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La fertilisation organique des cultures

Les bases

La Fdration dagriculture biologique du Qubec (FABQ) est fire de vous prsenter cette brochure sur la fertilisation organique des cultures. La FABQ remercie les partenaires financiers suivants : le Programme de soutien au dveloppement de lagriculture biologique du Ministre de lAgriculture des Pcheries et de lAlimentation du Qubec et le Conseil pour le dveloppement de lagriculture du Qubec financ par Agriculture et Agroalimentaire Canada. Avec la ralisation de cette brochure, la FABQ souhaite outiller les producteurs en vulgarisant les connaissances techniques disponibles pour permettre une meilleure gestion des matires organiques sur les fermes dans le but damliorer leur efficacit en dpart de vgtation, damliorer les rendements et de favoriser une diminution de la pollution lie une fertilisation excessive des cultures. Cette brochure se veut un incontournable pour tous les producteurs agricoles, les conseillers agricoles et les tudiants en agriculture qui souhaitent apprendre et approfondir leur connaissance sur la fertilisation organique des cultures. Bonne lecture Le conseil dadministration de la Fdration dagriculture biologique du Qubec

CRDITCoordination : Genevive Blain, agr. secrtaire gnrale FABQ Ralisation : Jacques Petit et Pierre Jobin Rvision des textes : Louis Forest et Isabelle Breune Photographies : Centre de dveloppement dagrobiologie / Laboratoire Terra Cognita Photographie page couverture : Andr D. Beaudoin Graphisme et mise en page : Versicolore design graphique Impression : Imprimerie Provinciale inc. Distribution : Centre de rfrence en agriculture et agroalimentaire du Qubec (CRAAQ)

POUR INFORMATION OU COMMENTAIRES :Fdration dagriculture biologique du Qubec 555, boulevard Roland-Therrien, bureau 100 Longueuil, Qubec, J4H 3Y9 Tlphone : (450) 679-0530 Tlcopieur : (450) 670-4867 Courriel : [email protected] Site Internet : www.fabqbio.ca Fdration dagriculture biologique du Qubec ISBN 2-9809006-0-5 Dpt lgal Bibliothque nationale du Canada, 2005 Dpt lgal Bibliothque nationale du Canada, 2005

La fertilisation organique des culturesLes bases

Jacques Petit et Pierre Jobin

Octobre 2005

TABLE DES MATIRESAVANT PROPOS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .3

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INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .4 LA FERME : UN COSYSTME . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5 2.1 Le cycle des lments nutritifs sur la ferme et la fertilisation des cultures . . . . . . . . . . . . . .5 2.2 Vue densemble de la pratique de la fertilisation en agrobiologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .6

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LA PLANTE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7 3.1 Activit biologique et nutrition des plantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7 3.2 Les exigences des cultures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7 3.3 O trouver les nutriments ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7

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LE SOL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17 4.1 La relation sol-plante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17 4.2 Le lien entre structure des sols et fertilisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .18 4.3 Activit biologique et structure du sol . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .20 4.4 Activit biologique et matire organique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21

5

GESTION DU SOL : LES PRATIQUES STIMULANTES DE LA FERTILIT . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .22 5.1 Le drainage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .22 5.2 Le chaulage en fonction du sol . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .22 5.3 Le travail du sol . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .24

6

LA GESTION DES ENGRAIS ORGANIQUES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .25 6.1 Valeurs des fumiers, fientes, lisiers et purins. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .25 6.2 Composts et compostage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .27

7

LA ROTATION DES CULTURES : AU CUR DE LA STRATGIE DE FERTILISATION . . . . . . . . . .32 7.1 Les systmes de cultures avec prairie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .33 7.2 Les systmes de cultures sans prairie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .34

8 9 10

LES APPORTS MINRAUX . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .35 LAZOTE ORGANIQUE POUR LE DMARRAGE DES CULTURES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .36 PLANIFIER LA FERTILISATION DE MANIRE OPTIMISER LA GESTION LES NUTRIMENTS . . . . . .38 10.1 Fertiliser en fonction de calculs prcis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .38 10.2 Lart de la fertilisation : exprimenter, observer et corriger ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .39

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VALUATION ET SUIVI DES PRATIQUES DE FERTILISATION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .39 11.1 Le bilan nutritif de la ferme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .40 11.2 valuation des sols . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .43 11.3 Le suivi des cultures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .48

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AVANT-PROPOSLagriculture biologique se dveloppe depuis plus de 30 ans au Qubec. Guide au dpart par des principes relativement thoriques et venus des expriences amricaines et europennes de lagriculture biologique, les pratiques de fertilisation des cultures ont volu en fonction des ralits du terrain et des rsultats obtenus travers les annes par les producteurs dici. Grce aux travaux et exprimentations mens pendant ces 30 ans par les producteurs et productrices, le plus souvent avec trs peu de moyens, un certain nombre dajustements ont t effectus afin damliorer les pratiques de fertilisation en rgie biologique. Graduellement des rfrences nouvelles ont t dveloppes. des principes de base globalement toujours valables, sajoute aujourdhui une meilleure comprhension du fonctionnement dun systme agrobiologique dans les conditions particulires des sols et des climats du Qubec. Cela peut et doit permettre aprs cette priode de dveloppement de baliser mieux lapplication des principes dans la pratique. Par exemple, les contraintes climatiques poussent ici lagriculture ses limites extrmes et oblige adapter des pratiques qui peuvent diverger de lapproche agrobiologique gnralement pratique ailleurs. Cest dans cet esprit que sinscrit cet ouvrage sur la fertilisation en agriculture biologique. Non pas quil ne faut pas redire les principes de base, mais surtout quil faut ramener ces principes la pratique, partir de ce qui a t observ et compris depuis ces 30 dernires annes au Qubec. Cette brochure sadresse tant aux producteurs dj en agrobiologie, qu ceux qui sont en transition : les grands principes qui la sous-tendent sont valables pour toutes les productions. Mais comme cet ouvrage na pas la prtention dpuiser le sujet, les exemples utiliss pour illustrer nos propos vont cibler plus spcifiquement les fermes en polyculture-levage, levage et grande culture. Pierre Jobin Jacques Petit Toutes les pratiques de fertilisation discutes ici entrent dans le cadre des certifications agrobiologiques actuelles. Mais comme les normes de certification voluent, il est prfrable de consulter les cahiers des charges, voire de contacter son organisme de certification sil subsiste le moindre doute sur la validit de certaines pratiques. Dautre part, nous navons pas trait de lutilisation de tous les fertilisants qui sont disponibles en agrobiologie (Duval, 2003). Nous nous sommes limits ceux qui sont conomiquement utilisables en levage et en grande culture. Certains produits, les supplments azots organiques par exemple, sont trs efficaces et leur utilisation peut se justifier en serriculture ou en horticulture. Mais actuellement leur cot est nettement trop lev pour une utilisation mme partielle en production extensive. Enfin nous avons dlibrment choisi de ne pas aller dans le dtail de calculs de fertilisation qui, tout en ayant lair prcis, ne pourraient tre quapproximatifs. Les mthodes et outils de calcul sont abondamment prsents et utiliss au sein des ministres et des Clubs agroenvironnementaux. Selon nous, chaque ferme tant un cas spcifique, chaque ferme doit tre traite comme telle. Et ce dernier bout, qui inclut calculs, essais et observations la ferme, ne peut tre fait que par lagriculteur lui-mme, assist au besoin dappui conseil.

3

1 INTRODUCTIONComme pour toute forme dagriculture, lobjectif premier de la fertilisation des cultures en bio est de permettre la russite de la culture. En agrobiologie, la dfinition de ce quest la russite peut toutefois diffrer de faon importante des standards conventionnels. Par exemple, comme en agriculture conventionnelle, le rendement des cultures est un des lments importants de la russite. Mais particulirement en agrobiologie on ne peut pas lobtenir nimporte quel prix. Entre autres, on ne peut lobtenir au dtriment de la qualit biologique de la production. Cette recherche de qualit ne justifie toutefois pas de se contenter de rendements ordinaires. Lagriculture biologique a toujours promu lide que ses pratiques de fertilisation devaient chercher protger les ressources environnementales de la ferme et du milieu et assurer la prennit du systme de production. Enfin, lensemble de ces objectifs doit tre atteint avec une obligation de rentabilit conomique, ce qui nest pas ncessairement contradictoire en rgie biologique, bien au contraire.

Au Qubec, lagriculture biologique a dpass le stade de la production artisanale. Elle cherche aujourdhui rallier productivit, protection des ressources et du milieu et rentabilit des activits agricoles sur la ferme.

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2 LA FERME : UN COSYSTMELa ferme est un cosystme . Cest un milieu vivant, complexe, compos dune multitude de cycles de matires organiques et minrales. Ces matires sont constamment en mouvement et transformes, passant du sol, aux plantes, aux animaux, alimentes par lnergie solaire et utilisant au passage leau, pour enfin retourner au sol. La sant et la productivit de la ferme dpendent de la capacit de cet cosystme maintenir en circulation ces flux, organique et minral, avec le moins de perte possible. Cette approche systmique est la base du concept de lagrobiologie, qui vise concevoir et grer un systme agricole le plus diversifi possible. Une telle approche cherche assurer une rduction de la dpendance du systme agricole face aux intrants, fussent-ils agrobiologiques, tout en conservant une fertilit et une productivit optimale et durable. En milieu naturel, ces transformations et ces cycles sont mus par des conditions naturelles propres aux diffrents cosystmes. En milieu agricole, lagriculteur doit savoir identifier et reconnatre ces cycles de manire y adapter ses pratiques. Bien quil soit a priori thorique, ce concept sinscrit donc de manire trs pratique dans la gestion quotidienne de la ferme. Puis, la ferme fait elle-mme partie dun plus grand cosystme. Limpact positif ou ngatif des pratiques agricoles utilises sur la ferme se rpercute ncessairement au-del de ses frontires sur le milieu environnant, le bassin versant dont elle fait partie par exemple.

