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Jean-Sébastien Marsan Le Petit Wazoo Initiation rapide, efficace et sans douleur à l’œuvre de Frank Zappa Préface de Réjean Beaucage Triptyque Extrait de la publication

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Jean-Sébastien Marsan

Le PetitWazooInitiation rapide, efficace et sans douleur à l’œuvre de

Frank ZappaPréface de Réjean BeaucageTriptyque

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Le Petit Wazoo

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Catalogage avant publication de BAnQ et Bibliothèque et Archives Canada

Marsan, Jean-Sébastien, 1971-Le petit wazoo : initiation rapide, efficace et sans douleur à l’œuvre de Frank Zappa

ISBN 978-2-89031-692-8ISBN 978-2-89031-775-8 ePubISBN 978-2-89031-776-5 Pdf

1. Zappa, Frank - Critique et interprétation. I. Titre.

ML410.Z35M37 2010 782.42166092 C2010-941081-5

Nous remercions le Conseil des Arts du Canada ainsi que la Société de développement des entreprises culturelles du Québec pour l’aide apportée à notre programme de publication. Nous reconnaissons également l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.

Mise en pages : Eva LavergneMaquette de la couverture : Raymond MartinIllustration : Raymond Martin

Distribution :Canada Europe francophoneDimedia D.N.M. (Distribution du Nouveau Monde)539, boul. Lebeau 30, rue Gay-LussacSaint-Laurent (Québec) F-75005 ParisH4N 1S2 FranceTél. : 514.336.3941 Tél. : (01) 43 54 50 24Téléc. : 514.331.3916 Téléc. : (01) 43 54 39 [email protected] www.librairieduquebec.fr Représentant éditorial en France : Fulvio Caccia

Dépôt légal : BAnQ et B.A.C., 3e trimestre 2010Imprimé au Canada

© Copyright 2010Les Éditions Triptyque2200, rue Marie-Anne EstMontréal (Québec) H2H 1N1, CanadaTéléphone : 514.597.1666Adresse électronique : [email protected] Internet : www.triptyque.qc.ca

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Jean-SébaStien MarSan

Le Petit WazooInitiation rapide, efficace et sans douleur

à l’œuvre de Frank Zappa

Préface de Réjean Beaucage

triptyque

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RemeRciements

L’auteur tient à remercier plusieurs personnes qui ont lu et pris la peine de commenter les nombreuses versions de son manuscrit, notamment Mélisande Gélinas-Fauteux, Martine Ferland, Erwan Le Fur, Tania Gosselin, Claude Lacoursière, François Lamoureux, Mathieu Manikowski, Lili Marin et Emmanuelle Tassé.

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PRéface

Ce devait être en décembre 1974, à Noël. Pas Christmas in New Jersey1, mais Noël à Repentigny… Mes parents m’offraient trois disques. J’allais apprendre plus tard que mon père était entré chez un disquaire, m’avait décrit à un vendeur (« cheveux longs, écoute des choses bizarres, etc. ») et s’était vu conseiller quelques titres. Peut-être avait-il aussi espionné ma petite collection au préalable, je ne saurais dire. Finalement, il en avait choisi trois.

J’étais heureux d’avoir enfin ma propre copie de In the Wake of Poseidon de King Crimson, mais j’étais assez neutre devant Some Time in New York City de John Lennon et Yoko Ono. J’adorais certes les Beatles, mais, allez savoir pourquoi, leurs aventures en solo ne m’intéressaient pas. Cet album double allait chambrer un bout de temps avant d’être apprécié et avant que je découvre que la face 4 était enregistrée en concert avec Frank Zappa & The Mothers of Invention ! Le troisième disque, enfin… c’était Apostrophe (’) de Zappa. J’étais assez peu impressionné par celui-là, n’ayant jamais entendu une note de Zappa auparavant, et j’avais hâte de pouvoir écouter mon King Crimson…

Surprise totale quand j’ai enfin écouté le Zappa. Et émerveillement. Ça ne ressemblait à rien de ce que j’écoutais habituellement, et pourtant j’adorais ça ! Il ne l’a jamais su, bien sûr, mais le vendeur qui a conseillé mon père a véritablement contribué à changer ma vie. Il aurait conseillé Burnt Weeny Sandwich, ou Chunga’s Revenge, je ne serais peut-être pas en train d’écrire ce texte… Apostrophe (’) allait devenir le plus grand succès commercial de Zappa, alors évidemment, il ne s’agit pas de son album le plus difficile d’approche, et il est certain que pour découvrir le personnage, c’était une bonne porte d’entrée. Bientôt, presque tous mes amis se mettraient aussi à Zappa. Apostrophe (’) était son dix-huitième album, alors nous avions un

