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FAUST:chroniques de la dernesure

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Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives CanadaLéger, Richard j., 1963-Faust : chroniques de la démesure : théâtre(Actes premiers)ISBN 2-89531-002-5 l Titre. II. Collection : Actes premiersPS8573.E4617155F38 2001 C842’.6 C2001-900006-5PQ3919.2.L43F38 2001

Diffusion au Canada : Dimédia

Ancrées dans le Nouvel-Ontario, les Éditions Prise de parole appuient les auteurs et les créateurs d’expression et de culture françaises au Canada, en privilégiant des œuvres de facture contemporaine.

La maison d’édition remercie le Conseil des Arts de l’Ontario, le Conseil des Arts du Canada, le Patrimoine canadien (programme Développement des communautés de langue officielle et Fonds du livre du Canada) et la Ville du Grand Sudbury de leur appui financier.

La collection Actes premiers a été créée dans le but de publier des manuscrits dont les auteurs sont âgés de moins de rrente ans ou en sonr à leur premier livre publié. Elle est ouvene à rous les genres.

Mise en page : Robert YergeauCorrections des épreuves : Jacques CôtéŒuvre de la couverture : Suzon Demers, « Le jeu de Méphisrophélès », huile, 36 po. x 36 po., 2000, inspirée de la pièce Phorographie de la toile : Normand LacelleImprimé au Canada.

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays.Cet ouvrage a été publié originalement aux Éditions du Nordir.Copyright © Ottawa, 2001 pour la version papierCopyright © Ottawa, 2012 pour la version électroniqueÉditions Prise de paroleC.P. 550, Sudbury (Ontario) Canada P3E 4R2www.prisedeparole.ca

ISBN 2-89531-002-5 (Papier)ISBN 978-2-89423-728-1 (PDF)

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Richard J. Léger

Faust: chroniques de la démesure

théâtre

préface de Dominique Lafon

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REMERCIEMENTS

Une si folIe aventure ne saurait prendre forme, evoluer et finalement at­teindre sa pleine mesure sans l'aide d'inestimables complices.

Je tiens a remercier Joel Beddows, un ami artiste, un reveur, mais aussi unbarisseur, qui a eu l'audace de revisiter ce grand mythe de Faust et qui areussi, surtout, a me donner le gout de participer a cette aventure formi­dable.

Dominique Lafon merite rna reconnaissance, elIe qui a si patiemment reluet commente mes ebauches, ecoute mes etats d'ame, nourri mes idees, com­pris mes doutes... Bien plus qu'une conseillere, elIe est une amie et la Musedu depassernent de soi. Merci, rna petite Muse.

Finalement, ce genre d' entreprise, qui vous accapare l'esprit et le corps toutentier, a un prix a payer. Et ce sont souvent les etres chers qui payent. C'esta la fois un pardon et un merci que j'adresse a Ginette Lampron, rna con­jointe. Un pardon pour mes « absences» longues et frequentes pendant cesnombreux mois OU je partageais plus souvent rna vie avec mon ordinateurqu' avec elIe. Merci de l'appui indefectible, de la bonne grace avec laquelleelIe s'est pliee aces circonstances et de l'interet sincere qu'elIe porte a montravail createur,

Avous trois, je redis rna gratitude et mon admiration.

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Le diabolique et Ie theatral,ou comment Ia dernesure s'ernpara du dramaturge

DominiqueLafon

LE sous-titre de la piece de Richard J. Leger est plus qu'un com­mentaire ou une paraphrase. C'est un aveu. L'aveu d'une prise

de conscience qui pour etre retrospective, de l'ordre de la chronique,n'en est pas moins justifiee par la petite histoire d'un texte qui figuredesorrnais au nombre des variations sur le grand oeuvre de Goethe.

