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François Neveux

La Normandie des ducs aux rois

Xe-XIIe siècle

ÉDITIONS OUEST-FRANCE 13 rue du Breil, Rennes

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Légende de couverture : La duchesse Gonnor, veuve de Richard Ier, fait une donation à l'abbaye du Mont-

Saint-Michel, symbolisée par un long rouleau de parchemin. A sa droite, l'abbé, crosse en main, reçoit la donation. Il est entouré par ses moines. A sa gauche, se trouve Robert, son fils cadet, archevêque de Rouen et comte d'Evreux. Derrière lui se pressent les laïcs. Cette miniature est une représentation symbolique de la Nor-mandie du XIe siècle. Le pouvoir ducal, exceptionnellement incarné par une femme, s'appuie sur le clergé (en particulier les moines) et sur les grands laïcs, souvent apparentés au prince. (Miniature tirée du Cartulaire du Mont-Saint-Michel, Biblio-thèque municipale d'Avranches, Ms 210, folio 23, milieu du xne siècle.)

© Edilarge S.A. — Editions Ouest-France, Rennes, 1998

ISBN : 978-2-73-735160-0

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AVANT-PROPOS

Cet ouvrage fait partie d'une série consacrée à l'histoire de la Nor-mandie médiévale. Il prend la suite de La Normandie avant les Nor-mands (des origines à 911) et précède La Normandie des Capétiens et des Valois (xme-xve siècle). L'initiateur et le maître d'oeuvre de cette série est André Chédeville.

Le présent volume est consacré à La Normandie des ducs aux rois, c'est-à-dire à la période qui commence en 911 et s'achève en 1204. En 911 eut lieu la création de la Normandie, qui atteignit rapidement (dès 933) les limites de la province ecclésiastique de Rouen, remontant à l'Antiquité. Au cours des Xe et XIe siècles, cette principauté ne cessa de se renforcer et de se développer au sein du royaume de France, sous la ferme direction de ses ducs. Bientôt, l'expansion normande déborda des frontières, principalement en direction de l'Italie et de l'Angleterre. L'année 1066 est une date charnière dans l'histoire de la province. La conquête du royaume d'Angleterre par Guillaume le Bâtard la fit brus-quement passer du rang de puissance régionale à celui de puissance internationale. Après 1066, la Normandie fut le plus souvent gouvernée par un duc qui était en même temps roi d'Angleterre : elle devint le pivot du royaume anglo-normand. En 1154, cet ensemble allait s'agran-dir démesurément en englobant l'Anjou, l'Aquitaine et leurs dépendan-ces, c'est-à-dire des territoires situés aux alentours de la Loire, et

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jusqu'aux Pyrénées. La Normandie devait demeurer l'axe du nouvel Etat Plantagenêt. En 1204, le roi de France, Philippe Auguste, parvint finale-ment à conquérir la province, qui fut brutalement réduite au rang infé-rieur de simple composante du domaine royal. Toutefois, la forte entité créée par les ducs normands subsista intacte jusqu'à la Révolution, et même jusqu'à nos jours.

La période qui s'étend de 911 à 1204 est donc la plus glorieuse de l'histoire de la Normandie, celle qui a laissé le plus de traces dans la mémoire collective. Le personnage emblématique de cette époque est Guillaume le Conquérant. Il fut l'un des rares hommes de guerre qui ait réussi à conquérir l'Angleterre, et surtout l'un des seuls hommes d'Etat qui ait pu y établir un régime durable. Grâce à son action, l'Angleterre fut irrémédiablement marquée par l'influence normande. Guillaume est aussi à l'origine d'une lignée qui comprit quelques fortes personnalités : Guillaume le Roux et Henri Ier, ses fils, Mathilde l'Emperesse, sa petite-fille, Henri II, son arrière-petit-fils et, pour finir, Richard Cœur de Lion. Tous ont marqué de leur empreinte l'histoire de la Normandie et celle de l'Angleterre.

Nous étudierons donc en premier lieu les cent cinquante-cinq années qui séparent 911 de 1066. Ce sont des années d'essor pour le duché, et aussi des années d'expansion vers l'extérieur. A mi-chemin, nous nous arrêterons pour étudier la société normande tout au long de la période, du Xe au xiie siècle. Enfin, reprenant le fil chronologique, nous nous pencherons sur les cent cinquante-huit années qui séparent 1066 de 1204, celles de la Normandie royale, qui se développa dans le cadre du royaume anglo-normand puis de l'Etat Plantagenêt.

