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MÉMOIRES D’ASSURANCES Recueil de sources françaises sur l’histoire des assurances du XVI ème au XIX ème siècle

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MÉMOIRESD’ASSURANCES

Recueil de sources françaises sur l’histoire des assurancesdu XVIème au XIXème siècle

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« De nos jours, un bon bourgeois de Paris peut dormir bien tranquillementsur toutes les oreilles que lui a départies la nature, pour peu qu’il ait eu soinde payer une prime à toutes les compagnies qui s’empressent de l’assurercontre toutes les chances du sort.

Dès qu’un enfant vient de naître, vingt-cinq représentants de vingt-cinqcompagnies différentes accourent auprès du berceau du moutard, etproposent aux pères et mères d’assurer leur rejeton contre la coqueluche,contre la conscription, contre l’incendie, contre la grêle, contre la foudre,contre les indigestions, etc., etc. Enfin, il n’est pas une catastrophe, pas uneinfirmité, pas un petit malheur, qui ne puisse aussitôt être réparés parl’application du baume souverain, du baume de fier à bras, nommé contratd’assurance.

La société d’assurance devient pour vous un paratonnerre, un para grêle,une para conscription, un parachute, un paratout. »

Robert-Macaire 1839.

Robert-Macaire était un personnage de théâtre coquin, affairiste et burlesque, créé au début du XIXème siècle et repris par Daumier et Philipon dans l’ouvragehumoristique « Les Cent et un Robert-Macaire ».

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Cet ouvrage est publié grâce à la participation financière de la Fédération française des sociétés d’assurances.

COMITÉ SCIENTIFIQUE POUR L’HISTOIRE DE L’ASSURANCEConstitué par la Fédération française des sociétés d’assurances en 2004 et composé d’universitaires et de professionnels,le Comité scientifique pour l’histoire de l’assurance réunit huit membres :- Marie-Noëlle Polino, secrétaire générale et administrateur de l’association Patrimoine et mémoire d’entreprises- Pierre Baudez, ancien médiateur de l’assurance- Pierre-Cyrille Hautcoeur, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales- Michel Lescure, professeur à l’Université Paris X- Michel Lutfalla, ancien directeur des études économiques d’AXA- Michel Margairaz, professeur à l’Université Paris VIII- Didier Pouilloux, commissaire contrôleur général des assurances - ACP- André Straus, CNRS- Gilles Wolkowitsch, secrétaire général de la Fédération française des sociétés d’assurances

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AVANT PROPOS

Depuis 2004, la Fédération française a mis en place un Comité scientifique sur l’histoire de l’assurancequi réunit une dizaine d’universitaires et de professionnels avec pour objectif de susciter la recherche docto-rale dans un domaine qui ne retient pas suffisamment l’intérêt des étudiants alors que l’assurance se situe parnature au cœur de l’histoire économique et reflète les évolutions de la société.

Poursuivant son action de soutien à la recherche historique, la Fédération se réjouit de permettreaujourd’hui la publication du Recueil des sources françaises sur l’histoire des assurances du XVIème au XIXème

dû au travail patient, minutieux et passionné de Didier Pouilloux. Cet ouvrage fait utilement suite au Guidedes sources sur l’histoire de l’assurance paru en 2007 qui recensait l’ensemble des dépôts publics et privésd’archives intéressant l’assurance et en décrivait les contenus.

Le recueil des lois, ordonnances, décrets, arrêtés, arrêts et décisions collectés, organisés et commentéspar Didier Pouilloux, expert et praticien reconnu en matière d’assurance, sera un instrument précieux pourtous les chercheurs qui trouveront ainsi réunis pour la première fois en un seul ouvrage, et dans la plupart descas dans leur rédaction intégrale, plus de trois cents textes disséminés dans des livres, des bibliothèques etdes dépôts d’archives sur tout le territoire national. Ce travail est d’autant plus important qu’il porte enmajorité sur des documents anciens et auxquels il n’est pas possible d’accéder sur Internet. En revanche,bien entendu, des extraits de cet ouvrage seront rapidement consultables sur le site ffsa.fr.

Espérons que, disposant d’un nouvel instrument de recherche qui complète utilement ceux quiexistent déjà, davantage d’étudiants réaliseront la richesse intellectuelle du secteur des assurances etl’importance des enjeux qui y sont liés et qu’ils s’engageront dans des travaux universitaires qui permettrontde le replacer à sa juste place dans l’histoire économique de notre pays.

Bernard SpitzPrésident de la Fédération française des sociétés d’assurances

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L’AUTEURDidier Pouilloux, ancien élève de l’ÉcolePolytechnique et diplômé de l’Institutd’études politiques de Paris est commissairecontrôleur général des assurances en posteà l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP)[email protected]

DU MÊMEAUTEURAnnuaire thématique de la réglementationd’assurance (toute la réglementationdes assurances en un seul ouvrage).Éditions du Puits Fleuri - 2005.(www.puitsfleuri.com).

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L’assurance est un métier qui n’attire pas spontanément, mais c’est un métier qui retient. Beaucoup yentrent par hasard, par opportunité ou sur le fondement d’un choix raisonnable ; la plupart y restent par voca-tion. C’est bien mon cas, et en complément de la dimension purement professionnelle, une passion est néeil y a une quinzaine d’années pour l’histoire des assurances. En 1994, à l’occasion de vacances à Saint-Malo,une journée de pluie avait contrarié mes habitudes estivales. Déambulant dans la vieille ville, j’entrais parhasard chez un bouquiniste où, parmi de vieux papiers, je découvris des manuscrits du XVIIIème siècletraitant d’assurance : il s’agissait d’anciens contrats d’assurance maritime souscrits par des armateursmalouins entre 1700 et 1750 et qu’il me fallut presque six mois pour « déchiffrer » entièrement.

