se poursuivre du fait du développement des EnR : de nouveaux investisseurs, à côté des utilities, sont apparus pour participer à ces transformations.

Mais le système électrique ne pourra avant longtemps s’af-franchir du besoin en moyens de base et en réseaux, cœur de métier des utilities historiques : leur disparition, qui n’est pas exclue dans certains Etats-membres, pourrait induire

une profonde déstabilisation de la compétence industrielle et éroder la surface financière des acteurs, pourtant indis-pensables à la compétitivité future des systèmes électriques.

Alors que les opérateurs européens sont conduits dans les conditions actuelles du marché à mettre en sommeil, voire à fermer de manière anticipée, certaines centrales, y compris récentes, la question des incitations aux investis-sements futurs reste essentielle, et avec elle celle des enjeux de la sécurité d’approvisionnement dans des conditions compétitives. Les réflexions récentes sur la mise en place de mécanismes de capacité, dans plusieurs Etats, et notam-ment en France, doivent être poursuivies et encouragées.

2 Le déficit tarifaire espagnol tient à la différence entre les recettes collectées par le système pour recouvrer l’ensemble de ses coûts « régulés » (réseaux, subventions aux EnR, annuité de la dette passée, etc.) et le coût effectivement supporté. Malgré les tentatives du gouvernement d’endiguer le flux de dette future (moratoire en vigueur depuis janvier 2012 sur toutes les nouvelles instal-lations) et de réduire le coût de son stock (mesures visant à reprendre rétroactivement une partie des subventions passées), le déficit continue de se creuser du fait du rétrécissement de l’assiette des recettes (baisse de la demande) et de la baisse des prix de gros plus importante que prévue.

Page 53: Fiches thématique réussir la transition énergétique

L’évoLution des prix de gros et des prix de détaiL de L’éLectricité

L’évoLution des composantes du prix de L’éLectricité

L’analyse de l’évolution du prix de détail nécessite d’exami-ner ses trois composantes : • La fourniture d’énergie (la production et la commerciali-sation de l’électricité),• L’acheminement de l’électricité (par les réseaux de trans-port et de distribution),• Les taxes ou équivalents (financement du soutien aux EnR, TVA, taxes locales et autres taxes diverses).Le développement important des énergies renouvelables (éolien et photovoltaïque notamment) dans de nombreux pays européens, à un rythme notablement supérieur aux besoins du système électrique, conjugué aux effets de la crise économique sur la consommation provoque un su-réquipement en capacités de production. Ces situations, combinées aux prix bas du charbon et du CO2, expliquent une dépréciation des prix de gros de l’électricité. Ainsi, la

part énergie du prix de détail de l’électricité diminue en Europe partout où elle est dirigée par les prix de marché.

Le développement de ces capacités renouvelables résulte d’une politique publique de soutien qui engendre un coût. Ce coût est répercuté sur les factures des consommateurs d’électricité via la fiscalité dans la part « taxes » du prix de détail. En France, ce coût est répercuté dans la Contribu-tion au Service Public de l’Electricité (CSPE1), et en Alle-magne dans la contribution sur les énergies renouvelables « Erneuerbare-Energien-Gesetz » (EEG-Umlage).

Il est à noter que cette baisse des prix de gros éloigne un peu plus les filières qui ont besoin d’être soutenues de la compétitivité. Elle se traduit par un renchérissement des charges de service public, qui sont essentiellement réper-cutées sur les petits et moyens consommateurs.

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Instabilité des prix liée à la crise

Source : EEX

Baisse des prix de grosdepuis 2011

Evolution des prix de gros de l'électricité en France depuis 2005

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En €/MWh

Source : Eurostat

Augmentation des prix de détaildepuis 2010

Prix moyen de l'électricité pour consommateurs domestiques dans l'Union Européenne

Prix moyen de l'électricité pour les consommateurs particuliers dans l'Union Européenne

Evolution des prix de gros de l'électricité en France depuis 2005

1 La CSPE permet également de financer la péréquation tarifaire et les dispositions sociales liées à la précarité énergétique.

Depuis 2010, on observe en Europe que l’évolution des prix de détail de l’électricité ne suit plus celle des prix de gros. Ces derniers ont atteint leur niveau le plus bas observé en France depuis 2005, alors que les prix de détail ont évolué continûment à la hausse.

Source : EEX Source : Eurostat

27 Fiche

Page 54: Fiches thématique réussir la transition énergétique

L’évoLution des prix de gros et des prix de détaiL de L’éLectricité

Dans les deux pays, ces contributions ont subi des hausses importantes. En Allemagne, l’EEG-Umlage est passée de 13,1 €/MWh en 2009 à 62,4 €/MWh en 2014, soit une multiplication par 5 environ. En France, la CSPE est passée 4,5 €/MWh en 2010 à 16,5 €/MWh le 1er janvier 2014, essentiellement du fait de la croissance du besoin de finan-cement du soutien aux énergies renouvelables.

En sus du coût du soutien aux énergies renouvelables, l’introduction des EnR nécessite le développement, l’adaptation et le renforcement des réseaux de transport et de distribution d’électricité. Ainsi, ENTSO-E estime que

50 % à 75 % des renforcements ou développements du réseau de transport européen à réaliser dans les dix années à venir auront pour but de permettre l’intégration des énergies renouvelables intermittentes3. En Europe, la part de l’acheminement de l’électricité a augmenté de plus de 20 % entre 2008 et 2013.

De façon générale, malgré la baisse de la part énergie liée à l’évolution des prix de gros, les petits consommateurs européens ont vu leur prix de l’électricité augmenter principalement en raison de la hausse des coûts du soutien aux EnR et des coûts des réseaux.

3 Ten Year Network Development Plan 2012, ENTSOE

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20

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2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014

3,5 Md€

22 Md€

En Md€

Part EnR dans CSPE

Contribution EEG

Source : CRE, BDEW

Evolution du coût du soutien aux énergies renouvelables en France et en AllemagneEvolution du soutien aux énergies renouvelables en France et en Allemagne

Sources : CRE, BDEW

Page 55: Fiches thématique réussir la transition énergétique

28 Fiche

Un signal CO2 fOrt pOUr la baisse dU reCOUrs aU CharbOn

Le charbon et Le gaz deux énergies substituabLes

un prix du charbon pLus compétitif que ceLui du gaz

En Europe, 27 % de l’électricité est produite à partir de charbon, contre 19 % à partir de gaz1. Le charbon2 est d’ailleurs la source d’énergie la plus utilisée en Allemagne dans la production d’électricité (46 %), malgré le dévelop-pement important de capacités de production d’origine renouvelable.