Ce livre aurait dû être écrit en collaboration avec le regretté profes-seur André Debord. La maladie puis la mort l'ont empêché de s'y consa-crer comme il l'aurait souhaité. J'ai donc dû assurer seul la rédaction de l'ouvrage dans son entier. Cette tâche aurait été impossible sans un recours constant à l'œuvre de mon maître, le professeur Lucien Musset, le meilleur spécialiste de la Normandie ducale. J'ai abondamment utilisé ses livres et ses innombrables articles sur la question et je tiens à l'en remercier. Ma dette est grande également envers mon collègue et ami Pierre Bouet, maître de conférence de latin à l'université de Caen. Il m'a fait bénéficier généreusement de sa connaissance intime des auteurs normands des XIe et xne siècles, de Dudon de Saint-Quentin à Orderic

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Vital. Il m'a ouvert ses dossiers, en me fournissant une bonne partie des tableaux, des cartes et des photographies illustrant cet ouvrage. Il a aussi accepté de relire de nombreux chapitres. Je l'en remercie très sincère-ment. Enfin, ma pensée se tourne vers Claire Ruelle. Depuis des années, elle a été une collaboratrice discrète et efficace. Elle a dépouillé de nombreuses publications. Elle a réalisé des cartes et des dessins. Surtout, elle fut la première lectrice de cet ouvrage. Sa relecture fut toujours exigeante : elle eut pour mon travail l'œil d'un non-spécialiste à la vaste culture. Si ce livre est abordable pour un large public et s'il n'est pas trop ennuyeux, cela est dû en grande partie à son action persévérante. Qu'elle reçoive ici l'expression de ma reconnaissance.

La Normandie des ducs aux rois tente de faire le point des connais-sances actuelles sur la question. La précédente synthèse était Y Histoire de la Normandie publiée en 1970 sous la direction de Michel de Bouard, avec notamment la collaboration de Lucien Musset. Ce dernier ouvrage reste fondamental. Le présent livre ne prétend pas remplacer. Plus déve-loppé cependant, il utilise l'abondante littérature historique parue depuis lors, en France comme en Grande-Bretagne et ailleurs. Pour ne pas trop alourdir les courtes orientations bibliographiques suivant chaque chapi-tre, nous nous sommes donc le plus souvent limité aux livres et aux articles des vingt-cinq ou trente dernières années.

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PREMIERE PARTIE

ESSOR DU DUCHE ET EXPANSION NORMANDE (911-1066)

La Normandie est née en 911 à la suite d'un accord entre Rollon, chef Scandinave venu du Nord (« Normand ») et le roi de France carolin-gien, Charles le Simple. En vingt ans, de 911 à 933, les nouveaux comtes de Rouen ont plus que doublé le territoire qui leur avait été concédé, jusqu'à lui donner ses limites quasi définitives.

Les débuts de la Normandie furent difficiles. Peu s'en fallut qu'elle ne subisse, entre 942 et 945, à l'occasion de la minorité de Richard Ier, le sort de l'Etat des Vikings de la Loire, éliminés en 937-939. Pourtant, grâce à l'aide fournie par des bandes scandinaves, l'Etat normand s'éten-dant du Talou au Cotentin survécut à la tourmente. Le principat de Richard Ier, de 945 à 996, fut une période d'affermissement et de consoli-dation qui dura un demi-siècle, soit deux générations. C'est au cours de cette époque que la Normandie se forma véritablement, qu'elle acquit sa personnalité originale et ses caractères spécifiques, se distinguant aus-sitôt des autres principautés du royaume en voie de formation. Malheu-reusement, cette période fondamentale est mal connue, car les textes sont rares : Dudon de Saint-Quentin reste notre principale source d'infor-mation sur les origines de la Normandie jusqu'en 996.

A cette date, la province constituait déjà une entité bien établie et ses habitants avaient conscience de leur appartenance commune. La fusion entre les éléments d'origine Scandinave et la population franque

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était largement réalisée. La christianisation, ou plutôt la rechristianisa-tion, de l'ensemble du territoire était en cours. La religion chrétienne devint, ici comme ailleurs, le principal ferment d'unité entre les divers groupes ethniques. Les Normands, aristocrates ou paysans, quelle que fût leur origine, appartenaient désormais à la même « patrie normande » (terme utilisé par Dudon de Saint-Quentin).

La Normandie n'en possédait pas moins une réelle originalité par rapport aux autres principautés du royaume. Elle était d'ailleurs la seule ou presque (avec la Flandre et la Bourgogne, à un moindre degré) qui fût bien enracinée et soumise à un pouvoir incontesté.