Cette première découverte a fait germer un intérêt pour l’histoire de l’assurance et m’a amené à liredes ouvrages, à découvrir et souvent acheter d’autres documents anciens, à rencontrer des passionnés, souventcollectionneurs de plaques, de jetons, de titres anciens et autres vieux papiers, toujours fiers de leurstrouvailles. A partir d’un début de collection puis d’une collecte systématique de documents anciens serapportant à l’assurance, j’ai finalement abouti, après beaucoup d’efforts, au présent ouvrage qui se présentecomme un recueil de sources, souvent inédites et organisées de façon systématique. Je remercie d’ailleurschaleureusement tous ceux qui, à un moment donné ont pu apporter leur aide, fournir des renseignements ou« le » renseignement utile, prêter des documents ou ouvrir leurs archives.

L’ouvrage rassemble tous les textes antérieurs à 1800 que j’ai pu trouver et les seuls textes de natureréglementaire compris entre cette date et la fin du XIXème siècle. Par coquetterie, et aussi parce qu’il s’agitd’un texte important, j’ai ajouté la loi du 4 juillet 1900 « relative à la constitution des sociétés ou caissesd’assurances mutuelles agricoles ». Plus de trois cents textes sont ainsi répertoriés et le plus souventreproduits in extenso, afin de permettre au lecteur de consulter les sources mêmes et non pas quelques extraitschoisis ou des phrases réécrites.

Prenons l’exemple de la grande ordonnance sur la Marine de 1681. Ce texte a probablement été citécent fois par les auteurs, mais qui l’a vraiment lu ? Qui sait où en trouver un exemplaire facilement consul-table ? Et encore, s’agit-il de l’un des textes les plus connus ! En rassemblant dans un ouvrage unique desdocuments très dispersés, souvent difficiles à consulter, et parfois même à lire lorsque l’impression estmauvaise où que les archives ne conservent qu’une version manuscrite, l’ouvrage offre au lecteur unevéritable anthologie pouvant servir de référence à tous ceux qui voudront poursuivre les recherches sur lesnombreux domaines qui restent à explorer.

Pour compléter ces sources, une note d’analyse figure au début de chaque chapitre, suivie par la liste destextes concernés. Ceux-ci, riches et variés, permettent de replacer à chaque instant l’histoire des assurancesdans son contexte. En ce sens, ce retour aux sources offre une perspective intéressante et nouvelle à l’histoirede cette industrie, devenue puissante et prospère, et qui s’avère au fil des décennies comme facilitateur de la viequotidienne et comme complément indispensable à de nombreuses opérations économiques et financières.

L’ouvrage est organisé en trois parties. La première est consacrée aux différentes branchesd’assurance, dont les tontines. La seconde traite des premières entreprises d’assurances et de deux tontinesparticulières. Enfin, la troisième partie regroupe des sujets d’ordre général relatifs aux intermédiaires, auxentreprises habilitées à prendre des risques d’assurance, au contrôle de ces entreprises et à la fiscalité. Toutesles facettes du métier sont ainsi explorées sous l’angle historique.

Cette fresque montre que l’histoire de l’assurance n’est pas linéaire car maîtriser les aléas dans unmonde en perpétuelle évolution n’est pas une mince affaire. Entraînées par le tourbillon des progrès écono-miques et financiers, les avancées successives ont souvent donné lieu ensuite à des phases de transition voireà des reculs avant que la réglementation ne trouve pendant un certain temps un équilibre stable. En sera-t-ilainsi pour la grande réforme prudentielle dite Solvabilité II ? L’histoire le dira !

Didier Pouilloux

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Les différentes branches d’assurance

PARTIE I

I - 1. Des assurances maritimes.

I - 2. Des tontines.

I - 3. Des assurances contre l’incendie.

I - 4. Des assurances sur la vie humaine.

I - 5. Des risques agricoles : grêle et mortalité du bétail.

I - 6. Des assurances contre les chances de recrutement militaire par tirage au sort.

I - 7. Des accidents du travail et des syndicats de garantie.

I - 8. De la réassurance.

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Des assurances maritimes. Partie I chapitre 1

(1) Cf. « Histoire des institutions d’assurance en France » par P.J. Richard, « Il était une fois l’Assurance » par Lucien Gallix et « Théorie et Pratique des Assurancesterrestres » par Joseph Hémard.

A la différence des métiers de la Banque qui ont prospéré très tôt dans l’histoire de la civilisation humaine, l’assu-rance a connuundéveloppement tardif et hésitant. EnEurope, lemétier d’assureur n’a éclos que vers la fin duXIIIème siècle.

Des historiens chevronnés ont réussi à dénicher ici ou là quelques écrits anciens où apparaissent des notionsd’assistance et de secours mutuel pouvant éventuellement être assimilées à une forme archaïque d’assurance. Ainsiparmi les lois du Code d’Hammourabi gravées sur les pierres de Babylone vers 2000 ans avant J.-C., figure un texteconcernant l’assurance demarchandises transportées. Plus tard, vers 600 ans avant J.-C., des textes de la Grèce antiquedécrivent une sorte de caisse d’entraide en cas de malheur frappant les personnes. De nombreux autres exemples ontété répertoriés, mais il s’agit en réalité d’assistance mutuelle et non pas d’assurance au sens qu’on lui donneaujourd’hui. De même, on a considéré pendant un certain temps que l’ancêtre de l’assurance pouvait être le prêt à lagrosse aventure pratiqué pendant la première moitié duMoyen Âge par les marchands par voie de terre, de rivière oude mer. Il s’agissait d’un prêt d’argent d’un genre particulier, par lequel le prêteur perdait sa mise si la marchandisen’arrivait pas à bon port, mais à l’inverse touchait de très gros intérêts en cas de succès de l’entreprise. En analysantcette pratique, on s’aperçoit qu’elle a peu à voir avec l’assurance, et qu’il s’agit plutôt d’une forme de participationfinancière à une entreprise présentant un risque.

