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PhoebeP.Campbell

FAST

Volume2

ZJOA_002

1.Tomberseptfois,sereleverhuit

Jo

Je traverse lestudiod’enregistrementcommeunrobotetpasse ladoubleportequiporte le logodeAroundtheWheel,l’émissionàlaquellejeviensdeparticiperavecNateHattaway.

CesalauddeNateHattaway!

J’aichaudauvisage,jedoisêtrerougecommeunepivoine,auxprisesavecundouloureuxcocktaildehonteetderage.Quandjesensqu’onm’attrapeparlebras,jemeretournebrutalement,déjàfurieuse.

–Qu’est-cequisepasse?faitaussitôtMarina,endécouvrantmonvisagedécomposé.

Jen’aiqu’uneenvie,sanglotersurl’épaulecompréhensivedemameilleureamie,maisnoussommesdansunpassageetjen’aiqu’unecrainte:croisercefoutuplay-boydubitume.

–Jet’expliquerai.Maisd’abord,partonsd’ici!dis-jerapidement,enmeremettantàmarcher.

Marinam’emboîte le pas sansdiscuter, comprenant immédiatement que l’heure est grave.Quelquesminutesplustard,noussommessurletrottoir.

–Alors,tuvasmedirecequit’arrive?medemandeMarina,lamineinquiète.Tumefaispeur,là!–J’aisurprisHattawayetsoningénieurcourseentraindeparlerd’unpariqu’ilsavaientfaitsurmon

compte,débité-jed’unetraite,enm’éloignantàgrandspasdubâtimentdeFoxSportsAustralia.–Attends…quoi ?! lancemameilleure amie, restée figéepar la surprise, avantde courir pourme

rattraper.–RamsamiavaitdéfiéHattawaydememettredanssonlit,engros,résumé-je,amère.Autanttedire

qu’ilétaitravid’avoirremportélepari.

Marina,consternée,secouelatête.

–Jen’ycroispas…Lesmecsadultesfontvraimentça?!–Lesmecsadultes,jenesaispas,maiscesdeuxconnardsl’ontfait,dis-je,lavoixtremblante.

L’indignationdemonamiecèdelaplaceàlacompassion.

–Viens,m’ordonne-t-elle,enm’attrapantlamain.

D’autorité,ellemefaitentrerdansunbarsombre,dontlestablessontséparéeslesunesdesautrespardes plantes si hautes qu’elles forment des box végétaux. Parfait pour souffler un peu et retrouvermesesprits.Marinacommandedeuxchocolats.

–Lechocolat,danscegenredesituation,iln’yaqueçadevrai,décrète-t-elle,levisagesérieux.

–Jesuisdésolée,ducoup,jenet’aipasdemandécequ’avaitdonnétadiscussionavecleproducteur,m’excusé-je.

–Ons’enfichepourlemoment!répond-elle.Commenttuaspuécouterleurconversation?

Leréflexedelajournaliste:vérificationdesfaits.Maisj’appréciececôtétrèsrationneldeMarina,iln’yariendetelpourfairelepoint.

– J’ai vu que tu étais encore en pleine conversation, alors j’ai décidé d’aller explorer un peu lescoulisses du plateau et c’est là que je les ai entendus discuter, expliqué-je, la gorge serrée parl’humiliationressentie.

–J’imaginequ’ilsnet’ontpasvue.–Non.Etmoi,jepréféreraisneplusjamaislerevoir,mais…

Mavoixs’étrangle.Heureusement,aumêmemoment,unserveurnousapportedeuxtassesdechocolatchaud, à l’odeur délicieusement épicée. Sans attendre, je trempe aussitôt les lèvres dans le breuvageréconfortant.Marinatendlamainpar-dessuslatablepourlaposersurmonépaule.Jesoupire.

–J’espèrequ’ilnevapass’envanterpartout,murmuré-je.

Lamoue désolée deMariname confirme ce que je pense déjà : avec ce genre de type, commentsavoir?

–J’aiététropconne,gémis-je.–Mais non, tu as été spontanée !Comment tu aurais pudeviner qu’il pouvait être capablede ça ?

Personnen’estcensésecomportercommeçapasséseizeans!

Laréponsedemonamiemefaitdubien.Jesensmonangoisseetmatristesses’éloigner,pourlaisserdenouveauplaceàuneénergiequejeconnaisbien:lacolère.Cemecneméritepasquejeluiadresseencorelaparole.

Jeneperdraipasunesecondedeplusavecça.

–Enfait,laseulechosequ’ilmérite,c’estdemordrelapoussièrelorsdelaprochainecourse.

Jeprendsunegrandeinspiration,finisd’untraitmonchocolat,mebrûlelalangueaupassageetdécided’avancer,coûtequecoûte.

Quelquesoitcequim’attend…

–Entoutcas,jepeuxtedirequeBlakeaintérêtàêtreprêtparcequej’aibienl’intentiondeluifairepayerçasurlapiste,àcetteordure!lancé-jed’untonferme.

–Bonneidée,m’encourageMarina.Enplus,sivouslebattez,çam’étonneraitqu’ilosereparlerdu…momentquevousavezpartagé.

J’ignoresimameilleureamiearaison,maisquandnousquittonslebar,jen’aiplusenviedemeroulerenboulesousunecouettejusqu’àlafindemesjours.Toutefois,jesaisaussiquelesprochainessemainesvontêtrecompliquéesàgérer.

Jamaisjen’auraisdûpasserlanuitaveclui!

2.Déclarerforfait?Jamais!

Jo

Pour la première fois de ma vie à Kuala Lumpur, où nous sommes logés, je reste malgré moiindifférente aux rues bondées, aux buildings ultramodernes, aux innombrables petites échoppes, auxtemples bouddhistes… Je me désole. J’ai passé mon temps à soigneusement éviter tout contact avecd’autrespersonnesquelesmembresdel’écurieRazov.Jesuisrestéeconfinéedanslestand,àdémonterlematériel,j’aimisunpointd’honneuràmedéplacerengroupe,ànesurtoutpaschercheràsavoiroùenétaientlesautreséquipes…Maisdepuisquejesuissortiedel’avionetquej’airallumémonsmartphone,jen’arrivepasàm’empêcherdeconsulterunecertainepageFacebook.Unepagedontlepropriétaire(ousonchargédecom,peuimporte)necessedeposterdesextraitsdeAroundtheWheel.

Ilfautquej’arrêteça!

Heureusement,j’airendez-vousavecBlakeetlerestedel’écuriesurlecircuitdeSepang,danstrenteminutes.Jevaisêtreobligéedepenseràautrechose.Àautrechosequ’aupari,qu’àlanuitoù…

Ah!Siçacontinue,jevaismefairemoi-mêmeunelobotomie,qu’onn’enparleplus.

Enfonçantd’ungestebrusquemacasquettesurmescheveuxattachés,j’accélèrelepas,têtebaissée.Lecircuitgrouilledéjàdemonde.Jeneregardepersonne,neparleàpersonne.Jefoncemeréfugierdanslestandbleuetnoirdel’écurieRazov.

–Salut,Jo!Pasmal,l’émission!melanceBlake.–Ouais,tuluiasbientenutête,àHattaway!renchéritMark.

Ilspensentmefaireplaisirenmefélicitantdelasorte,maisjedoisfaireunefforténormepourleursourireenretour.

Sivoussaviez…

Maintenantquejecrainsqu’ilsoitrévélé,monsecretmeparaîttellementlourdquejevoudraisrevenirenarrière.Dommagepourmoi,onn’apasencoreinventélevoyagetemporel.

–Merci.Maintenant, il s’agit de ne pasme fairementir,Blake : je veux qu’on le batte ! lancé-je,sincère.

–Compte surmoi, il esthorsdequestionquece typeposeencoreune fois lepiedsur lapremièremarchedupodium,assuremonamid’enfance.

–S’iln’yavaitquemoi,ilneposeraitmêmepluslepiedsurunepiste,murmuré-jediscrètement.

Maisl’enthousiasmedeBlakemefaitplaisiretmerassure.Jesaisqu’ilvatoutdonnerpourgagnerlaprochainecourse.Ceseral’occasiondeprouveràNateHattawayqu’ilnem’apastournélatête.

Malgrémoi,laphrasedeTomRamsamirésonnedansmatête:«Jen’auraisjamaisimaginéqu’elledéclareforfaitaussirapidement.»

Moi,déclarerforfait?Jamais.

–Allez,auboulot!m’écrié-je,pluspourmettrefinàmondialogueintérieurquepourencouragermespartenaires.

–Parfait,bonesprit!rugitAngus,l’autrepilotedel’écurie.

Luiaussiest fermementdécidéàgagneret toutautantdéterminéàempêcherNatedegrimpersur lepodium.J’ignorecequ’ilaentête,maistantmieux!

Maisceseramonpilotequigrimperasurlapremièremarche,j’enfaisleserment.

Concentrée, je salue Angus et cours enfiler le casque de communication, tandis que Blake parts’installerderrièresonvolant,pourletourd’essainonqualificatif,l’occasionpournousdeuxdetesterlapisteensituationréelle.

3.Lesfantômesdupassé

Jo

Blake redescend de la Formule 1 avec un petit sourire en coin quime fait du bien. La chaleur estécrasante,encetaprès-midi,etjeluitendsunebouteilled’eaufraîchepourqu’ilpuisseseréhydrater.

Derrièremoi,lesmembresdel’équipen’ontpasperduunemiettedecetourd’essai.Ronarboreunairsatisfait.Quantàmoi,jeresteconcentrée,indifférenteauxcrisdupublicmalais,déjànombreux.

– Alors, ces nouveaux réglages ? lui demandé-je sans attendre, curieuse de savoir si nous avonstravaillédanslabonnedirection.

–Nickel!mefait-il,enbrandissantsonpouceverslehaut.–Deschosesàrevoir?Ladirection?L’hydraulique?continué-je,pourêtrecertainedenerienlaisser

passer.–Peut-êtredurcirunpeuladirection,parcequ’aveclesviragesenépingle…

LecircuitdeSepangalterneleslongueslignesdroitesavecdescourbesserrées,desviragesbrutauxetdangereux.

–OK,noté.Sinon, toutrépondbien?Tudevrasfoncerdansles lignesdroitessi tuveuxêtresur lepodium,tuauraspeudetempspouranticiperlesvirages,rappelé-jeàBlake.

–Jesais,Jo.Jesuisprêt.–Nickel,fais-jeàmontour.

Angus,quin’apasperduunemiettedelaperformancedeBlake,assistedeloinànotrepetitéchange.Pensantqu’ilestaussicontentquenous,jelèvelepoucedanssadirection,maislepetitrictusqu’ilmelanceneressemblequedetrèsloinàunsourire.

–John,qu’est-ceque tufous?C’estpascommeçaque jevoulaismesréglagespour lesystèmedefreinage!rugit-ilàl’intentiondesoningénieurdecourse.

Cedernierlèvelesbras,sansperdresoncalme.

–J’ysuis,Angus.–Çadevraitdéjàêtrefait,putain!

Maisqu’est-cequiluiprenddeluiparlercommeça?

Gênée,jedétournelesyeux.Blake,quicroisemonregard,hausselesépaules.

–C’estAngus,soupire-t-ilavecindifférence.–Net’avisejamaisdemeparlercommeça,murmuré-jeenaparté.–J’aurais troppeurque tum’attendesaprès lacourseavecunebattedebase-ball, répondcet idiot

avecungrandsourire.

Sansrienajouter,nousretournonsplanchersurlastratégieàdéterminer,pourceprochainGrandPrix.

Quelques heures plus tard, alors que je croise John près de lamachine à café, pendant une pauseméritée, je lui demande si tout va bien. Ilme lance un regard amusé, sachant très bien à quoi je faisallusion.

– Oui, ça va ! Angus a une façon un peu explosive de gérer le stress, mais on s’y fait, répond-ilcalmement.

–Quandmême…C’estlecircuitquiluifaitça?–Lecircuit,HattawayetaussiBlake,ajoute-t-ilàmi-voix.

Jecomprendsqu’Anguscraintdesevoirdétrônersurlapiste,maisaussiauseindel’écurie.Blakeestle petit nouveau, il a tout à prouver et encore beaucoup de travail à faire avant d’avoir le palmarèsd’Angus,maisilestclairquesonpotentielestplusqueprometteur.Etsurtout,ilaunedizained’annéesdemoins.

–Ettoi,avecBlake?medemande-t-ilàsontour.–Oh,tusais,onseconnaîtdepuisl’enfance,çafaciliteleschoses.– C’est précieux de bien se connaître, surtout pendant les courses, confirme-t-il. Un bon ingénieur

course a des compétences techniques, mais doit aussi avoir des qualités humaines et unminimum depsychologie.

–C’est sûrquequandon rouleà300km/h,onn’apas trop le tempsdeprendredespincettespours’exprimer,réponds-je.

–Exactement.

Nous continuons à échanger sur le même mode. John a la gentillesse de me raconter quelquesanecdotesàproposdenotremétier.Quandilmeparled’unedisputeenpleincircuitentreAngusetlui,àleursdébuts,alorsqu’ilsétaientencoredansuneécurieconcurrente,jenepeuxpasm’empêcherdefairelerapprochementavecleGrandPrixdeMonaco,en2003,oùtoutlemondeparlaitd’unjeunepilotequiavaithurlésursoningénieurenpleinecourse,defaçonsigrossièrequetoutlemondes’enétaitindigné.

–Tuesaucourantdeça?s’étonneJohn,quel’anecdotesembleamuserplusqu’autrechose.

Jeprendsl’airdégagé,maisjesuisunpeuflattéedesonétonnement.

–Ronm’aapprispasmaldetrucs,expliqué-je.–Jevois…

Johnmeregardeensilencependantquelquessecondes.

–Tonpèreseraitfierdetoi,lâche-t-ildoucement.

J’ouvrelabouche,sousl’effetdelasurprise.Puismesvieuxréflexesdedéfianceréapparaissent.Johnnesemblepasvouloirparlerdavantagedemonpère,maisquisait?Peut-êtreva-t-ilessayerdemeposerdesquestionssurcedontonl’avaitaccusé.Àmoinsquecenesoitl’inverse:peut-êtrel’a-t-ilconnueta-

t-ildesanecdotespositivesàpartager?

Finalement,latentationesttropforte.

–Tuleconnaissais?demandé-je,presquetimidement.–Untoutpetitpeu,jesuisarrivédansl’écurieRazovjusteavant…–Sondécès,finis-jepourlui.

Quemonpèresoitmort,c’estunfaitetl’évoquernemebouleversepas.Samauvaiseréputation,parcontre…c’estunmensongeetçamerenddingue.

Johnacquiesce,sansosermeregarderdanslesyeux.

–Mais j’aipuvoirquec’étaitun typebien, très compétent, reprend-il. Il avait la réputationd’êtrehonnête…Cettehistoirem’abeaucoupétonné,àl’époque.Etc’étaitencoreplusincompréhensiblepourceuxquileconnaissaientbien.

Jeluilanceunregardreconnaissant,maisgardeprudemmentlesilence.

Pourmoiaussi,cettehistoireestincompréhensible.

Sadernièrephraserésonnedansmatête.Pourtant,Ronétaitbienceluiquiconnaissaitlemieuxmonpèreetilacruàsaculpabilité,puisquec’estluiquiadécouvertlespreuvesquil’ontensuiteaccablé…

Peut-êtreya-t-ilicid’autrespersonnesquionttravailléavecmonpère?

–Quid’autrel’aconnu,dansl’écurie?demandé-jealors.

Johnfaitlagrimaceetprendquelquessecondespourréfléchir.

