Face aux enjeux internes et externes d'un SSADPA, … · QUEL MANAGEMENT DES RESSOURCES HUMAINES...

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Dominique BROUGERE - Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 1999 Ecole Nationale de la Santé Publique FACE AUX ENJEUX INTERNES ET EXTERNES D'UN SSADPA, IMPULSER UNE DEMARCHE QUALITE SPECIFIQUE, CENTREE SUR LE SUJET AGE. Dominique BROUGERE Certificat d’Aptitude aux Fonctions de Directeur d’ Etablissement Social ARAFDES - LYON Février 1999

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Dominique BROUGERE - Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 1999

Ecole Nationale de la Santé Publique

FACE AUX ENJEUX INTERNES ET

EXTERNES D'UN SSADPA, IMPULSER UNE

DEMARCHE QUALITE SPECIFIQUE,

CENTREE SUR LE SUJET AGE.

Dominique BROUGERE

Certificat d’Aptitude aux Fonctionsde Directeur d’ Etablissement Social

ARAFDES - LYON

Février 1999

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SOMMAIRE

INTRODUCTION 4

1. POURQUOI ENTREPRENDRE UNE DEMARCHE QUALITE? 6

1.1. LES ENJEUX INTERNES 6

1.1.1. LE SSADPA, UN DISPOSITIF TRANSVERSAL? 71.1.2. LE SSADPA DE BOEN : UNE FONDATION « ADMINISTRATIVE » A LA RECHERCHE DE VALEURS 121.1.3. LES USAGERS : QUI SONT-ILS? LA QUESTION DE L’EVALUATION. 16

1.2. LES ENJEUX EXTERNES 19

1.2.1. LA « MARCHANDISATION » QUI HANTE LE SECTEUR. 191.2.2. LA MAITRISE DES COUTS ET LE LIEN COUT/QUALITE 221.2.3. L’ACCREDITATION : UNE FORCE OU UNE CONTRAINTE? 24

1.3. LA DEMARCHE QUALITE, UNE STRATEGIE FACE A CES ENJEUX INTERNES ETEXTERNES 27

1.3.1. DANS L’INDUSTRIE, DE LA NAISSANCE DU CONCEPT A LA QUALITE TOTALE. QUELLEIDEOLOGIE DE LA QUALITE? 281.3.2. DANS LE SECTEUR SOCIAL ET DE LA SANTE, DE L’EVALUATION A LA QUALITE 311.3.3. LA QUALITE DE VIE EN GERONTOLOGIE 34

2. ALORS QUELLE DEMARCHE QUALITE? 38

2.1. LA PRISE EN COMPTE DE LA DIMENSION SUBJECTIVE POUR UNE DYNAMIQUEQUALITE CENTREE SUR LA PERSONNE 38

2.1.1. DES REFERENTIELS CENTRES SUR LA PERSONNE AGEE 392.1.2. L’AUDIT D’EVALUATION DE LA QUALITE PERCUE 40

2.2. LE FONDEMENT ETHIQUE, FIL CONDUCTEUR DE LA DEMARCHE QUALITE 42

2.2.1. DE LA CONSTRUCTION DE L’OBJET « PERSONNE AGEE » 422.2.2. DE LA MORALE A L’ETHIQUE : LA VALORISATION DU SUJET 45

2.3. LA CHARTE : POUR UN ENGAGEMENT QUALITE 49

2.3.1. UN CADRE DE REFERENCE POUR L’ACTION 492.3.2. LA COMMUNICATION EXTERNE DE NOTRE ENGAGEMENT 50

2.4. LE PROJET CATALYSEUR DE LA DEMARCHE 50

2.4.1. LA PARTICIPATION DES ACTEURS POUR UNE DEMARCHE DE PROJET 512.4.2. LA POSITION D’ACCOMPAGNEMENT, UN AUTRE REGARD SUR LA PERSONNE AGEE : UNERENCONTRE ENTRE SUJETS 522.4.3. A DOMICILE : UNE RELATION SPECIFIQUE 542.4.4. LE TRAVAIL EN RESEAU OU LA MISE EN SYNERGIE DES COMPETENCES 56

3. LA DEMARCHE QUALITE, COMMENT? 60

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3.1. QUEL MANAGEMENT DES RESSOURCES HUMAINES POUR IMPULSER UNEDEMARCHE QUALITE? 60

3.1.1. LE MANAGEMENT : QUELS PRINCIPES ? 603.1.2. LES GROUPES DE REGULATION : DU SAVOIR-FAIRE AU SAVOIR-ETRE 663.1.3. LE PROJET SOCIAL : L’ARTICULATION DES OBJECTIFS INDIVIDUELS ET COLLECTIFS, LANEGOCIATION OU LA STRATEGIE DU «DONNANT-DONNANT». 67

3.2. L’ORGANISATION EN TRAVAIL 69

3.2.1. LES ETAPES DE LA DEMARCHE QUALITE 693.2.2. LA SRATEGIE DU SSADPA : SOUPLESSE, REACTIVITE ET FLEXIBILITE 713.2.3. LA FORMALISATION, L’ELABORATION DES PROCEDURES 743.2.4. L’ORGANISATION DE LA RELATION CLIENT-FOURNISSEUR POUR TRAVAILLER DANS LATRANSVERSALITE 77

3.3. UNE NECESSITE : L’EVALUATION DE LA QUALITE 81

3.3.1. L’ECOUTE-CLIENT, ELEMENT CENTRAL DE CETTE EVALUATION 813.3.2. EN PERSPECTIVE, LE REFERENTIEL QUALITE 83

CONCLUSION76

ANNEXES

BIBLIOGRAPHIE 78

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INTRODUCTION

Créés pour prévenir ou différer l’entrée à l’hôpital ou en institution les services de

soins à domicile aux personnes âgées (SSADPA) dispensent, sur prescription médicale, des

soins infirmiers et d’hygiène principalement aux personnes âgées dépendantes mais aussi à

des personnes de moins de soixante ans atteintes de pathologies invalidantes.

En apportant une aide spécifique à l’accomplissement des actes de la vie quotidienne,

ces services constituent, avec les infirmier(e)s du secteur libéral et les autres dispositifs d’aide

à domicile tels l’aide ménagère, un maillon essentiel du maintien à domicile des personnes

âgées.

Le SSADPA que je dirige est situé à Boën, dans la Loire. Le secteur géographique

couvert par le service est constitué de quatre cantons à dominante rurale (plus de la moitié des

bénéficiaires relèvent de la mutualité sociale agricole); il regroupe 53 communes, 25 000

habitants dont 3000 ont plus de 75 ans. Actuellement l'agrément est de 40 places (une

demande d'extension à 50 places est en cours d'instruction).

Fondé en 1983 par un établissement hospitalier (devenu hôpital local depuis la

réforme hospitalière), le service souffre d’être une fondation « administrative » : le projet

initial se limitait à une simple déclinaison des missions définies par les textes ayant permis

l'existence des soins à domicile. Quinze ans après sa création, la structure s’est donc trouvée

face à un manque d’idéaux, avec son projet à construire en fonction de ses spécificités, afin de

mobiliser et fédérer tous les acteurs et avoir une référence pour l'action, fondée sur des valeurs

partagées.

Notre environnement lui aussi se modifie. Le secteur de l’aide à domicile est en pleine

mutation : sous couvert de la politique de l’emploi et de la thématique du gisement d’emploi

la tendance à la « marchandisation » s’accélère avec l’essor du marché de gré à gré,

l’ouverture au secteur marchand, la loi sur la prestation spécifique dépendance (PSD).

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Afin de se positionner sur un marché en pleine restructuration et face à la logique marchande,

les organismes d’aide à domicile doivent donc mener une réflexion sur la qualité de leurs

prestations.

Un autre phénomène bouleverse les mentalités du secteur : l’institution de la notion

d’accréditation par l’ordonnance du 24 avril 1996; l'accréditation est une procédure

d'évaluation externe, effectuée par des professionnels, portant sur la qualité de

fonctionnement et des pratiques de l'établissement. Se préparer à cette évaluation devient un

enjeu pour notre structure qui se trouve face à une double contrainte : la raréfaction des

ressources financières et la nécessité d'améliorer la qualité des services.

Face à ces enjeux internes et externes, en quoi initier une démarche qualité peut être

une stratégie ? Pourrait-elle articuler les logiques différentes de l’ensemble des acteurs?

Importer dans le secteur médico-social une conception née dans l'industrie nécessite

d'interroger ses fondements et de l’adapter à un autre champ. Qu'est-ce que la qualité dans un

SSADPA? Qu'est-ce qui fait résultat? Peut-on le mesurer? Quel est notre produit et qui sont

nos clients? Autant de questions auxquelles je m’efforcerai de répondre dans cet ouvrage.

En clin d’ œil à la méthode de résolution de problèmes, outil privilégié de la démarche

qualité, j’articulerai mon travail autour de ces trois questions :

Pourquoi? Quels sont les facteurs internes et externes qui nous amènent à

vouloir

améliorer la qualité du service rendu et à développer une démarche qualité ?

Quoi? Quelles sont les valeurs fondatrices de cette démarche ?

Comment? Quelles peuvent-être les manières de gérer les modifications de

l’organisation ?

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1. POURQUOI ENTREPRENDRE UNE DEMARCHEQUALITE?

Dans cette première partie je m’efforcerai de positionner le service que je dirige dans

le dispositif du secteur, le dedans (institutionnel) et le dehors (environnement), afin de définir

une stratégie adaptée et spécifique, selon les enjeux, l’histoire.

Je fais mienne la position de Jean-Marie MIRAMON1selon lequel adapter le projet, la

stratégie et la gestion se décline à l’externe, en fonction des enjeux du secteur et de la

politique sociale en vigueur, mais aussi à l’interne, en fonction des compétences disponibles.

Nous devons être non seulement acteurs mais aussi auteurs du changement, l’attentisme ou le

repli sur soi constituant un risque majeur pour nos institutions médico-sociales. On ne peut

gérer les évolutions extérieures sans mettre parallèlement en marche une dynamique interne.

Comprendre les différentes positions de tous les acteurs (tutelle, personnel, usagers,

partenaires), leurs jeux avec ses règles et ses enjeux, identifier son système relationnel,

interroger la demande dans une visée prospective, analyser ses contraintes et ses marges de

man œuvre, me semblent un préalable à toute démarche.

Dans un premier temps et afin de faciliter la lecture en présentant ma structure en

début de mémoire, j’exposerai les enjeux internes. J’ai identifié trois niveaux d’enjeux : ceux

de la politique sanitaire et sociale, ceux de notre politique institutionnelle et ceux des usagers.

1.1. LES ENJEUX INTERNES

Je présenterai le SSADPA dans son dispositif d’action sociale. Est-ce qu’il permet de

passer d’une logique sectorielle à une logique transversale?

1 MIRAMON Jean-Marie, « Manager le changement dans l’action sociale », Rennes, ENSP, 1996.

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1.1.1. LE SSADPA, UN DISPOSITIF TRANSVERSAL?

La proportion croissante du nombre de personnes âgées au sein de la population

française a amené, depuis près de 40 ans, une réflexion sur le traitement social et médical de

la vieillesse, confondue depuis le début des années 1980 avec la dépendance2.

Cependant nombre d'idées reçues sur les troisième et quatrième âges persistent et les

réponses des organismes chargés de l'action sociale ne sont pas toujours adaptées et bien

coordonnées. L'hypermédicalisation n'est pas le seul recours : l'être humain qui, au-delà du

vieillissement, continue d'exister, doit pouvoir être pris en considération dans sa totalité.

Arrêtons-nous sur ce concept de vieillissement. «Travailler un concept c'est en faire varier

l'extension et la compréhension, le généraliser par l'incorporation de traits d'exception,

l'exporter hors de sa région d'origine, le prendre comme modèle ou inversement lui chercher

un modèle, bref lui conférer progressivement, par des transformations réglées, la fonction

d'une forme.»3

C'est ce que fait le philosophe et gérontologue Michel PHILIBERT4 : « Le vieillissement

humain, au regard du vieillissement biologique, est plus limité dans son extension, plus riche

dans sa compréhension. Il faut exporter le concept hors de sa région (biologique) d'origine

scientifique, et lui chercher ailleurs un autre modèle. Pour être précis, nous devons intégrer au

concept du vieillissement humain ces changements que le biologiste écarte de sa notion

comme non liés à l'âge parce qu'ils ne s'imposent pas à tous les membres de notre espèce

selon un ordre nécessaire et irréversible mais résultent de décisions personnelles, de

particularismes sociaux, des accidents de l'histoire.»

L'être pris en compte dans sa dimension de sujet, dans sa singularité voilà ce qui devrait être

l'objet de la gérontologie et c'est ce qui m'anime dans mon rôle de direction.

Est ce que le dispositif de soins à domicile peut réaliser ce but?

Le SSADPA de Boën a démarré en octobre 1983, avec une capacité de 20 places puis

au fur et à mesure de l'évolution des besoins le nombre de places a été fixé à 40 après

2 Je reviendrai sur ce concept de dépendance afin d'en déconstruire les présupposés dans le chapitre 2.2.1.p.39,40.3Georges CANGUILHEM in BACHELARD Gaston, « Etudes d'histoire et philosophie des sciences », Paris,Vrin, 1968, p.206.4 PHILIBERT Michel, « Le concept de vieillissement », Gérontologie n°40, 1981.

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agrément préfectoral en 1990. Une demande d’extension de 10 places est en cours

actuellement.

Deux textes essentiels servent de support juridique à la création des services de soins à

domicile. Il s’agit du décret du 8 mai 1981 et de la circulaire ministérielle d’application du 1er

octobre 1981 qui apportent une réglementation concernant l’ouverture des droits, les mesures

touchant à la création, l’organisation et la gestion des services.

Quels sont les apports de cette nouvelle législation?

Avant ces textes, le maintien à domicile était assuré d'une part par les aides-ménagères pour

l'aide à la vie quotidienne et le soutien relationnel, et d'autre part par les infirmiers libéraux

pour les soins techniques et d'hygiène. Les aides informelles (famille, voisinage) assumaient

également une part importante .

L'aide-ménagère, instituée à l'origine par les caisses de retraite et les bureaux d'aide sociale

comme action sociale facultative, est devenue en 1962 une prestation légale d'aide sociale

désormais à la charge du département. En effet en 1962 le rapport Laroque marque une étape

décisive, une nouvelle conception de la vieillesse fondée à la fois sur une volonté de rupture

avec la logique jusqu'alors dominante de l'assistance et sur le refus d'entériner l'exclusion

sociale des personnes âgées. Le développement des aides à domicile est alors un des fers de

lance de cette politique préventive et intégratrice en voulant maintenir et favoriser l'insertion

de ces personnes dans la société5.

Quelles sont les limites de cette juxtaposition de deux prestations?

Les services d'aide-ménagère ne peuvent toujours répondre aux besoins des personnes âgées

très dépendantes :

• La prise en charge financière par le conseil général est plafonné à 30 heures

mensuelles, la politique adoptée étant un saupoudrage des heures à un grand

nombre de bénéficiaires plutôt qu'un ciblage sur les personnes les plus dépendantes.

• Si la personne doit financer elle-même la prestation au-delà des trente heures, le

tarif est élevé : frais de gestion, cotisations patronales car l'employeur est le service

d'aides-ménagères.

5 Cf. BORGETTO Michel et LAFORE Robert, «Droit de l'aide et de l'action sociales», Cahors, Montchrestien,1996.

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• La couverture des jours fériés n'est généralement pas assurée.

• Le problème de l'adaptation et de la qualification car les tâches évoluent avec la

grande dépendance (mobilisation, gestion de l'incontinence, nursing, relations avec

les personnes atteintes psychiquement).

En ce qui concerne les interventions des infirmiers libéraux, elles atteignent leur limites s'il

faut entreprendre une action globale, coordonnée autour de la personne dépendante.

Les SSADPA ont donc été conçus pour répondre à cette nécessité de coordination et de

globalisation de l'action d'aide et de soins :

◊ dans un contexte démographique où la croissance des personnes très âgées

permettait de pronostiquer l'augmentation du risque de dépendance,

◊ dans un contexte économique de crise de financement de la sécurité sociale et de

maîtrise des coûts, où il fallait diminuer les hospitalisations et freiner les

placements en institution.

Les Services de soins à domicile devaient répondre à la fois au problème posé par la

dépendance sur un territoire donné, au souci de maîtrise des dépenses, et au souci

d'insertion sociale dans la ligne du rapport Laroque.

Les textes précités définissent les missions allouées aux services :

⇒ dispenser aux personnes âgées malades ou atteintes d'une diminution de leurs

capacités les soins infirmiers et d'hygiène.

⇒ apporter dans le même temps une aide spécifique pour accomplir les actes

essentiels de la vie.

⇒ dispenser des soins à des personnes de moins de soixante ans en fin de vie ou

atteintes de maladies invalidantes et chroniques (SIDA, hémiplégie, sclérose en

plaques, cancer..).

Ces services répondent donc à deux types de situation :

∗ des situations de phase aiguë de maladie qui exigent des traitements à visée curative.

∗ des situations de dépendance qui appellent des soins de vie que la personne ne peut plus

assurer seule.

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Les soins assurés par du personnel aide-soignant et infirmier ne requièrent pas l’utilisation

d’un plateau technique; ils peuvent de ce fait être apportés là où réside la personne, que ce soit

dans une maison de retraite non médicalisée, un foyer-logement ou surtout son domicile.

Le financement est assuré à 100% par l’assurance maladie, sous forme de dotation globale.

Le forfait soins comprend les interventions des aides-soignantes, des infirmiers, des

pédicures, le petit matériel nécessaire aux soins, les frais de déplacement, de transmission et

de coordination, les frais de gestion.

Il ne couvre pas les interventions des médecins, kinésithérapeutes, orthophonistes remboursés

à l’acte par l’assurance maladie, ni les prestations des aides à domicile financées par l’usager,

le Conseil Général, les caisses de retraite selon le régime d’appartenance et la solvabilité de la

personne.

Le service de soins à domicile est une structure légère, flexible et souple pour

répondre rapidement aux besoins de la population.

Au SSADPA de Boën, le personnel est composé de :

• 1 directrice

• 1 infirmière-cadre coordonnatrice à temps partiel

• 10 aides-soignantes pour 7 ETP

• 1 secrétaire à mi-temps

• 30 infirmiers libéraux représentant 2,5 ETP

• Des vacations de psychologue et de pédicure.

Des conventions ont été signées avec les infirmiers libéraux du secteur géographique.

Après avoir concerté nos partenaires, j’ai opté pour ce mode de fonctionnement lors de la

création, pour des raisons stratégiques (ne pas entrer en conflit avec les libéraux du secteur,

les médecins généralistes étant les principaux prescripteurs), des raisons sociales (permettre à

la personne de garder son soignant habituel) et des raisons managériales (le secteur

géographique étant très étendu et les soins s’étalant sur une longue amplitude journalière, sept

jours sur sept, le travail infirmier salarié est peu compatible).

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Les objectifs sont :

⇒ d’éviter une hospitalisation lorsque les conditions médicales et sociales le permettent.

⇒ faciliter un prompt retour à domicile après une hospitalisation.

⇒ prévenir ou retarder l’admission en institution.

Il est nécessaire que l’action soit coordonnée autour de la personne en partenariat

avec tous les acteurs: aides-ménagères, médecins, kinésithérapeutes, orthophonistes, assistants

sociaux, secteur psychiatrique, centres hospitaliers, centres d’hébergement, familles, services

de repas à domicile...

Le service doit donc s’insérer dans un dispositif global. La personne est prise en compte dans

toutes les dimensions de sa réalité sociale, dans une conception de l’action sociale où prime

l’individu comme globalité.

Ainsi dans ces textes on peut voir les prémices des politiques sociales transversales.

Les politiques et interventions sociales ont été structurées en France autour d’une logique

sectorielle basée sur les différents risques sociaux, dont la vieillesse, auxquels

correspondaient des savoirs et des pratiques spécifiques. Cette logique sectorielle s’est

trouvée mise en cause par les conséquences sociales de la crise économique. L’émergence de

notions telles que l’exclusion et la mise à jour de la multidimensionnalité du processus de

précarisation soulignent l’inadaptation de politiques cloisonnées qui ne savent prendre en

charge qu’un problème à la fois. Dans le champ de la vieillesse il s’agit avant tout du

cloisonnement entre sanitaire et social et entre domicile et hébergement.

L’enjeu d’insertion a fait évoluer les pratiques d’intervention vers une prise en compte des

liens personnels et sociaux, des trajectoires individuelles et de leurs ruptures. Ces constats ont

conduit à la mise en place de politiques sociales dites « transversales » allant dans le sens

d’un traitement global et individualisé.

Cette transversalité des politiques sociales va de pair avec la territorialisation de l’action

sociale. Elle est liée à l’important transfert de compétences au département qui devient le

pivot du dispositif d’action sociale mais aussi à l’intervention sociale croissante des villes.