La date importante qui marque véritablement la naissance de l’assurance en Europe est 1234, et correspond àune décision du Pape Grégoire IX d’interdire en pays chrétien l’usure et tout prêt subordonné à un transport par voiede mer ou de terre. Cette interdiction concernait directement le prêt à la grosse aventure, et gênait fortement lesmarchands qui cherchèrent tous les moyens pour la contourner. Les conventions entre les négociants et les banquiersconnurent alors quelques avatars comme des prêts secrets ou des contrats de vente avant le départ suivis d’un rachat àl’issue du voyage, mais ces formules ne donnaient pas véritablement satisfaction, et c’est finalement des conventionsd’assurance avec une prime, un capital garanti, et la définition d’un risque, qui finirent par s’imposer dans le mondeméditerranéen, puis partout en Europe.

Dans lemême temps, les pays européens qui dominaient le commercemaritime, commeGènes,Venise, l’Espagne,le Portugal, l’Angleterre, les Pays-Bas ou la France éprouvèrent le besoin de réglementer puis codifier les usages de lanavigation. Le plus souvent, ces textes incorporaient des règles spécifiques sur les contrats d’assurance maritime.

A l’étranger, les plus anciens textes aujourd’hui connus sont les suivants(1) (ceux traitant du droit maritime sansaucune référence aux assurances ne sont pas cités ici) :

1336 - Décret du Doge de Gênes réglementant les assurances maritimes.1435 - Ordonnances rédigées à Barcelone sous le nom de Las Capitulas de Barcelona.1468 - Lois de la République deVenise sur les assurances.1523 - Décret de la Ville de Florence réglementant les polices d’assurance.1549 - Édit de Charles Quint limitant les indemnités d’assurance au préjudice réel.

Le XVIème siècle en France

En France, le roi Charles IX, « advertis que le traffic des asseurances est puis naguères en ça mis grandement enavant par les Marchands de Roüen, négoce fort honorable, & qui décore & ennoblit grandement le traffic & commerced’icelle ville » reconnut officiellement et solennellement en mars 1556 l’intérêt des « asseurances » maritimes àl’occasion d’un édit « sur la création et establissement d’une Place Commune& Jurisdiction des Prieur&Consuls desMarchands en laVille de Roüen ».

Des assurances maritimesCHAPITRE 1

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(2) Article 7 du Titre XII de l’édit de mars 1673.

Ce texte important offrait aux Marchands des facilités pour effectuer leur « trafficq » mais commençaitaussi à réglementer le secteur des assurances.

Du « Guidon des Marchands de la Mer » à l’ordonnance de 1681« Touchant à la Marine »

Au début du XVIIème siècle, les marchands de la ville de Rouen rédigèrent un recueil des us et coutumesdu commerce maritime en vigueur à cette époque dans le port de Rouen sous la forme d’un recueil dénommé« Guidon utile et nécessaire pour ceux qui font Marchandise, & qui mettent à la Mer » et dont la premièrepublication semble dater de 1607.

« Dressé en faveur des Marchands trafiquans en la noble Cité de Rouën », ce traité réglait de façon trèsdétaillée la pratique des assurances maritimes et peut être considéré comme le premier « code des assurances »malgré son usage resté local. Dans un recueil publié en 1671 et intitulé « Les Us et Coustumes de la Mer, descontrats maritimes & commerce Naval », Estienne Cleirac indique que le « Guidon des Marchands de la Mer »fut rédigé « avec tant d’adresse, & de subtilité tant desliée, que l’Autheur d’iceluy en expliquant les Contractsou Polices d’asseurance, a insinué, & fait entendre avec grand facilité tout ce qui est des autres Contractsmaritimes, & tout le general du commerce Naval : De sorte qu’il n’a rien obmis, si ce n’est seulement d’y mettreson nom, pour en conserver la mémoire, & l’honneur qu’il mérite d’avoir tant obligé sa Patrie, etc. ».

Plus d’un demi siècle plus tard, Louis XIV signa sa fameuse ordonnance d’août 1681 « Touchant à laMarine » qui reprenait en partie les dispositions du « Guidon » de Rouen. Document majeur, l’ordonnance de1681 était l’œuvre de Colbert (1619-1683), alors Contrôleur Général des finances du Roi, qui voyait là un moyende développer le commerce maritime et par conséquent à la fois l’influence de la France dans le monde etl’enrichissement du pays. Divisée en cinq livres, l’ordonnance ne comptait pas moins de 270 pages. C’est dansle « livre troisième » qui traite des « contrats maritimes » que se trouve le chapitre consacré aux « assûrances ».

Le pouvoir des Amirautés

Par lettres patentes d’août 1582 suivies par un édit de mars 1584, le roi Henri III avait confié auxAmirautésle pouvoir exclusif de « connaître des choses de la mer », y compris les assurances maritimes. Mais les Prieur etConsuls de la ville de Rouen, mécontents de cette décision obtinrent par dérogation le droit de conserver laconnaissance des polices d’assurances, « à la charge d’avertir les Officiers de l’Admirauté des malversations ».

De manière récurrente, certaines autorités du Royaume cherchèrent à empiéter ou à remettre en cause cepouvoir exclusif et l’intervention du Roi fut nécessaire pour rétablir l’ordre juste des choses.

C’est ainsi que, par un arrêt du 24 janvier 1619, le Roi confirma le pouvoir de l’Amirauté de Bordeaux àla suite d’une contestation qui était née avec le Sénéchal de Guyenne et les Juges et Consuls de la Ville deBordeaux, pour savoir à qui appartenait la connaissance des polices d’assurance et autres contrats maritimes.

