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FAULKNERUne expérience de retraduction

sous la direction de :

Annick Chapdelaine etGillian Lane-Mercier

avec la collaboration de :

Corinne DurinChristiane MayerBernard VidaitLucie JoubertSophie BoivinPeter Di Maso

LES PRESSES DE L'UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

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Mise en pages : Yolande Martel

Données de catalogage avant publication (Canada)

Vedette principale au titre :

Faulkner : une expérience de retraduction

(Espace littéraire)Comprend des réf. bibliogr.

ISBN 2-7606-1796-3

1. Faulkner, William, 1897-1962. Hamlet.2. Faulkner, William, 1897-1962 - Critique et interprétation.3. Traduction littéraire.I. Chapdeleine, Annick. IL Lane-Mercier, Gillian, 1956- . III. Collection.

PS35H.A86H353 2001 813'.52 02001-940482-4

Dépôt légal : 2e trimestre 2001Bibliothèque nationale du Québec© Les Presses de l'Université de Montréal, 2001

Cet ouvrage a été publié grâce à une subvention de la Fédération canadienne des sciences humaineset sociales, dont les fonds proviennent du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.

Les Presses de l'Université de Montréal remercient le ministère du Patrimoine canadien du soutienqui leur est accordé dans le cadre du Programme d'aide au développement de l'industrie de l'édition.

Les Presses de l'Université de Montréal remercient également le Conseil des Arts du Canada et laSociété de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).

IMPRIMÉ AU CANADA

www.pum.umontreal.ca

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À la mémoire d'Antoine Berman

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REMERCIEMENTS

Nous voudrions remercier Benoit Léger, Judith Lavoie et MichelineBlaquière pour leurs précieux conseils, Hélène Buzelin pour sescommentaires judicieux et sa relecture attentive du manuscrit, ainsique Michael Gilson pour ses connaissances linguistiques.

L'érudition du faulknérien Noël Polk nous a été d'un apport ines-timable ; qu'il reçoive ici nos sincères remerciements.

Le présent ouvrage a été rédigé grâce à une subvention du Conseilde recherches en sciences humaines du Canada, que nous tenonségalement à remercier.

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INTRODUCTION

Vers une traduction-textepar un travail sur la lettre

Corinne Durin

LE PRÉSENT OUVRAGE est l'aboutissement d'un projet entrepris en1991 par le Groupe de recherche en traductologie (GRETI). Exposé

des fruits de notre travail, il tente également d'en retracer le chemine-ment, de rendre compte de la vie du projet, de son mouvement. Carpassés les tâtonnements prévisibles des premiers mois, le parcourssemble s'être dessiné de lui-même : chaque hésitation, chaque désac-cord, chaque retour en arrière ou changement de cap nous apparais-sent, avec le recul, avoir fait partie intégrante d'un processus toujourslégèrement en avance sur la conscience du groupe. Ainsi, à l'heure oùla recherche tire à sa fin, on a la très nette impression que c'est leprojet qui nous a menés à destination.

Le GRETI a été fondé en 1990 au Département de langue et littéra-ture françaises de l'université McGill. Son objectif était double. D'unepart, il s'agissait d'effectuer une retraduction décentrée des cent pre-mières pages (le Livre I) du Hamlet1 de Faulkner. Empruntée à Henri

i. William Faulkner, The Hamlet, dans Novels 1936-1940 (éd. Joseph Blotner et Noël Polk),New York, The Library of America (Literary Classics of thé United States), 1990 [ire édition :New York, Random House, 1940], édition utilisée: New York, Vintage, 1991. Les extraits tirésde ce texte seront suivis entre parenthèses des lettres HAM et du numéro de la page.

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Meschonnic, reprise par Antoine Berman, la notion de décentrement,qui s'oppose à celle d'annexion, signifie

[...] un rapport textuel entre deux textes dans deux langues-culturesjusque dans la structure linguistique de la langue, cette structure linguisti-que étant valeur dans le système du texte, ^annexion est l'effacement de cerapport, l'illusion du naturel, le comme-si, comme si un texte en languede départ était écrit en langue d'arrivée, abstraction faite des différencesde culture, d'époque, de structure linguistique (Meschonnic 1973: 308).