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Elle implique l’arrivée de nouveaux acteurs locaux du social et par là l’émergence de

nouveaux enjeux transversaux et de nouvelles pratiques (partenariat, expertise, évaluation).6

Nous venons de voir que la législation, la politique définie par les pouvoirs publics

nous incite au décloisonnement, à la coordination et à de nouvelles pratiques. Qu’en est-il sur

le terrain? Certes des cloisonnements subsistent et des obstacles existent : inertie de certains

services, difficultés des financements multi-partenariaux, fluctuation des politiques locales sur

le long terme, déficit des savoir-faire. Mais nous sommes aidés dans notre action par la

Mutualité sociale agricole de la Loire qui est notre caisse pivot et nous soutient dans notre

vocation sociale de réseau de proximité.

De même le Conseil général a fixé parmi ses actions prioritaires le maintien à domicile et la

coordination gérontologique.7 « Le chevauchement des compétences professionnelles et le

développement des propositions de création d’établissements et services rendent nécessaire

une coordination dont la maîtrise devient elle-même un enjeu pour les divers groupes

sociaux.(...) Il faut rompre les logiques corporatistes et institutionnelles qui rigidifient les

réponses en concevant un dispositif coordonné librement accepté. »

Je me propose d’examiner maintenant la politique de notre structure gestionnaire.

Quels sont les avantages et les inconvénients pour le SSADPA de ce type de gestion?

1.1.2. LE SSADPA DE BOEN : UNE FONDATION« ADMINISTRATIVE » A LA RECHERCHE DE VALEURS

Une des spécificités du SSADPA est qu’il a été créé à partir d’une structure sanitaire

publique, alors que 67% des services similaires appartiennent au secteur privé à but non

lucratif. L’objectif de l’Hospice en cours d’humanisation, était de s’ouvrir à l’extérieur et de

modifier son image. La création d’un tel service allait permettre le passage d’une logique

d’enceinte à une logique de réseau.

6 J’exposerai en 2ème et en 3ème partie comment la démarche mise en œuvre permet d’améliorer le travail dansla transversalité, le travail en réseau , en favorisant l’émergence d’un sens partagé par l’ensemble des acteurs, laconstruction pour les acteurs de référentiels communs nécessaires à l’action.7 Schéma départemental de l’action sociale et médico-sociale, « Les personnes âgées dans le département de laLoire »,1993.

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Depuis 1981 la structure gestionnaire a changé : d’Hospice elle est devenue Centre de moyen

et long séjour puis la loi du 31 Juillet 1991 portant réforme hospitalière a permis de la

transformer en Hôpital local.

Quels sont les atouts et les inconvénients d’une telle gestion hospitalière?

Le champ de compétence de l’hôpital local est bien délimité par la loi. Il comporte :

⇒ les soins en médecine, suite et longue durée

⇒ les actions de prévention sanitaire

⇒ les actions de maintien à domicile

⇒ les actions de santé publique

L’hôpital local n’agit que dans une zone géographique précise et délimitée avec l’accord du

préfet.

Il ne fonctionne qu’avec les médecins généralistes libéraux domiciliés dans cette zone.

Il ne peut exister qu’en coopération avec l’établissement de santé le plus proche avec lequel il

doit passer convention.

Cette définition ancre l’hôpital local dans une vocation de proximité et de réseau :

1) structure de proximité : * avec l’implantation en milieu rural ou semi-urbaine l’hôpital

local semble être à même de connaître les besoins des populations environnantes et d’y

apporter des solutions.

* le mode de fonctionnement libéral contribue à lui donner sa

couleur d’action de proximité.

* il joue un rôle d’interface entre la médecine libérale, le centre

hospitalier et le domicile.

2) structure de réseau : la dynamique de réseau trouve sa source dans l’obligation

réglementaire de passer une convention, dans les limites techniques de l’hôpital, et dans

l’objectif de globalité des soins. Le réseau permet d’envisager le patient en tant que sujet d’un

parcours dessiné par la conjonction des besoins qu’il présente.

La circulaire 93-26 du 13 Juillet 1993 relative aux réseaux gérontologiques et à la

coordination incite particulièrement les hôpitaux locaux à développer des actions visant à

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coordonner le maintien à domicile et à avoir un rôle pivot dans la prise en charge des

personnes âgées, les dispositifs étant nombreux et relevant de compétences diverses voire

divergentes.(soins médicaux, aides à domicile, aide à l’habitat, accueil temporaire,

hébergement,...).

L’infrastructure de l’ hôpital local nous permet de mettre des moyens en synergie avec

d’autres acteurs, de jouer la coopération, la complémentarité et ainsi d’optimiser la prise en

charge.

Pour illustrer ces propos, je prendrai l'exemple du service de repas à domicile que j'ai créé en

1992 en partenariat avec une association d’aides à domicile et avec les services logistiques de

l'hôpital local. Chaque acteur met sa compétence, son savoir-faire au service d'une réalisation

commune afin de répondre à la demande :

Le SSADPA joue son rôle de pivot et gère le service : la structure permet de repérer

les besoins, d’accueillir les clients, d’orchestrer le travail des partenaires.

L'Hôpital local fournit le repas confectionné dans ses cuisines ainsi que les véhicules

entretenus par ses soins.

L'Association d’aides à domicile assure la livraison en mettant à disposition des

livreurs sur une plage horaire spécifique.

L'utilisation de l'infrastructure de l'hôpital (cuisines, cuisiniers, section d'investissement

permettant l'achat de véhicules et plateaux isothermes...) permet ainsi de réaliser les 60 repas

quotidiens au coût marginal8 de 30F le repas livré, chaud, prêt à consommer.

Cette action ne vise pas seulement l’efficacité (atteindre le but, l’objectif) mais aussi

l’efficience (meilleure pertinence des moyens).9

De même la blanchisserie de l'Hôpital local est rentabilisée (baisse du coût du kilo de linge

lavé) en offrant ses prestations aux maisons de retraite du secteur et au SSADPA : cela nous

permet de gérer l'incontinence qui est souvent un motif de placement.

8 Définition du coût marginal en comptabilité : coût obtenu en ne retenant que les charges nouvelles induites parle nouveau produit, les autres charges étant déjà absorbées dans les coûts des autres produits.9 L’efficacité désigne ce qui produit l’effet attendu ;l’efficience ajoute la notion de productivité, joint à l’idée derésultat celle de rendement : autrement dit, il ne suffit plus d’avoir un effet à tout prix mais de l’obtenir grâce àune économie de moyens.( Alain VULBEAU « Effet, efficacité, efficience », Informations sociales n°57, 1997).

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L’atout principal de cette gestion hospitalière est qu’elle favorise le rôle pivot du SSADPA

dans une dynamique de réseau.

Par contre j’ai observé l’absence de dimension associative et militante et je l’analyse

comme une faiblesse :

Créé par un établissement sanitaire dans le cadre de son projet, le SSADPA est une

fondation que l’on peut qualifier « d'administrative ». Sa création n’est pas due à une

association de personnes bien ancrées dans le tissu social local, avec un engagement, des

valeurs fortes mais à l’action de professionnels ayant saisi l’opportunité des textes.

Le projet initial se limite à une déclinaison des missions fixées par ces textes.

Quinze ans après, le service a accumulé de l’expérience, des savoir-faire, mais ne l’avait pas

formalisé, écrit, et il souffrait d’un manque d’idéalité, de projet.

L’ancrage dans le sanitaire du fait de sa gestion, de son personnel, ne favorise pas la prise en

compte de l'aspect social : je pense que la prévalence du soin, de la médicalisation, par

rapport à d’autres dimensions intervenant dans la qualité de vie est un écueil à éviter, et à

débattre dans le projet.

De plus cette gestion sanitaire place le SSADPA sous l’égide de la législation sanitaire : ainsi,

bien que relevant de la loi sociale de 1975, il ne dépend pas seulement du schéma

départemental mais aussi du schéma régional d’organisation sanitaire (SROS). Tout projet

devra donc être conforme à ce schéma.

En tant que service hospitalier il est également soumis à l'accréditation.10

Nous venons d’analyser le SSADPA comme outil d’une politique de maintien à

domicile, examinons maintenant ce qui est sa raison d’être : les usagers.

10 Ce thème sera développé dans les enjeux externes en 1.2.3, p.21.

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1.1.3. LES USAGERS : QUI SONT-ILS? LA QUESTION DEL’EVALUATION.

Au préalable, je tenterai de dresser un tableau des utilisateurs du service, bien que

consciente du caractère réducteur de cette démarche, la singularité et l’hétérogénéité étant

prépondérantes.

Le rapport d’activité 199711 nous donne quelques éléments quantitatifs.

L’âge moyen est de 80 ans pour les femmes et 73 ans pour les hommes . L’âge moyen n’est

pas très élevé car le SSADPA prend en charge des personnes de moins de 60 ans (9% des

bénéficiaires) présentant des pathologies invalidantes telles le Sida, l’hémiplégie, la sclérose

en plaques.

Néanmoins 35% ont plus de 85 ans et 19% sont nonagénaires.

Au delà de 90 ans, les femmes représentent 88% de la population prise en charge. En raison

de la surmortalité masculine la situation de veuvage et donc de solitude est plus fréquente

chez les femmes.

18% des personnes vivent seules à leur domicile (la moyenne nationale est plus élevée : 30%,

mais le SSADPA de Boën est situé en zone rurale où la cohabitation entre générations est

encore assez courante.), 41% vivent en couple, 30% avec d’autres membres de la famille et

11% en collectivité non médicalisée.

62% des personnes sont prises en charge à la suite d’une hospitalisation.

Les prises en charge sont de plus en plus longues et ceci est constaté également au niveau

national. La durée moyenne de prise en charge qui était de 11 mois en 1991 est passée à 14

mois; 34% des prises en charge sont supérieures à un an.

Le motif de fin de prise en charge est le décès pour 17% (décès intervenant à domicile) et

l’hospitalisation pour 70% (qui peut être suivie du décès ou d’un placement); seulement 2%

des fins de prise en charge correspond à une amélioration.

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La prise en charge de la personne âgée par le SSADPA consiste en la mise en

adéquation des ressources du service avec les besoins de la personne âgée au travers d’une

phase essentielle : l’évaluation.

Pour cela nous disposons d’un indicateur communément admis12 : le modèle AGGIR

(Autonomie Gérontologique Groupe Iso-Ressources), méthode d’évaluation du degré

d’autonomie des personnes âgées. Elle évalue ce que la personne fait seule, ce qu’elle ne fait

que partiellement et ce qu’elle ne fait pas au moyen de 10 variables discriminantes et 7

variables illustratives13. Le modèle mathématique détermine une classification en 6 groupes

iso-ressources (6 profils de perte d’autonomie et charge en soins de base) ayant pour objectif

de regrouper les personnes mobilisant un même niveau de ressources ou de charges de soins

liées à la perte d’autonomie. Ces ressources correspondent à des aides d’importance et de

qualité équivalentes.

Cette grille est utilisée pour l’évaluation des SSADPA (rapport annuel d’activité) par les

tutelles mais aussi pour l’attribution de la prestation spécifique dépendance et dans un avenir

proche pour la tarification des établissements.

Est-ce que cela peut être un outil interne d’évaluation ?

Je ferai deux critiques qui empêchent selon moi cette grille d’être performante pour son

utilisation dans un service comme le nôtre :

1) Elle ne prend pas en compte l’individu dans toute ses dimensions, notamment la

dimension psychologique. Par exemple s’il s’agit d’une personne dépressive qui

peut potentiellement faire les actes de la vie quotidienne seule mais ne les fera que

dans un cadre de relation, de stimulation avec l’entourage ou le professionnel, la

grille est complètement faussée.

2) Elle ne tient pas compte de la situation économique et sociale de la personne.

Comment gère-t-elle sa dépendance en utilisant son environnement matériel et

humain ?

Sur le terrain nous observons qu’il n’y a pas de corrélation entre la dépendance, le besoin

potentiel et la demande d’intervention. Le processus est plus complexe, il résulte de la gestion

de la dépendance telle qu’elle est organisée par les composantes de l’environnement. Ce qui

11 Des éléments du rapport d’activité 1997 figurent en Annexe n°1.12 La grille AGGIR figure dans la nouvelle mouture des rapports d’activité annuels et c’est l’outil retenu pourl’appréciation de l’allocation spécifique dépendance.13 Voir annexe n°2 : les 10 variables discriminantes, les 7 variables illustratives et les 6 groupes iso-resssources.

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compte ce sont les stratégies individuelles développées par les personnes en interaction

avec leur entourage.

A ce stade de mon développement il convient de distinguer le besoin de la demande.

Les personnes n’ont pas des besoins intrinsèques, naturels et invariables mais des demandes,

des attentes et des désirs. Elles ne sont pas les supports passifs d’un ensemble de besoins

normalisables.

La demande est une manière d’interpréter les besoins.

Henri NOGUES14fait également bien la différence entre demande et besoin : la demande n’est

pas une variable passive, elle se distingue du besoin reconnu. Les personnes qui vont

demander ne sont pas forcément les gens dont on reconnaît le besoin et inversement.

Le besoin serait le manque exprimé par le professionnel, de sa place, sur la base d’indicateurs

centrés sur les capacités fonctionnelles, tandis que la demande serait le manque exprimé par

l’usager, en fonction de ses représentations.

Est-ce que parler en termes de besoins n’équivaudrait pas à se représenter le bénéficiaire

comme un être passif - en prétendant savoir ce qui est bon pour lui, en lui proposant des

idéaux de vie et des normes de bien-être - et non comme un acteur capable de choix, un être

en relation.

C’est pourquoi notre stratégie au SSADPA de Boën consiste - plutôt que d’utiliser des grilles

- à aller auprès de l’usager, l’observer, l’écouter pour tenter de décrypter sa stratégie et ses

contraintes, et de négocier avec lui un contrat d’accompagnement personnalisé s’appuyant sur

les ancrages formels et informels existants.15

En effet toute politique de maintien à domicile est fondée sur une mobilisation extensive des

ressources propres des bénéficiaires et non pas sur leur destruction. Analyser ces ressources

pour s’ancrer sur l’existant, cela est pour moi le véritable travail de l’évaluation. Ne pas

raisonner en terme de manque mais investir positivement la situation. Passer d’une logique de

14 NOGUES Henri, « la production de l’action sociale », in Informations sociales n°57, 1997.15 Ceci sera développé dans le chapitre 2.4 sur le projet p.51.

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réparation (fondée sur les incapacités) à une logique de promotion (fondée sur les

possibilités, les interactions avec l’environnement) me semble fondamental.

Après avoir examiné ces enjeux internes, voyons les enjeux externes, les contraintes

de notre environnement.

1.2. LES ENJEUX EXTERNES

Une conjoncture de crise économique qui conduit à rationaliser l'offre de soins et à

maîtriser l'évolution des dépenses, le désengagement progressif de l'assurance-maladie dans la

couverture du risque ouvrent la porte aux mécanismes de marché et aboutit à une logique

qualité/prix.

1.2.1. LA « MARCHANDISATION » QUI HANTE LE SECTEUR.

Le néologisme « marchandisation » fait aujourd’hui partie du vocabulaire critique de

l’action sociale. Il paraît dénoncer le passage d’une rationalité en valeur à une rationalité

économique, la dénaturation de l’éthique de l’action sociale par mutation de ses valeurs, ses

objectifs et objets, ainsi que de ses procédures.

Comme l’écrit Bernard Enjolras16 l ’expression « marchandisation des services sociaux » a

été forgée aux Etats-Unis pour rendre compte du mouvement majeur qui affecte le secteur

social depuis plus d’une décennie et se traduit par un double phénomène : l’accroissement de

l’offre lucrative et l’augmentation de la part des contributions des bénéficiaires dans le chiffre

d’affaires du secteur.

Si cette tendance à la « marchandisation » est loin d’être dominante en France pour

l’ensemble des services sociaux, le champ de l’aide à domicile a connu ces dernières années,

sous couvert de politique de l’emploi, des bouleversements profonds qui peuvent laisser

présager de futurs développements dans le sens d’une « marchandisation » accrue de ces

services et l’avènement d’un véritable « marché providence ».

16 ENJOLRAS Bernard, « Le marché providence, Aide à domicile et création d’emploi », Paris, Desclée deBrower, 1995.

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S'agirait-il, face à la crise de l'Etat-providence, d'y substituer le marché providence en

étendant le règne du marché et en favorisant le développement d'une offre lucrative? Ne

pourrait-on au contraire, promouvoir d'autres formes de régulation garantissant l'équité et la

cohésion sociale?

Les enjeux du vieillissement sont occultés par la thématique du gisement d’emploi :

la rentabilité du point de vue d’une politique de l’emploi, par où le modèle des politiques

publiques tend lui aussi à se caler sur le concept de marché.

« De l’exclusion qui était leur sort (...) les vieux se voient réhabilités dans une fonction

« d’homo economicus » exaltant leur pouvoir de consommation de biens, de produits et de

services. »17 Mais il s’agit d’une illusion d’intégration sociale (réduction du citoyen âgé à la

valorisation de son seul pouvoir d’achat).

Les nouveaux dispositifs d’aide à domicile sont parlants; depuis une dizaine d’années le

secteur connaît une profonde mutation : Le débat ne porte pas tant sur l’adéquation des

services aux besoins que sur la meilleure façon de privilégier la création d’emploi dans ce

champ d’activité sans prise en considération de la nature des besoins concernés.

♦ L’essor du marché de gré à gré et de la logique marchande : en 1987 les lois SEGUIN

complétées par les lois AUBRY de 1991 viennent modifier le paysage de l’aide à domicile, en

introduisant l’exonération des charges sociales patronales pour les personnes âgées de plus de

70 ans employant elles-mêmes directement du personnel à domicile, ainsi que les déductions

fiscales sur le revenu.

Les personnes âgées ont donc intérêt, financièrement, à salarier leur aide à domicile, si elles

ont des revenus supérieurs au plafond de l'aide sociale ou si elles nécessitent beaucoup d'aide.

Celles qui ne peuvent assumer leur fonction d’employeur font appel à des organismes dits

services mandataires .

La mise en place de ce dispositif répondait à la priorité affichée de développer l’emploi au

travers des emplois de proximité. Ce n’est que secondairement que le développement de

l’aide à domicile s’inscrivait comme objectif.

Mis en œuvre à partir de janvier 1992, le dispositif d’incitation à la création des emplois

familiaux (réduction d’impôt) poursuit un objectif explicite de création d’emploi.

17 Alain VILLEZ, conseiller technique à l’UNIOPSS, « Le marché de la gérontologie, mythe et réalités », LesCahiers de l’Actif n°254/255.

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♦ L’instauration du chèque emploi service18 favorise l’emploi de gré à gré.

♦ La loi du 29 Janvier 1996 relative aux emplois de services aux particuliers comprend deux

innovations:

⇒ Cette loi ouvre le service au secteur marchand. Elle étend aux entreprises le

bénéfice de l’avantage fiscal mis en place pour les emplois familiaux : la réduction d’impôt

sur le revenu est désormais accordée aux particuliers ayant recours, pour les prestations à leur

domicile, à des entreprises agréées.

⇒ Dans le même temps la loi impose des conditions particulières d’agrément pour les

associations et les entreprises dont l’activité concerne l’assistance aux personnes âgées ou

handicapées, un agrément qualité.

Mais la qualité de la prestation pourra-t-elle s’améliorer dans ce contexte de

concurrence?

Le développement du gré à gré, dans une logique marchande va à l’encontre de la

qualité de service : recherche de profit, de rentabilité impliquant précarité, pas de

qualification, pas de médiation entre le bénéficiaire et l’intervenant.

De plus cette tendance à la « marchandisation » s’accompagne d’incohérences et

d’iniquités en matière de solvabilisation de la demande de services aux personnes. Il y a

sédimentation des dispositifs au détriment de leur lisibilité.

♦ Enfin avec la loi sur la prestation spécifique dépendance (PSD) 97-60 du 24 janvier

1997, il y a toujours cette confusion entre politique de l’emploi et politique vieillesse, l’aide à

la personne âgée étant vue davantage sous l’angle du gisement d’emplois, du « marché

providence ». Cette nouvelle prestation départementalisée est d’aide sociale et non de sécurité

sociale, elle implique une part contributive de la personne et son statut d’employeur de

service, sous couvert d’un argument de citoyenneté.

Ceci marque un nouveau régime de protection sociale contaminé par le marché et qui

s’éloigne des solidarités sociétales classiques. Nous sommes en train de passer d’une

conception sociétale du social à une conception plus consommatoire et individualiste.

18 Décret n°94-974 du 10 novembre 1994.

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Les organismes d’aide à domicile doivent donc se positionner sur un marché en pleine

restructuration et mener des réflexions autour de la qualité de l’aide à domicile, l’objectif

étant de parvenir à opposer à la logique marchande des emplois de proximité, la spécificité

d’un métier, c’est-à-dire un véritable service à rendre (avec la fonction de conseil, de

médiation, de formation).