En mars 1673, Louis XIV promulgua un édit « pour le Commerce des négocians en gros & en détail » quiaccordait aux Juges & Consuls le pouvoir exclusif de connaître « des differens à cause des assurances, grossesavantures, promesses, obligations, & contrats concernans le commerce de la mer, le fret & naulage des vaisseaux »(2).Dès que le texte fut publié, le Comte de Vermandois alors Amiral de France forma une requête en opposition enarguant que ces sujets relevaient depuis toujours de sa juridiction. Reconnaissant le bien fondé de cette requête, leRoi décida par un arrêt du 28 juin 1673 de surseoir à l’exécution des dispositions litigieuses. Cet arrêt fut ensuiteconfirmé par un second arrêt du Conseil d’État du Roi du 23 juillet 1673.

La grande ordonnance sur la marine d’août 1681 contenait naturellement des dispositions relatives au pouvoir desamirautés.Ainsi leTitre II du Livre 1er intitulé « De la Compétence des Juges de l’Admirauté » stipulait en son article 2 :« Declarons de leur competence toutes actions qui procedent de charte parties, affretemens ou nolissemens, connoisse-

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Des assurances maritimes. Partie I chapitre 1

mens […] ; ensemble des Polices d’assurances, Obligations à la grosse avanture ou à retour de voyage, Et generalementde tous Contrats concernans le commerce de laMer, nonobstant toutes sousmissions & privileges à ce contraires ».

En janvier 1694, des Lettres-patentes du Roi en forme de déclaration vinrent confirmer le pouvoir desAmirautésen portant « que les Officiers des Admirautez connoîtront des Matieres tant Civiles que Criminelles, contenuës enl’Ordonnance de 1681. ensemble des cas qui pourront arriver sur la Mer, les Ports, Havres & Rivages & sur lesQuays, mesme entre particuliers & personnes privées ».

Un demi-siècle plus tard, une nouvelle contestation naquit à la suite d’un arrêt du Parlement de Paris quitraitait d’affaires maritimes. Mais là encore le pouvoir exclusif des amirautés pour connaître des choses de la mer futconfirmé par un arrêt du Conseil d’État du Roi du 19 avril 1750 « Qui maintient les Officiers desAmirautés, dans ledroit de connoître en premiere Instance, & primitivement à tous autres Juges, des cas dont la compétence leur est attri-buée par l’Ordonnance de laMarine dumois d’Août 1681, & qui fait défenses de procéder ailleurs que devant lesditsOfficiers d’Amirauté, à peine de nullité, cassation de procédures, & de tous dépens, dommages & intérêts ».

Les premiers contrats d’assurance

En France, l’usage des contrats d’assurance maritime fut bien antérieur à la création des premières compagnies.Ces contrats engageaient des particuliers suffisamment riches pour assurer les risques sur leur fortune personnelle.L’avantage résidait dans le fait que, pendant le cours du risque, l’assureur particulier gardait la jouissance de ses biens,et en tirait même un profit supplémentaire puisqu’il encaissait la prime d’assurance. Par contre, en cas de réalisation durisque, il devait régler le sinistre « en monnaie sonnante, sans aucune sorte de billets », ou selon d’autres contrats, « enbon payement d’or et d’argent ayant cours et non autrement », d’où parfois l’obligation de vendre certains biens, etmêmeéventuellement la ruine. Pour limiter les risques, les assureurs pouvaient répartir leur offre d’assurance sur plusieurs navires.

Au plan commercial, le marché des assurances maritimes connut rapidement le besoin de se structurer.Ce sont les Chambres de Commerce qui remplirent cette mission en créant en leur sein des Chambres d’Assurance.

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(3) Selon certains auteurs, une Chambre des Assurances aurait été créée à la Rochelle vers 1620 et une autre à Bordeaux vers 1660. Mais concernant cettedernière, il s’agit peut-être de la Compagnie des asseurances de Bourdeaux fondée en 1665 et qui est évoquée ci-après.

(4) « Numismatique de l’assurance française 1670-1993 », jetons n°25 à 28. Les jetons 315 et 316 montrent que cette compagnie existait encore en 1816.

Leur rôle consistait à centraliser les offres et les demandes d’assurance, permettant ainsi de réguler et fluidifier lemarché. On sait qu’une Chambre des Assurances et Grosses aventures de France fut établie à Paris en 1668(3), avecl’autorisation du Roi. Par la suite, il est probable que des structures similaires se soient formées dans la plupart desgrands ports de commerce français.

Un système d’assurance similaire existe encore aujourd’hui enAngleterre avec les Lloyd’s de Londres. Les parti-culiers assureurs y sont appelésNames, et gagent leur fortune sur des opérations apportées et gérées par des courtiers.En France, le système des assureurs privés réunis en Chambre ou enCercle a perduré jusqu’aumilieu duXIXème siècle.

Les premières compagnies

La première société française d’assurancesmaritimes connue à ce jour fut fondée àBordeaux en 1665 ou quelquetemps avant sous le nom de Compagnie des asseurances de Bourdeaux. Une lettre de ses « Intéressés » adressée à

Colbert le 10 avril 1665 nous en révèle l’existence.La compagnie suivante fut la Chambre des Assu-

rances et Grosses Avantures de la Ville de Paris autoriséepar un arrêt du Conseil d’État du roi du 5 juin 1668 (voirchapitre II-2). L’entreprise cessa de fonctionner vers 1685et fut alors « remplacée » en mai 1686 par la CompagnieGénérale pour les Assurances et Grosses aventures deFrance qui obtint duRoi les autorisations nécessaires à soninstallation (voir chapitre II-3). Cette compagnie ne resta en

activité qu’une quinzaine d’année, puis les propriétaires, armateurs et négociants retournèrent à leurs anciennes pratiquesd’assurance entre particuliers. Quelques années plus tard, deux petites sociétés locales s’établirent respectivement àLaRochelle en 1695, et àRouen en 1727. Leur capital social était toutefois très réduit, ce qui limitait leur capacité à accep-ter des risques importants ou nombreux. Des sociétés similaires ont probablement existé dans les autres ports français.