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8 Le Petit Wazoo

sacré rattrapage à faire, et le compositeur se chargeait de nous tenir occupés en lançant très régulièrement de nouvelles galettes. Avec toute la diversité qu’il nous offrait et avec la pléthore de références qu’il nous indiquait, ceux d’entre nous qui avaient les oreilles vraiment curieuses venaient de trouver l’Eldorado.

À l’époque, ce que nous arrivions à savoir sur le compositeur nous arrivait par bribes, dans quelques revues ou journaux spécialisés. Aujourd’hui, il y a beaucoup de livres consacrés à l’œuvre de Zappa. Des petits et des gros, mais surtout des gros, parce que l’œuvre monumental de l’artiste est difficile à synthétiser. Que faire, en effet, avec un compositeur qui a utilisé pratiquement tous les styles musicaux imaginables, des plus grotesques aux plus sérieux (en prétendant toujours ne pas faire autre chose que de l’entertainment), doublé d’un guitariste virtuose, maître de l’improvisation (mais qui se considère comme un piètre musicien), et qui en plus écrit les textes de ses chansons, épopées lyriques et opéras en utilisant une langue dont le spectre englobe aussi bien l’argot des bas-fonds que le vocabulaire le plus châtié (on peut mesurer l’humilité de Zappa au plan littéraire en rappelant ce soir de décembre 1978, alors qu’invité à faire une lecture dans une soirée de poésie, il s’exécuta en lisant un texte de William S. Burroughs : The Talking Asshole…) ? Et je n’ai rien dit du vidéaste inspiré, du virulent polémiste, ou du politicien redouté… Beaucoup d’auteurs peinent à vouloir tout dire. Ils sont états-uniens ou européens, mais jusqu’à maintenant, il manquait un livre québécois dans cette bibliothèque ; le voici.

Jean-Sébastien Marsan a imaginé un guide qui fait le tour de tous les aspects de Zappa en dévoilant une importante somme d’informations, mais sans jamais s’enliser dans le détail, laissant au lecteur le soin de pousser lui-même plus loin sa recherche. En privilégiant une présentation thématique, plutôt que chronologique (on trouvera tout de même une chronologie très détaillée à la suite du « guide »), l’auteur montre un Zappa éclaté en mille facettes, mais c’est toujours le même, et chacun des aspects de son œuvre s’inscrit naturellement dans sa continuité conceptuelle. Même le « connaisseur » ressortira étourdi de ce tour d’horizon concentré. Et il apprendra probablement quelques détails nouveaux, l’auteur ayant, en bon exégète, ratissé le corpus zappien de long en large et fréquenté tout autant ses commentateurs.

Je voudrais bien ne rien connaître, encore une fois, de Frank Zappa, et tomber sur ce livre… Quelle serait alors la production zappienne qui retiendrait le plus mon attention parmi toutes celles qu’examine l’auteur ? Difficile à dire, d’autant plus que je ne suis pas toujours d’accord – aujourd’hui – avec l’auteur sur son appréciation de telle ou telle œuvre… Évidemment,

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des goûts et des couleurs… Parce que, bien sûr, les fans de Zappa sont au moins aussi diversifiés que les styles musicaux qu’il a pratiqués. En ce qui me concerne, 36 ans plus tard, après avoir consacré 73 émissions de radio à l’œuvre de Zappa2 et après avoir dirigé un numéro de la revue Circuit qui lui était entièrement consacré3, je l’écoute encore presque quotidiennement, et j’avoue ressentir une petite jalousie pour ceux et celles qui s’apprêtent, au bout de ces quelques lignes, à le découvrir.

Réjean Beaucage

Notes

1. Titre original de la comédie musicale Thing Fish de Zappa, et aussi le titre original de son livre Them Or Us (The Book), deux projets qui ont vu le jour en 1984.

2. L’émission Zappa de «A» à «Z» a été diffusée à CIBL 101,5 FM de janvier 1993 à septembre 1994.

3. Circuit, musiques contemporaines, vol. 14, no 3, « Frank Zappa, 10 ans après », Presses de l’Université de Montréal, 2004.