Comment le SSADPA se situe dans cet environnement concurrentiel ?

Je pense que le meilleur positionnement est la garantie de la qualité du service rendu,

valoriser ce qui fait notre différence et notre qualité :

♦ la déontologie d’action : valeurs éthiques reconnaissant la personne âgée comme un sujet,

dans toutes ses dimensions, avec ses stratégies, ses attentes en termes d’échange, de

relation humaine.

♦ la médiation, la coordination : il ne s’agit pas d’une simple relation duelle avec un client

mais de la prise en compte de la personne dans son réseau, ce qui nécessite l’articulation de

l’aide formelle et informelle.

♦ le savoir-faire et le savoir-être des intervenants : formation, qualification et régulation des

professionnels qui interviennent dans la sphère privée, l’intimité des gens.

Ne faut-il pas retenir l’absolue nécessité de mieux communiquer, rendre plus accessible notre

offre de service en justifiant notre savoir-faire, notre professionnalisme, afficher nos

spécificités, notre identité ? La charte et le projet sont des outils permettant cette lisibilité et

cette communication.19

Une autre manière de se positionner sur un marché, c’est le coût de la prestation. Le

financement du SSADPA étant assuré par la sécurité sociale, dans un contexte de maîtrise des

dépenses, quel est l’impact en matière de qualité ?

1.2.2. LA MAITRISE DES COUTS ET LE LIEN COUT/QUALITE

Nous sommes dans un contexte de maîtrise des dépenses de santé, les assurances sociales ne

parvenant pas à équilibrer leurs comptes (baisse des recettes du fait de la crise économique et

augmentation des dépenses liée à une pluralité de facteurs).

19 Cela sera l’objet de la seconde partie du présent mémoire.

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L’instauration du « budget global » en 1984, puis les modifications de la loi hospitalière en

1991 et 1996 ont permis la mise en place d’outils de rationalisation budgétaire et de

réorganisation de l’offre de soins (SROS20, PMSI21, Agences régionales d’hospitalisation

concluant des contrats d’objectifs et de moyens avec les établissements etc...).

La circulaire de la Direction de l’Action Sociale n°97-827 du 29 décembre 1997,

relative à l’évolution des dépenses d’assurance maladie pour les établissements médico-

sociaux sous compétence tarifaire de l’Etat officialise l’ objectif d’aligner les forfaits

journaliers des services de soins à domicile sur le forfait médian de soins constaté en 1995 et

actualisé des taux directeurs.

En 1995,le forfait médian était de 162,75F alors que notre forfait au SSADPA de Boën était

de 171,50F. En 1998, notre forfait a été actualisé de 1% par rapport à 1997, ce qui ne couvre

pas le GVT22 du personnel (poste qui représente 80% du budget).

Parallèlement l’incitation à l’amélioration de la qualité du service rendu se manifeste

dans les textes et au niveau des usagers.

Nous sommes donc confrontés à une double injonction, qui peut sembler contradictoire :

faire mieux et dépenser moins!

Cela conduit à nous interroger sur le lien entre activité, qualité et coût.

Il est facile pour un SSADPA de diminuer ses coûts , il lui suffit de :

♦ diminuer ses déplacements, en admettant des personnes sur un secteur plus restreint et en

refusant les personnes plus éloignées; le temps de déplacement est une source de coût

essentielle par l’intermédiaire du coût du salarié qu’il mobilise.

♦ diminuer le nombre de visites, en sélectionnant les entrées ayant un entourage actif ou

pouvant rémunérer des professionnels de l’aide à domicile en complément du SSADPA.

Mais alors qu’en est-t-il de notre mission de service public, sur un territoire donné,

garantissant l’accès des droits à tous?

20 Schéma Régional de l’Organisation Sanitaire21 Programme de Médicalisation du Système d’Information, indicateurs de gestion permettant de comparer lescoûts des établissements.

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Une autre solution consisterait à s’engager dans une démarche qui analyse finement l’activité

et la rende lisible, quantitativement et qualitativement à nos tutelles.

N’est-ce pas justement un des objectifs de l’accréditation ?

1.2.3. L’ACCREDITATION : UNE FORCE OU UNE CONTRAINTE?

Depuis juillet 1991, date de promulgation de la réforme hospitalière, un grand chantier

est engagé qui vise à réorganiser les mécanismes de régulation du système d'offre de soins en

vue d'une plus grande efficience. Au centre des préoccupations figurant dans la loi s'inscrit le

thème de l'évaluation des dispositifs d'offre de soins.

L’ordonnance n° 96-346 du 24 Avril 1996 portant réforme de l’hospitalisation publique et

privée institue la notion d’accréditation :

Art.750-5 : « Afin d’assurer l’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des

soins, tous les établissements de santé publics et privés doivent faire l’objet d’une

procédure externe d’évaluation dénommée accréditation.

Cette procédure, conduite par l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en

santé, vise à porter une appréciation indépendante sur la qualité d’un établissement

ou, le cas échéant, d’un ou plusieurs services ou activités d’un établissement, à l’aide

d’indicateurs, de critères et de référentiels portant sur les procédures, les bonnes

pratiques cliniques et les résultats des différents services et activités de

l’établissement.

La procédure d’accréditation est engagée à l’initiative de l’établissement de santé,

notamment dans le cadre du contrat qui le lie à l’agence régionale de l’hospitalisation

instituée à l’article L.710-17. Dans un délai de 5 ans à compter de la publication de

l’ordonnance, tous les établissements de santé devront s’être engagés dans cette

procédure. »

L’accréditation est une procédure d’évaluation externe à un établissement de soins,

effectuée par des professionnels, indépendante de l’établissement ou de ses organismes de

22 Glissement Vieillesse Technicité.

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tutelle, évaluant l’ensemble de son fonctionnement et de ses pratiques. Elle vise à promouvoir

une politique de développement continu de la qualité au sein de l’établissement.

L’accréditation c’est reconnaître à priori, et pour une certaine durée, qu’une entité qui

propose des soins, satisfait à suffisamment de critères correspondant aux références du

moment, et ceci afin de garantir de manière prévisible une certaine qualité de services rendus.

En ceci elle diffère de l’évaluation qui obéit à une logique de résultats explicites et répond à

une démarche d’observation ex post qui permet de mesurer les écarts entre un objectif chiffré

ou mesurable et un résultat obtenu.

L’accréditation a 4 objectifs :

n la mise en valeur de la qualité des soins par la mesure des résultats et par

l’évaluation des structures et processus;

n apprécier la capacité de l’établissement à continuer à prodiguer des soins de façon

régulière, à réviser et à améliorer son fonctionnement pour préjuger de

l’administration de soins de qualité;

n l’amélioration de la qualité des soins en mettant à la disposition de l’établissement

normes et mesures de performance validées;

n par l’auto-évaluation, par la visite accréditive menée par des visiteurs issus du

milieu professionnel, par les recommandations et leur suivi, cette démarche veut

favoriser l’amélioration de la qualité des soins.

Il s’agit d’une accréditation « à la française », avec ses spécificités :

L’Etat a pris l’initiative de légiférer ce domaine ... mais il a voulu affirmer

l’indépendance de l’ANAES23 chargée de la mettre en œuvre.

Les textes précisent que l’initiative de la demande doit venir de chaque

établissement... mais tous les établissements devront s’être engagés dans la procédure dans les

5 ans.

L’accréditation est un jugement indépendant du système de tarification des

établissements... mais l’obligation d’engager le processus peut se trouver conforté par le

contrat d’objectif signé avec l’agence régionale d’hospitalisation. Dans tous les cas le rapport

d’accréditation est toujours transmis à cet organisme.

23 Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé.

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Accréditer dans son origine étymologique signifie « donner du crédit ». Cela implique

donner de la reconnaissance et indirectement financer. Il s'agit donc d'un enjeu majeur pour

les acteurs.

Dans un environnement économique rendant nécessaire la maîtrise des dépenses de santé et

dans un environnement institutionnel de planification de l’offre de soins, l’accréditation

amène à s’interroger sur le deuxième enjeu qu’elle recouvre : accréditer dans l’objectif de

financer à moindre coût.

La seule certitude repose sur le troisième enjeu de l’accréditation : avant tout démarche de

recherche de qualité elle permet de mobiliser les différents acteurs autour de l’idée forte que

l’ensemble de la chaîne des prestations doit être organisée en utilisant les techniques de la

démarche qualité.

Comment se positionner face à cette accréditation ?

Adopter une attitude de repli et attendre les évaluateurs externes avec leurs propres normes,

leurs propres référentiels ou avoir une attitude d’anticipation, utiliser cette contrainte comme

une force, une opportunité, un instrument de qualité?

Je défends cette seconde voie : initier une politique qualité interne, une dynamique

mobilisatrice, une démarche volontariste, une stratégie d’anticipation qui de plus seront un

excellent gage de l’acceptabilité technique et culturelle ultérieure d’une évaluation externe.

Je m’engage à ce que le SSADPA soit à la fois acteur et auteur dans cette démarche en

construisant ses propres outils, ses propres référents.

« Nous devons accepter que la collectivité nous impose un niveau minimum de moyens,

d’expertise, de procédures, de résultats. Nous devons enfin ne plus craindre le regard de

l’autre sur ce que nous produisons. Nous deviendrons ainsi plus responsables et en même

temps plus libres, car alors nous n’aurons à être jugés que sur nos résultats. »24

.

Un important travail d’interrogation des normes, des référents et de lisibilité de nos

pratiques est à entreprendre. Cela sera l’objet des chapitres suivants mais auparavant tentons

de définir les concepts de qualité et de démarche qualité.

24 LETEURTRE Hervé et coll., « L’accréditation hospitalière, gestion et services de soins », Paris, BergerLevrault, 1996.

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1.3. LA DEMARCHE QUALITE, UNE STRATEGIE FACE ACES ENJEUX INTERNES ET EXTERNES

Je rejoins Frederik MISPELBLOM25 qui définit la qualité comme une construction

sociale et historique. L’analyse du mot « qualité » est intéressante car il y a plusieurs

significations implicites et beaucoup de représentations sociales autour de ce terme.

La première signification est scientifique et philosophique : la qualité est une manière d’être,

une caractéristique qui donne une identité à une personne ou à une chose. Mais il est

important de noter que les qualités des êtres et des choses ne sont pas intrinsèques, éternelles

mais sont fixées en fonction du regard qu’on porte sur eux, en référence aux théories

disponibles. La qualité existe toujours en situation, au sein d’une grille de lecture.

La deuxième signification relève du domaine juridique. La qualité désigne ici une condition

ou une fonction sociale, civile ou juridique, un statut social. Elle recèle donc des enjeux de

pouvoir, touche aux hiérarchies qui constituent une société.

La troisième signification est du domaine de la morale, de l’évaluation. Elle désigne la valeur,

les mérites, la perfection de quelqu’un ou quelque chose. C’est un jugement de valeur.

La qualité n’est pas une évidence, ne va pas de soi mais suppose une référence à des théories,

des valeurs subjectives et sociales. A mon sens aucun travail sur la qualité ne peut faire

l’économie de l’interrogation sur les valeurs, sur les références et cela sera un axe

important de mon travail.

Si le mot qualité est ancien les démarches qualité sont plus récentes et contemporaines.

Elles se sont constituées à partir des problèmes de non-qualité provoqués par la production de

masse.

Constituent-elles un néo-taylorisme ou une rupture avec le modèle taylorien?

25 MISPELBLOM Frederik, « Au-delà de la qualité. Démarches qualité, conditions de travail et politiques dubonheur », Paris, Syros, 1995.

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1.3.1. DANS L’INDUSTRIE, DE LA NAISSANCE DU CONCEPT A LAQUALITE TOTALE. QUELLE IDEOLOGIE DE LA QUALITE?

Avant l’industrialisation, l’exigence de la qualité se traduisait simplement par la

conscience professionnelle des « bons » travailleurs et artisans, provoquée par l’exigence des

clients.

Avec le développement de la fabrication en série, l’ouvrier n’est plus en contact avec le client

et la mesure de satisfaction n’existe plus, il travaille pour un employeur, il y a séparation entre

ceux qui fabriquent et ceux qui consomment.

Le système d’organisation scientifique du travail de F.W. TAYLOR a contribué à créer les

conditions nécessaires à l’apparition des démarches qualité. L’emploi d’ouvriers peu qualifiés

et ses conséquences : la séparation entre la conception et l’exécution , l’accentuation de la

spécialisation des tâches, conduisent au désintérêt des ouvriers pour les caractéristiques

finales du produit, créant une des conditions fondamentales de l’apparition des problèmes en

matière de qualité (décalage entre produit conçu et produit réalisé).

La vérification et l’inspection de la qualité, une des spécialisations parmi d’autres

systématisées par le taylorisme, consistaient à faire le tri à la fin du processus de fabrication.

Cette inspection va trouver dans les instruments statistiques le moyen de développer son

emprise non plus seulement sur la fin du processus de production, mais tout au long de celui-

ci. La maîtrise statistique de la qualité est née, permettant de vérifier et contrôler la qualité, de

repérer les variations dans sa conformité aux normes stipulées.

C’est alors que commence à s’élaborer un savoir, qui se veut scientifique, universel et

généralisable, systématique et méthodique sur la qualité. L’élaboration de ce savoir spécialisé

et l’apparition de spécialistes constituent la qualité comme terrain spécifique, autonomisé par

rapport aux autres dimensions de la production. Ces théories nomment et construisent

théoriquement, techniquement et socialement l’objet qualité.

Après l’âge du tri et du contrôle, la qualité évolue vers la prévention : des dispositions sont

prises systématiquement , dès la conception et dans la réalisation.

Pour pouvoir faire face à la compléxification des produits et systèmes, notamment

dans les domaines spatiaux et nucléaires, les Etats-Unis créent l’assurance qualité après la

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dernière guerre. Cette dernière se traduit par la mise en place d’une prévention systématique

des défauts à chaque poste de travail, grâce à une organisation rigoureuse et à une forte

« traçabilité » permettant une surveillance et une connaissance des causes des défauts.

Actuellement l’assurance qualité s’étend peu à peu à l’ensemble des secteurs économiques

avec la certification par rapport aux normes ISO26.

En parallèle les Japonais développent la prévention par la mobilisation du personnel :

cercles de qualité, TQM (Total Quality Management), démarches visant à faire participer le

personnel à la recherche de la qualité et l’efficacité à chaque poste de travail.

L’exacerbation de la concurrence mondiale avec la prise de conscience de

l’importance primordiale de la satisfaction des clients et des coûts engendrés par la non-

qualité au sens large (tout défaut de bon fonctionnement de l’entreprise) font que la qualité est

devenue une des préoccupations majeures du management des entreprises.

De plus en plus dans l’entreprise, on passe de la qualité du produit correspondant à une

norme, un standard, dans le but de la satisfaction du client au concept de « qualité totale »

centré sur les dimensions organisationnelles, le management.

Le management par la qualité désigne un mode de management intégrant la qualité de

chaque strate organisationnelle de l’entreprise. Il se préoccupe alors de façon systématique de

la qualité des structures, de la qualité de sa stratégie, de son management. Il élargit la notion

de qualité à bien d’autres domaines que celui du produit.

C’est un système de fonctionnement de l’entreprise fondé sur un principe clé : celui de

l’extrapolation des relations de type clients-fournisseurs à toutes les relations de l’entreprise

(ainsi toute personne, tout service, tout sous-ensemble de l’entreprise est à la fois le

prestataire et le récepteur d’un service, d’un produit).

26International Standards Organisation : fédération mondiale d’organismes nationaux de normalisation ayantpour but de contribuer au développement de la normalisation; les intérêts français y sont représentés parl’AFNOR.

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Dans cette conception, la ressource humaine et le fonctionnement interne deviennent les

facteurs stratégiques pouvant œuvrer pour la recherche de qualité, qui touche l’ensemble de

l’entreprise et nécessite l’implication de tous.

La démarche de qualité totale est une recherche de qualité dans toute l’entreprise, elle ne

s’applique pas seulement aux produits finaux mais à l’ensemble des produits ou services

intermédiaires réalisés au sein de l’entreprise. On ne vise donc pas seulement une qualité

externe mais aussi une qualité interne liée au fonctionnement global de l’entreprise.

Cette exigence de qualité à tous les niveaux et dans tous les secteurs interpelle l’organisation

traditionnelle du travail, source de dysfonctionnements; elle nécessite une modification des

pratiques et une transformation de la culture de l’entreprise classique.

Elle nécessite la valorisation des capacités de chaque acteur (conception contraire à

l’organisation classique taylorienne), la création de structures et de systèmes, de méthodes de

travail favorisant l’initiative et la créativité.

Il s’agit d’un management participatif qui promeut la délégation, l’autonomie des acteurs.

Celui-ci se traduit notamment par des actions et des processus de concertation et de

coordination, en particulier pour le choix des objectifs, la mise à disposition des moyens et le

contrôle de l’activité.

Le développement de la capacité de résolution et de prévention des problèmes, faire travailler

ensemble des fonctions, des services et des hommes, sont les axes privilégiés de ce type de

management.

Sur le terrain on peut assister à une hétérogénéité des démarches qualité : les

démarches de normalisation visant la certification, qui sont les plus répandues, et les

démarches de management global par la qualité où les préoccupations en matière de qualité

s’effacent au profit du management.27 « Finalement ce qui se joue sur le terrain de la qualité

dans les entreprises, c’est la question du taylorisme : son renouvellement ou son

dépérissement. »28

27 Parfois même, comme cela est le cas dans l’entreprise où j’ai effectué mon stage dans le cadre de la formationCAFDES, les deux types de démarche coexistent.28 MISPELBLOM Frederik, voir supra.

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La première tendance vise à accroître le contrôle des tâches, le renforcement du pouvoir

central, la conformité des normes, le développement d’une nouvelle morale du travail, la

seconde cherche l’enrichissement des tâches, à stimuler la créativité et l’initiative, la

responsabilisation et contribue à réellement changer le travail, aller vers plus de participation.

Le thème de la qualité n’est donc pas unique mais traversé de courants et conflictuel.

Comme l’analyse très bien Frederik MISPELBLOM29 les résistances rencontrées ne

s’opposent pas au but final qui serait un produit ou un service de meilleure qualité mais aux

conceptions du « meilleur » et au prix à payer pour y parvenir. Les antagonismes sociaux ne

cèdent pas devant l’idéal de qualité et ce que cet auteur appelle la « politique du bonheur ».

L’importation du concept qualité dans le domaine social est elle possible et

souhaitable?

Au regard de quels objectifs et sur quels critères évaluer les résultats dans le social?

Que signifie la qualité dans la prise en charge des personnes?

Qui veut-on satisfaire? Selon quelles normes de qualité?

1.3.2. DANS LE SECTEUR SOCIAL ET DE LA SANTE, DEL’EVALUATION A LA QUALITE

Depuis une quinzaine d’années, les rapports des établissements du secteur social et

médico-social avec les organismes de tutelle, les financeurs, les usagers et la société évoluent.

Les établissements doivent rendre des comptes, justifier de l’utilisation de l’argent de la

collectivité. L’utilité sociale des structures ne va plus de soi. Le public, les médias, les

tutelles, les usagers et les professionnels eux-mêmes leur demandent d’expliciter cette utilité

sociale et l’utilisation des fonds publics, conformément aux missions et aux objectifs fixés.

C’est le concept d’évaluation qui a commencé à émerger il y a une douzaine d’années avec

la loi 86-17 du 6 janvier 1986 adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de

compétences en matière d’aide sociale et de santé. Des critères d’évaluation des actions

conduites doivent être précisées par le schéma départemental et figurer également dans les

29 Voir supra

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conventions d’habilitation des établissements. Le domaine social doit donc prendre en compte

la nécessité d’évaluer les actions menées

♦ globalement dans le cadre du schéma

♦ individuellement au sein de chaque établissement, pour apprécier l’efficacité de la structure

en vue de l’améliorer .

L’objet de l’évaluation c’est de mesurer l’écart entre un objectif assigné à un moment donné

au regard d’un besoin et l’adéquation de sa mise en œuvre par une réponse adaptée.

Cette culture de l’évaluation rencontre des résistances dans le secteur, liées :

* au caractère subjectif de ce que l’on veut évaluer.

* à l’histoire, la culture et la crainte que l’évaluation ne soit qu’une forme nouvelle de

contrôle.

* aux considérations déontologiques, aux réticences à évaluer des actions qui relèvent

souvent de modes de relation avec autrui.

Or pour Amédée THEVENET30 « ...l’évaluation est d’abord un état d’esprit, celui de mettre

au premier plan la qualité des services rendus aux usagers et de mettre tout en œuvre pour la

réaliser et en vérifier régulièrement la réalisation . »

« Si seulement l’évaluation faisait que les usagers du service public demeurent au c œur des

préoccupations des services publics, ce serait suffisant pour sa légitimité et son efficacité. ».