En 1750, une nouvelle compagnie vit le jour : laChambre desAssurances de Paris qui cessa toute affaire nouvelleen 1755 puis entra en liquidation (voir chapitre II-4). Puis Claude Hilaire de Maisonneuve établit à Paris en 1753la Compagnie d’Assurances Générales de Paris. Cette nouvelle compagnie disposait d’un capital important de neufmillions de livres, dont moitié pour le risque incendie et moitié pour le risque maritime. Elle existait encore en 1774(voir chapitre II-5).

Sont aussi connues, grâce notamment aux jetons qu’ellesont fait frapper, deux compagnies créées au Havre peu avant laRévolution.D’une part, laCompagnie d’assurance solidaire duHavre fondée en 1783. D’autre part laCompagnie d’assurancedu Havre de grâce fondée en 1786, renouvelée le 10 février1789, et dont la devise était : « Arrive et sois heureux »(4).

Les guerres avec l’Angleterre

Avant la Révolution, les polices d’assurance maritime incluaient obligatoirement les risques de guerrecomme l’indique l’article 26 du Titre VI du Livre 3 de l’ordonnance sur la marine d’août 1681 : « Seront auxrisques des assûreurs, toutes pertes & dommages qui arriveront sur mer par tempeste, naufrages, échouëmens,abordages, changemens de route, de voyage, ou deVaisseau, jet, feu, prise, pillage, arrest de Prince, déclarationde guerre, represailles, & generalement toutes autres fortunes de mer ».

Au XVIIIème siècle, les conflits récurrents entre l’Angleterre et la France donnèrent lieu à de nombreusesdifficultés concernant les assurances maritimes.

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Des assurances maritimes. Partie I chapitre 1

(5) Le premier mémoire concerne une police souscrite le 11 mars 1755 : « Mémoire signifié pour la Compagnie d’Assurances Générales. ContreJean-Baptiste Sombrun et Jean-Baptiste Gilbert son cessionnaire » (1763, in folio, 20 pages). Bibliothèque Historique de la Ville de Paris - cote 92558.Le second mémoire concerne des polices souscrites en avril et mai 1755 : « Mémoire pour les Syndics & Directeurs de la Compagnie d’AssurancesGénérales, établie à Paris ruë de la Jussienne, Appelans. Contre les sieurs Veyssiere, Rancon & Touron, Intimés » (non daté mais postérieur à septembre 1761,in folio, 11 pages). Bibliothèque Historique de la Ville de Paris - cote 92561.

(6) Voir aussi « L’Administration des finances en Martinique : 1679 - 1790 » par Gérard Gabriel Marion qui consacre un chapitre aux contestations relatives au risquede guerre dans le commerce maritime avec les Antilles (p. 447).

Un premier conflit dénommé « guerre de succession d’Autriche » avait éclaté à la suite du décès sanshéritier mâle, en 1740, de l’Archiduc d’Autriche, empereur électif du Saint Empire romain germanique. La Francedut notamment affronter l’Angleterre sur le continent et dans les colonies d’Amérique du Nord et des Indes,jusqu’à la signature de la paix le 18 octobre 1748 à Aix-la-Chapelle.

Pendant la durée du conflit, les armateurs et négociants avaient normalement payé aux assureurs des primesmajorées tenant compte du risque de guerre. Mais comme l’indique un arrêt du Conseil d’État du Roi du 12 juillet1748, des difficultés surgirent après la signature des préliminaires de la paix et la publication de la suspensiond’armes : « les assureurs prétendent à ce sujet, que lesdites polices d’assurance doivent avoir leur entière exécu-tion, & que les primes qui y sont stipulées, doivent leur être payées en entier, quoique les navires assurez n’aientpas commencé leurs voyages, […] & que les armateurs & négocians soûtiennent au contraire que le haut prixauquel ont été portées les primes d’assurance par lesdites polices, n’ayant été stipulé qu’à cause des risques dela guerre, qui ne subsistent plus dans les cas dont il s’agit, ces primes doivent être réduites proportionnémentaux risques que lesdits armateurs ont pû courir depuis que les polices d’assurance ont été signées ». Par l’arrêtprécité, le Roi décida d’annuler les polices d’assurance signées avant les préliminaires de la paix « pour raisondes navires étant actuellement dans les ports du royaume, & dans ceux des colonies françoises de l’Amérique,& de leurs chargemens, tant en rades foraines que non foraines & qui ne partiront que munis de passeports, ouaprès les délais fixez par l’ordonnance de Sa Majesté du 26 mai dernier pour la suspension d’armes », mais uneindemnité sous forme de prime fut accordée aux assureurs. Un deuxième arrêt du 18 janvier 1749 étendit cettemesure aux navires partis des Échelles du Levant pour revenir en France.

Mais la paix d’Aix-la-Chapelle ne fut qu’une trêve et les anglais reprirent les hostilités en juillet 1755 ensaisissant de nombreux navires de commerce français. Le 1er mai 1756, la France et l’Autriche signèrent àVersailles un traité d’Alliance pour contrecarrer les prétentions de la Prusse et de l’Angleterre. Dénommé« Guerre de sept ans », le conflit se termina en 1763 par la signature du Traité de Paris.

Entre juillet 1755 et la déclaration de guerre officielle, la question se posa de savoir si les voies de faitcommises par les Anglais devaient être considérées comme des actes de guerre ou au contraire assimilées à desactes de brigandage et de piraterie. La question fut tranchée par un arrêt de justice du 9 août 1756 qui condamnales assurés à payer la surprime pour risques de guerre au motif que « les Assureurs ne pouvoient deviner, lors duTraité, qu’une Nation telle que la Nation Angloise, instruite du droit public, commettroit des hostilités, sansaucune déclaration de guerre préalable ; & par conséquent la stipulation faite dans le Traité de garantir lesbrigandages & les pirateries, ne pouvoit s’appliquer qu’aux Nations qui exercent en tout temps le brigandage,& qui subsistent par ce moyen, & non à la Nation Angloise ».

