Extrait de la publication… · niqueFrançois Aury,Chapon,Mme Besson,Jean...

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AVERTISSEMENT

Les lettres rassemblées dans ce Ve tome de la Correspondancegénérale ont été envoyées de 1930 à 1932, par Roger Martindu Gard, à soixante-huit correspondants.

Nous remercions chacun des destinataires de ces lettres ou

des membres de leur famille qui nous ont permis de rassem-bler ces textes et nous ont fourni de précieuses informationssur eux.

De même nous disons notre reconnaissance à tous ceux quinous ont apporté le concours de leur érudition, dans lesdomaines les plus variés, et tout particulièrement à Mme Domi-nique Aury, Mme Besson, Pierre Bardel, Mme Florence Callu,François Chapon, Jean Delume, Mme Lafay, Françoise Lioure,Claude Sicard.

Ce volume a été préparé grâce à l'aide du CNRS(GRECO 53) et de l'Université de Grenoble III, à qui nousadressons nos remerciements.

Notre gratitude va enfin à ceux sans l'aide et les encoura-gements de qui ce travail n'aurait pu être réalisé, Daniel deCoppet, Anne-Véronique Limon, Irène Martin du Gard, MarieRougier, Roger Froment.

Conformément aux principes indiqués en tête du volume 1de cette Correspondance générale pour l'établissement du texte,nous avons respecté, dans toute la mesure du possible, laponctuation et l'orthographe de Roger Martin du Gard. Certesnous avons corrigé quelques erreurs, inévitables quand onécrit au fil de la plume; mais nous avons conservé l'ortho-graphe du manuscrit dans les cas où il s'agit d'un choix déli-

Avertissement

béré, par exemple « en tous cas» et « bon-sens ». Quant auxnoms propres, souvent orthographiés de façon fantaisiste,nous en avons rectifié l'orthographe à chaque fois que celanous a été possible, ou nous avons mentionné nos doutes ennote.

Nous avons respecté les différentes signatures Roger Mar-tin du Gard, R. M. G., Roger, R. Dans l'annotation nous avonstoujours utilisé les lettres RMG pour désigner Roger Martindu Gard.

Autres abréviations

Pléiade Œuvres complètes de RMG collection de la Pléiade.Cor. Copeau/RMG: Correspondance J. Copeau-Roger Martin

du Gard.

Cor. Gén. I RMG Correspondance générale Roger Martin duGard.

Cor. Gide I RMG Correspondance A. Gide-Roger Martin duGard.

Enfin nous proposons à la fin du volume un Index et uneTable des destinataires.

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Correspondance1930-1932

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À ÉMILIE NOULET

9, rue du Cherche-Midi Paris VIe 16 janvier 1930

Chère Mademoiselle et amie,Votre lettre m'a vivement touché. Merci. Vous avez bien

deviné qu'il n'était pas « simple » de marier sa fille à sonmeilleur ami, et que ça faisait, à l'intérieur, une salade desentiments assez contradictoires et compliqués! Il m'a manqué,pour être à la page, de pouvoir respecter un tel déchaînementde passion réciproque. Mais, je n'y peux rien l'amour-cyclone,l'amour-maladie, l'amour-démence, m'inspire surtout de latristesse et de la compassion. Aussi cette fin d'année m'a-t-elle passablement démoli.

Si vous trouvez quelque contradiction entre ces lignes etnos causeries de cet été, persuadez-vous qu'elle est apparente.Ce que je vous disais à Pontigny, je le pense exactementencore. Mais Christiane est une enfant de 22 ans, et mon ami

Coppet est au bord de la cinquantaine. Christiane apportetout son avenir à un homme qui ne peut guère offrir enéchange qu'un trouble et lourd passé. C'est grave. J'ai tropde bon-sens pour m'illusionner. Ce n'est qu'une aventure. Jesouhaitais un mariage, un foyer. Puisse, du moins, cette aven-ture être belle! Mais combien tout cela est « cinéma »! Paque-bot, nègres, griserie.

Merci encore de votre témoignage amical. Je vous écrisavec confiance, sans me relire, et peut-être avec une insuffi-

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sante réserve? Oubliez tout cela. Et croyez, je vous prie, à marespectueuse sympathie,

Roger Martin du Gard

À ÉMILIE NOULET

Paris1 19 janvier 1930

Merci pour votre affectueuse compréhension. Tout ce quevous me dites est vrai, aussi. Je le sais bien. Rapt et bonheurn'ont, heureusement, rien d'incompatible. Je me le répètejournellement.