–ÀpartRon,pasgrandmonde,l’équipeestassezjeune.Ahsi!fait-ilsoudain.TudevraisallervoirDonnie,lepremiermécanoassignéàlavoituredeBlake.Lui,iladûtravailleravectonpère.

–Donnie ? répété-je, en cherchant des yeux le vieuxmécano quim’avait souhaité la bienvenue, lepremierjour.

–Ouais,maisjecroisqu’ilestpartirécupérerdespièces,ilnereviendrapasavantdemain.

Dépitée,jejettemongobelet.

– Bon, j’y retourne, sinon Angus va dire que je me tourne les pouces, plaisante John, avant des’éloigner.

–Travaillezbien!lancé-je,avantdemeresserviruncafé.

J’aibesoindedigérertoutça.

Blake, qui a assisté à la fin de l’échange, s’avance sans un mot et prend lui aussi un café. Nouséchangeonsunbrefregardetjecomprendsqu’ilasaisilafindenotreconversation.Ilneditrien,maisjesensqu’ilestdésolépourmoi.

–Jo?faitunevoixhésitante.–Oui?réponds-jeenmeretournant.

Devantmoi,setientMark,l’airunpeugêné.Sacarruredecatcheur,ornéedetatouagesdetaulard,esttoujoursaussiimpressionnante,maisilaparfoisaufonddesyeuxunelueurunpeuperdue,quicontrastesingulièrementavecsonvolumemusculaire.

Jesuissûrequ’adolescent,ilétaitpetitetmalingre.

–J’ai…J’espèrequetunem’envoudraspas,maisj’aientendudesbribesdevotreconversationetje…Disonsquejesuisbienplacépoursavoirquecequ’onvitpendantnotreenfancepeutinfluersurlasuiteetdonc…

Ils’interrompt,gêné,semblants’êtreemmêlédanscequ’ilvoulaitmedire.Intriguée,jedécidedelelaisserterminer.

–Enfin,jesaisquec’estpastoujoursdrôle,quoi.

J’ai la trèsnette impressionqu’ilparledavantagede luiquedemoi.Son intervention,àmi-cheminentre laconfidenceet lapropositiond’amitié,me touche. Je lui souriset tendsmongobelet jusqu’à lecognerdoucementcontresacanettedesoda.

– On n’a qu’à trinquer à notre avenir, au sein de l’écurie, alors ! proposé-je, pour allégerl’atmosphère.

–Ouais!fait-il,aveclesourire.

Blake nous imite, boit son café d’un trait, puis me serre rapidement dans ses bras. Je sais qu’ilcomprendàquelpointlamortdemonpèreet toutesleschosesépouvantablesqu’onaditessurluimeminent…mais iln’étaitpasbeaucoupplusvieuxquemoiet j’imaginequ’ilcroitàsaculpabilité, toutcommeRon.

–Bon,j’yretourne,lesingésmoteursontentraindemodifierlesystèmederefroidissement,s’excuse-t-il.

–Jepeuxvenirvoir?demandeMark.–Situveux,aprèstun’aurasqu’àvenirvoirlesnouveauxréglagessurlavoitured’Angus,lancealors

Ron,quejen’avaispasvu.

Ilss’éloignenttouslestrois,endiscutanttechnique.JesuiscontentepourMarkqueRonleprenneunpeusoussonaile.Jejettelafindemoncafé,pouréviterdemeretrouversurlesnerfs.

Jen’aipasvraimentbesoindeça.

MarketRonsontpenchéssur lemoteur, tandisqueBlakes’installedevant lebureauoùnousavonsdécortiquéencoreetencoreleparcoursdelapiste.Denouveau,jemeconcentresurquim’intéresseicietmaintenant:gagnerleGrandPrixdeMalaisie.EtmettreuneracléeàHattaway.

4.Tantdequestionssansréponse

Jo

Jefaislagrimaceenregardantlecielmalaisien.Commehier,jecrainsqu’uneaversetorrentiellenes’abattesurlapistependantleGrandPrix.

Derrièremoi,onprépareleposteoùvontsefairelesravitaillementsenpleinecourse.Cesarrêtsaustand risquent toujours de faire perdre un temps précieux. C’est inévitable pour refaire le plein decarburantetchangerlespneususésparlacourse,maissionajouteuneposedepneuspluie,cesontdessecondesenplusquipeuventnouséchapper…

Heureusement,nosmécanossontprêts,ilsontrépétéencoreetencoreleurchorégraphiepourchangerlesquatrepneumatiquesenmoinsdedeuxsecondes.

J’aperçoisDonnie, en traindebrieferMark,qui est chargédemaintenir lespneusà la températureidéale,sousdescouvertureschauffantes.

Je n’hésite pas. Même si le départ de la course a lieu dans deux heures, je n’ai pas la patienced’attendredavantagepourallerl’interrogersurmonpère.

Detoutefaçon,sijenelefaispas,çarisquedemedistraire.

Dèsqu’ilsont terminéleurconversation, jefaissigneauvieuxmécanoquej’aiquelquechoseà luidire.Sourcilsfroncés,ilmeregardearriververslui,sanscesserdemâchonnersoncure-dents.

–Oui?Ilyaunsouci?fait-ilsansperdredetemps,efficace.–Non,tuasuneminute?demandé-jesurlemêmeton.

Iljetteunœilautourdelui,constatequepersonnenesembleinquietnidésœuvré.Ilhochelatête.

–Oui,uneminute,pasdesouci.–J’aidiscutéavecJohn,hier,quim’aditquetuavaisconnumonpère,commencé-je,sansperdrede

temps.GaryMilton.–Jesaisquiesttonpère,oui,meconfirmeDonnie,saisissantsoncure-dentsentrelepouceetl’index.

L’espaced’uninstant,j’ail’impressionqu’ilsavaitquejeviendraisluiposerlaquestion,àunmomentouàunautreetmêmequ’ilredoutaitcemoment.

Ou alors il est simplement ennuyé de parler d’autre chose que de boulot, à deux heures de lacourse.

–OnabosséensemblesurunpaquetdeGrandsPrix,àl’époque,avectonpère,commence-t-ilalors.C’étaitunmécanominutieux,trèsimpliqué.Unpeucréatifaussi.J’avaisplusdebouteillequelui,jelui

aienseignéquelquestrucs,maisilm’aaussiapprisdeuxoutroisbricoles.

Jenepeuxm’empêcherdesourire,apaiséeparlagentillessedeDonnie,toutsecdanssacombinaisonauxcouleursdel’écurieRazov,lesdoigtsmaculésdecambouis.

–J’airécupérésesvieuxcarnets,confié-je.Ilynotaitsesréglages,lesrésultatsobtenuspendantlescourses,sescommentairessurlemoteur,tout.

–C’estunemined’or,cestrucs-là,pourquelqu’undumétier.–Oui,jelesaidepuisquelquesmois,j’enapprendspresqueautantquependantmesannéesd’études,

surlefonctionnementd’unmoteurdeFormule1.

Etsurmonpère…

Donniem’adresseunsourireapprobateur.

–Maintenantque tu ledis, jemesouviensqu’il avait toujoursundecescarnetsdansunepoche. Ilattendaitlespausespourynotersestrucs.

Machinalement, je caresse l’exemplaire que j’ai aujourd’hui, dans une poche arrière de macombinaison.

–Vous vous connaissiez bien ? demandé-je, sans savoir comment aborder le sujet quim’intéresseprécisément.

–Professionnellement,c’esttout.Unhommedroit,ajouteDonnie,aprèsunbrefmomentd’hésitation,sérieux.

Jenelerelancepas,sentantqu’ilpourraitpoursuivreetquejesuisàdeuxdoigtsd’enapprendreplus.J’aiobservéMarinadanscegenredesituation:parfois,mieuxvautlaisserl’autrefaceausilencequedechercheràluiextorquerdesinformations.

–C’étaitquelqu’und’intègre,déclarefinalementDonnie,leregarddanslevague.–Jesais.

Cette fois, je n’ai pas pum’empêcher de répondre. Apparemment, c’était ce qu’il fallait faire. Levieuxmécanotournelesyeuxversmoi.

–J’aitoujourstrouvécettehistoireimprobable.

Moncœurcessedebattreetjeretiensmarespiration.

Dis-m’enplus,jet’ensupplie.

–Qu’unhommeintègrecommel’étaittonpère,passpécialementdépensier,sérieux,sesoitmisd’unseulcoupàtrafiquerdesvoitures…

Ilsecouelatête,unairsceptiquesurlevisage,puisremetsoncure-dentsentreseslèvres,lefaitallerdegaucheàdroite.Puis,finalement,lecaleaucoindesabouche.

–Jesaisqu’onaretrouvéde l’argent liquidedanssoncasier,mais iln’aurait jamaisfaitunechosepareille!s’emballe-t-il,commes’ilseretenaitdepuislongtempsdelivrerlefonddesapensée.

Moncœurseréchauffeimmédiatement.Jesaisquemonpèren’auraitjamaisfaitça,maisdel’entendredelapartdequelqu’und’autrequemoioumamèremelibèred’unpoidsincroyable.

Jenesuisdoncpaslaseuleànepasycroire!

–Moi,j’aitoujourstrouvéça…bizarre.Trèsbizarre,ajouteDonnie.–Bizarrecomment?demandé-jeaussitôt,intriguée.–Bizarreparceque…–Donnie!

Levieuxmécanotourneaussitôtlatêteversl’entréedustand,oùlahautestaturedeRon,quivientdel’appelerdesavoixsonore,sedresse.

–Urgencemécano,toutdesuite.–Onenrecauseraplustard,meglisseDonnie,avantdefiler.

Justeavantunecourse,lemoindreproblèmepeutêtrecatastrophique,horsdequestiondeperdreuneminute.Mais j’ai beau être dédiée corps et âme àmon écurie, j’ai envie de hurler en voyantDonnies’éloignersansmerépondre.

Jesoupire,puismedirigeàmontourversBlake,têtebaissée.IlfautquejemeconcentresurleGrandPrixquinousattend.

–T’asl’airbizarre,gamine.Tuvaspascraquerpendantlacourse,aumoins?

Surprise,jerelèvelatête.Ronsetientdevantmoi,sourcilsfroncés.

–Non,sûrementpas.Jesuisconcentrée,jenet’avaispasvu,c’esttout,réponds-je,dutacautac.

Ronme connaît depuis le temps oùmon pèreme laissait faire la sieste sur le siège baquet de savoiture,mais c’est aussimondirecteur de course. Il n’est pas question de le laisser penser que je necomptepasdonner lemeilleurdemoi-même.Jem’éloignerapidement,sentantpesersurmoi le regardpréoccupédeceluiquim’avuegrandir.

5.Larevancheestunplatquisemangefroid

Jo

TouteslesFormules1sontalignéesderrièrelalignededépart.JesuissûrequemoncœurbataussivitequeceluideBlake.

Peut-êtremêmedavantage.

Assise bien droite devant mes écrans de contrôle, le casque audio sur les oreilles, j’ai mal auxmâchoiresàforcedeserrerlesdents.LavoituredeBlakeetcelledeNateHattawaysontcôteàcôte.Sijecroyaisauxmauvaissorts,jeseraisprêteàjouerlessorcièrespourluiporterlemauvaisœil.Maisjen’ycroispasetenguisedemauvaisœil,jevaisutilisermacolèrepourluifairepayericietmaintenantcequ’ilm’afaitenAustralie.

Machinalement,jesoulèvemacasquettepouressuyermonfront,déjàdégoulinantdesueur.Ilfaitplusde30degrésetjen’osepasimaginerquelleestlatempératurepourlespilotes,quiportentleurcasqueetleurtenuedecourse.

Autourdemoi,pluspersonneneparle.Chacunestàsonposte,toutlemondeestconcentré,lesyeuxrivéssurlapisteousurundesécransdecontrôle.Dehors,mêmelafoulesemblesetaire.

Je suis aux aguets, fixant le drapeau à damier qui devrait s’abattre dans trois secondes, deuxsecondes…

Maintenant!

Le départ deBlake a été bon. Il accélère le plus possible avant le premier virage.Nous en avonsdiscuté : ilest impératifqu’il sepositionnedans lespremiersdès ledépart,afindepouvoiraccélérersansêtregênéparlesautresconcurrentsdanslalignedroitesuivante.Sontimingestparfait.Ilyacinqvoituresdevantlui.

–Cinqvoituresdevanttoi,attentionàlachicane,fais-je,d’unevoixsereinedanslemicro.–OK.

Pendantunecourse,noséchangessontbrefsetprécis,pournepassortirBlakedesaconcentration.

Lestourssesuccèdent,ildépasseunàunplusieursconcurrents,aucoudeàcoudeavecAngus.Devanteux,ilrestedeuxvoitures,dontcelle,rougeetor,deNateHattaway.

Paspourlongtemps.

Mavengeancen’estplusqu’àunepoignéedesecondes.LapistedeSepangestconstruitesurd’anciensmarais et ils arrivent sur une portion un peu affaissée.Nous avons vu et revu les caractéristiques du

circuit,maisc’estmonjobderappelercesdétailsàmonpilote.

–Tuvasarriveràl’endroitoùlapistes’enfonce.–Compris,jechangedemodedemoteur,merépondBlake.

Nousavonsdéjàvutouslescasdefigurelorsdenotrepréparation.Etnoussommestombésd’accord:àmoins d’imprévu, je lui redonne simplement l’info, sans lui dire quoi faire.De cettemanière, nousévitons de communiquer la moindre indication technique ou tactique aux autres écuries ou au public,puisquenosconversationssontsusceptiblesd’êtreécoutéesetdiffusées.Enplus,siàunmomentjeluidonneuneindicationprécise,ilsauraquec’estuncasd’urgence.

Dumoins,jel’espère.

Jemeredresse,sansquitterdesyeuxmesécransdecontrôle.Unvéhiculeaperdudel’huileetundescommissairesdecourse,chargédelasécuritédespilotes,indiquelaprésenced’uneflaqueglissantesurlebitume.

–Drapeaujauneetrougeaprèsleprochainvirage.Huilesurpiste.Déporte-toisurladroite,ordonné-jesur-le-champ.

–C’estqui?demandeaussitôtBlake.–PierreDessarte,leFrançais.Tuvaslepassersansproblème.Unevoitureensortiedevirage,devant

toi.–Qui?fait-ilencore.Jevaisdoubler.

Jesensàl’excitationdanssavoixqu’ilcomprendqu’ilpeutgagner…Àsafaçondeconduire,jepeuxvoir qu’il est toujours concentré, la fatigue ne se fait pas sentir. Moi aussi, je sens le parfum de lavictoire.

Restecalme,net’emballepas,ilresteencoreuntour.

Maisjustederrièrelui,jevoisAngusquiserapproche,guidéparJohn.L’uncommel’autresontbienplusexpérimentésquenousetfontpartiedelamêmeécurie.

Maislorsd’unecourse,iln’yaplusd’écuriequitienne,c’estchacunpoursoi!

Enunefractiondeseconde,madécisionestprise.Jevaisboosterl’egodeBlake,sachantquecommetouslespilotes,unefoisauvolantdesonbolide,sonmeilleurcarburantestl’orgueil.

–Dépêche-toi,jevoisuncommissairedecourseavecundrapeaujaune.Tuessurlepointdetefairedépasser.

Danscecas,unpiloteesttenudecéderlepassageàsonadversaire,afindenepasrisquerl’accident.

–Hein?Plutôtcrever!Parqui?!Qui?!crieBlake.–Accélère,dis-je,lavoixneutre,omettantvolontairementderépondreàsaquestion.–Dis-moiquic’est!hurlemonamid’enfance.