Préface

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intRoduction

« C’est une pièce inconnue du public en général. C’est une pièce trop longue pour trouver sa place sur les ondes de la radio. »

Ainsi plaide, lors d’un procès qui se déroule à Québec le 12 janvier 2004, un avocat représentant une entreprise accusée d’usage illicite d’une composition de Frank Zappa. Ameublements Tanguay, commerce de détail bien connu dans la Belle Province pour ses ravissants ensembles électroménagers, meubles de salon et de chambre à coucher, est cité à la barre du tribunal pour avoir utilisé « Watermelon in Easter Hay », une pièce instrumentale de l’opéra rock de Zappa Joe’s Garage (1979), dans la trame sonore d’une publicité télédiffusée à l’été 1995. Au tribunal, l’avocat souligne qu’en 1995 personne chez le détaillant de meubles n’a reconnu la mélodie de Zappa en visionnant le message publicitaire réalisé par un sous-traitant, Production Karma. Nul n’a donc avisé les héritiers de Zappa, gestionnaires des droits d’auteur de l’artiste disparu le 4 décembre 1993. C’est un téléspectateur gaspésien, surpris de reconnaître « Watermelon in Easter Hay » dans la pub pour Ameublements Tanguay, qui a sonné l’alarme en contactant la famille Zappa1.

Une pièce inconnue du public ? Joe’s Garage, à la fin des années 1970, est un succès commercial, et la réédition en CD est aujourd’hui offerte chez tous les bons disquaires. « Watermelon in Easter Hay » n’a certes jamais connu les palmarès radio, mais pour de nombreux critiques cette pièce instrumentale est la plus accomplie de Joe’s Garage et l’une des plus réussies de la carrière de Zappa.

Une pièce trop longue pour la radio ? Une pièce qui n’aurait donc aucune valeur, tout juste bonne à servir de bande sonore pour une pub de meubles, si l’on exagère la rhétorique de l’avocat.

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Il ne faut pas blâmer trop vite les accusés de ce procès et l’avocat qui les représente. Comment peuvent-ils savoir que Frank Vincent Zappa Jr., né à Baltimore en 1940 et mort à Los Angeles 52 ans plus tard, est le plus important compositeur américain de la fin du XXe siècle, tous genres confondus ? Il demeure absent de presque toutes les encyclopédies, dictionnaires et ouvrages de référence sur la musique occidentale. Ses hits résonnent très rarement sur les ondes radio. Au milieu des années 1990, son nom s’enfonce déjà dans l’oubli. Au Québec, le 10e anniversaire de sa mort est passé sous silence par l’ensemble des médias de masse ; quelques jours plus tard s’ouvre le procès impliquant Ameublements Tanguay et, cette fois, les journalistes sont aux aguets, appâtés par le fait divers.

Cette malencontreuse utilisation d’un enregistrement sonore pour une publicité de meubles est moins anecdotique qu’elle n’en a l’air. Elle illustre très bien à quel point la musique de Zappa demeure un énorme malentendu – aussi « mal entendue » que mal comprise. Le quidam peut reconnaître Zappa sur une photographie (sa grosse moustache et sa barbichette de mousquetaire appartiennent à l’iconographie pop du siècle dernier, au même titre que la coiffure des Beatles et le logo des Rolling Stones), et beaucoup savent qu’il s’est illustré dans le domaine musical, mais combien peuvent résumer son parcours, nommer quelques-uns de ses meilleurs disques ? Ou fredonner l’une de ses chansons sous la douche ?

Zappa signe une soixantaine d’albums de 1966 à 1993, dont plusieurs doubles ou triples. C’est un polyvalent comme il en existe rarement : chanteur, guitariste, percussionniste et claviériste, chef d’orchestre de chambre et symphonique (il dirige notamment l’Ensemble Modern de Francfort et le London Symphony Orchestra), ingénieur du son (il possède son propre studio dès 1964), producteur (il crée plusieurs maisons de disques et enregistre de nombreux artistes pop), scénariste et réalisateur de films (un long métrage de fiction, plusieurs documentaires, de l’animation et des courts métrages expérimentaux), acteur (quelques apparitions au petit et au grand écran), compositeur de bandes sonores pour le cinéma, homme d’affaires accompli (il produit lui-même nombre de ses disques, spectacles et autres prestations), écrivain et essayiste (livrets, articles de magazines, autobiographie), journaliste (correspondant à Moscou de l’émission Focus du Financial News Network), dessinateur, conférencier, militant pour le droit à la libre expression, conseiller du premier gouvernement tchécoslovaque postcommuniste, candidat à la présidence des États-Unis... Et, au fil de ce parcours, l’un des plus grands provocateurs de son époque. Un artiste « total » ou presque, mais méconnu.

