Famili: Reportage photos "Les pères à la maternité"

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2 3 POUR LES HOMMES AUSSI, UNE NAISSANCE DURE DES HEURES. S’ILS PASSENT DE LONGS MOMENTS À SOUTENIR LA FUTURE MÈRE, ILS OCCUPENT LEURS TEMPS DE SOLITUDE À HANTER LES COULOIRS, PIANOTER SUR LEUR TÉLÉPHONE, SE PROJETER DANS LE FUTUR… TROIS D’ENTRE EUX NOUS ONT OUVERT LEUR CŒUR. PAR CLAUDE DE FAŸ. Maternité de l’hôpital Foch à Suresnes, 18 et 19 novembre. Ils arrivent un peu en retrait, trois pas derrière la future mère. Patientent dans la salle d’attente qu’on veuille bien leur confir- mer que « la naissance est probablement pour aujourd’hui ». Plus tard, on les reconnaîtra sans peine, marchant d’un pas rapide ou nonchalant, les bras encombrés de sacs. Ils ont l’air un peu perdus, parfois inquiets ou proches de l’extase ! Les émotions qu’ils ressentent les chavirent mais il leur faut dans le même temps rassurer et distraire la future mère, donner des nouvelles à la famille qui s’impatiente au bout du fil, s’assu- rer que tout roule au travail, faire le relais auprès des autres enfants… Et casser une petite graine pour ne pas tourner de l’œil au dernier moment ! Durant notre reportage, l’efferves- cence était à son comble dans les couloirs. Il est des jours où les naissances s’enchaînent et où, faute de place, les couples repartent (sauf urgence) patienter à la maison. Merci aux pères qui ont accepté de se confier à famili et à tous les autres que nous avons croisés et avec qui nous avons tant partagé… les pères à la maternité Ils pensent à quoi quand on accouche ? Reportage maternité De gauche à droite, Stéphane, Jean-Michel & Tiana.

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POUR LES HOMMES AUSSI, UNE NAISSANCE DURE DES HEURES. S’ILS PASSENT DE

LONGS MOMENTS À SOUTENIR LA FUTURE MÈRE,

ILS OCCUPENT LEURS TEMPS DE SOLITUDE À HANTER LES

COULOIRS, PIANOTER SUR LEUR TÉLÉPHONE, SE

PROJETER DANS LE FUTUR… TROIS D’ENTRE EUX NOUS ONT OUVERT LEUR CŒUR.

PAR CLAUDE DE FAŸ.

Maternité de l’hôpital Foch à Suresnes, 18 et 19 novembre. Ils arrivent un peu en retrait, trois pas derrière la future mère. Patientent dans la salle d’attente qu’on veuille bien leur confir-mer que « la naissance est probablement pour aujourd’hui ». Plus tard, on les reconnaîtra sans peine, marchant d’un pas rapide ou nonchalant, les bras encombrés de sacs. Ils ont l’air un peu perdus, parfois inquiets ou proches de l’extase ! Les émotions qu’ils ressentent les chavirent mais il leur faut dans le même temps rassurer et distraire la future mère, donner des

nouvelles à la famille qui s’impatiente au bout du fil, s’assu-rer que tout roule au travail, faire le relais auprès des autres enfants… Et casser une petite graine pour ne pas tourner de l’œil au dernier moment ! Durant notre reportage, l’efferves-cence était à son comble dans les couloirs. Il est des jours où les naissances s’enchaînent et où, faute de place, les couples repartent (sauf urgence) patienter à la maison. Merci aux pères qui ont accepté de se confier à famili et à tous les autres que nous avons croisés et avec qui nous avons tant partagé…

l e s p ère s à l a ma t erni t é

Ils pensent à quoi quand on

accouche ?

Reportage maternité

De gauche à droite, Stéphane, Jean-Michel & Tiana.