Et pourtant, le charbon est l’énergie la plus émettrice de CO2.

Au total, le secteur électrique est responsable de plus du tiers des émissions de CO2 européennes. Les objectifs de réduc-tion des émissions CO2 passent donc par la réduction des émissions du système électrique européen. L’introduction d’une valeur carbone dans l’économie européenne a pour ob-jectif de donner un signal incitatif aux investissements dans les technologies bas carbone. Dans le système électrique, cela doit rendre possible la substitution du charbon par des éner-gies comme le gaz, qui émet deux fois moins de CO2 et dont l’intérêt pour le système électrique est équivalent.

Or, la tendance récente est défavorable aux objectifs de décarbonation. Ainsi, en Europe, la production d’électri-cité à partir de charbon a augmenté de 6,4 % entre 2011 et 20123, tandis que celle de gaz baissait de 16,2 %. La prin-cipale raison de cette prédominance du charbon sur le gaz est d’ordre économique.

1 Source : Eurostat2 Houille et lignite inclus3 Source : Eurostat, dernières données disponibles

L’évolution relative des prix des énergies permet de comprendre pourquoi les centrales à charbon sont, avec un prix du CO2 déprimé, de plus en plus compétitives par rapport aux cen-trales à gaz, ce qui va à l’encontre d’une stratégie bas carbone.

0

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20

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30

35

2011 2012 2013 2014

En €/MWh

Gaz

Charbon

Source : UFE selon données ICE

Evolution des cours du gaz et du charbon en EuropeEvolution des cours du gaz et du charbon en Europe

Les centrales au charbon et au gaz sont des moyens de production d’électricité de base et de semi-base. Ces deux technologies sont substituables et peuvent remplir un rôle similaire dans le fonctionnement du système électrique. Alors que la production d’électricité à partir de charbon est deux fois plus émettrice que celle à partir de gaz, les conditions économiques de marché actuelles sont très favorables à l’utilisation du charbon. Un signal prix du CO2 fort est ainsi nécessaire à la diminution du recours au charbon dans la production d’électricité.

Depuis 2006, les prix du charbon sur les marchés mon-diaux ont chuté de 67 %, passant de 240 $/t à 80 $/t, tandis que les prix du gaz sont relativement stables en Europe.L’évolution à la baisse du prix du charbon en Europe s’ex-plique par des chocs à la fois sur l’offre et sur la demande :

• L’offre de charbon est accrue par l’exploitation de nou-velles ressources de charbons sub-bitumineux ;

• La demande de charbon est moins dynamique dans les pays émergents, en particulier en Chine, en lien avec le ra-lentissement économique, et a diminué aux Etats-Unis, en raison du développement des gaz de schiste, provoquant une hausse des exportations de charbon vers l’Europe.

Concernant le gaz naturel, l’exploitation croissante des gaz de schiste américains n’a pas entraîné de baisse des prix importante en Europe.

Energie Contenu CO2

Charbon 0,8 tCO2 / MWh

Gaz 0,4 tCO2 / MWh

Nucléaire 0,0 tCO2 / MWh

Page 56: Fiches thématique réussir la transition énergétique

Un signal co2 fort poUr la baisse dU recoUrs aU charbon

La nécessité d’un signaL-prix du co2 fort

L’introduction d’un signal carbone conduit au dévelop-pement et à l’utilisation de l’énergie la moins émettrice de CO2. Plus l’écart entre les prix du charbon et du gaz s’accentue, plus le signal carbone doit être important pour

permettre la substitution du charbon par le gaz dans l’ex-ploitation des moyens existants, ce qui est illustré dans le graphique suivant.

Dans les conditions actuelles du marché, il faudrait un signal prix du CO2 compris entre 50 et 60 €/tCO2 pour rendre l’utilisation des CCGT existantes à nouveau com-pétitives par rapport aux centrales charbon existantes4.

Or, comme le montre le graphique suivant, le signal prix du CO2 européen n’a jamais dépassé les 30 €/tCO2, et il fluctue depuis 2011 entre 3 et 10 €/tCO2.

Avec des prix du CO2 qui ne compensent pas la différence de prix entre le charbon et le gaz, même les centrales à gaz les plus récentes ne parviennent pas à être compétitives par rapport aux centrales à charbon. C’est, avec l’impact de la

crise et du prix du charbon, une des raisons pour lesquelles des centrales cycles combinés gaz (CCGT) parfois neuves ont été fermées ou mises sous cocon dans toute l’Europe, et que les investissements dans le secteur du gaz ont été réduits.

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35

2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

Les émissions de 2005

sont rendues publiques

Surplus non transférables

en phase 2

Annonce des objectifs EU ETS

pour 2020

Crise économique et financière

Nouvel équilibre dans un contextede reprise molle

Crise de la dette et dégradation

des perspectives de croissance

économique

32 €/tCO2

Prix du CO2en €/tCO2

Source : Chaire économie du climat selon données Bluenext et ICE

3 €/tCO2

Le prix de la tonne de CO2 sur le marché ETS depuis 2005

Impact du prix du CO2 sur les coûts de production des centrales à gaz et au charbon

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20

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Coûts variables deproduction

-centrale à charbon

Coûts variables deproduction

-centrale à gaz

Coûts variables deproduction

-centrale à charbon

Coûts variables deproduction

-centrale à gaz

En €/MWh

Coût du charbon Coût du gaz Coût du CO2 Source : Calculs UFE

Impact du prix du CO2 sur les coûts de production des centrales à gaz et au charbon

Si prix du CO2 : 5 €/tCO2 Si prix du CO2 : 60 €/tCO2

4 Cette hypothèse est également défendue par le Commissariat Général de la Stratégie et de la Prospective (CGSP) dans son rapport « La crise du système électrique européen » de janvier 2014.

Page 57: Fiches thématique réussir la transition énergétique

29 Fiche L’évoLution des modaLités de soutien des enR

Une période charnière poUr repenser le mécanisme de soUtien

s’orienter progressivement vers Un système cible

Cette réflexion est rendue nécessaire à la fois par le poids économique de ce soutien devenu très significatif, par les enjeux d’intégration des renouvelables dans le marché et dans le système électrique, et par l’évolution des technologies qui, pour certaines d’entre elles, parviennent à maturité.