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13introduction

Pourquoi (re)découvrir Zappa aujourd’hui ?

La mondialisation du capitalisme universalise la guimauve musicale, ces produits de consommation concoctés par des multinationales incapables de prendre un risque artistique et financier, musiques ultraconformistes et infantilisantes qui sont au nerf auditif ce que le fast food est à l’estomac. La musique pop des années 2000 n’évolue plus, et la contre-culture est aujourd’hui institutionnalisée, aseptisée et récupérée, vidée de son caractère subversif. « Il faut que les jeunes sachent que Zappa est aussi important que d’autres classiques du rock qu’ils connaissent. C’est le moment idéal pour découvrir sa musique : la pop d’aujourd’hui est totalement globalisée et il n’y a plus d’individualités capables de proposer une alternative radicale, comme c’était encore le cas du vivant de mon père », déclare Dweezil Zappa en 2006 tandis qu’il prépare une série de spectacles mettant en scène la musique de son pater familias2.

De nos jours, les réseaux de radios commerciales et l’industrie du vidéoclip font si peu d’efforts pour élargir leur programmation que leur fonctionnement est assimilable à une implacable censure : tout ce qui ne correspond pas à un son et à un look étroitement prédéfinis par des professionnels du marketing sera présumé inconciliable avec les prétendus goûts du public. La surproduction pop des années 1990-2000, ces hits de deux ou trois minutes qui se suivent et se ressemblent trop, n’est que divertissement et malheureusement rien d’autre – divertissement au sens absolu du mot, c’est-à-dire conçu pour « détourner d’une préoccupation dominante, essentielle » (selon la définition du dictionnaire Robert). Le consommateur moyen, conditionné par des automatismes culturels, ne s’étonne plus que des cloisons étanches séparent tous les genres musicaux, que les chansons d’amour soient toujours mièvres et larmoyantes (surtout au Québec, terre de chanteurs et chanteuses « à voix » qui se lamentent comme des désespérés), que le rock possède obligatoirement trois accords avec un rythme et une structure archi-prévisibles, que la musique jazz ou classique n’aient d’autres usages que de servir de tapisserie sonore. Comme le clame Zappa dans son autobiographie, « les Américains qui écoutent la radio, élevés au régime ........................ (à compléter), n’ont expérimenté qu’un univers musical si étroit qu’ils ne peuvent même pas commencer à savoir ce qu’ils aiment.3 »

Au Québec en particulier, la concentration de la propriété des médias est l’une des plus poussées du monde occidental, avec des conséquences

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funestes sur la diversité des voix. De plus en plus homogènes, les médias de masse au Québec (et ailleurs dans le monde industrialisé) traitent la musique et l’information en marchandise comme les autres, en produits ciblés par des professionnels du marketing pour susciter un désir de consommation dans un marché donné. De plus, les conditions de travail des journalistes se dégradent sans cesse : emplois précaires, autonomie professionnelle de plus en plus limitée, travail éparpillé sur une variété de supports, délais de production toujours plus serrés... Dans ce contexte de marchandisation de la culture et de nivellement par le bas, la critique musicale repose trop souvent sur l’humeur du jour (« j’aime, j’aime pas ») et le potinage people. L’information de type « arts et spectacles », c’est-à-dire de simples suggestions de sorties agrémentées de palmarès insignifiants (« Les 25 meilleurs albums rock de tous les temps », entre autres niaiseries), prend le pas sur le travail de vulgarisation culturelle. Il faut que Zappa rende l’âme, le 4 décembre 1993, pour que certains médias entreprennent enfin un effort de synthèse et d’argumentation sur le compositeur et son œuvre.

Voici un bon exemple de myopie journalistique. À l’été 2007, les médias soulignent avec moult superlatifs le 40e anniversaire du célèbre Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band des Beatles. Une œuvre incontournable, bien sûr, mais les journalistes répètent une fausseté colportée pendant quatre décennies en qualifiant le microsillon des Fab Four de « premier album concept de l’histoire de la musique pop ». Peu de commentateurs culturels prennent la peine de relever que le premier disque de Zappa et de ses Mothers of Invention, Freak Out ! (1966), est sans doute l’un des premiers albums pop conceptuels de l’Histoire (chaque pièce s’inscrivant dans un ensemble cohérent) et que son influence sur les Beatles est sans équivoque.