Figure 1 - Prsentation simplifie du cycle des lments nutritifs sur la ferme.

levage

IMPORTATION IMPOR TION engrais aliments btail litire azote symbiotique

EXPORTATION EXPOR TION rcoltes lait viande fumier

Fumier Culture

Sol

Perte

2.1

LE CYCLE DES LMENTS NUTRITIFS SUR LA FERME ET LA FERTILISATION DES CULTURES

Adapt de Jobin, 1993

Sur la ferme, on retrouve sous diverses formes lazote, le phosphore, le calcium, le potassium et plusieurs autres lments appels lments nutritifs . Prleves du sol par les plantes, ces substances sont en partie transfres aux animaux sous forme daliments et/ou retournes au sol par les rsidus des cultures. Une bonne partie (65 95 %) des lments consomms sur la ferme par llevage retourne elle aussi au sol par lentremise des fumiers. On dsigne par cycle nutritif cette circulation des lments sur la ferme (Figure 1). Mais une ferme fonctionne rarement en circuit ferm. Une fraction plus ou moins importante de nutriments est exporte de la ferme par la vente de produits, vgtal ou animal ce qui tend appauvrir lcosystme ferme . Une autre est importe par lachat dintrants divers, engrais, moules, litire, etc ce qui tend enrichir lcosystme ferme .

En agriculture biologique, les pratiques agricoles adoptes doivent maximiser le recyclage des lments nutritifs. Dune part, cela permet de les conserver sur la ferme et de les rutiliser dans la pratique de la fertilisation des cultures. Dautre part, cela diminue les pertes lenvironnement et par le fait mme la ncessit de racheter les lments perdus. Fertiliser les cultures implique ncessairement une manutention dengrais organiques et minraux aux champs. Le dfi de la fertilisation des cultures est de faire en sorte que les interventions du producteur soient planifies de manire ce que la parcelle de terre cultive fournisse au cours de la saison les nutriments ncessaires la croissance optimale de la culture et lobtention dun bon rendement. Mais comment sen assurer ?

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2.2

VUE DENSEMBLE DE LA PRATIQUE DE LA FERTILISATION EN AGROBIOLOGIE

Dans la pratique, la fertilisation doit rpondre aux besoins des plantes cultives. Pour y arriver, une stratgie de fertilisation des cultures se construit par lagencement dun ensemble de pratiques de gestion du sol et dorganisation des cultures, auquel sajoute la planification des apports. La fertilisation des cultures slabore ainsi en fonction : des besoins des diffrentes plantes cultives; de lestimation de ce qui peut tre rendu disponible par la fertilit accumule au sein du cycle nutritif de la ferme (rserve organique et minral du sol, rsidus de culture, etc.); dun mode de gestion des apports de fertilisants : type dengrais, dose, contenu et disponibilit des nutriments, timing dutilisation, etc.; dobservations rgulires des cultures de manire vrifier la rponse des plantes aux pratiques adoptes. La circulation sur la ferme des lments nutritifs conditionne la productivit du systme de production. Quils soient dorigine organique ou minrale,

recycls par les rsidus de culture ou les engrais organiques, mis en disponibilit partir des rserves du sol ou apports de lextrieur de la ferme, ces diffrentes sources constituent la rserve utile de fertilisants pour construire un plan de fertilisation des cultures bio (Figure 2). Le producteur doit dans la pratique tre en mesure dutiliser au mieux ces rserves afin de garantir la russite de ses cultures. Lactivit microbienne du sol est centrale. Elle conditionne la mise en disponibilit des nutriments pour les conduire la plante. Lintensit de lactivit biologique est elle-mme dpendante des conditions du sol (oxygne, nourriture, etc.), du climat (temprature, prcipitation, etc.) et des pratiques culturales (drainage, chaulage, fertilisation, etc.). Si quelque part les nutriments arrtent de circuler correctement, quils soient perdus (lessivage, volatilisation, dnitrification) ou immobiliss (accumulation organique, insolubilisation) la plante sera en manque. On devra alors surfertiliser, cest dire amener plus de nutriments que la plante en aurait normalement besoin, pour garantir le rendement. Cet ajout aura pour effet daugmenter les cots de la production et les risques de surcharge de lenvironnement.

Figure 2 - La fertilisation des cultures en agrobiologie

LA PLANTE tire ses nutriments de plusieurs sources. Ce sontNERGIE surtout les nutriments en solution dans leau du sol qui sont absorbables par les racines des plantes. Les diffrentes matires organiques et minrales do proviennent ces nutriments doivent donc tre soumis laction pralable et incontournable de lactivit biologique. Lactivit biologique est matresse de la mise en disponibilit des lments nutritifs de la plante. Mme lutilisation de la rserve minrale passe par une intense activit biologique. La synchronisation des besoins des plantes et la mise en disponibilit par le sol est un lment cl de la stratgie de fertilisation des cultures. LMENTS APPORTS Engrais organiques Apports minraux

CO2

LE SOL est le milieu de vie des microorganismes qui transforment, prparent les nutriments pour les plantes partir de diffrentes sources de nourritures organiques et minrales. Par consquent, le sol doit tre en tat de fournir lactivit biologique les conditions optimales son bon fonctionnement : eau, oxygne, nourriture. Lagriculteur par ses diffrentes pratiques et une connaissance approfondie des particularits (spcificits) physiques et chimiques de ses sols, doit favoriser les conditions optimales des sols cultivs. Tout ce qui freine lactivit biologique ralenti du mme coup le dveloppement de la culture.

LMENTS RECYCLS NUTRIMENTS POUR LA PLANTE + EAU + AIR ACTIVIT BIOLOGIQUE Les rsidus de cultures Lazote symbiotique

RSERVES EN DISPONIBILIT Rserve organique Rserve minrale

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Bien planifie, la fertilisation des cultures en agrobiologie rpond aux besoins des cultures et permet lobtention de bons rendements.

3 LA PLANTEParce que cest elle que lon rcolte, la plante est centrale dans toutes les agricultures. Toutes rflexions et recherches de connaissances sur la fertilisation des cultures lui sont destines. Elle est laboutissement et la rponse toutes les stratgies et les efforts damlioration des pratiques agricoles.

3.2

LES EXIGENCES DES CULTURES

La pratique de la fertilisation des cultures a pour objectif de rpondre aux besoins de la plante en nutriments essentiels pour sa croissance. Ces besoins nutritifs sont variables dune espce lautre. Ils sont relativement bien documents et connus des producteurs. La prise en compte des besoins des diffrentes cultures sur la ferme guide llaboration du plan de fertilisation. Par ailleurs, sil faut globalement rpondre des besoins de la culture, on doit aussi y rpondre en fonction du moment de la saison o sont rencontrs ces besoins. Il y a donc dans la pratique de la fertilisation des cultures une notion de timing (Figure 3). Aussi est-il important de diffrencier les exigences dune plante en terme de besoins globaux pour une saison de culture et des besoins en dpart de vgtation par exemple. Particulirement en agrobiologie, plus que la quantit, la disponibilit au moment appropri est souvent lenjeu principal qui fait la diffrence entre un succs et un chec de la culture. La section 9 abordera plus en dtails cette question de synchronisation entre les besoins en azote des cultures en dpart de vgtation et sa mise en disponibilit partir de lazote organique.

3.1

ACTIVIT BIOLOGIQUE ET NUTRITION DES PLANTES

La plante se nourrit dans la solution du sol. Dissous dans leau, les nutriments sont transports dans la plante. Outre les lments non-constitutifs, les monovalents, K+, Na+, Li+, Cl-, qui peuvent tre absorbs par la plante directement sous forme atomique, les autres lments essentiels entrent dans la plante sous forme oxyde ou chelate. Ces transformations sont effectues par les microbes (bactries, champignons, macro-faune, etc.) du sol qui mettent sous une forme assimilable les lments contenus dans les rserves minrale ou organique du sol, ou apports par les engrais. Ainsi, pratiquement tous les lments nutritifs vont entrer dans la plante par voie microbienne . Sans simplifier lexcs, on peut assez bien convenir que la mise en disponibilit des nutriments essentiels la plante est dirige par lactivit microbienne du sol, do son importance capitale dans lapproche de la fertilisation en agrobiologie.

3.3

O TROUVER LES NUTRIMENTS ?

On connat limportance des lments majeurs, azote (N), phosphore (P) et potassium (K), sur le dveloppement des plantes. Bien quen quantit moindre, les lments secondaires (calcium, magnsium, souffre) et les oligo-lments jouent un rle tout aussi important, tant pour la croissance des cultures et lobtention de rendements, que pour lobtention dune qualit de produits. Mais o trouver ces nutriments en agrobiologie ?

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Figure 3 - Synchronisation des besoins des cultures en nutriments et de leur mise en disponibilit.Au Qubec la temprature froide et les sols humides en dbut de saison rendent difficile la mise en disponibilit de lazote organique et affectent souvent le dpart des cultures en agrobiologie. Les cultures exigeantes, le mas et le bl, en souffrent particulirement. La dgradation de la matire organique et la mise en disponibilit sous une forme assimilable par les plantes reposent sur plusieurs facteurs : tat de la matire organique du sol, types dengrais organiques apports, types de rsidus sur place, moment des apports, tat du sol, temprature, pratiques culturales. Lagriculteur ne peut intervenir sur les facteurs dordre climatique. Les oprations culturales visent synchroniser au mieux la libration des lments nutritifs, lazote en particulier, avec les besoins des cultures ds le dpart de vgtation et tout au cours de la saison. Cest l un dfi important pour la russite des cultures.

AVRIL

MAI

JUIN

JUILLET

AOT

SEPTEMBRE

OCTOBRE

NOVEMBRE

Temprature du sol

Froid

Frais

Chaud

Frais

Froid

CROISSANCE DE LA CULTUREMAS

CRALE

SOJA

GERMINATION ET IMPLANTATIONSTADE ET BESOINS

DVELOPPEMENT FOLIAIRE INTENSIF ET INITIATION FLORALELe besoin des plantes est lev durant son dveloppement foliaire, son initiation florale et sa mise fruit. Elle doit pouvoir trouver dans le sol les lments dont elle a besoin pour exprimer son plein potentiel.

MATURATION ET MRISSEMENT

Le besoin des plantes est faible ce stade-ci. Toutefois un dpart trop lent des cultures handicapent la vigueur des culture et leurs rendements potentiels. Temprature froide et abondance deau sous notre climat retiennent le dpart de lactivit biologique. Une structure de sol dficiente le retarde encore davantage. Cette situation limite la disponibilit de N en particulier. ce stade la plante ne peut utiliser que les nutriments prsents dans la solution du sol, la matire organique et la rserve du sol ne pouvant en librer en raison de labsence dactivit biologique.