La période est cruciale et charnière pour la poursuite du développement des EnR électriques également du fait de la situation difficile que vit le secteur de l’électricité européen et des transformations importantes auxquelles il est confronté depuis quelques années. Ainsi à l’heure actuelle, si l’Europe connaît aujourd’hui une situation d’abondance d’offre d’énergie électrique, cela ne signifie pas pour autant

un excédent de capacité tout au long de l’année ni une couverture assurée de ses besoins sur le long terme.

La cible est que le rythme de développement des EnR tienne compte des besoins du marché. L’enjeu premier est donc celui des objectifs de développement visés par la politique publique de soutien et de leur réactivité à l’évolution des besoins et du contexte technico-économique. Cependant, les modalités de soutien des EnR doivent, sans attendre, évoluer pour assurer leur bonne intégration dans le marché d’une part, et dans le système électrique d’autre part.

Les évolutions proposées ne sont pas rétroactives.

philosophie et progressivité dU dispositif A terme, les investissements dans les technologies les plus déployées devront être déclenchés par les signaux de prix intégrant à la fois l’énergie (comprenant le signal carbone), la capacité et les services réseaux. Cela permettra que le rythme de développement des EnR tienne compte des besoins du marché. Ainsi, à terme, le soutien pour les technologies les plus déployées devra être supprimé.

L’établissement d’un signal carbone pertinent est indispensable et doit contribuer à apprécier la pertinence économique des renouvelables par rapport aux autres technologies plus émettrices de CO2. Pour cela, il est essentiel de fixer dès aujourd’hui un unique objectif contraignant et ambitieux de réduction des émissions de CO2 à 2030 et d’articuler les différents instruments ou mesures de manière coordonnée, autour de cette cible long terme (par exemple, en quantifiant et comptabilisant les volumes de réduction de CO2 résultant de ces mesures).

Toutefois, à court et moyen terme, le prix du CO2 ne per-mettant pas aux EnR déployées d’être compétitives dans le marché, il est nécessaire de maintenir un système de soutien pendant une période transitoire. Le soutien actuel

doit cependant évoluer pour assurer une meilleure intégration des EnR dans le marché et dans le système électrique, à même de rendre le passage à un système marché (système cible) le plus facilité et fluide possible, tant pour les technologies déployées que pour les moins déployées. Cette période de transition doit prévoir des modalités adaptées, qui permettent de ne pas affecter les projets en cours qui ont déjà fait l’objet d’engagements financiers significatifs, mais qui conduisent les nouveaux projets à prendre en compte, dans leur montage financier, cette évolution du soutien.

Enfin, pour certaines catégories (technologies en phase préindustrielle, petites installations), des régimes spéci-fiques doivent être prévus.

poUr les technologies déployées

La cible est de supprimer le soutien pour les technologies déployées (éolien terrestre, hydroélectricité, photovoltaïque, biomasse) et les technologies non EnR bénéficiant d’un soutien (cogénération, diesel dispatchable). Les investis-sements seront alors déclenchés par les signaux de prix intégrant l’énergie, lequel comprend le signal carbone, la capacité et les services réseaux.

En quelques années, les énergies renouvelables ont connu un essor remarquable un peu partout en Europe. Si les mécanismes de soutien conçus à l’origine pour encourager leur développement ont indéniablement porté leurs fruits, il est désormais indispen-sable de réfléchir à de nouvelles modalités. Le poids économique croissant du soutien aux EnR et les enjeux liés à leur intégration dans le marché rendent en effet nécessaire une réflexion sur l’évolution des mécanismes de soutien.

Page 58: Fiches thématique réussir la transition énergétique

L’évoLution des modaLités de soutien des enR

1 Cf Article L314-2 du Code de l’Energie : « les installations bénéficiant de l’obligation d’achat au titre de l’article L. 121-27 ou de l’article L. 314-1 ne peuvent bénéficier qu’une seule fois d’un contrat d’obligation d’achat ».

Transitoirement, le prix du carbone ne permettant pas d’as-surer la compétitivité des EnR dans le marché, un système d’aide aux technologies déployées peut être maintenu, il doit cependant évoluer par rapport au système de soutien actuellement en vigueur. Ainsi, il pourrait être envisagé un système de type « prix de marché + prime à la puissance (en €/MW) », c’est-à-dire qu’en complément de la rému-nération issue de la vente de son énergie sur le marché, le producteur obtient une prime à la puissance (en €/MW). Tout en lui permettant de rentabiliser ses investissements en lui versant une prime, ce système permet d’exposer le producteur aux signaux de marché reflétant l’équilibre offre / demande à court terme et de le responsabiliser sur son impact sur le système. Les projets pouvant bénéficier de ce soutien sont sélectionnés par une procédure d’appel d’offres afin de permettre de piloter les volumes et de sélec-tionner les projets les plus performants.

poUr les technologies moins déployées

Pour les technologies moins déployées (éolien en mer, biogaz, géothermie, énergies marines), un sys-tème de « prix de marché + prime à la puissance (en €/MW) » avec une sélection des projets pouvant bé-néficier de ce soutien par une procédure d’appel d’offres permettrait de piloter les volumes et de sélectionner les projets les plus performants. Ce dispositif de prime à la puissance permet d’offrir une visibilité pour l’Etat et le pro-ducteur sur les montants de la subvention, une meilleure prise en compte du marché par le producteur et enfin une couverture partielle des coûts fixes de l’installation par une rémunération fixe indépendante de la production réalisée. La prime devrait être non reconductible en application du principe légal de non reconduction inscrit dans le Code de l’Energie1. Le mécanisme d’appel d’offres permet, outre de maîtriser les puissances installées, de révéler les coûts réels des projets. En sélectionnant les projets les plus compétitifs et en assurant la maîtrise des coûts unitaires, le dispositif de soutien suite à appel d’offres permettrait de mieux maî-triser le coût global du soutien public.

poUr les technologies en phase préindUstrielle

Pour les technologies en phase préindustrielle, un soutien sous forme de programmes de R&D ou d’innovation, type « appels à manifestation d’intérêt », pourrait être combiné à des méca-nismes d’aides financières à l’investissement et au fonctionne-ment simple et hors risque marché.

poUr les petites installations

S’il serait souhaitable en théorie que toute la production relève du système de type « marché + prime » pour être mieux inté-grée dans le marché, en pratique l’accès au marché peut toute-fois soulever des difficultés aux installations de plus petite taille et des dispositions particulières pourront être envisagées dans ce cas. Ainsi, pour les installations de plus petite taille, le soutien pourrait conserver la forme d’un tarif d’achat selon toutefois des modalités permettant un contrôle des volumes développés.

contribUtion à l’éqUilibrage dU réseaU

Il est essentiel d’introduire une contribution des EnR à la gestion du système électrique et à son équilibrage.Ainsi, dès la période transitoire, dans la mesure où cette parti-cipation est techniquement possible et économiquement per-tinente, il est essentiel que les EnR (nouvelles et existantes) :• participent au mécanisme d’ajustement en étant interruptibles,• participent aux réglages de fréquence et de tension.