La crise des années 1980 a fait apparaître de façon aiguë les problèmes et enjeux

sociaux auxquels avaient à se confronter les doctrines et les savoir-faire des institutions. Alors

les professions sociales se sont vues interpellées sur la qualité des actions qu’elles

engageaient ainsi que sur leur coût (faire mieux ou différemment avec les mêmes moyens).

Actuellement aucune obligation légale liée à la qualité ne concerne le secteur. Cependant au

regard des réformes dans le secteur sanitaire31, et des positions de la direction de l’action

sociale exprimées par rapport à l’actualisation de la loi de 1975, la volonté de développer une

évaluation externe de la qualité existe bien.

30 THEVENET Amédée, « Créer, gérer, contrôler un établissement social ou médico-social », Paris, ESF, 1993.,31 Voir supra, chapitre sur l’accréditation p.21.

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L’enjeu pour les professionnels n’est-il pas d’anticiper une telle évolution et de

développer une démarche propre à leur secteur, de sa définition aux conditions de sa

mise en œuvre?

En ce qui concerne le secteur sanitaire, trois mouvements majeurs se sont dessinés

autour de la qualité à l’hôpital.

Un premier temps qui est celui de l’évaluation de la qualité : les bases

conceptuelles ont été jetées dans les années soixante en distinguant trois niveaux d’analyse :

* les structures

* les procédures

* les résultats des soins

C’est une définition de la qualité qui caractérise d’une part la performance du professionnel

de la santé (décomposée en une dimension technique et une dimension relationnelle) et

d’autre part celle de la structure où sont délivrés ces soins.

Un second temps, celui de l’assurance qualité, avec une double évolution par

rapport à la simple étape d’évaluation:

* le caractère dynamique en engageant des dispositifs de surveillance amenés à

fonctionner régulièrement.

* les actions correctrices qui permettent d’assurer un niveau de qualité sont mieux

formalisées et interactives; elles reposent sur des critères de référence ou standards définis au

préalable.

Un troisième temps : avec la gestion de la qualité, il y a une certaine rupture

par rapport aux conceptions précédentes et une critique de ces dernières portant sur :

- l’oubli de certaines dimensions organisationnelles.

- le caractère trop normatif des méthodes employées.

- le caractère réducteur d’une approche centrée sur l’analyse de la pratique clinique

occultant les conditions d’organisation et de coordination des soins.

- le risque d’aboutir à des standards minimaux permettant de délivrer des soins de

qualité minimale.

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Un mouvement est donc né mettant en avant la notion d’amélioration continue de la qualité

et prenant en compte :

- l’usager; la qualité est ainsi perçue comme la meilleure adéquation entre l’offre et

les besoins de l’usager.

- la place importante accordée aux dimensions organisationnelles; pour qu’une

véritable gestion de la qualité s’opère, il est nécessaire de maîtriser l’ensemble des modes

d’organisation; la qualité devient même le principe d’action unique autour duquel l’ensemble

de l’organisation et de ses acteurs doivent se rassembler.

Pour atteindre ces objectifs il faut qu’il y ait analyse des processus existants visant à détecter

des dysfonctionnements. Cette phase de diagnostic s’effectue en groupe avec des méthodes de

résolution de problèmes et sert de support au changement.

On est donc passé - d’une orientation tournée vers le passé (inspection à posteriori) à une

orientation tournée vers le présent.

- d’un système plancher (conformité au standard minimal) à un système

plafond centré sur les besoins du patient.

- d’une vision spécialisée (les pratiques professionnelles) à une vision plus

élargie intégrant les facteurs organisationnels .

Comment le secteur qui est plus spécifiquement le nôtre, le secteur gérontologique,

s’est-il emparé de ce concept de qualité?

1.3.3. LA QUALITE DE VIE EN GERONTOLOGIE

L’émergence du concept de qualité de vie dans le secteur gérontologique, a été

influencée par l’éthique, la reconnaissance des droits et libertés des personnes âgées.

Ce concept vise à décrire les aptitudes d’un individu à fonctionner dans un environnement

donné et à en tirer satisfaction.

Il y a trois dimensions constitutives de ce concept :

* les conditions de vie objectives dans certains domaines (environnement, réseaux

sociaux) et la perception subjective (satisfaction) des conditions.

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* le répertoire des capacités, limites fonctionnelles et performances (réelles et perçues)

de la personne déterminant le degré de maîtrise de l’environnement et la capacité à remplir les

rôles sociaux.

* le sentiment de bien-être subjectif associé à des caractéristiques psychologiques.

Pour Bernard CASSOU 32, ce qu’il faut privilégier c’est la qualité de vie subjective, reposant

sur le vécu du sujet, en référence aux échelles de valeurs individuelles et non aux normes

culturelles et sociales.

L’approche la plus pertinente est celle plaçant l’individu au centre du processus

d’évaluation.

Alain VILLEZ 33, analyse comment la prévalence des préoccupations éthiques, basées sur la

reconnaissance des droits fondamentaux des personnes âgées, a permis une véritable

mutation, une révolution culturelle dans les établissements, comment on est passé d’une

logique de domination caractérisant l’institution asilaire à une logique de service avec la

contractualisation, l’individualisation des services rendus, la promotion de la qualité avec un

résidant partenaire.

Geneviève ARFEUX-VAUCHER34 responsable de la cellule évaluation à la Fondation

nationale de Gérontologie a mis au point une méthode d’évaluation de la qualité de vie dans

les institutions dont les principes de références renvoient à :

*la conception du résidant : le résidant est une personne; il faut reconnaître son rôle

social et réaliser l’intégration sociale de l’institution.

*la mission de l’établissement : l’accueil est une mission, il faut offrir un domicile,

accompagner.

*la dynamique institutionnelle : l’institution a un projet; il faut déterminer des

valeurs, des objectifs à atteindre.

Le projet de vie est donc un catalyseur de la démarche qualité :

*toute institution doit redevenir un lieu de vie (par rapport au primat du soin ), lieu où

l’on est soigné pour vivre et non pas où l’on vit pour être soigné.

32 Praticien chercheur à l’INSERM, « Evaluer la qualité de vie des personnes âgées : une entrepriseproblématique », Gérontologie et société, Juin 1995.33 Conseiller UNIOPSS, Gérontologie et société Juin 1995, « Du placement à l’accueil, du pensionnaire aurésidant, les établissements en marche ».

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*l’élément princeps est la dimension de la citoyenneté et de la dignité .

En résumé, ce qui est prépondérant dans la qualité de vie c’est la dimension subjective, la

perception du sujet et non l’analyse objectivante par un tiers.

Je propose donc d’enrichir la définition de la qualité avec cette dimension subjective:

La définition faisant l’objet d’une norme ISO présente la qualité d’un produit ou d’un service

comme « l’ensemble des caractéristiques qui lui confèrent l’aptitude à satisfaire des besoins

exprimés ou implicites ».

Pour un service ces caractéristiques « peuvent comprendre des aspects relationnels (accueil,

dialogue...), des conditions d’ambiance et de confort, des aspects liés au temps (respect des

horaires), des dispositions propres à faciliter la tâche de l’usager (formulaires simples...) »35.

Cette définition paraît toutefois incomplète car elle ne prend pas en compte la

distinction importante entre qualité perçue et qualité réelle. En effet une prestation de

service ne peut être appréciée intrinsèquement, elle est aussi appréciée de manière totalement

subjective au travers des systèmes de valeurs du bénéficiaire de la prestation.

Ne faut-il pas articuler la qualité offerte objectivable par référence à des normes

réglementaires ou professionnelles et la qualité perçue par l’utilisateur?.

Avec Hervé LETEURTRE36je pense que la démarche qualité doit s’appuyer à la fois sur des

standards professionnels (analyse objective ) et sur des perceptions d’utilisateurs (approche

subjective).

En dernière analyse la qualité d’un produit ou d’un service n’est bonne que si elle est jugée

comme telle par l’utilisateur, d’où l’importance des approches par l’objet (le produit ou

service) et par le sujet (consommateur).

34 ARFEUX-VAUCHER Geneviève,« L’évaluation d’établissement d’accueil : principes et réalités, gérontologieet société, Paris, juin 1995.35 CRUCHANT Lucien, « La qualité «, Que sais-je ? PUF, 1993.36 Voir supra p.24.

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La définition de la qualité devient donc : « ensemble des caractéristiques qui confèrent au

produit ou au service l’aptitude à satisfaire des besoins exprimés ou implicites et qui satisfont

effectivement le consommateur ».37

La démarche qualité initiée au SSADPA de Boën prend donc en compte cette dimension

subjective en l’intégrant dans l’évaluation, la construction des référentiels et aussi par le biais

de l’audit d’évaluation de la qualité auprès des personnes soignées.

Partir du point de vue du sujet âgé afin d’en déduire des améliorations continues de la qualité,

mettre l’institué au service de l’instituant, me semble primordial.

37 Hervé LETEURTRE, voir supra.

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2. ALORS QUELLE DEMARCHE QUALITE?

Les trois grands axes de cette démarche s’articuleront sur trois bords :

♦ La prise en compte de la dimension subjective et son articulation avec la dimension

objective.

♦ L’éthique support de la démarche et sa concrétisation dans la charte, référence pour

l’action. La démarche s’inscrit dans une dimension éthique, qui permet de nous interroger sur

nos valeurs et de déconstruire des présupposés.

♦ Le projet mobilisateur et fédérateur, dérivé lui-même de ces valeurs éthiques, forgeant

notre identité en interne et à l’extérieur.

2.1. LA PRISE EN COMPTE DE LA DIMENSION SUBJECTIVEPOUR UNE DYNAMIQUE QUALITE CENTREE SUR LAPERSONNE

Il résulte de tout cela que ma conviction, partagée par l’équipe, est d’initier une dynamique

qui mette la personne âgée au centre du dispositif. Pour ce faire nous nous engageons dans

une démarche qui prend en compte la dimension subjective, le sujet, ses attentes, sa

satisfaction, sa qualité de vie plutôt qu’une démarche normative, qui serait conformité à des

normes extérieures, objectives.

Comment l’évaluation que nous mettons en place va-t-elle prendre en compte cette dimension

subjective ?

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2.1.1. DES REFERENTIELS CENTRES SUR LA PERSONNE AGEE

Comme le démontre Charles HADJI38 l’évaluation est l’acte par lequel on opère une lecture

orientée de la réalité et elle implique un double travail de modélisation :

∗ Avoir une idée claire et précise des attentes en fonction desquelles il convient d’apprécier

l’objet, des critères (ce que l’on attend). Le référent (ensemble des critères) est à

construire et constitue en quelque sorte un modèle réduit de l’ensemble des attentes

sociales concernant l’objet.

∗ Prélever dans la réalité de cet objet des observations qui seront autant de signes attestant de

la réalisation des attentes (indicateurs). Le référé ainsi construit constitue un modèle

réduit de l’objet réel « lu » sous l’angle du questionnement découlant des attentes.

La construction du référent est prioritaire : si je ne sais pas ce que je suis en droit d’attendre

d’un objet je ne peux l’évaluer. L’observation est une opération seconde en référence à la

grille de lecture.

QUESTIONNEMENT ⇒ CONSTRUCTION REFERENT ⇒ CONSTRUCTION

REFERE

Prenons l’exemple de l’évaluation du domicile d’une personne âgée avant la décision

d’intervention.

Il y a un rapport particulier de tout individu à son habitat :

◊ habitat-habitacle, espace repère, support fonctionnel face aux handicaps (cécité, pertes de

mémoire)

◊ habitat-réceptacle des émotions où l’espace vécu constitue le support de la vie affective

dans tout le parcours de la vie.

◊ habitat prolongé sur le quartier, véritable lieu public des supports relationnels.

◊ habitat-repaire, espace intime, lieu des relations corporelles par rapport à la vie extérieure

qui peut être perçue comme dangereuse par projection.

38 HADJI Charles, « L’évaluation comme volonté de régulation critique », Revue Empan n°9, Toulouse,Octobre 1992.

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Ce qui à mon sens doit donc être pris en compte c’est l’adaptation de la personne à son

habitat, son vécu subjectif, au vu des critères mentionnés ci-dessus, ainsi que son libre choix

et non pas des normes extérieures, culturelles, projetées par les soignants, l’entourage ou les

travailleurs sociaux.

On voit se constituer une modélisation du mode d’habiter, une nosographie de « l’habiter

non-conforme » dont les indices sont les modalités de l’entretien, le type de sanitaire et de

chauffage et la nature même de l’habitation, son ancienneté, comme l’analyse Simone

PENNEC 39« La modélisation conduit à une intégration normative par un renversement des

perspectives où il ne s’agit plus de concevoir avec l’habitant les modalités d’amélioration de

son mode de vie mais bien plutôt de moderniser son cadre de vie en y adaptant ses propres

pratiques . Se profile ainsi un art du bien habiter auquel on est tenu de se conformer. »

Ce qui légitimera une action de maintien à domicile c’est la volonté, le désir de la personne de

rester chez elle, que l’habitat corresponde ou non à des normes. L’équipe s’adaptera et

proposera des solutions pour pallier les problèmes matériels (la bassine qui remplace le

lavabo, l’installation d’un lit au rez-de-chaussée ...). Mais souvent nous nous heurtons à de

l’incompréhension, voire de l’agressivité de la part du voisinage qui pense que « ce n’est pas

sa place ici », la bonne place étant la maison de retraite. Pour nous la « bonne place » est la

place que s’est choisie la personne et non pas celle que l’on veut lui assigner.

Il apparaît donc primordial de construire nos propres référents centrés sur l’usager et

de ne pas utiliser des référentiels externes issus d’une culture médicale qui exclue celui-là

même pour qui l’action est menée.

2.1.2. L’AUDIT D’EVALUATION DE LA QUALITE PERCUE

Comment prendre en compte cette dimension subjective qu’est l’appréciation du service par

le « client »? Après en avoir débattu longuement en équipe, il nous a semblé que le meilleur

outil d’évaluation de la qualité perçue est l’audit40, l’entretien direct avec la personne et son

entourage, leur écoute. L’enquête de satisfaction sous forme de questionnaire présentait

39 PENNEC Simone, « Mal logés, indices ou prescription, indicateurs ou prescripteurs »,Gérontologie et sociétén°52.

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l’avantage de l’anonymat, la confidentialité, pouvant libérer la parole des usagers, ainsi que

celui d’un traitement facilité et collectif (permettant des statistiques). Mais des inconvénients

nous sont apparus difficilement contournables, notamment le coté rigide et inducteur des

questions par rapport à un entretien plus ouvert.

L’audit comprend deux entretiens semi-directifs (utilisation d’une grille) : le premier a lieu un

mois après le début de l’intervention du service et porte surtout sur la procédure de

l’intervention, les attentes des personnes et leur satisfaction quant aux réponses fournies. Le

second a lieu deux mois plus tard et porte davantage sur l’évaluation des prestations et des

résultats obtenus.

Il est effectué par l’infirmière coordonnatrice qui présente l’avantage d’être au contact des

usagers mais suffisamment en recul pour ne pas influer affectivement sur le discours de la

personne. Une synthèse de chaque audit est faite en réunion pluri-disciplinaire et peut

permettre de réajuster le dispositif au cas par cas. La synthèse des audits est effectuée deux

fois dans l’année par les groupes de travail et influe sur la recherche d’une meilleure

organisation, sur le projet de service. L’usager devient ainsi porte-parole et participe à

l’orientation des pratiques professionnelles ; l’audit permet de partir de son point de vue

pour en déduire des améliorations continues de la qualité.

En troisième partie, dans le chapitre sur l’évaluation de la qualité je reviendrai sur cet audit

qui est un élément central de notre démarche qualité : critères, illustration de l’impact sur

l’organisation.

Cependant une question se pose : est-ce qu’en matière de santé et d’aide sociale la satisfaction

des bénéficiaires ne présente pas des limites ? Le client ne paie pas (financement par la

sécurité sociale) et sa satisfaction peut aboutir à une inflation de l’aide et du coût. Nos clients

ne sont pas les seuls bénéficiaires, les médecins prescripteurs, le financeur sont aussi des

clients à satisfaire. Demande et commande sociale viennent s’imbriquer et il nous faut les

articuler. La démarche qualité permet cette articulation en prenant en compte tous les

paramètres. James TEBOUL 41 nous indique que la solution c’est d’« évaluer la qualité en

40 J’emploie le terme d’audit dans son acception classique « procédure de contrôle des objectifs » (Larousse),qui vient du latin « audire »entendre, écouter.41 TEBOUL James, « De la qualité et de ses perversions », in Gestions hospitalières n°369, octobre 1997.

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prenant constamment en compte les quatre dimensions qui en déterminent la vraie valeur :

résultats, processus, satisfaction du client et coûts. »

Pour être complet il faudrait ajouter également que la garantie d’une bonne qualité repose

aussi bien sur la satisfaction du client que sur celle des intervenants, leur implication dans la

démarche.

Là aussi dimension objective et dimension subjective ont à s’articuler et se compléter : la

qualité technique, le savoir-faire (la compétence) et la relation humaine, le savoir-être ( le

comportement).

Si l’on peut maîtriser aisément la première, la seconde l’est plus difficilement. 42

De par ces notions de subjectivité, dimension humaine, valorisation du sujet, la démarche

s’inscrit dans une position éthique. Notre cheminement vers la qualité devient une démarche

éthique , basée sur la mise en commun et l’appropriation de valeurs fondamentales, références

de nos pratiques.

2.2. LE FONDEMENT ETHIQUE, FIL CONDUCTEUR DE LADEMARCHE QUALITE

La démarche en cours au SSADPA prendra donc en compte la subjectivité, la singularité et

sera centrée sur la personne. Or le discours dominant (politique et médical) place le plus

souvent l’être âgé comme un objet de soins et d’aide; nous verrons comment cette

construction d’objet s’est opérée et comment le concept de dépendance vient l’illustrer.

2.2.1. DE LA CONSTRUCTION DE L’OBJET « PERSONNE AGEE »

Comprendre pourquoi la variable âge a servi à caractériser à elle seule un groupe de

personnes dont la caractéristique commune est d’être âgées plutôt que d’être des personnes!

C’est à dire qu’à partir d’une variable unique, on a imposé l’idée que le groupe ayant en

42 Ce problème sera débattu en troisième partie

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commun cette unique variable était un groupe sociologiquement homogène et, de plus, un

groupe à risques ayant des problèmes identiques, les problèmes des « personnes âgées ».

Bernard ENNUYER 43 a contribué à comprendre ce qui a permis la construction de cet objet,

ce savoir, ces représentations de la personne « z » âgée, et de son groupe de référence « les

personnes âgées » et dans le même temps , à déposséder un certain nombre de gens

vieillissants de leur histoire et de leur moi propre, jusque et surtout dans leurs modes de vie

quotidiens.

Il repère d’abord une première construction d’objet dont sont responsables les

technocrates liés au monde politique ou administratif et dont l’apothéose sera la création en

1981 d’un secrétariat d’état chargé des personnes âgées : on fait sortir les « vieux » du giron

de l’action sociale générale pour en faire un objet particulier.

La seconde construction d’objet est celle dont est responsable la médecine. Elle a

opéré sur le champ de la vieillesse un double déplacement :

♦ confusion vieillesse et maladie

♦ constitution de ce qui fait son objet : la maladie et/ou la vieillesse comme

sujet de son discours et effacement de la position de l’énonciation du

discours qui est celle du malade et/ou du vieux lui-même. « Le vieux est

ainsi devenu l’objet d’un savoir en gériatrie et a été dépossédé de son “ je ”

de vieux, pour

récupérer un statut obligé de malade ou d’assisté. ».

De plus à partir du handicap indéniable de quelques personnes vieillissantes, on a assimilé

d’une façon générale vieillesse et handicap et donc fait de la vieillesse systématiquement un

déficit, une perte, un manque. On a donc connoté fondamentalement la vieillesse comme

négative.

Cette construction d’objet a lieu dans un espace de médicalisation du champ social. La

médicalisation implique un certain type de regard qui objectivise et modélise. Michel

43 ENNUYER Bernard, «L’objet « personne âgée », in « Etre vieux. De la négation à l’échange », revueautrement, série mutations, n°124,Octobre 1991.

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FOUCAULT44 montre comment la lecture médicale met le patient entre parenthèses : pour

connaître la vérité du fait pathologique, le médecin doit abstraire le malade, soustraire

l’individu avec ses qualités singulières .

Jusqu’au 18ème siècle la médecine s’est référée beaucoup plus à la santé qu’à la

normalité : elle ne prenait pas appui sur l’analyse d’un fonctionnement « régulier » de

l’organisme pour chercher où il est dévié, par quoi il est perturbé, comment on peut le rétablir,

elle se référait plutôt à des qualités de vigueur, de souplesse, de fluidité que la maladie faisait

perdre et qu’il s’agissait de restaurer.