Au moment de la maturation et du mrissement le besoin des plantes diminue jusqu tomber rien. Dans le cas des crales, cela arrive aussitt que la mi-aot. Toute libration dlments ce moment est totalement dsynchronise avec la croissance de la Or cette disponibilit accrue dpend de culture principale. la synchronisation entre la mise-endisponibilit par lactivit biologique et ce stade, sil reste trop de nutriments labsorption par la plante. La forme de dans la solution du sol, ils seront matire organique en place et/ou apporte lessivs par les pluies et perdus du et le moment des apports jouent un rle systme. trs importants sur le timing recherch. Lutilisation des engrais vert vise Ici encore un tat de sol adquat pour une ponger ces lments et reporter leur intense activit biologique est primordial. disponibilit plus tard, c'est--dire au Lactivit biologique peut faire des sauts moment de la minralisation de cet dhumeur importants pour toute sorte de engrais vert au printemps suivant. raison; teneur en eau un peu trop leve momentanment, teneur en air restreinte, tat calcique trop loin de loptimal. ce stade, la plante peut utiliser les nutriments librs par les matires organiques (du sol ou apports par les engrais organiques) et un degr moindre par la rserve minrale.

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3.3.1

DO VIENT LAZOTE (N) EN AGROBIOLOGIE ?

N nouveauLachat de matires organiques (supplments protiques, foin, fumier et lisier, etc.) peut apporter des quantits plus ou moins importantes de N. Provenant de lextrieur de la ferme, cest un gain dazote net. Pourtant dans la plupart des cas, moins davoir une rotation peu exigeante en azote, cet apport seul ne peut pas fournir tout lazote neuf ncessaire pour combler les besoins des cultures. La difficult rside dans le fait quen plus de lazote, ces matires organiques apportent toujours aussi du phosphore, de la potasse et beaucoup dautres nutriments, ce qui en soit est excellent. Mais dans la plupart des cas, ces minraux ne sont pas exports dans les mmes proportions quils sont imports. Si on comble la totalit des besoins en N, les apports en P et K dpassent largement les exportations par la culture. Dans cette dynamique, plus les apports organiques sont importants, plus il risque dy avoir accumulation des autres minraux (surtout P et K) dans le sol, crant ainsi un dsquilibre dans la fertilisation. Et si cette accumulation devient trop importante, on augmente aussi les risques de pollution. cause de la grande disponibilit de matires organiques quon connat actuellement sur le territoire, cette surfertilisation est trs frquente. Les nouvelles contraintes environnementales qui limitent les apports de P par les engrais organiques entranent souvent lobligation de chercher dautres sources pour combler les besoins des cultures. (Voir Saviez-vous que ?, page 9).

N recyclProduit sur la ferme, le fumier recycle une partie de lazote de lalimentation du troupeau prleve sur les rcoltes. En ce sens il napporte rien de nouveau. Si aucun azote neuf nest introduit quelque part dans le cycle de production, par achat de supplment alimentaire ou de fourrage par exemple, mme si les pratiques de recyclage du fumier sont excellentes, des pertes invitables (volatilisation, dnitrification, lessivage) mneront moyen terme obligatoirement un dficit en N. Ce dficit se traduira rapidement par une baisse de rendement plus ou moins prononce selon son importance. Cette situation est une des premires causes des diminutions de rendement lors de la transition en agrobiologie. Elle doit absolument tre corrige par un apport nouveau dazote. Elle ne se corrigera pas delle mme par une amlioration de lactivit biologique qui pourrait tre en thorie une consquence de la transition en agrobiologie. En ralit, ce manque dazote contrariera toute amlioration. En plus de la baisse de rendement, ce dficit se traduit par une baisse de qualit de la production.

Lazote : un manque gagner !Prenons lexemple dune culture de bl fertilise partir dun lisier de porc. La diffrence entre les besoins de la culture et les nutriments apports sestiment ainsi : N P2O5 K2O Exportation par la rcolte (kg/t) 26.1 10.2 5.7 Rendement espr 4 t / ha Besoin de fertilisation (kg/ha) 104 41 22

Pour combler les besoins en P et K, on apporte 14 m3/ha (3000 gal/ha) de lisier de porc, dune teneur moyenne de 4,5 kg de N, 3 kg de P2O5 et 3 kg de K2O par tonne, N P2O5 K2O Apports en nutriments par le lisier (en kg/ha) 63 42 42 Balance (kg/ha) - 41 +1 + 20

Ce calcul, quoique sommaire, fait clairement ressortir comment, en utilisant la plupart des fumiers disponibles sur les fermes, les besoins en phosphore et en potasse sont largement combls par rapport au besoin en azote. Si en agriculture dite conventionnelle ce manque gagner est combl par lutilisation des diffrents engrais azot de synthse, en agrobiologie ce manque gagner ne peut tre combl que par lintgration intensive de lgumineuses dans le systme de production. Seules les lgumineuses peuvent apporter de lazote nouveau sans apporter de phosphore et de potasse supplmentaire. Sur la ferme laitire, la culture abondante de prairies de luzerne et/ou de trfle remplit bien ce rle. Sur la ferme de grandes cultures et marachre seule lintgration dans la rotation de culture dengrais vert de lgumineuses peut combler ce besoin en azote.

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La fixation de (N) par les lgumineusesPour viter une telle situation de dsquilibre, on doit avoir recours une source dazote qui naugmente pas la concentration des autres nutriments lorsquon lutilise. Tant en levage quen grande culture biologique, la seule source dazote non associe dautres nutriments qui soit conomiquement utilisable est la fixation par la symbiose racinaire des lgumineuses.

Utilises comme engrais vert, toutes les lgumineuses permettent un gain dazote (Tableau 1). Toutefois il faudra que leur dure de croissance soit assez longue si on veut que le gain soit apprciable.

Tableau 1 - Estimation de la fixation symbiotique selon diverses espces de lgumineuse EspcesLuzerne Trfle rouge 80 % lgumineuse+20 % gramine 50 % lgumineuse+50 % gramine 30 % lgumineuse+70 % gramine Soja Haricot Pois Lupin Vesce

Fixation de (kg/hectare)175 125 140 100 70 70 50 60 140 100

Les fertilisants azotsIl existe des fertilisants organiques azots spcifiques (la farine de sang sch, la farine de viande, tourteaux et autres). En les utilisant on ne risque donc pas la surfertilisation en P et K, mais leur cot prohibitif ne permet pas leur usage en grande culture et en levage. Leur usage nest justifiable que pour certaines productions haute valeur ajoute, en serriculture, ou pour certaines productions marachres par exemple. Mais mme dans ce dernier cas lusage de lgumineuses en engrais vert est souvent plus profitable que nimporte quel engrais du commerce. Entre autres parce que, en plus de fixer de lazote, ils aident maintenir une bonne structure dans les sols fragiles.

Les lgumineuses dans la rotation assurent un apport dazote Les lgumineuses dans la rotation assurent un apport dazote de premire importance sur la ferme en bio et jouent un rle de premire importance sur la ferme en bio et jouent un rle fondamental dans la stratgie de fertilisation des cultures. fondamental dans la stratgie de fertilisation des cultures.Pour quil y ait un gain apprciable pour le systme de production, il faut quil y ait suffisamment de lgumineuses dans la rotation. De plus lazote de la fixation ne doit pas tre export. Cest ce que font les lgumineuses de prairie dont le foin est consomm sur la ferme et/ou les engrais verts de lgumineuses. Dans la prairie, il faut cependant que les lgumineuses soit assez abondantes (au moins 30 % 50 %), et cela jusqu la toute fin de la rotation, de manire ce que la fixation dazote soit suffisante. Si elles disparaissent un an ou deux (comme on le voit trop souvent) avant son renouvellement, leur effet sera mitig, voire peu prs nul pour les cultures qui vont suivre : les gramines restantes auront pomp tout lazote rsiduel des annes prcdentes. Les lgumineuses de grandes cultures, comme le soya ou dautres fves, lorsquelles sont exportes hors du systme de production, napportent peu prs pas dazote nouveau. Par leur vente on exporte pratiquement tout lazote fix pendant leur croissance.

N rserve du solIl ny a pas, proprement parler, de rserve dazote minral dans le sol. Il ny a quune rserve organique o N est associ au carbone, intgr la matire organique. Lorsque la rserve organique du sol est abondante, la rserve dazote du sol lest aussi, de lordre de plusieurs centaines de kg/ha. Mais bien quimportante, cette rserve est peu disponible, peu utilisable tant pour lactivit biologique du sol, que pour la croissance des plantes. Plus la matire organique est stable, difficile dcomposer, moins lazote est disponible. Pour des raisons climatiques, pdologiques et historiques, nos sols ont souvent tendance accumuler la matire organique, ce qui laisse de grandes quantits dazote en rserve, mais trs peu pour les cultures. Pour cette raison, dans nos conditions de culture on aura tendance ne pas trop

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privilgier la production de formes organiques stables, mais apporter une certaine partie de lazote sous des formes solubles ou assez faciles solubiliser. Ce sont surtout ces apports (purins, lisiers, fumiers, composts, rsidus de cultures, etc.) qui nourrissent les plantes. (Voir section 4.4 et 6.1) Seule une petite partie de la rserve dazote du sol peut devenir soluble lorsque le sol est bien rchauff. Et encore faut-il que lactivit biologique du sol soit intense.

P rserve du solSelon la gologie du sol et son histoire, la rserve en phosphore peut tre plus ou moins abondante et plus ou moins disponible (Voir Tableau 2). Cette rserve est trs majoritairement insoluble et peut provenir soit de la fraction minrale, soit de la fraction organique. Ce dernier cas est le plus frquent dans nos rgions. Dans tous les cas cette fraction insoluble ne peut combler les pertes dexportation que si les besoins sont relativement faibles (bilan faiblement ngatif). Ce peut tre le cas en levage et en grande culture par exemple, lorsque les importations remplissent en grande partie les besoins des cultures. Mais cette fraction ne sera disponible que si le sol est assez actif pour permettre la minralisation et la solubilisation des rserves (Voir section 4), et condition galement que ces rserves soient un niveau suffisant pour durer. Seule une valuation srieuse de la situation peut dterminer si ces conditions sont remplies. Cette valuation doit se faire champ par champ, partir dobservations terrain, danalyses de laboratoires du sol et des cultures, le tout valid par des essais la ferme. Si, contrairement lazote, le phosphore ne peut tre fix partir de lair, certaines plantes, les crucifres par exemple, ont la rputation de le concentrer . Ces plantes auraient la capacit dextraire le phosphore de la rserve du sol et de le rendre disponible pour les cultures subsquentes.

3.3.2

DO VIENT LE PHOSPHORE (P) EN AGROBIOLOGIE ?

