FAL MAG108 final.pdf

download FAL MAG108 final.pdf

of 32

Transcript of FAL MAG108 final.pdf

  • 1er trimestre 20124 euros

    N108

    F R A N C E A M E R I Q U E L A T I N E M A G A Z I N E

    MAGFAL

    EN IM

    AG

    ES

    GUATEMALAAu pays des Mayas

    ACTU

    ALITS

    AN

    ALYSE

    ARGENTINESur la trace des disparus

    CHILINon HydroAysn

    FORUM ALTERNATIF MONDIAL DE LEAU

  • Associationdesolidaritinternationale,FranceAmriqueLatine(FAL)travailledepuis40ansdnoncerlesatteintesauxdroitshumainsenAmriquelatineetCarabe(ALC),etconstruireunerflexionnouvellesurlesalternativesaudveloppementno-libral.

    NotreassociationsefforcedefaireconnatrelaculturedespeuplesdAmriquelatineetdelaCarabe,danstoutesleurscomposantes,leursdiffrences,leursespoirsetleurslansnovateurs.Cestenfaisantconnatreleurscombatsetleurssuccsdansladfensedesdroitshumainsetdeladmocratie,pourledveloppementconomiqueetleprogrssocial,quenousleurmanifestonsnotresolidarit.Nousagissonssouslaformedappels,deptitions,demanifestations,dinterventionsdirectesauprsdesambassadesetdesgouvernements.FALorganisergulirementdesconfrences-dbats,descolloques,desrencontresavecdesmilitantslatino-amricains,desexpositionsthmatiques,desprojectionsdefilms.Essencemmedelacrationdenotreorganisation,untravailenrseaupermanentestincontournablepoursefaireentendresurlascnepolitiqueinternationale.

    FALestmembreduCNAJEP(ComitpourlesrelationsNationalesetinternationalesdesAssociationsde Jeunesse et dEducation Populaire), du CRID (Centre de Recherche et dInformations pour leDveloppement),duCAL(CollectifpourlAmriquelatineetlaCarabe),delACME(AssociationpourleContratMondialdelEau),duCollectifHatideFrance,duCollectifGuatemala,entreautres.

    Pour tre membre de FAL, il suffit de vouloir connatre, faire connatre et soutenir les peuples dAmrique latine et de la Carabe !!!

    ASSOCIATION FRANCE AMERIQUE LATINE

    France Amrique Latine : 37, Boulevard Saint Jacques 75014 ParisTl : (33) 1 45 88 22 74 Fax : (33)1 45 65 20 87

    www.franceameriquelatine.org

    2 heures de discussion en espagnol Tous les jeudis et mardis 18h30-20h30 France Amrique Latine, Paris

    Prendre de laisance loral, perfectionner son apprentissage de la langue espagnole : France Amrique Latine propose toutes les semaines deux heures de

    discussions en groupe animes par un professeur hispanophone.

    PERFECTION

    NER SON ES

    PAGNOL

    Amiti-Dcouverte-Solidarit avec les peuples dAmrique latine

    et de la Carabe

    Directeur de Publication : Fabien Cohen

    Rdactrices en chef :Renata Molina et Sarah Pick

    Comit de rdaction : Anna Bednik, Nadyne Bensadoun, Colette Casado, Fabien Cohen, Danile Coll-Figueras, Coralie Crivill, Coralie Delaune, Michel Donabin, Cathy Ferr, Michel Forgeon, Franck Gaudichaud, Catherine G-gout, Patrice Issartelle, Aurlie Philippe, Renata Molina, Braulio Moro, Sarah Pick.

    FAL Mag est une revue publie par l'association France Amrique Latine

    Impression :LVRI, 44 rue du Marchal de Lattre de Tassigny,91100 Corbeil-Essonnes

    Diffusion : Dpart Presse, Tl. : (33) 1 43 03 17 17, [email protected]

    Couverture : Activit du FAME (Marseille)Photo : Renata Molina.

    Maquette : Renata Molina

    Cration de la maquette : Coralie Crivill

    Ont particip ce numro : Nivando Bezerra, Thomas Birault, Patricio Bustamante, Pedro Da Nobrega, Cora de Villeneuve, Jrmy Dotti, Ecosistemas, Rocio Gajardo, Gustavo Gomez, Carlos Gonzalez, Graciela Gonzalez de Enciso, Julie Meignen, Luciana Moraes, Iuri Paulino, Lino Pizzolon, Natacha Ramis, Luca Villaruel.

    ISSN : 1957-6668 CPPAP : 0111 G 87915

  • EDITORIALEDITORIAL

    FAL AU COEUR DES SOLIDARITES

    Lan dernier, alors que FAL traversait une priode financire parmi les plus difficiles depuis sa cration en 1970, consquence de la suppression de toutes nos subventions nationales par le gouvernement, nous nous tions engags faire nanmoins entendre la voix des peuples latino-amricains au Fo-rum mondial alternatif de lEau (FAME) Marseille, en rsonance avec nos propres luttes en Europe et en France.En deux jours, le FAME a tenu ses promesses, celui du combat pour leau, droit humain, bien commun et universel et enjeu considrable pour lavenir de lhumanit, et nous lui consacrons ce dossier de FALMag.France Amrique Latine a tenu les siennes, en permettant la dlgation latino-amricaine de se faire entendre, celle-ci ayant t la dlgation la plus nombreuse aprs celle de notre pays. Une pr-sence importante qui tient la diversit, lanciennet, loriginalit comme au succs de leurs combats. Leur dnonciation rejoint celle des peuples de tous les continents contre la marchandisation de leau, sa privatisation aux consquences dsastreuses pour les peuples avec la disparition progressive des terres et des paysans, la dportation de populations et leur entassement dans les villes, sans compter les problmes de sant et dalimentation qui en dcoulent, ainsi que la criminalisation et la perscu-tion des protestataires et mouvements de rsistance.Avec la thmatique Eau et extractivisme , nous avons rejoint le combat en France sur lextraction du gaz de schiste, mme si la duret des luttes ici natteint pas celle en Amrique latine, comme en t-moigne la mort de notre camarade mexicain, Bernardo Vasquez Sanchez, opposant au projet minier de lentreprise canadienne Foruna Silver Mines dans lEtat de Oaxaca, venant sajouter lintermina-ble liste de morts dans ces conflits.Continuer dnoncer ici et l-bas, mettre en vidence les logiques qui guident les multinationales, notamment europennes, dans les traits de libre commerce ngocis par les Etats avec la complicit du FMI et de la Banque mondiale, mettre en valeur les avances dmocratiques en Amrique latine, les combats mens comme ceux des tudiants et lycens au Chili ou pour la paix en Colombie, sont autant de propositions que lon retrouvera tout au long de lanne, comme en a dcid notre Assemble gnrale de Grenoble.

    Pour ce faire, nous serons attentifs ce qui se dira Rio +20, nous serons prsents au Forum pan-ama-zonien doctobre 2012 et prparons activement le Sommet des Peuples de janvier 2013 Santiago, avec le rseau bi-continental Europe/ALC, Enlazando Alternativas (Tissons des alternatives).

    FAL active aussi son rseau damitis, en lien avec les comits dentreprise, les organisations syndica-les en France et en ALC, notamment avec son groupe de travail sur les Multinationales, la Banque, et les consquences de leurs politiques.Cela pourra prendre des formes multiples, tels que dbats ou colloques, projections de films, forma-tions, expositions, voyages et dcouvertes, etc., et bien entendu la diffusion de notre magazine FAL Mag, aujourdhui tir prs de 700 exemplaires.

    Une activit qui se dploie au travers de nos comits locaux implants dans toute la France, et dont le nombre augmente chaque anne. Ce sont des lieux riches de rencontres et dinitiatives dans tous ces domaines de la solidarit, la dcouverte et lamiti avec lAmrique Latine et la Carabe.

    Fabien CohenSecrtaire gnral de FAL

  • SOMMAIRE

    ACTUALITES

    Cration de la CELAC : un moment historique pour lAmrique latine p. 5Lquipe argentine de sciences mdico-lgales p. 7

    EN IMAGES

    Guatemala : Au pays des Mayas .

    FORUM ALTERNATIF DE LEAU 2012

    P. 24

    P. 10DOSSIER

    Les paroles de leau p. 11 Eau et Extractivisme au FAME 2012 :du Nord au Sud, un systme, des luttes p. 13Le FAME, un lien entre ici et l-bas p. 15La bataille de leau des comuneros de Caimanes au Chili p. 16La disparition des glaciers dArgentine p. 17Un rseau national daction, au plus prs des luttes p. 19Pour des outils juridiques de rsistance p. 20La marche pour lEau, la Vie et la Dignit des Peuples en Equateur p. 22

    VIE ASSOCIATIVE

    La Patagonie sans barrages, lindignation du Chili p. 27

    ANALYSE

    Service volontaire europen au Brsil p. 30

    P

    atric

    e Is

    sart

    elle

    R

    enat

    a M

    olin

    a

  • ACTUALITES

    5

    UN MOMENT hISTORIQUE POURLAMRIQUE LATINE

    La cration de la Communaut des tats Latino-Amricains et Caribens, la CELAC, regroupant 33 pays, lors du sommet qui sest tenu les 2 et 3 dcembre dernier Caracas reprsente une date histo-rique plus dun titre.

    Dabord sur le plan historique puisquelle constitue en quelque sorte laboutissement dune longue recherche dbute en 1826 par le Congrs de Panama o nombre de pays dAmrique Centrale et du Sud ayant rcem-ment conquis leur indpendance se retrou-vent et signent le Trait de lUnion, de la Ligue et de la Confdration Perptuelle qui prvoyait notamment la cration dune confdration de pays, runissant une ligue de rpubliques, dote dune Assemble Parlementaire Supra-nationale, dun pacte commun de dfense et daccords dintgration commerciale gale-ment.

    Ce Congrs avait aussi permis de dvoiler la ralit imprialiste que recouvrait le discours ambigu de ce qui deviendra plus tard la doc-trine Monroe, o malgr les grands principes noncs sur le refus de toute intervention europenne contre les nouvelles nations am-ricaines, les Etats-Unis opposrent une fin de non-recevoir aux demandes dalliance et de coopration exprimes par Simon Bolivar. Au dbut du XX sicle, le corollaire Roosevelt achvera de confirmer que les Etats-Unis en-tendaient par ce biais signifier aux anciennes puissances coloniales quils considraient d-sormais le continent latino-amricain comme leur chasse garde, comme le montrera la crise de Panama en 1903.

    Il importe de prciser que la voie choisie tait celle dune confdration dtats souverains qui prserverait la souverainet de chaque tat membre loppos de celle dune Fdration.

    Ces origines historiques ont dailleurs fait dire au grand penseur brsilien Darcy Ribeiro que lAmrique Latine, dans le processus de struc-turation de son identit, sappuyait sur une caractristique et un antagonisme communs. La caractristique commune tant, pour les pays dAmrique Latine et de la Carabe, la ma-

    trice ibrique, fruit de lexpansion coloniale du Portugal et de lEspagne, qui les amenait se reconnatre comme pays et peuples frres, fils dun processus commun dmancipation. Lan-tagonisme commun est celui qui, ds sa gen-se, va confronter cette communaut aux vises hgmoniques de limprialisme tats-unien. Voil les deux raisons qui expliquent, selon lui, la nature immanente de la lutte anti-impria-liste dans lensemble latino-amricain.