On me permettra d'en faire amon tour la chronique, puisqueje fus le ternoin privilegie de cette entreprise un peu demesuree c->

c'est le mot - dans ses ambitions. Comme Ie dit Ie directeurartistique prudemment absent de la piece, « le mythe faustien, c'estun peu lourd a porter». Pourtant c'est au directeur artistique de LaCatapulte que l' on doit cette initiative inspiree par l'ivresse quiaccompagne, chez les etres jeunes, les premieres responsabilites. JoelBeddows, au mepris de toutes les consignes de prudence que l'onprodigue aun directeur artistique au debut de son mandat, mais fortsans doute des audaces de son predecesseur, Patrick Leroux, pour quila dernesure ri'est pas un vain mot, Joel Beddows, done, decided'organiser sa premiere programmation autour des grands mythes del'humanite, Pour inaugurer cette serie, il choisit le mythe de Faust,c'est-a-dire un mythe germanique de la fin du Xv" siecle, Audacieuseinitiative dans la mesure OU elle soumettra le public aun double effetd'etrangete, une sorte de Verfremdungeffikt radical, auquel l'a peu

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habitue Ie theatre de l'exigutte identitaire et naturaliste. Car Ie mythefaustien ri'appartient pas a l'imaginaire nord-americain qui, loin depasser au crible des preceptes moraux l'ambition scientifique, commel'ambition tout court, y voit au contraire une sorte de caution a laconquete de I'espace, au recul des frontieres emblematiques de touteI'histoire du continent. C'est d'ailleurs en Europe que Ie mythe a faitflores en de multiples incarnations dramaturgiques, musicales etcinernatographiques, La liste en serait longue, mais outre plusieurspoetes et dramaturges allemands, plusieurs cineastes Irancais, Meliesen premier, se sont mesures a la piece de Goethe, qui y consacrasoixante ans de sa vie et ne l'acheva qu'a la veille de sa mort.

II y avait Ia de quoi effrayer un jeune auteur qui rr'avaitjusqu'alors vu aucune de ses pieces montee, meme si ses dossierssecrets etaient gros de projets et de manuscrits. La force de ce coupd'essai, en passe de devenir un coup de maitre, c'est d'avoir mis enscene Ie defi du dramaturge reel dans la figure d'un dramaturge fictifaux prises avec les affres d'une inspiration quelque peu prisonnieredes contraintes de la commande. Plus encore, Richard J. Leger, enune audacieuse conciliation des circonstances de l' exercice et desdonnees de son objet, Ie mythe faustien, a choisi d'en incarner lafigure centrale, celIe de Mephisto, dans un personnage composite etpolymorphe, une Muse. Muse diabolique qui incitera Ie dramaturgeadevenir Ie personnage central de son oeuvre en un passage a l'acre

theatral qui reinvente, en une metaphore tres spectaculaire, la derne­sure des pouvoirs accordes aFaust par le diable goethien. C' etait touta la fois se liberer du code, s'approprier le mythe et inviter lespectateur aune descente dans les cercles sinon infernaux, du moinsderoutants, de la mise en abyme.

La voie etait dangereuse, qui aurait pu entrainer I'auteur dansI'impasse du pretexte et perdre ainsi I'hypotexte de Goethe ou Ie re­duire asa thernatique la plus superficielle, Ie contrat diabolique. Or,le spectateur familier avec les deux versions du Faust de Goethepourra reconnaitre, dans l'actualisation de la figure du savant sur la­quelle repose l'intrigue elaboree par les deux dramaturges, Ie reel et Ie

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fictif comme dans les divers personnages qui la nourrissent, les fruitsd'une connaissance tres intime du modele. Au-dela de la referenceexplicite de l'onomastique qui, de Jean Faust aMarguerite en passantpar Helene, en signale les reperes, la piece releve Ie defi de la moder­nisation.