D'autre part, nous souhaitions contribuer aux études traductologiquesen instaurant un véritable rapport dialogique2 entre la réflexion et lapratique, car nous considérons, à l'instar de Berman, que la traduc-tologie est « la réflexion de la traduction sur elle-même à partir de sanature d'expérience» (1985^ 39).

Pourquoi une retraduction?Les travaux antérieurs d'Annick Chapdelaine, directrice de l'équipe,avaient fait état de la prépondérance de l'inscription du tragique, audétriment du comique, dans la « translation3 » française de Faulkner.The Hamlet, roman classé parmi les plus comiques par le faulknérienMichel Gresset, n'a pas échappé à ce traitement dans la traduction qu'ena faite René Hilleret en 1959 pour le compte des Éditions Gallimard.

Cependant, si au départ notre désir de rétablir le comique, particu-lièrement occulté dans Le hameau4, a motivé tant le projet que le choixde l'œuvre à traduire, nous n'avons pas tardé à voir que ce gommagene constituait qu'une des « défaillances » de la première traduction etqu'il était impossible de faire de cet aspect l'unique objet de notre

2. Par rapport dialogique nous entendons, à la suite de Bakhtine, un rapport non dialec-tique, non hiérarchique, non clôturé entre réflexion et pratique. Autrement dit, aucun desdeux termes n'est privilégié au détriment de l'autre, tout comme aucune synthèse (ou tierceentité) entre pratique et réflexion n'est possible.

3. Nous employons ce terme au sens que lui prête Antoine Berman: «[...] la translationd'une œuvre étrangère dans une langue-culture [...] n'advient pas qu'avec la traduction. Elleadvient aussi par la critique et de nombreuses formes de transformations textuelles (ou mêmenon textuelles) qui ne sont pas traductives. L'ensemble constitue la translation d'une œuvre»(1995:17).

4. William Faulkner, Le hameau (trad. René Hilleret), Paris, Gallimard, coll. « Du mondeentier », 1959. Les extraits tirés de ce texte seront suivis entre parenthèses du nom de Hilleretet du numéro de la page.

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travail. Notre tâche, dès lors, n'était plus de rétablir la seule dimen-sion comique de l'œuvre. Au-delà des erreurs, omissions et contresensrepérés ici et là dans la traduction française et ne portant pas atteinte,en dernière analyse, à la cohérence du texte, c'est l'absence de poly-phonie, au sens bakhtinien de voix multiples dotées de perspectivesidéologiques distinctes, qui nous est apparue comme la défaillanceprincipale. D'une part, la voix narratoriale, distinctement faulkné-rienne, dense, tentaculaire, rythmée et modulée perd de son ampleurdans la version française pour davantage se conformer aux critères dubien-écrire. D'autre part, la voix sociolectale, par le truchement delaquelle sont représentés divers langages sociaux de provenance extra-textuelle, est appauvrie, lorsqu'elle n'est pas supprimée, au moyen destéréotypes, seuls marqueurs jugés acceptables et qui ne parviennentpas, par exemple, à recréer l'exploitation du vernaculaire du Sud desÉtats-Unis dans The Hamlet. L'importance de ces deux voix, le rôlequ'elles jouent dans la signifiance5 de l'œuvre ainsi que les liens étroitsqu'elles entretiennent nous sont apparus progressivement.