La peur de la controverse politique explique aussi que les médias aient toujours boudé et continuent d’ignorer 99 % de la production de Zappa : « il existe très peu de chansons plus politiquement incorrectes que les siennes [...] on aurait du mal à trouver un répertoire moins adapté à nos bienveillants médias capitalistes et convergents », souligne le musicologue québécois Nicolas Masino4. Le disque le plus vendu de Zappa, Sheik Yerbouti (1979), contient plusieurs hits, des pièces très accessibles sur le plan musical, mais ses textes aux références sexuelles et politiques très explicites n’ont jamais trouvé leur place sur les ondes de la radio nord-américaine (la chanson « Bobby Brown Goes Down », par exemple).

En introduisant dans le rock le langage de la musique orchestrale du XXe siècle, Zappa invente une nouvelle culture, populaire ET savante, relève avec justesse l’essayiste français Pacôme Thiellement, qui précise : « À travers lui, la pop music devient alors ce qu’elle aurait toujours dû être : c’est-à-dire un mode de connaissance.5 »

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15introduction

Enfin, son art demeure une excellente démonstration de ce que les États-Unis d’Amérique ont de meilleur à offrir à l’humanité : un idéal de liberté créatrice et d’esprit d’aventure. Qui sait, les Américains triompheront peut-être un jour de leurs vieux démons pour renouer avec le contexte culturel qui a permis à Zappa et à une certaine avant-garde d’émerger dans les années 1960.

Pourquoi ce livre ?

« Zappa, c’est un sujet d’étude à vie », soutient le guitariste Steve Vai, ancien comparse du compositeur 6. La matière abonde, en effet, et personne n’est parvenu à épuiser toutes ses significations. Plonger tête baissée dans l’écoute de l’immense discographie de Zappa est une entreprise aussi périlleuse que tenter de se farcir, sans guide ni méthode, toute la production de Victor Hugo ou de Pablo Picasso. Le vaste catalogue de métissages et d’ambiguïtés patiemment construit par l’artiste pendant plus de 30 ans échappe à toute classification, ce qui déconcerte le grand public, les médias et même des musiciens chevronnés.

Une écoute strictement chronologique de ses œuvres n’est pas la meilleure approche, car les disques très éclectiques du début de sa carrière (avec sa formation des années 1960, The Mothers of Invention) peuvent désorienter le néophyte.

Et il faut admettre que sa discographie comporte des défauts agaçants. Zappa chante comme un pied (« je ne peux chanter que sur une seule octave, avec 75 à 80 % de précision dans le ton », admet-il dans son autobiographie7). Très prolifique, il sombre parfois dans la facilité. Deux ou trois de ses enregistrements déçoivent à tout coup, notamment l’incompréhensible comédie musicale Thing-Fish (1984). Commentateur social qui tire sur tout ce qui bouge, il a le défaut de vouloir provoquer à tout prix. Comme tous les artistes, il subit sa part d’échecs : la prise de son ratée de 200 Motels en 1971, ses problèmes contractuels et les enregistrements mal édités par Warner en 1976-1979, ses ennuis récurrents avec la censure. Il connaît aussi quelques passages à vide – l’album The Man From Utopia (1983) par exemple, à moitié désastreux.

Le présent ouvrage se veut une initiation à l’œuvre d’un compositeur hors normes. Il ne s’agit pas d’une biographie ou d’une encyclopédie, mais bien d’une visite guidée dans les sentiers les mieux balisés de la jungle zappaïenne. Un « Zappa pour les nuls », en quelque sorte. Vous n’y trouverez ni révélation choc, ni potin croustillant, ni micro-analyse pour fans fétichistes

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16 Le Petit Wazoo

finis. L’auteur de ces lignes a voulu présenter l’information générale sous la forme la plus accessible et didactique possible, avec le souci de mettre en valeur le travail de quelques critiques, essayistes, biographes et musicologues de langue française et anglaise.