L'histoire theatrale est riche de cette demarche qui fait servir lesmythes antiques ala mise en scene d'enjeux ou de debars contempo­rains. Faust: chroniques de fa demesure s'inscrit dans cette autre seriede variations au nombre desquelles on compte LesMouches de Sartreou l'Antigone d'Anouilh, sans parler des multiples versions del' CEdipe de Sophocle. II sera donc ici question d'une autre dernesure,pour reprendre encore une fois un sous-titre dans lequell'auteur a suconjuguer les differentes strates de la piece. Demesure du savant qui,comme le docteur Faust, defie les lois de la nature par une ambitionprornetheenne mais aussi humaniste. Comme Ie personnage deGoethe, Ie professeur Jean Faust veut liberer l'humanite, la conditionhumaine de ses entraves, la maladie et la mort. En voulant appliquerles decouvertes theoriques de la biogenetique, cloner des embryonspour reformuler I'ADN, le heros cede sans doute a la dernesure del'eugenisme, mais aussi lance un defi a la morale ordinaire, celle deses collegues qui definissent agrand-peine dans les steriles palabres dequelque cornite de deontologie les frontieres du progres, Loin d'etreune rudimentaire denonciation des dangers de la recherche scienti­fique dont les medias se font l'echo complaisant, er merne si certainsdes personnages diaboliques de la piece participent d'une mise enaccusation des interets mercantiles de l'industie pharmaceutique, lapiece renoue avec la problernatique originelle du mythe : l'aporie deI'humanisme. La mise en scene de ce debar metaphysique, loin de sa­crifier al'expose didactique, est ici constamment retheatralisee par samise en perspective spectaculaire.

Les echanges entre les diflerents niveaux sont orchestres par laMuse diabolique dans ses incarnations successives de conseilleredramaturgique, de psychologue ou de presidente d'un groupepharmaceutique. De merne la caracterisation des personnages qui

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gravitent autour du couple Faust-Mephisto est-elle puisee amerne lamatiere scenique, ameme la troupe des cornediens que la Muse offreau dramaturge pour realiser son projer '. Car, dans la deuxierneversion de la piece, et tres significativement, Richard J. Leger achange la donne de l'exposition quelque peu autobiographique de lapremiere. «Le mythe faustien n'est plus lourd a porter» : ces chro­niques ne sont plus Ie fruit d'une commande, mais une initiative dudramaturge lui-rnerne, qui en assume desorrnais la dernesure commeIe risque jusqu'a en proposer une version liberee de la represen­tation... ce livre qui s'expose desorrnais ala critique du lecteur.

Xle

1 gfn'esl pas ;·usru'a fa conse1ffere dramalirue rui crul souvenl se

reconnallre dans une des incarnalions de fa !Jl(use, signe, fa encore

lheaira/, de i'amicale comp/lcile rui a preside a ses echanges avec uri

auteur: bien reef..

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Spectacle cree dans la Salle «Caisses populaires de l'Ontario»de La Nouvelle Scene,

du 18 au 27 novembre 1999

Une production du Theatre la Catapulte,en collaboration avec l'Ambassade d'Allemagne

et l'Ambassade de France

Texte - Richard J. LegerMise en scene - Joel Beddows

Conseil dramaturgique - Dominique LafonScenographic - Brian Smith

Eclairages - Lynn CoxEnvironnement sonore - Daniel Boivin

Costumes - Genevieve CoutureAssistance ala mise en scene et ala regie - Genevieve Pineault

Regie de plateau - Kadia Saint-OngeDirection de production - Cathy MitchellDirection technique - Simon Coulombe

Direction de salle - Marc MironConstruction du decor - Roch Burelle, Carla Ayukawa

Dossier d'accompagnement scolaire - Sandrine Vrilliard-PuigPhotographie - Marc LeMyreGraphisme - Michelle Bryar

DISTRIBUTIONDirecteur artistique, Z, M?" Phorkyadopoulos, Dr Fuchsmann - Annick Leger

Jean Faust, Dramaturge - Vincent LeclercHelene Lamoureux, Comedienne - Nadine DesrochersMarguerite Reinfach, Comedienne 2 - Maxine Turcotte

Pascal Wagner, Eclairagiste - Stephane Gravel

Photo de la page qui suit, de gauche a droite : Maxine Turcotte, Vincent Leclerc, RichardJLeger, Nadine Desrochers, JoelBeddows, Stepbane Gravel etAnnick Leger.