P recyclLe phosphore est recycl sur la ferme par les fumiers et les rsidus de cultures. Parce quil se retrouve surtout dans la partie solide des fumiers, trs peu dans la partie liquide, et quil est peu mobile, cest le nutriment le plus facile recycler et conserver sur la ferme.

P nouveauLa seule faon dintroduire du nouveau phosphore dans le systme de production est de limporter de lextrieur : soit en achetant des matires organiques comme des fumiers, des pailles, dautres types de litires, des supplments alimentaires, etc.; soit en lachetant sous forme minrale, surtout des roches phosphates broyes, quon appelle aussi phosphate naturel. Il existe aussi dautres supplments phosphats acceptables par les cahiers de charge des certifications biologiques (poudre dos, fientes dshydrates, etc.), mais ils sont trop coteux pour tre utiliss en levage ou en grande culture. Parce quil est peu mobile, moins lessivable que le potassium par exemple, cest un des minraux qui saccumule le plus facilement dans le sol. Malgr quil soit peu lessivable, la surfertilisation (organique et minrale), couple une rosion endmique, en ont fait un polluant majeur des cours deau. Cest pour cette raison quil est devenu le mchant de lenvironnement, du moins dans les rgions en surplus de fumier. Malgr cet excdent gnral, si vous ntes pas un importateur net de matire organique, il se peut quand mme que votre systme de production manque de P et que vous soyez oblig den importer sous une forme ou une autre.

Le manque de phosphore au printempsUn peu comme pour lazote, mais un degr moindre, les plantes exigeantes peuvent souffrir sur sol froid du manque de disponibilit de P au printemps. Mais tout comme pour le manque dazote, la faon dy remdier est entre autres dutiliser les fertilisants organiques nerveux en dpart de croissance (Voir section 9, tableau 5). Plus que pour tout autre cas, parce que P est peu mobile, le maintien dune bonne porosit du sol pour favoriser le dveloppement prcoce des racines est aussi trs important. Enfin, fournir suffisamment de N la plante en dbut de croissance peut parfois solutionner les problmes de disponibilit de P, augmentant ainsi la vigueur et la croissance de la plante, et par consquent sa capacit racinaire explorer un plus grand volume de terre.

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Tableau 2 - Teneur en diffrents nutriments de la rserve minrale et organique du sollments nutritifsPhosphore Potassium Calcium Magnsium Soufre Manganse Bore Molybdne

Rserve minral sur 25 cm. de sol (3000 t. de sol/hectare)0,6 15 t./ha 20 80 t./ha 15 1000 t./ha 15 60 t./ha 0,3 4,5 t./ha 0,3 15 t./ha 12 300 kg/ha 3 30 kg/ha

Rserve organique150 kg 1,5 t./ha Nil 300 kg 3 t./ha 120 kg 1,2 t./ha 3 15 kg/ha 3 15 kg/ha 1 kg/ha

3.3.3

DO VIENT LE POTASSIUM (K) EN AGROBIOLOGIE ?

K recyclComme pour le phosphore, on retrouve le potassium surtout dans les fumiers et autres rsidus organiques. Mais, contrairement P, on le retrouve toujours en solution, dans la fraction liquide. Parce quil nest pas proprement parl un constituant de la matire organique et quon le trouve dans le liquide intra cellulaire des plantes, ce sera la mme chose pour toute matire organique, y compris les rsidus de culture : K sera toujours facilement disponible, soluble, ce qui veut aussi dire facilement lessivable. Pour cette raison on vitera les pandages daprs saison, moins de pouvoir cultiver des engrais verts qui serviront dponge pour absorber et retenir ce qui est soluble jusquau printemps suivant (Voir Saviez-vous que ?, page 13). Mais avant tout on vitera les pertes avant pandages, lors du stockage des fumiers. Parce quil est trs lessivable, cest le premier nutriment quon perd dans les fumiers dont les liquides sont perdus. Sur une ferme dlevage, la potasse est un lment pratiquement entirement recycl dans les fumiers et les rsidus de culture (souvent plus de 95%). Si la fraction liquide des djections est rcupre, et les rsidus de culture bien grs, le potassium est bien recycl et la ncessit den importer sur la ferme est pratiquement nulle.

Les supplments minraux insolubles sont populaires dans la littrature bio, mais sont peu efficaces en production, car K ny est gnralement pas plus facilement disponible que dans les rserves minrales insolubles des sols. Dautant plus que celles-ci sont souvent quantitativement beaucoup plus importantes que les apports damendements potassiques insolubles standard. Les supplments potassiques insolubles sont des roches broyes (basalte, mica, etc.) et sont de mme nature que la rserve du sol. moins de navoir aucune rserve insoluble de potassium, comme dans les quartzs grossiers ou les gros sables trs lessivs, ces supplments sont peu utiles, car ils librent trop lentement le potassium. Les supplments minraux solubles utiliss habituellement en agrobiologie sont les sulfates de potassium de source naturelle. Dans loptique bio, cest un fertilisant tolr, mais non recommand. Chose certaine, en levage ils sont peu utiliss. Les cas qui ncessiteraient leur usage sont :

1- des rserves solubles du sol trs faibles (analyses),couples une absence de rserve minralogique insoluble;

2- une perte importante de K dans les jus de fumiernon rcuprs;

3- des

rotations exportant de grandes quantits de potassium de la ferme.

K nouveauComme pour le phosphore, dans un systme de production agricole le potassium nouveau ne peut venir que de lextrieur : par les importations organiques (aliments, paille, fumiers, lisiers, purins), ou par lachat de supplments minraux insolubles et/ou solubles accepts en agrobiologie.

Mais mme dans ces cas il sera souvent possible de combler tous les besoins en potassium si on dispose de purin ou de lisier de provenance externe. dose raisonnable, cette source est nettement suprieure aux fertilisants minraux, car en plus de fournir le nutriment manquant, elle fouette lactivit biologique du sol, ce qui dbloque les rserves organiques trop stables et permet une meilleure reprise de la vgtation.

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K rserve du solIl ny a pas de rserve de potassium dans la fraction organique du sol. Toutefois une partie de ce qui est soluble peut saccrocher plus ou moins fortement au complexe organo-minral du sol. Mais ce genre de complexe nest pas ncessairement prdominant dans tous les sols au Qubec et son rle ny est souvent que marginal. cause de leur origine gologique, dans plusieurs sols du nord-est de lAmrique du Nord, les rserves de potassium sont habituellement plus leves que les rserves de phosphore (Tableau 2). On y rencontre souvent des sols avec un bon niveau naturel de K lanalyse. En levage, condition de trs bien recycler le potassium des djections animales, ces sols ne requirent pas dapports spcifiques en fertilisants potassiques. En grande culture, condition davoir une bonne gestion des rsidus et une gestion serre des reliquats de potassium soluble en fin de saison (Voir Saviez-vous que ?, page 13), les importations organiques peuvent combler les besoins des cultures.

3.3.4

DO VIENT LE CALCIUM EN AGROBIOLOGIE ?

En levage comme en grande culture, la principale source de calcium est soit le chaulage pour les sols acides, soit la rserve du sol pour les sols saturs ou carbonats. Par diffrents achats dintrants (aliments, engrais organiques, etc.) on apporte certes du calcium. Mais cet apport ne sera pas suffisant sur des sols acides et sera relativement peu important dans le cas des sols carbonats o les rserves sont telles, quelles clipsent toutes les autres sources. Cest lvaluation de ltat calcique (tests terrains et analyses) qui va nous permettre dtablir les besoins en calcium dun sol. Dans ce cas, en comblant par le chaulage les besoins de fonctionnement du sol, on comblera en mme temps les besoins des plantes (Voir section 5.2).

Les engrais verts et leffet ponge.Dans les sols, tout ce qui est soluble risque dtre lessiv, emport par leau lors des pluies abondantes. Tout lessivage constitue une perte de fertilisants pour les cultures qui suivent. Les reliquats dazote et de potasse sont particulirement fragiles au lessivage en fin de saison, aprs les cultures principales. Pour limiter ces pertes on ne fera les pandages de fertilisants que sur des plantes en croissance, ce qui exclut les pandages tardifs dautomne. Les cultures principales jouent habituellement ce rle dabsorbant des nutriments. Mais dans les cas o cest impossible, lorsquon veut pandre aprs une culture de crales par exemple, les engrais verts ont cette fonction. Leur croissance tardive utilise les nutriments solubles qui continuent tre mis en disponibilit par le sol jusqu la fin de la saison. Elles les rendront aux cultures subsquentes lors de leur dcomposition la saison suivante. Cest ce rle dabsorbant que peuvent jouer les engrais verts que lon appelle leffet ponge. La culture dengrais vert napporte pas des nutriments nouveaux dans le systme de production. Toutefois, elle vite les pertes et donc lobligation den importer de lextrieur.

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3.3.5

DO VIENT LE MAGNSIUM (Mg) EN AGROBIOLOGIE ?

Comme pour le calcium, la principale source de magnsium est la rserve minralogique du sol. Cela peut mme tre le cas sur des sols ferro-magnsien qui contiennent de bonnes rserves de magnsium insolubles. La prsence de ces rserves nest pas toujours vidente la lecture des rsultats danalyses de sols, parce que ces rserves sont soit difficiles attaquer par lactivit biologique et ne passent que trs lentement dans la solution du sol, soit que le magnsium libr est trs rapidement lessiv. Toutefois le contraire peut aussi tre vrai : les rsultats danalyses montrent des taux corrects en Mg, du moins pendant quelque temps, mme si les rserves sont faibles. Dans le cas du magnsium tous les cas de figure sont possibles et encore l, comme pour le calcium, ce sont les analyses couples aux observations terrain qui permettront une valuation srieuse de la situation. En cas de besoin les principales sources de Mg sont les chaux magnsienne et/ou dolomitique. Les engrais magnsiens, les sulfates de magnsium ou les doubles sulfates de magnsium et potassium (K-Mag, Sul-Po-Mag, etc.) sont de bonnes sources, mais restent du magnsium dispendieux. Surtout si les besoins sont grands, lemploi de la chaux magnsienne reste lapport le plus souhaitable, dautant plus quelle apporte aussi du calcium. Pour ces raisons lutilisation des engrais magnsien ne doit donc tre quexceptionnel. Sur des sols trs bien pourvus en calcium, l o le chaulage serait contre indiqu, par exemple.

est libr lorsque les minraux sont altrs. Si certains sols contiennent beaucoup de minraux soufrs, dautres nen contiennent pas du tout. On ne peut donc prsumer de limportance de cette rserve, moins de lavoir value correctement. Habituellement dans les sols cultivs la rserve organique du sol contient aussi du soufre dans sa partie protique. Dans plusieurs sols, elle est la principale rserve.