En outre, il est souhaitable que les EnR soient responsa-bilisées, comme toutes les autres productions, financière-ment sur les coûts d’équilibrage du système. A cette fin, il est essentiel que les EnR : • assurent la prévision de la production et les nominations,• prennent en charge leurs propres écarts.

Cela afin qu’à terme, toutes les technologies participent aux dif-férents mécanismes et soient soumises aux mêmes contraintes d’équilibrage du système que les autres actifs de production.

Energie Système transitoire Système cibleTechnologies déployées

(éolien terrestre, hydroélectricité,

photovoltaïque, biomasse et les

technologies non EnR bénéficiant

d'un soutien)

Prix de marché

+

Prime à la puissance,

avec une sélection par appel d'offres

Suppression du soutien

Technologies moins déployées

(éolien en mer, biogaz, géothermie,

énergies marines)

Prix de marché + Prime à la puissance,

avec une sélection par appel d'offres

Technologies en phase préindustrielle

Programmes de R&D et innovation,

type appels à manifestation d'intérêt,

qui peuvent être combinés à un

soutien financier

Petites installations Tarif d'achatRégime spécifique avec possibilité de

maintien d'un tarif d'achat

Page 59: Fiches thématique réussir la transition énergétique

30Fiche L’apparition des prix négatifs de L’éLectricité

Pourquoi des Prix négatifs ?

Depuis la fin des années 2000, certains marchés de gros de l’électricité européens sont confrontés à des épisodes de prix négatifs. Dans ces situations, les vendeurs payent les acheteurs, ce qui constitue une situation de marché singulière.

Ces situations apparaissent en particulier en situation d’abondance de production d’électricité d’origine renouvelable et de faible demande, situations au cours desquelles certains moyens de production classiques (lignite, nucléaire) ne peuvent pas fonctionner en deçà d’un minimum technique. De telles situations sont d’abord apparues en Allemagne, et leur fréquence augmente.

Les cadres de soutien de la production renouvelable qui incitent les installations à fonctionner quelles que soient les conditions de marché sont à l’origine de l’apparition de plus en plus fréquente de ces situations de prix de marché négatifs qui sont synonymes de destruction de valeur.

Ces situations sont appelées à se multiplier dans le futur, y compris en France, si l’architecture du soutien aux énergies renouvelables n’est pas reconsidérée pour permettre une meilleure intégration de leur fonctionnement dans le marché.

Pour qu’un prix négatif apparaisse, deux conditions doivent être rassemblées : d’une part qu’il y ait des volumes offerts à des prix négatifs, et d’autre part que la demande adressée au marché soit inférieure à ces volumes.

Qu’est ce qui explique que des vendeurs offrent leur pro-duction à des prix négatifs ?

Un producteur peut préférer payer pour écouler sa produc-tion plutôt que d’arrêter une usine de production. En effet, l’arrêt de certains moyens de production thermiques pour quelques heures étant onéreux du fait de leurs contraintes techniques et économiques (coût de démarrage, seuil tech-nique de puissance minimum, durée minimale d’arrêt…), le producteur est prêt à produire en perdant de l’argent pendant quelques heures plutôt que d’arrêter son usine et d’en perdre encore plus. Cela se traduit par une offre à prix négatif sur tout ou partie de la période où le producteur souhaite éviter l’arrêt de son usine.

Des offres à prix négatifs peuvent également correspondre à des situations de production qui ne peut pas être inter-rompue pour des raisons de sécurité. C’est par exemple le cas d’une production hydraulique au fil de l’eau qui, pour des raisons de sécurité des personnes en aval des ouvrages, ne peut pas arrêter sa production et donc évacuer l’eau par déversement.

Ces offres sont le reflet de coûts et de contraintes d’exploi-tation incontournables qui ne sont pas nouvelles, et l’appa-rition de prix négatifs dans ces conditions traduirait une réalité économique : il est coûteux ou impossible de dimi-nuer la production.

Des offres à prix négatifs résultent également de la produc-tion bénéficiant de contrats à prix contractuel fixe, qui les incitent à produire de l’électricité quel que soit le prix du marché. Tel est le cas de la production renouvelable et de la cogénération bénéficiant d’une obligation d’achat.

Leur production de plus en plus importante se retrouve donc offerte sur le marché à des prix négatifs comme s’il était techniquement impossible ou économiquement non souhaitable d’interrompre leur fonctionnement, ce qui n’est pas le cas.

L’apparition de plus en plus fréquente de prix négatifs en Allemagne trouve là son origine.

Dans les situations de creux de demande (typiquement de nuit et de week-end), ces installations, qui pourraient être arrêtées ponctuellement sans frais, continuent donc de fonctionner, ce qui peut obliger à arrêter d’autres moyens de production dont l’arrêt sur une courte période est onéreux.

Page 60: Fiches thématique réussir la transition énergétique

L’apparition des prix négatifs de L’éLectricité

L’ordre de mérite économique se trouve ainsi bafoué, ce qui constitue un dysfonctionnement. Il en résulte des prix de marché négatifs synonymes dans ce cas d’inefficacité et de destruction de valeur.

Ces situations apparaissent en dépit de la mobilisation de tous les leviers de marché disponibles pour écouler ces quan-tités offertes à prix négatifs : dans ces situations, la vente vers

les marchés voisins sature les interconnexions et les moyens de stockage (pompage) sont pleinement mobilisés.

Il peut d’ailleurs en résulter une propagation des prix né-gatifs d’un pays vers ses voisins acheteurs ce qui est déjà intervenu entre Allemagne et France au cours de l’hiver 2012-2013.