    Tout cela pour rappeler que cette volont de rapprochement affranchie de la tutelle des Etats-Unis, qui ne font pas partie de ce nouvel ensemble qui va du Mexique la pointe sud du continent, a des racines historiques anciennes et aussi un contenu politique diffrent dautres phnomnes de ce type.

    Ensuite parce quelle illustre aussi dune certai-ne faon, laboutissement des nombreux pro-cessus dintgration rgionale qui ont merg en Amrique latine. La proposition de cration de cette Communaut dtats Latino-Amri-cains et Caribens est ne lors des sommets tenus en dcembre 2008, Bahia au Brsil puis en fvrier 2010 Cancun au Mexique. Comme lavait lpoque rappel lactuel Ministre Br-silien de la Dfense, Celso Amorim, pour en souligner la dimension historique, pour la pre-mire fois lAmrique Latine et les Carabes se runissaient de leur propre initiative, sans la prsence ni des Etats-Unis, ni du Canada ou de quelque pays europen, marquant de la sorte une rupture avec la politique de pan-amrica-nisme jusque-l dveloppe sous lgide des Etats-Unis.Dans ce long cheminement, il convient de distinguer les expriences qui ont t dictes par la volont hgmonique de limprialisme tats-unien de celles qui participaient dune volont dindpendance affranchie de cette encombrante tutelle. Toutes les premires tentatives relvent de la premire dmarche.

    Cration de la CELAC

  • 6Notamment la premire Confrence Pan-Amricaine de 1890, puis, aprs la fin du deuxime conflit mondial, la signature en 1947 du Trait Interamricain dAssistance

    Rciproque (TIAR), dj fond sur la doctrine de dfense hmisphrique et sinscrivant dans un contexte de guerre froide. LOrganisation des tats Amricains (OEA) est cre en 1948. Par la suite dans les annes 1960 viendront lAl-liance pour le Progrs et lUSAID, pour contrer la contamination communiste, surtout de-puis la Rvolution cubaine. Suivront lAsso-ciation Latino-Amricaine de Libre change (ALALC), puis de la Banque Interamricaine de Dveloppement (BID).

    Durant cette priode, des initiatives dintgra-tion de sous-rgions verront le jour : le Pacte Andin et la Communaut Andine des Nations (CAN), le March Commun Centre-Amricain (MCCA) et le Systme dIntgration Centre-Amricain (SICA), lactuelle Communaut des Carabes (CARICOM), ainsi que le March Com-mun du Sud (MERCOSUR), tous conditionns par la prservation des intrts imprialistes des Etats-Unis, sous couvert de pan-amrica-nisme.

    LALALC se transformera en 1980 pour devenir lAssociation Latino-Amricaine dIntgration, lALADI, mais cela nempchera pas la rduc-tion continue des changes entre les pays dAmrique latine, laugmentation des impor-tations de produits finis et lexportation mas-sive de matires premires ainsi que lexplo-sion de la dette externe. La fin des dictatures militaires en Argentine et au Brsil amnera une timide revitalisation du MERCOSUR la fin des annes 80, avec galement la signature du Trait dAsuncin en 1991 associant le Pa-raguay et lUruguay. Mais les gouvernements no-libraux soumis aux intrts tats-uniens de Collor de Mello au Brsil et de Menem en Argentine, associs dautres, vont en faire un instrument de drgulation accrue des chan-ges, de privatisations en masse et douverture des marchs soumettant les conomies locales aux intrts stratgiques des Etats-Unis.

    En 1994 George Bush pre lance lIniciativa para las Amricas, proposition de mise en place dune zone de libre change couvrant tout le continent, qui sera plus tard baptise ALCA, en anglais : FTAA. Lex-Secrtaire dtat des Etats-Unis lpoque, Colin Powell, avait,

    dans un aveu cru, dvoil lobjectif de ce trait: Notre objectif avec lALCA est de garantir nos entreprises le contrle dun territoire qui va de lArctique lAntarctique et le libre accs, sans la moindre barrire ou difficult, pour tous nos pro-duits, services, technologies et capital dans tout lhmisphre. Voil qui tait on ne peut plus clair.

    Cest la victoire de gouvernements progressis-tes en Amrique latine, dmarre en 1998 au Venezuela avec Hugo Chvez, qui mettra en chec cette stratgie imprialiste. Il est souli-gner que la bataille contre lALCA aura t struc-turante dans les nombreuses luttes qui se sont dveloppes en Amrique latine et ont permis de dboucher sur cette srie de victoires pour la gauche. Elle aura permis galement laccl-ration dun processus dintgration base sur une autre logique dchanges et de dveloppe-ment, plus solidaire et moins ingalitaire, avec notamment la cration en 2005 de lALBA - TCP (Alianza Bolivariana para los Pueblos de Nuestra Amrica - Tratado de Comercio de los Pueblos en espagnol) associant Cuba, le Venezuela, la Bo-livie, le Nicaragua, la Dominique, Saint-Vincent et les Grenadines et lquateur. En 2008, natra lUNASUL ou UNASUR en 2008 qui comprend lArgentine, la Bolivie, le Brsil, la Colombie, le Chili, lquateur, le Guyana, le Paraguay, le P-rou, le Surinam, lUruguay et le Venezuela. La composition de ces diffrents ensembles mon-tre bien quau del des contradictions et diver-gences entre les pays qui les composent, une convergence accrue sest fortifie et a permis daboutir aujourdhui au vieux rve bolivarien dune communaut latino-amricaine unie sur des bases solidaires.

    Ce sont aussi les succs conomiques et so-ciaux obtenus dans ce cadre par les diffrents gouvernements progressistes qui ont permis de modifier le rapport de forces sur le conti-nent et dapprofondir ces partenariats.

    Dans son dernier rapport, la CEPALC ou Com-mission conomique pour lAmrique latine et la Carabe de lONU, signalait que le Brsil, lAr-gentine, la Bolivie et le Venezuela taient les pays qui avaient le plus avanc dans la rduc-tion de la pauvret en Amrique latine et que leurs indices de pauvret en Amrique latine taient les plus bas depuis vingt ans. Dans le cadre de lUNASUR, le Conseil Sud-Amricain de lconomie et des Finances a dcid dacc-lrer la mise en place de la Banque du Sud, la cration dun fonds de rserve propre, le rem-

  • 7ACTUALITES

    placement du dollar par des monnaies locales dans les transactions conomiques rgionales et la recherche dune meilleure coordination des diffrentes politiques conomiques.

    Sil est clair que la cration de la CELAC ne viendra pas - par elle seule - bout de toutes les contradictions existantes dans cet ensem-ble, elle constitue nanmoins un vnement dune porte historique pour tous les peuples concerns et un outil essentiel pour dmon-trer que dautres logiques de coopration et de dveloppement sont possibles. Cette cra-tion soppose limprialisme et ses bras arms que sont le FMI et la Banque Mondiale qui imposent des privatisations et des coupes dans les budgets sociaux. Les chiffres concer-nant lvolution de la pauvret en Amrique latine et la rduction des ingalits ainsi que les taux de croissance montrent bien que la justice sociale nest pas antinomique de leffi-

    Pedro DA NOBREGAMilitant associatif

    cacit conomique, mais quelle en est mme une des conditions.

    Les peuples des pays de lUnion Europenne soumis, sous prtexte de crise, aux mmes potions amres qui ont conduit un dsas-tre social et conomique en Amrique latine pourraient en tirer quelques enseignements pour sopposer aux politiques destructrices quincarnent aujourdhui la BCE et le FMI avec laval des gouvernements en place. Seule une rupture claire avec ces recettes mortifres peut ouvrir une perspective davenir et redonner du champ lespoir.

    LQUIPE ARGENTINE DESCIENCES MDICO-LGALES (EAAF)

    Quont en commun des pays tels que le Rwanda, le Kosovo, le Cambodge et lArgentine ?Ils ont tous connu des rgimes dictatoriaux et des guerres civiles durant les dernires dcennies. Ces priodes sombres de leur Histoire se sont caractrises par des violations massives des droits de lHomme et la disparition de milliers de personnes.Dans ces pays si diffrents, des milliers de familles ont perdu un ou plusieurs des leurs. Au Rwanda comme au Cambodge, ou encore au Guatemala, au Chili, Chypre ou au Sierra Lone, les membres de lEquipe Argentine dAnthropologie mdico-lgale (Equipo Argentino de Antropologia Forense -EAAF- en espagnol) ont contribu faire la lumire sur le destin des disparus et ainsi permettre la Justice de faire son travail.

    En dcembre dernier, deux expertes de lEqui-pe Argentine dAnthropologie mdico-lgale taient en France. Elles ont prsent leur travail et celui de leurs collgues lors dun colloque au Snat sur les Franais disparus lors de la dicta-ture argentine. En effet, les quipes de la EAAF* ont pu identifier les restes de la religieuse Lo-nie Duquet apportant ainsi des preuves irrfuta-bles lors du procs argentin de la ESMA (Escuela de Mecnica de la Armada) qui sest tenu en fin danne et a condamn de nombreux respon-sables de la dictature de lourdes peines.

    Relevs dempreintes digitales faitspar la Police fdrale

    * http://eaaf.typepad.com/eaaf__fr/

  • ACTUALITES

    8

    breux lments de preuve. Les restes retrouvs ne sont pas classs correctement compliquant donc leur identification et la reconstitution des circonstances de leur mort.Novatrice pour lpoque, lEAAF va donc appli-quer la rigueur des sciences mdico-lgales la recherche en matire de droits de lHomme. Il sagit dexhumer les restes des disparus, de les identifier, de dterminer les causes de leur mort et dapporter par la suite des preuves utiles lors des poursuites judiciaires.Ainsi, lanthropologie mdico-lgale, science peine existante devient une spcialit part entire et connat un dveloppement impor-tant notamment avec lapparition de nouvelles technologies, la gntique par exemple.

    * http://www.pagina12.com.ar/diario/elpais/1-37316-2004-06-27.html Aqui todavia estan conscientes de la tragedia

    LEAAF est aujourdhui reconnue mondialement et ses mthodes scientifiques de travail inspi-rent beaucoup dautres chercheurs. Elle a une trajectoire et un rle sur lequel il est intressant de se pencher.

    Cration de lEAAF

    En 1984, la dmocratie est peine revenue en Argentine et la socit, blesse par une dicta-ture militaire, est occupe panser ses plaies. Face lampleur des violations des droits de lHomme, la CONADEP (Commission Nationale sur la Disparition de Personnes) et lassociation des Abuelas de la Plaza de Mayo ont fait appel des scientifiques nord amricains pour les aider enquter sur les disparitions forces qui ont eu lieu principalement de 1976 1983.Le Docteur Clyde Snow, lun des rares an-thropologues mdico-lgal de lpoque, va effectuer, leur demande une pre-mire mission en Argentine. Constatant que les moyens humains et scientifiques existants au niveau local ne suffisent pas traiter la complexit du problme li ltat de conservation des restes, il contri-bue la cration et la mise en place de lEAAF.