La médecine du 19ème siècle se réfère plus en revanche à la normalité qu’à la santé.

C’est par rapport à un type de fonctionnement ou de structure organique qu’elle forme ses

concepts et prescrit ses interventions. Il y a bipolarité normal/pathologique, le normal étant

une positivité située implicitement comme une norme.

La médecine n’est plus seulement le corpus des techniques de la guérison et du savoir

qu’elles requièrent mais aussi une connaissance de l’homme non-malade et une définition de

l’homme-modèle. Dans la gestion de l’existence humaine, elle prend une posture normative,

qui ne l’autorise pas simplement à distribuer des conseils de vie sage, mais la fonde à

régenter les rapports physiques et moraux de l’individu et de la société où il vit.

Les concepts de dépendance et autonomie très utilisés en gérontologie illustrent très bien cette

représentation de la personne âgée.

L’autonomie est le droit pour un individu de se déterminer librement.

Capacité et/ou droit pour une personne de choisir les règles de sa conduite,

l’orientation de ses actes et les risques qu’elle est prête à courir. On est dans le registre

de l’éthique.

La dépendance est le fait qu’une personne n’effectue pas sans aide, qu’elle ne

le veuille ou qu’elle ne le puisse, les principales activités de la vie courante, physiques,

mentales, sociales, ou économiques. On est dans le registre des conduites plus

concrètes.

Il s’agit donc de concepts différents. On peut par exemple être dépendant et autonome.

44 FOUCAULT Michel, « Naissance de la clinique, une archéologie du regard médical »,Paris, PUF, 1972.

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Les termes perte d’autonomie et dépendance ne sont donc pas du tout équivalents. La

confusion est très souvent entretenue cependant comme pour signifier que lorsque les gens

deviennent dépendants ils n’ont plus leur mot à dire dans ce qu’ils veulent vivre et de ce fait

sont en perte d’autonomie.

Comme le dit Bernard ENNUYER45 « contrairement à l’opinion répandue, ce n’est pas la

dépendance qui, ayant prétendument pris naissance dans le médical - le vieillissement

biologique -, provoque la perte d’autonomie, c’est à dire l’incapacité, dans le domaine social,

de décider de son mode de vie, mais tout autant le regard social c’est à dire la production

d’interdits, la production de lois, de normes, que ce soit dans les pratiques quotidiennes, dans

les modes de vie, dans l’habitat, dans le système de relations sociales... »

La dépendance en tant que lien social est notre condition à tous; le fait de la circonscrire chez

les « vieux » serait une tentative inconsciente d’échapper à notre dépendance déjà présente.

2.2.2. DE LA MORALE A L’ETHIQUE : LA VALORISATION DU

SUJET

Pourquoi cette construction d’objet?

Pourquoi le sujet vieux n’a-t-il plus le droit de vivre avec son âge, et les risques qu’il veut

choisir, c’est à dire autonome, même s’il n’est pas capable de subvenir tout seul à ses besoins

quotidiens, ce qui est la définition classique de la dépendance.

On peut penser que le système social a par rapport à la vieillesse une position morale alors

qu’il lui faudrait une position éthique.

« Alors que le sujet moral doit se conformer à une loi préexistante...le sujet éthique ne se

constitue pas par son rapport à la loi sous laquelle il se range, mais à partir de l’élaboration

d’une forme de rapport à soi qui permet à l’individu de se constituer « comme sujet d’une

conduite morale »...L’éthique s’intéresse précisément aux conditions de cette production du

sujet...L’éthique ne révèle pas une figure du sujet en soi, précédant les conditions historiques

45ENNUYER Bernard, « La dépendance instituée » in Informations sociales Nov.1990.

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de sa réalisation, mais l’histoire du sujet. Elle montre comment dans telles ou telles

conditions, les individus deviennent sujets. »46

Avec une morale imposant des solutions et des modes de vie aux vieux nous sommes passés

dans le domaine de la vieillesse à ce que Michel FOUCAULT appelle l’ère d’un bio-pouvoir,

dont la conséquence est l’importance croissante prise par le jeu de la norme aux dépens du

système juridique de la loi : la personne (sujet) s’efface devant la « personne âgée ».

Est-ce que cette réification du sujet âgé ne s’origine pas dans les peurs de la vieillesse et de la

mort ?

Peur de la vieillesse conduisant ceux qui l’objectivent à une position d’extériorité.

La vieillesse est vécue comme dangereuse, il y a perte de ce côté dangereux en réifiant la

personne âgée.47

Les classifications en dénommant, désignant, créent l’exclusion .

Le terme « catégorie » d’origine grecque signifie « accusation ». Le « kategorikos » est

l’accusateur. Le verbe « kategoreô » veut dire à la fois parler contre (accuser) et rendre visible

(révéler). La catégorie, en ce sens, révèle le caché, dévoile un mystère. Elle rend visible la

faute, le handicap et le dysfonctionnement du système, mais en même temps, elle accuse,

montre du doigt, désigne un malade, un coupable. Elle risque par conséquent d’exclure

puisque désigner signifie « marquer d’un signe ».

On peut dire que la morale a une visée d’homogénéisation, de catégorisation, et de

désignation. L’hétérogène y apparaît comme un désordre par rapport à un ordre qu’il faut

maintenir, est analysé comme accidentel et doit rentrer dans les catégories de l’homogène. La

catégorie permet cette maîtrise, elle classe et organise les difficultés nouvelles pour les mieux

maîtriser.

46 Revue Autrement n°102, Novembre 1988 Pierre MACHEREY «Foucault : éthique et subjectivité».Voir également infra, p.47.47 Voir à ce sujet les travaux de Jean MAISONDIEU

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Il me semble que nous devons maintenant interroger ce concept d’éthique.

Etymologiquement, éthique vient d’« Ethos » terme grec, qui désigne d’abord les mœu rs, les

manières d’être dans un groupe déterminé par des valeurs et des normes.

Ethos a aussi le sens de singularité48, caractère propre. Dans cette acception il désigne la

marque distinctive, le signe singulier. L’éthos affirme le caractère unique de chacun. Dans

cette perspective l’hétérogène a une place privilégiée parce qu’il implique échappatoire,

paradoxe, rupture, rapport du même et de l’autre.

L’ethos est le champ même de la responsabilité éthique, non par rapport à un lieu ou à une

norme extérieure, ce qui est dans l’ordre de la responsabilité morale, mais par rapport à soi-

même, à ses intentions particulières, à son désir propre.

Pour Emmanuel LEVINAS49 l’éthique est le fond de l’être et le sens de l’être. L’éthique

signifie d’abord ce qui se passe dans le rapport d’un homme à un autre homme ou signifie le

passage même de l’humain dans l’homme en guise d’ouverture du moi comme même à l’autre

en son altérité. Une asymétrie essentielle est base même de l’éthique : non seulement je suis

plus responsable que l’autre mais je suis même responsable pour la responsabilité de tout le

monde.

La morale se définit comme des coutumes, des mœ u rs, des façons de faire (ce qui est bon ou

mal, ce qu’il faut faire et ne pas faire...). Elle constitue un ensemble de règles de conduite, un

système d’exigences régissant la conduite humaine. Elle fait d’abord appel à la soumission et

à la conformité. Est moral ce qui est en conformité avec les pratiques sociales codifiées (loi,

droit) et avec les « habitus » (manières de vivre non codifiées par les lois).

Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent elle a une visée d’homogénéisation, de

catégorisation et de désignation.

48Jean-Bernard PATURET, « l’éthique au c œ ur de l’action sociale », Les associations dans l’action sociale,Rennes, ENSP, 1997.49 LEVINAS Emmanuel, « Totalité et infini », La Haye, Martinus Nijhoff,1961.

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L’éthique quant à elle, est davantage envisagée comme une façon de penser, questionnement

pour le discernement, réflexion sur les conduites qui peuvent être prévisibles. Dans ce sens

elle est interrogative et non prescriptive comme la morale, le droit.

Paul RICOEUR50 distingue également éthique et morale, et réserve le terme d’éthique pour

tout le questionnement qui précède l’introduction de l’idée de loi morale et désigne par

morale tout ce qui, dans l’ordre du bien et du mal, se rapporte à des lois, des normes, des

impératifs.

L’éthique c’est la question du sens des valeurs, du sens de l’acte.

Au point où nous en sommes, je dirai que la position éthique conditionne tout le

processus de notre démarche qualité : interrogation des valeurs plutôt que conformité à une

norme.

Elle permet d’opérer le passage de l’implicite à l’explicite : lisibilité interne (travail en

commun sur les valeurs, le sens) et lisibilité externe (affichage de nos valeurs aux financeurs,

usagers, partenaires, environnement).

C’est la base de notre position d’accompagnement et de notre mode de prise en compte

(plutôt que prise en charge réifiant la personne).

Elle permet un questionnement permanent en interrogeant nos pratiques et elle permet de

penser au-delà de l’idéologie dominante, d’élaborer nos questions en dehors des réponses

préétablies. Cela passe par une déconstruction des représentations, des présupposés.

Elle permet de mobiliser les acteurs sur des références communes. La valorisation de la

personne âgée en tant que sujet est une valeur centrale, c’est à dire que l’attention à l’autre,

à sa subjectivité, à ce qu’il a de particulier, la reconnaissance de l’altérité radicale et

irréductible de l’autre seront la clé de voûte du projet.

Notre position éthique doit être lisible, affichée à l'intérieur et au dehors et la charte

me paraît être l'outil adapté pour atteindre ces objectifs.

50 Paul RICOEUR, « Avant la loi morale : l’éthique », Encyclopaedia Universalis.

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2.3. LA CHARTE : POUR UN ENGAGEMENT QUALITE

Afin d’expliciter nos valeurs et de formaliser notre engagement dans un cheminement vers

l’amélioration de la qualité du service nous avons conçu une charte en équipe. Il s’agit d’un

travail collectif ayant permis de s’interroger sur nos valeurs éthiques et déontologiques51, de

se les approprier mais aussi de se fixer des objectifs qualité, de s’engager pour nous-mêmes et

à l’égard de nos partenaires et bénéficiaires.

2.3.1. UN CADRE DE REFERENCE POUR L’ACTION

La charte s’inspire des principes généraux issus de la charte des personnes âgées dépendantes

de la Fondation Nationale de Gérontologie, qui elle-même s’inscrit dans une démarche

éthique.

⇒ Le respect de la dignité de la personne

⇒ La liberté du choix et du mode de vie

⇒ La reconnaissance de la citoyenneté en affirmant :

• sa liberté d'opinion

• son intégration sociale

• le principe de la responsabilité personnelle

Les principes particuliers de la charte se déclinent à partir des caractéristiques du SSADPA,

qui sont l’intervention à domicile (espace privé),et sur le corps humain (domaine intime), ce

qui induit des règles de conduites particulières :

⇒ Préserver les liens affectifs humains et matériels

⇒ Respecter l'histoire, le vécu, l'intimité et les habitudes de vie

⇒ Soutenir l'autonomie physique et psychique

⇒ Le secret professionnel

La charte sert de référence au projet et à l'action . Elle fixe des valeurs, des objectifs qui se

retrouvent dans le projet et dans l'action. Elle sert également de guide pour l'évaluation.

.

51 code des bonnes pratiques professionnelles

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2.3.2. LA COMMUNICATION EXTERNE DE NOTREENGAGEMENT

Si elle est point de repère pour les professionnels afin de protéger l’usager reconnu comme

sujet et le conforter dans ses droits, la charte que nous avons établie se veut aussi engagement

dans la qualité et communication à l’extérieur des principaux objectifs qualité du service:

• La garantie d’une réponse rapide.

• L’évaluation de la demande et la négociation d’un projet personnalisé.

• L’ancrage sur le réseau informel et formel.

• l’organisation de l’intervention sur mesure, en partenariat avec tous les acteurs,

dont la personne elle-même.

• Le suivi de l’intervention et son ajustement permanent en fonction de l’évolution.

• La garantie de la qualification, de la compétence par le recrutement et la formation

mais aussi du comportement, du savoir-être par la fonction de médiation du service

et les groupes de régulation.

• Le soutien des aidants.

Maintenant que nous avons listé les principes affichés de la charte, examinons les valeurs

centrales du projet.

2.4. LE PROJET CATALYSEUR DE LA DEMARCHE

Le projet sera entendu ici comme le sens, les valeurs, les objectifs qui guident l’action

et non comme les moyens qui seront vus en troisième partie.

Je suis d’accord avec la formulation de Jean AFCHAIN 52: « Un projet qui n’implique pas un

débat avec le système de normes présent, un projet qui se situe en aval comme exécutant de

règles préétablies, immuables et absolues, bref un projet qui suppose comme réglée la

question des normes, est un projet qui s'inscrit uniquement dans la reproduction au service de

l'ordre dominant. »

Je pense qu’un projet se construit à partir d’une mission sociale réinterprétée : elle ne peut

être la simple déclinaison de textes . Comme je l’ai indiqué l’origine du SSADPA est une

52 AFCHAIN Jean, « Les associations d’action sociale », Dunod, 1997

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fondation administrative et un travail d’explicitation de nos valeurs, nos engagements était

donc nécessaire.

Comme nous l’avons déjà suggéré, un projet se pense également à partir des représentations

réinterrogées que l’on se fait des usagers.

Mettre en œuvre un projet c’est se poser la question du pourquoi, quelles sont les valeurs

auxquelles on se réfère ?

Cette interprétation, cette interrogation soutient le travail de projet qui maintenant sera

exposé. Elle se fera autour de trois axes : la position d’accompagnement, la spécificité du

domicile et le travail en réseau.

Mais avant tout le projet est une démarche participative qui permet la mobilisation et la

fédération des acteurs sur des référentiels clairs et communs.

2.4.1. LA PARTICIPATION DES ACTEURS POUR UNE DEMARCHEDE PROJET

Comment associer à la réflexion l’ensemble des acteurs et comment organiser leur

participation a été le premier temps de la réflexion. A la suite d’une formation-action sur le

projet des commissions pluridisciplinaires de travail sur les trois thèmes annoncés plus haut

ont été créées, au rythme d’une séance hebdomadaire. Elles comprenaient des aides-

soignantes et la psychologue, salariées du service, et des intervenants extérieurs (médecin,

kiné, assistante sociale, responsable de secteur des aides-ménagères). Des bénévoles

s’investissant dans le maintien à domicile ainsi que la représentante des familles au conseil

d’administration ont pris part également aux commissions.

Un comité de pilotage regroupant des représentants des commissions, l’infirmière

coordonnatrice et moi-même, à raison d’une séance mensuelle, en a fait la synthèse et permis

l’écriture. Le déroulement s’est effectué sur huit mois.

Ensuite il a été validé par les instances représentatives de l’hôpital local, jugé cohérent

avec le projet d’établissement. (Ce dernier affiche comme priorité la mise en réseau des

ressources et la constitution de filières d’activité.)

Mon rôle a été d’insuffler une dynamique de projet et de favoriser la mise en travail

afin de parvenir à créer une communauté d’intérêts, une représentation collective au delà des

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stratégies individuelles. L’objectif affiché de qualité du service centrée sur le sujet âgé a

permis d’articuler des logiques parfois divergentes.

2.4.2. LA POSITION D’ACCOMPAGNEMENT, UN AUTRE REGARD

SUR LA PERSONNE AGEE : UNE RENCONTRE ENTRE

SUJETS

Le soin et l'accompagnement des sujets âgés constitue notre produit, notre raison d'exister en

tant que service. Le terme d'accompagnement a été retenu plutôt que démarche de soin qui

paraît plus restrictive et occulte toute la dimension sociale qui nous semble primordiale.

Le projet reprend les valeurs éthiques énoncées plus haut.

La personne est sujet de soins et non objet de soins. Il s’agit d’une prise en compte

plutôt que d’une prise en charge.

Le concept de « Sujet » est ici employé dans une acception propre à la philosophie

occidentale. Le sujet est ainsi défini comme « l’homme même en tant qu’il est le fondement

de ses propres pensées et de ses actions. Il est alors l’essence de la subjectivité humaine dans

ce qu’elle a d’universel et de singulier ».53

Etablir une relation intersubjective entre sujets soignants et sujets soignés est à la base de cet

accompagnement, c’est à dire qu’ils sont tous deux responsables, à des places différentes.

Considérer la personne comme sujet signifie l’appréhender comme une personne humaine à

part entière, avec une histoire, des désirs, des besoins, des doléances qu’elle doit pouvoir

exprimer et dont il faut tenir compte (ce qui touche à la dimension éthique des soins dans la

mesure où l’éthique est liée au sens de l’homme et à sa liberté). La vulnérabilité de la

personne âgée semble accentuer la « prise de pouvoir » par les soignants, qui eux-mêmes

peuvent chercher à la mettre à distance pour se protéger contre l’angoisse de mort.

Considérer la personne âgée comme un sujet vivant et désirant, comme un acteur

responsable, ce qui demande de porter un autre regard sur la vieillesse, la démence et les

mourants.

53 RUDINESCO Elisabeth et PLON Michel, Dictionnaire de la psychanalyse, Fayard, 1997, p.1030.

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Il s’agit d’accompagner la personne dans ce qu’elle peut encore faire, et non de faire à sa

place.

La contractualisation et l’individualisation du projet de soins et de vie dans cet

accompagnement permettent de conserver ou restaurer la dimension de sujet à la personne

âgée considérée comme partenaire, actrice des décisions et des objectifs la concernant.

Nous allons voir maintenant que l’accompagnement de la personne âgée est un service

compliqué, construit au cas par cas, nécessitant une analyse, une évaluation fine de la

situation.

En effet il faut entrer dans la « boîte noire » familiale, accéder aux arbitrages économiques et

affectifs, car c’est le plus souvent au détour d’une situation de crise, de rupture, révélée ou

causée par le problème posé par la personne âgée, que l’intervention se décide.

L’évaluation à domicile est garante d’une prescription cohérente : l’exploration du problème

de la personne, la coopération avec la famille qui se construira dans la durée à partir d’accords

consensuels et de règles éthiques, la construction du projet avec tous les intervenants.

L’introduction d’une personne étrangère amène un remaniement des relations familiales. A ce

moment, une réorganisation de la relation entre la personne et son entourage doit s’effectuer,

afin de donner place à un projet de travail centré sur la personne aidée et intégrant l’entourage

familial (enjeux de conflits entre une définition des compétences filiales innées et instinctives

et une professionnalisation qui vient remettre en question certaines manières de faire).

La mise en place des relations dans un cadre contractuel va redéfinir profondément les normes

relationnelles, rendre lisibles les objectifs, les rôles de chacun. Il y a réécriture du partage, de

la frontière entre espace privé et espace public au sein de la scène familiale.

Le soutien de toutes les formes de solidarité informelle fait partie du projet, de

l’accompagnement, du maintien du lien social.

C’est pourquoi il y a nécessité d’instances de régulation, de médiation pour faire face aux

difficultés relationnelles dues à cette spécificité du domicile.

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2.4.3. A DOMICILE : UNE RELATION SPECIFIQUE

En effet travailler à domicile présente des particularités.

De quelles représentations implicites est investi le domicile?

La forte qualification symbolique de l’habitat, qui identifie des relations corporelles,

familiales et sociales a été mise en évidence par Gaston Bachelard.54Il y a un rapport

particulier de tout individu à son habitat.

Une représentation est profondément enracinée en chacun de nous : le foyer demeure le

support de notre identité psychologique et de notre statut social, le lieu de notre

épanouissement personnel. Il relève de l’intime.

L'intervention à domicile questionne le rapport entre l'espace public et l'espace privé.

Le «chez-soi» est le lieu privilégié de l'expression, de l'affectivité, des interactions familiales,

des relations sociales, de l'intimité physique et il n'est pas neutre d'y entrer, d'y travailler.

Quelles logiques sous-tendent l’accompagnement à domicile ?

L'opposition entre hôpital et domicile renvoie au clivage entre sanitaire et social : le lit du

malade devient le lieu réel et symbolique où se confrontent des logiques, des organisations et

des intérêts financiers.

Pour Michel BAS55 le domicile comme nouvel espace social de la maladie et comme lieu de

vie du malade représente probablement une nouvelle irruption de la médecine dans le social et

non une victoire du social dans le champ de la santé.

Le domicile est le lieu de la constitution et de la pérennisation du lien social; ce lien social

construit autour du don avec la triple obligation de donner, recevoir, et rendre, présuppose et

organise les rapports entre individus.

La déshumanisation des rapports engendrés par la maladie et les modalités de sa prise en

charge a permis de réintroduire des pratiques centrées sur les milieux de vie. « Mais si cette

volonté aboutit à déshumaniser encore un peu plus la vie quotidienne sous prétexte de

socialiser la maladie en étendant la sphère d'activité de l'idéologie médicale de l'hôpital vers le

domicile du particulier, on n'aura fait que quelques pas en arrière.» 56

54 BACHELARD Gaston, « La poétique de l’espace, Paris, PUF, 1957.55 BAS Michel, « Le lit du malade », in Informations sociales n°23, 1992, «Le domicile».56 BAS Michel, op. cit.