Comment éviter les situations de Prix négatifs

• L’interruption ponctuelle de cette production, dont le coût variable est nul, serait plus économique que de provo-quer des coûts d’arrêt-démarrage. Le prix de marché serait dans ce cas nul plutôt que d’être négatif et de la destruction de valeur serait évitée.

• Ces situations de prix négatifs sont appelées à se multi-plier dans le futur si l’architecture du soutien aux énergies renouvelables n’est pas reconsidérée.

Eviter cette contribution à l’apparition de prix négatifs constituerait assurément une amélioration des conditions d’intégration des renouvelables dans le marché.

Maîtriser leur développement à un rythme cohérent avec les besoins du système électrique, n’en resterait pas moins un enjeu déterminant de l’efficacité économique de cette intégration.

Page 61: Fiches thématique réussir la transition énergétique

Des réflexions sont en cours sur les dispositions souhaitables pour accompagner le développement de l’autoproduction. Si la production décentralisée s’est jusqu’à présent développée en France quasi exclusivement dans le cadre de contrats d’obliga-tion d’achat, l’autoproduction constitue en effet un vecteur potentiel du développement futur de la production décentralisée. Le développement de cette production pose un ensemble de défis techniques et financiers. La définition de ce nouveau cadre de l’autoproduction crée l’opportunité d’améliorer les conditions d’intégration des énergies renouvelables dans le système électrique et dans le réseau, notamment en incitant un développement et un dimensionnement des installations sur les sites où la consommation absorbe au mieux la production, en évitant ainsi des besoins d’infrastructures de réseau.

Les enjeux de L’Autoproduction

améliorer l’insertion de la production décentralisée sur le réseau

Une part prépondérante des coûts de réseaux est composée de coûts d’infrastructures dont le dimensionnement résulte des flux de puissance transitant par le réseau et des enjeux de qualité de la fourniture, plus que des quantités d’énergie acheminées pour approvisionner les consommateurs.

Le premier paramètre conditionnant les besoins de réseaux, et donc les coûts, est la puissance maximale soutirée par les consommateurs1.

Un deuxième paramètre prend aujourd’hui une part de plus en plus importante : il s’agit de la puissance injectée sur les réseaux de distribution par la production décentralisée. L’insertion d’une part croissante de moyens décentralisés de production sur les réseaux requierra en effet des investisse-ments supplémentaires, estimés par la Cour des comptes à 5,5 milliards d’euros d’ici à 20202.

Or, l’autoproduction, dès lors qu’elle se traduit par une réduc-tion des pointes de soutirage et qu’elle n’induit pas des nou-velles contraintes liées à l’injection de puissance sur le réseau, pourrait permettre de limiter ces coûts de réseaux engendrés par le développement de la production décentralisée.

Par ailleurs, l’autoproduction peut contribuer à réduire les pertes par effet Joule, qui restent néanmoins du second ordre3.

Trois leviers permettent de limiter la pointe d’injection ou réduire la pointe de soutirage et ainsi minimiser les coûts d’intégration dans le réseau public de distribution. Ces leviers devront être activés grâce à des logiques économiques. On peut envisager ainsi :

• d’inciter au développement des installations localisées sur des sites où se trouve la consommation et dimensionnées de manière adaptée à cette consommation, à son profil horosai-sonnier et à sa régularité ;

• d’agir sur la consommation du site (déplacement d’usages, stockage thermique, voire électrique, etc.) ;

• d’agir sur la production (limiter la proportion de la pro-duction génératrice de contraintes sur le réseau, etc.).

La régulation devrait inciter les acteurs du marché à acti-ver ces leviers chaque fois que les bénéfices pour le réseau qu’ils permettront d’atteindre seront supérieurs à leur coût de mise en œuvre.

1 Les coûts de réseaux qui sont fonction des quantités d’énergie acheminées comprennent notamment le coût d’achat des pertes par effet Joule 2 Rapport public thématique de la Cour des comptes : « La politique de développement des énergies renouvelables », 2013. Le chiffre envisagé correspond aux investissements à réaliser pour intégrer 19 GW d’éolien terrestre et 8 GW de photovoltaïque. 3 Estimées en valeur maximale dans le cadre du GT DGEC à 3€/MWh autoconsommé.

31 Fiche

Page 62: Fiches thématique réussir la transition énergétique

Les enjeux de L’autoproduction

Le réseau apporte, à tout client final qui lui est raccordé, un certain nombre de services fondamentaux : la stabilité en tension et en fréquence, la continuité de l’alimentation électrique. Il offre de plus la possibilité d’injecter de la pro-duction excédentaire afin de la valoriser.

Pour ces fonctions garanties par le réseau, le service rendu ne se mesure pas à l’aune de la quantité d’énergie soutirée ou injectée par un utilisateur final. Ainsi, un client qui au-toconsomme et un client qui soutire du réseau bénéficient

tous deux de ces services pour la totalité de leur consom-mation finale.

La régulation devrait donc évoluer pour réduire ou antici-per les transferts financiers, pour faire en sorte que chaque consommateur supporte les coûts des services qui lui sont rendus. En outre, la régulation devra garantir à tous les acteurs, quelle que soit leur taille, des conditions non dis-criminatoires de participation au marché.

assurer une juste participation des autoproducteurs au financement des services rendus par le réseau et une rémunération des services qu’ils rendent au réseau

répondre aux besoins croissants de prévisibilité

Garantir un cadre de réGulation stable

Pour qu’ils puissent gérer l’équilibre entre la production et la consommation, les acteurs du système électrique doivent notamment pouvoir estimer à l’avance, pour chaque ins-tant, la contribution des différents moyens de produc-tion. Ils doivent aussi pouvoir, au besoin, augmenter ou diminuer en temps réel la contribution de ces moyens. En matière d’équilibre offre-demande, une mauvaise estima-tion de la production intermittente pourrait engendrer des

surcoûts, qu’il faut chercher à éviter. Le développement de moyens de production décentralisés attendu avec la crois-sance de l’autoproduction représente dès lors un défi pour l’exploitation du système électrique.

Il est donc essentiel dans le futur cadre régulatoire que l’au-toproduction soit prévisible, commandable et estimable en temps réel.

Compte tenu de l’objectif de développement des énergies renouvelables fixé par les pouvoirs publics, la régulation re-tenue devra améliorer le dispositif actuel, en tenant compte des enjeux spécifiques de l’autoproduction.