    Il runit donc une quipe de jeunes pro-fessionnels de la mdecine, de lortho-dontie, de lanthropologie et de larcho-logie qui va se spcialiser dans la recher-che et la documentation des violations des droits de lHomme qui ont eu lieu en Argentine dans un premier temps puis dans le monde entier. Et, comme le Dr Snow la dclar lui mme dans un entretien au journal Pgina 12 : lide dappliquer la science dans le domaine des droits de lHomme est ne ici en Argentine et sest rpandue dans le monde entier (...) les argentins ont t des pionniers *.

    Rigueur scientifique et indpendance

    LEquipe met au point, pour la premire fois au monde, des techniques et une mthodologie spcifique pour pouvoir identifier les restes de personnes retrouvs dans des fosses commu-nes ou dans des tombes marques NN.En effet, trs vite, les membres de lEAAF se ren-dent compte que les premires exhumations ont t ralises sans aucune rigueur scientifi-que. Les mthodes employes, telles que lusa-ge du bulldozer, ont fait disparatre de nom-

    Autre particularit de lEAAF, son statut. En 1984, les experts en mdecine mdico-lgale de toute lAmrique latine appartenaient aux corps judi-ciaires ou policiers, soit des institutions qui par leurs liens avec les rgimes dictatoriaux taient svrement critiques.

    LEquipe Argentine dAnthropologie mdico-l-gale est, elle, une association but non lucratif, qui nest lie aucun corps tatique.Ses ressources proviennent de donations dins-titutions des droits de lHomme du monde en-tier, dorganisations internationales ou de gou-vernements.

    Sa lgitimit auprs des familles des victimes est totale et son indpendance garantie.

    Lquipe de lEAAF au travail

  • Le travail de lEAAF

    Le travail de lEquipe Argentine dAnthropologie mdico-lgale fait appel de nombreux domai-nes de la recherche et de la science (biologie, balistique, gntique, archologie...).Il commence par des recherches prliminaires visant retrouver tout document oral ou crit, toute indication, obtenue par exemple par des entretiens avec les familles des disparus ou des tmoins pouvant reconstituer le contexte dans lequel la personne a disparu. Cette tape est complte par une phase de recherche plus ap-profondie sur les sources crites en particulier : examen des registres des cimetires, dtat-civil, darticles de journaux, des plaintes et des dos-siers judiciaires, etc.Ces travaux doivent permettre de cerner le lieu o les disparus ont t inhums.Une fois ce dernier localis, le travail darcho-logue commence. Les membres de lEAAF utili-sent alors toutes les techniques de larchologie et uvrent avec la plus grande minutie pour pouvoir runir un maximum dlments.La dernire tape a lieu au laboratoire o lEAAF recoupe les rsultats des recherches documen-taires et archologiques afin de dterminer lidentit et les causes de la mort du disparu.

    Une expertise reconnue mondialement

    Il arrive que le travail de lEAAF ait des rpercus-sions mdiatiques importantes. Ainsi en 1995, en Bolivie, elle a apport son expertise pour identifier les restes du Che Guevara. En 2011, certains membres de lEAAF ont particip lex-humation de lancien Prsident chilien Salvador Allende, destine infirmer ou confirmer la thse du suicide de ce dernier.

    En Argentine, dautres cas ont aussi attir latten-tion des mdias et du grand public ; comme lors de lexhumation du fils du pote Juan Gelman, de la rcupration de Manuel Gonalves, frre biologique du bassiste du groupe de musique Los Pericos ou de la religieuse franaise Lonie Duquet.

    Si les identifications de certaines personnes sont des vnements qui mettent en lumire le travail de lEAAF, la reconnaissance dsormais mondiale de lexpertise dont jouit lEquipe Ar-gentine dAnthropologie mdico-lgale passe par le travail quotidien de toute lquipe.La visibilit internationale croissante de cette dernire repose sur les missions dassistance,

    de formation et de dissmination quelle en-treprend sur tous les continents depuis plus de vingt ans.

    Les 55 experts de lEAAF se dplacent dans le monde entier la demande dassociations de droits de lHomme, de Commissions pour la vrit et de tribunaux nationaux ou internatio-naux comme ceux que lONU a cr en ex-You-goslavie et au Rwanda.

    Dans plus de 30 pays, ils ont collabor avec les recherches dquipes locales, form des experts leurs mthodes et lusage des dernires technologies pour enquter sur les violations des droits de lHomme, discut et prsent leurs avances scientifiques et judiciaires.

    Au Chili, au Prou et au Guatemala, lEAAF a form des quipes permanentes danthropolo-gues qui enqutent indpendamment sur les crimes commis dans leurs pays. Les experts ont aussi une intense activit acadmique dans les universits du monde entier, organisant ateliers et confrences afin de former et sensibiliser les professionnels au rle de lanthropologie mdico-lgale dans les situations de violations de droits de lHomme.

    En Argentine, plus de 85 disparus ont t iden-tifis, cest le fruit de longues annes de lent et minutieux travail. Ces identifications permettent des avances judiciaires, les procs ont lieu, les coupables sont condamns. La vrit se dvoile, la mmoire se reconstruit.Ainsi, petit petit, les familles des disparus au Rwanda, au Kosovo, au Cambodge retrouvent les leurs qui cessent dtre anonymes et dispa-rus ; elles peuvent alors faire leur deuil. Leurs pays peuvent ds lors regarder en face leur Histoire rcente, faire un travail de mmoire tout en garantissant que la justice et la vrit finissent par apparatre au grand jour.

    Julie MEIGNENJuriste

    9

  • 10

    DO

    SS

    IER

    Forum Alternatif Mondial de lEau 2012leau source de vie, pas de profit !

    DO

    SS

    IER

    Dossier coordonn par Anna Bednik, Renata Molina (Membres du Comit directeur de FAL) et de Nadyne Bensadoun (FAL Marseille).

    France Amrique Latine sest fortement implique dans lorganisation du FAME, un vnement international indit, qui sest tenu Marseille et dans sa rgion entre le 9 et le 17 mars. Le FAME a t un contrepoids citoyen au forum officiel (FMA), organis en mme temps par le Conseil Mondial de lEau.Face cette instance illgitime qui sert le systme conomique dominant, capitaliste et extractiviste, pres-crivant la privatisation et la marchandisation de leau partout dans le monde, les mouvements citoyens et populaires prsents au FAME ont affirm haut et fort que leau est un bien commun et non une marchandise, quelle est la condition de toute vie sur la plante et que le droit leau et lassainissement est un droit humain fondamental et inalinable.De nombreux participants latino-amricains ont fait le dplacement pour partager leurs expriences de lut-te et de construction dalternatives. Ils ont t particulirement prsents aux activits co-organises par FAL dans le cadre des axes thmatiques le droit leau et leau et lextractivisme .Dans ce dossier, nous avons souhait partager avec vous un certain nombre de leurs analyses et tmoigna-ges.

    Renata Molina

  • 11

    Forum Alternatif Mondial de lEau 2012leau source de vie, pas de profit !

    Les paroles de leau

    Il est impossible de rsumer toutes les activits articules autour de 11 axes thmatiques qui se sont droules durant les 4 jours du FAME. Mais le thme fondamental, qui continue tre prioritaire mme si le droit leau a t reconnu comme droit de lhomme, cest la marchandisa-tion de leau. De nombreuses voix qui slvent partout dans le monde montrent le ct le plus cruel et inhumain de ce vol globalis que lon d-guise de proccupations pour le futur de lhuma-nit alors quil gnre dnormes profits pour les multinationales : de lappropriation des sources deau pour la vendre embouteille ou sous forme de rseaux deau, de la privatisation des services deau potable et dassainissement, transforms en objets de profit. Ceux qui mnent cette offensive nous volent jusqu nos propres mots, poussent labandon progressif des terres, la disparition des paysans, anne aprs anne, font sentasser des personnes dans des bidonvilles, criminalisent la protestation et perscutent ceux qui soppo-sent eux.

    Elargir les horizons

    En plus de ce thme principal, dautres sujets se sont imposs dans les dbats avec une acuit nouvelle, comme leau et lagriculture ou leau et lextractivisme , ce dernier ayant fait converger de nombreux mouvements du Sud et en particulier de lAmrique latine. Dune certaine faon, toutes les rsistances lextractivisme ont t prsentes, du nord au sud de notre rgion, et chaque goutte de sang de nos compagnons a rsonn dans nos mmoires aprs la nouvelle de lassassinat du mexicain Bernardo Vsquez Sn-chez (opposant au projet minier de lentreprise canadienne Fortuna Silver Mines dans lEtat de Oaxaca, abattu pendant la tenue du FAME), obli-geant, face la cruaut de nos ralits, largir lhorizon du regard sur leau.

    Il est clair que le droit humain leau ne peut se rduire une approche urbaine de 50 litres par jour et par personne, lapplication de ce droit doit aller beaucoup plus loin. Il est ncessaire de pro-tger les sources-mres, les glaciers, les forts, les bassins hydrographiques et les cosystmes, leau destine lirrigation, etc. Tous ces sujets sentre-

    croisent : comment peut-on obtenir des aliments sains avec de leau contamine par le ptrole, les mines, les industries ?

    Lducation leau

    Le sujet des pollutions a ainsi t trait tout autant dans les prsentations et ateliers (sur la protec-tion des bassins, la participation du voisinage des rseaux de surveillance de la qualit deau, etc.), qu travers des solutions mises en pratique, comme des toilettes sches construites pour loc-casion, qui permettaient aux participants dco-nomiser leau et dviter de la polluer : lducation lenvironnement en acte !

    Un dfi citoyen

    Un des plus grands dfi qui se pose devant nous cest la participation des citoyens dans les prises de dcisions dont les consquences les affectent. Il est ncessaire de crer des espaces dinforma-tion et de dbat autour des thmes lis leau dans chaque rgion, dans chaque localit, de percevoir avec anticipation les forces qui agissent au niveau global, danalyser comment elles ap-paraissent au niveau local, comment ils dirigent lopinion publique travers les mdias, en grande majorit contrle par les pouvoirs conomiques et servant leurs intrts. Pour ce faire, nous de-vons redoubler nos efforts aux niveaux local et rgional.

    Les choses sont en train de changer

    Le Forum Mondial Alternatif de lEau (FAME) a eu lieu Marseille o la bataille pour le retour la gestion publique de leau est en cours, car au mme moment sy tenait le Forum Mondial de lEau (FMA) organis par le Conseil Mondial de lEau. Le FMA est un forum des banquiers, de la Banque Mondiale, de la BID (Banque interam-ricaine de dveloppement) et de tous les orga-nismes de crdit international qui encouragent les traits de libre commerce, outils par lesquels les multinationales modifient les lgislations des pays du monde entier, privatisent leau et font de la vie un ngoce. Mais les choses changent. Le Conseil Mondial de lEau est en train de se dis-

    Le Forum Alternatif Mondial de lEau (FAME) a vu lexpression dun nombre impression-nant dinitiatives, dexpriences et de luttes pour la dfense de leau, existantes toutes les chelles et permettant de prendre la mesure de lampleur du problme quaffronte lhumanit.

    DO

    SS

    IER

  • 12

    DO

    SS

    IER

    crditer auprs de nombreux gouvernements partout dans le monde, au moment mme o de-vient de plus en plus vidente la ncessit dune autorit mondiale de leau qui reprsenterait rel-lement les peuples, tout comme devient vidente lurgence danticiper et dviter les guerres pour leau et de faire de la sorte que les biens de la terre soient partags par tous.