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Comme professionnels nous devons donc nous fixer la responsabilité éthique de ne pas

importer des modèles qui déshumanisent, réifient la personne, lui imposent des choix de

l’extérieur.

Quel positionnement possible pour le professionnel intervenant à domicile?

L'intervention d'un professionnel dans cet espace très particulier peut induire un certain

nombre d'effets imprévus , déroutants et parfois non-maîtrisables. Par exemple il est maladroit

de n'appréhender le lieu d'habitation qu'en termes purement technico-matériels : hygiène,

salubrité, accessibilité...Elles n'ont leur importance qu'à la condition d'être articulées avec les

significations imaginaires qu'en donne l'habitant.57Tolérance et respect des valeurs de la

personne, de sa liberté sont les fondements de l'accompagnement que nous proposons.

Les populations prises en charge sont des populations vulnérables. Le professionnel remet en

question ce système de vie sociale à l'équilibre instable car il touche à la réalité intra-

psychique et à l'identité sociale de l'occupant.

Toute intervention implique une sorte d'intrusion dés que l'on touche à l'espace personnel, au

quotidien, et remet en question l'équilibre souvent précaire construit par les personnes.

Domicile veut dire en latin « la maison du maître ». Cela induit un positionnement de

l'intervenant totalement différent. Au domicile, à l'inverse de l'institution c'est l'usager qui

décide. Cela instaure une négociation permanente et la notion de contrat qui prend ici tout

son sens, les deux parties étant confrontées à un engagement.

Le domicile nécessite un mode d'approche et un mode de relation spécifique qui inclut à la

fois la proximité et la distance.

• Proximité de l'écoute et de la compréhension pour établir une relation de confiance.

Proximité induite par une relation de « corps à corps ».

• Distance nécessaire pour être aidant dans une relation professionnelle.

D’où la nécessité incontournable à mes yeux de travailler avec des groupes de régulation58 , et

de travailler en réseau, dans une logique partenariale.

57 Voir chapitre 2-1, p35 sur l’évaluation de l’habitat.58 Les groupes de régulation feront l’objet du chapitre 312.

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Dominique BROUGERE - Mémoire de l’Ecole Nationale de la Santé Publique - 1999

2.4.4. LE TRAVAIL EN RESEAU OU LA MISE EN SYNERGIE DESCOMPETENCES

Le réseau est d'abord constitué du réseau « primaire »59 c'est à dire la famille et

l'entourage.

On parle également de réseau informel par opposition au réseau formel constitué des

professionnels.

Mobiliser ce réseau, aider les aidants sont un axe important de notre accompagnement et un

élément important de la qualité de service.

Le SSADPA s'exerce à l'intérieur d'un système interactif à l'intérieur duquel des règles

doivent être respectées :

⇒ Les équipes de soins pénètrent à l'intérieur d'un domicile où la fonction soins est

déjà assurée soit par le conjoint, soit par ses substituts (famille, amis...). Respecter

les interactions existantes, essayer de les comprendre et de s'y adapter est

indispensable. Une négociation avec la famille est donc préalable avant toute

intervention.

⇒ Au travers de la fonction soins, des interactions vont également s'établir entre la

personne et l'équipe soignante, mais également entre l'équipe et la famille. Le

soignant a toujours deux interlocuteurs à entendre et à écouter : le bénéficiaire et sa

famille, d'où la nécessité de clarifier et de négocier les objectifs de soins avant de

les mettre en œuvre.

⇒ La fonction soins négocie des objectifs spécifiques aux trois pôles du système : la

personne, sa famille et l'équipe soignante. Seule une équipe travaillant

pluridisciplinairement pour arrêter et accepter les objectifs communs permet de

faire face aux risques de manipulation et d'interprétation du rôle de chacun de ses

membres.

59 « On appelle réseau primaire l’unité de vie sociale groupant des personnes qui se connaissent et sont unies lesunes aux autres par des liens de parenté, amitié, voisinage, travail ». Leurs caractéristiques sont de fluctuer dansle temps, d’être dynamiques, à la fois lieux de formation de l’identité personnelle et culturelle, espacesd’intégration entre le micro et le macro-social. Les liens sont basés sur la réciprocité, et non sur l’échangemonétaire, et sont de nature affective, positive ou négative.Réseau vient de « tissu »(tisser des liens) et de « filet » (effet tampon).

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J'ai opté pour que ces règles soient formalisées dans le cadre d'un contrat entre l'équipe, la

personne et son entourage, avant la prise en charge : le projet de soins individualisé.

Avec l'infirmière salariée du service nous effectuons au préalable les entretiens et les visites

d'évaluation nécessaire. Un pré-projet est débattu en équipe et proposé.

Le projet fixe les fonctions et les missions de chacun et l'organisation de la prise en charge.

Il fera l'objet d'évaluations avec les personnes concernées et l'équipe et se modifiera en

fonction de ces évaluations et des modifications pouvant intervenir dans la vie de la personne

ou de son entourage.

Mon rôle est également de veiller à ce que ce contrat soit conforme aux missions du service, à

notre projet et que l'organisation du travail qu'il induit soit compatible avec les ressources

matérielles et humaines dont nous disposons.

Ainsi nous atteignons bien l'objectif que nous nous sommes fixés : placer la personne au

centre du dispositif, individualiser le dispositif en fonction de sa singularité ; le service n'offre

pas une simple prestation de soins et d'aide mais a une fonction sociale et doit soutenir le

réseau d'aide informelle, agir avec mais pas à sa place. La personne et son entourage restent

acteurs et sont parties prenantes du dispositif.

Si un consensus, une adhésion de tous les acteurs sont recherchés avec le projet individuel

contractualisé, les situations de crise, de grandes difficultés, peuvent néanmoins survenir.

La famille est le lieu de l'apprentissage de l'amour et de la haine.60

Chaque étape de vie familiale appelle chacun de ses membres à renégocier ses dépendances, à

les gérer différemment, à rééquilibrer ou réinventer des relations d'aide nouvelles. Devenir

l'aidant du parent âgé est une inversion de rôle difficile à gérer.

Nous avons repéré différents scénarios où les relations s'expliquent par une intrication de

facteurs objectifs (contraintes dues à la dépendance) et surtout de facteurs subjectifs (la trame

affective qui s'est tissée au travers des jeux relationnels antérieurs détermine les réactions des

membres du groupe face aux difficultés de l'un des leurs) :

Source : « L’intervention des réseaux », sous la direction de Lia SANICOLA, Bayard, Paris, 1994.60 CF SIMEONE Italo, «Les affects de la famille : entre l’amour et la haine », in Gérontologie et société n°48,1989.

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♦ Parfois un système très fermé où la relation est exclusive, sans laisser de place à un

tiers, où l'aidant est dans une relation de devoir, de dette vis-à-vis du parent à qui il

doit tout. La conséquence en est une situation tendue, une grande fatigue morale.

♦ La situation de couple avec un phénomène de vieillissement en miroir difficile à

accepter, et une problématique relationnelle complexe sous-tendue d'affects

contradictoires, d'ambivalence.

♦ Des situations de tension permanente avec des efforts de mise à distance de la part

de l'aidant, une angoisse persécutoire : «elle me bouffe».

Jean MAISONDIEU61 explique certains comportements qui s'expriment dans ces moments

par la réalité de la mort . «Peut-on aimer quelqu'un qui va mourir? N'est-on pas obligé de le

haïr pour pouvoir s'en détacher?...On a tendance à fermer les yeux du vieux avant qu'il soit

mort et à le tuer symboliquement avant qu'il soit froid.»

Pour gérer ces situations difficiles, j’ai mis en place une vacation de psychologue qui a un

rôle d’écoute, de contention, de médiation auprès des familles. Des groupes de parole sont

également proposés aux familles qui le souhaitent : ils permettent l’expression des difficultés,

la rencontre avec des personnes vivant des problématiques proches, et l’acquisition

d’information sur des thèmes variés (la démence, la dépression, etc..). En cas de grande

difficulté nécessitant un suivi il est fait appel au secteur psychiatrique qui fait partie du

réseau secondaire dont il va être question à présent.

Il s'agit d'un réseau de proximité, assurant un continuum d'accompagnement individualisé où

chaque acteur doit trouver sa place, dans les domaines médical, social, culturel.

Si le maintien à domicile n’est pas possible sans un ancrage sur le réseau primaire, il en est de

même avec ce réseau secondaire, dont le SSADPA est le pivot. Rappelons que tels que définis

par les textes les soins à domicile comprennent les soins préventifs, les soins curatifs, les

soins palliatifs, la prise en charge du handicap mais aussi la coordination de tous les soins ou

aides complémentaires. C’est un axe central du projet du SSADPA, et de notre démarche

qualité que de développer ce réseau.

61 Jean MAISONDIEU «Peut-on vivre en sachant qu'on va mourir?» Grand âge et crises familiales BulletinCLEIRPPA, Mai 1990

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Le réseau nous permet d’avoir une démarche « transversale », de décloisonner les problèmes

car l’intervention de chacun est centrée sur la personne âgée, son projet. C’est l’instituant qui

est le fil conducteur, mobilisateur des énergies, et non la structure, l’institué.

Ce réseau représente tous les liens que nous avons tissés avec l’environnement. Si la

contractualisation avec les intervenants ou structures sanitaires allait de soi (infirmiers

libéraux, pédicures, kinésithérapeutes, centres hospitaliers, secteur psychiatrique, fournisseur

de matériel médical...), celle menée en direction du secteur social signe la singularité (et à

mon sens la qualité) de notre projet. La personne est un être bio-psycho-social et il ne faut pas

oublier cette dernière dimension , et ceci d’autant plus pour des personnes âgées se retrouvant

souvent en situation d’isolement, de solitude, suite à la perte d’êtres ou de rôles sociaux qui

les maintenaient dans une vie sociale. Le sentiment de solitude est souvent un motif d’entrée

en institution.

Un travail sur le maintien des liens sociaux nous a donc paru indispensable et a débouché sur

de nouveaux partenariats : avec le Centre social de la commune de Boën, nous avons bâti un

projet avec des bénévoles visiteurs à domicile que nous formons au SSADPA et qui peuvent

participer aux groupes de régulation ou aux réunions de synthèse. Avec la Fondation

Nationale de Gérontologie et la Mutualité Sociale Agricole nous avons également monté un

projet de stimulation de la mémoire. La FNG a formé deux soignants du SSADPA, la MSA

finance le programme.62

Ce qui me semble primordial c’est d’articuler les deux réseaux, formel et informel. Avec le

projet de soins personnalisé, et les réunions de synthèse pour en assurer le suivi ou

reformuler, réajuster les objectifs, nous associons l’usager, son entourage et les

professionnels. Tous sont partenaires et engagés vers le même but. Le risque serait de laisser

de côté le réseau primaire et alors l’effet escompté serait inversé : renforcement du pouvoir

des professionnels, diminution de la prise de responsabilité des personnes (ce qui va à

l’encontre de nos valeurs éthiques qui sont la valorisation du sujet et de son rôle d’acteur).

Le pourquoi, les principes éthiques, les valeurs fondant le projet et permettant l’évaluation de

l’action étant bien posés, je propose d’étudier maintenant le comment, la manière de faire.

62 Programme PAC EUREKA SENIOR.

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3. LA DEMARCHE QUALITE, COMMENT?

Comment commençons-nous à mettre en œuvre cette démarche qualité, cette

dynamique de changement, comment articuler les principes, les valeurs et la gestion,

l’organisation ?

Avec Henri VACQUIN 63 je pense que « ...la plus belle des techniques n’est pas indissociable

de la manière dont on s’en sert : le gros problème du changement est aujourd’hui dans la

manière de manager ces innovations, quelques qu’elles soient. ».

La réussite d’un changement relève moins de son contenu que des formes qui la portent. C’est

donc le processus, la manière qui façonne la dynamique de la démarche.

3.1. QUEL MANAGEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

POUR IMPULSER UNE DEMARCHE QUALITE?

A partir de nos spécificités au SSADPA :

◊ le domicile qui implique une certaine solitude des intervenants, ainsi que leur dispersion et

donc un besoin de référents solides et de tiers, de médiation,

◊ le travail en réseau, la transversalité,

◊ l’accompagnement et sa pénibilité physique et psychique.

Quels sont les principes et les grands axes de management qui vont en découler ?

Quelle position de direction cela engendre?

3.1.1. LE MANAGEMENT : QUELS PRINCIPES ?

Le verbe « manager » a été emprunté à l’anglais « to manage » en 1561, lui-même

emprunté à l’italien « maneggiare » dont le déverbal « maneggio » a donné manège. Il était

employé à l’origine en équitation au sens d’entraîner, diriger un cheval, conduire à la main.

Après l’application au domaine du sport il a commencé à s’appliquer à l’économie également,

en parlant de la gestion et de la direction d’un organisme.64

63 VACQUIN Henri, « Changer de changement », Revue de droit social, février 1990.64 Dictionnaire étymologique Le Robert sous la direction d’Alain REY.

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L’idée de manipulation (faire entrer l’autre dans sa volonté), la volonté de maîtrise et

donc la relation de pouvoir sont inscrites dès le départ dans ce concept. Peut-on parler de

management sans aborder la question du pouvoir et la conception de l’homme qu’il sous-

tend ?

• De la maîtrise à l’autonomie des intervenants, la fonction du tiers

La démarche qualité implique une certaine volonté de maîtrise des processus, en

amont, pour aboutir à une qualité du service rendu.

Mais cette « maîtrise » n’est pas une maîtrise à priori du dirigé. Comme l’écrit Henri

VACQUIN65 « si l’on veut qu’un individu mobilise son énergie, il lui faut dans l’organisation

un espace d’autonomie où il puisse faire à sa manière....Dès lors le management n’est plus

une affaire de maîtrise a priori des individus, mais de catalyse de la libération de leurs

énergies : le pouvoir de faire, au prix du deuil du pouvoir de maîtrise à priori. »

Il en ressort que le dirigeant doit être capable de vivre avec une part d’a-maîtrise délibérée et

d’autonomie du dirigé, et donc avec une zone d’incertitude, dans l’optique d’un management

reposant sur un modèle de l’homme holistique et interactif (où le modèle dominant de

l’homme est celui de l’acteur - au sens d’acteur social - dont la conduite est soumise à une

rationalité stratégique).

La responsabilisation, l’autonomie des intervenants est indispensable dans notre

secteur où les personnes travaillent seules à domicile et doivent faire face à l’imprévu, prendre

des initiatives.

Comment gérer cette zone d’incertitude et d’a-maîtrise ?

Je pense que tout ce qui fait « tiers » dans l’organisation, médiation, cadre, permet de gérer

cela, en donnant des repères, des référents et en développant la réflexion, l’auto-contrôle.

Je définirais le cadre comme des modalités d’organisation comportant des constantes

qui introduisent des repères au regard du déroulement d’un processus. Il permet :

L’instauration d’un espace-tiers, d’un espace de négociation avec des possibilités de

triangulation destinées à permettre aux interlocuteurs de réaliser leurs positions respectives.

L’élaboration d’un temps de réflexion entre l’observation et la décision.

65 Ouvrage cité supra

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Le passage de l’aléatoire à la logique, de l’arbitraire à la procédure, de la fantaisie à la

méthode.

Ainsi au SSADPA, le projet et la charte jouent ce rôle de tiers en instituant des

références claires, solides et partagées. Les procédures 66 et les groupes de régulation et

d’analyse de la pratique permettent également à l’intervenant d’être soutenu, valorisé, en

disposant d’un univers signifiant autour de lui.

• Le rôle actif des salariés : les groupes de travail

Le dirigeant doit savoir qu’il ne sait pas tout. Il a besoin des autres et de leur savoir.

S’il reconnaît ses propres zones d’incertitude, entendue comme l’aptitude à se saisir du savoir

de l’autre, il pourra mobiliser cette source de savoir et d’énergie du dirigé.

J’irai plus loin qu’Henri VACQUIN en disant qu’il ne suffit pas de considérer les

professionnels comme des ressources à mobiliser, motiver, impliquer... mais comme des

acteurs, agissant dans et sur l’organisation.

Au SSADPA, les salariés (et de plus en plus les partenaires) ont un rôle actif sur

l’organisation par l’intermédiaire des groupes de travail. J’ai mis en place ces groupes, à la

suite des groupes de projet, car je pense que c’est aux professionnels de construire eux-mêmes

leurs outils et d’infléchir l’organisation .

Une véritable démarche participative est mise en œuvre : permettre à tous les acteurs de

résoudre eux-mêmes les problèmes qui se posent autour d'eux et pour lesquels ils sont

compétents et concernés et de faire remonter tous les autres, engagement de chacun dans

l’action et dans le résultat, possibilité de dialoguer et d'infléchir l'organisation de leur travail,

leur reconnaître des compétences propres, les fédérer dans une dynamique permanente.

La méthodologie des groupes de travail se décline ainsi :

• Ils sont construits sur la base du volontariat, en fonction des thèmes travaillés.

• Leur composition : les salariés et partenaires intéressés par le thème. Y participent au coup

par coup, selon les besoins, des formateurs, des personnes-ressources, la psychologue,

l’infirmière-cadre et moi-même.

• Leur fréquence : au minimum une fois par mois pour chaque groupe.

• La désignation d’un porte-parole et rédacteur ayant la charge de suivre le déroulement du

travail et de le communiquer aux autres.

66 le chapitre 323 sera consacré à l’étude des procédures.

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• Le retour en grand groupe (ensemble des salariés et partenaires concernés) a lieu

ponctuellement.

• La validation est effectuée par moi puis par les instances de l’hôpital local.

• Le suivi, l’évaluation sont inscrites et prévues dans les procédures qui ne sont pas statiques

mais en capacité d’être réajustées chaque fois que la nécessité l’impose.

• L’objet des travaux : voir les étapes de la démarche qualité, chapitre 321p.63.

Mon rôle dans ce dispositif c’est de ne pas se prendre pour « la réponse » (celui qui a

réponse à tout ou qui a le pouvoir de répondre) et donc de clore le questionnement, mais

répondre de ce que toutes les questions puissent se poser, être la garante du questionnement à

tous les niveaux institutionnels.

C’est aussi donner les moyens de travailler, en proposant un cadre, une méthodologie, en

assurant les moyens matériels et en garantissant un climat propice au travail en équipe.

Animer et coordonner les groupes, arbitrer en dernier ressort. Et enfin c’est la vérification de

la conformité des propositions avec les ressources du service, les valeurs et objectifs définis

par la charte et le projet, et avec les objectifs qualité.

L’atout principal de ce fonctionnement c’est à mon sens le dynamisme, la mobilisation

qu’il a engendrés : le professionnel est reconnu, valorisé et responsabilisé comme acteur dès

la conception. Rôle qui enrichit le travail et incite à la créativité. Cela permet une réflexion et

un véritable partage des critères de travail, indispensables à un travail en équipe et à une

évaluation.

Chacun prend également conscience à la fois des contraintes et des opportunités et le fait

d’associer les partenaires réveille les complémentarités, les synergies.

Les difficultés rencontrées sont de l’ordre de la dynamique de groupe : il faut être

vigilant et développer le droit à l’expression des éléments les plus réservés, s’imposant plus

difficilement dans un groupe.

Un autre problème réside dans la difficulté de financer des temps de réunion surtout avec les

partenaires et le risque de restreindre le temps passé auprès des personnes aidées (ce qui

serait un élément de sous-qualité).

Je fais attention également à ce qu’il n’y ait pas un recours excessif à la formalisation, aux

procédures, ce qui entraînerait de la rigidité et serait incompatible avec la personnalisation et

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l’individualisation. C’est pourquoi il ne faut pas négliger le côté informel et articuler celui-ci

avec le côté formel.

• L’articulation du formel et de l’informel

Les contraintes imposées par les structures formelles se doublent de phénomènes

informels qui sous-tendent et structurent également le fonctionnement des organisations. Le

fonctionnement réel est l’articulation de ces deux facteurs.

L’acteur interprète, prend des initiatives car le règlement et les instructions ne prévoient pas

tous les détails de l’activité. Il n’est pas possible de toujours prévoir la conduite de l’individu

dans l’organisation puisqu’il l’ajuste constamment aux données et moyens dont il dispose et

aux contraintes qui s’imposent.

Et ceci est d’autant plus vrai si l’on travaille sur et avec l’humain : les soins relationnels dans

un contexte spécial, le domicile de la personne. Au SSADPA nous avons un référentiel

commun formalisé : le projet, la charte, les procédures67 qui structurent l’activité. Mais il y a

aussi tout ce qui est difficilement modélisable, car fonction de la personnalité, de l’interaction

entre individus et de la spécificité d’une situation. Si cette part de l’activité n’est pas

formalisée elle est cependant pensée, analysée dans le cadre des groupes de régulation68 et

permet un partage des expériences.