La spécificité normande s'explique évidemment par l'apport Scandi-nave. Partout ailleurs, les Vikings ont été des destructeurs, finalement rejetés. Ici, établis durablement, ils ont non seulement reconstruit les ruines, mais aussi jeté les bases d'un Etat de type nouveau. Faute de documents, il est très difficile de savoir comment s'est opéré l'amalgame entre Scandinaves et autochtones. Compte tenu du résultat, on peut considérer qu'il s'est agi d'une confrontation féconde. La Normandie est issue du métissage réussi entre des populations de culture très diverse. La greffe nordique a bien pris sur le vieil arbre franc.

Les traces de l'implantation Scandinave sont ténues. La toponymie permet seulement de savoir dans quelles régions les nouveaux venus se sont installés en nombre (pays de Caux, Cotentin et Bessin). Sur le plan juridique, l'influence Scandinave resta très sensible dans certains domai-nes particuliers, comme le droit maritime ou le droit matrimonial. Il est également frappant de constater que l'esclavage et le servage ont disparu très tôt en Normandie, dès le début du XIe siècle, alors qu'ils subsistaient ailleurs, dans le royaume de France et dans tout l'Occident.

Le prince qui gouvernait la Normandie était d'abord comte de Rouen. Il s'intitula ensuite marquis puis duc, en 1015 pour la première fois. Tous ces titres sont empruntés au vocabulaire politique franc. Les Nor-mands ont adopté tout ce qui pouvait leur être utile dans le monde chré-tien en voie de féodalisation où ils s'étaient établis. Les comtes vikings de Rouen, successeurs des comtes carolingiens, se servirent des rouages de l'administration en lui rendant une efficacité qu'elle avait perdue dans le reste du royaume. Par ailleurs, on a pu observer que la coutume de Normandie, qui fut élaborée au cours du Xe siècle, est formée principale-ment par un droit d'origine franque.

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Les ducs ont réussi très vite à établir une autorité sans faille sur la province. Par conséquent, la sécurité régnait dans leur Etat, ce qui était exceptionnel aux Xe et XIe siècles. La province ne fut troublée, momenta-nément, que pendant les périodes de minorité. La plupart du temps, la paix ducale s'imposait sans grande difficulté, engendrant une véritable prospérité. Aux Xe et xie siècles, il est vrai, une expansion générale se produisit dans tout l'Occident. Celle-ci fut particulièrement remarquable en Normandie. Elle se manifesta par une croissance démographique sans doute précoce, des progrès agricoles décisifs et un essor commercial tourné vers l'extérieur. La Normandie devint l'un des pôles du vaste ensemble économique baigné par les mers nordiques, de l'Angleterre à la Scandinavie. Rouen fut l'une des plaques tournantes de cet espace maritime et, en même temps, le point de passage obligé vers l'intérieur du royaume de France, grâce à l'axe de pénétration formé par la Seine.

Dès le Xe siècle la Normandie représentait, indépendamment de son évolution politique, une réalité singulière qui ne fut jamais remise en cause au cours des siècles suivants. Pour tenter de comprendre une réus-site aussi durable, il faut donc revenir aux origines et se pencher sur les circonstances même de la fondation, qui demeurent fort obscures, et d'abord sur l'acte fondateur de Saint-Clair-sur-Epte.

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CHAPITRE PREMIER

LA FONDATION

SAINT-CLAIR-SUR-EPTE (911)

En 911, à l'issue d'une longue négociation menée par l'archevêque de Rouen, Francon, une rencontre décisive pour l'histoire de la Norman-die eut lieu à Saint-Clair, sur l'Epte, petit affluent de la Seine. D'un côté étaient présents le roi de France, Charles le Simple, issu de la presti-gieuse dynastie carolingienne, ainsi que Robert, duc de France, apparte-nant à la lignée des Robertiens. Ils étaient entourés par les principaux grands du royaume franc et par de nombreux ecclésiastiques. De l'autre côté se trouvait le chef viking que les sources latines appellent Rollo (Rollon) et dont le nom Scandinave était probablement Hrôlf. Il avait avec lui ses compagnons et ses guerriers, venus du monde nordique ou de l'Angleterre alors largement scandinavisée.