S recycl et importTous les fumiers contiennent du soufre. Les quantits peuvent toutefois varies selon lalimentation des btes. Par exemple si on apporte des supplments alimentaires contenant des protines soufres (protines compltes), les taux seront plus levs. Les fientes, les fumiers de volaille, ainsi que les lisiers et fumiers de porcs en sont particulirement bien pourvus. Tout achat de matire organique, supplments alimentaires, fumiers et mme les litires, en importe dans le systme de production. La pollution atmosphrique, non contrlable et non souhaitable, peut aussi en apporter de bonnes quantit dans la plupart des rgions. En levage et en grande culture biologique, l o on rapporte des fertilisants organiques, les carences sont peu frquentes. Sil y a peu dpandage organique sur certains sols, sur les sols tourbeux par exemple, il peut y avoir carence. On devra parfois en apporter sur des sols calcaires ou sur des sols surchauls, afin de contrer les effets de lexcs de calcium. Comme pour les autres fertilisants on devra toujours bien valuer chaque situation avant dagir. Sil y a carence vraie et quon ne rapporte que peu de fertilisant organique, on peut la corriger en apportant des engrais soufrs : en agrobiologie on utilise surtout les sulfates de potassium et/ou de calcium et/ou de magnsium si on a besoin dun ou de plusieurs de ces lments. Ou encore le soufre fleur (soufre natif ou lmentaire) si on ne veut apporter que du soufre. Toutes ces sources action rapide sont acceptes par les certifications. Mais, dans certaines situations, on doit toutefois dmontrer aux certificateurs quil y a carence relle avant dutiliser certains de ces produits (consulter les cahiers des normes).

3.3.6

DO VIENT LE SOUFRE (S) EN AGROBIOLOGIE ?

Avec le calcium et le magnsium, le soufre est un lment quon dit secondaire dans les plantes, mme si dans certaines espces, des crucifres par exemple, il peut tre plus abondant que le phosphore. Sil joue un certain rle dans la rserve organique du sol (formation de la rserve protique soufre) et que certaines roches en contiennent, il nest pas proprement parl un constituant du sol.

S rserve du solCertains sols en contiennent de bonnes rserves minrales, les zones pyrite entre autres. Le soufre

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3.3.7

DO VIENNENT LES OLIGOS-LMENTS EN AGROBIOLOGIE ?

Les cas de carence les plus frquentsIl existe pourtant des cas o les carences sont relles parce que les rserves du sol en certains lments sont faibles. Cest entre autres parfois le cas dans les sables grossiers quartzeux, lessivs. Dans ce cas il est possible que lon soit oblig de faire des apports spcifiques de ou des lments carencs, surtout sil y a peu de restitution organique. Mais les carences vraies en oligo-lments sont rares. Dans certains cas, mme si la rserve du sol en oligolments est bonne, il est possible que par des pratiques agricoles fautives (le surchaulage, ou son contraire labsence de chaulage, la surfertilisation en diffrents lments, labsence ou la surabondance dapports organiques, etc.), on empche les plantes dutiliser certains oligo-lments qui sont pourtant prsents dans le sol. Ce sont des carences induites. Dans ce cas il faudra certes corriger ces pratiques, mais avant que la correction nait fait son effet, il faudra faire des apports spcifiques de llment carenc. Le cas des carences induites est le plus frquent. Sur les sols acidifis ou en voie de ltre, la trs grande majorit des oligos sont de plus en plus solubles, parfois trop solubles, ce qui les rend fragiles au lessivage. plus ou moins long terme, sils sont continuellement lessivs, ils peuvent devenir inaccessible aux plantes. On corrige la situation en chaulant. Mais si les doses de chaux sont trop fortes, les oligos deviennent moins solubles, moins disponibles, voir totalement inaccessibles aux plantes. Sauf pour le molybdne qui devient plus disponible lorsque le pH du sol augmente aprs un chaulage et de moins en moins disponible lorsque le sol sacidifie.

Pendant longtemps les besoins des plantes en oligolments ne proccupaient pratiquement que les agrobiologistes. Depuis quelques annes le produit oligo se vend bien et tout le monde sen proccupe. Par oligo-lments, on entend que ces lments ne sont ncessaires quen petite quantit pour le dveloppement des plantes, mais que leur rle est quand mme trs important pour la qualit et le bon rendement des productions vgtales et animales. En fonction de la croissance des plantes, on divise les oligo-lments, ou lments mineurs en deux groupes : les oligo-lments obligatoires, qui devraient tre prsents en proportion diverse dans toutes les plantes; et les non obligatoires qui peuvent tre prsents dans certaines plantes, ou facultativement prsents dans toutes les plantes, en variant selon les conditions de croissance. Labsence de ces derniers nest pas considr comme tant problmatique pour la croissance des plantes. Dans la littrature spcialise actuelle, on considre le bore, le chlore, le cuivre, le fer, le manganse, le molybdne et le zinc comme tant les oligo-lments obligatoires. Cette liste a toutefois vari dans le pass et est considre comme tant trop restrictive par beaucoup dagrobiologistes.

Do viennent les oligo-lments ?

Dans le solLa source la plus importante en oligo-lments se trouve dans le sol mme: rserve minrale et organique. Dans la fraction minrale du sol certains de ces lments sont abondants et jouent un rle important. Cest entre autres le cas pour le fer, la silice et laluminium qui sont des minraux trs abondants dans le sol: ils sont les principaux constituants des sols non calcaires. Mais seule une infime partie de cette rserve est, ou devrait tre soluble pour la bonne croissance des cultures, car ces lments ne sont prsents quen petite quantit dans les vgtaux. Comme pour tous les autres oligo-lments, si on dpasse les doses ncessaires aux plantes, ils deviennent rapidement toxiques ( fortes doses, les oligos sont appels des mtaux lourds). Or ces doses sont faibles et se mesurent en kg/ha, voire en g/ha. La marge entre carence et toxicit est troite, do limportance encore plus grande que pour les autres nutriments de procder une bonne valuation des besoins et dintervenir avec prudence pour viter les surdosages.

Carence pour les plantes

BoreEn grande culture, mais surtout en levage o lon produit beaucoup de lgumineuses, on rencontre parfois des carences en bore. Cette carence est particulirement frquente sur les luzernes, mme sur des sols et dans des conditions o on pourrait penser que les rserves en cet lment sont suffisantes. Comme la luzerne est une plante qui aime le calcium et naime pas les sols qui en manquent, on a lhabitude de chauler abondamment avant son implantation. Sur les sols trs chauls, la concurrence du calcium et le phnomne dinsolubilisation peuvent tre suffisants pour bloquer le bore.

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Pour viter ce problme, il faut chauler plus rgulirement et fractionner les apports de chaux (Voir section 5.2). Mais si lon fait face au problme, il faut appliquer une source de bore action rapide, acceptable par les certifications agrobiologiques. Sur les sols minralogiquement pauvres en bore, une gestion organique adquate permettant dentretenir une bonne rserve organique peut palier cette faiblesse.

production, il sera important de corriger la situation. Cela ne ncessite gnralement pas dapports spcifiques en molybdne, mais demande un suivi plus constant dans le chaulage des sols, afin dy maintenir un niveau acceptable de ltat calcique (Voir section 5.2).

MolybdneLa carence en molybdne est peu frquente dans les plantes. Mais dans les sols acidifis, sa faible disponibilit peut entraver la fixation optimale de lazote par les bactries symbiotiques des lgumineuses. Comme cette fixation est une des seules faons conomiques dimporter lazote dans le systme de

Carence pour les btes En levage, les carences en slnium et en iode sont frquentes. Ces lments ne jouent pas de rle majeur dans la croissance des plantes cultives, mais leur prsence est fondamentale pour la sant de certaines btes. Les deux sont pratiquement absents de nos sols. Parce quil serait quasi impossible de corriger cette carence dans le sol, on les apporte directement en supplment dans lalimentation des btes.

TABLEAU 3 - Contenu en oligo-lments de quelques types de fumier (exprim en gramme/tonne de fumiers)Espces animales Volailles Bovins laitiers Bovins boucherie Porcs Chevaux Ovins Humidit % 54 82 78 72 73 69 B 60 15 20 40 15 10 Cu 15 10 5 5 5 5 Fe 465 40 40 280 135 160 Mg 2900 1100 1000 800 1400 1850 Mn 90 10 5 20 10 10 Mo 5.5 1 0.5 1 1 1 S 3100 500 850 1350 700 900 Zn 90 15 15 60 15 25

Adapt de A. Scott

Faut-il acheter des amendements minraux pour leur richesse en oligos ?Depuis que le bio est bio et que des producteurs sen rclament, ceux-ci se voient proposer toute une panoplie de supplments riches en oligo-lments, cense gurir le sol d peu prs tous ses dfauts, mais surtout de lpuisement d au matraquage chimique . La ralit est que si matraquage chimique il y a eu, celui-ci a surtout t dans le sens de la surfertilisation par les engrais et par les fumiers. Il est donc peu probable que vos sols, mme aprs une longue parenthse dagriculture intensive, aient t puiss en quoi que ce soit. Toutefois dans certains cas, les productions marachres dans des rgions o il y a peu dlevage par exemple, il se peut que la restitution organique ait t inadquate, ce qui a pu crer quelques carences. Mais mme sous ces conditions, il ny a pas ncessairement eu carence. moyen terme, vos propres apports organiques bien planifis devraient facilement grossir la rserve du sol. Reste les situations o les carences sont relles. Dabord ce ne sera srement pas une carence gnralise pour tous les oligo-lments : elles se limiteront le plus souvent un ou deux lments. Dans de tels cas, comme nous lavons dit plus haut, il est plus efficace et moins coteux dintervenir en correction plutt quen prvention, et ce aprs avoir bien identifi la carence. Plusieurs sources doligo-lments offertes aux agrobiologistes proviennent de poudres de roches qui ne seront solubilises que trs, trs, trs lentement, sur quelques annes, voire sur plusieurs dcennies. Il va de soi que ces produits sont peu efficaces pour corriger rapidement les carences dune plante en croissance. Enfin toutes ces sources sont peu efficaces pour enrichir les sols qui en sont naturellement dpourvus, moins den apporter tellement quon change la gntique du sol, ce qui reprsente un cot draisonnable. En gnral pour viter les carences en oligo-lments il suffit dadopter de bonnes pratiques agricoles : 1- pratiquer une fertilisation organique adquate; 2- si ncessaire, chauler sans surchauler; 3- viter toute surfertilisation, mme organique; 4- pratiquer des rotations complexes qui introduisent un maximum de diversit dans la flore; 5- lorsquelles se prsentent, corriger directement les carences vraies par des apports spcifiques de produits action rapide, en attendant que lensemble des autres bonnes pratiques ait corrig le problme.