Nous aboutissons ainsi à un équilibre entre formel et informel, entre objectivation et

subjectivation (intimisation des relations), fonction et rôle, savoir-faire et savoir-être.

Travailler ce n’est pas simplement appliquer les règles, c’est les dépasser, les adapter au cas;

dans cette dimension c’est le style de la personne qui s’exprime, sa pertinence. Cette question

de l’originalité (resingularisation de la règle69), c’est le champ propre de l’autonomie du sujet,

ce par quoi il s’exprime. Là encore il s’exprime sur un fond de règles maîtrisées, qu’il fait

évoluer, voire remet en question, mais sur une base dont on s’est assuré qu’il la connaît.

Manager c’est aussi permettre que la mise en travail puisse se faire et donc que des

principes éthiques soient respectés afin de créer un climat de sécurité.

67 Ce sera l’objet du chapitre 323.68 Ce sera l’objet du chapitre 312.69 Expression de François HUBAULT, directeur du Département Ergonomie et Ecologie humaine, UniversitéParis I, in « La place du travail dans les processus de changement », Les cahiers du changement, n°1, Mai 1997.

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• Les principes éthiques

Le principe de visibilité est indissociable de la démarche qualité : transparence des objectifs,

des résultats, traçabilité. Mais la visibilité suppose un risque. Or ce risque ne peut être assumé

que dans un contexte intersubjectif de confiance (« dire ce qu’on va faire, faire ce qu’on a

dit ») et un climat de sécurité. La confiance repose sur des ressorts éthiques (respect de la

promesse, équité) et psycho-affectifs (reconnaissance).

« La confiance relève du respect de la promesse d’un jugement équitable sur la façon dont égo

opère son rapport avec le réel de la tâche. Ce jugement est équitable si les arguments pris en

compte portent effectivement sur le faire (l’activité) et s’ils ne sont pas distordus par des

arguments hétéronomes relevant de la stratégie d’autrui concernant le pouvoir et la

domination. Enfin l’enjeu de ce jugement est la reconnaissance et ses incidences sur les

attentes d’ego par rapport à l’accomplissement de soi, c’est à dire sur la construction de son

identité. »70

Une des manières de réunir les conditions éthiques et intersubjectives de la visibilité, la

confiance, la reconnaissance se retrouve dans la manière de considérer l’erreur.

Un principe important de la démarche qualité réside dans le fait que « la faute n’existe pas »,

ce qui permet d’évacuer les références moralisatrices et l’évaluation arbitraire. Devant une

anomalie, on constate qu’il y a quelque chose qui n’a pas rempli complètement son objet, on

enregistre une non-conformité, un dysfonctionnement que l’on va analyser.

« Les personnes ne sont pas inculpables mais impliquées dans une non-conformité que l’on va

corriger avec elles...On déborde du système carotte-bâton pour tenter d’objectiver les causes

et les effets d’un dysfonctionnement et déterminer une nouvelle « sécurisation » de la

procédure.....En « désaffectivant » l’intervention on déplace la question au niveau du

système, on neutralise la relation disciplinaire et on valorise la participation individuelle à la

réussite générale » 71

Dans ce contexte il est plus grave de ne pas pointer une erreur que de la commettre.

Au SSADPA le risque d’erreur le plus courant est l’oubli, la non prise en compte d’une

modification dans un protocole de soins. Ceci nous amène à prévenir ces anomalies en

70DEJOURS Christophe, « le facteur humain », Que sais-je?, Paris, PUF, 1995.71 BELET Nicolas, vers une démarche qualité dans le secteur social et médico-social?, CREAI, Bulletin n°6 bis,Juin 1997.

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travaillant sur le support des transmissions, le dossier de soins et donc la recherche de

solutions au niveau de l’organisation, ainsi la responsabilité de chacun est engagée.

Examinons plus précisément un des principes annoncés qui est le travail sur l’informel, le

relationnel.

3.1.2. LES GROUPES DE REGULATION : DU SAVOIR-FAIRE AU

SAVOIR-ETRE

L’objectif de ces groupes est de travailler sur la relation, l’informel : ce qui ne peut pas

être modélisé, standardisé car relevant du singulier, du subjectif, de l’intime. Une analyse et

un contrôle des phénomènes d’implication me paraît le meilleur rempart contre la pénibilité

psychique. Comment trouver la bonne distance relationnelle car se laisser toucher par la

souffrance , trop s’identifier peut amener à trop de proximité. Inversement l’insensibilité

conduit à trop de distance.

Pouvoir se référer à un tiers, une théorie, une grille de lecture permet de trianguler, médiatiser

une relation qui peut devenir trop fusionnelle avec son patient.

Exprimer son vécu permet de partager des situations difficiles avec le groupe et rompre

l’isolement de l’intervention à domicile. Le groupe de régulation remplit très bien son rôle

notamment pour les personnels accompagnant des personnes en fin de vie.

Outre cette fonction tierce, contenante, les groupes sont aussi des lieux d’analyse des

pratiques professionnelles. Ils permettent d’ajuster, de coordonner les interventions de

plusieurs intervenants. Par exemple avec une personne souffrant de confusion mentale ou

ayant des comportements agressifs il y a nécessité d’avoir un comportement identique ou

d’utiliser des techniques de reformulation pour désamorcer une situation difficile. Les

personnels peuvent expliciter, analyser, partager des pratiques et ainsi passer du savoir

(connaissance) au savoir-être, de la fonction au rôle. La compétence ne peut se limiter à la

qualification et elle se définit, s’acquiert en interne avec les outils institutionnels

« apprenants » que sont les groupes de travail, les groupes de régulation et les acteurs eux-

mêmes les uns pour les autres.

Les résultats après quatre années de fonctionnement sont probants : il n’y a plus

d’absentéisme lié à une charge psychique, relationnelle trop lourde. Les personnels sont plus à

l’aise dans leurs relations avec les personnes et sont moins démunies devant les situations

imprévisibles.

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A mon sens, cette instance est vraiment un instrument de qualité : elle améliore la qualité

relationnelle et donc la qualité de service rendu et elle satisfait nos clients internes que sont

les salariés car la démarche qualité vise à l’articulation des objectifs individuels et collectifs.

3.1.3. LE PROJET SOCIAL : L’ARTICULATION DES OBJECTIFS

INDIVIDUELS ET COLLECTIFS, LA NEGOCIATION OU LA

STRATEGIE DU «DONNANT-DONNANT».

Manager c’est identifier les zones de convergence mais aussi de divergence entre les

intérêts des acteurs, c’est intégrer l'ensemble des enjeux, lier les stratégies internes et externes,

chacune fournissant des buts et des contraintes à l'autre. Cela engendre au niveau de la

position de direction un rôle d'analyse des stratégies des acteurs, un rôle d'arbitrage et de

négociation.

Le but du projet social est d'articuler deux logiques : les aspirations du salarié et les

objectifs de la structure.

Comment développer des outils de gestion pour rendre le personnel le plus efficace possible

au regard des objectifs du projet tout en favorisant l’écoute des salariés pour pallier leurs

insatisfactions, leurs attentes et leurs inquiétudes ?

Du croisement de ces deux séquences naît le projet social qui s'inscrit dans une stratégie de

«donnant-donnant»: le projet social ne sera partagé qu'à la seule condition que celui-ci prenne

en compte au moins pour partie les attentes du personnel.

Au SSADPA nous sommes en travail sur la définition de ce projet social qui fera l'objet d'une

charte (actuellement seule une charte des temps partiels a été élaborée) et de contrats

d'objectifs appuyés sur un échéancier. Il repose sur une méthodologie contractuelle. Il permet

d’allier contribution (la coopération au projet collectif) et rétribution (le paiement, la

contrepartie).

La rétribution se décline:

• en termes de salaire, promotion,

• en termes de reconnaissance, valorisation

• en amélioration des conditions de travail et de vie.

Dans notre cas la rémunération n’est pas négociable : le personnel salarié relève de la

fonction publique hospitalière. Deux éléments permettent cependant d’« intéresser » le

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personnel : la promotion professionnelle et la prime de service. Cette dernière laisse une

marge de man œuvre : j’ai opté pour que l’évaluation du travail du personnel et l’absentéisme

soient des critères pris en compte pour établir le montant de la prime. J’utilise également le

levier de la promotion à un grade supérieur, dans la même qualification, en contrepartie d’une

implication efficace à notre projet de service.

La reconnaissance et la valorisation sont dynamisées par les groupes de travail, lieux

d’expression et de formation, de reconnaissance du professionnalisme de chacun ; je les

conçois comme des espaces transitionnels pour créer, s’impliquer. Le rôle de chacun est

valorisé également dans la conception de la relation client-fournisseur72et dans la démarche

qualité qui donne un sens à l’action de chacun. Tous les aspects du soin sont valorisés dans

une démarche globale qui n’est pas une succession de tâches répétitives. Enfin je favorise

l’émergence de personnes-ressouces, personnes référentes : agents ayant acquis des

compétences, de l’expérience à faire partager à nos partenaires.

Les conditions de travail et de vie sont améliorées par le biais des groupes de

régulation et la réflexion sur l’organisation du travail. Les salariés ont des marges de

man œuvre dans leurs horaires de travail à condition de respecter les minima, les quota

affichés dans la charte. Une négociation avec chacun a lieu afin de faire coïncider objectifs

individuels et collectifs.

La formation constitue vraiment un point de rencontre entre les objectifs individuels et

collectifs, en étant projet professionnel pour le salarié et projet pour le service.

L’évaluation du travail du personnel est aussi au carrefour de l’individuel et du collectif ; Je

pratique un entretien d’évaluation deux fois par an avec chaque salarié (avec l’évaluation de

la qualité de service il est le contrepoint de la responsabilisation et de la confiance) et qui a

pour but de fixer des objectifs et de vérifier les écarts avec ces derniers. L’écoute du salarié,

sa satisfaction et ses objectifs personnels mais aussi l’évaluation de sa performance, son

implication dans le projet sont les deux facettes indissociables de ces entretiens.

Dans un service comme le nôtre la garantie d’une bonne qualité repose aussi bien sur

la satisfaction du client final que sur celle des employés. Il m’incombe donc de les

responsabiliser non seulement en les rendant redevables de résultats mais en leur donnant les

moyens d’améliorer la qualité, ce qui implique un travail sur l’organisation et les moyens.

.

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3.2. L’ORGANISATION EN TRAVAIL

J’utilise le terme « organisation » dans deux sens : organisation du travail et

organisation comme entité, ensemble de personnes entreprenant une action collective à la

poursuite de la réalisation d’une action commune.

La démarche qualité me paraît être un outil transversal pour revisiter toute

l’organisation et la recentrer sur la personne âgée. Elle dépasse l’évaluation des effets produits

pour interroger plus largement ce qui met l’organisation en situation de tension dynamique et

d’objectif.

Voyons quelles en sont les différentes phases.

3.2.1. LES ETAPES DE LA DEMARCHE QUALITE

La démarche qualité est une forme d’adaptation de l’organisation qui met en jeu deux

éléments : la dimension politique (rendre lisible ce qu’elle est, fait, veut devenir) et la

dimension de la technicité ( adaptation à la qualité attendue et perçue en mobilisant les

ressources internes et externes).

Au SSADPA la première étape a consisté à travailler les « valeurs », les objectifs et à

acquérir des éléments méthodologiques.

Une première formation sur le projet a permis de s’emparer de la notion de projet et de

qualité de vie et d’amorcer le travail par groupes, commissions, avec une méthodologie.

Une seconde formation sur la démarche qualité nous a permis de nous interroger, en partant

de la définition de la démarche qualité, sur qui sont nos clients, quels sont les besoins à

satisfaire ?

72 Ce sera l’objet du chapitre 324p.69.

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Formation-action sur le projet Mars-avril 1995

Groupe de travail sur le projet :3 commissions : accompagnement Automne 1995

spécificité du domicile

travail en réseau

Validation du projet Printemps 1996

Formation action sur la démarche Qualité Automne 1996

Groupe de travail sur la charte qualité Printemps 1997

Validation de la charte Eté 1997 1997

La seconde étape a été centrée sur l’organisation, la formalisation et l’explicitation des

pratiques.

Groupe de travail sur l’admission Automne 1997

Groupe de travail sur le projet personnalisé d’accompagnement Fin 1997

Groupe de travail sur le dossier de soins, les transmissions Fin 1997

Groupes de travail sur les procédures de soins : les escarres Début 1998

Groupe de travail sur l’audit de la qualité perçue Début 1998

Groupe de travail sur l’organisation du travail Milieu 1998

Groupe de travail sur la procédure incontinence Milieu 1998

Groupe de travail sur la procédure mobilisation Milieu 1998

Groupe de travail sur les soins palliatifs Fin 1998

Validation des procédures

En parallèle à ce travail de formalisation, cadrage de l’organisation, les groupes de régulation

fonctionnent et permettent de travailler sur l’informel, le relationnel, l’humain, et d’analyser

les pratiques.

Ce travail a lieu en interne avec les salariés mais aussi avec nos partenaires

professionnels ou bénévoles qui sont conviés aux formations et aux groupes de travail, voire

peuvent être des membres-ressources actifs. Par exemple un kinésithérapeute a participé au

groupe de travail sur la mobilisation et a assuré la formation des aides-soignantes. Une

infirmière libérale ayant une expérience d’unité de soins palliatifs est venue enrichir notre

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travail de réflexion et d’élaboration, et des formations ont pu avoir lieu dans cette unité de

soins palliatifs.

La validation des procédures se fait selon les thèmes abordés auprès des différentes instances

de l’hôpital local.

La troisième phase sera l’élaboration de notre référentiel qualité : l’auto-évaluation de

la qualité du SSADPA, portant sur toutes ses fonctions, afin de se préparer à l’accréditation

en 2001.

Le souci de formalisation, d’explicitation ne doit néanmoins pas faire disparaître une qualité

essentielle, la souplesse, la flexibilité mais au contraire la développer.

3.2.2. LA SRATEGIE DU SSADPA : SOUPLESSE, REACTIVITE ET

FLEXIBILITE

Le SSADPA se veut une structure souple, pouvant répondre rapidement à la demande,

sur un territoire donné.

Il est de ma responsabilité que cette mission soit respectée en gardant au service son caractère

souple, réactif à la demande.

Le temps et son corollaire, l’ancienneté des personnels, ont tendance à rigidifier les structures,

les fonctionnements qui finissent par tourner sur eux-mêmes, pour eux-mêmes, leur finalité

évoluant souvent vers l’institué, au détriment de l’instituant, du vivant.

Pour éviter ce qui représenterait pour moi un détournement de logique, nous avons convenu,

après en avoir largement débattu avec le personnel et les instances délibératives, la conception

et la mise en place d’ un dispositif qui permet de rendre flexible en partie la structure afin de

lui garder sa qualité de réponse .

Ce dispositif est axé sur deux points essentiels, permettant la variabilité des charges de

personnel en fonction de l’activité :

♦ l’organisation du temps de travail

♦ l’analyse financière

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• Une organisation du travail flexible

Deux constats s’imposent à nous :

◊ Le temps passé par les salariés auprès des personnes pour les soins, l’accompagnement se

situe dans une fourchette horaire précise,

le matin de 7 h à 11 h

le soir de 18 h à 20 h

7 jours sur 7.

Ce temps est complété par les temps de transmission et de réunion.

◊ La demande et la charge de travail globale du service peuvent fluctuer au cours de l’année

avec des pics et des creux (pics correspondant à une forte demande avec des réactions en

chaîne se répercutant sur le secteur : hôpitaux cherchant des solutions pour les retours à

domicile des hospitalisés, libéraux débordés... ).

D’autre part notre financement sous forme de dotation globale est un système de forfait ( prix

de journée identique, quelle que soit la dépendance, la charge de travail et les soins prescrits),

les « plus légers » venant équilibrer les plus « lourds ».

Le temps de travail pour un salarié peut donc varier d’une semaine à l’autre.

Les outils que nous avons mobilisés pour faire face à cette activité spécifique et rendre

variable le temps de travail en fonction de la charge de travail globale du service sont les

suivants :

♦ le travail à temps partiel avec des jours non travaillés non fixes et pouvant se cumuler

♦ les heures supplémentaires

♦ les heures récupérées

♦ l’annualisation du temps de travail sous une forme adaptée

Ainsi un salarié peut travailler 5 heures (le minimum) ou 10 heures (le maximum) avec une

amplitude de journée de travail maximum de 12 heures.

L’organisation du temps de travail est anticipée et connue une quinzaine à l’avance.

Un suivi des horaires journaliers est tenu par chaque salarié.

La participation des salariés à la mise au point de cette organisation du travail permet sa

gestion et son acceptation ; elle a du sens car elle s’adapte aux besoins de la personne soignée.

Cependant un compromis reste toujours nécessaire. Il est donc recherché entre la satisfaction

des personnels et celle des usagers, les demandes individuelles et les contraintes collectives.

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En contrepartie, si une certaine variabilité a lieu pour mieux s’ajuster à la demande,

nous avons développé des outils de gestion pour que l’activité corresponde aux ressources

dont nous disposons et que nous ne pouvons rendre variables :

♦ Le suivi et la gestion du temps travaillé

♦ l’identification de la charge de travail

♦ la répartition des compétences entre salariés et libéraux

♦ le suivi des coûts 73

Comment cette flexibilité se décline sur le plan financier ?

• La variabilité des charges financières

Toujours pour éviter la rigidité et que la pérennité ne l’emporte sur le

mouvement, la réponse aux besoins, je distingue sur le plan financier les charges variables,

variant en fonction de l’activité, et les charges fixes moins dépendantes de l’activité. Pour le

budget prévoyant l’extension de 10 places, ce n’est pas le prix de journée multiplié par 10 qui

va augmenter le budget total d’autant , mais une analyse plus fine des charges, des coûts va

produire un nouveau budget. Cela conduit à tenir une comptabilité analytique, qui permet de

ventiler l’ensemble du budget en trois fonctions essentielles et d’en déterminer les coûts :

♦ Les soins (salaires du personnel soignant, actes des intervenants libéraux, fournitures

nécessaires aux soins...)

♦ Les déplacements (amortissement des véhicules, carburant, entretien, assurance,

indemnités kilométriques...)

♦ Les autres frais de gestion (salaires du personnel administratif, loyer, téléphone,

affranchissement, amortissement du matériel informatique, fournitures de bureau...)

Les deux premières varient beaucoup avec l’activité, la dernière varie peu. L’augmentation de

l’activité du service permet de rentabiliser les charges fixes.

Cette comptabilité analytique est un outil d’évaluation, un instrument d’analyse et un support

de décision. Les unités d’œuvre dégagées : coût du kilomètre, de l’heure d’aide-soignante

permettent de contrôler les dépenses, d’évaluer si telle ou telle admission est compatible avec

les ressources.

73 Quelques éléments de ces outils sont présentés en annexe n°3.

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Le but est d’utiliser au mieux ces ressources afin de répondre à la demande et de dégager le

plus de temps possible auprès des personnes.

C’est un outil interne (améliorer la visibilité ) mais aussi externe qui permet de négocier avec

les tutelles : savoir et faire savoir ce que l’on fait, pour qui, avec quels moyens.

Les procédures que nous allons étudier maintenant vont dans ce même souci de

formalisation et de visibilité.

3.2.3. LA FORMALISATION, L’ELABORATION DES PROCEDURES

Les procédures74 sont les voies formalisées et institutionnalisées par lesquelles les acteurs

accomplissent leur travail. Le travail sur les procédures permet de clarifier, d’expliciter

les modes d’action et les délégations, les responsabilités: qui fait quoi, comment?

L’objectif est l’élaboration d’un référentiel commun concernant un soin , une activité.

Le risque serait de tomber dans la standardisation à outrance. Une démarche cadrée

permet d’identifier certaines erreurs mais elle en laisse émerger de nouvelles : les mécaniques

répétitives finissent par s’enrayer. Enfermer la pensée dans un système rigide peut être

incompatible avec la souplesse et la personnalisation nécessaire à une intervention de

qualité. C’est pourquoi je pense qu’il faut articuler cette formalisation avec le travail sur

l’informel (les groupes de régulation) et je conçois les procédures plutôt comme un outil de

réflexion sur nos pratiques, un instrument dynamique, évolutif, centré sur l’amélioration de la

qualité des prestations, le passage d’une culture orale à une culture écrite.

Nous avons pointé certaines activités nécessitant d’être formalisées, l’admission (afin d’en

rendre lisibles les modalités et de lutter contre l’arbitraire) et l’audit de la qualité perçue 75et

surtout les activités de soins afin de garantir à l’usager les meilleures conditions de sécurité,

la meilleure prévention.

Au SSADPA, nous nous sommes inspirés des travaux de Jacqueline LEBRUN 76ainsi

que de la méthode de résolution de problème - « les 5 WHY » - pour élaborer ces procédures.