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Reportage maternité

EXALTATION ET FÉBRILITÉC’est notre deuxième enfant. Julie a per-du les eaux ce matin, on est à J + 2, c’est dire si je suis impatient et ravi ! J’éprouve un mélange d’exaltation et de fébrilité. Fille ou garçon, on a préféré garder la surprise et découvrir son sexe au dernier moment. Dans une vie où on maîtrise tout, garder une part d’inconnu me va bien. Là, je suis à fond et viens d’annu-ler une réunion…

TOUT SON PÈRE !Notre entourage ne sait pas que Julie accouchera aujourd’hui, juste qu’on avait rendez-vous à la maternité ce ma-tin. Pour le moment, on préfère ne pas donner de nouvelles pour ne pas être submergé de coups de fil et inquiéter au cas où… Garder ce moment d’inti-mité pour nous, le vivre ensemble dans notre bulle, nous paraît essentiel. En tout cas, les pronostics vont bon train. Tout le monde imagine que c’est un garçon vu la forme du ventre de Julie. J’ai aus-si entendu : « J’espère qu’il ne sera pas aussi poilu que toi » et, parce qu’on est à J + 2 : « Il prend son temps comme son père ! » C’est très sympa de constater que cet enfant est déjà inscrit dans le cercle familial et amical, qu’il a déjà sa place.

QUALITÉ EXIGÉE, DÉBROUILLARDISEJ’aimerais transmettre à mon enfant les mêmes valeurs que j’ai reçues de mes parents : humilité, respect des autres, courage, amour de la famille, etc. J’ai-merais aussi qu’il soit débrouillard ! Vu le monde dans lequel on vit, mieux vaut qu’il n’ait pas les deux pieds dans le même sabot.

SOUFFRANCE ET IMPUISSANCEJe suis plus tendu [ndlr il est tout blanc]. Les contractions étaient si douloureuses que Julie répondait à peine aux ques-tions et n’était pas loin de tomber dans les vapes. Lors de son premier accou-

chement, elle avait tenté sans péri mais craqué à dilatation 8. C’est dur de voir souffrir sa femme et d’être complètement im-puissant devant sa dou-leur ! J’aurais aimé poser la péridurale moi-même pour que ça aille plus vite et lui éviter ces minutes de souffrance… Je suis admiratif du courage des femmes. Je crois bien que je ne supporterais pas une telle douleur !

ENTRE CALME ET EXCITATIONCela fait six heures que les contractions ont démarré, on vient seulement d’arri-ver à la maternité. On attend cet enfant depuis si longtemps ma femme et moi, notre fils aîné a déjà 6 ans. Nous avons même consulté dans un centre d’AMP mais, au final, il a été conçu naturelle-ment. J’attends ma famille, qui vient de Madagascar.

TROP BIEN LES FORUMS DE FUTURS PARENTSMon fils aîné est né par césarienne, cette fois-ci on tente l’accouchement par voie basse. Tsanta souffre beaucoup et attend la péridurale avec une impatience gran-dissante : « Césarienne ou voie basse, je m’en fiche, il faut qu’elle sorte ! » a-t-elle dit. J’essaie de la calmer et de la rassurer, j’espère que je serai à la hauteur pour la suite… On s’est particulièrement bien préparés pour cette naissance et nous avons découvert les forums de futurs parents – celui de famili aussi ! Eh bien, ça tranquillise de constater que chacun passe par les mêmes interrogations. C’est fou ce que certaines femmes viennent

y raconter et même leur accouchement heure par heure… Je n’y ai jamais vu beaucoup d’hommes !

LA CHAÎNE DES GÉNÉRATIONSC’est une fille. Vous dire ma joie… Cela fait longtemps que je veux une fille ! A qui va-t-elle ressembler ? J’ai-merais qu’elle soit médecin. Ma mère est morte il y a longtemps d’un AVC, mes deux oncles aussi et j’ai alors pen-sé : « Mais pourquoi je n’ai pas fait mé-decine ! » J’aurais peut-être pu la sauver. Voilà, cette petite fille qui arrive, c’est le fil de la vie qui continue, un lien qui se crée avec ma mère qu’elle ne connaî-tra pas. Mon aîné ? J’aimerais bien qu’il fasse l’ENA. Oui, j’ai de grandes ambi-tions pour mes enfants !

JE CAFIOTE, TU MAILES, IL TÉLÉPHONEJ’ai l’air calme comme ça mais j’en suis à mon 5e ou 6e café depuis ce matin : il faut bien tenir, il est 9 h 30 et les contrac-tions ont démarré à 2 heures et demie ! Et mieux vaut avoir la tête sur les épaules pour traiter les mails urgents du bureau.

GALIPETTE ARRIÈREJe n’ai pas eu le temps de m’ennuyer ni de trop m’impatienter. Une césarienne a été décidée. Le bébé s’est retourné et mis en siège. Pourvu que tout se passe bien.