Pourquoi pensez-vous que je doute de votre « bon-sens »?C'est au contraire à lui que je m'adresse, dès que je me tournevers vousl Aurions-nous jamais pu faire tant de « tours decharmille », si nos deux bon-sens n'avaient pas trouvé lecontact?

Bien sympathiquement merci!

R. M. G.

À BÉATRICE APPIA

9, rue du Cherche-Midi, VIe 20 janvier 1930

Chère amie.

Je vous avais oubliée. Je suis bien impardonnable! Ne mepunissez pas en vendant « ma » gouache à quelque subrepticeamateur de beautés!

Ci-inclus deux petits billets neufs, bien propres et crissants.Quand votre grand homme passera dans le quartier, il voudrabien remettre l'objet à ma concierge, qui saura le mettre enlieu sûr?

Je reste très épaté par vos gouaches de Bretagne'. Vousvous renouvelez incessamment, et sans rien perdre de votre

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personnalité si charmante. Il me semble que vous devriezchercher des pays bien caractérisés et dont vous sauriez déga-ger la signification Hollande Savoie Pays basque, etc.Pourquoi toujours ce Maroc poussiéreux, parfumé d'urine,et où l'indigène est si peu attirant 2??

Je baise vos doigts de féeR. M. G.

À CLAUDE AVELINE

Bellême (Orne) 26 janvier 1930

Cher ami. Nous sommes revenus au Tertre. Mais au lit,

l'un et l'autre. Une grippe sérieuse, fièvre et quelques compli-cations pour moi, « circulatoires »; pour ma femme, « mauxde gorge» etc.

Impossible vous écrire en ce moment.J'ai fait télégraphier pour vous proposer, comme titre Le

Vieux. Qu'en pensez-vous' ?Ou simplement Simone (le nomde la vieille fille nubile)? Je ne sais plus. (Et je m'en f. unpetit peu, au fond. J'ai presque du regret de donner ça. C'estsi peu de chose, et ça a un tour, un décor mondain, avant-guerre, famille cossue qui me déplaît. Enfin!) Si vous avezd'autres choses à passer avant, faites-le. D'ici là j'aurais peut-être mieux à offrir?.

Impossible d'écrire avec suite pour aujourd'hui. Brûlez cepapier sursaturé de maléficques infiniment petits après enavoir extrait hommages affectueux, souvenirs fidèles et toutessortes de bonnes amitiés.

R. M. G.

À JEAN PAULHAN

Bellême (Orne) 26 janvier 1930

Cher ami.

Je suis reparti de Paris sans avoir pu mettre à exécution leprojet d'aller vous voir, projet auquel je tenais encore davan-

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tage après notre inattendu et brutal télescopage sur le trottoirdu Vaneau. Ce sera pour le prochain voyage. Je vous auraisdit tout le bon que je pense de la N.R.F. d'automne. Je l'aidit à Gaston, un soir, entre poire et fromage, mais il ne vousl'a sans doute pas communiqué.

Ceci est d'ailleurs, un peu, comme disent les médecins, pourvaseliner l'orifice. J'ai en effet une requête à introduire

Je voudrais bien que vous fassiez lire à l'un de vos « noteurs»le dernier livre de Madeleine Gautier. Crise (Charpentier,nov. 29). Oh, ce n'est pas un chef-d'œuvre. Et si la revue neparlait que de chefs-d'œuvre, je ne demanderais rien. Mais ilme semble que votre critique, depuis les notices « Revue deslivres », élargit passablement son secteur. On attire ainsi l'at-tention sur bien des livres inférieurs à celui que je vous signaleaujourd'hui. Voilà plusieurs années que je soutiens que Made-leine Gautier a des dons, et qu'une intelligente critique lacorrigerait de ses défauts. (Elle a, selon moi, des qualitéssolides, rares, secrètes, et des défauts voyants mais superfi-ciels.) Il est peu juste de la laisser dans l'ombre, comme onfait, parce qu'elle est malade et fière, vit à Marseille, et nedemande rien.

Comprenez-moi. Je n'insiste nullement pour que la N.R.F.

juge ce livre. Mais, si l'occasion s'en présentait, ce serait bien.A propos des « notices », vous n'avez guère fait de place àl'Âme Obscure de Ropsl Cela m'a paru injuste, et maladroit.Faites-vous si grande différence de valeur entre l'Âme Obscureet l'Ordre'?? L'Âme Obscure est le type du roman de début,un pot-pourri de réminiscences, de confessions et d'épisodesinutiles. Mais je crois voir, dessous, d'assez fortes promesses.

(C'est vrai que je n'ai aucun sens critique!)J'aimerais mieux diriger la Conférence Navale que la

N.R.F. 2. C'est vous dire si je vous admire! Mais on est toujoursplus poussé aux reproches qu'aux éloges.

