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    Polytonalités

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    L’univers esthétiqueCollection dirigée par Véronique Alexandre Journeau

    Indépendamment des critères esthétiques propres à une époque et àune culture, il semble bien qu’une esthétique générale puisse êtreapprochée par l’étude des réactions psychiques au contact desœuvres. Distinctement des jugements théoriques et du goût, la perception sensible, pour subjective qu’elle soit, conditionnerait uneappréciation sur la qualité d’une œuvre qui dépasse le temps etl’espace de sa création : elle révèle des effets plus ou moinsconsciemment insufflés par le créateur et ressentis par le récepteur,de l’ordre d’une intuition artistique, tantôt agissante tantôt

    éprouvante. La collection vise à développer ces recherches sur « la pensée créative » et « l’émotion esthétique » simultanément encomparatisme entre cultures (en particulier occidentales etasiatiques), et en correspondance entre les arts (perception par lessens) et avec les lettres (en particulier poésie).

    Déjà paru

     Musique et effet de vie, sous la direction de VéroniqueAlexandre Journeau, Préface de Danièle Pistone, 2009.

     Arts, langue et cohérence, sous la direction de VéroniqueAlexandre Journeau, 2010.

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    Sous la direction de

    Philippe Malhaire 

    Polytonalités

    Préface de Danièle Pistone

    Postface de Véronique Alexandre Journeau 

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    Je tiens à remercier chaleureusement Anne-Laure Borel,

    Véronique Alexandre Journeau, Marion Leloup, Danièle Pistone,

    Renaud Bouré, Ludovic Florin et Bruno Guillard pour leur amitié et le

     précieux soutien logistique qu’ils m’ont apporté dans la réalisation de

    cet ouvrage.

    Philippe Malhaire

    Les extraits musicaux retranscrits dans cet ouvrage sont

    reproduits légalement, conformément au droit de citation défini en

    France par l’article L122-5 CPI du code de la propriété

    intellectuelle : « Lorsque l'œuvre a été divulguée, l'auteur ne peut

    interdire : […] 3º sous réserve que soient indiqués clairement le nom

    de l'auteur et la source : a) Les analyses et courtes citations justifiées

     par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou

    d'information de l'œuvre à laquelle elles sont incorporées ».

    Création de la couverture 

    Véronique Alexandre Journeau

     Réalisation infographique

    Frédéric Vialle 

    Avec le soutien de l’École doctorale Concepts et Langages et del’Observatoire musical français de l’Université Paris-Sorbonne 

    © L’Harmattan, 2011

    5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

    http://[email protected]

    [email protected]

    ISBN : 978-2-296-56156-4EAN : 9782296561564 

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    SOMMAIRE

    PRÉFACE 

     par Danièle Pistone  7

    CONSIDÉRATIONS THÉORIQUES ET ANALYTIQUES 

    • Redéfinir la polytonalité 13 par Philippe Malhaire

    • Combinaisons polytonales, pertonales et métatonales 39 par Franck Jedrzejewski

    • L’un et le multiple : la polytonalité 57 dans la théorie musicale nord-américaine

     par Marc Rigaudière

    PLURALITÉ DES DÉMARCHES COMPOSITIONNELLES

    • Le procédé de stratification et de verticalisation 81 chez le dernier Liszt : quelques pistes de réflexion par Grégoire Caux

    • La polytonalité dans l’œuvre de Charles Ives 101 par Max Noubel

    • En blanc et noir : 127étude d’un paradigme singulier de polytonalité

     par Mathias Roger• La polytonalité dans l’œuvre de Stravinsky : 143

    conjectures et faits musicaux par Jean-Michel Court

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    • Un aperçu de la polytonalité 159 dans l’œuvre d’Émile Goué

     par Damien Top

    VERS D’AUTRES HORIZONS STYLISTIQUES 

    • Les harmonies polytonales 179dans la musique de films de John Williams :étude des ressources expressives de la polytonalité

     par Jérôme Rossi• Une approche de la polytonalité appliquée au jazz : 201

    l’exemple de Marc Copland par Ludovic Florin

    POSTFACE

    • Dialogue de l’Asie avec l’Occident : 221une symbiose insolite

     par Véronique Alexandre Journeau

    Présentation des auteurs et résumés 231

    Index des noms cités 245

    Table des exemples musicaux et des illustrations 255

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    PRÉFACE

    Danièle Pistone

    Après une période de nette désaffection – que marqua lemépris de quelques protagonistes de la scène musicaleinternationale – la polytonalité semble susciter aujourd’hui unnouvel intérêt de la part des chercheurs, comme en témoignentquelques publications récentes. Pourquoi ? Peut-être parce quele post-modernisme a contribué à faire appréhender autrement

    la musique tonale. Parce que le Groupe des Six, à travers sesmembres et sa « membrane », profite du développement desétudes concernant l’entre-deux-guerres. Et peut-être aussi

     parce que, le recul aidant, il est possible de déceler destendances et des intentions plus variées dans le choix de cemode d’écriture musicale, en réponse à la pieuvre wagnériennedes années antérieures.