Mais nos critiques des «défaillances» de la traduction de RenéHilleret demandent à être nuancées. Il va de soi qu'elles sont avanttout attribuables à notre propre lecture, lecture modelée par un reculde trente années au cours desquelles la critique faulknérienne s'est consi-dérablement enrichie, l'horizon littéraire s'est transformé et les étudestraductologiques ont pris leur essor. S'ajoute à cela le fait que le pre-mier traducteur du Hamlet disposait d'un délai des plus contraignantspour accomplir sa tâche, délai qui rendait pratiquement impossibletoute réflexion approfondie sur le texte. Toutefois, l'insuffisance de latraduction est peut-être davantage imputable aux normes qui régissaientle polysystème d'accueil à l'époque : « C'est nul doute la pression assimi-latrice exercée par le polysystème et la tradition d'arrivée qui expliqueque l'esthétique traductionnelle soit si souvent rétrograde par rapportà celle de l'écriture directe», note Barbara Folkart (1991: 415). On saitpar ailleurs que la tradition littéraire française a longtemps été réfrac-taire à l'inscription du vernaculaire, résistance d'autant plus forte dansle cas des textes traduits :

5. La notion de signifiance, qui se distingue de celles de signification, de signifiant et designifié, sera précisée plus loin. Une définition concise est proposée au chapitre 3.

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[...] in French translations, Anglo-American slang cornes into conflictwith both thé norms of « officiai French slang » and thé very strong liter-ary requirements of grammatically correct usage. French translaters thusface some problems. First of ail, any régional connotations in thé Ameri-can original (especially expressions characteristic of thé U.S. South) dis-appear. Secondly, while characters in thé original texts may often useungrammatical constructions, this almost never occurs in thé French ver-sions. And finally, ail of thé slang terms used in thé French translationsare part of a répertoire of exclusively French « standard argot » which canbe found in any standard dictionary (Robyns 1994: 65).

Le but des considérations qui précèdent n'est pas de clouer RenéHilleret au pilori, mais plutôt de nettement démarquer notre projetdu sien. Formé dans un contexte universitaire, disposant des ressourceshumaines, matérielles et financières nécessaires, le groupe fonction-nait dans des conditions nullement comparables à celles du premiertraducteur du Hamlet. Ces conditions privilégiées nous ont permis demettre sur pied un véritable projet de traduction, relativement affran-chi des contraintes ayant pesé sur la version française. Nous pouvionsdès lors refuser de soumettre l'œuvre-en-traduction aux normes quepourrait imposer une édition commerciale, et entreprendre « le travailsur la lettre» (Berman) que nous souhaitions accomplir6. Nousn'étions pas davantage tenus de respecter le « canon » faulknérien hexa-gonal, canon dont l'emprise sur les modalités de (re) traduction estpatente, comme l'illustre la remarque suivante de Michel Gresset :

[Le traducteur] ne peut pas se permettre de traduire trop différemmentce que ses prédécesseurs ont déjà traduit du même texte dans d'autresétats, car, s'il le faisait, le lecteur perdrait la possibilité de percevoir, d'untexte à l'autre, tous les phénomènes de variation dans la répétition qu'onpeut nommer des échos, et qui, dans le cas de Faulkner, constituant le

6. Ce concept est l'axiome de base de la pensée d'Antoine Berman, pour qui « la traduc-tion est traduction-de-la-lettre, du texte en tant qu'il est lettre» (19850: 45). Selon Berman,traduire la lettre de l'œuvre, c'est traduire ses « systématismes », ses « réseaux signifiants sous-jacents», en un mot son «étrangeté» ou encore sa signifiance, tout ce qui est modifié —ennobli, clarifié, rationalisé, supprimé — par les « tendances déformantes » propres aux prati-ques traductionnelles normatives dans l'espace occidental, dont la dimension annexioniste,« hypertextuelle », provient du fait qu'elles cherchent avant tout à rendre le sens de l'œuvre.Traduire la lettre, ce n'est donc pas faire du littéralisme pur, ce n'est pas tomber dans unessentialisme servile, c'est rendre le caractère motivé de la texture de l'original (voir Berman198 ,̂ 1995).

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« travail » même de l'écrivain, finissent par tisser des réseaux thématiqueset/ou fantasmatiques (Gresset i^Sya: 17).