Dudon de Saint-Quentin nous a laissé le seul récit connu de cet évé-nement fondateur, rédigé environ un siècle après le déroulement des faits, entre 1015 et 1026. Selon lui, Rollon mit alors ses mains dans celles de Charles le Simple. Il accomplissait ainsi un geste éminemment symbolique depuis des siècles dans le monde franc, se plaçant volontai-rement dans la dépendance du roi, qui devenait son seigneur. En échange de quoi, Charles lui accorda la main de sa fille Gisèle et, surtout, la terre située entre l'Epte et la mer pour qu'il la tienne in alodo et in fundo

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(« en alleu et en propriété »). En outre, il recevait « toute la Bretagne, pour qu 'il puisse en tirer de quoi vivre ».

Puis la cérémonie sembla tourner à la farce. Les évêques présents dirent à Rollon :

ce Celui qui a reçu un tel don doit prendre le pied du roi pour Vem-brasser. »

Mais le chef viking refusa tout net d'accomplir un geste qui marque-rait de façon évidente son état d'infériorité vis-à-vis du roi :

«Jamais je ne plierai les genoux devant ceux de quiconque et je n 'embrasserai le pied de personne. »

Les aristocrates francs furent effarés par un tel refus, qui risquait apparemment de faire capoter toute l'entreprise : ils insistèrent auprès de Rollon. Le chef viking s'en tira en ayant recours à un subterfuge : il ordonna à l'un de ses hommes de baiser en son nom le pied du roi. Le guerrier désigné se saisit du pied royal et le porta à sa bouche de telle manière qu'il fit tomber le souverain à la renverse, déchaînant un énorme éclat de rire dans l'assistance. Le roi voulait parvenir à la conclusion de l'accord prévu : il ne se tint pas pour offensé et la cérémonie se poursui-vit comme si rien d'extraordinaire ne s'était passé.

Un serment solennel fut prêté par les plus notables des Francs pré-sents : le roi Charles lui-même, le duc Robert, les comtes, les grands, les évêques et les abbés. Tous « jurèrent au patrice Rollon, par un ser-ment de la foi catholique, sur les membres de leur corps et sur l 'honneur du royaume, qu 'il tiendrait et posséderait la terre ainsi délimitée, qu 'il la transmettrait à ses héritiers et qu'il l'aurait et la cultiverait pour toujours, lui-même et ses descendants, de génération en génération ».

Peu de temps après, en 912 (l'une des rares dates données par Dudon), l'archevêque Francon baptisa Rollon. Robert, duc de France, avait insisté pour être son parrain : le nouveau baptisé reçut donc le nom chrétien de Robert. Ensuite furent également baptisés « ses compagnons, ses guerriers et son armée tout entière ». Après la cérémonie, Rollon convoqua l'archevêque et lui demanda quelles étaient les églises les plus vénérées « sur sa terre ». Francon répondit : celles de Rouen, de Bayeux et d'Evreux (dédiées à la Vierge Marie), celle du Mont-Saint-Michel, celles de Saint-Ouen et de Jumièges (dédiées à saint Pierre) et, ce aux confins de notre pouvoir », celle de Saint-Denis. Alors Rollon lui dit :

«Avant que ma terre ne soit divisée entre mes grands, je désire

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donner une partie de cette terre à Dieu, à la Vierge Marie et aux saints susnommés, pour qu 'ils daignent venir à mon aide. »

Pendant l'octave de son baptême, Rollon fit donc des donations à toutes ces églises. Dudon ne nous cite qu'un domaine précis, donné à l'abbaye de Saint-Denis, celui de Berneval (canton de Dieppe, Seine-Maritime). Or la réalité de cette donation est prouvée par une charte de confirmation de Richard Ier, datant de 968.

DUDON DE SAINT-QUENTIN

Ce récit de Dudon est célèbre, mais il a été fortement contesté. L'œu-vre de cet auteur fut publiée en 1865 par Jules Lair sous le titre De moribus et actis primorum Normanniae ducum (« Des mœurs et des actions des premiers ducs de Normandie »). Ce titre est de Duchesne, premier éditeur du xvne siècle (1619), et nous ignorons si Dudon en donna un à son ouvrage. Peut-être Jules Lair aurait-il dû conserver l'inti-tulé plus général qui figure sur plusieurs manuscrits : Historia Norman-norum (« Histoire des Normands »).