    Car c’est bien en cette fin de XIXe siècle que se situe la première percée de la polytonalité, à travers un faisceaud’initiatives étrangement contemporaines, d’Alfred Bruneau àCharles Ives. Tendance encore exploratoire, certes, à peine

     plus affirmée que les essais précédents (Chopin, Berlioz, Liszt,Moussorgski…), sans revenir sur les superpositions de lignesde la musique ancienne où pouvaient sonner des modes divers

    aux différentes voix, et que Milhaud lui-même rappellelorsqu’il cite en 1923 un  Duetto de Jean-Sébastien Bach, sansremonter à la Judentanz pour luth de Neusiedler (XVIe siècle).

    Du contrepoint naît ainsi, sans aucun doute, le premiermodèle de ce qui devait devenir la polytonalité. Mais il faudraattendre longtemps avant que ces lignes voire ces imitations

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    POLYTONALITÉS8

    (fût-ce même dans la célèbre  Fugue du chat   de DomenicoScarlatti) ne permettent de laisser entendre clairement

     plusieurs tons à la fois. Comment s’achemine-t-on vers ce procédé ? À travers une volonté d’expression, de signification.Il s’agit, par exemple, d’exprimer une simultanéité decontrastes, comme dans  La Damnation de Faust   de Berlioz

    (1846, 2e  partie, scène VIII, finale) où le chant latin desétudiants (en ré  mineur) résonne avec le chœur des soldats(« Villes entourées de murs et de remparts… », en si majeur).Charles Ives recourra encore à ce type de superpositions. Il y aalors dysharmonie, rupture avec les codes ordinaires, mise enalerte de l’auditeur. C’est bien encore ainsi que la musique defilm peut jouer avec les nerfs du public pour exprimer l’altérité

    étrange, comme le montre bien ici Jérôme Rossi (par exempledans la musique de Bernard Herrmann conçue pour le Vertigod’Hitchcock, 1958).

    Cette saillance, capable de faire vaciller les pratiquescourantes, fut utilisée par Stravinsky harmoniquement dansquelques célèbres passages de  Petrouchka  (1911) ou des« Augures de printemps » du Sacre  (1913) dont la rudesse,confinant pour beaucoup des premiers auditeurs à lasauvagerie, crée un écart, une distance d’une telle importance

     par rapport aux procédés du temps qu’elle ne tarde pas às’ériger en véritable provocation. Ce sera le cas au temps duGroupe des Six, quand Milhaud jettera Protée ou sa Deuxième

     Étude pour orchestre en pâture aux critiques.

    À la provocation succédera souvent une sensation d’en-richissement ou peut-être de brouillage, d’indéterminationsonore quand le même Milhaud fait entendre simultanément

     jusqu’à six tonalités dans sa Troisième Symphonie de chambre(1921). Les lignes sont plutôt alors diatoniques – ce qui permetd’ailleurs de faire naître une opposition plus systématiqueencore au langage wagnérien. Se situant donc loin de la

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    PRÉFACE 9

     bitonalité – voire de la tritonalité (Ratez, 1924) – cette ten-dance à la complexification se poursuivra jusqu’à atteindremême la « simultanéité chromatique » d’Émile Goué (1946),

     présentée par Damien Top dans le présent ouvrage.L’évolution aidant, l’auditeur ne ressent toutefois plus

    ces superpositions comme les contemporains du jeune

    Stravinsky. La note, le motif ou la ligne « à côté », et bientôt le« glissement de côté » ( sideslipping ), présenté ici à propos du

     pianiste de jazz Marc Copland (album  Alone de 2009) parLudovic Florin, sont plutôt ressentis comme de piquantestouches de couleurs ou quelques variantes inattendues ; il fautdire que, dans ce type de répertoire, la polyrythmie ou lesrecherches timbriques semblent incontestablement plus riches

    de développements que la polytonalité. Quant au jeu sur lestouches noires puis blanches du clavier, dont Mathias Rogerrappelle l’existence, il est certain qu’il peut conduire aussi,chez Debussy déjà (dans  Brouillards  par exemple), à descontrastes de ce type. On sait que Villa-Lobos s’inspirait aussi,comme Roberto Duarte l’a bien montré en travaillant à lanouvelle édition de l’œuvre orchestrale de ce compositeur, desemblables translations des doigts sur le clavier.