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Tableau 1Prelude sur le theatre

Le rideau s'ouure sur le Dramaturge, seul entre trois murs represen­

tant son bureau de travail. II est assis devant son ordinateur et relit

en mode « main libre » quelques feuilles a voix haute pour

quelqu'un au bout du file

Dramaturge« Les planches, les treteaux sont dument chevilles.Tout est pret, On attend la fete qui va suivre.Cales dans leurs fauteuils, les yeux ecarquilles,

Ils ne demandent plus que d'etre ernerveilles.

Je sais ce que les gens tiennent pour agreable,Mais plus ernbarrasse, je ne Ie fus jamais :Ce n'est pas qu'au meilleur ils soient accoutumes,

Helas, mais ils ont lu, que c'en est effroyable.Comment faire du neuf avec grace et fraicheurEt plaire, sans pourtant manquer de profondeur?Qui peut sur tant de gens produire un tel miracle?Seulle Poete ! Ami, fais-Ie done aujourd'hui. »

Pause. N'entendant pas de reaction al'autre bout du fi£ le Drama­

turge s'approche du telephone.

Allo? Tu es toujours la?

Directeur artistiqueOui, oui, je r'ecoute. Ca a l'air d' aller, mais ...

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Dramaturge

Attends! Je n' ai pas fini, le Dramaturge repond :« Peut-etre faudra-t-il qu'un siecle en tier s'efface

Pour que l'ceuvre apparaisse avec sa verite,

Car ce qui brille est ne pour Ie moment qui passe

Et la perfection pour la posterite.»

Et c'est la finalement que le diable intervient pour la pre­

miere fois :

« Oh! la posterite ! voila bien votre affaire!

Si c'etait elle, ici, qu'il fallait satisfaire,

Qui done amuserait le monde d'aujourd'hui ?

Va-t-il devoir perir d' ennui?

[...]Vous cherchez un sujet? Avec une douzaine

Vous aurez epargne votre temps, votre peine,

Et votre pot-pourri, mon cher, reussira,

A. quoi bon mettre un tout sur scene?

Le public aussi bien vous le decoupera! »

Directeur artistique

En parlant de decouper... r'as pas peur que le public se perde

dans tout <fa?

Dramaturge"""r ,. ,.1U n annes pas <fa ....

Directeur artistique

C:=a fait un peu collage de textes... Ah! et puis, je me de­

mande pourquoi je r' ai laisse m' embarquer dans ton delire

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d' adaptation, aussi! Revisiter un grand mythe universel! Peut­etre qu'on se donne ben de la rnisere pour rien.

DramaturgeComment, pour rien?

Directeur artistiqueTu sais bien que l'heure est a I'humour. Le public veut rire

atout prix. Y'a plus rien de sacre,

DramaturgeC'est vrai. D'ailleurs, je me demande parfois si Ie theatre est

encore la place pour debattre de grandes idees, pour refaire lemonde.

Directeur artistiqueFinalement, toi aussi t'as la chienne.

DramaturgeJ'ai des doutes. Ce n'est pas la merne chose. Car, d'un autre

cote, ~a peut etre bien de ne pas faire comme tout Ie monde,non? Le theatre c'est fait pour rire, d' accord. Mais pourquoi ceserait mauvais d'y pleurer? D'y retlechir?

Directeur artistiqueQui, je Ie sais... mais ... quand rnerne l... Ie mythe faustien,

c'est un peu lourd aporter. Je te l'ai toujours dit que c'etait de­rnesure. Mais c'est un peu tard pour reculer, non?

DramaturgeJe ne recule pas I... C'est juste que... il me semble que

j'aurais des choses adire sans passer par Goethe.

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Directeur artistiqueDans ce cas-la, exprime-toi. Au lieu de ressasser les vers de

Goethe, impose ta prose. Laisse pas les doutes t'ernpecher det'approprier la piece de Goethe.