Autre reproche que j'oubliais Pourquoi Alain vous donne-t-il toujours le moins bon de ses Propos du mois? Est-ce unegageure? Mille bonnes amitiés fidèles.

Roger Martin du Gard

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A JEANNE ALEXANDRE

Bellême (Orne) 29 janvier 1930

Chère Madame.

Rien d'intéressant n'échappe aux Libres Proposl Aussi hésité-je avant de vous demander si vous avez lu, dans la RevueEuropéenne de janvier, un article de je ne sais plus qui, maisqui rapporte une conversation avec l'allemand Arnolt Bronnen,le dramaturge, sur le nationalisme de la jeunesse allemande,

de l'extrême jeunesse allemande'. Pages assez troublantes,qui me sont par hasard tombées sous les yeux aujourd'hui.Je vous les signale en passant.

Et ce m'est une occasion de vous répéter une fois de plusla respectueuse et fidèle estime que je porte à votre ménage,à votre œuvre, à votre réussite!

Roger Martin du Gard

À HENRI GHÉON

Bellême (Orne) 29 janvier 1930

Bien cher ami,

Je suis terriblement en retard avec vous. Maisj'ai des excuses.Vous savez que ma fille m'a été « enlevée » à la fleur del'âge par mon ami Coppet, et, sans autre forme de procès,emmenée au centre de l'Afrique. Tout ça a été assez cha-virant, et je reprends seulement l'équilibre.

Je viens de jouer avec vous « les jeux du ciel et de l'enfer »,et j'en suis encore tout essoufflé La surprise domine, et obnu-bile le peu que j'ai de sens critique. Je me demande si j'aicompris ce livre extraordinaire, cette somme, et si j'ai raisond'y chercher vos intentions d'auteur. Vous n'êtes plus vrai-ment un auteur, cher ami. Vous êtes un élément. déchaîné.

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Par le diable, peut-être.? (Si j'étais croyant, c'est une ques-tion, je crois, que je me poserais « Est-ce que Ghéon est unvrai converti, ou bien n'est-il pas une formidable farce, mon-tée par le Diable?. ») Il y a du diabolique dans cette œuvreforcenée, où le rire ricane, où la caricature est partout, où lareligion se montre si inattendue, si peu attrayante. Quelsurprenant mélange vous avez osé et réalisé là! Quel pêle-mêle de très bon et de moins bon, de réfléchi et d'improvisé,de sagace et de puéril! Tous les extrêmes, et presque simul-tanément Mon charbonnier appellerait ça du « toutvenant »!

Cher ami, je voudrais aimer ce livre davantage, commeje vous aime, vous. Cela viendra peut-être à une relecture.Pour le moment, les pages que j'aime me sont arrachées parle tourbillon qui anime ce livre d'un mouvement insaisissable,endiablé; elles sont enchevêtrées parmi celles que j'aime lemoins, qui me choquent le plus, et l'ensemble tournoie devantmoi, et me laisse plus éberlué que satisfait. Je vais vous semblerbien en retard je ne puis m'empêcher de me désoler quevous ne cherchiez pas à mieux ordonner vos incontestablesrichesses; et j'en veux un peu à votre foi, que je rends res-ponsable en partie de cette exaltation, de cette assurancejoyeuse, qui vous entraîne trop vite en avant, qui ne vouslaisse plus chercher, douter, regretter, raturer, hésiter et choi-sir. L'inspiration, qui donne à votre œuvre nouvelle, à ce livrenotamment, un « allant » incomparable, vous joue peut-êtreaussi, par ailleurs, un sale tour. La Pythie délirait et de sagesprêtres interprétaient ses transes, triaient l'intelligible. Ima-ginez-vous la Pythie toute seule, criant, gesticulant, vaticinant,en toute liberté? Je crois que vous avez un peu fait le videautour de votre trépied, un peu trop éloigné la sage circons-pection du Grand Prêtre, le sens critique. Peut-être que sivous l'aviez davantage laissé collaborer, votre oracle auraitplus de force, du moins sur des esprits profanes comme lemien. Nous en reparlerons de vive voix. Ne doutez pas dema fidèle affection!