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4 LE SOL4.1LA RELATION SOL-PLANTE Pour se nourrir, la plante a besoin dun bon systme de racines; de nutriments solubles, lesquels ne seront librs que par une activit biologique adquate. Le dveloppement racinaire et lactivit biologique du sol ncessitent une bonne aration du sol en profondeur. Une bonne aration ne se fait pas sans une bonne circulation de leau dans le sol. Le dveloppement dun bon systme racinaire des plantes, dune activit biologique importante dans le sol, dune bonne circulation de leau et dune bonne aration est impossible sans une structuration adquate du sol en profondeur. Ces constatations posent les bases de la fertilit des sols et sont autant, sinon plus importantes, que les

quantits et les formes de fertilisants et amendements apporter pour obtenir de bonnes et belles rcoltes. Ces bases sont en thorie assez bien connues. Particulirement en agriculture biologique, on sen rclame souvent pour stigmatiser les mauvaises pratiques de lagriculture industrielle. Mais les observations effectues sur le terrain depuis plus de 20 ans nous obligent constater que, mme dans la pratique agrobiologique, ces lments sont souvent ngligs et la cause de rendements dcevants. Dans plusieurs rgions du Qubec, pour des raisons climatiques, gologiques et historiques, les sols sont naturellement fragiles et peu structurs. Cette dgradation de la structure nest pas ncessairement cause par de mauvaises pratiques agricoles et on peut mme la retrouver sous couvert forestier, ou sous de vieilles prairies. Mais peu importe lorigine du phnomne, il faut tout de mme y apporter une correction

FIGURE 4 - LA BOUCLE DU FONCTIONNEMENT DE LA RELATION SOL-PLANTE Un bon dveloppement racinaire Une forte structuration du sol

Une mise en disponibilit des nutriments pour les plantes

Une bonne activit biologique

Il y a interaction entre physique, chimie et biologie du sol. Lensemble est un prrequis la fertilit des sols et une bonne croissance des cultures

Une bonne porosit du sol

Une bonne circulation de leau dans le sol

Une bonne aration du sol

Racines dun jeune plant de seigle (2 3 feuilles)

Racines dun plant de luzerne mature

Racines dun jeune plant de mas (5 6 feuilles)

Dans de bonnes conditions, les racines de la majorit des plantes cultives en systme agricole peuvent atteindre plus de un mtre de profondeur.

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4.2

LE LIEN ENTRE STRUCTURE DES SOLS ET FERTILISATION

Parce que nos sols au Qubec sont souvent fragiles, le risque de perte de structure est important. Les travaux et le passage dquipements lourds sur sols humides, les rotations base de plantes sarcles, les mauvais chaulages, etc., sont toutes des situations qui mettent la structure du sol risque. La perte de structure est une autre raison importante des mauvais rendements si frquents lors du passage lagrobiologie. Car si par une fertilisation soluble abondante on peut en partie masquer le mauvais tat de structure dun sol, on ne peut que difficilement le faire lorsque la base de la fertilisation est organique et peu soluble.

Ltat physique du sol dpend de la nature des particules du sol (la texture) et de la faon dont sont agences ces particules entre elles (la structure). Si le producteur a peu dinfluence sur la texture des sols quil cultive, il en a certes sur ltat de leur structure (Breune, 2000). Dans la pratique, structurer le sol consiste lier les parties fines du sol (sable, limon et argile) et la matire organique en de petits agrgats stables. Cette structuration rend les sols lourds (prdominance argiles, limons) plus poreux et les sols lgers, particules grossires (prdominance graviers, sables), plus aptes retenir leau. Dans les deux cas cela permet :

Une meilleure circulation de leau dans le solLorsque les lments fins du sol sont lis en agrgats, ils laissent de petits espaces vides o peut semmagasiner leau. Lorsquil pleut beaucoup et que les sols sont gorgs deau, le surplus peut scouler facilement en empruntant ces vides, conditions que ces derniers soient assez nombreux et quils soient connects entre eux pour former des micro canaux. Dans les sols trs lgers, lagglomration de particules trs fines aux fractions plus grossires va permettre de conserver plus deau dans le sol.

Une meilleure aration des sols peu poreuxLair qui permet la respiration des organismes du sol (activit biologique) se loge aussi dans ces vides. Si ceux-ci sont peu nombreux et plein deau parce quil y a peu de fissures pour le drainage des surplus, la rserve dair du sol sera minime. Dans ce cas il y aura peu dactivit biologique possible, quoi quon fasse, mme avec les meilleures pratiques dagrobiologie. Or ce sont les microorganismes du sol qui digrent la matire organique pour la dcomposer et rendre disponibles pour les plantes les minraux qui la composent.

Une meilleure rtention des particules trs fines du sol, gage de fertilitLes lments trs fins qui peuvent tre maintenus en suspension dans leau du sol, quils soient organiques ou minraux, peuvent tre entranes par leau (lessivage, rosion) si ils ne sont pas retenus dans les premiers centimtres de terre. La perte de ces lments fins appauvrit le sol, gnre de lrosion et contribue diminuer lactivit biologique. De plus sur le long terme, ces particules charries par leau peuvent se dposer en fines couches, des profondeurs variables dans le profil du sol et diminuer ainsi la porosit des sols, ce qui gnre souvent la formation de zones indures.

Un meilleur dveloppement racinaireLes racines des plantes ont besoin dune bonne porosit du sol pour se dvelopper. Mieux structur est le sol, plus le systme racinaire sera dvelopp, plus la plante sera efficace pour se nourrir, pouvant explorer un plus grand volume de terre. Dautre part, le sol aura besoin de ce dveloppement racinaire pour rester ouvert , cest dire poreux et structur.

Si lensemble de ce processus est ralenti dune faon ou dune autre, le sol devient moins fertile. Par consquent, la culture est moins apte utiliser toute fertilisation, quelle quelle soit. Particulirement celle dorigine organique, qui a absolument besoin dune bonne activit de minralisation pour librer sa rserve de nutriments.

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LA FORMATION DE LA STRUCTURE DU SOL DPEND :

1) De la nature des particules, plus ou moins grosses, qui crent plus ou moins de porosit.Mais aussi parce que les particules trs fines du sol, peuvent porter des charges lectrongatives leur pourtour, ce qui attirent les charges positives des cations, tout comme les charges ngatives et positives des aimants sattirent mutuellement. Ces particules accroches une lautre forment des agrgats plus gros, plus poreux et moins lessivables.

2) De la composition chimique du sol.Pour que les particules charges ngatives du sol puissent se lier entre elles, il faut que la solution du sol (i.e. leau du sol et tout ce qui y est en solution) contiennent en abondance des ions charges positivement. Cette prsence abondante de cation permet la floculation ou prcipitation des argiles et des matires organiques collodales du sol. Cest dire quen neutralisant en partie les charges ngatives des collodes, ceux-ci sont prcipits et peuvent sagglomrer en amas plus gros, en flocons (do le terme floculation) assez importants pour quon puisse les voir lil nu. Dans nos sols cultivs, mme quand ils sont naturellement saturs en calcium ou chauls, cest surtout le fer (Fe+++), qui va jouer ce rle. Car en plus dtre abondant, ce lien est plus fort que le lien calcique, ce qui le rend prpondrant. Malgr cela, dentre de jeux nous insistons sur le chaulage, parce que le fer, contrairement au calcium, change facilement de forme, entre autres en fonction des variations de lacidit du sol. Il faudra donc chauler pour minimiser ces variations si on veut que le fer reste un lien efficace en permanence (Voir section 5.2)

3) De lactivit biologique du sol.Au Qubec, cest le plus souvent lactivit biologique qui est de loin le principal structurant des sols agricoles. Parce que souvent nos sols sont surtout limoneux ou sableux et que mme les argiles y ont peu de charge ngatives, le complexe argilo-humique peut difficilement se former et ne joue pas un rle majeur en tant que structurant. De plus les rserves organiques (matire organique du sol) formes sur des sols forestiers souvent acides peuvent difficilement saccrocher aux argiles. Sauf parfois dans les sols naturellement saturs en calcium, lensemble de ces phnomnes a rendu nos sols difficiles structurer par la cration de complexes et sensibles la dstructuration. Seule lactivit biologique du sol, en agglomrant les fines du sol et en maintenant ouvert les vides que cela cre, peut palier cette faiblesse (Voir section 4.3).

Agrobiologie et structure du solLes parcelles qui sont conduites en agrobiologie depuis longtemps dveloppent-elles toujours une bonne structure de sol ? Non, pas toujours. Pourtant plusieurs agrobiologistes pensent (et on le lit aussi parfois dans la littrature spcialise) quen adoptant les pratiques agrobiologiques, les sols dveloppent automatiquement une structure adquate, surtout grce lutilisation damendements et de fertilisants organiques, mais aussi en vitant lutilisation de pesticides rducteurs de lactivit biologique. Des valuations de terrain de longues dures menes chez des agrobiologistes et sous toutes sortes de conditions nous dmontrent que cela ne suffit pas. Agrobiologie ou pas, si vos sols sont mal drains, dsaturs en calcium, si vous travaillez des sols trop humides et que vous y roulez avec de lquipement lourd, bref si vous ne prenez garde de respecter le b.a.ba des bonnes pratiques de gestion des sols, ceux-ci se dstructureront. Et ce manque de structure de surface sera encore accentu si ces sols taient dj naturellement dstructurs depuis toujours en profondeur. Pourtant, plus que toute autre approche, lagrobiologie possde tous les outils pour remettre le sol en pleine forme . La fertilisation organique bien comprise en est un, mais ce nest pas suffisant. En polyculture levage biologique lutilisation dun ensemble de bonnes pratiques de gestion des sols (travail adquat, chaulage, rotation, etc.) permet de crer ou recrer rapidement une bonne structure de sol et daugmenter ainsi la fertilit gnrale des parcelles. En grande culture cette correction est un peu plus difficile et obligera copier les rotations pratiques en polyculture levage, par exemple par lutilisation systmatique dintercalaires et dengrais verts de toutes sortes. Dautre part lutilisation surabondante de matire organique, telle quon la rencontre parfois en agrobiologie ne structure pas le sol. Elle pourra parfois le rendre plus poreux en surface, mais ne permettra pas ncessairement une meilleure rtention des nutriments. Sur le long terme, la multiplication dapports trop importants peut mme tre dstructurants pour le sol, surtout dans les horizons profonds.