C’estquitteoudouble,maisjesuissûredemoi.Pourlapremièrefoisdepuisdesannées,jereprendsundenosjeuxd’enfants.

–Jetelediraisituarrivesàdoublerlavoituredevanttoi.

Plusunmot.Blakeneprotestepas,nediscutepas.SaFormule1accélèreencore,justeàl’entréeduvirage.

Pourvuquej’aieeuraison…

Jeretiensmonsouffle,craignantquel’imprudenceluifasseoublierlanécessairedécélérationavantlasortiedevirage.

C’estbon,çapasse!

Ilsortdelabouclepresqueàlahauteurduvéhiculerougeetor,unautrecommissairedecoursesortàsontourlefameuxdrapeaujaune.Blakeremonteencoreetpasseenfinsonadversaire!

–Yes!

Jenepeuxpasm’empêcherdecriermajoieaumomentoùBlakelaissederrièreluiNateHattaway,justeaprèsavoirseméAngus.

– Continue, bordel, Blake, tu vas tous les défoncer ! crié-je, abandonnant toute considérationtechnique.

C’estladernièrelignedroite,iln’aplusrienàfaired’autrequederoulerpleingaz,droitdevant,sansfaiblir.Cequ’ilfait!Ilagagné!

–Wouhou!Bravo,Blake!

Je hurle de joie, bondissant de ma chaise, les bras en l’air. Dans mon casque, j’entends le rirevictorieuxdeBlake,quiralentitaprèsavoirpassélaligned’arrivée,saluéparledrapeauàdamieretlafouleendélire.

Toutautourdemoi,lerestedel’écuriecommenceàmurmurer,maisilresteencoreAngussurlapisteet Johnest toujoursconcentré, lesyeux fixés sur sesécrans, tendu. J’aidiscrètementcroisé lesdoigts.J’encouragementalementAngusetJohn,lesphalangesblanchies.

Allez,lesgars,battez-le,vousaussi.

Merde.

Je réalise que j’ai oublié de respirer, pendant plusieurs secondes. Hélas, malgré une remontéeexceptionnelle,Angusamanquéd’unecentainedemètrespourdoublerlavoiturerougeetor…Ilserasurlepodium,maissurlatroisièmemarche.

Celadit,l’écurieRazovagagné!

J’auraispréféréqueNateseretrouveàlaplaced’Angus,maisçadevraitdéjàluiremettrelesidéesenplace.

Quand j’enlèvemoncasque, c’est l’euphoriegénéraledans le stand.Tout lemonde se tapedans ledos, les visages sont hilares et les cris de joie retentissent.Ron, un sourire aux lèvres pour une fois,s’approchedemoietmeserremaladroitementcontrelui.

–Bravo,gamine.Beauboulot,medit-ilsobrement,avantdes’éloigner.

Stupéfaiteparcettedémonstrationinhabituellechezlui,j’enoubliedeleremercier.Denouveau,jemetourneverslesécrans,justeàtempspourvoirladéceptionsurlevisagedeceluiquejevoulaisbattreàtoutprixaujourd’hui.

Bienfait.Etcen’estqu’undébut.

Je verrai plus tard pour ce qui est du pardon, de la sagesse bouddhiste et du détachement. Pourl’instant,jevaisallerfêtermavictoire,audélicieuxgoûtderevanche.

6.Unevictoireaugoûtamer

Jo

Comme tout le restede l’équipe, jevais assister à la remisedes coupes,m’appliquant àne surtoutjamaiscroiser leregarddeNate.D’ailleurs, jeneluiaccordepasunseulcoupd’œil.C’estsimple, iln’existepluspourmoi.Contrairementàsatroupedegroupiesmalaisiennes.

Sivoussaviezàquois’amusecetype,vousnehurleriezpassonprénomdansl’espoirqu’ilvousaccordesonattention…

Maispeum’importe,j’aimieuxàfairequedem’occuperdecetype.MarinaintervieweBlake,quienprofitepourmedésignerdudoigt.Jepeuxliresurseslèvresqu’ilm’appelle«sapartenaire».Marinamelanceunclind’œildiscret,puissedirigeversNateHattaway.

Jem’en tiensàma lignedeconduiteetcessedélibérémentde regarderdans leurdirectionpourmeconcentrerdenouveausurBlake,quifaitl’andouilleaveclamissducoin,visiblementravie.

Discrète, jeme coule derrièremes collègues les plus grands, pour être sûre que personne ne peutm’apercevoir.

Aprèsavoirréponduluiaussiauxjournalistes,Angusfinitparnousrejoindre.Ilsalued’abordJohn,soningénieur.Alorsquejem’attendsàcequelesdeuxhommessesourient,jesuissurprisedesentirunecertainetensionentreeux.

–Laprochainefois,c’estmoiquiseraidevant,lâcheAngus.

Jecomprendsqu’enplusdeNatequil’adoublé,lapremièreplacedeBlakelemetendangerdanssapositiondepilotestardel’écurieRazov.Àplusdetrente-cinqans,Angusdoitsentirlafindesacarrièreapprocheretçaneluiplaîtvisiblementpasdutout.

–Hé,Jo!fait-ildeloin.

Jeluifaisunsignedetête,craignantunpeusaréaction,maisillèvelepoucedansmadirection.

–Bravopourlacourse!–Merci!réponds-je,soulagée.

Ducoindel’œil,jeguettelesrésultatsauxpointspourlechampionnatmondial,quicomptabilisetouslesGrandsPrixdelasaison.Unefoisencore,j’éprouveunesatisfactionprofonde:Hattawayaprisdesrisquesénormes,cequiluivautpasmaldepointsdepénalité.Ilaobtenuladeuxièmeplacedelacourse,certes,maisilvientdequitter la têteduclassementpourlechampionnat.Encoredeuxoutroiscoursescommeçaetildescendratoutenbas,loin,trèsloindeBlake…

Ettrèsloindemoi.

J’ai le sentiment que cette course vient de remettre lemonde en ordre :Hattaway n’est plus qu’unadversairecommelesautres.Sijel’aibattuunefois,jepeuxlerefaire.Ilsuffitquejefassecequej’aitoujoursfait:travailleretmeconcentrersurmacarrière.

Lemomentcoupablequ’onapasséensemblen’étaitqu’unmomentdefaiblessequinesereproduirapas.

C’étaitaussiunmomentdeplaisirquin’arriveraplus.

Lepincementderegretquej’éprouvenechangeenrienmarésolution.Cettehistoireestderrièremoiettoutcequicomptedésormais,cesontnosprochainesvictoires,àBlakeetmoi.

7.Jeudepiste…

Nate

–Nate!Parici!Nate,unautographe!–Nate,jet’aime!

Dans lepublic,masséderrière labarrièrede sécurité, auniveaude la ligned’arrivée,hurlent sansdiscontinuer plusieurs jeunes filles ou jeunes femmes, malaisiennes ou non. Si j’y suis habitué, lecameraman qui enregistre mon interview fait la grimace régulièrement. J’ai envie de rire, mais lejournalistecanadienquim’interrogevientdemeposerunequestionsurMalcolm,l’autrepilotedemonécurie,arrivéàlasixièmeplace.

–Malcolmestunpiloteexpérimenté.Iln’apasdéméritélorsdecettecourse,commencé-je.–Maisilterminequatreplacesderrièrevous,alorsquevousavezbeaucoupmoinsd’expérience,me

coupelejournaliste.

Soninsistanceàvouloirmefairedirequelquechosededésagréableoudeméprisantvis-à-visdemoncoéquipiercommenceàm’agacerunpeu.Déjàqued’avoirmanquélapremièreplacemefaitrager!

Maisjeconnaisunecertaineingécoursequidoitjubiler…Lacompétitions’annonceintéressante.

JechercheàapercevoirJo,sanssuccèsencoreunefois.

Lejournalisteattendmaréponseetjedevineàlalueurironiquedanssesyeuxqu’ilpensem’avoirmisendifficulté.

S’ilcroitqu’ilpeutmefairedirecequ’ilveut,avecsaprovocridicule…

–Il termineégalementdevantquatorzeautresvéhicules,cequiestun trèsbonrésultat, lecontré-je.Malcolmest ungrandpilote, qui possèdeune expertise certaine, et le championnat n’est terminépourpersonne.

–Nipourluinipourvous?–Pourpersonne.–C’est-à-direquevouscomptezgagnerlaprochainefois?

Cettequestion…

–Biensûr.Nouscouronstousaprèslemêmeobjectif:lavictoire.

Au loin, j’aperçois Jo qui s’éclipse, après avoir échangé un petit signe discret avec son amiejournaliste,quim’ainterrogéjusteavant.

Etquinem’apasfaitdecadeau,d’ailleurs.Cesdeux-làontladentdure.

Son amie,Marina Lankov, je crois, est d’ailleurs en train de questionnerMalcolm, qui affiche unvisagefermé.

–Maistoutdemême,reprendlejournalistecanadien,obstiné,entreBlakeSafronetvous,ilsemblequ’on assiste cette année à l’émergence des jeunes pilotes. Votre coéquipier a d’ailleurs salué cette«nouvellegénération»,mais cela signifie aussi que lespilotesplus âgésvontdevoir céder laplace,non?

–Posez-luilaquestiondirectement!tranché-je.Merci,excusez-moi.

Je le plante là, dépité. Je veux bien être sympa et faire le job,mais ses questions pernicieuses nevisaientqu’àdéclencheruneguerred’egoentreMalcolmetmoi.Aucunintérêt.

Jefaisunpetitcrochetversmesfanspoursignerquelquesautographes,poserpourunselfiedegroupeetquelquesautresaveclesfillesdupremierrang,puisjefileaprèsunderniersalutdelamain.

J’aieumadosedebaindefoulepouraujourd’hui!

Plusieursjournalistestententdem’intercepter,microenavant,maisjelessèmesansaucunremordsniaucunedifficulté.Ilstrouverontbienunautrepilote,heureuxderépondreàleursquestions.Moi,j’aiditcequej’avaisàdire:jesuisdéçuden’êtrepassurlapremièreplace,contentd’êtresurlepodiumetoui,jepensefairemieuxlaprochainefois.

D’ailleurs,àproposdenepasêtresurlapremièremarche…

Je dégaine mon téléphone, que Tom m’a tendu après la course pour que je puisse prendre letraditionnelselfiedegroupeavecmesfans,etj’ouvremapageFacebook.Sanstropréfléchir,jetapeunpostpublic:«Félicitationsauxvainqueurs!»,puisjetagueBlakeSafronetJo,dontjetrouveleprofilparmilesamisdugagnant,souslepseudoaudacieuxde«SpeedyJo».

Allez,Jo,montre-toi,cettefois.

***

Quelquesheuresplustard,j’aidestasdecommentairesetréponses,unpetitmotdecourtoisiedelapartdeSafron,maisriendelapartdeSpeedyJo.J’imaginequ’elleesttropoccupéepouravoirregardésontéléphone.Cesilencem’agaceunpeu.Celadit,demoncôté,entrelessollicitationsdelapresse,unebonnedoucheetledébriefavecTometlerestedel’équipe,jen’aipasvraimenteuletempsd’enfaireplus,avantmaintenant,oùj’aienfinunmomentdetranquillitédansmachambred’hôtel.Elleestpeut-êtreencoreentraindetravailler,toutcommeTom.

Àmoinsqu’ellenepréfèrenepassemanifester.

Jeme rappellequ’elleavait l’airde tenirparticulièrementausecretabsolu,quantà lanuitqu’onapassée ensemble. À l’évocation de ce souvenir, un sourire me monte aux lèvres. Je me souviens dufameux«toutcequisepasseàMelbourneresteàMelbourne».Machinalement,jefinisparjeterunœilsursapagepersonnelle.Elleapostéunmessagesursonmur,ilyaquelquesminutes:unephotod’unecoupe de champagne posée sur une serviette en papier et assortie d’un commentaire sans ambiguïté :

«Premièrevictoireettantd’autresàvenir…»

«Tantd’autresàvenir»…elles’avanceunpeu,là.

Amusé, je constate que la serviette en papier porte le logo d’un bar de Kuala Lumpur. Je décideaussitôtdevérifiersielles’ytrouvetoujours.Aprèstout,jesuisjoueuretelleaussi.Enplus,sitoutcequi s’est passé àMelbourne y est resté, c’est un peu comme si rien ne s’était encore passé, ce quisignifie…quetoutestpossible!

Jesaisquemalogiqueestunpeutordue,maisaprèstout,quinetenteriens’ennuie!

J’attrape les clés de ma Lamborghini, que je fais voyager en même temps que moi, pour tout lechampionnat.

Detoutefaçon,aprèsunecourse,j’aitoujoursdumalàmereposer,l’adrénalinecouleencoreàflotsdansmesveines,j’aibesoindebouger,d’agir…

Enroute!

8....etjeudelavérité

Nate

Assise au bar, tournant le dos à la devanture, elle semble pensive devant sonverre de champagne,dans une robe de soirée quimet en valeur sa cambrure. Je reste un instant à l’observer, détaillant sasilhouetteparfaite,sanuquedégagéedont lapeauestsidouce,ses longscheveuxblondspourunefoisremontésenchignon.Jesuismoinsélégant,enjeanetchemise.

Soudain,quelquechosemefrappe:lebaresttotalementdésert.

Pourunmomentfestif,c’estunpeusolitaire…

Jem’attendaispresqueàlatrouveraumilieudurestedesonéquipe,maistantmieux.Masurprisen’enseraqueplus facile à réaliser. Jeprends enphoto ladevanturedubar enquestion et la lui envoie enmessage privé, assorti de la petite phrase qu’elle m’avait dite, lors de notre deuxième discussion«houleuse»:«Unevictoiren’estqu’unevictoire;)»

Jesourisdéjàenimaginantsaréaction.L’écrandesontéléphones’allume,ellevientderecevoirunenotificationetprendconnaissancedemonmessage.Sansattendre,j’entredanslebaretm’avance,justeàtempspourmeretrouverderrièreelleaumomentoùelleseretourne.

–Jesuissûrquejepeuxterendrelavictoireencoreplussavoureuse,fais-je,unbrinprovocateur.–Jenesuispasdisponible.

Saréponseaclaqué,sècheetsansappel.Elleseretourne,levisagefermé.Monsourirevacille,j’aidumalàcomprendre.OK,onn’estplusàMelbourne,maisonestseulsdanscebar,personnen’ensaurarien…

–Maistuesseule,non?insisté-je,pourluifairecomprendrequejen’aipasoubliésesconditions.Onpourraitfêtertavictoireensemble.D’ailleurs,pourquoicebarestvide?

–Parcequ’ilaété réservépourunesoiréeprivéequ’onaannulée,et j’ysuis trèsbien touteseule,réplique-t-ellesansmêmemeregarder.

Quoi?

–Qu’est-ce que ça veut dire ? demandé-je, sans cacherma perplexité. J’ai l’impression que tu asquelquechoseàmereprocher,mais…

–Oh,vraiment?Tucrois?faitJo,suruntonironique.TonpariavectoncheramiTommanquaitunpeudeclasse,tunecroispas?

Jenecomprendsnisonattitudenisonallusionaupari…OK,jesuisjoueuretavecTom,ilnousarrivedefairedesparis,officielsounon,maisjenevoispaslerapportaveclasituation.

Quand enfin, elle tourne les yeux versmoi, c’est pourme fusiller du regard. J’en reste interloqué.J’ignorecequ’ellemereproche,maiselleestvraimentencolère.

Sarespirationsefaitrapide,sonvisageplusanguleux.Toutsoncorpssemblesetendre,seprépareràune éventuelle lutte s’il le faut… Même si je n’en comprends pas la motivation, sa combativitém’impressionne.