R. M. G.

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À MARCELLE AUCLAIR

Bellême 30 janvier 1930

J'ai mis quinze jours à vous répondre, chère Madame etamie, à cause d'une méchante grippe et d'une petite compli-cation phlébitique qui me tient condamné à l'horizontale.D'ailleurs nous n'avons passé que deux semaines à Paris pourle mariage; et nous avons retrouvé ici, avec joie, le silence,la solitude et le travail. On est encore un peu. chaviré de cebrutal « enlèvement» de corsaire! Ils doivent, en ce moment,fouler le sable du Cameroun, avec des escortes et des tam-

tams. (Tout ça est terriblement cinéma.)Je suis content que Jean ait lu sans sévérité le livre de Dabit'.

Merci. Que fait-il, votre Jean? Qu'a-t-il de «gros»sur lechantier? Et vous? On vous attend tous les deux. Après lesgosses, les livres. Tâchez de réussir ceux-ci aussi bien queceux-là! Et partagez-vous ma fidèle affection d'aîné!

R. M. G.

A JEAN-RICHARD BLOCH

Bellême (Orne) 30 janvier 1930

Cher ami,

Le Colonel Mayer m'écrit ce mot que je te communiqueNous sommes revenus ici.

Je t'écris de mon lit grippe, avec légère complication phlé-bitique qui me condamne à l'horizontale.

Excuse ce laconisme. Et ne doute pas de notre affectueusepensée. Votre compréhension, au moment du mariage deChristiane, nous a bien vivement touchés.

Tibi,

R. M. G.

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AU COLONEL ÉMILE MAYER

Bellême (Orne) 30 janvier 1930

Cher monsieur et ami. Je transmets aussitôt à Bloch.(Adresse La Mérigote, par Poitiers Hte Vienne.)

Je vous écris du lit. Où me retient, horizontal, un ennui desanté, sans gravité, du genre vaguement phlébitique (sans y,n'est-ce pas??) suite d'une grippe, qui m'a fichu par terre àmon arrivée ici. Tout ça, pas fameux pour le travail! Ni pourle moral. Mais ça passera, comme tout.

Je retiens surtout de votre lettre les bonnes nouvelles deLeysin. J'étais resté fort soucieux, à la suite de ma visite, oùje vous avais tous sentis si inquiets. Je connais des cas derésurrection incroyables, par « pneumo ». Il faut avoir bon espoir.

Je me réjouis grandement aussi de vous voir « reprendrede l'activité ». J'imagine que nos chefs de 1914 vont prendrequelque chose1.(Si seulement vous consentiez, une seulefois, à accorder à vos livres ce quart d'heure du généraljaponais, qui décide de la victoire! Mais vous vous refusezorgueilleusement à la perfection!) Peut-être, d'ailleurs, cenouvel ouvrage est-il un démenti à cet outrecuidant juge-ment ? Je le souhaite. Je suis content de vous voir chez Stock,j'ai le sentiment que c'est une boîte sérieuse et entreprenante.Bonne chance!

Mes respectueux hommages, je vous prie, à Madame Mayeret à Madame votre fille et hôtesse. Et pour vous, toute marespectueuse et fidèle affection.

R. M. G.

À JEAN PAULHAN

Bellême (Orne) 2 février 1930

Cher ami,

Je n'entends pas l'anglais, je n'ai pas la moindre affinitéavec les Anglo-Saxons, et j'ai fort peu de goût pour les monu-

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ments aux morts Mais il était si beau, l'animal, si radieu-

sement beau, que je veux tout de même faire quelque choseVoici cent petits francs, cher ami, obole à la beauté etn'en parlons plus.

Bien amicalement vôtre,

R. M. G.

Mystérieuse, déconcertante époque que la nôtre! Quelsubtil rapport les historiens futurs établiront-ils entre notremanie d'élever partout des monuments aux morts, et cetterage de supprimer toutes les pissotières des boulevards??.

À EUGÈNE DABIT

Bellême, 3 février 1930

Cher ami,

J'espérais vous faire une bonne surprise en vous aplanissantle chemin de la N.R.F. et surtout en obtenant pour vous, dèsmaintenant, de Gallimard, une mensualité régulière C'étaitchose faite. Et votre éditeur me semble avoir tout compromis;de sorte que je regrette un peu d'avoir lancé Gallimard enavant!

Peut-être avez-vous su par Denoël que Gallimard avait tentéune démarche auprès de lui, sur mon instigation. Mais peut-être aussi ne vous a-t-il pas tout dit. Denoël a reçu Gallimardet lui a lu votre contrat. Selon Gallimard, ses droits sur vous

n'ont pas de valeur juridique. (Mais j'avais fort insisté auprèsde Gallimard sur ce que j'appelle votre engagement « moral»vis-à-vis de Denoël; et Gallimard avait très bien compris votresituation particulière vis-à-vis d'un ami.)