Ainsi libéré des impératifs commerciaux et littéraires habituels, le projetdu GRETI revêt un caractère expérimental qui en situe les enjeux surun tout autre plan : celui, épistémologique, de la réflexion sur et par latraduction.

Réfléchir, mais comment?C'est donc par sa dimension réflexive que notre projet s'éloigne leplus fondamentalement de l'entreprise de René Hilleret. Ce retour surl'expérience, s'il fait toujours partie du processus traductionnel, deve-nait ici l'enjeu central du projet. Et, doit-on ajouter, le catalyseur deson évolution. La nécessité de formuler les problèmes rencontrés, lesidées et les résistances de chacun, de les mettre, en quelque sorte, àl'épreuve du groupe et de « négocier » un résultat était évidemment aucœur de la démarche.

Nous avons d'abord tenté, en nous inspirant du protocole de latraduction transparente élaboré par Elmar Tophoven, de conserver lestraces du faire traducteur, de « rendre conscient le "travail de transmu-tations" et noter la suite des changements de termes pour indiquer laraison du choix définitif» (Tophoven 1987: 96). Ce protocole avaitl'avantage d'être aisément applicable. Il s'agissait de présenter, sousforme de lexies, le texte original et la traduction de 1959, ainsi que lesrévisions successives ayant mené à notre version finale. Chaque lexiedevait être accompagnée de commentaires explicitant nos choix etprises de position, commentaires que nous regroupions par catégories :Syntaxe, Prosodie, Morphologie, Lexique, Interculturel et Sociolecte.Nous espérions, à partir de la mine d'informations obtenues, monterun répertoire de problèmes et de trouvailles, un lexique anglais-françaisde termes spécialisés et d'expressions rurales, ainsi qu'une banque desstylèmes faulknériens et de leur traduction possible. En plus de cons-tituer un précieux outil d'uniformisation de la traduction, une telle basede données nous semblait susceptible de fournir un savoir réutilisablepar d'autres traducteurs de Faulkner et présenter un potentiel pédago-gique certain. Les deux premiers articles publiés par le GRETI sont destentatives d'application de la méthode (GRETI 1991 ; Vidal et al. 1992).

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Mais nous n'en étions pas totalement satisfaits. La rédaction desfiches s'avérait fort laborieuse et donnait lieu à d'interminables discus-sions en vue de rationaliser notre choix de tel terme plutôt que telautre. La voie d'une première remise en question de la démarche étaitainsi ouverte. En quoi l'articulation de chacun de nos choix pouvait-elleêtre d'une utilité réelle et pour qui ? Pourquoi nous semblait-elle arti-ficielle et comme plaquée après coup ? Que présupposait la comparai-son systématique de notre traduction avec celle de Hilleret ? Autant dequestions qui, bien entendu, n'ont pas trouvé de réponse immédiate,mais qui ont graduellement réorienté le projet.

Certaines des interrogations qu'avait suscitées la traduction desextraits présentés dans les articles nous semblaient toutefois valables :les problèmes de lisibilité qu'entraînait notre parti pris d'éviter l'enno-blissement, le rejet des relations temporelles ne convenant pas au ton dechronique verbale de la narration, l'emploi du vernaculaire québécoiset la problématique de l'annexion sont quelques exemples d'élémentsqui nous semblaient mériter d'être conservés et approfondis, en vertude leur pertinence par rapport à l'œuvre et par rapport à la traducto-logie. Dès lors, nous avons laissé de côté les traces microscopiques denotre travail pour au contraire privilégier les commentaires ayant traità la signifiance de l'œuvre ou à notre positionnement traductionnelglobal. Un article subséquent du GRETI (Chapdeleine 1994) témoignede ce changement de cap. On y trouve, à la suite d'un résumé denotre politique de traduction des dialogues, un extrait de la traductionaccompagné de notes de bas de page donnant des précisions ponc-tuelles sur certains aspects du texte, telle la situation d'énonciation despersonnages. Les recherches lexicales portant sur les termes spécialiséset sur les particularismes québécois ont également été éliminées, signede notre remise en cause de l'approche strictement microtextuelle.Enfin, l'extrait correspondant traduit par René Hilleret n'est plusoffert en comparaison, ce qui témoigne d'un décentrement culturelpleinement assumé.