1- ces solutions devront envoyer les bons siGnaux économiques à tous les utilisateurs du réseau :• une contribution au financement du raccordement qui incite à réaliser et localiser les installations de production décentralisées en fonction des coûts de développement des réseaux engendrés. • un tarif d’acheminement qui s’adapte pour répercuter au plus juste aux consommateurs les coûts qu’ils occasionnent pour les services rendus. 2 - Garantir la pérennité du système électrique, c’est aussi assurer un cadre d’investissement stable et vertueux, tant pour les investisseurs que pour l’ensemble de la filière. Les transferts de charges, augmentés des transferts de taxes, constitueraient une source de revenus de niveau incertain, la CRE ayant notamment annoncé que la structure du tarif d’acheminement (TURPE) évoluerait, quel que soit le cadre financier de l’autoproduction, de manière à s’adapter aux coûts engendrés par les utilisateurs du réseau. Une ques-tion posée est notamment celle de la répartition entre part fixe (puissance) et part variable (énergie) du tarif de réseau. La structure du tarif d’acheminement (TURPE 5) devra évoluer avec une augmentation de la part puissance. Cette évolution permettra de limiter les transferts de charges entre les différents utilisateurs et de répercuter au plus juste aux consommateurs les coûts qu’ils occasionnent.

3 - pour améliorer les conditions d’intéGration des installations dans le réseau, une incitation à l’autopro-duction devrait dépendre de la puissance injectée et ne de-vrait pas porter sur la quantité d’énergie autoproduite. En effet, deux sites autoproduisant une même quantité d’éner-gie peuvent occasionner des pics d’injection et de soutirage très différents et être, par conséquent, à l’origine de besoins de renforcement du réseau inégaux. Une telle incitation devrait encore moins être fondée sur la mesure d’un solde d’énergie (la notion de « net-metering »), définie comme la différence entre consommation et production d’énergie d’un site sur une période longue. L’utilisation de ce critère ne présente que des inconvénients. 4 - la mise en œuvre du cadre réGulatoire devra prévoir un suivi riGoureux des installations en autoproduction pour permettre le pilotage de la politique énergétique (objectifs en matière de taux de pénétration des énergies renouvelables, évaluation des besoins de capacité dans le cadre du futur mécanisme de capacité…) pour garantir l’intégration des énergies renouvelables dans la gestion du système électrique, pour assurer la sécurité des biens et des personnes et vérifier l’authenticité des installations.

Le cadre régulatoire de l’autoproduction devra être suffi-samment stable pour que les acteurs de la filière puissent se développer et engager des investissements. Il est donc important de ne répéter ni les erreurs passées, ni celles des pays européens voisins afin d’éviter des changements fré-quents de réglementation très dommageables pour tous les investisseurs, les acteurs du secteur et les consommateurs. Pour penser au mieux le futur cadre et veiller à son inté-gration dans le modèle national péréqué, il semble dès lors opportun d’avancer par expérimentations.

Page 63: Fiches thématique réussir la transition énergétique

Le 8 février 2012, peu après 19 heures, la consommation française d’électricité atteignait le niveau record de 101,7 GW. Si ce niveau est sans précédent, le phénomène, lui, est bien connu : en France, c’est en période de grand froid que la consommation d’électricité atteint son niveau le plus élevé. Responsabiliser l’ensemble des acteurs du marché afin que le système électrique dis-pose d’assez de capacité pour satisfaire la demande, en particulier pendant ces périodes de consommations extrêmes, est l’objet du dispositif d’obligation de capacité. Le Code de l’Energie prévoit que « chaque fournisseur d’électricité contribue, en fonction des caractéristiques de consommation de ses clients, en puissance et en énergie, sur le territoire métropolitain continental, à la sécurité d’approvisionnement en électricité ». Le décret d’application adopté le 14 décembre 2012 prévoit que le mécanisme de capacité sera effectif à compter de l’hiver 2016-2017.

32Fiche L’ObLigatiOn de capacité : L’exempLe de La France

La sécurité d’aLimentation : préoccupation nationaLe et européenne une une une pointe de consommation qui croît

En hiver, le raccourcissement des jours et la chute des températures provoquent une augmentation sensible de la consommation électrique. En France, la puissance d’élec-tricité appelée augmente de 2400 MW quand la tempéra-ture extérieure baisse d’un degré Celsius. Des études conduites par RTE mettent en évidence que la consommation d’extrême pointe a crû, entre 2002 et 2013, 2,5 fois plus vite que l’énergie annuelle consommée.

un critère régLementaire

Selon la réglementation française, la capacité doit être suf-fisante pour garantir une durée moyenne de délestage qui soit au plus de 3 heures par an en moyenne. Ce critère de sécurité d’alimentation a toujours été exprimé comme un critère physique.

C’est pour garantir que le système disposera de suffisam-ment de capacités pour répondre dans ces conditions à la demande à la pointe que l’obligation de capacité a été intro-duite dans le Code de l’Energie à l’issue des travaux de la mission parlementaire Sido-Poignant.

une préoccupation partagée en europe

Dans le fonctionnement actuel des marchés de l’électricité, les acteurs sont particulièrement hésitants à investir dans des capacités qui ne sont utilisées que très rarement, certaines années seulement.

Par ailleurs, le caractère cyclique des investissements dans le secteur électrique a été observé dans de nombreux pays dans des contextes variés, et notamment sur les marchés français et européens. Ainsi, alors que la période 2004-2012 a connu une vague d’investissements massifs en cycles combinés gaz, cette dynamique est désormais stop-pée. Cette situation illustre le phénomène d’alternance des phases de surcapacité et de sous-capacité, pouvant poten-tiellement conduire à des risques sur la sécurité d’alimenta-

tion. Dans ces conditions, et faute de visibilité sur le niveau de sécurité d’alimentation délivrée par le marché, certains Etats souhaitent maintenir dans leur réglementation natio-nale un objectif sur ce niveau de sécurité d’alimentation et prennent des dispositions pour s’assurer qu’il soit atteint. Leur préoccupation est, comme en France, celle du risque de délestage de consommateurs d’électricité résultant d’une insuffisance de la capacité mobilisable (capacité de production ou d’effacement de consommation).

qui est concerné ?Les fournisseurs sont soumis à une obligation « de capacité » proportionnée à la contribution de la consommation de leur clientèle à la consommation totale à la pointe, et donc au besoin de capacité nécessaire à la sécurité d’alimenta-tion de leurs clients. Parmi les « acteurs obligés » figurent également les gestionnaires de réseau pour leurs pertes, ainsi que les consommateurs qui s’approvisionnent, pour tout ou partie de leur consommation d’énergie, directe-ment sur les marchés de gros.