Ce livre peut se lire de plusieurs façons. Les chapitres II à IX s’adressent au novice qui désire découvrir Zappa en s’appuyant sur ses préférences musicales, les titres les plus significatifs étant regroupés par genres et, à l’intérieur de chaque genre, le plus souvent présentés en ordre croissant de complexité. Puisque les premières impressions sont déterminantes, il vaut mieux infiltrer l’œuvre de Zappa à partir de genres musicaux familiers, et ensuite exercer son oreille, explorer d’autres esthétiques. La classification proposée ne prétend pas à l’exhaustivité (plusieurs enregistrements tout à fait valables sont ignorés). Pour une mise en contexte, le lecteur pourra se référer à la chronologie de l’artiste et de son œuvre présentée au chapitre XI, synthèse des meilleurs essais et biographies publiés depuis les années 1970. À moins de commencer la lecture du Petit Wazoo par la chronologie – le parcours de Zappa est si riche en péripéties que son curriculum vitae se lit comme un roman.

Notes

1. Guy Benjamin, « Violation des droits d’auteur. La famille Zappa réclame 120 000 $US », Le Soleil, Québec, 13 janvier 2004, p. A3. Une entente hors cour est rapidement survenue entre Ameublements Tanguay et les héritiers de Zappa (Guy Benjamin. « Entente à l’amiable. La famille Zappa accepte les excuses de Tanguay », Le Soleil, Québec, 14 janvier 2004, p. A3).

2. Eric Dahan, « Zappa est revenu », Libération, Paris, 2 juin 2006, p. 34-35.3. Frank Zappa, Peter Occhiogrosso, Zappa par Zappa, Paris, L’Archipel, 2001, p. 191.

Il s’agit de la traduction française de l’autobiographie The Real Frank Zappa Book, Touchstone, New York, 1989.

4. Nicolas Masino, « Frank Zappa devant l’éternel : postérité problématique d’un icono-claste impénitent », Circuit, musiques contemporaines, vol. 14, no 3, Presses de l’Uni-versité de Montréal, 2004, p. 70.

5. Pacôme Thiellement, Économie Eskimo. Le rêve de Zappa, Éditions M.F., coll. « Répercussions », Paris, 2005, p. 42.

6. Guy Darol et Dominique Jeunot (dir.), Frank Zappa de Z à A, Le Castor Astral, Bordeaux, 2000, p. 13.

7. Frank Zappa, Peter Occhiogrosso, op. cit., p. 185.

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chaPitRe i

« The œuvre », le grand malentendu de laculture américaine de la fin du XXe siècle

L’opinion publique et les médias entretiennent une image fragmentaire et superficielle de Frank Zappa, limitée à quelques clichés : icône moustachue de la contre-culture californienne, compositeur (trop) expérimental, bouffon provocateur et vulgaire. Le vrai visage de Zappa est plus difficile à percer : un artiste obstiné, à la démarche très originale, toujours innovatrice et totalement irrécupérable.

Auteur d’une musique éclectique à l’extrême, aux formes hétérogènes et asymétriques, Zappa se distingue aussi par ses textes polémiques, subversifs, et par son humour acerbe. Savant fou de la culture pop et rock star de la musique dite sérieuse, créateur d’une mosaïque sonore puisant dans les racines de la culture nord-américaine et exploitant une foule de références internationales, ce compositeur à nul autre pareil lègue une œuvre foisonnante qui n’en finit plus de dévoiler ses arcanes et ses subtilités. S’immerger dans l’univers de ce roi des impertinents, c’est découvrir des horizons esthétiques insoupçonnés, s’offrir un cours de sociologie sur l’american way of life et apprécier la pensée critique d’un authentique intellectuel.

Une continuité conceptuelle

À la fin de sa vie, Zappa désigne l’ensemble de sa production par l’expression « the œuvre » (en prononçant à la française), car elle constitue effectivement un tout1. Il s’agit d’un artiste complet, organique : toute sa production, sérieuse ou frivole, s’insère dans « the œuvre », non seulement ses disques, ses spectacles, ses films, etc., mais aussi ses apparitions à la télévision, ses entrevues accordées aux journalistes, ses interventions publiques,

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ses déclarations politiques, etc., et jusqu’à sa vie de famille, qu’il qualifie dans son autobiographie de « concept dada ». Son épouse Gail donne naissance à quatre enfants aux prénoms effectivement dadaïstes : Moon Unit (née en 1967), Dweezil (le fils aîné, 1970), Ahmet Emuukha Rodan (un garçon qui voit le jour en 1974) et Diva (1979). « The œuvre » est un matériau sans cesse réarrangé, actualisé, cité ou mis en abyme, et la mort du compositeur n’interrompt pas ce chantier : de 1994 à aujourd’hui (début 2010), les héritiers de Zappa éditent une trentaine de disques (inédits et compilations, qui s’ajoutent à la soixantaine d’albums réalisés du vivant du compositeur).