Denoël, paraît-il, aurait reconnu qu'il n'avait pas dedroits réels sur vous, au regard d'un procès possible. Il areconnu aussi qu'il n'était pas outillé pour vendre votrelivre; (et, la preuve, c'est qu'il n'a vendu que 2.000 ex.,malgré la presse que vous avez eue. C'est vraiment dom-mage !)

Malgré cela il a refusé les propositions de Gallimard. Et

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pourtant celui-ci, qui s'était dérangé exprès et qui aimeréussir dans ce qu'il entreprend, avait, je trouve, été fortlarge il offrait à Denoël l'annonce de son nom sur la pagede garde; il mettait la dernière page du livre à sa disposi-tion pour réclame sur la couverture; six pages de publicitépour ses éditions, dans la N.R.F. Il lui abandonnait les droitsde traduction. Il lui rachetait tous les exemplaires restants;et lui versait, pour racheter le livre, une somme de10 000 francs. (Étant donné qu'il restait à Gallimard à traiterencore avec vous, c'était le maximum des sacrifices qu'ilpouvait consentir pour la cession des droits de Denoël. MaisDenoël a dû croire que la démarche de Gallimard étaitspontanée et il a dû se dire « Pour que Gallimard se dérange,il faut qu'il ait envie de Dabit, à tous prix; je vais lui tenirla dragée haute. » Résultat tout mon projet va tomber àl'eau.)

J'en suis navré. Si j'étais à Paris, j'essaierais de m'en occuperencore.

Je vous conseille d'écrire à Gallimard pour lui demanderun rendez-vous et d'aller examiner avec lui la question ànouveau.

Plus j'y réfléchis et plus je crois que votre intérêt est d'en-trer à la N.R.F. Vous avez vu, chez Rieder, combien ils sont

pusillanimes et insuffisamment outillés. En outre la firmeRieder exagérerait le côté « Braillon », le côté Charles-LouisPhilippe de votre œuvre 2. Avec la firme de la N.R.F. votrelivre se place auprès de ceux de Bloch, de Hamp, de JulesRomains, etc. Je crois aussi, sans me vanter, que mon appui,en sus de celui de Gide, peut vous être utile à la N.R.F.,tout le long de votre carrière. Gallimard vous traite, non seu-lement comme un jeune écrivain d'avenir, mais comme unami de M. du G.; et vous serez bientôt «un ami de la

maison ».

D'ailleurs, même chez Grasset, vous n'aurez pas ce senti-ment d'être traité en ami. Grasset pourra se toquer de vous,faire du battage, se servir de vous comme d'une « découverte»tapageuse. Est-ce à souhaiter? Ce genre de succès-là retombebien vite sur celui qui en fait les frais, et c'est lourd à porter!Cela vous « ressemble» (heureusement) aussi peu que possible,n'est-ce pas?

Si vous êtes d'accord, allez voir Gallimard (parlez-lui men-sualité, c'était chose accordée) et tenez-moi au courant 3.

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Je suis au lit, avec un peu de phlébite. Mais pas grave.Condamné simplement à l'horizontale.

Bien affectueusement à vous,

R. M. G.

À GASTON GALLIMARD

Bellême (Orne) 3 février 1930

Cher ami,

J'ai reçu ton mot. Je crois aussi que Dabit serait digne dela N.R.F., à cause de la qualité de ses ambitions. Je lui écrislonguement en ce sens. Je lui conseille de prendre rendez-vous avec toi. Sa situation matérielle est la suivante pas unsou vaillant; mais nourri par ses parents à l'Hôtel du Nord;logé, d'une façon agréable et élégante, par des parents de safemme; qui ont fait construire au jeune ménage une jolievilla au Pré-Saint-Gervais; et, pourvu du peu d'argent depoche nécessaire à ses besoins qui sont à peu près zéropar les quelques toiles qu'il vend aux uns et aux autres. Onpeut donc dire qu'il est hors du besoin. Et pourtant il souffrebeaucoup de vivre ainsi, aux crochets de ses parents et de ceuxde sa femme, sans pouvoir contribuer aux dépenses quoti-diennes. Je suis certain qu'une mensualité régulière, qui luienlèverait ce souci d'amour-propre, et lui permettrait de tra-vailler plus joyeusement, aurait sur lui la meilleure influenceet l'attacherait à la N.R.F. par des liens de reconnaissance.

Bien affectueusement,

R. M. G.

Je suis au lit, condamné pour je ne sais combien de joursà l'horizontale par un léger accident phlébitique dans la jambegauche. Suite d'un accès de grippe, je crois. Ou, ce qui seraitplus grave, suite d'un mauvais état circulatoire.

Avis Impossible de répondre au téléphone.

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