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4.3

ACTIVIT BIOLOGIQUE ET STRUCTURE DU SOL

Les racines des plantesParmi les organismes vivants du sol, le systme racinaire des plantes est de toute premire importance. Pour se dvelopper les racines des plantes envahissent toutes les fissures, les cavits et les pores du sol qui sont assez volumineux. En grossissant elles les maintiennent ouverts, voire les agrandissent. Une fois en place elles servent minimiser le tassement, tant en surface quen profondeur, et aident contrer lencrotement de surface, ce qui permet une meilleure respiration du sol. De plus le fin rseau de radicelles agit comme un filet pour maintenir le sol en place. Enfin les exsudats racinaires, des espces de colles, agglomrent en boulettes la fraction fine du sol. Cette ensemble de phnomnes quon peut appeler effet racinaire est la base de la structuration de nos sols Selon les espces de plantes, le systme racinaire sera plus ou moins dvelopp et les racines descendront plus ou moins en profondeur. Elles plongeront au moins un mtre pour pratiquement toutes les plantes cultives, condition que la porosit et le drainage le permettent. Car les racines ne perforent pas les couches indures, voire simplement fermes par une faible porosit. Dans ces conditions les racines restent en surface et ne peuvent aider la structuration en profondeur. Mmes les racines des plantes quon dit dfonceuses ont quand mme besoin dun minimum de porosit pour se dvelopper.

Le sol est-il vivant ? Chose certaine, il renferme beaucoup dorganismes vivants qui ont un impact trs important sur la qualit des sols et la productivit des plantes.

Lactivit de dcomposition.Lorsquon laisse ou quon apporte des matires organiques facilement dgradables au sol, dans de bonnes conditions il se dveloppe une importante population de micro organismes qui sen nourrit et les dcompose. Cest ce qui constitue le gros de lactivit biologique du sol. Si les apports sont en quantit raisonnable, ni trop, ni trop peu, cette activit biologique sera structurante pour le sol. Des colles secrtes par les bactries, le myclium des champignons qui senchevtre aux fines particules du sol et dautres phnomnes du mme ordre, agglomrent en boulettes plus ou moins grosses les fines particules du sol. Cette activit est efficace en surface du sol, mais concoure peu en structurer les couches profondes. ces micro organismes se joignent aussi des macro organismes (vers de terre, collemboles, etc.) qui vivent aussi de la dcomposition de la matire organique et contribuent la structuration du sol. Leur rle est toutefois moindre que celui des microorganismes.

propos des vers de terreLes vers de terre ne structurent pas, mais arent le sol. Les galeries perforent le sol et permettent leau de mieux circuler, aux organismes du sol de mieux respirer, aux racines des plantes de descendre plus en profondeur. Mais si le sol nest pas structur, ces galeries permettent aussi aux particules fines et aux nutriments en gnral dtre lessivs, cest dire entrans en profondeur. La production de turicules, si souvent cite comme exemple de structurant des sols, ne joue souvent quun rle mineur dans lensemble du processus de structuration. Il peut y avoir de trs bons sols avec peu de vers de terre et dautres peu productifs qui en contiennent beaucoup. La prsence de vers de terre, mme en abondance, nest pas suffisante pour structurer ou arer correctement un sol. Pour quil y ait abondance de vers de terre, il faut beaucoup de matire organique et un taux dhumidit leve. Ce qui nest pas ncessairement souhaitable tant pour la structuration des sols, que pour le dveloppement dune activit biologique intense et, par consquence, pour lamlioration de la qualit des productions et des rendements. Une trs grande population de vers nest souvent que lindice dune accumulation organique importante dans les sols. Bien que le rle du ver de terre soit trs positif, laration du sol ne peut pas dpendre que de son travail.Car si leau ne peut suivre que les galeries des vers pour tre vacue, il y aura engorgement lors de fortes pluies, ou la fonte des neiges. Cest un ensemble de bonnes pratiques qui peut nous permettre damliorer ou de conserver le sol dans un tat adquat de structuration : drainage, chaulage, rotation, fertilisation adquate, etc.

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Le maintien de la structure des sols : une proccupation permanenteLa structuration du sol par lensemble de cette activit biologique est certes efficace, mais elle ne dure pas. Elle est refaire pratiquement chaque saison et protger en permanence. On encourage la structuration du sol en introduisant des prairies et/ou engrais verts jeunes dans la rotation. Dans les grandes cultures sans prairie, les intercalaires devront tre utiliss le plus souvent possible afin doffrir une couverture adquate du sol par les plantes et de maximiser le dveloppement racinaire (Voir section 7). En levage et en grande culture, lapport de matires organiques labiles, jeunes et faciles dgrader, aide aussi la structuration du sol en nourrissant une activit biologique intense. Sur la ferme, les fumiers frais C/N peu lev, les trs jeunes composts, les lisiers, les purin, les engrais verts jeunes joueront ce rle. Les fumiers et les composts stables nauront pas cet effet structurant dans nos sols (Voir section 6).

nutriments ncessaires aux plantes en t, pendant les priodes de forte activit biologique. Toutefois elle ne fournit presque rien lorsque le sol est froid et lactivit biologique rduite, comme au printemps par exemple. Dans tous les sols, une certaine accumulation organique est ncessaire afin de permettre la formation dune rserve de nutriments et de participer aussi la structuration des sols. Toutefois si elle est en excs la matire organique peut au contraire devenir dstructurante pour les sols.

propos de laugmentation rapide du taux de matire organique du sol.Laccumulation des matires organiques du sol, qui se traduit lanalyse du labo par une augmentation rapide du taux de matire organique, nest pas ncessairement bonne pour le sol, pas plus quelle nest le reflet de pratiques agricoles adquates. Pour quil y ait augmentation rapide de ce taux : soit quon diminue lactivit biologique du sol pour freiner la minralisation, ce qui nest gnralement pas souhaitable, surtout en agrobiologie, soit quon pande de trs grandes quantits de matire organique, une pratique qui a un effet dstructurant sur la plupart des sols. Dans ce dernier cas cet effet nest pas perceptible aprs un seul pandage. Mais long terme, le surplus organique qui ne peut tre rorganis, structur dans le sol, est entran plus ou moins en profondeur. Aprs plusieurs annes il viendra bloquer les pores (petits vides, fissures) du sol. Il faut certes maintenir un taux adquat de matire organique dans le sol. Ce taux adquat variera selon les types de sols. Il correspond en gros ce quun sol peut digrer sans perte dlments fins dans le profil. Le dpassement de ce taux namliorera pas la fertilit du sol. Mme sur des sols dont le taux de matire organique est faible, des apports massifs, surtout sils sont rpts, contribueront long terme leur dstructuration. Selon limportance du phnomne, laration du sol et sa facilit de stocker et dvacuer les surplus deau seront plus ou moins long terme diminues. Malgr tous les aspects positifs lis la matire organique dans les sols, il ne faut donc pas trop encourager laccumulation organique, au risque de diminuer rendements et qualit des cultures. Dautant plus que sous nos climats, les sols ont naturellement cette tendance.

4.4

ACTIVIT BIOLOGIQUE ET MATIRE ORGANIQUE

Les organismes vivants du sol sont avant tout des dcomposeurs de la matire organique. Ils ont besoin de conditions propices et de nutriments pour se dvelopper. Les conditions propices sont la prsence deau et dair en quantit suffisante dans le sol, une temprature assez leve et un niveau dacidit adquat. Les nutriments les plus importants utiliss par les microorganismes du sol sont le carbone (C) et lazote (N) que lon retrouve dans la matire organique. En utilisant le C et le N, ils dcomposent la matire organique et librent les autres nutriments quelle contient. Ceux-ci deviennent ainsi disponibles pour les plantes. Cest par ce processus que la fertilisation organique nourrit les plantes. Toute la matire organique nest toutefois pas dcompose au mme rythme. Une partie labile est dcompose rapidement, en une saison ou deux. Une autre partie plus stable ne lest que trs lentement, sur plusieurs annes, voire sur des dcennies ou plus. De la fraction minralise, une partie est galement rorganise en composs plus stables, plutt que de servir la croissance des plantes. Selon la prpondrance plus ou moins grande dun des deux phnomnes, accumulation ou minralisation, il se crera plus ou moins de rserve organique dans le sol. Cette rserve sera dcompose lentement, voire trs lentement, et fournira une certaine partie des

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En fonction de ses caractristiques, un sol peut renforcer la tendance laccumulation organique lie au climat ou, au contraire, la contrer. Les pratiques agricoles peuvent aussi favoriser une tendance ou lautre. En agrobiologie, un sol fertile est celui qui maintient lquilibre entre minralisation et accumulation. Lagriculteur doit donc agir de manire viter laccumulation et chercher ce juste quilibre. Par exemple un sol ar, structur, carbonat aura moins tendance accumuler la matire organique quun sol ferm, humide et acide. Cet quilibre devra tre dtermin au cas par cas, par une valuation adquate des sols de chaque parcelle et de lensemble du systme de production.

5.1

LE DRAINAGE

Le drainage des sols est en agriculture biologique incontournable. On entend par le terme drainage non pas la pose de drains, mais bien lide de sortir en tout moment lexcs deau de la parcelle. Sous nos climats il pleut beaucoup, surtout des poques de lanne o lvapotranspiration est faible. Dans ces conditions, les rserves deau du sol sont abondantes et il devient fondamental dliminer les surplus qui ne manquent pas de saccumuler chaque anne. Si cest surtout le cas au printemps et en automne, a peut aussi ltre pendant la forte priode de croissance des plantes en t. Dans tout le profil de sol, leau ne doit jamais stagner, mais scouler rapidement mme aprs une pluie importante. Ce drainage doit empcher tout prix toute remonte, ne fut-ce que temporaire, des nappes. Les remontes deau, mme de trs courtes dures, ont un effet dvastateur sur la structure des sols. Cette perte de structure augmente le danger dasphyxie en priode humide (moins dair stock ) et le danger de manque deau pour les cultures en saison sche (moins deau stocke ). Ce phnomne est une cause importante de faibles rendements en agrobiologie. Si beaucoup de parcelles ont t draines sur les fermes en agrobiologie, plusieurs ont encore quand mme des problmes dgouttement. Sans pour autant tomber dans lexcs, le drainage est llment cl pour permettre le dmarrage du fonctionnement des cycles biologiques du sol et donc du dmarrage des cultures. Cest le premier pas pour optimiser toute fertilisation.