–AvecTom,onpassenotretempsàparier,alorssitupouvaism’éclairer,tenté-je.–Maisc’estfou,tun’asvraimenthontederien!semetalorsàcrierJo,outrée.Tonpariàproposde

moi ! Sur le fait que j’allais ou non « déclarer forfait » ! Vous êtes des minables ! Mais ça nem’empêcherapasdevousbattreàplatecouturechaquefoisque…

D’unseulcoup,lalumièresefait:elleadûnousentendre,justeaprèsl’émissionAroundtheWheel!Comprenant qu’elle ne me laissera pas me défendre, je l’interromps d’un doigt posé sur sa bouche.Aussitôt,sesyeuxlancentdeséclairsetellerepoussemonpoignetavecforce.

Maisletempsqu’ellesedégage,jepeuxm’expliquer.

–Onparlaitd’unavatar!Pasdetoi!fais-jesurlemêmeton.

Jeprofitedecequemarépliquelalaissebouchebéepourluidonnerd’autresdétails.

–Tomacrééunsimulateurdecourse,danslequeljem’entraîneentredeuxGrandsPrix,fais-jepluscalmement.Pours’amuserunpeu,ilapersonnifiélelogicielcontrelequeljesuiscensémebattreetilenafaitunepilote,blonde…trèsjolie…compétitive…

Àchaqueréaction,j’aideplusenplusdemalàm’empêcherdesouriredenouveau,surtoutqu’aprèsunehésitation,jevoisqueJocommenceàmecroire.Jesuistentéd’ajouterquel’avatarenquestionaparcontreunexcellentcaractère,histoiredelataquiner,quandlesdétailsdemaconversationavecTommereviennentenmémoire.

Ellem’adonccrucapabledeparlerd’unefaçonaussiodieused’unefemme!

Jene suispeut-êtrepasunparangondemoralité,mais je refused’êtreconsidérécommeunobsédéayantlecomportementd’unadolescentidiot.

–Maisenfait,tumeprêtesvraimentdespenséesetdesproposrépugnants,fais-je,sanscachermonindignation.

–Oh,jet’enprie,nemefaispaslecoupdelavertuoutragée,hein!rétorqueJo,avecaplomb.Quandonsefaitsurnommer«leplay-boydubitume»partoutelapresseàscandale,onnedoitpasnonpluss’attendreàpasserpourungentleman!

Toujoursaussimordante.

Jelatoise,impassible,cherchantàladéstabiliser,maisellesoutientmonregardsansfaiblir.Mêmesice qu’elle dit neme plaît pas forcément, samanière cash deme le direm’amuse et je décide de laprovoquerunpeu,pourm’avoiraccuséd’êtreunsalegossecapabledeparieràproposd’unefemme.

–Jenesaispascequiestlepire:quetum’imaginescapabledeparierainsisurunefemmeouquetuaiesacceptédepasserunenuitavecmoienayantcetteimageentête!

J’aifaitmoucheetJoenrestestupéfaite,avantdesereprendre,sesyeuxbleuslançantdeséclairs.

–Cette image est largement relayée par la presse,Mr le « play-boy du bitume », le « tombeur ducircuit»!

Jedécidedenepasluifaireremarquerqu’elleéludelefaitd’avoirquandmêmechoisidepasserunenuitavecmoi,maiscettefois,pasmoyend’éviterdesourire…etderelancerlejeu.

–Maisonpeuttoutàfaitêtreunséducteuretresterungentleman,fais-je,enluidécochantmonregardlepluscharmeur.

–Non,c’estincompatible,assèneJo,péremptoire.–C’esttoutàfaitpossibleetjepeuxteleprouver.Quandtuveux,ajouté-je,sanslaquitterdesyeux.

Jesuis…àtadisposition.

Faceàmoi,ellejouelesimpassibles.Cequi,j’avoue,medonneencoreplusenviedelafairecéder.Jem’avanceencoreunpeu,sansriencacherdecequem’inspiresarobedesoirée.

–Jeseraitontrophéepersonnel.Oseras-tuvenirleprendre?C’estlàtoutelaquestion,finis-jeparladéfier.

Cettefois,elletentesanssuccèsderetenirunsourire,leroseluimontantaussitôtauxjoues.Jesourisdeplusbelle.

–Arrête,fait-elle,peuconvaincue.

Sentantqu’elleestprèsdecraquer,j’enfonceleclou.

–Quedirais-tud’unpetitchallengesupplémentairepourleresteduchampionnat?

Ellese redresse, l’airvolontaire, les joues toujours rosiespardespenséesque j’imagineassezpeucompatiblesavecsonindignationprécédente.

–Distoujours,m’invite-t-elleàdévelopper,prudente.

Décidéàluiporterl’estocade,jemepencheverselle,jusqu’àsentirsonparfumsidoux.

–Celuiquiperdfaitl’amouràl’autre,luimurmuré-jeaucreuxdel’oreille.

9.Lefrissondesretrouvailles

Nate

Jecroisapercevoirunlégerfrissoncourirsursapeaupâle,depuissagorgejusqu’aucreuxdélicieuxdesesclavicules,oùj’aiunefolleenviededéposerunbaiser.

Ellesoupire,secouelatête,commenavrée,puis,àmagrandesurprise,ellem’attrapeparlanuqueetm’embrasseàpleinebouche.

Cettefemmeesttellementimprévisible…tellementdifférentedesautres.

Puis j’arrête de penser. Je savoure l’instant présent. Sa bouche est douce et brûlante à la fois, àl’imagedeJo,que jesenssecambrersurson tabouretdebar, tandisquemesmainsviennentseposerautourdesataillefine.

Notrebaisersefaitplusprofond,plusaudacieux.Elles’accrocheàmoicommesisavieendépendaitetjecommenceàressentirledésirimpérieuxdel’emmenerloind’ici,dansmasuiteouailleurs…

Mamaindroiteremontelelongdesondos,mesdoigtsseperdentdanssescheveuxjusqu’àtrouverlapince qui les retient. Je libère lamasse soyeuse, qui tombe alors en une cascade tiède, répandant ceparfumquimerenddingue.

–Viens,luimurmuré-jedenouveau,alorsquenousreprenonsnotresouffle.–Nate,répond-elle,commesiellehésitaitencore.

Jerefusedenégocieretchoisisdélibérémentdel’embrasserencore.Jepourraisl’embrasserjusqu’aupetitmatin,pourqu’elleacceptedemesuivre,qu’elleadmettequel’attirancequinousliel’unàl’autrenemériteaucunediscussion.J’aienvied’ellecommej’airarementeuenvied’unefemmeetlesouvenirincandescentquejegardedenotrepremièrenuitn’yestpasétranger.

Quandnosbouchesseséparentdenouveau,j’aperçoisducoindel’œillebarman,gêné,quifaitminedes’affairerennoustournantdélibérémentledos.

Sansunmot,jesorsunbilletquejeposesurlecomptoiretplongemesyeuxdansleregardbleucobaltde Jo. Sa poitrine se soulève à un rythme rapide, ses joues sont roses. Nos mains se rejoignent,s’enlacent.Ellesemordlalèvreinférieure,visiblementenproieàundilemmeintérieur.Jel’attireàmoi,jusqu’àcequ’elleacceptedequittersonsiège.Nousnousenlaçons.

Jesaisqu’ellenepeutqueremarquermondésirpourelle.Denosdeuxcorpsémanentdesondesdetensionsexuelletellesquej’ail’impressiond’entendrel’aircrépiterautourdenous.

–Partonsd’ici,dis-jed’unevoixrauque.–Où?medemande-t-elle,dansunsouffle.

Sansunmot,jeluidésigneunhôtelquelconque,del’autrecôtédelarue.Cettefois,ellen’hésitepluset, sans fausse pudeur ni faux-semblant, cède à l’urgence de notre élan mutuel. Je souris lorsqu’elleattrapesapochette,parcequesongesteestàlafoisélégantetdécidé.Cecocktaildedouceur,deféminitéetdeforcememetdanstousmesétats.

Maindans lamain,sansaucunehésitation,nousnousdirigeonsd’unpasvifversnotresecondenuitensemble.

L’attente pour obtenir une chambre a été une torture. J’ai bien cru que j’allais assommer lemaîtred’hôtelpour luiarracher lacléd’unechambre !Pour finir, il aaffichésans retenuesadésapprobationquantànotredemandetardiveetnotreintentionvraisemblablementlimpide,vunotreabsencedebagages.

Quandenfinlegroomrefermelaportederrièrenous,nousavonsuneseconded’immobilité,commesinousn’ycroyionspasnous-mêmes,toutensachantdéjàquecequivasepasserseraforcémentintense.

Danssarobedesoirée,Joestsublime.Letissusouple,bleunuit,épouseparfaitementlescourbesdeson corps élancé, et met en valeur une silhouette parfaite, à la fois sportive et sensuelle. Ses longscheveuxblondsluidonnentunairdemadoneetsesyeux…là,toutdesuite,jepourraism’ynoyer.

Bordel,cequ’elleestbelle!

–Jo,commencé-je,souslecharme.–Onaassezparlé,non?mecoupe-t-elle,avecundemi-sourire,toutenjetantsapochettesurlelit.

Elles’approchedemoi,soutenantmonregardsansfaiblir,àmetoucher.

Avant même qu’elle n’ait posé la main sur ma chemise pour la déboutonner, j’ai l’impression deprendre feu, rien qu’en sentant la chaleur émanant de son corps. Je la laissem’ôter le vêtement, avecfébrilité. Le dernier bouton semble lui poser problème, ses mains tremblent un peu… Jo fronce lessourcils, s’obstineuneseconde,puissaisit lesdeuxpanset tirebrutalement.Laboutonnièrecraque, leboutonrebonditsurleparquet.Ellelèvelesyeuxversmoi,mi-amuséemi-contrite.

– Jevoisque tu sais surmonter lesobstaclespourobtenir ceque tuveux, commenté-je, faussementsérieux.

–J’aigagné,jeméritemontrophéeettum’asditdevenirlechercher,réplique-t-elle,surlemêmeton.

Cettefois,jenepeuxretenirunrire.J’aimesafaçonspontanéedeprendredesinitiatives,d’assumersondésiretdesavoirledire,sanspourautantperdrelesensdel’humour.

Monrire faitbrillerune lueur joueusedanssesyeuxetaussitôt lecontactdesesdoigtssouplessurmontorsemefaittressaillir.J’ail’impressionquenoscorpsseparlent,seconnaissent…

Àmon tour, je cherche la fermeture éclair de sa robe, dissimulée dans son dos. Lentement, je faisdescendrelezip.Elleposesabouchesurmapeauetpromènesalanguedemonépauleàlabasedemoncou.Unfrissonmeparcourt.

Duboutdesdoigts,suivantlafermetureéclair,jecaressesacolonnevertébraleetsensmoiaussides

frémissementsnerveux.Sansm’arrêter,jedétachesonsoutien-gorge,puisdescendsjusqu’àdécouvriruneculottededentellefine.Larobetombesur lesol,accompagnéedusoutien-gorgeetsapoitrinedresséevientsecollercontremapeau.

Monsexeréagitimmédiatementetpalpite,àl’étroitdansmonjean.Commesiellesavaitliredansmespensées, Jo s’affairedésormais àdétachermaceinture, puis le reste… tout enquittant souplement sestalons.

Savoirqu’elleneporteplusquesapetiteculottededentellemerenddingue.Jeposelesmainssursesfessesrondesetfermes,glissemesdoigtssousletissuarachnéen.Ellelâcheunsoupir,sanscesserdemedéshabiller. À son tour,mon jean tombe sur le sol, j’envoie baladermes chaussures et l’attire àmoisoudainement.

Mes doigts suivent le sillon de ses fesses jusqu’à découvrir le léger renflement de son sexe, déjàhumide.Cecontactdélicieuxm’arracheungémissementrauque.Joaposésonfrontcontremapoitrineetjepeuxsentirsonsoufflesefaireplusrapide.

Sesmainsellesaussiviennenttrouvermesfesses,lescaressent,puislesempoignentcarrément.Dansmatête,défilentlesimagesetlessensationsquejeconnaisdéjà.Sesmainssurmesfessespourm’attirerplusloinquandjeplongeenelle…Sarespirationgémissantequandelleestprèsdejouir,leparfumdesapeau,legoûtdesonsexequandelles’offretotalementàmoi…

Jen’ytiensplusetlaprendsdansmesbraspourl’emportersurlelit.

Jel’ydéposeprécautionneusement.Jodétaillemoncorpssanssecacher,sembleappréciercequ’ellevoit.Instinctivement,jenepeuxpasm’empêcherdebandermesmuscles,puisjeréalisecequejesuisentraindefaire.

Aucundoute,ellemeplaît…etj’aienviedeluiplaire.

J’aisurtoutterriblementenviedeluifairel’amour.Lentement,jeretiresaculotte,lafaitglisserlelongdesesjambes.C’estseulementàcemomentquejeremarquequ’ellealesonglesvernisetcettetouchedeféminité,impossibleàdevinerlorsqu’ellesecachesoussacombinaison,m’émeut.

Délicatement,jecaresseseschevillesfines,puisremontejusqu’àsescuissesendéposantdesbaiserssursapeauquitressaille.Elleselaisseallerenarrière,allongéesurlelit,confiante,puisfermelesyeux,seconcentrantsurlessensationsquejeluiprocure.

J’enprofitepouradmirer sapeaupâle, sesmusclesbiendessinés, sescheveuxétalés,qui semblentcaptertoutelalumièredecettechambre…

Progressivement, je m’allonge près d’elle, effleurant sa peau de mes caresses et de mes baisers.Attentif,jesuislecheminduplaisirsursoncorps,aussiexpressifquesesyeuxbleus.Jem’absorbetantdans la contemplation de ses réactions que je ne réalise pas immédiatement que samain droite s’estglissée dansmon boxer. Ce sont les sensations électriques de ses doigts le long demon érection quim’avertissentquejen’auraispasdûmefieràsesyeuxfermés.

Sesva-et-vientmefontgémirdeplaisir.Aussitôt,lesprunellesd’unbleubrûlantréapparaissent.Josetourneversmoietchercheàmeretirermonsous-vêtement.

–Laisse-moiprofiterdecequetum’aspromis,murmure-t-elle,langoureuse.

Sesmainsagilesmelibèrentdemonboxersansuneseconded’hésitation.Ellesepressecontremoncorps.

–Jo,fais-je,résistantcommejepeuxàl’enviedelaprendreimmédiatement.

Lachaleurdesapeaumecoupelesouffle,sesseinsauxpointesdardéesdessinentdeslettresdefeusurmontorse,ses longues jambess’ouvrentpourm’attirercontreson intimitéofferte,que jesensdéjàprêteàm’accueillir.

–Attends,jedoismettreunpréservatif.–J’aicequ’ilfaut,fait-elle,lavoixvibranted’excitation.

D’ungeste,elletendlebras,attrapesapochette,sanscesserdefaireondulersonbassincontremonbas-ventre.

Siellecontinue,jenevaispaspouvoirpatientertrèslongtemps.

–Arrête,attends,ordonné-je,lesdentsserrées,craignantdeperdretoutcontrôle.

Sansrépondre,elle fouilledanssonsacetensort finalementuncarrébrillant.D’unemain,ellemerepoussesurledos,enmêmetempsqu’elleseredresse.Lesyeuxbrillants,levisagealluméd’unefièvresauvage,lescheveuxlibres,ellemeregarde,passantunelanguegourmandesurseslèvrescharnues.