    Des succs

    Ainsi, le forum a galement permis aux partici-pants de connatre les diverses formes dorgani-sation et les stratgies de rsistance la priva-tisation de leau dveloppes dans diffrentes rgions du monde. Et aussi certaines victoires. Paris clbrait le retour la gestion municipale de la distribution de leau. Quant aux Italiens, ils ftaient leur grande victoire au referendum pour le non la privatisation de leau et des services dassainissement. Loin dtre un cadeau tomb du ciel , ce succs est le rsultat de 10 ans de tra-vail acharn, et il faut continuer lutter pour faire respecter ce plbiscite dans les faits.

    Gardons les yeux ouverts

    Le FAME a t aussi marqu par la joie, les chan-ges, la musique et mme le dsordre indispensa-ble la vie, sans oublier lentrain et la force des nombreux travaux raliss. Environ 5000 citoyens de 90 nations de plusieurs continents ont chan-g leurs expriences de lutte en participant plus de 50 ateliers et assembles plnires. Linitiative sest termine par une manifestation combattive et multicolore lanant un dfi lautre Forum, celui des prtendus matres du monde, avec un slogan clair comme de leau de roche :

    Leau source de vie, pas de profit !

    Loin de stre achev, ce forum est un grand tra-vail qui ne fait que commencer ou recommencer avec des perspectives nouvelles et plus amples. Nous savons que nous ne sommes pas seuls, nous nous sommes connus et reconnus, nous sommes passs dun rseau virtuel un rseau en chair et en os, et maintenant nous savons quil continuera vivre, en incluant tous ceux qui nous ont prc-ds, tombs en chemin et ceux venir.

    Nous savons aussi que face lvidence de lim-possibilit de maintenir les niveaux actuels de consommation et de poursuivre lexploitation et la destruction des biens communs par laquelle une minorit condamne le reste de lhumanit,

    nous devons avancer vers un monde plus austre en termes matriels, mais aussi plus sain et heu-reux, plus solidaire, le monde du buen vivir, celui des savoirs ancestraux de Abya Yala et dautres traditions millnaires, repenses aujourdhui par beaucoup de jeunes non pas comme une puni-tion, mais comme lespoir dun monde diffrent.

    Lino PIZZOLONObservatoire de lEau, Universit Nationale de Patagonie

    San Juan Bosco Asamblea de Vecinos Autoconvocados por el No a la Mina

    * Ses conclusions sont rendues publiques sur le site : http://www.amiando.com

    Lino Pizzolonau FAME

    Ren

    ata

    Mol

    ina

    Le FAME 2012 Marseille, ctait :

    - Ateliers, tables rondes, plnires et autres activits autogres du 14 au 17 mars au Dock des Suds.- Rencontre Eau, Plante et Peuples organise par la Fondation France Liberts du 9-10 mars.- Rencontres internationales Martigues et Auba-gne.- Plusieurs festivals de cinma Marseille et dans la rgion.

    Toutes les informations sur www.fame2012.org Dclaration finale des participants au FAME 2012 : www.fame2012.org/fr/2012/04/08/declaration-finale

    Les activits de laxe thmatique Eau et extractivisme ont t films intgralement,

    les vidos seront bientt disponibles.

  • DO

    SS

    IER

    13

    Eau et Extractivisme au FAME 2012 :du Nord au Sud, un systme, des luttes

    Nous qui appartenons aux diffrentes luttes contre lextractivisme [], originaires de nombreux pays du Sud et du Nord, nous nous reconnaissons com-me faisant tous partie du mme combat [], - ont dclar, aprs deux jours dateliers et dbats, les participants aux activits de laxe thmatique Eau et Extractivisme du FAME 2012.Argentins, Brsiliens, Chiliens, Colombiens, Equa-toriens, Guatmaltques, Mexicains, Pruviens, Pakistanais, Allemands, Bulgares, Etats-uniens, Irlandais, Polonais, Turcs, Franais,- ils ont t nombreux se rassembler autour de ce thme.

    Luttes contre lextractivisme ?

    Le FAME 2012, avec un axe thmatique ddi (6 ateliers et tables rondes) leur a fait la part belle, en assumant de dsigner lextractivisme comme tel, y compris ici en France, o cet emprunt au vo-cabulaire doutre-Atlantique faisait surtout rf-rence jusque-l des combats et dbats dailleurs. Dans les milieux universitaires et militants dAm-rique hispanophone, le terme extractivisme , amplement utilis, ne sarrte gnralement plus aux industries extractives au sens strict (mines et hydrocarbures). Il se rapporte, par extension et de faon beaucoup plus large, lacclration de toutes les activits dexploitation des res-sources naturelles chelle industrielle (com-prenant lagro-industrie et jusqu la conception dinfrastructures facilitant les activits dextrac-tion). Comme de nombreux mots en isme - qui voquent un courant de pense, un paradigme, voire une idologie -, lextractivisme se rfre aussi plusieurs niveaux de ralit qui font sys-tme. Il dsigne la place centrale de lextraction des ressources naturelles pour les conomies ex-portatrices de matires premires. Il signale aussi lune des conditions essentielles du maintien du systme conomique et social dominant, qui ne peut perdurer sans continuer accrotre lextrac-tion des ressources naturelles , lexploitation de la nature au meilleur prix. Entre 1900 et 2000, la population mondiale a t multiplie par 4. La consommation de matriaux et dnergie a t, quant elle, en moyenne multiplie par 10 : celle de la biomasse (organismes vivants) par 3,5, celle dnergie par 12, celle des mtaux par 19 et celle des matriaux de construction par 34. Lextrac-

    tivisme, cest aussi cela. Ces quelques chiffres le montrent trs bien : le mtabolisme qui engloutit toutes ces matires nest pas un processus na-turel , se limitant assurer la survie de lespce. Ce mtabolisme est gonfl par nos modes de vie, eux-mmes models par lidal de la socit de consommation et de lconomie de croissance, mais aussi par la poursuite de lobjectif du dve-loppement , cet horizon toujours atteindre pour de nombreux pays et personnes, toujours fuyant, mais tellement ncessaire maintenir pour que les rouages qui garantissent la prosprit des prospres ne cessent de tourner.

    Mines, puits de ptrole et de gaz, plantations ou levages industriels, barrages hydrolectriques gants,- tous les jours, de nouveaux territoires sont transforms en zones de sacrifice, en proie des bouleversements sociaux et transformations culturelles invitables, altrations souvent irr-versibles des cosystmes, pollutions aux effets dvastateurs pour la sant. De nombreux pays dAmrique latine et dautres rgions du Sud, dj condamns depuis lpoque des colo-nies fournir lconomie mondiale en matires premires et carburant, vivent depuis les deux dernires dcennies une vritable r-primarisa-tion de leurs conomies et une acclration sans prcdent de lextractivisme. Mais, mme si les contextes diffrent, aucun territoire nest dfiniti-vement pargn. La prdation ne sarrte pas aux frontires du monde dvelopper , elle avance aussi dans les pays dits occidentaux, o le renou-veau des projets dextraction des ressources na-turelles - dont la relance dexploitation des hy-drocarbures en Europe et en Amrique du Nord amne aussi son lot dimpacts et de menaces pour les cosystmes, les territoires et les popula-tions qui y vivent.

    Partout, au Sud, comme au Nord, clatent des conflits entre habitants des zones affectes ou menaces, entreprises et pouvoirs publics, sorga-nisent des rsistances, se structurent des mobili-sations et naissent des mouvements populaires. Leau vaut plus que lor , - proclament les graffi-tis sur les murs des villes et villages dArgentine, du Prou, de Colombie et dailleurs, Boire ou conduire, il faut choisir , - scandent les militants

    Lire la dclaration en sa totalit : www.fame2012.org/files/extractivisme-fr-es-en.pdf Le sens donn au terme extractivisme en Amrique hispanophone et ailleurs dans le monde diffre de son usage au Brsil, o il dsigne plus spcifiquement les activits de prlvement et de commercialisation des produits de la fort non-cultivs (gommes, fibres, fruits, bois, etc.). Krausmann et al (2009) Growth in global material use, GDP and population during the 20th Century. Ecological Economics. N 68: 2696 - 2705 A ce sujet, voir le dossier Oser affronter lextractivisme , FAL Mag 104, consultable en ligne sur www.franceameriquelatine.org

  • DO

    SS

    IER

    anti-gaz de schiste franais. Leau, qui na pas de prix , est, presque toujours, au centre de ces combats. Frquemment, laccs leau, sa dispo-nibilit ou sa qualit se voient directement mena-cs. Chaque industrie a son livre noir . Les mines ciel ouvert polluent les cours deau et les aquif-res (produits toxiques et mtaux lourds provenant de drainages acides), dgradent les zones de re-charge hydrique, dtriorent les glaciers et le per-mafrost. Dans des rgions dj victimes de stress hydrique, des millions de litres deau sont utiliss quotidiennement pour les activits minires au dtriment des besoins des populations. Lextrac-tion dhydrocarbures de schiste requiert aussi dnormes quantits deau. Chaque opration de fracturation hydraulique consiste injecter dans le sous-sol entre 10 et 20 millions de litres deau, mlange du sable et des adjuvants chimiques, dont une partie seulement remonte la surface et dont le retraitement pose de srieuses ques-tions. Lexploitation ptrolire a un lourd passif de dramatiques pollutions de leau douce et de leau de mer, accidentelles (mares noires) ou systma-tiques (delta du Niger, Amazonie quatorienne ou pruvienne). Les grands barrages hydro-lectriques sont lorigine de la disparition des poissons de nombreux fleuves, ce qui quivaut la destruction des conomies locales bases sur la pche. La liste est longue.

    Pendant le FAME, les 6 ateliers et tables rondes Eau et Extractivisme - sur les hydrocarbures en gnral, sur les gaz et ptrole de schiste , sur lindustrie minire et sur les barrages hydrolec-triques - ont dtaill beaucoup de ces sacrifices imposs. Symbole ultime des destructions perp-tres par lextractivisme, en tous lieux, dans toutes ses formes : les images des sommets des Andes qui volent en clats, dynamits pour creuser une mine dor ciel ouvert, ont laiss les participants le souffle coup devant lampleur et lvidence de la violence, mais aussi lurgence et le devoir de rsister. Reprsentants de communauts pay-

    sannes et indignes, membres dassembles po-pulaires et de collectifs citoyens, universitaires et associations de diffrents pays du monde, - tous, nous avons t l pour tmoigner. Tmoigner, chacun depuis son espace, de ses luttes, ses vic-toires, ses douleurs et ses rves. Tmoigner, mais aussi partager, rflchir, construire. Ensemble. Croiser les contextes et les perspectives, en cher-chant, travers leau et limpratif de sa prser-vation, rapprocher les diffrents secteurs de lutte , dpasser les barrires qui en font des sujets techniques et spcialiss, en reconnaissant que nous combattons les diffrents visages dun mme monstre, en dcouvrant que comprendre les ralits de lautre est un voyage qui permet de mieux revenir chez soi.

    Aussi, nous avons commenc construire des ponts entre les mouvements du Sud et du Nord prsents au FAME, charpents par la connaissan-ce et la reconnaissance mutuelles, la comprhen-sion des contextes et proccupations de chacun. Nous avons fait un pas au-del de la solidarit sens unique, celle des militants du Nord envers les luttes du Sud, en esquissant la possibilit de liens directs entre rsistances de terrain dici et de l-bas, mouvements citoyens et populaires qui luttent contre les diffrentes manifestations du mme problme, en ouvrant un nouvel espace partag, de rflexion et de fraternit, encore em-bryonnaire, mais o la simple exposition des pro-blmes laisse dj place un dbut de construc-tion de pense collective.