La Compagnie d’Assurances Générales de Paris du sieur de Maisonneuve (voir chapitre II-5) qui avaitcommencé ses activités début 1754 a d’ailleurs laissé deux « Mémoires » fort instructifs relatifs à des procèsavec ses assurés en rapport avec le conflit.(5)

Le conflit suivant s’inscrit dans le cadre de l’émancipation des colonies anglaises d’Amérique du Nord.En juillet 1776 ces colonies se déclarèrent indépendantes sous le nom d’États-Unis d’Amérique et deux ans plustard la France leur apporta son soutien et déclara la guerre à l’Angleterre. En 1783 la paix fut signée etl’indépendance des États-Unis d’Amérique reconnue. Cette guerre se traduisit par des risques maritimes accruset la nécessité de fixer des tarifs adaptés. C’est ainsi que la Chambre de commerce de Nantes (15 février 1779),celle de Bordeaux (8 avril 1779) et l’Amirauté de Marseille (voir l’arrêt du parlement d’Aix-en-Provence du19 juillet 1779) eurent à se prononcer sur l’époque à partir de laquelle il fallait fixer le début des hostilités et surles taux d’augmentation des primes d’assurance.(6)

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Partie I chapitre 1. Des assurances maritimes

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(7) Voir au chapitre III-3 la Déclaration du Roi du 29 septembre 1722.(8) Voir au chapitre III-3.

La concurrence des places étrangères

Compte tenu des moyens de communication de l’époque, il était bien évidemment plus facile pour unmarchand, négociant ou armateur de se faire assurer à proximité de son lieu d’activité. Mais cette contrainte forten’empêchait semble-t’il pas certains d’entre eux de s’assurer à l’étranger. L’ouvrage publié en 1723 sous le titre« Le Négoce d’Amsterdam, contenant tout ce que doivent savoir les marchands et banquiers, tant ceux qui sontétablis à Amsterdam que ceux des pays étrangers » indique par exemple qu’Amsterdam était à l’époque la princi-pale place mondiale pour le commerce des assurances maritimes. Certes, Amsterdam était un port très actif, maisla bonne réputation de ses assureurs jouait aussi un rôle important : « il est assez connu que la plus grande partiedes Négocians de l’Europe, aiment mieux se faire assurer dans cetteVille, que dans leur propre Pays », attirés nonpas par le grand nombre d’assureurs établis dans ce port, mais par « leur bonté, leur cordialité, & leur promptitudeà régler & à payer les pertes & les avaries ». L’auteur ajoute que cet état d’esprit « ne contribuë pas peu à les main-tenir dans leur bonté & dans leur réputation ; car si on considère que les Assureurs ne peuvent guère gagner quepar un bonheur extraordinaire, ou qu’à force de signer un grand nombre de parties, pour en pouvoir payer lespertes qu’ils peuvent avoir, on conviendra que ceux d’Amsterdam doivent être meilleurs que partout ailleurs ».

Au-delà de la bonne réputation des assureurs, la fiscalité joua aussi un rôle dans le choix négociants.A partir de 1726, la volonté du pouvoir royal de taxer effectivement les polices d’assurance dans le cadre du« Controlle desActes des Notaires & Insinuations Laïques »(7) incita de nombreux négociants à s’assurer à l’étranger.Selon un texte de 1732, « cette nouveauté a entierement fait tomber ce commerce, qui étoit autrefois fort consi-derable, les Negocians ayant pris le parti de faire assûrer dans les Pays étrangers, de sorte que lesSous-fermiers n’ont tiré aucun avantage de cette tentative ». Totalement inefficace et même contre-productif,le droit de « Controlle » sur les opérations d’assurances fut donc supprimé par un arrêt du Conseil d’État du Roidu 12 août 1732(8) afin de rétablir l’attractivité du marché français des assurances maritimes.

Après la Révolution

Napoléon fit publier le code de commerce en 1807. Ce document avait intégré l’Ordonnance de 1681 enreprenant l’essentiel de ses dispositions, et consacrait de nombreux articles aux assurances de toute nature au motifque ces opérations étaient réputées acte de commerce. Les assurances maritimes étaient regroupées au Livre IIdu Titre X, avec trois sections : « Du contrat d’assurance, de sa forme et de son objet » ; « De l’obligation del’Assureur et de l’assuré » ; « Du délaissement ».

Concernant les sociétés, il fallut attendre la Restauration pour que des autorisations soient de nouveauaccordées. D’abord pour la Compagnie Royale d’assurances maritimes fondée en 1816, puis pour un nombreconsidérable d’autres sociétés anonymes ou mutuelles.

L’assurance des risques de guerre après la Révolution

Le code de commerce en 1807 avait repris l’obligation faite aux assureurs d’inclure le risque de guerre dansleurs polices. L’article 350 stipule ainsi : « Sont aux risques des assureurs, toutes pertes et dommages qui arri-vent aux objets assurés, par tempête, naufrage, échouement, abordage fortuit, changements forcés de route, devoyage ou de vaisseau, par jet, feu, prise, pillage, arrêt par ordre de puissance, déclaration de guerre, représailles,et généralement par toutes les autres fortunes de mer ». Par ailleurs l’article 343 réglait par la voie contractuelleou judiciaire le régime d’augmentation de la prime « L’augmentation de prime qui aura été stipulée en temps depaix pour le temps de guerre qui pourrait survenir, et dont la quotité n’aura pas été déterminée par les contratsd’assurance, est réglée par les tribunaux, en ayant égard aux risques, aux circonstances et aux stipulations dechaque police d’assurance ».

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Des assurances maritimes. Partie I chapitre 1

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Partie I chapitre 1. Des assurances maritimes

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(9) « Numismatique de l’assurance française 1670-1993 », jeton n°510.(10) Ibiem, jetons n°309 et 310.