Lapport de matire organique frache (labile) obtenu dun Lapport de matire organique frache (labile) obtenu dun engrais vert de crale nourri lactivit microbienne, engrais vert de crale nourri lactivit microbienne, favorisant le maintien dun quilibre entre minralisation favorisant le maintien dun quilibre entre minralisation et accumulation organique des sols agricoles. et accumulation organique des sols agricoles.

5.2

LE CHAULAGE EN FONCTION DU SOL

Dans lordre des priorits, le chaulage vient tout de suite aprs le drainage, parce que ltat calcique a aussi un impact sur tous les autres aspects de la fertilit du sol. Un sol a tendance sacidifier tout naturellement dautant que des rcoltes abondantes sont exports et que le climat est relativement pluvieux. Parfois le sol est gntiquement capable de contrecarrer ce phnomne. Souvent non, et il faut laider. Le rle de lagriculteur est de combler par le chaulage les situations o le sol naturellement na pas, ou na plus, en quantit suffisante le carbonate de calcium et/ou de magnsium pour lutter contre lacidit produite par une production agricole intensive. La majorit des sols du Qubec ont une faible rserve de calcium-magnsium actif, et ncessitent donc un chaulage rgulier.

5 GESTION DU SOL : LES PRATIQUESSTIMULANTES DE LA FERTILITDrainage, chaulage, travail de sol, ne sont pas en soi des pratiques de fertilisation. Elles ont toutefois un effet direct sur lexpression de la fertilit du sol et favorise la nutrition des plantes. En fonction des spcificits de sa ferme, le producteur biologique emploie sa propre combinaison de ces diverses pratiques de manire construire un systme de culture performant.

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Chauler en fonction du pH ?Traditionnellement, le chaulage est recommand dans le but de modifier le pH du sol en vue dobtenir un pH optimal pour la croissance des plantes. Selon cette approche, le besoin de chauler est dict par la ncessit de ragir lorsque le pHeau du sol chute en de dun niveau dtermin, soit environ 6,3. Selon le type de sol, on dtermine alors la quantit de chaux appliquer (utilisation du modle du pH tampon). Les doses de chaux recommandes varient entre 2,5 tonnes et 10 tonnes lhectare, lobjectif tant de ramener le pHeau entre 6,5 et 6,8.

Figure 5. Squence dvolution pdologique des solsSur roche calcaire (dcarbonatation) Perte du calcaire en excs Sur roche non calcaire (altration de la roche) Enrichissement en fer et en Ca

Brunification Dsaturation (Appauvrissement en Ca et Mg) Acidification (Chute du pH du sol) Mobilisation du fer Mobilisation des argiles Entranement avec matires organiques Podzolisation Entranement sans matires organiques Lessivage Adapt de Hrody, 1997

Chauler en fonction du solLes observations et recherches des dernires annes (Albrecht, Hrody, CDA) proposent une stratgie de chaulage adapt au fonctionnement optimal du sol et de son activit microbienne. Cette approche considre que le chaulage ne doit pas tre raisonn quen fonction dune fluctuation du pHeau du sol. Cette fluctuation est un indicateur trop tardif et variable pour permettre dintervenir adquatement. lchelle gologique sous nos climats le phnomne dacidification du sol est une tape normale dans la squence dvolution du sol. La figure 5 montre comment le processus dacidification est la consquence de lappauvrissement des sols en calcium et magnsium (dsaturation). Lobjectif du producteur biologique est de ralentir ce phnomne et dviter datteindre le niveau dacidification avant dintervenir. En dautres mots, le chaulage ne doit pas chercher corriger un pHeau trop acide, mais plutt maintenir une rserve adquate en calcium et en magnsium en fonction de lvolution de lensemble de ltat calcique du sol. Cette faon de faire minimise les fluctuations de pH du sol au cours dune saison, favorisant les conditions optimales de fonctionnement du sol.

Par cette approche, lintervention de chaulage nest plus de redressement par des chaulages massifs, mais plutt de maintien . Un chaulage de maintien est planifi sur une base rgulire, annuelle ou bisannuelle. Pour chaque apport les doses sont videmment beaucoup moins leves que lorsque le chaulage est pratiqu un intervalle de plus de 5 ans. On parle de dose de lordre de 400 kg/ha 1500 kg/ha de chaux agricole par anne. ces doses, le surchaulage est vit, bien que les apports soient annuels.

Quelle sorte de chaux utiliser ?Une fois que le besoin de chauler est tabli, et quune dose est recommande, on peut agir de deux manires : effectuer un apport de chaux agricole standard (chaux fine); ou utiliser une chaux fraction grossire, de granulomtrie 0-1/8. Dans une situation o il faut corriger une forte acidification du sol, la chaux fine savre efficace parce que facilement mise en solution et rendue active. On peut rpter son utilisation quelques annes. Une fois atteint un enrichissement adquat de calcium et de magnsium, il devient moins ncessaire dutiliser un produit rapidement assimil par le sol. De plus, il nest pas toujours pratique dintervenir annuellement avec 500 kg de chaux fine lhectare. Lutilisation dune chaux 0-1/8, dont une partie de la rserve de calcium sera disponible sur

Chauler la terre est plus souvent identifi comme une pratique de gestion et damendement des sols agricoles que de fertilisation. Toutefois son impact positif sur la fertilit des sols et la croissance des cultures est primordial.

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une plus longue priode, devient alors intressante. Ce type de chaux peut tre utilis environ quatre fois la dose dune chaux standard et son effet sera rparti sur quelques annes. Une fois atteint un niveau de saturation adquat de calcium-magnsium, on peut prvoir des apports tous les 3 5 ans de ce matriel granulomtrie tale au lieu des apports annuels dune chaux fine.

Depuis quelques annes de nombreux instruments de travail du sol sont apparus sur les fermes. En gnral, ils sont conus pour remplacer le labour traditionnel et sont censs tres des instruments de conservation des sols. La ralit est que, si certains sont intressants dans des situations spcifiques, aucun nest une panace pouvant rgler tous les problmes de dgradation physique des sols. Pour un peu mieux comprendre lutilit de ces outils, il faut se reporter la spcificit des systmes de production et leur impact sur les sols. Par exemple, dans des systmes de rotation de cultures annuelles, o il ny a pas de plantes structurantes (des plantes de prairie) et o les sols sont donc plus exposs aux alas du climat et aux passages dinstruments lourds, il est fondamental de les protger par une couche de rsidus de cultures. On aura dautant plus avantage dutiliser des pratiques qui laissent un maximum de rsidus en surface : notill, billons, chisel, cultivateur lourd, etc.

Des essais de chaulage raliss au CDA dans les annes 90 Des essais de chaulage raliss au CDA dans les annes 90 ont permis de comparer lutilisation de divers amendement calcaires, ont permis de comparer lutilisation de divers amendement calcaires, dont la chaux granulomtrie tale 0-1/8. Ils ont dmontr dont la chaux granulomtrie tale 0-1/8. Ils ont dmontr la pertinence des chaulages fractionns et rguliers pour la pertinence des chaulages fractionns et rguliers pour obtenir une efficacit optimale. obtenir une efficacit optimale.

Toutefois, le fait de laisser des rsidus de rcolte en surface du sol ne sera pas suffisant en soi pour maintenir une fertilit optimale. Ces techniques devront absolument tre associs aux autres pratiques structurantes : chaulage, drainage, stimulation de lactivit biologique, etc. De mme pour corriger les zones indures qui peuvent se trouver plus ou moins en profondeur dans certains sols, il faudra gnralement utiliser un instrument qui pourra travailler assez en profondeur pour fissurer ces zones. Au del de 30 cm, il faudra sous-soler. Pour viter davoir rpter ces oprations, il est imprieux de cultiver immdiatement aprs lopration une plante dont les racines fascicules envahiront les fissures laisses par le travail mcanique et complteront le travail de restructuration du sol. Les crales, surtout le seigle et lavoine, et le raygrass peuvent servir cette fin Mais les conditions de travail du sol seront toujours prioritaires au travail lui-mme. Il vaut mieux ne rien faire que de le faire dans des conditions adverses, et ce quel que soit le type dinstrument utilis. Surtout pour le sous-solage qui doit se faire en priode o le sous-sol est sec. Sous-soler en priode humide risque dempirer le problme.

5.3

LE TRAVAIL DU SOL

Outre son rle de prparation du sol au semis et de gestion des mauvaises herbes, les pratiques de travail du sol peuvent influencer grandement la fertilit. Bien quen principe le non-travail du sol soit possible et dans certaines conditions fort avantageuses, il faut quand on le pratique sassurer rgulirement par lobservation de profils que les sols restent meubles et ars dans toutes les parcelles (Voir section 11.2.1). La consquence dun manque doxygne a un effet ngatif sur le fonctionnement du sol et lexpression de sa fertilit. Cest dautant plus vrai en rgie biologique, o le dmarrage des cultures ne peut compter sur un apport dazote synthtique pour compenser un fonctionnement ralenti du sol. Dans les sols o la matire organique a tendance saccumuler (Voir section 4.4), le travail du sol peut permettre le dblocage et accentuer sa minralisation, favorisant ainsi sa contribution la fertilisation des cultures.

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6 LA GESTION DESENGRAIS ORGANIQUESLutilisation des engrais organiques (fumiers, lisiers, composts, etc.) est de premire importance dans la planification des cultures en bio. Quils soient produits sur lentreprise ou imports dentreprises voisines, ils sont la source de fertilisants la plus commune et la plus utile des fermes en agrobiologie. Le raisonnement des apports de fumier en fonction des diverses situations propres une entreprise repose sur certaines rgles gnrales qui doivent tre rappeles.

(Voir section 4.2), il est peu frquent de rencontrer des sols aptes recevoir des doses de plus de 30 tonnes lhectare. On pourrait discuter longtemps propos dune date limite dpandage lautomne. Il nen demeure pas moins que lutilisation des fumiers sur une plante en croissance offre les meilleures conditions de valorisation des engrais apports. Cette technique est justifie pleinement pour son efficacit environnementale, mais aussi pour son efficacit agronomique et conomique recycler les lments nutritifs de la ferme. Aujourdhui, la technologie dpandage des engrais organiques (solides et liquides) offre beaucoup plus de flexibilit dutilisation au cours de la saison. On peut pandre en pr-semis, en post-leve, au cours de la saison en couches trs minces, etc. Ceci facilite tout particulirement la mise en dispo