    Pour que lchange de savoirs et dides trouve des applications concrtes, nous avons aussi commenc laborer une feuille de route com-mune. Parmi dautres points, elle met en avant limportance de ne pas dissocier nos luttes de la construction dalternatives, ou encore lengage-ment de travailler ensemble la cration dune Cour Pnale Internationale pour juger les dlits environnementaux. Beaucoup de travail en pers-pective, dans cette nouvelle alliance, ouverte, qui ne demande qu tre largie dautres !

    Anna BEDNIKCoordinatrice de laxe thmatique

    Eau et extractivisme au FAME 2012,membre de FAL, du collectif ALDEAH et du collectifIle-de-France Non aux gaz et ptrole de schiste .

    Compte-rendu complet et feuille de route :https://we.riseup.net/assets/90010/CR-conclusions-FAME-Eau-et-extractivisme-FR.pdf

    Rejoindre le groupe de travail :[email protected].

    R

    enat

    a M

    olin

    aAnna Bednik, droite, interviewe lors du FAME

  • 15

    DO

    SS

    IER

    Le FAME, un lien entre ici et l-bas

    Propos recueillis par Renata MolinaRdactrice en chef du FAL MAG

    Traduction : Nivando Bezerra

    R

    enat

    a M

    olin

    a

    Je mappelle Iuri Charles Paulino et jappartiens au Mouvement des Affects par les Barrages (MAB), une organisation brsilienne qui depuis 20 ans mobilise et organise les populations menaces par la construc-tion de grands barrages et les populations dj expul-ses.Le MAB est un mouvement appartenant la Via Cam-pesina, un rassemblement de mouvements paysans. Je vis actuellement dans la

    rgion amazonienne de ltat du Par, dans le sud-ouest du Par, l o lon construit la centrale hydro-lectrique de Belo Monte. Nous luttons contre la privatisation de leau, de lnergie et des ressources naturelles. Or, derrire les barrages, ce qui se cache cest justement la privatisation de leau, mais aussi celle des ressources comme les minerais, et les pr-judices immenses causs la population brsilien-ne. Pas seulement celle directement affecte par la construction des rservoirs (et linondation de leurs terres), mais toute la population. Pour donner une ide, le peuple brsilien paie un des tarifs dnergie les plus levs au monde ! Et on dit que lnergie hydro-lectrique nest pas chre ? Ce nest pas vrai ! Cest une nergie chre car les prjudices ne sont pas pris en compte.Le forum alternatif est un lieu darticulations. LEu-rope consomme une grande partie de lnergie pro-duite au Brsil et entretient par ce fait les ingalits. Nous payons le niveau de vie trs lev des pays d-velopps. Il ny a aucun problme ce que le Brsil envoie de lnergie pour lEurope. Mais le problme est que largent qui revient va aux grandes corpora-tions et renforce leur capital.

    FAL MAG : Cest la premire fois que vous parti-cipez au FAME ?

    Oui, cest la premire fois. Mais dautres membres ont t dautres forums. Nous trouvons que cest un espace important parce que nous le parta-geons avec des gens dautres continents. Un lieu pour organiser des stratgies, sachant que nous ne sommes pas seuls. Nous observons ici que la privatisation de leau touche tous les domaines :

    minerais, production dnergie lectrique, agri-culture. Et les ennemis sont les mmes, les corpo-rations sont les mmes. Alors le FAME est un es-pace trs positif. La lutte contre la privatisation de leau me semble avoir franchi une nouvelle tape. Et pour nous, au Brsil, dans le MAB, cette lutte est prioritaire au quotidien.

    FAL MAG : Vous tes content de cette participa-tion? Au niveau stratgique et au niveau per-sonnel ?

    Nous sommes trs contents. Nous avons parti-cip certains dbats et avons pu apporter notre exprience de la privatisation de leau en 5 points: les barrages ; la privatisation des fleuves pour la production dnergie ; la question de leau et de lassainissement ; la transposition, plus prcis-ment la situation du Nordeste du Brsil o a lieu la transposition deau dun bassin pour la produc-tion de fruits irrigus ; lextraction de minerais qui en plus dutiliser de grandes quantits deau contribue contaminer nos eaux souterraines, nos rserves deau en surface ; et enfin lagrobu-siness, surtout propos des agrocarburants. Le Brsil transforme sa campagne en terre de com-bustibles. La canne sucre est un parfait exemple qui touche directement la souverainet alimen-taire. Cest aussi un grand producteur de rations animales pour lEurope, le Japon et les Etats-Unis. Ces 5 points sont pour nous des axes prioritaires contre la privatisation de leau. Et ici, chacun peut discuter et exposer sa position. Les objectifs sont les mmes. Alors, pour moi, cet espace est riche, une opportunit dont jai bien profit.

    FAL MAG : Et quand vous retournerez au Brsil, que pensez-vous faire ?

    Nous allons continuer avec les activits en Euro-pe. Nous allons en Italie discuter avec le Forum Italien de lEau pour recueillir plus dexpriences et coordonner nos actions. Et au Brsil nous som-mes dj dans la lutte chaque jour. Nous allons continuer ce processus, nous allons organiser des sminaires et des dbats pour que ces connais-sances et liens se propagent, pour que ce mouve-ment devienne puissant.

    La lutte des Affects par les barrages ne concerne pas seulement les victimes directes et les Brsiliens, nous dit Iuri Paulino. LEurope, qui consomme une grande partie de lner-gie produite au Brsil, est aussi implique.

    Sur le MAB, lire aussi Lnergie pour quoi et pour qui? dans le dossier Oser affronter lextractivisme, FAL Mag 104 (printemps 2011), consultable en ligne sur www.franceameriquelatine.org

  • DO

    SS

    IER

    Je fais des recherches sur les questions darcho-logie et dnergie, et nous faisons une enqute sur une socit minire qui a construit une d-charge de rsidus toxiques prs de la source dun fleuve prs dun village. Non seulement cette d-charge empoisonnera leau, mais le danger vient du fait quelle est construite dans une zone trs sismique. Le Chili est le pays le plus sismique de la plante et le mur de cette dcharge de rsidus est un barrage fait en sable, 240 mtres de hau-teur.

    Par consquent, le mur peut tre bris par un mouvement sismique et les gens du village (200 personnes) disparatre en 5 minutes. Ensuite, si cette dcharge est compltement dtruite alors quelle est remplie, les rsidus atteindront le villa-ge de Caimanes o vivent 2 000 personnes, mais galement le village de Los Vilos de 4 000 person-nes. Il sagit donc dune bombe retardement.Ces dcharges sont conues pour rester l dix mille ans, ce qui fait dj beaucoup de temps ! Par consquent, elles doivent tre construites pour rsister - et jutilise le terme technique - un tremblement de terre maximum. Maintenant, quel est le tremblement de terre le plus puissant que lon connaisse dans lhistoire ? Cest 9,5 de-grs Richter Valdivia, dans le sud du Chili ! Or, ce barrage a t construit pour faire face un trem-blement de terre de 8,3 degrs. Dans le cas dun tremblement de terre plus fort - frquent dans la zone - le barrage ne rsistera pas.Par ailleurs, nous avons dcouvert, car les entre-prises cachent des informations, que les barrages sont construits sur les failles gologiques.Et dans la zone o se trouve ce barrage, il existe une faille gologique, celle de Challenger, or aucune tude na t faite ! Non seulement len-treprise cache linformation, mais elle considre que les tudes ne sont pas rentables. Elle recher-che uniquement la rentabilit.

    FAL MAG : Comment les habitants pensent-ils travailler le sujet, le rendre public ? Comment sorganisent-ils?

    Cela fait prs de 8 ans que le village sest organis et se bat. Il y a eu des grves de la faim, des occu-pations de routes. Les gens ont tent tout type de manifestations. Ils ont prsent le cas la Cour de justice et ont gagn tous les procs. Mais aprs le procs le plus important jamais gagn et qui interdisait len-treprise minire de poursuivre la construction, celle-ci a soudoy lavocat de la communaut. Aujourdhui la communaut a trouv de nou-veaux avocats qui la dfendent, mais lentreprise les a accuss dassociation illicite avec la commu-naut, afin de priver cette dernire de dfense lgale. Pour donner un exemple, les avocats qui appuient la communaut gratuitement sont 3, et les avocats de la lentreprise minire sont 110. Un dsquilibre flagrant de moyens, car lentreprise gagne quotidiennement 20 millions de dollars! Mme les tlphones des avocats ont t mis sous coute, tout comme le tlphone du diri-geant de la communaut.

    FAL MAG : Cest cette accusation qui permet linstallation des dispositifs de surveillance, de contrle?

    Exactement, et galement de maintenir lentre-prise minire en activit. La justice est dj en sa faveur.

    FAL MAG : Ici en France on connat surtout le cas de Pascua Lama.

    Dans le cas de Pascua Lama , cest une entre-prise trangre, dans le cas de Caimanes, lentre-prise est chilienne et japonaise. Les propritaires de cette mine, la famille Luksic, font partie dune des familles les plus puissantes du Chili. Ils ont des intrts dans les mines, lalimentation, lner-gie : ce sont les matres du Chili ! Par consquent, ils achtent galement la presse. Les chanes de tlvision, les journaux font des interviews des opposants, puis lditeur dit non, et rien nest pu-bli.

    La bataille de leau des comuneros de Caimanesau Chili

    16

    Les habitants de Caimanes, communaut situe lintrieur de la commune de Los Vilos (Nord du Chili) se battent depuis de nombreuses annes - contre lentreprise minire Los Pelambres , proprit dun des plus puissants groupes conomiques du Chili. Cette dernire a construit une dcharge-barrage de dchets miniers sur lunique source deau potable.A loccasion du FAME 2012, Patricio Bustamante, archologue, ainsi que de Jaime Jamett et Juan Villalobos, deux reprsentants de Caimanes, est venu tmoigner de leur lutte.

  • DO

    SS

    IER

    FAL MAG : Pourquoi avez-vous souhait partici-per de ce forum? Quels sont vos objectifs ?

    Tout dabord pour tmoigner. Ce qui arrive Caimanes au Chili, se passe aussi pour de nom-breuses autres communauts.Par exemple, dans la rgion de Caimanes, le projet de lentreprise va couvrir 10 000 kilomtres carrs, et dans cette zone, il y en a 10 autres. Cela signi-fie que dans 30 ans, toute la zone de la rgion de Choapa ne sera plus viable, car elle sera remplie de produits toxiques. Ce sont des territoires im-menses, par exemple la zone du barrage du Mauro (celui qui menace Caimanes) occupe lquivalent de la surface de Paris, et tout lespace dinterven-tion minire occupe une surface comme celle de lIle-de-France. Et pour une seule entreprise! En France, ce ne serait pas possible de le faire, alors pourquoi cela serait-il possible l-bas ? Parce que malgr le fait que lon dise que dans nos pays il y a une dmocratie, il ny en a pas ; on dit que la justice fonctionne, mais ce nest pas vrai. Si la d-mocratie tait relle, on tiendrait compte du droit la parole des populations et de leur avis!Cest sous la prsidence de Lagos que linstalla-tion de cette mine a t approuve. Quand il a quitt le pouvoir, il est devenu avec laide de la famille propritaire de la mine - charg daffaires des Nations unies pour les affaires climatiques.