Enfin, une circulaire ministérielle du 11 juillet 1818 concernant les sociétés anonymes d’assurance maritimerappelait clairement que l’inclusion du risque de guerre dans les polices était nécessaire à la bonne marche ducommerce dans la mesure où : « ces assurances sont prévues par le Code de commerce, et généralement usitées.On ne pourrait les interdire aux sociétés anonymes, sans porter un notable préjudice au commerce maritime, qui,au premier bruit de guerre, ne pouvant plus diviser son nouveau danger entre ses assureurs ordinaires, serait forcéd’interrompre ses opérations ou de se mettre dans la dépendance des assureurs étrangers. Si les compagnies peuventêtre exposées à payer, en cas de guerre, des indemnités supérieures à leur capital, ce danger peut être prévenu parla précaution, déjà indiquée, de fixer le maximum de chaque assurance qu’elles seront autorisées à couvrir ».

La fin des assureurs particuliers

L’apparition des premières compagnies aux XVIIème et XVIIIème siècles n’avait pas suffi à faire disparaîtrela pratique de l’assurance entre particuliers, et ce système a perduré de nombreuses années après la Restauration.

C’est ainsi que nous avons retrouvé deux contrats d’assurance signés à Bayonne en avril 1820 sur un navirenommé La Pauline transportant des barils d’alcool destinés à Cadix. Le risque était réparti pour moitié entre laCompagnie Royale d’AssurancesMaritime fondée à Paris en 1816, et un groupe d’assureurs privés établis localement.

En 1823, une lettre adressée par l’agence de Lyon de la Compagnie d’Assurances Générales maritimesaux agents de son secteur de la Compagnie Royale d’Assurances maritimes, qui venait de se dissoudre et de réas-surer ses risques en cours à la première, nous montre que la concurrence entre les compagnies (anonymes,mutuelles ou de tout autre statut autorisé) et les particuliers devait à l’époque être encore assez vive :

« Ainsi, la Compagnie d’Assurances Générales est demeurée seule Compagnie anonyme. Peut-être, cepen-dant, ne sera-t-elle pas la seule qui souscrira des assurances sur le Rhône et la Saône, car il est loisible à chaquenégociant de devenir assureur particulier. / Il serait superflu, Monsieur, d’entrer dans une dissertation qui auraitpour but de vous démontrer la supériorité d’une Compagnie (autorisée par le Gouvernement, et dont le capital estconnu) sur les assureurs particuliers qui assurent aujourd’hui, ou entreprendront désormais des opérations sur lesassurances de navigation ; elle est une conséquence trop naturelle de la comparaison qui peut s’établir. Nous nouscontenterons de vous rappeler que la Compagnie d’Assurances Générales opère depuis plusieurs années, pendantlesquelles les sinistres qui ont atteint ses intérêts lui ont fourni autant d’occasions de se montrer digne de la confiancepublique. Etc. ».

Selon nos recherches, les derniers groupes organisés d’assureurs particuliers ayant exercé l’assurance mari-time en France après la Révolution furent la « Chambre d’Assurances Maritimes de Paris » fondée à Paris en 1832et transformée en société anonyme en 1837, le « Cercle commercial » fondé à Paris en 1829 et transformé ensociété anonyme en 1860, la « Réunion des assureurs particuliers de Paris » fondée en 1830 et qui aurait existéau moins jusqu’en 1860(9) et enfin le « Cercle des Assureurs particuliers du Havre », dont la création nous estinconnue et qui était encore en activité en 1862(10).

Les reliques du passé

Le rôle précurseur et déterminant joué par l’assurance maritime dans le développement du secteur desassurances se retrouve encore aujourd’hui dans certains textes très officiels ayant conservé une rédactionancienne, comme l’article 1964 du code civil qui n’a pas été modifié depuis 1804 et qui stipule : « Le contrat aléa-toire est une convention réciproque dont les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties,soit pour l’une ou plusieurs d’entre elles, dépendent d’un événement incertain. Tels sont : le contrat d’assurance,le prêt à grosse aventure, le jeu et le pari, le contrat de rente viagère. Les deux premiers sont régis par les loismaritimes. » Considérer aujourd’hui que le contrat d’assurance est régi par les lois maritimes, c’est bien évidem-ment oublier l’ensemble très épais des textes qui régissent les autres branches d’assurance.

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Des assurances maritimes. Partie I chapitre 1

LISTE DES TEXTES RELATIFS AU PRÉSENT CHAPITRE

Mars 1556 • Édit de Henri II, Roi de France, portant règlement pourl’établissement d’une place commune et juridiction des Prieur etConsuls des marchands de la mer de la ville de Rouen. Cet édit fut enre-gistré par la Cour de Parlement de Rouen le 20 juillet 1563. pages 21 et 22

6 août 1582 •Lettres patentes du Roi Henri III, concernant les pouvoirsdes Amirautés. page 22

Mars 1584 •Édit du Roi Henri III concernant les pouvoirs desAmirau-tés pour connaître des choses de la mer. page 23

17 avril 1584 •Arrêt « de la Court de Parlement de Rouen », donné surla vérification de l’Édit du mois de mars 1584 relatif aux pouvoirs desAmirautés pour connaître des choses de la mer. De la même date, unarrêt de Monsieur de Joyeuse, Amiral de France, relatif à la connais-sance des polices d’assurance dans la ville de Rouen. page 24

1607 • Guidon des Marchands de la Mer. Il s’agit d’un recueil desusages et coutumes du commerce maritime en vigueur à cette époquedans le port de Rouen. page 25

24 janvier 1619 • Arrêt contradictoire du Conseil pour régler unecontestation relative au pouvoir de connaître et de juger des litigesafférents aux polices d’assurance, dans le ressort de l’Amirauté deBordeaux. page 50

10 avril 1665 • Lettre de la « Compagnie des asseurances de Bour-deaux » adressée à Colbert. page 50