LE PLUS HEUREUX DES HOMMESJ’ai été très impressionné par la césa-rienne. Je pensais voir beaucoup de sang et des gens qui couraient un peu par-tout comme dans les films. Eh bien pas du tout ! Tout était calme, l’équipe très discrète et professionnelle. Lorsque j’ai vu ma fille, ça a été magique ! Elle s’ap-pelle Tiah. Même avec une césarienne, une naissance reste extraordinaire. Son grand frère est déjà venu la voir, cela m’a surpris qu’il soit déjà très protecteur en-vers sa sœur. Et puis, quoi de plus beau que de contempler ses deux enfants en-semble ? Il n’y a pas de mots pour décrire cette émotion. Je suis le plus heureux des hommes.

PAS LE GENRE À S’AVENTURER PLUS BASThibault est né et tout s’est bien pas-sé. En trois contractions et poussées, c’était fait. Je suis resté tout près de Ju-lie, je ne suis pas du genre à m’aventurer plus bas. Je me suis toujours demandé si l’émotion serait aussi intense puisque je l’avais déjà vécue pour la naissance de mon aînée. Eh bien oui, la force et la puissance de l’instant étaient les mêmes ! L’amour submerge tout, je ne pense plus qu’à ça et à notre nouveau bonheur. J’ai pris mes trois jours de congé paterni-té et des RTT, histoire de ne rien rater des premiers moments et de les parta-ger à deux.

« une fille ! Vous dire ma joie… » Tiana, 43 ans

« Je suis admiratif du courage des femmes »Jean-Michel, 36 ans

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ABSENTS DES SALLES DE NAISSANCE PENDANT LONGTEMPS, LES PÈRES Y SONT

AUJOURD’HUI DEVENUS TRÈS ACTIFS. TROP ? LES RÉPONSES DE NOS SPÉCIALISTES.

La bonne placedu père

« je ne sais pas ce qui m’a pris »Stéphane, 39 ansUNE FAMILLE EN EXPANSIONTout va bien, je ne suis ni stressé, ni an-goissé, ni pressé. J’ai déjà deux garçons de 3 ans et demi et de 2 ans qui sont gardés par belle-maman et nous atten-dons une fille. Le col est ouvert à trois centimètres, c’est parti ! Je pense que le bébé naîtra avant minuit. On prend les paris ? Ma fille sera le huitième petit-en-fant de la famille, bientôt rejointe par mon futur neveu ou nièce. La famille s’agrandit pour le plus grand bonheur de mes parents.

ÊTRE OU NE PAS ÊTRE À L’ACCOUCHEMENTC’est important pour ma femme que je sois près d’elle. Je donc serai là à l’ac-couchement pour l’accompagner. Je le fais pour Frédérique, elle m’en voudrait si je n’assistais pas à son accouchement et ma fille pourrait me le reprocher plus tard. Il me semble que l’accouchement est davantage une affaire de femmes.

SCRABBLE ET FILM DE FILLESJe rentre chez moi faire un saut, histoire de prendre une douche, manger un petit bout. Et montrer à mes aînés une pho-to de leur maman avec le monitoring ! En principe, cet enfant qui arrive est le dernier de la fratrie. Quand on en a plus de trois, il faut tout changer, la voiture, l’appart, etc. :-)) Et puis, chez nous, ça marche par trois. Mon père a eu trois enfants, et mon frère trois. Trois fois trois, vous croyez à la répétition fami-liale, vous ? En attendant, pour tuer le temps, on joue au scrabble et Frédérique a un « film de filles » sous le coude !

MA FILLE, CETTE INCONNUEJe m’interroge sur les rapports père-fille. De quoi sont-ils faits ? Après deux pe-tits mecs, ce ne sera pas la même chose. J’imagine que lorsque les enfants gran-dissent, il y a davantage de rivalité entre père et fils et plus de complicité père-

On en parle avec famili sur RTL !« On est fait pour s’entendre », du lundi au vendredi de 15 h à 16 h. Tous les jours, Flavie Flament dialogue avec ses auditeurs sur les sujets qui les concernent. Retrouvez-la le 9 janvier dans une émission consacrée aux PAPAS À LA MATERNITÉ. La rédactrice en chef de famili, Cédrine Meier, et le Dr Thierry Harvey, obstétricien et chef de la maternité des Diaconesses, seront en studio pour en parler.

fille. L’expression « la fille à son papa » doit bien vouloir dire quelque chose ! En tout cas, je l’idéalise sûrement cette fa-meuse relation d’un père avec sa fille…