Une dernière étape restait à franchir. Si notre décision de ne pasinclure les recherches lexicales dans les notes s'explique par la nouvelleorientation du projet (et l'élimination de son volet linguistique), ellenous a également amenés à interroger l'opportunité de l'appareil para-textuel envisagé. En effet, si les notes rédigées jusqu'alors convenaient

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pour un court extrait, qu'en serait-il pour la traduction du texte aucomplet? Que resterait-il du texte faulknérien entrecoupé d'un telmétadiscours et « orienté » par lui ?

C'est en définitive une véritable expérience de lecture que noussouhaitons offrir au cœur de cet ouvrage, avec l'espoir que ressortiraclairement le dialogisme à l'œuvre ici entre traduction et réflexion.

L'ouvrage comporte quatre chapitres. Est tout d'abord exposée,sous forme de synthèse, la politique de traduction du GRETI, tellequ'elle a évolué depuis le début du projet. La traduction du Livre Ivient ensuite, libre de tout commentaire. Enfin, deux études complè-tent le volume : la première fait état de l'ouverture sur le texte à laquellea donné lieu le processus de traduction, tandis que la seconde proposeune réflexion sur les figures du lecteur sous-jacentes au projet.

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CHAPITRE I

La politique de traductiondu GRETI

Corinne Durin

PAR POLITIQUE DE TRADUCTION nous entendons l'ensemble deschoix de traduction portant sur les traits textuels de l'original qui

nous paraissaient essentiels à l'univers faulknérien et que nous jugionsdevoir subsister comme points d'ancrage dans notre recréation. Lerepérage de ces traits, précisons-le, s'est fait en majeure partie au fur età mesure du processus de traduction. Bien entendu, nous avions pourguider notre pratique un projet, bermanien dans son essence puisqu'ils'agissait de restituer de manière décentrée les composantes narra-toriale et dialogale selon nous domestiquées dans la version française.Et l'on peut dire que cette orientation a sous-tendu tous les avatars(même les plus extrêmes) de notre traduction. C'est qu'en réalité laconfrontation avec le texte a révélé combien était délicat et exigeant letravail sur la lettre préconisé par Berman; notre désir de traduire laspécificité, ou encore la signifiance, l'« étranger » du texte de départ,loin de pouvoir trouver une concrétisation immédiate et sans heurts, anécessité de longues négociations, au terme desquelles nous avonsobtenu le dosage « étranger/étrangeté » qui nous convenait, assuré lacohérence de nos choix de traduction et, enfin, recréé l'organicité dutexte faulknérien.

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Mais notre travail a longtemps revêtu un caractère fragmenté, carnous n'étions pas en mesure d'appréhender le texte comme un tout.L'ordre de présentation adopté ici reflète notre démarche : il nous étaitimpossible, au début du projet, de voir comment la narration et lesdialogues participaient conjointement à la signifiance du Hamlet. Lesmultiples retours sur la traduction nous ont peu à peu fait pénétrer plusavant dans l'épaisseur du texte, ont fait lever de nouveaux éléments eten ont éliminé d'autres, jusqu'à ce que nous apparaisse une vision uni-taire de l'œuvre. Forcément, la synthèse qui suit ne rend pas compte,dans toute sa richesse, de Vexpérience que fut ce projet. La dynamiquedu groupe, l'apport des différents membres de l'équipe, la communautéd'effort, les détours de la réflexion, les moments d'exaltation et dedoute, la complicité, se résument malaisément. Ils n'en étaient pasmoins au cœur de l'entreprise. Car c'est seulement grâce à une inter-action prolongée entre traduction, réflexion et relectures qu'il a étépossible de construire, en groupe, notre propre système de traduction.