Réserve stratégique

Réserve stratégique

(jusqu’en 2020)

Réserve stratégique

Paiement de capacité

(marché de capacité prévu

pour 2010)

Paiement de capacité

(depuis 2006)

Marché de capacité

Paiement de capacité

(depuis 2007)

Obligation de capacité

Paiement de capacité

(depuis 1998)

Paiement de capacité

(depuis 2011 -suspendu)

Source : ACER, 2013

Pas de mécanisme de capacitéMécanisme envisagé ou en projetMécanisme opérationnel

Page 64: Fiches thématique réussir la transition énergétique

L’obLigation de capacité : L’exempLe de La France

une obLigation de capacité pour sécuriser L’aLimentation en éLectricité

un marché de La capacité pour minimiser Les coûts

un dispositif qui responsabiLise tous Les acteurs du système éLectrique

Un marché des garanties de capacité sera mis en place, qui permettra aux acteurs obligés d’échanger des « garanties de capacité » avec les détenteurs de capacité et ainsi de pouvoir honorer leurs obligations au moindre coût.

Les fournisseurs qui ne sont pas détenteurs de capacité (ainsi que les consommateurs et gestionnaires de réseaux directement obligés) auront besoin d’acquérir de la capacité et seront ache-teurs sur le marché. Les détenteurs de capacité y offriront pour leur part leurs garanties de capacité. Les fournisseurs obligés qui sont également détenteurs de capacité disposeront de tout ou partie des capacités dont ils ont besoin pour remplir leur obliga-tion. Ils pourront toutefois en manquer ou disposer de capacité à vendre et seront également actifs sur le marché. Les transac-tions réalisées sur ce marché permettront à chacun d’optimiser son portefeuille et d’honorer son obligation au moindre coût.

Pour une année de livraison donnée, les échanges de capa-cités, pourront avoir lieu quatre années à l’avance et jusqu’à deux années après celle-ci.

Ce marché devrait révéler le véritable prix de la capacité ce qui permettra de répercuter et de recouvrer le coût de la sécurité d’alimentation auprès des consommateurs finals.

Sur ce marché, les exploitants de capacité pourront valori-ser, d’une façon nouvelle, leurs capacités de production ou d’effacement. Pour être pleinement efficace, le mécanisme devra garantir l’absence de toute discrimination entre capa-cités existantes et capacités nouvelles, entre les différentes technologies, entre capacités de production et capacité d’effacement, en étant fondé sur la seule base des services rendus par chaque capacité à la sécurité d’alimentation.

Le mécanisme responsabilisera l’ensemble des acteurs afin qu’ils contribuent tous, chacun selon sa responsabilité, à la sécurité d’approvisionnement : • les acteurs obligés, car ceux d’entre eux qui ne détiendront pas suffisamment de capacités ou qui en détiendront trop se-ront pénalisés par le mécanisme de règlement financier;• les exploitants de capacité, car ceux dont les capacités n’atteignent pas la disponibilité prévue seront pénalisés par un mécanisme de règlement financier,

• les consommateurs, car ces derniers se verront répercuter dans le prix de leur fourniture, le prix de la capacité selon leur concours à la consommation à la pointe, et seront donc incités à moins consommer lors de cette période.

Ainsi, le dispositif répartira les responsabilités et répercutera les coûts de la capacité de manière équitable et efficace à chaque consommateur de manière proportionnée à sa contribution à la consommation à la pointe et aux besoins de capacité.

comment est définie L’obLigation de capacité des fournisseurs ?L’obligation « de capacité » des fournisseurs est calculée à partir des consommations réalisées durant les pointes de consommation hivernales, ramenées à une température extrême (référence à une vague de froid décennale). Ces heures de plus forte consommation seront signalées un jour à l’avance par RTE. Compte tenu de son mode de calcul, le ni-veau de l’obligation ne sera connu, avec certitude pour chaque acteur, qu’après coup. Toutefois, des niveaux prévisionnels de l’obligation agrégée seront régulièrement fournis par RTE.

Le calcul de l’obligation « de capacité » tient compte des pos-sibilités d’importation via les interconnexions. La contribu-tion des interconnexions à la sécurité d’alimentation est ainsi prise en compte de manière implicite dans le mécanisme d’obligation de capacité tel que mis en œuvre dès son démar-rage. Il est prévu dans les règles du mécanisme de capacité que RTE publie un rapport sur la participation des capacités transfrontalières dans les 10 mois suivant la publication des règles, en proposant le cas échéant des évolutions du cadre réglementaire.

Pour couvrir cette obligation « de capacité », les fournisseurs doivent détenir ou acquérir auprès des exploitants de capacité suffisamment de « garanties de capacité ».

comment Les capacités sont-eLLes certifiées ?La garantie de capacité est un nouveau produit, qui est ins-tauré par le dispositif. La garantie de capacité représente la contribution effective d’un moyen de production ou d’efface-ment à la couverture des besoins. Elle est délivrée aux exploi-tants de ces moyens, par RTE, sur une base déclarative sui-vie de contrôles effectués par RTE. Elle sera contrôlée sur les périodes où la présence des capacités est la plus importante, à savoir les périodes de plus forte tension du système.

Les exploitants peuvent ajuster leur déclaration. Ils pour-ront en effet modifier le niveau de leur engagement décla-ratif afin que cet engagement corresponde, au mieux, aux anticipations qu’ils forment sur la disponibilité des moyens de production ou d’effacement qu’ils opèrent.

queLLes incitations et règLes de bon fonctionnement ?Les acteurs sont incités financièrement à couvrir effecti-vement leurs engagements et leurs obligations. Des règle-ments financiers incitatifs sont instaurés et concernent :

• Les fournisseurs, pour l’écart entre le niveau de leur obli-gation et le volume de garanties de capacité détenues;

• Les exploitants de capacité, pour l’écart entre le volume de garanties allouées et la contribution réelle de leurs capa-cités en fonction de leur disponibilité constatée.

Page 65: Fiches thématique réussir la transition énergétique

33Fiche

Le rôLe fondamentaL de La puissance pour Le système éLectrique

Qu’est ce Que la puissance ?