    La disparition des glaciers en Argentine

    Donc, il y a une entente illicite entre les politiques et ceux de la mine. Alors, comment peut fonc-tionner une dmocratie si ceux qui ont le rle de la faire fonctionner sont associs ceux quils doi-vent contrler ? Il ny a donc pas de dmocratie, cest vident.

    Propos recueillis par Renata MOLINATraduction : Miguel Donabin

    CAIMANES - ChILE / LOS SIN AGUA(Les Damns de lEau)

    Cela se passe Caimanes au Chili, 200 km environ de San-tiago.Un documentaire de Jean ORTIZ et Dominique GAUTIER, qui dnonce les ravages dune multinationale voyoue.Elle confisque leau des communauts rurales de cette r-gion du Chili, et empoisonne les quelques filets restants. Elle a construit, sur les premiers contreforts ouest de la Cor-dillre des Andes, la plus grande poubelle chimique dAm-rique latine.Les comuneros rsistent... Grve de la faim lautomne dernier, dans le plus grand silence mdiatique...

    http://www.youtube.com/watch?v=PeTk0slmeNY

    La zone o les entreprises minires sont en train de sinstaller dans la Province de San Juan est trs sensible au niveau de lcosystme. Elle donne naissance deux fleuves de la rgion, le fleuve Jachal et le fleuve San Juan. Le climat est dser-tique et les seules sources deau de la province sont la neige et les glaciers de la Cordillre. Les entreprises sinstallent dans la zone disotherme 0 degrs (le point de conglation et de la com-paction de la neige), la zone de perglisol, de gla-ciers continus et discontinus, qui sont en train de disparatre cause de lactivit minire.

    Le principal intrant (facteur de production) de lindustrie minire, cest leau. Cette eau, ils la m-langent avec des tonnes de cyanure pour pou-

    voir sparer le minerai de la roche, et les rsidus restent en haute montagne, dans ce quils appel-lent des bassins de dcantation et des valles de lixiviation .

    Dans le cas de Veladero, les valles de lixiviation sont des montagnes de roche triture (en par-ticules de 5 millimtres), arrose de cyanure et dautres substances toxiques qui provoquent une raction chimique permettant dobtenir le mine-rai. Les dchets sont laisss dans des bassins de dcantation qui, selon les entreprises minires, sont impermabiliss grce une membrane, dont il est pourtant prouv quelle ne rsiste pas un poids suprieur une tonne. Tous les jours, ils manipulent prs de 7 millions de tonnes de ro-

    Carlos Gonzlez est membre de lAssociation cologiste INTI CHUTEH, qui se consacre la pr-servation de leau dans la province de San Juan (Argentine), zone aride dpendante des gla-

    ciers et du perglisol de la cordillre des Andes pour son approvisionnement en eau.

    17 Le perglisol (en anglais : permafrost) dsigne un sous-sol gel en permanence, au moins pendant deux ans.

  • Renata M

    olina

    Propos recueillis par Renata MOLINA

    18

    DO

    SS

    IER

    che. Chaque camion peut en transporter jusqu 400 tonnes !Toute leau de San Juan se gnre dans la cordillre. Les en-treprises intervien-nent justement dans la zone de naissance des fleuves parce quils ont besoin deau pour pouvoir oprer. Ils prennent une montagne, la transforment en poussire et y rajou-tent du cyanure.

    En dessous de la zone disotherme 0 degrs, nous pouvons encore imaginer une discussion sur lop-portunit de lindustrie minire, mais au-dessus, il ny a pas de discussion possible, tout doit rester intact, parce que sinon la province de San Juan naura plus deau et ce sont 800 000 personnes qui seront obliges de migrer. Comme je lavais dit, le systme hydrique de cette rgion est parti-culirement fragile.

    Lintervention de deux entreprises, Xstrata Copper et Los Azules (qui appartient aussi Xstrata Cop-per) a dj affect le fleuve San Juan, uniquement pendant la phase dexploration : forages destins connatre la concentration du minerai, raliss une profondeur pouvant aller jusqu 2000 m-tres, en arrivant dans des couches deau thermale de haute montagne. Il faut savoir que la cordillre des Andes est une zone gologiquement active, cest--dire avec une activit volcanique et des eaux thermales trs chaudes.

    Ces forages laissent des trous dans le sol. Pour prouver que son projet est viable, une entreprise doit raliser plus 3 millions de mtres de forages. Les trous laisss par ces forages ne sont pas scel-ls comme ils devraient ltre mais seulement recouverts. Tout cela augmente la temprature de plus de 14 degrs. Dans le cas de Veladero, la temprature a mme augment de 15 degrs. De cette faon, ils rompent lisotherme 0 degrs et leau ne se congle plus, nous navons donc plus deau en hiver (priode de scheresse, ndlr).La moyenne annuelle du dbit normal du fleuve San Juan tait value 60 m3. Les 5 dernires annes, elle a baiss 33 m3. Il a pourtant neig, mais les coulements narrivent pas dans le fleu-ve. Aucune tude gologique na t faite pour

    savoir ce qui est en train de se passer vraiment, et rien nest fait pour que le fleuve retrouve la quan-tit deau suffisante pour maintenir lactivit agri-cole. Tout cela a transform la matrice productive de la rgion, aid par des lois qui favorisent lin-dustrie minire et un systme fiscal qui dfavorise lagriculture. De plus en plus de personnes sont donc en train de se tourner vers le secteur minier et abandonnent lagriculture, qui est une activit durable. San Juan est en train de se transformer en une province exclusivement minire.

    Un autre impact de lexploration minire est ce-lui des explosions. Trois explosions suffisent pour faire disparatre une montagne, produisant des particules qui se diffusent dans lair. La Direction Nationale de lEau (DNA) du Chili a attest que trois montagnes (Toro 1, Toro 2 et Toro 3) ont t affectes par des oprations dexploration et que les explosions de Veladero ont recouvert les glaciers de ces montagnes de particules, en les obscurcissant et en acclrant leur fonte, ce qui a fait diminuer le volume des glaciers de 70% par rapport leur tat antrieur. Un autre glacier, qui se trouve la mme latitude mais loin des opra-tions minires, na perdu la mme priode que 14% de son volume. De faon gnrale, des tu-des ralises dans la Cordillre montrent que le rchauffement climatique est responsable de la perte de volume des glaciers de haute montagne hauteur de 14 16%. Lorsquil ny aura plus de glaciers au Ple Nord ni au Ple Sud, les glaciers blancs seront toujours l San Juan, condition et seulement condition - que lindustrie mi-nire les laisse exister.

    Les exploitations minires se trouvent prs de 600 kilomtres de la province San Juan, dans une zone gologiquement active. Cest justement l qua eu lieu le plus grand tremblement de terre de lArgentine, justement l o ils oprent. Le bas-sin de dcantation a une inclinaison de 30 degrs. En cas de tremblement de terre, le contenu de ce bassin se comportera comme si ctait de leau, mais avec un poids 10 fois suprieur. Ce qui va provoquer une avalanche qui dboulera dans la province de Jachal (qui se trouve 110 km en li-gne droite, 1200 mtres daltitude), en arrivant une vitesse phnomnale du fait de limportance du dnivel.

  • Un rseau national daction, au plus prs des luttes

    Ren

    ata

    Mol

    ina

    DO

    SS

    IER

    Graciela Gonzlez a t invite au FAME 2012 par France Amrique Latine. Elle appartient lorganisation Un salto de vida (Jalisco, Mexique) et elle nous explique comment sest constitu un rseau national de victimes environnementales, la Asamblea de los Afectados...

    Jappartiens une trs modeste organisation de lOuest du Mexique. Le village dans lequel je vis est lexemple mme de ce qui ne devrait jamais arriver dans aucun pays. Il y a 40 ans, des millions de pois-sons sont apparus dans la rivire Santiago, et peu de jours aprs ils ont tous t retrouvs morts.Le vivant est devenu une marchandise (morte) et nous sommes des survivants.Pour lutter contre cela, nous avons uni nos forces dans tout le Mexique, dans 16 Etats de la Rpu-blique. Nous sommes un groupe dorganisations sociales de toutes classes. Quelles sont les orga-nisations sociales ? TOUTES les organisations. Je mexplique. Mme si je ne vais pas naturellement lglise par exemple, je my rends quand mme pour discuter avec les gens. Cest pour cela que tous ces groupes - syndicats, paysans, enseignants, univer-sits, etc. - nous formons un ensemble. Nous avons recueilli de la documentation sur 200 cas et mouve-ments spcifiques. Beaucoup dentre eux sont dj impliqus dans de relles dmarches juridiques, au niveau pnal par exemple, dont certaines ont dj abouti.Nous communiquons galement de manire vir-tuelle, mais nous nous runissons surtout lors das-sembles qui permettent aux populations rurale, urbaine et priurbaine dtre sur la mme longueur donde.Lunique raison qui nous mobilise tous est la prser-vation de la vie. Tous les ans nous nous runissons, nous chan-geons, pour penser et repenser, et nous nous som-mes rendu compte quil tait ncessaire de dvelop-per principalement 3 axes de travail :1er axe : Echanges dexpriences pour se conna-tre et se reconnatre. Lors des assembles que nous

    organisons, nous essayons de travailler de faon horizontale, participative Nous ne voulons que personne puisse prendre le premier rle. Nous ne d-pendons daucun parti.2me axe : Formuler les plaintes et les dclara-tions de faon plus systmatique. Nous avons mis en place un groupe denviron 30 avocats spcialiss dans diffrents secteurs, que nous rpartissons en-suite pour chacun des cas. Cependant, lassemble des victimes a d galement dvelopper des mca-nismes de rponse aux urgences. Malheureusement, au Mexique, nous navons pas toujours suffisam-ment de temps pour rflchir. Nous devons souvent travailler au jour le jour en donnant beaucoup de nous-mmes sans pouvoir rflchir suffisamment une situation idologique.Comme vous le savez nous dplorons la mort dun compagnon de lutte dune organisation amie qui a t assassin la nuit dernire. Cela sexplique par le fait que nous menons le combat de manire fron-tale mme si nous nous appuyons sur le juridique. En Amrique latine, la base lgale est souvent un lieu contradictoire, diffus, dispers et qui ne nous protge pas.3me axe : La participation. Nous organisons des ateliers tout au long de lanne. Et une fois par an, nous nous runissons une semaine entire pour nous former mutuellement. Nous traitons des po-litiques publiques. Pourquoi ? Qui ? Quest-ce que lUnion europenne ? Quel est le rle des Etats-Unis? Nous travaillons aussi sur la diffusion, sur nos luttes, sur les ples durgence... Et maintenant, nous parve-nons mme organiser des assembles rgionales. Nous allons pied dans chaque village, en passant de lun lautre. Nous ne nous crivons pas de mails, nous ne nous tlphonons pas. Nous nous dpla-

    De gauche droite : Lino Pizzolon, Graciela Gonzalez de Enciso, Grgory Lassalle, Anna Bednik, Juliette Renaud et Florent Schaeffer la manifestation de clture du FAME 2012.