Le génie de Zappa se déploie bien au-delà de son caractère curieux et de sa façade de provocateur excentrique. Artiste autodidacte à l’opiniâtreté exceptionnelle, il n’a pas encore soufflé ses 25 bougies lorsqu’il coule le béton de sa démarche artistique et de son destin : combler le fossé qui sépare la culture populaire de la musique savante. Pour arriver à ses fins, il forge sa méthodologie « Projet/Objet ». C’est-à-dire :• identifier, pour chaque projet créatif, le ou les supports les plus appropriés

(disque, film, comédie musicale, etc.) ;• incorporer à l’œuvre tous les matériaux qui lui plaisent, sans préjugés

esthétiques ;• inclure des références à ses compositions antérieures ;• rassembler les meilleurs collaborateurs en fonction des exigences du projet

en cours (ses formations musicales connaissent de constants changements de personnel) ;

• enfin, insérer soigneusement ce projet dans un ensemble plus large (le plus large des ensembles étant « the œuvre »).

Refusant de dissocier bon et mauvais goût, Zappa ne distingue pas la culture populaire de l’expression de l’élite. La musique dite sérieuse l’influence profondément dès son adolescence. Il vit à cette époque l’une des plus importantes révélations esthétiques de son existence lorsqu’il se procure un disque d’Edgar Varèse (1883-1965), artiste réputé inaccessible, l’un des premiers compositeurs occidentaux qui privilégie les sons pour libérer les instruments et la musique. L’adolescent succombe immédiatement au dispositif percussif d’« Ionisation » (l’une des premières œuvres de la musique occidentale pour percussions seules, composée en 1931 pour 13 percussionnistes jouant de 37 instruments, incluant deux sirènes électriques et un piano utilisé comme caisse de résonance), comme les jeunes d’aujourd’hui vouent un culte à la vedette pop de l’heure. Edgar Varèse, artiste solitaire en rupture avec toutes les traditions, à la fois visionnaire et incapable de compromis, compositeur si singulier qu’il constitue presque un genre musical

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19« the Œuvre »

à lui seul, devient le héros du jeune Frank – l’adolescent aime aussi le look « savant fou » de Varèse, avec ses cheveux en bataille et ses gros sourcils hirsutes.

La théâtralité du compositeur russe établi aux États-Unis Igor Stravinski (1882-1971) impressionne aussi le jeune Zappa, de même que la musique sérielle de la Seconde école de Vienne, celle d’Alban Berg, d’Arnold Schoen-berg et d’Anton von Webern (actifs de 1923 à 1957). Sur ces compositeurs viennois, quelques notions de théorie musicale s’imposent – elles seront utiles pour comprendre la culture artistique de Zappa.

Au début du XXe siècle, les artisans de la Seconde école de Vienne abandonnent la tonalité, c’est-à-dire l’organisation des sons selon l’échelle chromatique (les notes naturelles do-ré-mi-fa-sol-la-si, avec les notes intermédiaires do-ré-fa-sol-la dièses ou ré-mi-sol-la-si bémols, autrement dit les touches blanches et noires sur un clavier). La tonalité organise la mélodie et l’harmonie d’une composition en imposant un ton principal. Par exemple, dans la chanson traditionnelle « Frère Jacques », la première note, do majeur, est la tonalité de toute la mélodie. La Seconde école de Vienne, après avoir rejeté les gammes et les accords hiérarchisés, les mélodies et la notion de thème (mélodie principale qui est répétée dans une composition en épousant diverses variations), privilégie à compter des années 1920 le sérialisme, c’est-à-dire une succession préétablie et invariable de sons qui ne sont soumis à aucune hiérarchie, mais qui sont régis selon leur ordre d’apparition. Schoenberg codifie l’atonalité avec le dodécaphonisme : les 12 sons de l’échelle chromatique peuvent apparaître dans un ordre quelconque, mais seulement une fois. (Le compositeur n’est cependant soumis à aucune contrainte sur le plan rythmique.) Le dictionnaire Robert précise à propos du sérialisme que « le nombre de séries possibles s’élève ainsi à 479 001 600, et chaque série possède 48 formes : forme originale (ou droite), forme rétrogradée (de la dernière à la première note), forme renversée (en changeant la direction des intervalles), forme rétrogradée-renversée, chacune de ces quatre formes pouvant être transposée onze fois. » Remise en cause radicale de l’écriture traditionnelle de la musique occidentale, le sérialisme est une expression artistique très intellectualisée, austère (le style de Webern, par exemple, accorde beaucoup d’importance aux silences). D’autres compositeurs européens enrichissent ensuite le sérialisme ou s’en inspirent pour créer leur langage personnel. Tout un choc, pour le jeune Zappa des années 1950, de découvrir des compositeurs qui ignorent la tonalité (ou qui pratiquent la polytonalité, comme Stravinski), qui emploient des rythmes irréguliers ou qui procèdent par collage – l’Américain Charles Ives (1874-1954), une autre influence de Zappa, aimait entendre deux orchestres jouant simultanément des partitions différentes.