Dudon est sans doute né vers 960-970 en Vermandois. Elève à Reims de Gerbert d'Aurillac (le futur pape Sylvestre II), il devint chanoine de la collégiale de Saint-Quentin (aujourd'hui chef-lieu d'arrondissement du département de l'Aisne). Après 987, il fut envoyé en ambassade par le comte Albert de Vermandois auprès du duc Richard Ier, pour solliciter son appui contre le roi Hugues Capet. Dudon fut bien accueilli en Nor-mandie. Le duc le fit venir souvent à sa cour et lui accorda même deux bénéfices dans le pays de Caux. Richard admirait surtout les dons litté-raires du chanoine. En 994, il lui proposa d'écrire une histoire de Nor-mandie. Dudon accepta, mais la mort du prince, en 996, retarda l'exécution de son projet. Il continua pourtant à fréquenter la Normandie et passa au service de Richard II, dont il fut le chapelain. En 1015, le duc confirma la donation faite par son père, en la transférant aux chanoi-nes du chapitre de Saint-Quentin. Dudon n'en conserverait que l'usu-fruit. Peut-être voulait-il ainsi capter les suffrages de ses confrères ? Toujours est-il qu'il fut élu ensuite doyen de sa collégiale. Son Histoire des Normands fut écrite après 1015 et avant 1026, date de la mort de

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Richard II. Dudon mourut avant 1043, date à laquelle il eut un succes-seur comme doyen de Saint-Quentin.

L'œuvre de Dudon s'ouvre par une épître à son évêque, Adalbéron de Laon. Suivent plusieurs poèmes en l'honneur de ceux qui l'avaient encouragé à conduire son travail à bonne fin : le duc Richard II, l'arche-vêque de Rouen, Robert, et le comte Raoul d'Ivry. Ce dernier semble avoir joué un rôle fondamental dans la confection de l'ouvrage. Il ne s'est pas contenté d'encourager vivement l'auteur et d'intervenir en sa faveur auprès du duc, il lui a aussi fourni une partie de sa matière, sans doute sous la forme de traditions orales, encore très vivantes moins d'un siècle après la fondation de la principauté. Dudon a également recouru à des sources écrites : les Annales de Flodoard, celles de Saint-Bertin et de Saint-Vaast, entre autres, et peut-être même les Res gestae Saxonicae de Widukind de Corvey. Dudon eut donc recours à une solide documen-tation. En revanche, il donna à son œuvre une forme épique, utilisant tous les procédés de la rhétorique antique. Ses modèles sont à rechercher du côté de Tite-Live, mais aussi de Virgile. Son œuvre, écrite en prose, est d'ailleurs entrecoupée de nombreux poèmes destinés à ponctuer l'ac-tion, à honorer ses bienfaiteurs et à manifester sa bonne connaissance de la métrique latine. Sur le fond, Dudon réalise une œuvre apologétique, destinée à exalter les origines prestigieuses et les actions glorieuses d'une dynastie somme toute bien récente puisque, de son temps, elle ne comptait encore que quatre générations.

Cette forme a rebuté la plupart des historiens. Derrière l'épopée, ils n'ont pas voulu considérer comme digne d'intérêt le fond historique de l'œuvre. Le principal représentant de cette école critique est Henri Pren-tout, auteur d'une Etude critique sur Dudon de Saint-Quentin et son histoire des premiers ducs normands (1916). Le temps est peut-être venu maintenant de reconsidérer d'un œil plus bienveillant l'œuvre du cha-noine picard. Sans doute celui-ci ne fait-il pas clairement la distinction entre l'histoire et la légende et donne-t-il la priorité à la forme littéraire par rapport à sa matière historique. Pourtant, il a accompli un véritable travail de recherche, tant à partir des documents écrits que des sources orales. Pour bien des événements concernant la Normandie, l'œuvre de Dudon demeure la seule source disponible. Même les historiens les plus critiques à son égard n'ont donc pas manqué d'y avoir recours !

Dudon a subdivisé son œuvre en quatre livres constitués par quatre

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biographies. Le livre premier est consacré à Hasting, célèbre Viking dont l'existence est attestée, mais dont les exploits paraissent en grande partie légendaires : c'est ici l'archétype du héros Scandinave de l'époque de la première vague des invasions (qui s'achève vers 930 selon Lucien Mus-set). Les trois autres livres comprennent les biographies des trois pre-miers ducs : Rollon, Guillaume Longue Epée et Richard Ier. Notre auteur arrête son œuvre en 996 et se garde bien d'aborder le principat de Richard II. C'est dommage pour nous, mais c'était très difficile pour lui. Cette période commença en effet par la grande révolte des paysans normands, qui fut réprimée par son protecteur et inspirateur, Raoul d'Ivry.

