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§ § SURELE\f,ATIONS: UNE VOIE VERS LE CIEL par Laetitia Guinand TRors ANs apnÈs LA MoDrFrcATroN DE LA Lo! coNcERNANT us suRÉlÉvenorus ET NOUVEAUX GABARITS D'IMMEUBLES, LA PAROLE EsT AUX CONVAINCUS. Construire en hauteur: voilà une belle idée pour aider à résorber la pénurie de logements à Genève, tout en économisant le sol, rare, du canton. Adoptée sous sa forme définitive en février 2008 par le Grand Conseil, la modification de la loi sur les constructions et installations diverses (LCl) permet de gagner jusqu'à deux étages en ville. Les projets fleurissent: « La loi est un succès », confirme Patrice Bezos, architecte responsable de la transformation et surélévation de l'ancienne usine Beyeler (Rue des Deux-Ponts 2) et président de la commission d'architecture du canton. «Nous traitons entre un et deux dossiers à chaque séance de la commission.» ll s'agit de 330 nouveaux logements (environ 70 requêtes) autorisés depuis le 22 avril2008, date d'entrée en vigueur de la modification, et 150 logements (20 requêtes) en cours d'examen. Genèse A l'origine de Ia modification de la loi: Hugues Hiltpold, architecte et conseiller national, alors député. « Nous réaménagions les combles d'immeubles entre le Boulevard d'Yvoy et la Rue des Bains et nous nous sommes aperçus que la loi ne nous permettait pas de suréle- ver de manière optimale, ce qui, en l'état, était absurde. Y compris au niveau des coûts; reporter le prix des travaux sur deux étages permet de réduire proportionnellement celui des futurs loyers.» L'acceptation n'est pas allée sans peine et les attaques continuent d'étayer la chronique: assombrissement des rues, dénaturation du patrimoine bâti, etc. « ll y a très peu de refus et essent e llement pour des mofifs liés aux distances entre bâtiments sur caur. ), Loi stricte Pourtant la loi est, à maints égards, plus stricte aujourd'hui qu'hier. « Certains bâtiments datant de 1900 montent proportionnellement plus haut dans les rues étroites », constate Sabine Nemec-Piguet. directrice-conservatrice cantonale. Aujourd'hui, la lumière doit pénétrer tous les étages. Malgré la publication de cartes indicatives, chaque cas est particulier et étudié comme tel. «ll y a très peu de Surélévation au Boulevard de Saint-Georges refus et essentiellement pour des motifs liés aux distances entre bâtiments sur cour», souligne Michel Bürgisseç directeur général a.i. des autorisations de construire. Défi architectural Le projet se doit aussi de respecter l'harmonie du site. Enrique Ortiz (Régie du Rhône), responsable de la surélévation du Boulevard d'Yvoy 31-33, considère, à I'instar de nombre de ses pairs, que ces travaux amÇliorent généralement l'esthétique des immeubles concernés, notamment grâce à l'utilisation de matériaux légers comme le bois. La charge « patrimoniale » ne semble d'ailleurs pas avoir effrayé Ugo Brunoni, choisi pour réhausser la maison arron- die, signée Pierre Braillard, Rue des Délices 2-4. «C'est un défi passionnant ! llarchitecte doit soumettre une proposition contem- poraine qui soit une lecture de l'existant, portant l'empreinte de la modernité. ll faut respecter l'æuvre, même si l'on peut transgresser. Chaque bâtiment a sa réponse.» immoscope n'l02 - décembr" zOro f Surélévation à la rue des Délices

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SURELE\f,ATIONS:UNE VOIEVERS LE CIELpar Laetitia Guinand

TRors ANs apnÈs LA MoDrFrcATroN DE LA Lo! coNcERNANT us suRÉlÉvenorusET NOUVEAUX GABARITS D'IMMEUBLES, LA PAROLE EsT AUX CONVAINCUS.

Construire en hauteur: voilà une belle idée pour aider à résorber lapénurie de logements à Genève, tout en économisant le sol, rare,du canton. Adoptée sous sa forme définitive en février 2008 parle Grand Conseil, la modification de la loi sur les constructions etinstallations diverses (LCl) permet de gagner jusqu'à deux étages enville. Les projets fleurissent: « La loi est un succès », confirme PatriceBezos, architecte responsable de la transformation et surélévationde l'ancienne usine Beyeler (Rue des Deux-Ponts 2) et président dela commission d'architecture du canton. «Nous traitons entre unet deux dossiers à chaque séance de la commission.» ll s'agit de330 nouveaux logements (environ 70 requêtes) autorisés depuis le22 avril2008, date d'entrée en vigueur de la modification, et 150logements (20 requêtes) en cours d'examen.