Quel est le lien entre puissance et approvisionnement en électricité ?

pourQuoi la puissance est-elle un paramètre fondamental pour le système électriQue ?

Prenons l’exemple d’un réfrigérateur de 250 litres. Sa puis-sance varie, selon la performance de son moteur, de 150 W (label performance énergétique A, consommation sobre en énergie) à 300 W (label performance énergétique C - consommation plus gourmande en énergie). Fonctionnant pendant une heure, le réfrigérateur performant va consom-mer en énergie 150 W.h (qui se lit « Watt heure »), le moins performant va consommer 300 W.h.

L’énergie, c’est de la puissance utilisée pendant une certaine durée. Sur une année entière où les deux réfrigérateurs au-ront connu la même durée d’utilisation, le plus performant aura donc consommé deux fois moins d’énergie du fait de sa puissance.

L’approvisionnement en électricité d’un consommateur sup-pose l’existence d’un câble raccordé à son logement, son ma-gasin, son usine, son immeuble de bureau et un réseau der-rière ce câble qui lui permet d’avoir accès à de la puissance qu’il a souscrite, même s’il ne l’utilise que quelques heures dans l’année.

Les investissements nécessaires pour construire et entrete-nir ces câbles et ces réseaux constituent essentiellement des coûts fixes, c’est-à-dire des investissements lourds, à long terme (durée de vie de plusieurs dizaines d’années) qui ne dépendent pas de leur durée d’utilisation.

C’est aussi le cas pour les investissements de production, c’est-à-dire dans des centrales nucléaires, thermiques, hy-drauliques, éoliennes, solaires… qui assurent l’équilibre entre la puissance produite et la puissance appelée par les appareils des clients de manière rigoureuse à chaque instant.

Lorsque la puissance nécessaire délivrée n’est pas suffisante pour répondre aux besoins, il doit être procédé à des déles-tages qui consistent à arrêter volontairement l’approvision-nement d’un ou de plusieurs consommateurs pour rétablir rapidement l’équilibre entre la production et la consom-mation du réseau. Ces délestages permettent d’éviter le « black out », c’est-à-dire l’écroulement de l’ensemble du réseau électrique.

Ainsi, réduire les besoins de puissance des équipements constitue un enjeu essentiel pour le système électrique. L’exemple des lampes basses puissance en est une illus-tration frappante. Un consommateur équipé de lampes classiques, à incandescence, va au mieux économiser 15 à 20 % de sa consommation d’énergie en surveillant quand il allume ou éteint une pièce. Un consommateur qui s’équipe de lampes de type LED va diviser sa puissance installée en éclairage par quatre : 75 % de gains, même sans changer ses habitudes de consommation.

La puissance consommée a un rôle essentiel dans le dimensionnement du parc de production électrique et du réseau nécessaire pour répondre aux besoins des consommateurs.

La courbe de charge d’un consommateur final est la résul-tante des puissances consommées de l’ensemble de ses équipements électriques. Toutes les puissances de ses ap-pareils ne sont pas appelées au même moment : il y a un foisonnement. Le cumul de toutes les courbes de charge de tous les consommateurs de France constitue la courbe

de charge nationale. Ici encore, il y a foisonnement entre des consommateurs qui utilisent leurs appareils électriques différemment, à des instants différents. La puissance maxi-mum atteinte par cette courbe est la pointe nationale de consommation.

Page 66: Fiches thématique réussir la transition énergétique

Le rôLe fondamentaL de La puissance pour Le système éLectrique

comment sensibiliser le consommateur à la puissance appelée ?

• Le développement d’offres commerciales incitativesSensibiliser les consommateurs sur leur puissance appelée, en particulier lors des périodes de pointe, n’est pas une pré-occupation nouvelle.

L’existence dans les tarifs réglementés de vente d’une part dite « fixe » - l’abonnement - proportionnelle à la puissance souscrite, et d’une part dite « variable », proportionnelle à la quantité d’énergie consommée, reflète cette préoccupa-tion : le consommateur dont la pointe est élevée a besoin de souscrire une puissance élevée, ce qui se traduit sur le prix de son abonnement. Ainsi, cette structure de prix dite « binôme » le responsabilise sur sa demande de pointe et l’incite à la modérer.

Le premier exemple de modulation tarifaire est l’applica-tion d’un prix de l’énergie différencié entre les heures où la consommation est la plus forte, « heures pleines », et celles où la consommation est moindre, « heures creuses ». Elle incite notamment au fonctionnement nocturne des chauffe-eau électriques, facteur de réduction des coûts. L’utilisation de prix différenciés entre « heures pleines » et « heures creuses » est accessible à tous les fournisseurs.

Chez les clients « entreprises », cette différenciation des prix de l’énergie a pris des formes plus sophistiquées, dis-tinguant jusqu’à 8 périodes de prix.

Certaines options tarifaires appelée « Effacement Jour de Pointe » (EJP) ou « Tempo » ont été développées afin d’in-citer à la réduction des consommations pendant les jours de pointe nationale où les coûts sont les plus élevés. Ainsi,

le prix est plus élevé 22 jours par an et plus bas le reste de l’année. Ce type d’offre incite les consommateurs qui en sont capables à déplacer ou à renoncer à leur consomma-tion sur ces jours de pointe.

Il est prévu qu’une telle offre incitative puisse être proposée prochainement par tous les fournisseurs, ce qui permet-trait de dynamiser les effacements.

Le développement des effacements dans le cadre des tarifs réglementés de vente comme à l’initiative de l’ensemble des fournisseurs est souhaitable : il renforcerait la participa-tion active des consommateurs à la gestion de l’équilibre offre/demande à la pointe en contribuant à la réduction des besoins de capacité de production et de réseau.

• Un tarif d’utilisation des réseaux qui pourrait être plus incitatif Un second levier réside dans la structure du tarif d’utilisation des réseaux.

Pour mieux refléter la réalité des coûts du réseau, la structure du tarif d’acheminement pourrait évoluer avec une aug-mentation de la part puissance du tarif.

• De nouvelles offres avec Linky Les évolutions des systèmes de comptage (Linky) ouvrent de nouvelles perspectives pour la sensibilisation des consom-mateurs à la puissance qu’ils consomment. En effet, ils per-mettront aux fournisseurs une plus grande créativité dans leurs offres et, en particulier, de mieux refléter les coûts sur les périodes de pointe.