Dudon de Saint-Quentin reste donc la source incontournable pour l'histoire du Xe siècle normand. Il importe certes de le critiquer, comme tout autre auteur, mais sans nier son apport essentiel à l'histoire de la Normandie. Revenons donc à son récit de fondation pour en faire, à notre tour, une étude critique.

ETUDE CRITIQUE DU RECIT DE DUDON

Dudon est le seul auteur à relater l'acte fondateur du duché de Nor-mandie, qu'on a appelé « traité de Saint-Clair-sur-Epte ». Mais son récit n'est pas sans poser beaucoup de problèmes à l'historien. L'existence même d'un accord entre le roi de France et Rollon, chef viking déjà établi en Basse-Seine, n'est pas niable. Nous disposons d'un acte pres-que contemporain des faits, qui date de 918. Il s'agit d'un diplôme par lequel Charles le Simple concède à l'abbaye de Saint-Denis les terres ayant appartenu à l'ancienne abbaye de La Croix-Saint-Leufroy (canton de Gai 11 on, Eure), « excepté la partie de cette abbaye que nous avons concédée aux Normands de la Seine, c'est-à-dire à Rollon et à ses compagnons, pour la protection du royaume (pro tutela regni) ».

Ce texte est d'un grand intérêt pour comprendre la nature du contrat passé en 911 entre le roi et Rollon, et donc pour éclairer le récit de Dudon. En accordant la Basse-Seine au chef viking, Charles le Simple ne faisait que reconnaître le fait accompli : Rollon et ses troupes étaient déjà installés dans la région de Rouen, qui était devenue la base de départ de leurs raids de pillage. Pourtant, le roi poursuivait aussi un

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Les Etablissements de Rouen et le mouvement communal 258 Les villes épiscopales 261

CHAPITRE XIII — L'EGLISE NORMANDE : LE CLERGE SECULIER 271 La situation en 911 271 La reconstitution de la hiérarchie 274 Les mœurs du clergé normand au XIe siècle 276 Trois figures d'évêques du XIe siècle 279 La réforme grégorienne en Normandie 285 Les évêques réformateurs du xne siècle 293

CHAPITRE XIV — LE MONACHISME 304 La ruine de la vie monastique au Xe siècle 304 La renaissance monastique du XIe siècle 305 L'essor du monachisme bénédictin 309 La réforme bénédictine du xne siècle 314 Le mouvement canonial 318

CHAPITRE XV — LA VIE INTELLECTUELLE 327 Un cénacle littéraire à Rouen 327 La renaissance intellectuelle 329 Les historiens de la Normandie du xie siècle 333 Les évêques et les écoles 336 Les historiens monastiques du XIIe siècle 343 La littérature de langue française 347

CHAPITRE XVI — L'ART ROMAN NORMAND 353 Origines carolingiennes et apports extérieurs 354 La naissance de l'art roman normand 358 Quelques grands édifices 362 L'évolution au xne siècle 368

CHAPITRE XVII — L'ARCHITECTURE MILITAIRE ET SEIGNEURIALE 379 Aristocratie et châteaux 380 Les mottes 382

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Quelques fortifications de terre 387 Les châteaux de pierre 393 Palais de Fécamp, château de Caen et forteresses baronniales 395 Les demeures seigneuriales 401 Les palais épiscopaux 405

TROISIEME PARTIE LA NORMANDIE ROYALE ( 1066-1204) 417

CHAPITRE XVIII — GUILLAUME LE CONQUERANT ET LA NORMANDIE (1066-1087) 421 Le retour du vainqueur 422 La succession de Flandre 423 La nouvelle guerre du Maine 425 Le conflit entre Guillaume et son fils Robert 428 Le concile de Lillebonne (1080) 432 Les épreuves de la fin du règne 435

CHAPITRE XIX — LA SUCCESSION DE GUILLAUME (1087-1106) 446 Robert Courteheuse et Guillaume le Roux 446 L'anarchie en Normandie 449 L'intervention de Guillaume le Roux 454 Le départ de Robert et le gouvernement de Guillaume 457 Le roi Henri contre le duc Robert 461

CHAPITRE XX HENRI Ier, DUC DE NORMANDIE (1106-1135) 469 Un portrait contrasté 469 Le rétablissement de la paix (1106-1113) 472 Henri Ier et l'Eglise 476 La reprise de la guerre (1118-1119) 479 Le naufrage de la Blanche Nef (l 120) 484 Le problème de la succession 486 Henri Ier entre la Normandie et l'Angleterre 487 Une nouvelle rébellion des barons normands (1122-1124) 489 Le mariage de Mathilde l'Emperesse 493

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