Devantcettevisionàlasensualitéanimale,mondésiraugmenteencoreetjesensmonsexepalpiteretseredresserencore.

Avecunsourirevictorieux,ellemesaisit tendrement,puisdéroulelepréservatif.Jefermelesyeux.Songestes’apparentedavantageàunecaressequ’àautrechose.Jem’appliqueàrespirerlentement,maisavant que j’aie pu esquisser lemoindremouvement, elle est au-dessus demoi, prenant appui surmesépaules.

Jesoulèvemespaupières,neperdantpasunesecondeduspectacleterriblementsexyquim’estoffert.Avecunelenteuraussiinsoutenablequedélicieuse,elles’empalesurmoi,sansmequitterdesyeux.Laconnexionquinousunitàcemomentdépassetoutcequej’aipuconnaîtreavant.

Mesmainsseposentdoucementsursescuisses,puissurseshanches.

Sesdoigts se crispent surmesépaules et elle suit le rythmeque je lui impose,ondulant sonbassinavecgrâceetsensualité.Mesmainsremontentjusqu’àsataille.Jepeuxsentirsapeaufrissonneràchaquemouvement…

Àmontour, jecommenceàbouger.Mescoupsdereinssont lents, troplentspourelle,et jedois la

retenirdemesmains.Salanguevienthumecterseslèvresentrouverteset,mûparunélanirrépressible,jemeredressepourl’embrasseràpleinebouche.

Elle gémit. Nous nous retrouvons tous deux en tailleur, encastrés, je contrôle chacun de sesmouvementsetjelasensquis’abandonnepeuàpeu.

Ma langue caresse ses lèvres, puis pénètre sa bouche, vient trouver sa langue…Au creux de soncorps,jevienschaquefoisunpeuplusloin.

Notredansedevientplusrapide,mescoupsdereinssefontplusvigoureux,ellemeserrecontreelle,commesiellevoulaitquenoscorpssefondentl’undansl’autre.Jesaisissesfessesrondesetfermesetlasoulèveaurythmequejedécide.

Ellerenverselatêteenarrière,jeluimordillelagorge.Ellelâcheuncri,puisnecesseplusdegémir,cequiachèvedemefaireperdrelatête.

D’un coup de reins plus énergique que les autres, qui lui arrache un second cri de plaisir, je larenversesurlelit.Elles’offreàmoi,sansaucunerésistance,lescuisseslargementouvertes,m’agrippantmêmepourmefairevenirenelleplusloinencore.

Nousnecessonsplusdenousembrasser,labouche,lesyeux,lecou,lesseins,laboucheencore…Sesmainssepromènentsurmoi,jusqu’àmedéconcentrertantsescaressesexpertesmedonnentduplaisir.

–Jo,gémis-jeàmontour.–Encore,net’arrêtepas,répond-elle,d’unevoixenfiévrée.–Jen’arrêteraipas,promets-je.

Riennepourraitm’arrêter,c’esttropbon.

Jesaisissespoignetsetremontesesbrasau-dessusdesatête.Ellemeregarde,l’airinterrogatif.Maisma tentative pour l’immobiliser ne fonctionne qu’à moitié car je sens ses hanches qui bougent sansdiscontinuer,sonbassinquivientàlarencontredumien,sansquejepuisserienyfaire.

Malgrémoi,j’esquisseunsourire.

Elle comprend aussitôt ce quime fait réagir et sourit à son tour, sans cesser de venir chercher cequ’elleveut,commeelleleveut.Complaisamment,jelaregardefaire,apprenantmoiaussiàmelaisseraller…

–C’estbon,sibon,chuchoté-je,sanslalâcherpourautant.

Elle semord la lèvre et hoche la tête, puis ferme les yeux, l’espace d’un instant. J’en profite pouraccélérer le rythme brusquement. J’emprisonne ses poignets graciles dans une seule de mes mains,utilisantl’autrepourcaressersesseinsfermes.Ellesecambreimmédiatement,rejetantlatêteenarrière.

Elle est tellement sexy que je ne résiste plus, je lâche ses bras, l’enlace fermement, l’embrasse etaccélèreencore.

Ellenouesesjambesautourdemoi,latempératuremonteetsesgémissementsdeviennentdescrisdeplaisir…Soudainement,ellememordl’épauleetjelasensquisetend.Sonventrem’attireencore,prisdespasmes.Dépasséparlessensationsquim’assaillentalors,j’explose…

Jem’entendsprononcersonprénom,alorsquejesuistraverséparunejouissancefulgurante,intenseetprimaire.

Toutcontremoi,souslepoidsdemoncorps,jelasensquitremble,tandisqu’ellenichesonfrontaucreuxdemonépaule,engémissantdoucement.

–Oh,Nate,Nate,fait-elle,d’unevoixquimefaitfondre.

Ilmefautquelquessecondespourreprendremesespritsetpouvoirluirépondre.

–Jesuislà,jenebougepas,lâché-je,dansunsouffle.–Oui,oui,c’était…

Elleneterminepassaphrase,souffleetritàlafois,lesyeuxpétillants,levisageunpeuébahi.

–C’étaitintenseetmerveilleux,finis-je,endéposantunbaisersursabouche.–Voilà…Intenseetmerveilleux,répète-t-elle,détachantsesjambesetsesbraspourselaisseraller

surlelitauxdrapsfroissés.

Discrètement, j’ôte lepréservatifetmecoucheàcôtéd’elle.Sansperdreuneseconde,ellevientseblottircontremoi.Jepassemonbrasautourdesoncorpsencorefrissonnant,elleposeunemainsurmoi.L’espaced’uninstant,jefermelesyeux,goûtantcemomentdeplénitudeparfaite.

Nous restons ainsi plusieursminutes, silencieux, échangeant simplement quelques caresses subtiles,légères…Lentement,nousreprenonstouslesdeuxpiedaveclaréalité.

–Ilvafalloirquej’ailleàlasoiréeRazov,soupire-t-elle.Pourfêterlavictoire.–Tunepeuxpastedécommander?demandé-je,assezpeuenclinàlalaissers’éloignerdéjà.–Nate!C’estnotresoirée,àBlakeetmoi!OnagagnéleGrandPrixpourlapremièrefois!proteste-

t-elle.

Mêmeàcet instant, le compétiteur enmoiéprouveun légerpincementdecontrariété.Mais elle esttellementsexy,nue,abandonnéecontremoietpourtantsivive.

–Tun’aspashontederemuerlecouteaudanslaplaie?tenté-je.

Ellemeregardepourvérifiermondegrédesérieuxetjevoisapparaîtreundemi-souriresursonbeauvisage.

–Montrophéeproteste?

Jerisdebonnegrâce.

OK,jel’aibiencherché.

–Disonsquetuabandonnesbienvitetontrophée.Jeteproposedeprolongerl’instant,danslalimitedu raisonnable, en partageant cette humble douche, dis-je, en désignant la minuscule salle de bainsattenanteàlachambre.

–Jevaisêtreenretard,déclare-t-elle.

Cen’estpasunequestion,nimêmeunesupposition,maisunconstat.Jesouris,satisfait.

–J’enaipeur,fais-jealors,surlemêmeton.–Puisqu’illefaut,soupire-t-elle,avantdesedégagerdemonétreinte,dansunéclatderire.

Puis, rejetantsachevelureenarrière,elle filedans lasalledebains,sansmêmeattendreque je luiemboîtelepas.Jesecouelatêteetquitteàmontourlelitpourlarejoindre.

–Alors,tuviens?melance-t-elledepuisladouche,oùj’entendsdéjàl’eaujaillir.

Ohqueoui,Jo,j’arrive.

Maislorsquej’entredanslapièce,oùlavapeurs’élèvedéjà,lespectaclequ’ellem’offremecoupelesouffle.Debout sous le jet d’eau, les cheveux dégoulinant jusqu’à la naissance de ses fesses, ellemetourneledos.Sachutedereinssublimeréveilleaussitôtmondésir.

Lorsqu’elle tourne la têtepar-dessussonépaule, le regardmutin, jecomprendsqu’elleest raviedeconstaterl’effetqu’elleasurmoi.

J’avance vers elle, lentement. Son rire s’éteint progressivement dans sa gorge et lorsque nos deuxcorpsseretrouvent,ellem’offresabouchepourunnouveaubaiser,encoreplusbrûlantquetousceuxquenousvenonsd’échanger.

10.Démasquée!

Jo

–Merde,merde!

Mon parapluie ouvert, je cours comme une dératée en direction de l’enseigne duTropical Spa.Enshortenjean,tee-shirtetbaskets,jeslalomeentrelafouledesMalaisiens,quimeregardentàpeine.Lachaleurestétouffante,mais jenepeuxpasmepermettrederalentir,Marinam’attenddepuisbienvingtminutespourlemassagequ’onadécidédes’offrir.Hier,aprèsavoirgagnélacourse,passéunmomenttorride(ettopsecret)avecNate,j’airejointmonéquipepourfêterlavictoirejusqu’à…trèstôtcematin.Etnousl’avonscopieusementfêtée,cettevictoire.

J’aimalàlatêtechaquefoisquemespiedsfrappentlesol.

–Pardon,pardon,pardon!

J’entrecommeunefuriedanslesalondemassage,à ladécorationépurée,dansles tonsdeblancetgris, où flottent des lotus mauves dans des coupelles.Marina m’attend, installée dans un fauteuil, satablettesurlesgenoux.Jemeprécipitepourl’embrasser.

Elleaussiporteunshort,maisensergenoire,biencoupé,avecdestalonsetunechemiseensoierose.

–Désolée,jesuisenretard,fais-je,sincère.–Pasgrave,j’enaiprofitépourbosserunpeu,merépondMarina.Etj’aicrucomprendrequec’était

unenouvellehabitude…

OK,elleaparléàBlake.

Jesaisisqu’elleadûl’appelerennemevoyantpasveniretqu’il luiasûrementracontéquej’étaisarrivée avec plus de deux heures de retard à la fête de victoire, hier. J’aimenti sans aucun remords,prétendantquejenem’étaispasrenducomptequejeprenaistropdetempspourmepréparer…Personnene m’avait attendue pour faire la fête et, étant la seule femme de l’équipe, mon excuse a été jugéecrédible.MaisdevantMarina,jenepeuxdécemmentpasuserdumêmestratagème.

–Tuessplendide,tenté-je,pitoyablement.–Onpeutsavoircequetufaisais?Hiersoir?m’interrogeMarina,l’airfaussementdégagé.–J’aijusteprisletempsdesavourerlesuccès.Tuasregardélesmassages?Onprendlequel?Ohlà

là,j’adoreraiscelui-ci,avecexfoliation,baindelait,massage,soindelachevelureet…–Excuse-moi,maisjetetrouvesacrémentdétendue,parrapportàladernièrefoisoùons’estparlé,

m’interromptMarina,intriguée.Ils’estpasséquelquechosequejedevraissavoir?–Quoi?balbutié-je.–Non,parcequesoittutedroguesetlà,permets-moidetedirequeçan’estpaslasolution,soittuas

dunouveausurquitusaiset…

Àpeinemameilleureamiea-t-elleprononcécesmotsquejesensmesjouess’enflammer.LesyeuxbleusdeMarinas’agrandissentetsabouches’ouvreengrand.

–Jelesavais!J’étaissûrequetuallaislerevoir!!Alors?mequestionne-t-elle.–Oh,Marina,soupiré-je,sachantdéjàquejenepeuxpaslutter.–Nem’obligepasàjouerdenouveaulacartedel’amitié.–T’espénible, dis-je, sans lepenservraiment.Oui, on s’est revus et oui, c’est à causede lui que

j’étaisenretard,hiersoir.

Monaveusemblelalaisserpartagée.

–Écoute,jesuiscontentequetuaiespasséunbonmoment,parcequec’étaitvisiblementlecas…

Denouveau,jerougis,n’arrivantpasàretenirunsourire.

–Maisentantqu’amie,jemedoisdetedirequetujouesàunjeudangereux,memet-elleengarde.Etcettehistoiredepari,alors?

–Enfait,c’étaitunmalentendu,expliqué-jebrièvement.Ilneparlaitpasdemoi.–Ilparlaitdequi?demandemonamie.

Les sourcils froncés, elle est prête à se scandaliser que je puisse excuserNate d’avoir parié qu’ilcoucheraitavecuneautrefemme.

– D’un avatar ! C’était un truc en rapport avec un simulateur de course, rien à voir avec un êtrevivant!

–OK…Admettons.Maisducoup,vousfaitesquoi,vousallezvousrevoir?Jeterappellequevousbossezdansdeuxéquipesconcurrentes,ajouteMarina,letongrave.

–Jesais!Jenerisquepasdel’oublieretluinonplus!Onenareparlé,ilm’ajuréqu’ilgarderaitlesecret.Toutcommeill’afaitjusqu’àprésent,jetesignale,fais-jeremarquer,d’untonassuré.

–Hum,hum.Vousallezvousrevoir?– On a échangé nos numéros, mais pour ce qui est de la suite… j’en sais rien ! m’exclamé-je,

finalement.Maprioritérestemacarrière.Bon,est-cequ’onpourraitd’abordprofiterdecemassageetallerdînerquelquepart,ensuite?J’ailatêtequibourdonneetjem’allongeraisbienunmoment,tuvois!

–C’estça,demeneruneviedissolue,pleinedesportsmécaniquesetdedébauche,soupireMarina,enselevant.

–Jem’intègre!justifié-je.

Marinameregardeuninstant,puissouritenfinetsecouelatête.

–Alorsdanscecas, je te suggèreunmassage traditionnel thaïd’uneheureminimum.Çadétendet,surtout,çaaideàéliminerlestoxines,ajoute-t-elle,avecunclind’œil.

–Exactementcequ’ilmefaut.Etunsauna,après,çatedit?proposé-je.–Çamarche!

Brasdessus,brasdessous,nousnousdirigeonsversl’hôtessed’accueildeslieux,quinousattend,toutsourire.

11.Blessuresd'enfance

Jo

Lelendemainmatin,lesidéesplusclairesetlecorpsdétenduparlesmainsmagiquesdesmasseusesmalaisiennes, je me rends au stand Razov, où nous commençons à tout démonter pour transporterl’intégralitédenotrematérielenChine,oùdoitavoirlieuleprochainGrandPrix.

Discrètement,jerelisleSMSquem’aenvoyéNate,hiersoir.

[J’airêvédetoi…c’étaitpireetmeilleuràlafois.N]

Jesouris.Satisfaited’avoirtrouvélaforcedenerienluirépondre.Sioncommenceàéchangerdesmessagesdecetteteneur,jenerépondsplusdemaconcentration.

Blakealuiaussiprisunmomentpourdécompresser,aprèssavictoireetlafêtequil’asuivie…NousavonsàpeineeuletempsdeposerlesjalonsdenotrepréparationduGrandPrixdeChine,dansquelquesjours.Jel’aperçoisenpleinediscussionavecAngus.

C’estunebonnechosequ’ilsarriventàconserverunecertainesolidaritémalgré leurgoûtde lacompétition.

Commetoutsemblerouler,jememetsenquêtedeDonnie…Hier,j’aivraimenteul’impressionqu’ilétaitsurlepointdemedirequelquechosedecrucial.

Enplus,iladitquec’étaitunhommeintègre,ilfautvraimentquej’ensacheplus.

Je le cherchedu regard, sans l’apercevoir, et décidedeme renseigner auprès de John, quim’avaitconseilléd’allerparlerauvieuxmécanicien.

–John,çava?lesalué-je,souriante.–Hé,salut!Çava,unpeufatigué,commetoutlemonde,aujourd’hui,rigole-t-il,lesyeuxcernés.–Enfait,jechercheDonnie,tul’asvu?–Ahmince,tun’espasencoreaucourant?medemande-t-il,ennuyé.