Même si au départ nous isolions dialogues et narration, certainschoix de traduction s'appliquaient sans distinction aux deux. Ainsi,nous avons emprunté, et légèrement francisé (« » / " " / ' ' ) , le systèmede guillemets anglais, afin de garder intacte la disposition du texte dedépart et de conserver l'emboîtement des voix. Nous avons égalementpris le parti, en accord avec notre visée non annexioniste, de ne pasfranciser certains éléments de l'univers faulknérien dans notre traduc-tion. Notons que même une décision en apparence aussi simple asuscité de nombreuses hésitations et posé des problèmes de cohérence.Il a été décidé, par exemple, de maintenir tous les noms de lieux del'univers faulknérien et de les signaler par des italiques. Nous nousinscrivons ainsi dans le courant traductologique actuel qui tend àconserver les indicateurs étrangers du texte de départ. Par ailleurs, àl'instar de Michel Gresset (1975: 72), nous estimons que les toponymesfaulknériens ont acquis une valeur emblématique suffisante pour qu'onse dispense de les traduire (Frenchmaris Bend, Old Frenchman place,Yoknapatawpha County, etc.). Dans le même ordre d'idées, on trou-vera le « ROOM8 AND BORD » inscrit sur la vieille pancarte du Littlejohrishôtel gardé tel quel dans la traduction et, dans le chapitre 3, le sym-bole du dollar placé, selon la coutume anglosaxonne, avant l'expres-sion numérale. La même volonté de décentrer notre traduction nous a

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fait retenir les désignatifs («Mr», «Miz», «Uncle», etc.) ainsi que lesnoms des personnages, bien que certains — les Snopes, Flem, Mink,I. O. — n'aient alors plus la même résonance par rapport aux isotopiesde l'œuvre.

Toutefois, hormis ces quelques décisions, ce sont les dialogues quiont dans un premier temps mobilisé le groupe, presque à l'exclusiondes passages narrés, que nous traduisions, bien sûr, mais sans nous yattarder outre mesure. La charge sociolectale du Hamlet nous parais-sait en effet constituer un défi de traduction majeur. Nos efforts etnotre réflexion se sont donc d'abord portés sur cet aspect du texte.

Dialogues et vernacularisationLe recours au vernaculaire québécois pour traduire la charge sociolectaledu Hamlet s'est très tôt imposé de lui-même. Notre propre inscriptiondans l'espace culturel québécois motivait ce choix, dans la mesure oùil nous était plus facile de manier une langue qui nous était familièreet dont la tradition de représentation littéraire était forte au Québec.Nous voulions également nous démarquer de toute pratique institu-tionnalisée du traduire et éviter que notre restitution ne repose surune série trop limitée de marqueurs, comme c'était le cas pour laversion française de Hilleret. Nous avons voulu travailler cette langue,l'ouvrir, en explorer le potentiel créateur et la rendre accessible aulecteur francophone, quel qu'il soit. Par ailleurs, un autre argumentnous semblait militer en faveur de notre décision, à savoir que laparenté entre les univers du Sud des Etats-Unis et du Québec —l'espace géographique commun et les origines rurales — tissait desliens de traduction privilégiés entre les deux cultures. Cette parenté,même si nous en avons depuis nuancé la pertinence, se manifestait demanière très concrète lorsqu'il s'agissait de traduire la quotidiennetéde la vie rurale décrite dans The Hamlet.

D'emblée, les ressources du franco-québécois nous sont apparuescomme un outil qui, judicieusement utilisé, était susceptible de recréerl'exploitation du vernaculaire à l'œuvre dans le texte de départ. Ettout lecteur devait pouvoir déduire le sens des termes et expressionsinconnus — dont un certain nombre sont récurrents — à partir ducontexte. Bien entendu, nous nous sommes demandés si une tellesuperposition des deux univers, québécois et sudiste, ne courait pas le

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AGMV Marquis

M E M B R E D U G R O U P E S C A B R I N 1

Québec, Canada2001

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