Genèse

A l'origine de Ia modification de la loi: Hugues Hiltpold, architecte etconseiller national, alors député. « Nous réaménagions les comblesd'immeubles entre le Boulevard d'Yvoy et la Rue des Bains et nousnous sommes aperçus que la loi ne nous permettait pas de suréle-ver de manière optimale, ce qui, en l'état, était absurde. Y comprisau niveau des coûts; reporter le prix des travaux sur deux étagespermet de réduire proportionnellement celui des futurs loyers.»L'acceptation n'est pas allée sans peine et les attaques continuentd'étayer la chronique: assombrissement des rues, dénaturation dupatrimoine bâti, etc.

« ll y a très peu de refus etessent e llement pour des mofifsliés aux distances entre bâtimentssur caur. ),

Loi stricte

Pourtant la loi est, à maints égards, plus stricte aujourd'hui qu'hier.« Certains bâtiments datant de 1900 montent proportionnellementplus haut dans les rues étroites », constate Sabine Nemec-Piguet.directrice-conservatrice cantonale. Aujourd'hui, la lumière doitpénétrer tous les étages. Malgré la publication de cartes indicatives,chaque cas est particulier et étudié comme tel. «ll y a très peu de

Surélévation au Boulevard de Saint-Georges

refus et essentiellement pour des motifs liés aux distances entrebâtiments sur cour», souligne Michel Bürgisseç directeur générala.i. des autorisations de construire.

Défi architecturalLe projet se doit aussi de respecter l'harmonie du site. Enrique Ortiz(Régie du Rhône), responsable de la surélévation du Boulevardd'Yvoy 31-33, considère, à I'instar de nombre de ses pairs, queces travaux amÇliorent généralement l'esthétique des immeublesconcernés, notamment grâce à l'utilisation de matériaux légerscomme le bois. La charge « patrimoniale » ne semble d'ailleurs pasavoir effrayé Ugo Brunoni, choisi pour réhausser la maison arron-die, signée Pierre Braillard, Rue des Délices 2-4. «C'est un défipassionnant ! llarchitecte doit soumettre une proposition contem-poraine qui soit une lecture de l'existant, portant l'empreinte de la

modernité. ll faut respecter l'æuvre, même si l'on peut transgresser.Chaque bâtiment a sa réponse.»

immoscope n'l02 - décembr" zOro

fSurélévation à la rue des Délices

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Défit teehnique

Chaque bâtiment impose aussi ses contraintes techniques. « La

question de la statique est centrale. La structure de l'immeuble sup-portera-t-elle le poids additionnel ? » précisent les professionnelsinterrogés. ll faut faire avec l'existant qui détermine jusqu'à Ia typo-logie des nouvelles habitations. « En général, nous superposons les

nouveaux appartements sur ceux des étages inférieurs car les mursporteurs et les gaines doivent coïncider», indique Patrice Bezos.

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Une surélévation nécessite des travaux lourds - échafaudages, grue

sur le toit - réalisés en présence des locataires en place. « Mais toutle monde s'y retrouve car, en général, nous en profitons pour amé-

liorer l'isolation du bâtiment et son enveloppe extérieure ». souligneStéphane Barbier-Mueller (Pilet & Renaud), à la tête de plusieurs

surélévations dont celle, aujourd'hui achevée, du Boulevard Saint-

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Georges 72. Prolongation de la ligne d'ascenseur, nouvelles fenêtres,réfection de la façade sont autant d'éléments dont jouissent ensuitetous les locataires.

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La surélévation est financièrement coûteuse mais entraîne une indé-niable augmentation de la valeur locative, « par l'apport de nou-veaux logements généralement de qualité supérieure, la remise enétat de l'immeuble, ainsi que l'augmentation de sa valeur commer-ciale», confirme Enrlique Ortiz. « Le rendement est équitable, il per-met de motiver les propriétaires même s'il est contrôlé par l'Etat»,soutient Hugues Hiltpold. Surtout, de l'avis de tous, construire en

hauteuç c'est d'abord faire l'économie du sol et de iéduire,les dépla-cements pendulaires avec un gain écologique et fiscal pour Genève.Les changements apportés dans la loi ont également pour effet depermettre la construction de nouveaux immeubles plus haut. «Aterme, il s'agira là d'un effet prédominant dans la mise à dispositionde logements supplémentaires», conclut Michel Bürgisser.