J’aiimmédiatementunemauvaiseintuitionetsecouelatête,sourcilsfroncés.

–Ilaquittélestaff,m’explique-t-il.–Hein?Maispourquoi?

Ilaquittésondernierchampionnat,aprèsseulementdeuxGrandsPrix?

Stupéfaite,j’attendslesexplicationsdeJohn,sanstropycroire.J’entendsencoreDonnie,lorsdemonpremierjour,nousexpliqueràMarketmoiqu’ilcomptaitbienprofiterdesondernier«tourdepiste».

–Surmenage,lâcheJohn,lapidaire.Tropdepression,tropd’années,j’imagine.–Sérieusement?Mais…quanda-t-ilprissadécision?demandé-je,déçue.– Je ne sais pas, c’estRon qui nous l’a appris,me répond-il, en haussant les épaules, avant de se

remettre au travail.Apparemment, son remplaçant est déjà recruté et il nous rejoindra à la prochaineétape.

Jecomprendsqu’iln’ariendeplusàm’apprendreetm’éloigne.Lentement,j’assimilecequesignifiele départ de Donnie. À part Ron, c’était le seul à avoir bien connumon père, le seul qui aurait étésusceptible dem’en apprendre plus sur les circonstances de samort et cette improbable culpabilité àlaquellejenepeuxpascroire.

C’estpasvrai…

–Jo,çava?

JelèvelatêteetaperçoisMark,lestraitstirés,quis’estapprochédemoi,sanslâcherlespneus,qu’ilportesansmanifesteraucuneffort.Jehausselesépaules,nesachanttropquoiluirépondre.

Jenevaispasbien,maiscommentl’expliquer?JeneconnaissaismêmepastellementDonnie.

–Non,çanevapas,décide-t-ildevantmonsilence.

Jetenteunsourire,unefoisdeplussurpriseparlasensibilitémanifestéeparcegrandtypeàl’allurepatibulaire.

–C’estDonnie,jevoulaisluiparlerd’untrucpersonneletjeviensd’apprendrequ’ilavaitquittélecircuit.

–Ouais,j’aisuça,justeaprèslacourse.Çam’aétonné.Maissituveuxvraimentluiparler,jepeuxt’aideràleretrouver, ilparlaitsouventd’unvillageenEspagne,ouauPortugal…Jeleconnaissaisunpeu,quandmême,àforcedetravailleraveclui.

–C’estvrai?fais-je,surprise.Ceseraitvraimentsuper.–Ouais,c’estvrai,m’assureMark,enlevantsesbrasénormes,toujourssanslâcherlespneus.

Cetypeadesmusclesentéflonouquoi?

–Jem’attendaispasàcequ’ilparte,ajoute-t-il,commes’ilréfléchissaittouthaut.Poursurmenage,enplus…Franchement,iln’avaitpasl’airsurmené.T’astrouvéqu’ilavaitl’airsurmené,toi?

–Non,réponds-jeaprèsunehésitation.Pasvraiment.–Comprendspas.–Entoutcas,mercipourtaproposition.Onenreparleplustard?–Àtonservice.Onm’aaidédanslepasséetçam’asauvé,alors…

J’allaismedirigerversmaconsoledetransmission,maislesderniersproposdeMarkm’intriguentetjem’arrêtenet.

–Ont’aaidéetçat’asauvé?répété-je,enmeretournantverslui.–Disonsquej’ai…grandidansunefamilled’adoptionunpeuspéciale,explique-t-il,lesyeuxfuyants.

Pasvraimentlegenrequiexistedanslesfilms,situvoiscequejeveuxdire.

Denouveau,ilmeregarde,commes’ilespéraitquejevoievraimentcequ’ilveutdire,mais…jesuistropdéstabiliséeparsaconfidencepouracquiescer.Toutcequejevoisvraiment,c’estlavulnérabilitésurprenantedecettemontagnedemuscles.

–Tuétaismaltraité?–Moietlesautres,répond-il,avecunegrimace.–Jesuisdésolée,réponds-je,navréepourlui,sanstropsavoirquoidiredeplus.

De nouveau, il lève un bras, mais cette fois fait rouler ostensiblement son biceps, avec un airbravache.

–T’inquiète,c’est finietbienfini.Maiscommeje tedisais,onm’aaidéàm’ensortir.Surtoutunepersonne.Jeluienseraitoujoursreconnaissant.Alorsj’essaiedefairepareil,quandjepeuxaider.

C’estbienlapremièrefoisqu’ilparleaussilongtemps.

J’ouvrelabouchepourluiposerunequestion,maisilnem’enlaissepasletemps.

–Etpuis tun’arrêtespasdeme filerdes conseils,dem’apprendredes trucs, alors jepeuxbien tedonneruncoupdemainpourallercauseràDonnie!Bon,jefile,jedoisemballerlespneus.

–Tusaisquetupeuxutiliserunchariotpourlestransporter?fais-je,endésignantlachosedudoigt.–Ouais,maiscommeça,jefaismonsporticietjepourraiallerdormirplustôt,réplique-t-ilsansse

retourner,lesbrasécartésàcausedel’épaisseurdesrouesqu’ilporteàmainsnues.

Finalement,mon intuition à propos de son passé d’adolescentmalingre était encore en deçà de lavérité… S’il s’acharne autant pour avoir cette musculature disproportionnée, c’est pour réparer sonpassé.Ouéviterqu’ilnesereproduise.J’éprouveuneboufféedecompassionpourl’enfantperduqu’iladûêtre…sansdoutelamêmequecellequ’ilaéprouvéeàmonégard,enentendantparlerdemapropreenfance.

12.LestroisV

Jo

Jedéclineledéjeunerdegroupesurlestand,pourallermepromeneralentourducircuitdeSepang,seule.Leséchoppesambulantesdenourriturenemanquentpas,detoutefaçon.

Je profite d’être en pleine rue pour retirer ma casquette et tresser mes cheveux, pour essayer desurvivreàlachaleurmalgrémonéternellecombinaison.

J’achèteunebrochettedeboulettesderizauxlégumes,quej’avaleenmarchant,pensive.

Je croyais vraiment pouvoir discuter plus longuement demon père avecDonnie et plus la journéepasse,plusjeréalisecombienjesuisdéçue.Jeviensdeperdreunedesraresoccasionsd’enapprendreunpeuplussurmonpère.

Etavecquelqu’unquil’aimaitbienetquineseseraitpascontentéderépétercequiseditdepuisdesannées.

Je soupire, jettemon repas, que je n’arriverai pas à terminer, de toute façon.Ma déconvenuem’acoupél’appétit.

–Jepariequetuvasbientôtinterrompretabalade,melanceunevoixgrave,surmoncôtégauche.

JemeretourneetmeretrouvefaceàNate,devantsaLamborghininoire,entreillisdetoilebeigeettee-shirtblanc,quimesourit,semblantnepasapercevoirlesregardscurieuxdeplusieursMalaisiennes.

Même si le fait qu’il attire ainsi l’attention des autres femmesm’agace un peu, je ne peux que lescomprendre. Avec son teint bronzémis en valeur par son tee-shirt, sa silhouette virile et son sourireravageur,ilestsublime.

Tellementsexyquec’enestpresqueindécent.

–Quelquechosenevapas?medemande-t-il.

Merde,jedoisavoirl’airvraimentabattu.

–Non,çava,çava,éludé-je,tentantdefairebonnefigure.Toi,tuallaisoù,danstaLamborghini?

Denouveau,ilsourit,énigmatique.

–Tuaseubesoindesoufflerhorsducircuit?fait-il,aulieudemedireoùilva.

Samanièred’éluder laquestionmecrispe instantanément.Cen’estpas lebon jourpour joueravecmesnerfs.

–Jerépondssituréponds,donnant-donnant,répliqué-jedutacautac.–Tuesimplacable,lance-t-il,sansperdresonsourire.

Ilm’énerve.Maisilestcanon.

Tout canonqu’il soit, il est horsdequestionpourmoide céder sur ce terrain, pasplusque sur unautre.

–Impitoyable,c’estlemot,confirmé-je.Ettuignoresencoreàquelpoint.–Viensavecmoiettusaurasoùjemerends.

Samanièredemeproposerdel’accompagner,desavoixvoluptueuse,avecsesyeuxàlafoissensuelsetrieurs,medonneenvied’accepter.

–Jen’aiqu’uneheuredevantmoi,réponds-je,hésitante.– Tu te cherches des excuses pour cacher ton manque d’audace flagrant, m’assène-t-il, d’un ton

exagérémentdéçu,poursuivantnotrepetitjeudelaprovocation.

Maisjenesuispasd’humeur.

–Tapsychologiedebazarnetemèneranullepart,soupiré-je,vraimentagacée,cettefois.–Jo,reprend-il,sérieux.Jevoisbienqu’ilyauntrucquinevapas.Jeteprometsdetedireoùonva.

Iln’yaaucunpiège.

Sansme laisser le tempsde réfléchirdavantage, ilm’ouvre laportièreetm’inviteàprendreplace,d’ungeste.Jemonte,conscientequeçan’estpasdutoutraisonnable,mais…j’aibesoindefairequelquechosed’agréable,d’unpeufou.

Natedémarresansattendre.Jelesoupçonned’avoirpeurquejechanged’avis.

–Qu’est-cequitetracasse?medemande-t-ilcarrément,unefoispassélepremiercarrefour.

Sansdouteest-celesecretquinousunitetquimefaitmesentirensécurité:jeluirépondssansdétour.

–En fait, une des rares personnes avec qui je pouvais parler demon père, sans a priori, vient dedémissionnerdel’équipe,sanslaisserd’adresse.

–Jevois.Tudoisêtrevraimentdéçue.

Sacompréhensionmefaitdubien.

–Autanttedirequesituveuxmechangerlesidées,ilvafalloirfrapperfort,fais-je,commepourmedéfendredem’êtremontréefragile,l’espaced’uninstant.

–OK, si je te dis « les trois V », tu penses à quoi ? demande alors Nate, retrouvant son sourirecharmeur.

–Vantard,victimeetvivisection,répliqué-je,m’appliquantàprendreunvisagedepsychopathe.

Iléclatederire.

–Jevoisquetuesinspirée.Maistuasperdu,ilfallaitdire«voiture,vitesseetvictoire»,répond-ilavecemphase.

Durisque,descoursesetlebruitdesmoteurs?Exactementcequ’ilmefaut.

J’ignoreencoreoùilmeconduitetcequ’ilmeréserveexactement,maisj’aieneffetgrandbesoindeprendrel’airetdem’éloignerducircuitunmoment.Sienplus,c’estpourretrouverl’ambiancesichèreàmoncœur,pourquoipas?

Puisilfautsavoirprofiterdumomentprésent!

Je m’enfonce plus encore dans le siège en cuir de la voiture de luxe et profite du paysage.Curieusement,cequejetrouvedeplusintéressantàregarder,c’estpilecequisetrouvecôtéconducteur,juste derrière le profil masculin de Nate, avec sa barbe naissante si sexy et sa bouche au sourireperpétuellementironique.

13.Surpriseclandestine

Jo

–Onestoù,là,exactement?fais-je,unpeuinterloquée.–Tuverras,merépondunefoisdeplusNate,toujoursaveccesourireencoin.

Comprenantquejen’entirerairiendutout,jefaisminedemedésintéresserdelaquestionet,commelui,sorsdelaLamborghini.Nousnoussommeséloignésdeszonesurbaniséespourmettrelecapàl’est,sans que je puisse repérer où nous nous rendions. Principalement parce que j’étais occupée par laconversationavecNate,quinejurequeparlesLamborghiniou,àlarigueur,lesPorsche,tandisquejeconfesseunefaiblessepourlesBugatti.

En prime, à mon avis, la prochaineMcLaren pourrait bien détrôner Porsche, mais bon, il fautattendreencorequelquesmoisavantd’avoirraisonsurcepoint.

Danscecoinperdu,entrejungleetmontagne, jecommenceàmedirequejeneserai jamaisrentréeavant lemilieude l’après-midi, surtoutquesi je reconnaisbien lebruitdesmoteursqui ronflentdéjà,derrièreunepalissadedebambous,j’imaginequ’onn’estpasicipourunpetitessaidevingtminutes.

JesurprendsNatequim’observe,amusé.

–Quoi?demandé-je.Tuneveuxrienmedire,jefaisaveclesindicesquejetrouve.–Etquelleesttaconclusion?

Jeréfléchisunesecondeetdésignedudoigtlapalissade.

–J’imaginequecetruc,sansaffichenilogos,sertàdissimuleràlavuecequisepassederrière,doncquecequis’ypassenedoitpasêtretoutàfaitautorisé,déclaré-je,avecunemoueréprobatrice.Quantauxbruitsdemoteurqu’onentend,jepeuxdéjàdirequ’ilnes’agitpasdedeux-rouesnidequads,maisdevoitures.

J’écouteplusattentivement,sourcilsfroncés.Apparemment,lespilotesdéjàprésentss’amusentàfaireronflerleursmoteurs,cequidonneunecacophonieagressiveetplutôtdisparate.

–Devoiturespassablementbricolées,situveuxmonavis,ajouté-je.Nate,nemedispasqu’onestsuruncircuitclandestin!

Illâcheunpetitrireetlèvelesbras,dansuneposemimantsanssuccèsl’innocence.

–Jenetelediraipas,répond-il,avecunclind’œil.–C’estpasvrai…

Jesecouelatête,éberluéequ’ilyaituntelévénementàquelqueskilomètresduGrandPrixofficiel,

maissonairenthousiastemefaitsourireetjeluiemboîtelepas,plutôtcurieusedevoirça.

Derrière lapalissade, la scèneesthallucinante. Ilyaàpeineunedizainedevoitures,maischaquevéhiculesembletoutdroitsortidudernierMadMax!Potsd’échappementénormessoudéssurlescôtésdesvoitures,barresderenforcementetpare-bufflesenmétaltorsadé,vitresremplacéespardesplaquesd’aluminium…J’enrestebouchebée.

–Alors,qu’est-cequetuendis?melanceNate,visiblementsatisfaitdemasurprise.–C’estquoi,cetruc?fais-je,entournantlesyeuxverslui,entreamusementetstupéfaction.–LeMadSecretRallye,merépond-ilavecemphase.Unrallyetrèscourt,organiséparunvieilamià

moi,JoshuaKing,quivitdésormaisenMalaisie.Hé,Tom!

Natevientdelever lebras.Sonami,TomRamsami,arriveversnous,encombinaison,commemoi.Maisquandjemeretourne,ilserenfrogneaussitôt.

Envoilàunquin’estpascontentdemevoir…

–Tomseramoncopilotedurantlacourse,meconfierapidementNate.–Quoi?Vousallezcourir?Maintenant?m’exclamé-je,perdantmonsourire.–Biensûr!Lacoursenedurequetrenteminutes,tente-t-ildemerassurer.–Trenteminutesdurantlesquellestoutestpermis,précisealorsTom,sansmêmeprendrelapeinede

mesaluer.

Je décide de ne pas relever. Ramsami et moi, en tant qu’ingénieurs course, sommes directementconcurrents,jepeuxcomprendresaréaction.Enplus,jen’aiaucuneenvied’entrerdansunconflitouvertavecunamideNate.

Aprèstout,jesuisicipourmechangerlesidées,alorsmaintenantquej’ysuis,autantenprofiteràfond.

Uncoupde sifflet retentit.Tous lespilotes et copilotes seprécipitent vers leursvéhicules.Tomsejoint à la foule bigarrée des concurrents, sans attendreNate, qui se retourne versmoi, avec uneminedésolée.

