Feux de camp 29 juin – 5 septembre 201029 mai – 7 novembre 2010 z Nadar, la norme et le caprice...

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Bruno Serralongue Feux de camp 29 juin – 5 septembre 2010 # 69 Concorde

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Bruno SerralongueFeux de camp

29 juin – 5 septembre 2010

# 69

Concorde

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« Pour moi, la photographie n’est pas première. Elle est médiatisée. Elle arrive dans un second temps, après une réflexion, après la mise en place d’un cadre opératoire des règles. »

Bruno Serralongue (artiste français né en 1968) commence sa carrière dans les années 1990, après des études à la Villa Arson, à Nice, et à l’École nationale supérieure de photographie d’Arles, ainsi que l’obtention d’une maîtrise d’histoire de l’art. En prenant en compte les particularités de la photographie, son histoire, son usage et son statut, il élabore une œuvre singulière qui questionne la véracité de la représentation photographique, à partir d’un processus de travail bien spécifique lui permettant de s’interroger sur les procédures actuelles de production, de diffusion et de circulation des images. Avant d’aller sur le terrain, il glane en effet des informations publiées ou diffusées dans les médias : il utilise la presse papier tout comme Internet, les journaux télévisés et radiophoniques à la manière des agences de presse du type AFP (Agence France Presse) qui réceptionnent et diffusent au quotidien les dépêches à l’attention des rédactions, puis il devient lui-même le commanditaire de ses propres images. « Mon AFP à moi, dit-il, ce sont tous les journaux

accessibles par un lecteur / spectateur. Je n’ai donc pas accès aux informations brutes – les dépêches – mais à une information triée et sélectionnée par les rédactions. J’effectue à mon tour une sélection et, si une information se réfère à un événement – quelle que soit sa localisation géographique – qui va se dérouler et qui m’intéresse, je cherche à m’y rendre par mes propres moyens pour y réaliser des photographies. »

Il procède ainsi à une sélection des événements qui retiennent son attention et décide d’aller à tel ou tel endroit à travers le monde, au gré de son intérêt pour les conflits et les enjeux sociaux dont les médias se font l’écho. Ses « reportages » ne renvoient pas au sujet intrinsèque des images – souvent le même pour l’amateur et pour le reporter professionnel –, mais à leur fabrication, qui, elle, est toujours unique. Bruno Serralongue, qui souligne ainsi la responsabilité des médias, distingue et différencie l’artiste du photoreporter : « Deux photographies faites l’une par un journaliste et l’autre par moi, au même moment lors d’un même événement et, éventuellement, de la même personne ou de la même scène, seront dans un cas, une information et dans l’autre, une contre-information. Je ne suis pas fasciné par l’événement. Peut-on être fasciné par une conférence de presse ?

Inconnu, Las VegasSérie « Destination Vegas », 1996Collection Hélène Retailleau, Paris

Feu d’artifice pyromélodique (blanc), 16 août 1994Série « Les Fêtes », 1994Collection Nouvion-Rey, Monaco

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Je n’ai pas l’obsession d’être au cœur de l’événement, ce qui, à l’inverse, motive certainement bon nombre de photojournalistes. Ils se mettent dans les conditions de créer des photographies qui pourront avoir un impact historique, être des témoignages aux yeux de l’Histoire. Et certaines photographies le sont devenues. En ce qui me concerne, les conditions ne sont pas réunies pour que cela arrive. En revanche, mes photographies sont des documents historiques, c’est-à-dire relatifs et ambigus. »

Bruno Serralongue interroge l’objectivité de la photographie et, comme le souligne Carles Guerra dans son texte pour la monographie de l’artiste, publiée à l’occasion de son exposition : « Les photographies de Bruno Serralongue sont celles d’un lecteur qui irait constater une information sur place et de ses propres yeux. » Et ce « lecteur / auteur » n’est pas sans évoquer la question de « L’auteur comme producteur », chère à Walter Benjamin, lequel écrivait : « L’assimilation indistincte de faits va donc de pair avec l’assimilation indistincte de lecteurs qui se voient élevés en un tournemain au rang de collaborateurs. […] Celui qui lit est en effet prêt à chaque instant à devenir quelqu’un qui écrit, c’est-à-dire qui décrit, ou bien qui prescrit. »

Ou encore qui soulignait, dans L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique (1936), qu’« avec l’extension de la presse, qui n’a cessé de mettre à la disposition du public de nouveaux organes politiques, religieux, scientifiques, professionnels, locaux, on vit un nombre croissant de lecteurs passer

– d’abord de façon occasionnelle – du côté des écrivains. […] Et il n’existe plus guère d’Européen qui ne soit assuré en principe de pouvoir trouver, quand il le veut, une tribune pour exposer ses doléances, pour publier un reportage… Entre l’auteur et le public, la différence est en voie, par conséquent, de devenir de moins en moins fondamentale. Elle n’est plus que fonctionnelle et peut varier d’un cas à l’autre. »