1929: introduction des zones

La hauteur maximale est toujours de 21

mètres mais les gabarits deviennent pro-portionnels à la largeur de la rue (2/3)comme c'est encore le cas aujourd'hui.La règle, hygiéniste et fonctionnaliste, veutque la lumière pénètre jusqu'aux étagesinférieurs. On monte proportionnellementmoins haut que précédemment dans lesruelles étroites et il n'y a plus d'homogé-néité des hauteurs.

ses fortifications tardivement (1860).

Le terrain, très rare à l'intérieur de ce péri-mètre, conduisit les Genevois à gagnerun ou deux niveaux dès que la situationle permettait. Dans la Vieille-Ville. on a

non seulement surélevé, mais aussi réunides immeubles médiévaux en rajoutantde nouvelles façades (Maison Cramer,Grand-Rue 25). Le quartier de Saint-Gervais con nut l' i nsta I lation d' éta ges vitréssur ses toits. à destination des cabinotiers(Rue Rousseau 7-9). On avait cependantle souci de ne pas toucher aux «beaux»

,,, ,.!J!.neubles autour des places et dans les

1895: adoption de la 1'" loi fixant lesgabarits en fonction de la largeur desrues avec une hauteur maximale de21 mètres.

On voulait rendre l'espace urbain homo-gène pour des raisons de salubrité maisaussi par souci esthétique: les alignementsdeviennent la règle et les décrochementssont rares (Boulevard Carl-Vogt).

.. lieux visibles (Rue des Granges).p,,l'1 g,rj*,irl.:nâr- i i:i:: --

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La toi esr stricte mais prévoit des déroga- « {"e pnoJef cÿg fæg gmfl*3wær8tions pour des cas exceptionnels (art. 1 1

LCI). L'Etat peut accepter des hauteurssupérieures à celles prévues, notammentpour des raisons esthétiques et urbanis-tiques, si les surélévations « ne nuisent pasà l'harmonie de la silhouette de l'agglo-mération ni à la perception de sa topo-graphie». l-'exemple avait été donné parl'agrandissement sur trois niveaux del'Hôtel Cornavin en 1997-99.

1961: Loi sur Ies constructions etinstallations diverses (LCl), remaniéeen 1988, touiours en vigueur.Le gabarit maximum en ville est de 24mètres; on gagne un étage et de nom-breuses surélévations un peu partout maissans souci d'harmoniser les blocs (RuePierre-Fatio 12-16: l'allée centrale n'estpas surélevée).

Ene-ore plus haut. deragations peissikiles

æ*rs§, Iæ pæssffudrfé dæconsfrlrire des Ertaÿsomshaufes, v§rre des felursffusqu'à f l§ rmèfresJ" »

Autre cas d'exception actuellement à

l'étude : le périmètre Praille-Acacias-Vernets(PAV), situé en zone de développement 2 -une fois entrée en vigueur la modificationde zones. Le projet de loi prévoit desaménagements législatifs. « Cet assouplis-

2006-08: modification de la LCI

Les gabarits gagnent 6 mètres maximumen ville, soit deux étages, toujours en pro-portion de la largeur de la voie. La hauteurmaximale est de 30 mètres dans la 2e zoneet de 27 mètres dans la 3" zone. La loi estdeÿenue beaucoup plus complexe et l'af-fectation au logement, obligatoire.

sement est nécessaire pour rendre possiblela cohabitation des bâtiments existantsavec les nouvelles constructions pendant leprocessus de mutation des affectations»,précise Pascale Lorenz, directrice du projetPAV. « Le projet de loi prévoit aussi la [os-sibilité de construire des maisons hautes,voire des tours (usqu'à 175 mètres). Maistout cela sera défini par les études en coursqui déboucheront sur les futurs plans loca-lisés de quartier.»

Boulevard Carl-Vogt, entre 1 902 et 1 91 0 (carte postale CIG)

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