5 juin 1668 • Arrêt du Conseil d’État du Roi autorisant la créationà Paris d’une « Chambre des Assurances et Grosses Avantures ».Voir l’histoire de cette entreprise au chapitre II-2. page 51

Mars 1673 • Édit et réglement du Roi « pour le Commerce desnégocians en gros & en détail ». page 51

28 juin 1673 • Arrêt du Conseil d’État du Roi qui surseoit à l’exécu-tion de l’article 7 du Titre XII de l’ordonnance de mars 1673 sur lecommerce (cet article stipulait que « Les Juges & Consuls connoîtrontdes differens à cause des assurances, grosses avantures, promesses,obligations, & contrats concernans le commerce de la mer, le fret &naulage des vaisseaux »). Un second arrêt semblable le 23 juillet 1673.page 53

13 avril 1679 •Arrêt du Conseil d’État du Roi confirmant les arrêts des28 juin et 23 juillet 1673, ce qui revenait à révoquer l’article 7 du TitreXII de l’Édit sur le commerce du mois de mars 1673 (cet article stipu-lait que « Les Juges & Consuls connoîtront des differens à cause desassurances, grosses avantures, promesses, obligations, & contratsconcernans le commerce de la mer, le fret & naulage des vaisseaux »).page 54

Août 1681 • Ordonnance de Louis XIV « touchant à la Marine ».page 54

31 mai 1686 • Édit du Roi portant création et règlement d’uneCompagnie Générale pour les Assurances et Grosses Aventuresde France en la Ville de Paris. Voir l’histoire de cette entreprise auchapitre II-3. page 65

31 mai 1692 • Deux délibérations de la Chambre du Commerce deMarseille, l’une concernant l’assurance des navires qui ne sont pasde cette Ville et l’autre concernant la manière de signer les policesd’assurances. page 66

27 novembre 1692 • Délibération de la Chambre du Commerce deMarseille relative à la clause « où autre pour luy ». page 66

31 janvier 1694 • Lettres patentes du Roi, en forme de Déclaration,« Portant que les Officiers des Admirautez connoîtront des Matierestant Civiles que Criminelles, contenuës en l’Ordonnance de 1681.ensemble des cas qui pourront arriver sur la Mer, les Ports, Havres &Rivages & sur les Quays, mesme entre particuliers & personnesprivées ». page 67

27 novembre 1717 • Exemple de vieux contrat d’assurance maritimesigné à Marseille. Avec, la définition de quelques expressions ou motsanciens. page 68

1723 • Parution d’un ouvrage intitulé « Le Négoce d’Amsterdam,contenant tout ce que doivent savoir les marchands et banquiers, tantceux qui sont établis àAmsterdam que ceux des pays étrangers » (courtextrait relatif aux assurances maritimes). page 71

4 octobre 1733 •Exemple de vieux contrat d’assurance maritime signéà Saint-Malo. page 71

12 juillet 1748 •Arrêt du Conseil d’État du Roi concernant les policesd’assurance maritimes passées avant la signature des préliminaires dela paix avec l’Angleterre. page 74

18 janvier 1749 • Deuxième arrêt du Conseil d’État du Roi concer-nant les polices d’assurance maritimes passées avant la signature despréliminaires de la paix avec l’Angleterre. page 75

29 janvier 1750 • Premier acte d’association passé par Claude Hilairede Maisonneuve, négociant à Paris, pour établir dans la capitale uneChambre d’assurances et de grosses aventures. Voir l’historique decette compagnie au chapitre II-4. pages 443 et 446

19 avril 1750 • Arrêt du Conseil d’État du Roi relatif au pouvoir desAmirautés. page 76

5 décembre 1753 •Claude Hilaire de Maisonneuve crée une nouvellesociété sous le titre de Compagnie d’assurances générales de Parisayant pour objet de pratiquer à la fois les assurances maritimes et lesassurances contre l’incendie. Voir l’historique de cette compagnie auchapitre II-5. page 467

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Novembre 1753 • Publication du tome III de « l’ENCYCLOPÉDIEou Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers »par Diderot & d’Alembert. Y figure une étude intéressante sur lesChambres d’assurances. page 77

9 août 1756 •Arrêt de justice concernant l’interprétation et l’exécutiondes clauses des polices d’assurance maritimes relatives aux actesd’hostilités commis en mer. page 81

1758 • Quelques définitions relatives à la Marine et aux assurances(d’après le Dictionnaire historique, théorique et pratique de Marine,par Monsieur Savérien). page 81

15 février 1779 • Avis en forme de règlement de l’Assemblée généraledu Commerce de la ville de Nantes concernant l’augmentation des primesd’assurance maritime, à la suite de la guerre avec l’Angleterre. page 84

8 avril 1779 •Règlement des Directeurs de la Chambre du Commercede Guienne, sur les assurances & les frêts conditionnels pour la Placede Bordeaux concernant la guerre avec l’Angleterre. page 87

19 juillet 1779 • Arrêt du parlement d’Aix-en-Provence « PortantRéglement sur les Primes d’assurance maritime ». page 90

17 août 1779 •Déclaration duRoi « Concernant lesAssurances ». page 91

1783 • « Traité des Assurances et des Contrats à la Grosse » parM. Balthazard-Marie Émerigon. page 93

4 avril 1798 • (15 germinal an 6). Loi relative à la contrainte par corps.page 93

5 juillet 1805 • (16 messidor an 13). Décret impérial concernant lavérification du Papier sur lequel sont écrits les lettres de voitures, lesconnaissemens, chartes-parties et polices d’assurance de Marchan-dises. page 93

10 septembre 1807 • Code de commerce publié sous forme de septlois successives. page 94

11 juillet 1818 •Circulaire du Sous-secrétaire d’État de l’Intérieur auxpréfets et aux chambres de commerce concernant les « Sociétésanonymes » (extraits relatifs aux assurances maritimes). page 104

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