74 Procédure vient de « procéder »,exécuter une tâche dans ses différentes phases. C’est la méthode utilisée pourobtenir un certain résultat. (Larousse). La terminologie qualité (norme ISO 8402) la définit comme la manièrespécifiée d’accomplir une activité.75 L’audit est développé dans les chapitres 212 p.36 et 331 p.73.76 LEBRUN Jacqueline en collaboration avec Daniel FROMENTIN, Qualité des soins, une approche ISO 9000,Paris, Berger-Levrault, Juillet 1996.

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Cette démarche permet d’explorer toutes les dimensions d’une question donnée, c’est un outil

d’approfondissement, un canevas de réflexion guidant le traitement du sujet.

Les cinq questions suivantes sont posées pour la question à traiter :

Quoi ?le contenu, le définir, l’expliquer, en donner le sens et la philosophie.

Comment ? comment faire, les modalités pratiques

Quand ? le calendrier, la durée, la fréquence

Qui ? les acteurs concernés

Pourquoi ? la finalité, les objectifs recherchés

Nous avons construit les procédures autour de trois axes :

⇒ la description de la prestation, du soin comprenant la description du processus, la

procédure de réalisation, les modes opératoires, les acteurs concernés, le cadre réglementaire,

l’éthique, les délégations et les responsabilités, les ressources et les moyens, la validation.

⇒ le suivi et l’évaluation; la mise en place d’indicateurs de suivi de l’activité, des résultats,

des coûts.

⇒ le partenariat, la chaîne de soin; identifier les différents partenaires, les impliquer,

informer, travailler les modalités de réunion, transmissions, décisions.

L’élaboration se fait en groupes de travail, est retravaillée en grand groupe puis validée par les

instances de l’hôpital local : CHSCT, CSI, CA.77

Ce travail de réflexion, de recherche n’est pas un travail autarcique : il permet d’associer des

partenaires ; la formation, la collaboration, les personnes-ressources en sont les outils.

Il est très enrichissant, très impliquant pour les acteurs qui pensent et construisent eux-mêmes

leurs outils.

Prenons l’exemple de la procédure du soin d’escarre, afin de montrer comment nous

avons travaillé, ce que cela a apporté, les résultats.

L’escarre est une nécrose du revêtement cutané, due à une diminution de l’apport sanguin

dans une partie du corps, surgissant chez des personnes ayant une mobilité réduite. Elle a des

77 Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de travail, Commission de Sons Infirmiers, Conseild’Administration.

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causes multiples et sa prévention nécessite un travail d’équipe, une politique commune de

soins.

Les différentes étapes de cette élaboration ont été :

La formation-recherche en collaboration avec le service de gérontologie clinique du

C.H.U. de Saint-Etienne. ⇒Actualisation des connaissances et mise au point de protocoles de

soins en fonction de l’évaluation initiale (critères médicaux, psychologiques, sociaux)

La redéfinition des délégations et responsabilités entre médecin, infirmer, aide-

soignant. (relecture du décret du 15 mars 1993, relatif aux actes professionnels et à l’exercice

de la profession d’infirmière.)

L’élaboration du carnet de suivi individuel et mise au point d’un système d’évaluation

par la couleur :

♦ Evaluation de la personne selon le score de Norton par 5 critères : condition physique, état

mental, activité, mobilité et incontinence.

♦ Surveillance des apports hydriques et caloriques.

♦ Changements de position.

♦ Suivi du protocole78de soins d’escarres (quel produit utilisé, à quel rythme, dans quelles

conditions, avec quels résultats).

♦ Suivi de la plaie avec un système d’évaluation par la couleur. Cette évaluation colorielle a

été développée pour permettre aux différents soignants de parler un même langage et

suivre l’évolution de la plaie de façon visuelle et rapide, permettant ainsi d’ajuster le

protocole. La communication est ainsi simplifiée entre les différents intervenants.

Chaque couleur correspond à un stade d’évolution : la couleur noire traduit des tissus

nécrotiques; jaune, des tissus fibrineux; rouge, des tissus qui bourgeonnent; rose, la plaie est

en cours d’épithéllialisation. L’évaluation colorielle, qui passe du noir au rose quand la plaie

évolue favorablement, et du rouge au jaune lorsqu’elle s’aggrave, permet un suivi aisé de son

évolution. Cela évite d’avoir à se prononcer à partir d’une interprétation trop subjective.

L’utilisation du code couleur permet de faire le lien entre les intervenants (médecin, infirmier,

aide-soignant qui de plus ne sont pas toujours les mêmes à intervenir) et le patient qui peut

ainsi suivre dans un langage visuel très accessible l’évolution de sa plaie. Cela facilitera la

négociation du projet de soins avec lui .

La collaboration avec un fournisseur de matériel médical.(Essai de matériel anti-

escarres, évaluation).

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L’évaluation des coûts : comparaison des coûts des différents protocoles (soignant,

fournitures, matériel) .

Les résultats se font sentir depuis l’élaboration et l’application de la procédure :

l’amélioration des connaissances du personnel et de la coordination, du travail d’équipe grâce

au carnet de suivi, l’implication du patient et de son entourage par l’intermédiaire de ce

support.

L’amélioration de la prévention a permis de faire baisser le nombre d’escarres et se traduit par

l’amélioration du bien-être des personnes soignées.

Ces procédures améliorent le travail en partenariat car elles permettent une visibilité,

une explicitation des pratiques et ainsi tous les acteurs connaissent leur « partition ». Elles

prennent place dans une véritable chaîne de soins, en permettant à chacun de s’acquitter de sa

mission, chacun étant tour à tour client ou fournisseur des autres partenaires. Des dispositions

sont donc à prendre pour organiser les relations clients-fournisseurs et en améliorer la qualité.

3.2.4. L’ORGANISATION DE LA RELATION CLIENT-FOURNISSEUR POUR TRAVAILLER DANS LATRANSVERSALITE

Un des principes de la démarche qualité est de considérer que de la conception jusqu'à

la consommation la chaîne client-fournisseur est continue. Le client n’est pas seulement le

consommateur de la prestation mais aussi l’utilisateur interne d’une étape de production ou de

service. En interne les opérateurs sont bien clients des collègues intervenant sur la phase

précédente et sont bien fournisseurs de ceux situés sur la phase suivante ; le client est le

groupe demandant ou utilisant un service fourni par un autre groupe, le fournisseur est

l’interlocuteur du client, celui qui est en mesure de proposer le service dont il a besoin.

A chaque étape le client interne a des attentes à satisfaire. Cette identification des binômes

client-fournisseur permet l’optimisation des outils d’appréciation de son propre travail et

entretient un réflexe de service à tous les échelons. C’est un outil pédagogique et un outil de

qualité dont les objectifs sont :

78 Le terme « protocole » est plus restrictif que « procédure ». C’est l’ensemble des règles, des conditions pourexécuter une activité, alors que la procédure implique l’ensemble des activités.

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♦ l’identification des clients et des fournisseurs ;

♦ la clarification des missions de chacun : quelles sont mes exigences vis-à-vis de

mes fournisseurs et quels sont les besoins de mes clients ?

♦ la responsabilisation des acteurs aussi bien sur le volet fournisseur (qualité de

service) que sur le volet client (interrogation des contraintes).

♦ l’effort de communication : écoute et connaissance réciproque.

Cette relation client-fournisseur engendre des relations différentes des relations de pouvoir,

hiérarchisées, au profit de relations contractualisées, chaque maillon de la chaîne de soins

étant complémentaire, interdépendant, partenaire interchangeable au service du client final lui

aussi partenaire.

• Le partenariat avec la personne et son entourage autour du projet

contractualisé

Dépasser la notion de relation d’aide, qui comporte en elle des éléments de sujetion, pour

entrer dans une logique de partenariat signifie d’accepter l’individu âgé dans sa position de

sujet déterminé par son histoire, son milieu, son identité ; il devient alors l’alter ego des

professionnels et retrouve un libre arbitre et une place d’interlocuteur direct. Cela se décline

sur le terrain par la contractualisation d’un projet.

C’est aussi accepter de laisser chacun à sa place, réduire les effets des relations de pouvoir qui

peuvent s’exercer de la part d’un système sur un autre (sphère familiale et sphère

professionnelle), admettre l’interdépendance.

Un des moyens utilisés au SSADPA pour maintenir la personne dans son rôle d’acteur est le

pictogramme79. Les soignants définissent avec les personnes les objectifs prioritaires de soins

et d’autonomie. En effet les tentatives de stimulation sont vouées à l’échec et peuvent même

devenir persécutoires si l’objectif n’est pas partagé par la personne concernée.

79 Ce pictogramme figure en annexe n°4. Nous l’avons adapté après en avoir pris connaissance par les travauxde Louis DEYMIER, « La dynamique qualité : pour replacer la personne âgée au c œ ur de l’action d’unSSIDPA », mémoire CAFDES, Rennes, 1997.

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Les objectifs des soignants doivent rencontrer ceux des « soignés », s’ancrer sur la réalité, la

qualité de vie telle qu’ils la conçoivent.

• L’identification du système relationnel, le développement du réseau

Pour construire le réseau nécessaire à un accompagnement global, coordonné, il faut lutter

contre le cloisonnement des institutions et des services, les inévitables corporatismes.

Une pierre d’achoppement des services de soins à domicile réside dans la nécessité de faire

travailler ensemble salariés et libéraux. Comment faire converger des professionnels ayant des

logiques divergentes?

Le premier travail à été de comprendre ces antagonismes afin de construire à partir d’eux et

non pas de les gommer, ou de passer outre.

Des entretiens entre les libéraux et l’équipe ont permis de déterminer les besoins et les

attentes de chacun et de repérer des points de convergence, ce que chacun peut exiger et

apporter dans le cadre d’une relation client-fournisseur.

Comment se positionne l’infirmier libéral ? Il a besoin de fidéliser sa clientèle car il est en

situation de concurrence avec les autres intervenants sur un même marché. Le critère de

rentabilité est inscrit dans sa pratique, car il est payé à l’acte et non en fonction du temps

passé : les patients nécessitant des soins importants de nursing demandant du temps ne

l’intéressent pas financièrement. Il n’a pas de lien de subordination avec le service mais un

lien contractuel, d’où une relation de négociation permanente.

Qu’est-ce qu’il attend du SSADPA?

Un travail d’équipe

Un réseau , la formation

La prise en charge des patients lourds

Le maintien à domicile et donc la fidélisation de la clientèle

Qu’apportent les intervenants libéraux au SSADPA ?

Une souplesse horaire

La proximité géographique

La connaissance du patient et de son entourage

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Une technicité et une complémentarité

Quels sont les besoins de l’équipe salariée ? Elle a une mission de service public, sans critère

de rentabilité mais avec un critère d’efficience et un objectif de qualité du service rendu.

Il a fallu se connaître et pour cela identifier nos champs respectifs, clarifier nos positions et

besoins avant de pouvoir réellement travailler ensemble et trouver des points commun,

s’entendre sur un projet, une démarche qualité.

• La méthodologie, les outils : dossier de soins et réunions de synthèse

Le dossier de soins au domicile du client est un outil permettant la circulation des

informations entre tous les partenaires. Les transmissions sont un élément-clé du travail de

soins à domicile et elles nécessitent un support performant. C’est pourquoi elles ont fait

l’objet d’une procédure et un véritable dossier de soins a été mis en place. Il permet

d’optimiser l’accompagnement tel qu’il a été défini par notre projet et d’assurer le suivi du

projet individualisé. Les salariés et quelques partenaires l’ayant conçu, il a fait ensuite l’objet

d’une campagne d’information auprès de tous nos partenaires, ce qui explique qu’il soit bien

utilisé.

Les réunions de synthèse ont pour objet de définir les bases du projet individualisé ou de

réajuster ce dernier, de vérifier si les objectifs sont atteints. Elles se font fréquemment au

domicile du patient avec les acteurs référents participant au projet.

D’autres réunions entre professionnels seulement ont lieu une fois par mois pour faire le

point sur chaque accompagnement.

Le processus est sous-tendu par la position éthique déjà énoncée80 : tout faire pour que

l’usager-client soit au centre du dispositif et maître de ses décisions. Le risque serait que le

réseau renforce le pouvoir des professionnels en augmentant le contrôle social et en diminuant

la prise de responsabilité des personnes et de leur milieu par rapport à leurs problèmes.

C’est pourquoi l’évaluation, et notamment celle qui est faite par les usagers, est une nécessité

incontournable.

80 En seconde partie.

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3.3. UNE NECESSITE : L’EVALUATION DE LA QUALITE

L’audit auprès des personnes elles-mêmes sur leur satisfaction est un élément

important de cette évaluation de la qualité. Il permet de prendre en compte l’aspect subjectif,

d’être à l’écoute du client (audit vient du latin « audire » qui veut dire entendre, l’auditeur est

la personne qui écoute). Dans la première partie de ce chapitre nous expliciterons notre

méthodologie et l’impact de cette écoute client. Mais comme nous l’avons vu précédemment

le client final, s’il est celui vers lequel convergent tous les efforts qualité, n’est pas le seul : il

y a aussi les clients internes (salariés, partenaires) et les clients payeur et prescripteur, avec

des logiques différentes à articuler.

L’évaluation de la qualité doit porter sur l’ensemble des paramètres, être un véritable

référentiel qualité, une évaluation interne nous préparant ainsi à l’évaluation externe que sera

l’accréditation.

3.3.1. L’ECOUTE-CLIENT, ELEMENT CENTRAL DE CETTEEVALUATION

Il s’agit d’un entretien sur la qualité perçue par le client.

Quels sont pour lui les critères de qualité ou de non-qualité ?

Quel est son niveau de satisfaction par rapport à l’accueil et l’admission, aux intervenants, à

la coordination, aux transmissions, au projet individualisé, etc.. ?

L’entretien est mené par l’infirmière cadre, salariée du SSADPA, à l’aide d’une grille

d’entretien et en utilisant la méthode de la reformulation empathique. L’objectif est d’écouter

la personne, comprendre sa logique (en oubliant temporairement notre logique

professionnelle) et de noter ses mots, collecter sans interpréter à l’état brut la perception

qu’elle a du service rendu et de ses attentes, ses souhaits.

Prendre en compte son appréciation, sa vision des choses. Le danger serait à mon sens de ne

voir dans l’évaluation que l’écart entre le projet et sa réalisation, une appréciation objective du

professionnel avec le risque d’oublier l’usager.

C’est ce qui va différencier démarche qualité et évaluation classique : l’intégration du

bénéficiaire dans la mesure du service rendu, la capacité à déterminer la qualité non plus

seulement à partir des seuls référentiels internes, mais dans le cadre des systèmes d’évaluation

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des autres. Se décentrer et se recentrer sur l’usager. Aller vers un système d’évaluation qui

intègre la complexité et mette en jeu une multiplicité d’acteurs.

Les résultats de l’entretien sont analysés individuellement en réunion de synthèse et

sont utilisés pour réajuster le projet individuel de la personne. Mais ils sont aussi traités

collectivement et analysés par moi-même et les groupes de travail afin de pouvoir agir sur

l’organisation. C’est ainsi que prenant en compte les réflexions sur les horaires, nous avons

mis en place une sixième tournée le matin.

En effet dès le traitement des premiers entretiens nous avons pu nous rendre compte du hiatus

existant entre l’appréciation des professionnels et celle des usagers. Un élément repéré de

non-qualité était souvent pour eux l’intervention d’un professionnel dans une plage horaire

vécue comme trop tardive. Nous avons donc travaillé sur une organisation du travail excluant

toute intervention non souhaitée par la personne après 11 heures du matin; une réorganisation

des temps partiels nous a permis de créer une tournée supplémentaire, diminuant ainsi les

temps de travail du matin pour chaque salarié.

Nous obtenons ainsi une boucle de la qualité, une articulation entre l’évaluation des

professionnels et celle des usagers-clients.

VISION DU CLIENT VISION DES

PROFESSIONNELS

Qualité attendue Qualité conçue

Audit Evaluation

objective

Qualité perçue Qualité servie

Une dynamique de bouclage va permettre le réajustement du projet individuel et du projet de

service : la fin du processus en nourrit le début.

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Les critères de l’entretien de satisfaction figurent en annexe.81

Ainsi avec l’audit auprès des clients que sont les usagers et leur entourage, nous prenons en

compte leur satisfaction pour modifier l’organisation.

Pour ce qui est des clients internes, l’écoute est réalisée par le biais des entretiens d’évaluation

et par la négociation permanente entre les objectifs individuels et ceux du service. A travers la

relation client-fournisseur, les besoins et les attentes de chaque partenaire sont ainsi mieux

entendus.

Mais qu’en-est-il de la satisfaction de notre financeur ?

3.3.2. EN PERSPECTIVE, LE REFERENTIEL QUALITE

J’ai entrepris de gros efforts de visibilité tant en ce qui concerne les coûts (comptabilité

analytique) que la qualité (formalisation du projet, des procédures...) dans une visée aussi bien

interne qu’externe afin de pouvoir mieux expliquer aux tutelles, par une argumentation

détaillée et expliciter le lien coût/qualité.

Mais il me semble qu’il faut aller encore plus loin et pour se préparer à l’accréditation, qui est

une évaluation externe, entreprendre une auto-évaluation de tous les processus qui conduisent

à un accompagnement de qualité.

Nous réfléchissons actuellement en équipe à la construction d’un référentiel qualité, à la

méthodologie.

Il permettrait un suivi de toutes les activités, l’évaluation de l’existant et les objectifs à

atteindre dans les domaines suivants, sous la forme de tableaux de bord :

Accueil Admission

Projet de service Projet personnalisé

Charte Dossier de soins et de transmissions

Procédures Groupes de travail et de régulation

Audit de la qualité perçue par les usagers Satisfaction du personnel

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Coordination Analyse des coûts

Ainsi nous élargissons la notion de qualité à bien d’autres domaines que le seul produit final

(le service rendu, l’accompagnement) pour prendre en compte également la qualité interne,

les clients intermédiaires, les dimensions de l’organisation et son management.

81 Annexe n°5.

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CONCLUSION

Ma priorité actuelle , dans ma pratique de direction, est de contribuer à une définition

de la qualité et à sa mise en œuvre.

Je conçois ma responsabilité dans le sens étymologique de « répondre ». « La responsabilité,

c’est la réponse. Spondio, spondere, se porter garant, promettre, s’engager. Pour l’autre, et

devant la Loi, c’est-à-dire la communauté des Autres ». 82

Répondre devant l’Autre, l’usager-client, s’engager à répondre à ses attentes et à améliorer la

qualité du service rendu. Répondre devant la communauté des Autres, l’environnement social,

qui ajoute la notion de coût à celle de qualité et l’efficience des ressources allouées.

En effet, on peut toujours améliorer la qualité, si on ne se préoccupe pas des coûts et on peut

toujours baisser les coûts, si on ne se soucie pas de la qualité.

A mon sens, ma responsabilité de direction se situe bien dans cette double appréhension qui

est la réponse à l’attente des usagers et la réponse à l’attente de la société.

La démarche qualité ne permet-elle pas cette articulation entre logique interne et

externe? Outil à usage institutionnel, elle permet aussi de soumettre le service au regard et à

l’interpellation de l’espace public et devient par là un outil de citoyenneté.

Dans une visée éthique et citoyenne, la démarche qualité que j’ai impulsée au sein du

SSADPA tend à renforcer la capacité d’autonomie des clients et aboutit à une relation de co-

production, de co-responsabilité : par la contractualisation du projet d’accompagnement

personnalisé et par l’audit qualité faisant du sujet âgé et des professionnels des partenaires

dans la décision et l’organisation .

82 Monette VACQUIN, Préface, Revue Autrement n°14, série morales, La responsabilité, la condition de notrehumanité, Janvier 1994.

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Cette dynamique n’impose pas un système sur un autre, n’importe pas une norme, une vérité,

mais au contraire permet la rencontre fructueuse de deux systèmes de référence : le savoir

professionnel et la réalité telle que vécue et perçue par les personnes âgées, avec leurs valeurs

culturelles.

Ainsi elle invite au dialogue, à la négociation et promeut de nouvelles formes de rapports

entre usagers, intervenants, financeurs.

Prendre en compte tous les paramètres,

intégrer les différents enjeux - marchandisation du secteur, maîtrise des coûts et

accréditation -,

articuler politique sociale et politique de la structure gestionnaire,

faire converger les désirs des intervenants, ceux des usagers et la gestion,

tel est le défi de cette démarche.

La qualité n’est pas une situation acquise mais un mouvement, qui se visualise au

travers d’une démarche mobilisant l’ensemble de l’organisation et intégrant la participation

des partenaires et de l’environnement. Au SSADPA de Boën, le chantier commence, je

manque de recul pour analyser les résultats d’une manière globale mais d’ores et déjà bien des

processus concourant à la qualité de l’accompagnement ont été améliorés et surtout une

dynamique est en marche...

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