    C’est sans doute au terme de semblables découvertesque ce qui avait pu sembler en 1924 « abracadabrant »(Gaubert) ou « barbare » (Hüe), puis « irisation aussi pas-sagère qu’une bulle de savon » (Migot, 1947), ou encore un« accessoire inutile » (Boulez, 1966), voire un « strabisme »

    (Vuillermoz, 1973), même encore une « horreur » (Van denToorn, 1983), ne prend bientôt plus aujourd’hui qu’une valeurhistorique. Car, comme tout écart esthétique, la nouveautérésiste mal au temps, et ce genre de procédé technique estinéluctablement condamné à l’éphémérité : comme il le futchez Richard Strauss ou Paul Hindemith, entre autres. La

     polytonalité qui, en superposant lignes ou accords, parvient à

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    POLYTONALITÉS10

    faire du nouveau avec de l’ancien, peine en fait à se renouveler, parce que les possibilités de franche opposition fondée sur lesseules hauteurs demeurent limitées, même lorsqu’elles sonnentà la distance du diabolique intervalle de triton. Elle présentecertes des modes et particularités variés – et Philippe Malhairea raison d’envisager plutôt « des polytonalités » – comme les

    travaux récents et les présents articles l’ont bien mis enévidence. Est-il raisonnable de vouloir la faire disparaîtrederrière la volonté d’octotonisme ou la quête de diverses

     pantonalités ? Sans doute pas, si l’on pense à la polytonalitémélodique. Quant à la polytonalité harmonique, elle estcondamnée à subir une grande variété d’interprétations née ducontexte ou des habitudes de perception des analystes.

    Il n’en demeure pas moins que cette bi- ou polypolaritéconserve quelque chose de fascinant : perception multiple etfusion de contrastes, combinatoire satisfaisante pour l’esprit etvivifiante pour l’oreille, cruelle ou douce aporie face à laquelletoute résistance semble inutile, elle aura révolté ou intrigué

     bien des auditoires dans notre histoire musicale, et n’a pas peut-être pas fini d’éveiller à ces étrangetés d’autresmusicologues.

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    CONSIDÉRATIONS THÉORIQUES ET ANALYTIQUES

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     REDÉFINIR LA POLYTONALITÉ

    Philippe Malhaire

    Conceptualisation

    La polytonalité est une forme d’écriture globalementmal connue. Si le postulat de départ apparaît relativementsimple, à savoir qu’« il y a polytonalité quand deux ou

     plusieurs tonalités sont entendues simultanément »1, cette dé-marche compositionnelle s’avère d’une rare complexité, aussi

     bien du point de vue théorique qu’analytique. Elle estégalement considérée comme « l’une des plus fluctuantes del’harmonie contemporaine »2   car il n’y a pas deux compo-siteurs l’employant de la même manière, ce que traduisent ces

     paroles de Milhaud : « autant de compositeurs, autant de polytonalités différentes »3. Cette difficulté à appréhender cor-

    rectement le cadre polytonal est probablement la cause principale du manque de travaux approfondis sur le sujet, la plupart des théoriciens préférant la considérer comme uneforme d’expression libre voire intuitive. Des traités existent

    1 Serge Gut, « Polytonalité », Science de la Musique. Formes, techniques,instruments, sous la direction de Marc Honegger, vol. II, Paris,Éd. Bordas, 1976, p. 820.

    2 Article « Polytonalité »,  Encyclopédie de la Musique, sous la direction deFrançois Michel, Tome III, Paris, Éd. Fasquelle, 1961.

    3 Darius Milhaud, « Polytonalité et Atonalité (1923) », Notes sur la musique,essais et chroniques, textes réunis et présentés par Jeremy Drake, Paris,Éd. Flammarion, 1982, p. 184. Le propos est de Koechlin à l’origine,tenu dans ses notes de programme pour le concert Colonne d’octobre1920 : « la polytonie est ce qu’en font les compositeurs. […] Il n’y a pasune polytonie : il en existe autant que de personnalités différentes ».Milhaud le paraphrase clairement.