DramaturgeC'est pas sa piece que je voudrais m'approprier. C'est ... son

inspiration, sa Muse ! Si je la possedais, elle, l'histoire, Ie mytheet tout Ie reste deviendraient limpides.

Directeur artistique (taquin)Si tu crois vraiment que c'est ca qu'y te faut. A chacun son

fantasme!

DramaturgeSi d'autres ont eu des muses, j'en veux une aussi. Merrie une

muse usagee!

Directeur artistiqueEh ben, dans ce cas-la, je sais pas, moi : fais un vceu, Qui

sait ce qui pourrait te tomber sur la tete! En attendant, j'ai descommissions afaire. Tu me rappelleras sur mon cellulaire. Bye.

DramaturgeBye. « Fais un voeu, fais un vceu !» C'est tout ce qu'elle

trouve a dire. (Courte pause. II considere l'idee, qu'il trouve demoins en moins saugrenue.) Ce n'est peut-etre pas bete, aprestout. (II Jette un regard autour de lui, vers la porte ouverte de sonbureau, comme pour s'assurer que personne ne l'epie.) Je fais Ievceu que la Muse de Goethe me possede tout entier et me portesur sa verve, jusqu'a la derniere replique de Faust. (II a I'idee

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d'emprunter les vers mime de Goethe pour la circonstance.} Aupoint ou j'en suis, autant me servir des paroles du maitre lui­

merne. (II lit son texte sur une feuille.)

«Aussi, n'epargnez-rnoi, ce soir,

Ni decors, ni treuils, ni costumes:

La lune et le soleil sont en votre pouvoir;

Vous pouvez, sans compter, gaspiller les etoiles ;II ne nous manque pas de betes ni d' oiseaux

Nous avons des rochers, des feux, de grandes eaux.

Sans quitter nos portants de toiles,

Parcourez l'orbe entier de l'immense univers

Et faites-nous voguer, en deployant vos voiles,

Du paradis au monde et du monde aux enfers! »

Du coup, l'eclairage et le son marquent une veritable explosion de

metamorphose. Les trois murs qui constituaient l'antre du Drama­

turge tombent a la renverse, les uns apres les autres. Le tout donne

alors preseance a une scene de theatre, encore en chantier, comme

dans l'attente febrile de l'uniuers du prochain spectacle a faire

vivre. Quand les murs ont tombe, on distingue une silhouette dans

le fond de la scene derriere le Dramaturge. Ce dernier, sidere, se

cramponne ason bureau en jetant des regards incredules autour de

lui, sans pour autant voir le nouveau ou la nouvelle uenuie).

zC'est bien ce que je me propose de faire. Mais, a titre d'in­

formation, l'enfer n'existe plus... si ce n'est ici rnerne !

Dramaturge isursautaru)

Quoi?

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zOh pardon, j'oubliais: il vous faut des vers, vous.« Puisez a pleines mains dans l'existence humaine !Chacun la vit, mais peu la connaissent, au fond;Quand vous la saisirez, vous paraitrez profond.Voila ce qu'il faut mettre en scene. »

DramaturgeQu'est-ce que vous faites ici? Et, pour commencer, OU

sommes-nous?

zMais, au theatre, bien sur. Je ne fais pas de consultation a

domicile. lei, pour creer votre piece, nous aurons tout ce dontvous aurez besoin. (Chaque element se manifeste des que Z l'e­voque.) Eclairage... (Un eclairage general mais tamise illumine leplateau.) Musique... (Une courte et enigmatique melopee se faitentendre.) Son ... (On entend une porte grincante s'ouurir.) Come­diens!

Les quatre comediens envahissent la scene et se placent, neutres,chacun al'endroit qui lui est reserve.

DramaturgeEt vous etes qui, vous?

zMais voyons ... je suis l'etre tout designe ... par la force des

choses, pour vous prendre en m... Pour vous preter main-forte.

Z apparait alors dans la lumiere, portant un sarrau en tous pointspareil aceux des scientifiques, saufqu'il est completement noir.