    Sur la ANAA, lire Mexique : Les victimes environnementales rclament justice , FAL Mag 99, www.aldeah.org/fr/mexique-victimes-environnementales-reclament-justice Sur Un Salto de Vida, lire Jets dans les ordures. Chroniques de mort et de lutte , FAL Mag 104, www.franceameriquelatine.org

  • ons, et nous parlons ceux qui en expriment le be-soin.Quelques axes de travail et dapproches : le mas, leau, limmobilier, les dchets, etc. sont traits sous diffrents aspects : culturel, acadmique, juridique selon les plaintes, etc.Le processus de communication massive fait que la jeunesse est compltement dconnecte de la ra-lit. Nous cherchons des solutions. Les jeunes vien-nent vers nous par le biais de la fte, de la peinture, de lart... ainsi nous pouvons faire le lien avec nos jeunes.Une des choses qui nous a rendus plus forts a t de localiser et vrifier concrtement le pouvoir des transnationales, de transmettre ces infos aux po-pulations directement concernes. Notre courage et point fort fut de dlaisser les mouvements en-vironnementalistes ou cologistes, et leur dmar-che un peu abstraite, pour aller concrtement sur le terrain et travailler avec les gens. Je mexplique : nous avons la possibilit dtre lis avec les univer-sits, qui nous fournissent de linformation quen-suite nous transcrivons en documents lisibles pour tous. Et par consquent, quand je vais de village en village, jamne cette carte ou dautres informations pour que les gens puissent voir comment une d-

    charge est en train de bouleverser directement tout le territoire. Et aussi pour que les personnes puissent situer leur maison, leur ranch, et quon ne parle pas de faon abstraite du problme de pollution.Nous sommes devenus plus forts mais nous navons appris nous mfier des ONG. Certaines dentre el-les se sont implantes dans nos communauts, elles y ont rcolt des informations pour les donner la Banque mondiale ! Mais dans le cadre des luttes, nous avons galement eu la possibilit de venir ici jusquen France pour participer cet espace du FAME. Russir rflchir tous ensemble sans penser au fait que nous soyons du Sud ou du Nord, de lEst ou de lOuest. a a t trs riche parce que de cette manire nous avons tous servi un mme espace. Chacun a ses propres savoir-faire, et cest trs prcieux.Autre chose importante, nous ne nous vendons pas. Nous sommes conscients que si lon recherchait des financements pour nos actions, le fait davoir de lar-gent entre les mains, reviendrait se dire Adieu. Cest pourquoi nous ne voulons pas dargent.

    Pour des outils juridiques de rsistanceAntonio Gustavo Gmez (procureur gnral la Cour fdrale de Tucumn, Argentine) est connu pour avoir particip aux jugements des crimes contre lhumanit commis lors des annes de dic-tature. Il se consacre dsormais poursuivre les dlits environnementaux dont sont responsables les entreprises transnationales en Argentine et doter les populations locales doutils lgaux de rsistance. Pendant le FAME, il a particip - entre autres - latelier Eau et dlits : se doter doutils juridiques pour dfendre le droit leau et pnaliser son usage irrationnel et la table ronde de synthse Contrer lextractivisme, dfendre leau .

    Propos recueillis par Renata MOLINATraduction : Natacha Ramis

    FAL MAG : Gustavo, tu es un professionnel de la justice : peux-tu nous parler de la rpression et de la criminalisation des revendications envi-ronnementales en Amrique latine ?

    En Amrique latine, on pourrait remplir des ton-nes de livres avec lhistoire de la douleur et des souffrances de nos peuples. Mais cette histoire ne date pas de maintenant ; elle dure depuis 400 ans, depuis quon nous a vol notre or. En Bolivie, plus de 10 millions de nos frres sont morts; et on en est toujours au mme point ! Nos morts ne sont peut-tre pas aussi nombreux quautrefois ; mais nous avons nos morts ! Nos femmes sont violes en Equateur, par les forces de scurit qui prot-gent les entreprises ptrolires et minires. et on dirait que les procureurs dEquateur lignorent! Nos frres pruviens sont torturs et personne ne

    sen rend compte !Les droits humains sont actuellement bafous en Argentine, par des lois censes lutter contre le terrorisme mais utilises pour nous accuser dtre des terroristes environnementaux . Nous venons de dcouvrir un projet intitul X (drle de nom!), cr par les militaires et les forces de scurit. Il sagit dinfiltrer des mouvements, tel le mouve-ment environnemental, pour savoir quelles sont les relations personnelles des militants. En Uru-guay, la situation est peu prs la mme.En Europe, cette criminalisation des luttes envi-ronnementales nexiste pas encore. A loccasion de la marche que nous avons faite sur les esca-liers de la gare Saint Charles Marseille, il y avait peine 2 ou 3 policiers qui tournaient autour de nous! Si on avait ralis ce rassemblement dans nimporte quel pays dAmrique latine, on en

    20

    DO

    SS

    IER

  • aurait eu au moins une demi-douzaine avec ar-mes et matraques.

    FAL MAG : Quelles solutions prconises-tu ?

    Que pouvons-nous faire contre tout cela ? Que pouvons-nous faire pour viter la rpression quand 7000 ou 9000 personnes occupent les rues pour dire non une mine, comme cela se passe souvent en Argentine ? Je voudrais vous donner quelques ides, qui, au moins en Amrique latine, peuvent nous servir doutils. Cest possible duti-liser dans dautres rgions dAmrique latine les outils simples et concrets que nous employons en Argentine, car nos lgislations se ressemblent beaucoup.

    FAL MAG : Concrtement, en quoi consistent ces outils lgislatifs ?

    Tout dabord, je crois que nous ne pouvons pas organiser de manifestations ou de rassemble-ments sans faire appel un texte juridique qui em-pche les forces rpressives de nous emprisonner. Il est fondamental dutiliser ce moyen prventif, simple, connu sous le nom de habeas corpus. Cela consiste prvenir un juge, avant une manifes-tation, quil sagira dune initiative pacifique, quil ny aura pas de violence et que donc toute rpres-sion serait de la responsabilit du gouvernement. On demande ainsi ce juge dempcher les arres-tations. Cest comme si ce juge, qui pourrait tre amen se charger par la suite du dossier pnal, tait prvenu quaucun dlit ne sera commis et que si des arrestations se produisent, ce sera de sa faute ! Ce procd a donn des rsultats int-ressants en Argentine et en Bolivie. Dans dautres pays dAmrique latine, cette ide de lhabeas cor-pus comme outil prventif dans ce genre de lutte, a dj fait son chemin.

    Le second principe fondamental, cest que dans ce genre de manifestation, il ne faut pas quil y ait de drapeaux ni de banderoles de partis politiques parce que cela rendrait plus difficile lengagement de la socit dans cette lutte.

    Troisimement, quand nous sommes victimes de la rpression nous devons contre-attaquer cest--dire engager nous-mmes des actions p-nales et porter plainte contre les fonctionnaires de lEtat, afin daboutir un quilibre et de faire annuler des accusations. En Argentine, il y a ac-tuellement 5000 personnes accuses et poursui-vies en justice et quand nous contrattaquons et que nous engageons des actions pnales contre

    les entreprises, cela permet dobtenir labandon des poursuites contre les militants.Enfin, en Amrique latine, nous avons le trait de San Jos de Costa Rica qui nous a aids ga-gner des cas comme celui de la communaut du Chaco, Qom ou Tobas.Sur le site internet de la Commission Interam-ricaine des Droits Humains (CIDH, www.oas.org/es/cidh)), vous pouvez lire des exemples qui mon-trent clairement des cas o cette commission or-donne au gouvernement de respecter les droits des citoyens et de ne pas leur porter prjudice.Le 28 mars, nous prsenterons la CIDH une ac-cusation de crime contre lhumanit qui concer-ne la contamination environnementale sur les territoires de nos peuples aborignes, par lentre-prise multinationale Xstrata Cooper qui exploite la mine La Alumbrera. Dans ce cas, lEtat fdral na pas prserv les droits des peuples qui vivent aux alentours.Ce sont l quelques exemples des outils que nous pouvons utiliser pour nous dfendre face la r-pression des luttes environnementales.

    FAL MAG : Tu te bats inlassablement pour la cration dune Cour Pnale Internationale dont la mission serait de juger les dlits environne-mentaux. Peux-tu nous en dire plus ?

    Pendant le FAME, nous devons parler du modle de Cour Pnale Internationale que nous voulons. Certains prtendent quil faut de largent pour crer une telle juridiction : cest faux !On dit aussi quon ne peut pas poursuivre en jus-tice les patrons des grandes entreprises multina-tionales : cest faux ! On peut les mettre en prison! Ce ne sont plus les Etats qui doivent tre pour-suivis pnalement mais les patrons des multina-tionales par le biais dune doctrine juridique que les avocats connaissent sous le nom de thorie de la matrise de laction . Cela suppose aussi que

    DO

    SS

    IER

    21

    Adolfo Prez Equivel et Gustavo Gmez

  • 22

    DO

    SS

    IER

    nous allons nous heurter une grande rsistance du secteur acadmique, particulirement des ju-ristes qui considrent que cest trop audacieux et ne sont pas daccord avec nos principes.En Amrique latine, il y a autre chose que nous utilisons souvent et qui pourrait servir au monde entier : sur le site internet du rseau des procu-reurs environnementaux dAmrique latine, un rseau qui va du Mexique Ushuaia, il y a un on-glet qui sert dposer des plaintes. Il me semble quaprs le FAME, on devrait ouvrir une page in-ternet sur laquelle on puisse recevoir des plain-tes pour des dlits environnementaux, afin que des avocats puissent assister ceux qui prsentent leurs cas et les aider porter plainte lgalement quel que soit leur pays. Cela permettrait aussi de crer une base de donnes pour le FAME, partir des contenus des plaintes dposes sur ce site.Il faudrait aussi crer une page pour coordonner nos actions car nous venons de pays trs divers, nous sommes de lieux trs diffrents mais je suis sr que chacun dentre nous peut reproduire des ides et interpeller les autorits en mettant en pratique des ides communes. Cette page pour-rait comporter 4 ou 5 ides fondamentales que nous nous efforcerions de traiter dans nos pays respectifs.

    FAL MAG : Il faudrait donc disposer dun rseau mondial davocats pour apporter, par le biais de cette page Internet, une aide juridique aux citoyens affects par des dlits environ-nementaux ?

    Pas forcment. Notre exprience nous montre que nous pouvons apporter des rponses mme pour des cas lointains. Par exemple, en ce mo-ment nous nous occupons dun cas en Namibie, en Afrique. Nous avons trait des cas en Amri-que Centrale, en Equateur.Mais bien sr, il faut regrouper au moins une di-zaine davocats de diverses rgions du monde, qui puissent donner des rponses en plusieurs langues, prparer concrtement et suivre les plaintes afin de donner aux citoyens des chances davancer dans leurs luttes.

    Propos recueillis par Cathy FERREFAL Marseille - Comit directeur de FAL

    La marche pour lEau, la Vie et la Dignit des Peuples en Equateur

    La marche pour leau, la vie et la dignit des peuples a commenc le 8 mars El Pangui dans le centre-sud de lAmazonie quatorienne (zone qui sera affecte par le projet dexploita-tion minire ciel ouvert sign rcemment entre lEquateur et la Chine) et sest acheve 15 jours et 700 km plus tard, Quito le 22 mars dernier.