RETOURNEMENT DE SITUATIONTout est allé très vite, Helena est née peu après 21 heures. Il s’est passé un truc incroyable, absolument pas prémédité. Pour mon premier enfant, je suis resté prudent, tout près de Frédérique. Le deu-xième ? J’ai jeté un œil et vu sa tête sortir. Aujourd’hui, je ne sais pas ce qui s’est passé, j’ai dit soudainement à la sage-femme : « Je veux le faire » ! C’était l’occa-sion ou jamais, une façon de faire partie de l’événement au lieu de tenir bêtement la main de Frédérique. La sage-femme a accepté, et avec son aide, j’ai attrapé le bébé sous les aisselles et l’ai sorti du ventre de sa maman pendant qu’elle-même prenait une photo. Ça fait tout drôle quand même, quelle émotion…

Reportage maternité

« La place des pères en maternité ? Il me semble qu’il y a un ajustement à faire. Ils y ont été poussés dans les années 1980… sans être encadrés. Certains ne savent pas pourquoi ils sont là, d’autres n’en ont pas forcément vraiment envie mais se sentent un peu “obligés”. La question de la présence du père pendant l’accouchement mériterait d’être vraiment discutée lors du projet de naissance (à préparer en couple) : à quoi s’attend-il ? Que veut-il y faire ? Envie de couper le cordon ? Beaucoup d’hommes ne sont pas assez préparés.En suites de couches, je vois de plus en plus de pères déçus parce qu’ils ont l’impression que leur femme prend toute la place ! Par exemple, cet homme dont la compagne allaitait, le bébé pendu au sein toute la journée. Il était complètement perdu, pensait qu’il ne servait à rien juste à changer les couches. Il n’avait pas compris que son rôle est avant tout de protéger sa femme et de faire le relais, de la rassurer, de l’aider mais pas de se substituer à elle. Sinon, elle perd confiance en ses capacités et “n’existe plus”, ce qui est dangereux. »Fabienne Galley-Raulin

Xavier, en attendant la naissance d’Alphonse.

L ’avis de la sage-femme

L’avis de la psychologue« L’accouchement n’est plus seulement une question de femmes mais de couple. Il est bénéfique que le père prenne sa place dans ces moments-là mais elle est encore mal définie. J’aime à dire que c’est le père qui porte la mère qui porte l’enfant. Ça signifie quoi ? Que le rôle de l’homme est primordial pendant neuf mois, à l’accouchement, en suites de couches, etc. Il soutient sa compagne, la réconforte, l’écoute, la « contient ». Et c’est dès le début de la grossesse qu’il doit y réfléchir : quelle place pour moi ? Comment ? A chaque couple de se déterminer. Certains pères ont des réticences à participer, d’autres en font peut-être trop, occupant une place qui n’est pas la leur. Couper le cordon est symbolique. Ce n’est pas la même chose que sortir soi-même le bébé du ventre maternel comme je l’ai déjà vu. Qui soutient la mère dans ce cas-là ?On évoque souvent le bouleversement émotionnel et psychique de la femme quand elle donne naissance à son enfant, moins de celui du père. Et pourtant, lui aussi met au monde psychiquement son enfant… Comme elle, il a besoin d’être accompagné.»Séverine Dagand-Berteau

L ’avis du gynécologue-obstétricien« Il est difficile de demander aux pères de s’investir auprès de leur bébé… pour ensuite trouver qu’ils sont trop présents ! Cela dit, chacun doit être à sa place et dans son rôle en salle de naissance : l’obstétricien ou la sage-femme dans la réalisation de l’accouchement, le père dans le soutien.Certaines choses me “choquent” : l’homme qui se place en face de sa compagne, qui voit tout, filme et a l’intention de regarder le résultat en famille ! Il ne se rend pas compte que l’intimité de son couple, sexuelle entre autres, peut en être bouleversée ; celui qui est envahissant à certains moments (il répond à la question qu’on pose à sa compagne) et pas assez présent à d’autres (par exemple après la naissance) alors qu’elle a vraiment besoin de lui.Je constate souvent que certaines femmes n’allaitent pas car leur mari veut donner le biberon ! Il ne sait pas qu’il ne sera pas moins bon père pour autant… Si beaucoup d’hommes sont à leur place, certains sont insuffisamment préparés.»Pr Philippe Deruelle