La démarche rigoureuse de ce « lecteur de journaux » se caractérise en outre par le fait que Bruno Serralongue ne s’intéresse pas à l’événement tel qu’il est retransmis – c’est-à-dire forcément partiel et recentré sur les moments jugés dignes d’intérêt –, mais à ce qui se passe en marge, à sa périphérie, dans ses coulisses. Au-delà du sensationnel et du scoop, ses textes, purement descriptifs, et ses images se concentrent en effet sur les interstices de l’information pour créer des séquences « dont l’esthétique n’est pas sans rappeler le style corporate, froid et neutre,

Groupe (CNHTC, Volvo Truck, Jinan, 13 août 2004)Série « Groupes de travail, Jinan », Chine, 2004Collection Jean-Michel Attal, Paris

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des reportages d’entreprise. […] Le résultat semble répondre aux exigences d’une commande, et non à la liberté présumée d’un artiste, libre d’assister aux séances sans l’accréditation officielle de rigueur. Bruno Serralongue renonce aux autorisations et aux mesures spéciales réservées aux informateurs de métier. Son économie d’accès est celle d’un citoyen quelconque planifiant lui-même son déplacement et son séjour. Comme il organiserait des vacances privées. » (Carles Guerra)

Autre particularité : les photographies de Bruno Serralongue n’ajoutent aucun élément particulier à l’événement. Elles se contentent d’en être un contrepoint en venant vérifier et interpréter ce qui a été développé par les médias. Il en résulte des images distanciées qui sont toujours en décalage par rapport à l’événement qui les a engendrées. Enfin, c’est la notion de communauté qui est en filigrane dans le travail de Bruno Serralongue, dont les différentes séries forment peu à peu un « répertoire de l’action collective », à travers des événements de masse relayés par la société de l’information qui est la nôtre. Pour Carles Guerra : « La pratique photographique de Bruno Serralongue n’intervient pas exclusivement sur le signifié local et particulier de chacune des images qu’il

produit. Son champ d’action se place au-delà d’une visualité cherchant obstinément à épuiser l’événement par le regard. Aussi n’est-il pas étonnant de retrouver dans beaucoup de ses images des dialogues, des conversations ou des débats, situations discursives devant lesquelles le médium photographique est à son tour renvoyé à ses propres limites. »

Bruno Serralongue n’est pas un photographe de l’instantané et c’est à partir de sujets très documentés que, depuis plus de dix ans, il sillonne le monde, allant d’une fête de village à un sommet international, et, sans se laisser déborder par un point de vue idéologique ou moral, sa perception des multiples événements qu’il relate est une perception militante, mais « refroidie » et neutre, appliquée aussi bien aux faits divers, festivités, concerts, rassemblements éphémères, manifestations variées de ses premières séries qu’aux conflits géopolitiques qui sous-tendent des séries, plus récentes comme « Encuentro » (1996), « Homenaje » (1997), « Free Tibet » (1998), « Corée » (2001), « World Social Forum, Mumbai » (2004), « La Otra » (2006), ou encore « Tibet in Exile (Dharamsala) » (2008) ou « Kosovo » (2009-en cours). Loin du photojournalisme – dont Serralongue rappelle que la crise est d’abord

Célébration du premier anniversaire de l’indépendance du Kosovo, Priština, Kosovo, mardi 17 février 2009Série « Kosovo », 2009Courtesy Air de Paris, Paris, galerie Baronian-Francey, Bruxelles, et galerie Francesca Pia, Zurich

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identitaire avant d’être économique –, son travail est celui d’un artiste libre qui, en donnant l’illusion de répondre à une commande, utilise le médium photographique pour proposer, en toute indépendance critique, un modèle narratif différent.

La présente exposition regroupe une centaine de tirages. Bien qu’elle mette plus spécialement en valeur le travail des dernières années – avec des séries comme « Manifestations du collectif des sans-papiers de la Maison des Ensembles, place du Châtelet, Paris » (2001-2003), « Earth Summit, Johannesburg » (2002), « World Social Forum, Mumbai » (2004), « New Fabris, Châtellerault » (2009), « Kosovo » (2009-en cours) –, elle revient également, à partir d’une organisation des images par sujet, lieu ou reportage, sur des thèmes récurrents (les banderoles et panneaux de militants, les conférences de presse, les manifestations, les rassemblements politiques ou festifs…). Pour son exposition au Jeu de Paume, Bruno Serralongue a donc porté un regard circulaire sur son travail afin de créer des ensembles de complicités thématiques, lui permettant, comme il le dit, de « rapprocher des photographies réalisées lors d’événements distants et n’ayant pas forcément de liens entre eux, mais où l’on peut repérer des ressemblances, des invariants ».

autour de l’expositionz « La représentation de l’événement dans les photographies de Bruno Serralongue » : visite* thématique par un conférencier du Jeu de Paumemardi 29 juin, 19 h

z visite* de l’exposition par Bruno Serralongue et Pascal Beausse, responsable des collections photographiques du CNAP, critique d’art et commissaire d’expositionmardi 6 juillet, 19 h

z « Les événements politiques dans l’œuvre de Bruno Serralongue et William Kentridge » : visite* thématique par un conférencier du Jeu de Paumemardi 24 août, 19 h

z publication : Bruno Serralongue textes de Carles Guerra et de Bruno Serralongue,entretien de Bruno Serralongue avec Marta Gili et Dirk Snauwaertcoédition JRP Ringier / éditions du Jeu de Paume, avec le soutien des Amis du Jeu de Paume broché sous jaquette, 24,7 x 28,6 cm, 160 pages, 40 €