    La CONAIE (Confdration des nationalits indi-gnes dEquateur) a convoqu le peuple quato-rien une marche nationale pour la dfense des principes de la Constitution de Montecristi.

    Les cinq piliers de la marche taient les suivants :- La redistribution de leau par le biais de lappro-bation dune nouvelle loi sur leau ;- Une rvolution agraire impliquant lapprobation de la Loi des terres et la ralisation dune rforme agraire base sur la souverainet alimentaire ;- Lalternative au modle extractiviste-minier im-pos actuellement, pour un nouveau modle bas sur le Buen Vivir- Sumak Kawsay ;- Le refus des nouveaux impts qui affectent les petits propritaires et les petits producteurs ;

    - La cessation immdiate de la criminalisation de la protestation sociale et lannulation des procs pour sabotage et terrorisme lencontre des 194 leaders communautaires.

    Les manifestants exigeaient galement la pleine mise en vigueur de la Constitution, ils soppo-saient aux exploitations minires grande chel-le, llargissement de la frontire ptrolire, et demandaient la suspension de la dixime et on-zime ronde ptrolire, le respect des droits lautodtermination des peuples en isolement volontaire, la suspension des oprations dans le bloc 31, et la garantie dintangibilit du bloc ITT dans le parc Yasun.

  • 23

    DO

    SS

    IER

    Face la marche, le mandataire quatorien Rafael Correa a dclar : Sils sont 500, nous serons 50 000 !

    Le mouvement Alianza Pais a ainsi organis une contre-manifestation en convoquant ses forces allies descendre dans la rue pour dfendre le gouvernement en place. Selon le gouvernement, la mobilisation organise par lopposition avait pour objectif de positionner des candidats pour les prochaines lections prsidentielles de 2013, et instrumentalisait le mouvement indigne et paysan des fins lectorales. Le discours du pr-sident Rafael Correa soutenait que la marche organise par les mouvements sociaux tait ali-mente par des putschistes et quil existait une alliance entre la gauche et la droite afin de ren-verser le gouvernement. Cependant lanalyste ju-ridique Milton Castillo considre que la marche a t dmocratique et non-dstabilisatrice.Quant au prsident de la CONAIE, Humberto Cholango, il a indiqu quil ne sagissait pas dune comptition, que les indignes navaient pas lin-tention de raliser un coup dEtat, mais de sop-poser la prpotence dun gouvernement autori-taire. Il a ajout que lorganisation de la marche a rencontr de nombreux obstacles comme le refus de laissez-passer officiels pour la circulation des bus, de nombreux contrles policiers ou linfiltra-tion de membres de la force publique.

    A Quito, le 22 mars, latmosphre est lourde, il y a comme un air dapocalypse, les forces militaires et policires ont t dployes, des hlicopt-res virevoltent au dessus des ttes, et les sirnes sifflent sans relche. Une dizaine de milliers de manifestants indignes, paysans mtis et afro-quatoriens rejoignent le sud de Quito. Pars de tenues traditionnelles de toutes les rgions, lan-ces en main pour certains, tambours, sifflets et

    pancartes pour dautres, les semelles uses, mais la d-marche ferme, ils se dirigent comme un seul homme vers le centre historique.

    No somos cuatro, no so-mos cien, Correa economista, aprende a contar bien! Por el Agua, nadie se cansa, por la Vida, nadie se cansa! Esto no es pagado: es pueblo organizado. Correa tiene miedo! Por eso tiene a Quito militarizado.

    Une grande partie des pas-sants admire le spectacle, encourage et applau-dit : on se rend compte que le mouvement a russi susciter la solidarit de nombreux habi-tants. Contre toute attente, les demandes formules ont galement atteint lopinion publique quitea.De lautre ct, la mobilisation pro-gouverne-mentale a investi quatre espaces centraux de la capitale quatorienne : La Plaza de San Francisco, la Plaza de la Independencia, la Plaza Santo Do-mingo aux abords du Palais prsidentiel Caronde-let et le parc El Arbolito. Rafael Correa se rendra dans les quatre rassem-blements afin de dfendre la dmocratie et la r-volution ...

    Enfin, les dirigeants de la mobilisation sociale ont t entendus par le procureur gnral, par le prsident de lassemble lgislative Fernando Cordero, et ont dpos une demande auprs des juges de la Cour Constitutionnelle afin quils tu-dient la constitutionnalit des lois approuves par lAssemble. Concernant la loi des Eaux, lAs-semble attend la dcision de lexcutif qui se prononcera dans un mois sur la consultation ina-linable des communauts indignes.Ensuite reprendront les dbats sur la Loi de Res-sources Hydriques et la Loi de Terres.

    Luca VILLARUELService civique FAL Marseille

    Volontaire Fundacin Pachamama Ecuador

    Luca Villaruel

  • La photo parmi des dizaines, dun des disparus durant la guerre civile.Ces photos se trouvent, graves sur le sol, au pied du Palais National

    sur la place principale de Guatemala City.

    AU PAYS DES MAYASPetit pays dAmrique centrale, frontalier avec le Mexique, le Belize, le Salvador et le Honduras, le Guatemala rassemble prs de 15M dhabitants dont prs de 60% descendent des Mayas. Plus de la moiti de la population vit en tat de trs grande pauvret (131me place selon lindice IDH). Linscurit, la violence au quotidien lies la misre mais aussi aux narco-trafiquants ou des groupes de maras frappent ses habitants.Indpendant politiquement depuis le premier quart du XIXme sicle, le pays a vcu et vit toujours no- libralement parlant sous lempri-se de quelques grandes familles (20 familles possdent 90% des richesses) ainsi que des grandes puissances du march. Dans les annes 50, son prsident Jacobo Arbenz, avant dtre renvers par un coup dtat de la CIA, avait tent en vain, de librer lagriculture du carcan de lUnited Fruit Company .De 1962 1996, pendant plus de 30 ans, le pays a connu une des plus terribles guerres civiles dAmrique latine : prs de 200 000 personnes ont t massacres ou ont disparu, paysans mayas pour la plupart.Rcemment, aux lections de novembre dernier, le prsident social dmocrate Alvaro Colm qui avait men quelques timides rformes sociales a t remplac par Otto Prez Molina, gnral de rserve, accus de violation des droits de lhomme pendant la guerre civile. Ce changement naugure rien de bon pour le pays, dont de nombreux paysans voient leurs terres convoites par les concessions accordes aux entreprises trangres.Le Guatemala ne manque pourtant pas datouts. Ses habitants tout dabord, accueillants, chaleureux, gardiens pour nombre dentre eux de prcieuses traditions. Le pays dispose dune production agricole consquente (caf, bananes, cardamome, sucre) quil exporte en gran-de quantit, dun artisanat original et trs prcieux. Parmi des paysages varis et enchanteurs (le lac Atitln, la ville coloniale dAntigua..), les sites archologiques mis en valeur au XXme sicle, sont les tmoins dune des civilisations prcolombiennes les plus brillantes. Ils pourraient attirer un tourisme beaucoup plus nombreux et gnrateur de ressources dont dispose le voisin mexicain.Que ces quelques images, rapportes dun tout rcent voyage, vous invitent vous rendre dans le Guatemala de Miguel Angel Asturias ou de Rigoberta Menchu !

    Par Patrice Issartelle (FAL Paris)EN IMAGES

    Eglise de San Andres Xicul un jour de meeting lectoral avec sa clbre faade vivement dcore de statuettes, de peintures et de dessins nafs.

    Guatemala City : pochoir quelques rues de la place centrale qui rclame que justice soit rendue.

    24

  • Au nord du pays,dans ltat du Petn se trouve Tikal,lun des plus importants sites mayas.

    Ici, le temple du Grand Jaguar(VIIIme sicle),pyramide de granit de 45m de haut.

    Vente trs familiale au march de Zunil, petit village au nord dAntigua au pied des volcans.

    25

  • 26

    Parvis de lglise de Santo Toms Chichicastenango,glise construite sur lemplacement dun temple maya :le saint patronal est lobjetdune vnration travers des rites forts loignsde ceux de lglise catholique.Un des exemples accomplis de syncrtisme.

    Pays Quich : Chichicastenango et son muse des masques.Riches parures et masques sont utiliss lors des processions

    et des danses folkloriqueso les conquistadores sont tourns en drision.

    A lest, en allant vers la cte carabevivent les indiens Qechi,ici une jeune enfant proposeses coquillages sur le Rio Dulce.

  • 27

    LA PATAGONIE SANS BARRAGES,LINDIGNATION DU ChILI

    Europe - Amrique latine Caraibe

    Cependant, ce ne sont pas les seuls vnements qui placent la Patagonie dans un conflit rsonance nationale et internationale. Cest il y a environ sept ans quon a commenc parler du trs polmique projet hydrolectrique HidroAysn. Il sagit, selon le projet, de construire des barrages sur les deux plus abondantes rivires du Chili, Pascua et Baker, dans une des rgions les plus belles et les plus riches au monde sur le plan cologique. Nanmoins, loppo-sition massive qua suscite le projet a donn lieu Patagonia Sin Represas (Patagonie Sans Barrages), campagne socio-environnementale parmi les plus importantes en Amrique latine.

    La deuxime Conqute europenne

    [...] Au cours des 25 dernires annes, de nombreu-ses entreprises trangres qui se sont installes pour faire leurs affaires, ont fait ressurgir un sentiment de Reconqute , dont le chef de file dans les annes 80, en pleine dictature de Pinochet, a t la transna-tionale espagnole Endesa.Il convient de rappeler le pch originel, vers le milieu des annes 90, dEndesa-Chili, privatise en 1989, et depuis 1997 devant Endesa-Espagne, avec limposi-tion des barrages Pangue et Ralco dans la rgion du Haut Bobo, lcosystme le plus riche du Chili dun point de vue cologique, habit par des communau-ts indiennes. Le projet envisageait sept grands bar-rages sur la rivire Bobo et ses affluents, mais grce lopposition tenace mene par le Groupe dAction pour le Bobo (GABB), qui comptait parmi ses rangs des dirigeants des communauts Pehuenche, seu-lement deux ont t construits. Lcologiste chilien Juan Pablo Orrego, un des fondateurs et Coordina-teur Gnral du GABB pendant 12 ans, qui a reu le prix Nobel Alternatif en 1988 pour cette campagne, signale : Les Gouvernements chiliens post-dictature et Endesa nont pas hsit construire un barrage sur un des plus importants bassins du Chili, un cotone avec les plus importants taux de biodiversit et dend-misme de notre territoire. Le dmantlement des com-munauts Pehuenche, linondation de leurs terrains et mme de leurs cimetires pour installer leur trs renta-ble business lectrique, ne les a pas non plus drangs

    outre mesure. Aujourdhui, le Haut Bobo est lune des rgions les plus pauvres du Chili, avec un taux de suicide trois fois suprieur la moyenne nationale, et avec des tarifs dlectricit parmi les plus chers de tout le pays .Actuellement, Enel, gant nergtique italien qui depuis 2009 contrle Endesa/Espagne/Chili, est len-treprise qui guette la Patagonie chilienne. Cela est d la dictature avec la promulgation du Code des Eaux de 1981 qui a permis la capture massive corpo-ratiste des droits sur leau dans les rivires australes du Chili. Ces droits ont t dposs, sans aucun cot et perptuit, sans justification de lusage qui leur serait do