–Tomesttoujoursunpeustresséavantunecourse,maisc’estuntypevraimentsympa.–Oui,çasauteauxyeux,réponds-jeironiquement.Bon,etlepublicestcensésemettreoù?–Euh…parlà.

Cette fois, je ne peux pas me retenir d’éclater de rire. En guise de tribune, lesMalaisiens venusassisterà l’exhibitionsont tousentraindes’installersurdesbranchesd’arbres,à l’aided’échellesenbois.J’ail’impressiondemeretrouverdansunfilmàpetitbudget!

–Ravidevoirquetuleprendsbien,faitalorsNate,unsouriresurlevisage.–Aumoins,jeseraiensécurité,remarqué-je.Cequiserapeut-êtremoinsvotrecas.–Net’inquiètepas,onsevoittoutàl’heure!

Avantquej’aiepuréagir,ilm’attrapeparlanuqueetm’embrasserapidement,maisavecuneintensité

quimefaitfrissonner.

–Pourmeporterchance,murmure-t-ilavantdefilersansseretourner.

Ladémarchesoupleetvirile,sedistinguantdesautresconcurrentsparsahautetaille,ilsedirigeverscequiadûêtreuneMercedes,maisquiressembleaujourd’huiàunchard’assautultraléger.Àlaplaceducopilote,j’aperçoisTom,levisageconcentré.

Touslesvéhiculesserangentlelongd’unelignesimplementcreuséedanslesol.

Ilesttempsdememettreàl’abri.

14.Sesrêveslesplusfous

Jo

Quand je descends de mon perchoir, c’est avec les mains moites et les jambes tremblantes. J’aicomprisenquelquessecondesque lechoixdupublicd’allerseréfugierdans lesarbresqui longent lapisteterreusen’étaitpasuniquementunequestiondesécurité:dèsledépart,lesvoituresontsoulevédetelsnuagesdepoussièrequ’àmoinsdesetrouveràplusdetroismètresdusol,ilétaitimpossibledevoirquoiquecesoit.

Niderespirer,àvraidire.

Celadit,ilyaeudesmomentsoùj’auraispréférénerienvoirdutoutdecequisepassaitenbas.Lespare-buffles ne sont pas uniquement là pour donner du style… ils servent à emboutir les voituresconcurrentes pour les faire sortir de la route. Le Mad Secret Rallye n’est pas une course, c’est unparcoursducombattant,ungenred’autostamponneusespourkamikazesduvolant.

J’aicruquemoncœurallaitcesserdebattredeuxoutroisfoisenvoyantlastratégiedeNateetTom.Tête-à-queue, dérapages en bord de piste, confrontations brutales avec d’autres voitures… ils ontenchaînélesprisesderisque.

EtOK,ilsontgagnélargement.

D’ailleurs, les voici qui arrivent, hilares, en se donnant de vigoureuses claques dans le dos. Naterayonnelittéralementetj’aisubitementenviedeluisauteraucoupourleféliciter.SaufqueTomdoucherapidementmonenthousiasmeenreprenantunvisageimpassibleàmavue.

–Alors,tuendisquoi?melanceNate,ungrandsouriresurlevisage.–J’endisquevousêtesàdemifousderoulercommeça,dis-je,pourcachermontrouble.–Sinon,quelintérêt?rétorqueaussitôtTom,enhaussantlesépaules.Onn’estpaslàpourpromouvoir

lasécuritéroutière!Bon,j’yvais,àplus!

Nateetmoileregardonspartir,unpeugênés.

–Jeneparlaispasdepromouvoirlasécuritéroutière,maisilyaquandmêmeunemargeentrevotrefaçondecouriretunrisquemesuré!tenté-jedemejustifier.

–C’est pour ça que je ne veuxpas d’autre ingénieur course queTom, répondNate, retrouvant sonsourirearrogantquim’irritedécidémenttoujours.Luiaussiestaccroaurisque.Jet’airacontécommentons’estrencontrés?

–Non.–OnétaitinscritsàlaRouedelamort,enInde,et…–Quoi?C’estquoi,cetruc,encore?lecoupé-je,m’attendantàtout.–Uncylindrevertical,danslequeldesmotoscourentàpleinevitesse,souspeinedes’écrasersurle

sol,m’explique-t-il,sûrdelui,unpeufrimeur.– Je vois, fais-je, sérieuse. Pour ma part, je pense que l’ingénieur course doit justement être la

personnequigarantit la sécuritéducoureur.C’estessentielqu’ilyaitunedifférenceentre l’ingéet lepilote!

Natesereculeetsecouelatête,affichantsonscepticisme.

–NemedispasquetufreinesBlakequandilestsurlecircuit.–Mêmedanstesrêveslesplusfous,jenediraipasunmotdecequisepasseentreBlakeetmoisur

lescircuits,réponds-jeaussitôt.–SurcequisepasseentreBlakeettoi?faitNate,avecundrôlederegard.

Saréactionm’arracheunsourire.

Serait-ilunpeujaloux?

– Sur les circuits, insisté-je, pour lever toute ambiguïté. Plus sérieusement, mon travail, c’estd’anticiper,del’aideràprendredesrisques,certes,maispasinconsidérés.

–Etilnes’ennuiepas?demandeNate,ironique.–Iln’enapasletemps,ilestoccupéàgagner,répliqué-je,souriantdeplusbelle.

Natepenchelatête,comprenantquejeviensdemarquerunpoint.

–C’estarrivéunefoisetj’espèrequevousenavezbienprofité,parcequeçan’arriveraplus,affirme-t-il,l’airsûrdelui.

–Mêmepasdanstesrêveslesplusfous,lànonplus.–Tuveuxvraimentsavoircequeracontentmesrêveslesplusfous?medemande-t-il,prenantunair

charmeur.– Oh, des victoires écrasantes après des prises de risque inconséquentes, des remises de prix,

énuméré-jesurmesdoigts,sarcastique.Desjournalistesseprécipitantverstoi,desgroupieshurlanttonprénom,descouverturesdemagazineoùtuessacréplay-boyultimedubitume,des…

Pourlasecondefoisaujourd’hui,Natesepencheversmoietmevoleunbaiser.Salangueseglisseentremes lèvres et sa boucheme bâillonne délicieusement… samain se glisse autour dema taille etm’attireàlui.Moncorpsvientépouserlesienetjerépondsàsonbaiser,unechaleursensuelleprenantpossessiondemoncorps.

–Desbaiserstorridesavecuneingécourseblondequin’apasfroidauxyeux,ajouteensuiteNateàmaliste,taquin.

J’entends encore Marina me dire que je joue avec le feu, mais… aucune envie d’interrompre cemomentenabordantlesujettaboudecequisepasseentreluietmoi.Jenesaispascequ’ilveutetjeseraismoi-mêmeincapablederépondreàcettequestion.

C’estimprudent,maistellementbon.

15.Défietdéraison

Jo

Surlecheminduretour,iln’estplusquestiondeconsidérationstechniques.Natenecessedeflirteretmoidejoueravecsesnerfs.Allusion,sous-entendus,discrètesprovocations,nousnenousépargnonsrienet la tension est à son comblequandune sonnerie de téléphone retentit dans l’habitacle luxueuxde savoituredesport.

Fronçantlessourcils,iljetteunœilàsonécrandebordpourvérifierl’identitédeceluiquil’appelle.

–Pardon,jedoisprendrecetappel,fait-il,commeàregret.–Jet’enprie.–NateHattaway,j’écoute,lance-t-il,aprèsavoirappuyésurunetouchesituéesursonvolant.–MrHattaway,iciDanielleRobinson,départementcommunication,faitunevoixféminineetsuave.Je

vous appelle au sujet de la gamme de cycles de cross que nous avions prévu de lancer la semaineprochaine.Avez-vouseuletempsd’examinernosvisuels?

–Oui,jesouhaitequevousmodifiiezlaphotodusecond.Lesautn’estpasassezimpressionnant,vouspouvezfaireça?

–Bienentendu,maisaveclesdélais,ilfaudrauserdePhotoshoppour…–Vousconnaissezlarègle,Danielle,l’interromptfermementNate.–MaisMrHattaway…–Pasdetrucage.RappelezBrunoetrefaitesuneséancephotos.–Entendu,faitlavoix,unpeudépitée.Pourlesdélais…–Vousarriverezàlesrespecter,prenezçacommeunchallenge!

Ilmetfinàlaconversationsansattendreetsetourneversmoi,denouveaudétenduetsouriant.

–Jet’aiditquelapremièrefoisquetuesmontéedansmavoiture,j’aieudespenséescoupables?melance-t-il.

Troublée,jedécidetoutdemêmedereleverlegant.

–Coupablescomment?–Coupablescommeencemoment,répond-il,d’unevoixgrave,paraissantseconcentrerdenouveau

surlaroute.

Nousnousgaronsdansun coindiscret, tout près du circuit deSepang.L’atmosphère entre nous estchargéedesensualitéetdetensionsexuelle,maislaproximitédenosdeuxéquipesmerendnerveuse.Siquiquecesoitnousaperçoit,jepensequejevaisfaireunecrisecardiaque…

Enmêmetemps,onnepeutpasseséparercommeça!

Nate,plusdécontractéquemoisurlaquestiondeladiscrétion,respectemesconditions,maisjesens

bienqu’ilseretientdemetoucher.Laflammequiallumesesyeuxsombresestdifficilementsupportablepourmoi.

–Jo,jesaisquetuenasautantenviequemoi,souffle-t-il,alorsquenousnousfaufilonsàl’intérieurducircuitparunesortiedesecours.

–Oui,maisonnepeutpas,pasici,murmuré-je,fébrilemoiaussi.

Profitantd’unrecoin,ilmeplaquecontreunmur.Jel’attirecontremoietlèvemonvisageverslesien.Ses lèvres rejoignent lesmiennes et notre baiser est si passionné qu’il nous laisse à bout de souffle,exaspérésparl’urgencedenotredésiretl’impossibilitéd’yrépondre.

–Viens,fait-ilsoudain,leregarddécidé,enm’attrapantparlamain.–Quoi?Maisoù?réponds-jeàmi-voix,enlesuivant.

Nousmanquonsdecroiserunpetitgroupedepersonnes,quiparlentallemand,puisdesmembresdustaffmalaisien.JecomprendsqueNatem’emmèneverslePaddockClub,cettetribunedeluxeréservéeaux invités demarque, sponsors ou célébrités, et où les places coûtent plusieurs milliers de dollars.Interdite, je ne proteste pas. Je n’ai jamaismis les pieds dans ce lieu, bien loin de ce que vivent leséquipestechniquessuruncircuit.

Apparemment,Natesemblequantàluibienconnaître.

Cedoitêtredésert,maintenantqueleGrandPrixestfini.

Cettefois,jesourispresque:sepourrait-ilqu’ontrouvevraimentunendroitrienquepournous?

–Maisçadoitêtreferméàclé,non?chuchoté-je,inquièteàl’idéequ’onseretrouvebloqués.–Paspourmoi,faitNate,sortantdesonjeanunecléquiouvreladoubleportequimèneàlatribune

déserte.Jeterappellequejesuiscopropriétaired’uneécurieetqu’accessoirement,jesaiscrocheteruneserrure.

–Nate!C’estillégal!protesté-je.–Alorsnoussommesdeshors-la-loi,réplique-t-ild’unevoixchaude,enrefermantlaportederrière

moi.

Ma casquette tombe sur la moquette épaisse et, quand ses mains commencent à faire glisser lafermetureéclairdemacombinaison,jememoqueéperdumentdesavoirsinotreprésenceestpermiseounon. J’enfoncemes doigts dans sa chevelure brune, offrantmon cou à ses lèvres affamées. Le soufflecourt,jesensmoncorpssetendre,messeinsréagiràlasensationdemacombinaisonqu’ilcommenceàretirer.Contremonventre,jesenssavirilitédurciretmesdoigtsdescendentlelongdesanuque,jusqu’àl’encolure de sa chemise, que j’entreprends de déboutonner. Sans cesser de nous déshabiller, de nousembrasser,nousnousapprochonsd’unebanquettedesign,éloignéedelabaievitréepournousylaissertomber. Je l’attire contremoi, désireuse de sentir son corps sur lemien, de caresser sesmuscles, derespirersonodeuret…

Lebruitd’uneportequiclaquenousinterrompt.

Le cœur battant, je me redresse, tentant maladroitement de me rhabiller, les cheveux en bataille,

paniquée.

D’unbond,Nateestdeboutetcherched’oùestvenucebruit.

–Iln’yapersonne,constate-t-il,sanscachersacontrariété.–C’étaitdelafolie,murmuré-je,enrattachantmescheveux.Onn’auraitjamaisdûvenirici.Jedois

retourneràmonstand.

Cebruitdeportem’afaitl’effetd’unedouchefroide.Nousavonsprisunrisqueinsenséetilesttempspourmoidereprendremesesprits.

Etlecoursdemavie.

Naten’insistepas, conscient que lamagiedumoment est rompue.Sansunmot, ilme raccompagnejusqu’àlaporteetmelaissepartir,restantunpeuenarrièrepournepasrisquerd’éveillerlessoupçons,aucasoùoncroiseraitquelqu’un.

Jeramassemacasquette,tombéesurlesol,etl’enfoncesurmatête,avantdepartirsansmeretourner,leventrenouéàl’idéequequelqu’unauraitvraimentpunoussurprendre.

16.Atterrissageforcé

Jo

Jesuisladernièredel’écurieRazovàattendremonbagageàl’aéroportdeShanghai.

Onétaitcensés touspartirenbuspour l’hôtel (à l’exceptiondenosdeuxpilotes,quiontdroitàuntraitementdefaveur),maisaprèsuneheured’attenteetl’assurancedelapartdelacompagnieaériennequemavaliseétaitenchemin,Ronadécidéquejelesrejoindraisentaxi.

Blakes’estproposépourattendreavecmoi,maisjel’enaidissuadé,préférantqu’ilaillesereposerpourêtrefraisetdisposavantlesépreuvesqualificatives.

Jenem’enfaispaspourlui,maisceseraittropbêtedesepénaliserpourunehistoiredebagage!

Sauf que ça fait plus d’une demi-heure que j’attends cette valise soi-disant égarée dans la salle detriagedesbagages.J’aibeaufixerletapisroulant,ilrestedésespérémentvideet,aprèscinqheuresdevol,j’avouequejeprendraisbienunedouche!

La blouse de cotonnade bleu ciel que j’ai portée pendant le vol est froissée.Mon jean slim tientencorelaroute,maismonvoisindesiègearenversédujusdetomatesurmongiletencachemireetj’aimalauxpiedsdansmesbottesenpeaudemouton,pourtantcenséesêtreletopenmatièredeconfort!

Allez,encoreunpeudepatience.

J’attendsencore…disonstrenteminutesavantdeleurdemanderdem’expédiermesaffairesàl’hôtelquandils lesaurontretrouvées.J’iraim’acheter troisbricolesenchemin, le tempsdetoutrécupéreretvoilà.

Au moins, ça me laisse du temps pour réfléchir à tout ce qui s’est passé depuis le début de cechampionnat.Lemoinsqu’onpuissedire,c’estquejenerisquepasdem’ennuyer,maisenattendant,jerisqueaussidememettredanslesennuisjusqu’aucouencontinuantmonpetitjeuavecNateHattaway.

Sic’esttoujoursunjeu…

DepuisnotrebrèveincursiondanslePaddockClub,onnes’estpasrecroisésnimêmeéchangéunseulSMS…J’imagineque,commemoi,iln’apaseuuneminuteàlui.