Cocktail MolotofSérie « Risk Assessment Strategies », 2002Centre national des arts plastiques – ministère de la Culture et de la Communication, France / FNAC 02-924 CP-PH

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Jeu de Paume | Monnaie de Paris­­–––––––––––––––––––––––––––––––­­–––––––––––––––––––––––––––––––­­–––––––––––––––––––

exposition16 avril – 22 août 2010 z Willy Ronis, une poétique de l’engagementMonnaie de Paris11, quai de Conti, 75006 Parisrenseignements : 01 40 46 56 66 / www.monnaiedeparis.frmardi à dimanche 11 h-19 hjeudi (nocturne) 11 h-21 h 30 fermeture le lundientrée : plein tarif : 7 € – tarif réduit : 5 €

Jeu de Paume – hors les murs­­–––––––––––––––––––––––––––––––­­–––––––––––––––––––––––––––––––­­–––––––––––––––––––

expositions29 mai – 7 novembre 2010z Nadar, la norme et le capriceChâteau de Tours25, avenue André Malraux, 37000 Toursrenseignements : 02 47 70 88 46 / www.jeudepaume.orgmardi à dimanche 13 h-18 hentrée : plein tarif : 3 € ; tarif réduit : 1,50 €

15 juillet – 24 octobre 2010z Camille Silvy, photographe de la vie moderne, 1834-1910National Portrait GallerySt Martin’s Place, WC2H 0HE Londres renseignements : www.npg.org.uk

prochaines expositions9 septembre – 24 octobre 2010z Willy Ronis : Ce jour-làMaison d’art Bernard Anthonioz, Nogent-sur-Marnewww.ma-bernardanthonioz.com/fr/

28 novembre 2010 – 1er mai 2011z André Kertész, l’intime plaisir de lirez Zola photographeChâteau de Tours

Il bénéficie du soutien de Neuflize Vie, mécène principal.

Le Jeu de Paume est subventionné par le ministère de la Culture et de la Communication.

Les Amis du Jeu de Paume s’associent à ses activités.

En couverture : Feu de machines, New Fabris, Châtellerault, jeudi 30 juillet 2009Série « New Fabris, Châtellerault », 2009Courtesy Air de Paris, Paris, galerie Baronian-Francey, Bruxelles, et galerie Francesca Pia, Zurich

maquette : Gérard Plénacoste© éditions du Jeu de Paume, Paris, 2010© 2010 Bruno Serralongue, courtesy Air de Paris, Paris, galerie Baronian-Francey, Bruxelles, et galerie Francesca Pia, ZurichL’artiste remercie tout particulièrement l’équipe d’Air de Paris (Florence Bonnefous, Édouard Merino, Jérémie Bonnefous, Lorraine Féline, Hélène Retailleau et Vincent Romagny).

Elle a été réalisée en partenariat avec :

L’exposition « Bruno Serralongue : Feux de camp » est organisée par le Jeu de Paume et coproduite avec La Virreina Centre de la Imatge, Barcelone.Commissariat : Bruno Serralongue, Marta Gili et Carles Guerra

Jeu de Paume – Concorde­­–––––––––––––––––––––––––––––––­­–––––––––––––––––––––––––––––––­­–––––––––––––––––––

1, place de la Concorde, 75008 Parisaccès par le jardin des Tuileries, côté rue de Rivoliwww.jeudepaume.org renseignements 01 47 03 12 50mardi (nocturne) 12 h-21 h mercredi à vendredi 12 h-19 hsamedi et dimanche 10 h-19 hfermeture le lundientrée : plein tarif : 7 € – tarif réduit : 5 €accès libre aux expositions de la programmation Satellitemardis jeunes : entrée gratuite pour les étudiants et les moins de 26 ans le dernier mardi du mois, de 17 h à 21 h

expositions29 juin – 5 septembre 2010z William Kentridge, cinq thèmesz Bruno Serralongue : Feux de campz Programmation Satellite, Klara Lidén : Toujours être ailleurs

31 mars – 17 novembre 2010z Espace virtuel, Agnès de Cayeux : Alissa, discussion avec Miladus, Elon/120/211/501sur www.jeudepaume.org et en salle de documentation

les rendez-vous avec les conférenciers du Jeu de Paume*visites commentées destinées aux visiteurs individuels : du mardi au samedi à 12 h 30

les rendez-vous en famille*le samedi à 15 h 30

prochaines expositions28 septembre 2010 – 6 février 2011 z André Kertész z Faux Amis / une vidéothèque éphémèrez Programmation Satellite, Tomo Savic-Gecan

* accès libre sur présentation du billet d’entrée aux expositions (valable uniquement le jour de l’achat) et pour les abonnés ; rendez-vous en famille sur réservation : 01 47 03 12 41 / [email protected]

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