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DramaturgeMa... rna ... Muse?

zHum... En quelque sorte, oui. Le nom me plait assez. Le

role aussi.

Dramaturge (ironique)Vraiment? Eh ben, ca parle au diable.

zA. peu pres, oui!

DramaturgeComment?

zMais oui... Le Satan de service. Entin, celui-la merne que

vous avez cornmande. (Ie Dramaturge fronce les sourcilspour ex­

primer son incomprebension.) Pour votre piece!

Dramaturge (ne pouvant s'empecher de rire)Ah ! Le diable!

zPas tout afait non plus.

DramaturgeTant mieux. Parce que si Ies vceux sont vraiment exauces, et

que vous avez ete livree par Ies «forces de l'Univers», au par lesandes magnetiques, au par Ie karma de mes chakras... vous avezete Iivree aIa mauvaise adresse.

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zNon, il n'y a pas d' erreur. Si ce n'est la votre, Vous avez fait

un voeu si eloquent, si sincere, que vous avez ete exauce,

DramaturgeBon, s:a suffit! Vous avez assurernent le sens du timing,

vous etes presque drole, mais la, j'ai du travail, alors vous repas­serez.

zDesole, Votre propre insistance m'a lie avous le temps que

durera votre piece. Alors si vous voulez que nous nous quit­tions, depechons-nous de l'ecrire, cette piece. Apres quoi, nousnous quitterons bons amis, qui sait? Enfin, je n'en fais pas levceu, mais je l'esperc.

DramaturgeBon. Admettons que vous etes... ce que vous etes, Pourquoi

moi? Pourquoi avoir exauce mon vceu?

zJe vous l'ai dit, Une si belle eloquence merite qu' on s'y at­

tarde. Si vous entendiez la banalite des vceux de la plupart desgens. Et dans un francais ... afaire damner.

DramaturgeEt c'est tout!

zNon, evidcmmcnt, il y a aussi cette grande ambition qui est

la votre, Adapter le mythe de Faust. Je vous avoue que s:a a jouesur ... mes cordes sensibles.

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DramaturgeEh bien, si c'est pour railler mon ambition comme vous

dites ...

zAu contraire, c'est pour la soutenir. D'ailleurs, sur ce cha­

pitre, vous etes trop timide.

Dramaturge itoujours ironique)

Vous croyez?

zPourquoi vous limiter a adapter Faust? Reecrivez-le ! Que

dis-je, jouez-le,

DramaturgeLe jouer aussi ?

zLe defi est grand, certes. Mais je crois savoir que vous

avez eu, jadis, des ambitions d' acteur. Les grandes ambitionsfont les grands defis et les grands defis font les grands hommes.Moliere l'a fait et Shakespeare, et d' autres aussi. Pourquoi pasvous?

Moment de rejlexion du Dramaturge.

DramaturgeVous me flattez, mais vous me proposez d' aller encore plus

loin dans une entreprise que certains trouvent deja... titanesque.

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zA. quoi sert de faire des voeux, d'implorer un secours surna­

turel, si vous ne suivez pas Ies conseils qu' on vous donne?

DramaturgeJ' ai peine acroire que vous etes ce que vous etes,

zJe sais. Vous avez aussi bien de Ia difficulte acroire ace que

vous etes,

DramaturgeVous croyez?

zJe Ie crois. Et, de plus, je crois en vous.

DramaturgeTrop aimable. Surtout que vous ne me connaissez pas.

zJe vous connais assez pour savoir que vous avez de l'ambi­

tion et ... du talent. II faut vous assumer.

DramaturgePeut-etre! Et, de toute facon, si j'en crois votre histoire - et

celIe de Goethe - je n'ai d' autre choix que d' accepter de jouerIe jeu. Mais puisque vous pretendez pratiquer Ie rare metier demuse, dites-moi, par OU voulez-vous commencer?

zMais, par Ia premiere scene, bien sur. Ecrivez.

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