Certes,ilestattentionné,sexy(etmêmetrèssexy),mesnuitsavecluisonttotalementdémentes,saufqu’il reste un adversaire et un compétiteur acharné.Qui sait si ce côté compétiteur ne prendra pas ledessus,àunmoment?

Etlà,jepeuxm’attendreaupire.

Ou alors je suis encore en train deme faire un film, commequand j’ai cru qu’il avait fait ce pariodieux.Natepeutmêmesemontrerextrêmementgentil…C’estunedesrarespersonnesànepasmejugeren fonction du passé de mon père, alors qu’il ne l’a pas connu. En plus, j’imagine que les seulesinformationsqu’ilapuentendreàsonpropossontcellesquetoutlemondecroit,àsavoirsaculpabilité.Entoutcas,iln’yajamaisfaitallusion,saufpourcompatiraufaitquemonenfancen’apasdûêtreunefêteforainedechaqueinstant.

Celadit,ilpeutaussisemontrersuper-agaçant,commequandilagitcommes’ilétaitleseulcapablederemporter lesGrandsPrix.Commesionl’avaitattendupourgrimpersur lespodiums!Ilm’énerveaussiquandilagitcommesij’étaisincapablederésisteràsoncharme!

Alorsque,franchement,je…Bon,bref.

–MadameJoanaMilton?–Oui?réponds-jeaussitôt.

Unemployédelacompagnieaérienne,l’airsoulagé,marcheversmoientraînantàsasuitemavalise.

Enfin!

–Nousvousfaisonstoutesnosexcuses,votrebagageétaitrestécoincéendouane,m’explique-t-il,lesoufflecourt.Uneregrettableerreur.

–C’estpasgrave,merci,fais-jepoliment.Jereparsavec,c’estl’essentiel!

Heureusement qu’ils ont fini par la retrouver car tout autour de moi commencent à arriver lespassagersduvolsuivant,dontlespremierssacsapparaissentdéjàsurletapisquej’aifixéduranttoutcetemps.

J’empoignemavaliseetm’éloigne,toujoursperduedansmespensées.

Laconclusiondetoutça,c’estqueNateetmoisommesdessexfriends.C’estaussisimplequeça,saufqueladimensionsecrèteajouteunecertainetensionauxmomentsqu’onpasseensemble.

Il n’y a rien d’autre que le sexe entre nous, c’est évident. On ne se voit ni pour discuter, ni pourdîner…

Saufladernièrefois,pourlerallyeclandestin.

Aprèsquelquessecondesderéflexion, jemecorrigementalement : s’iln’yavaitpaseucebruitdeporte,onauraitcouchéensemble,cequiconfirmelefaitqu’onestbiendessexfriendsetriendeplus.

J’accélèrelepas,satisfaited’avoiréclairécepointpourmoi-même.Depuisledébutdelasaison,jeme suis promis de ne pasme laisser distraire par une histoire sentimentale, donc pour lemoment, lecontratestrempli.

OK,j’aiunepetiteaventuredistrayante.Dusexerécréatifetriend’autre.

Bien.

Je presse le pas, slalomant entre les passagers qui arrivent, les proches venus les retrouver, lepersonnelausoletmeretrouveàdeuxmètresàpeinedeNate.

Merde,jefaisquoi?

Rapidement,jeregardeautourdemoi,nereconnaissantpersonnedesonécurie.Maiscommentsavoirs’iln’yapasdesjournalistesdanslafoule?Prudente,jedécidedelecontourner,maisnepeuxrésisteràlatentationderegarderplusattentivementavecquiilsetrouve.

Laminesombre,visiblementcontrarié,ilsemblerépondreparmonosyllabesàunefemmed’unepetitecinquantaine d’années, au bras d’un homme dumême âge, dont la ressemblance avecNateme frappeaussitôt. Il est plus petit, moins solide, mais ce sont les mêmes yeux sombres et les mêmes cheveuxbouclés.Curieuse,jeralentislégèrementetdistingueaussiunairdefamilledanslestraitsduvisagedelafemme.

Sepourrait-ilquecesoitsesparents?

– Enfin, nous voulions juste te faire une surprise et tu réagis comme si nous avions essayé de tepiéger!protestelafemme,dépitée.

– Je t’en prie, pas de scène. Je suis en pleine compétition, soupire Nate, glacial. Je dois resterconcentré.

–Maistuestoujoursenpleinecompétition!Commentveux-tuqu’onfasseautrement?!–Tamèrearaison,Nate,poursuitl’homme,fronçantlessourcils.Nousavonsessayédet’appelerà

plusieursreprises,maistunerépondsjamais,alorsnousavonsdécidédevenirtevoir.–C’estnormalqu’ons’inquiète,tuprendsdetelsrisques!renchéritsamère,d’unevoixdouce.–D’ailleurs, c’était tropdemanderdenous avertir que tuquittais le rallyepour laFormule1 ?Tu

imaginescequeçanousafait,àtamèreetàmoi,d’apprendreçaparlapresse?–C’estencoreplusdangereux,soufflelafemme,commesiellen’osaitpaslediretropfort.

Nateserrelesdents,nerépondrien.Sonsilencemesembletellementdurfaceàl’inquiétudelégitimedesesparentsquejedécidedem’éclipser,gênéed’assisteràunedisputedefamille,quinemeregardeenrien.

Hélas,lafemmecroisemonregardaumomentoùjebifurquesurladroite.Àmagrandesurprise,sonvisages’éclaireetelleagitelebrasdansmadirection!

– Nate ! N’est-ce pas la charmante jeune femme dont tout le monde parle depuis ce matin ?!s’exclame-t-elle,surjouantleravissement.

Quoi?!!

17.Cataclysme

Jo

Sanscomprendre,jemefige.Natesetourne,m’aperçoit,hausselessourcils,sansavoirl’airdesavoirdequoisamèreparle,luinonplus.

–Oui,c’estelle,comments’appelle-t-elle,déjà?demandesonpère.

Sesdeuxparentssemblentsurtoutcontentsd’avoirl’occasiondechangerdesujet,maisréalisentnotrestupeur.C’estàcemoment-làquesamèresortunmagazinedesonsacetlebrandit,victorieuse.

Oh…mon…Dieu…Non!!!

Jemedécompose littéralement surplace.Mesoreillesbourdonnentetmoncœur tombebrutalementdansmonestomac.

En pleine une, prenant toute la couverture du tabloïd, Nate et moi en train de nous embrasserpassionnémentdans lePaddockClubducircuitdeSepang.Sous lecliché, en lettres rouges :«L’ingécoursedeRazovetNateHattaway!JoanaMilton:amoureuseoustratège?»

Je tourne un peu la tête et j’aperçois alors d’autres couvertures du même genre sous les bras decertainspassagersousurlesprésentoirs.

Pire encore, plusieurs magazines affichent en médaillon une vieille photo de mon père. C’est uncataclysme.L’horreurabsolue.Lepiredescauchemars.

–Oh,putain,non,non,non,maisnon!

Jem’entendsàpeinegémir.LamèredeNatemesourit,commepourmerassurer.

– Tu ne fais pas les présentations ? Ton amie est gênée et nous serions enchantés de faire saconnaissance,dit-elleàNate.

–Jen’aipersonneàvousprésenter,répond-ild’unevoixferme.

Achevez-moi,toutdesuite,pitié!

Sonnéeparsaréponseaussifroidequ’odieuse, jeraffermismaprisesurmavaliseet reprendsmonchemin,raidecommeunpiquet.Jemecogneauxgens,j’accélèredeplusenplus,désireusedefuircequivientdesepasser.

Matêtevaexploser,jenesaismêmepasquelleestlaraisonpourlaquellejedoismesentirleplusmal.Enl’espacedequelquessecondes,c’estmavieentièrequivientdevolerenéclats.

–Jo!Jo,attends!Jo,bordel!!Attends!appelleNate,dansmondos.

Onm’attrape soudain par le bras. Furieuse, jemedégage, sachant déjà de qui il s’agit.MaisNatelâchemonbraspourmesaisirparlesépaules,m’obligeantainsiàleregarderenface.Jeserreleslèvres,priantmentalementpourquej’arriveàretenircesputainsdelarmes.

–Attendrequoi?Jenesuispersonneetenplus,jenecroispasquecesoitlemomentqu’onsemontreensemble!

Lameilleuredéfense,c’estl’attaque.

Poussantunsoupirexaspéré,Natem’entraînedansuncoinisolédel’aéroport,entreuneboutiquedesouvenirsenrénovationetuncomptoirdésert.

–Jen’aipasditquetun’étaispersonne,j’aiditquejen’avaispersonneàleurprésenter,m’assène-t-il,énervé.Ilnes’agitpasquedetoi,maismesrelationsavecmesparentssont…compliquées.

–Etnosrelationsànoussontdésormaispubliques,répliqué-je,d’untonassassin.Ohlàlà,c’estpasvrai!Merdeetmerde!

À chaque seconde, j’ai l’impression que le poids de la réalitém’écrase un peu plus. QuandNatehausselesépaules,j’enailesoufflecoupé.

–Ducalme,çan’estpasdramatique,medit-il,d’unevoixquiseveutapaisante.

J’ouvrelabouche,stupéfaitequ’iloseainsiprendreleschosesàlalégère.

–Pasdramatique?!répété-je,d’unevoixaiguë.Parlepourtoi!Àtonavis,commentvaréagirmonéquipe,enapprenantquejemesuisenvoyéeleprincipalconcurrentdemespilotes??

Ilsepasselamaindanslescheveux,faitunegrimace,puisreprendlecontrôle.

–Bon, écoute, s’il le faut, je ferai un procès pour diffamation, l’argent n’est pas un problème,mepropose-t-ilalors.

–Maisçaneserviraitàrien!Avecousansprocès,l’opinionpubliqueestfaite:jecouchepouravoirdesinfos!explosé-je,hystérique.Uneingéavecleplay-boydubitume,macarrièreestfoutue.

Cettefois,jemeprendslatêtedanslesmains,autantpardésespoirquepourcacherceslarmesàlacon.Ma carrière est foutue,ma vie est foutue… Jeme suis raconté des histoires de sex friends pouroublierquej’étaisentraindefaireuneconneriemonumentaleetvoilàlerésultat.

Jevoudraisdisparaîtreouqueluidisparaisse!

Natetentedem’attirercontrelui,maisjelerepousse,paniquée,enlançantdesregardstoutautourdenous.Ilcomprendetreculed’unpas.

– Jo, tu dois temoquer de l’opinion des gens,me conseille-t-il, sérieux. Tu connais ta valeur, tonéquipeaussi,peuimportecequ’ondiradetoi.

Jeleregarde,sansrépondre.

Forcément,ilnecomprendpas.

–C’estfacilepourtoi,dedireça,commencé-je,essayantderetrouvermoncalme.Tueslepilotestar,co-actionnairede tonécurie, tupeux faire tout ceque tuveux.Moi, depuis cematin, je suis cellequicoucheavecl’adversaireetdontlepèreaétéaccuséd’avoirtrafiquéunevoiturepourdel’argent.

Monproprerésuménemepermetplusdelutterefficacementetjesensmesyeuxseremplirdelarmes.Maispasquestionde les laisser couler ici, enpublic. Je soutiens le regarddeNate,qui sembleenfinréaliserlagravitédemasituation,maisneditpasunmot.

Je devine qu’il ne dira rien. D’ailleurs que pourrait-il dire qui changerait quoi que ce soit,maintenant?

–Laissetomber,jedoisyaller,fais-je,résignée.

Sansattendre, je reprendsmonbagageet lui tourne ledos.Jerassemblecequimerestedevolontépourmecomposerunvisageimpénétrable,commesiriendetoutçanemeconcernait,histoiredenepasattirerl’attention.

Mais déjà, du coinde l’œil, je vois quelquespersonnesmedésigner, unmagazine à lamain.Si jem’écoutais,j’abandonneraismavalisepourm’enfuirencourant.

Enfin,aprèsd’interminablesminutes, j’arriveàunestationde taxisetm’engouffredans lapremièrevoiture libre que je vois. Je donne l’adresse de mon hôtel au chauffeur, mais un embouteillage nousempêchedenouséloignerdel’aéroportetj’aitoutletempsdecontemplerl’ampleurdelacatastrophe:touteslesdevanturesdesboutiquesdejournauxmettentàl’honneurlescandaledumoment.

Qu’est-cequej’espérais?ÀquelquesjoursduGrandPrixdeShanghai…

Unecouvertureenparticuliermevrillelecœur:souslefameuxbaiseravecNate,figurentmaphotoetcelle de mon père, en vis-à-vis, avec ce commentaire en anglais : « Tel père, telle fille ? Histoired’amouroudetricherie?»

Heureusement, la voiture avance enfin, me libérant de cette vision d’horreur. Avec appréhension,j’allume alors mon portable, qui se met à vibrer sans discontinuer. SMS, appels manqués, mails ensouffrance…Sansmêmechercheràlirequoiquecesoit,jel’éteins,préférantaffronterlesgensenface.Etplustard,surtout.

–Pardon,beaucoupdetrafic,aujourd’hui,meditmonchauffeuravecunfortaccentchinois.Ilfaudrabienquaranteminutespourrejoindrevotrehôtel.

–Pasdeproblème,fais-je,d’unepetitevoix.

Quaranteminutesderépitavantderetrouvermonéquipe.Avantd’affronterRon.IlmesemblequesiNateavaitaumoinsesquisséungestepourmeretenir,jenemesentiraispassivide…

Quoiqu’ilaitditensuite,Natearefusédemeprésenteràsesparents,confirmantcequej’avaismoi-mêmeconcluplus tôt : jenesuis riend’autrepour luiqu’unplancul.Etquandunplanculdevientunproblème,quefait-on?Onymetfin,toutsimplement.

Saufqu’encequimeconcerne,macarrièreaussivaprendrefin.

–Maiscommentj’aipumemontreraussiconne?gémis-je.

Quantàsapropositiondefaireun«procèsendiffamation»,j’ignorecequiluiaprisdedireça.Onnepeutriendémentirdutout,ons’estembrassés(etpireencore!),laphotoentémoigne,findel’histoire.

Danstouslessensduterme.

Jenevoisvraimentpascequipourraitmesortirde là. Je ferme lesyeux,serrantnerveusement lesmainssurmesgenoux.

Tout semélangedansma tête : le sentimentd’avoir perduNate sans trop savoir ceque ça signifieexactement, l’arrêtprobabledemacarrièreaprèsdesannéesd’étudesetdesacrifices, ladéceptiondeRon,laconsternationdeBlake,lapeurderevivrelesmomentsépouvantablesquiontsuiviledécèsdemonpère,lacertitudequejenepourraiplusjamaisprouversoninnocence…

Etpar-dessustoutça,laculpabilitéénormed’avoirmoi-mêmecausémaperte,enmeprécipitantdanslelitduseulmecqu’ilnefallaitsurtoutpasapprocher.

Àsuivre,nemanquezpasleprochainépisode.

Fast-3

Sensualité,sexetorride…danger!Pilotestaretenfantterribledespistes,NateestunprodigedeF1accroaurisque.Riennipersonneneluirésiste!Joanaledétesteautantqu’elleestattiréeparlui,maishorsdequestiondecraquer.Nateestunconcurrentdesonécuriedecourse!Etellecomptebienluifairemordrelapoussière.Maisquandlapassionirrépressiblel’emportesurlaraison,impossiblederésister.Toutlessépare,toutestinterdit,etlesecretnedevrajamaisêtrerévélé.Facile,non?

Retrouveztouteslesséries

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Décembre2016

ISBN9791025734469