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À ce bagage musical « sérieux », Zappa entremêle la pop qu’il découvre avec enthousiasme dans les années 1950, surtout celle des Noirs : le doo-wop (balades sirupeuses axées sur les harmonies vocales), le rythm’n’ blues de Johnny « Guitar » Watson et de Richard Berry, le jeu de guitare d’Eddie « Guitar Slim » Jones, de Clarence « Gatemouth » Brown, de Chester Arthur Burnett (surnommé Howlin’ Wolf) et de plusieurs autres. « Je ne connaissais rien à la musique dodécaphonique, mais j’aimais la manière dont elle sonnait. Comme je n’avais aucune sorte de formation musicale, écouter Lightnin’ Slim, les Jewels (un groupe vocal qui chantait “Angel In My Life”), Webern, Varèse ou Stravinski, ça revenait au même. Tout ça, c’était de la bonne musique », écrit Zappa dans son autobiographie 2.

Ignorer toute distinction entre les musiques « populaire » et « sérieuse » n’est pas une attitude si révolutionnaire, quand on y songe. Force est d’admettre que la frontière entre ces esthétiques musicales est souvent artificielle, que des liens assez intimes relient les deux univers, relations que nos préjugés culturels tendent à occulter. Par exemple, les compositions de Mozart ou de Beethoven, appréciées d’un vaste public, appartiennent sans aucun doute à la culture populaire : on les entend partout, y compris dans les publicités et les sonneries de téléphones cellulaires. Mais on oublie souvent que Mozart ou Beethoven ont été considérés, de leur vivant, comme des compositeurs difficiles, déstabilisants. C’est le passage du temps qui forge les « classiques »...

Ce qui distingue la démarche de Zappa, c’est la philosophie qu’il applique systématiquement, implacablement, avec une force de caractère peu commune : toute forme musicale classique doit être détournée, toute norme artistique n’est qu’une entrave à sa créativité, et la structure d’ensemble des compositions ainsi obtenues a plus de valeur que les matériaux considérés isolément. Zappa n’imite jamais ; il assimile méthodiquement, minutieusement, puis il transforme le matériau à sa manière en l’inscrivant dans un tout cohérent, rigoureux : derrière un chaos apparent, il organise le désordre, unifie le discontinu, soigne avec une rigueur maniaque chaque détail et la structure de l’ensemble, d’où son expression « continuité conceptuelle ». Cette fragmentation de contenus et leur réagencement pour créer de nouvelles significations s’apparentent d’ailleurs au copier-coller créatif typique des disc-jockeys et de la cyberculture d’aujourd’hui.

De plus, Zappa ne néglige aucun détail et il a la mémoire longue, parfois sur une période de 10 ou 15 ans. Un cas d’espèce : en 1974, lors d’un concert à Helsinki (Finlande), un spectateur réclame l’interprétation du rock « Whippin’ Post » des Allman Brothers. Zappa et ses musiciens sont pris au dépourvu ; ils ne connaissaient pas cette pièce. Dix ans plus tard, Zappa se

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Le Petit WazooInitiation rapide, efficace et sans douleur à l’œuvre de Frank Zappa

Icône moustachue de la contre-culture californienne, tantôt compositeur (trop) expérimental, tantôt bouffon provocateur et vulgaire... L’opinion publique entretient une image fragmentaire et superficielle de Frank Zappa, limitée à quelques clichés. Mais le vrai visage de Zappa est plus difficile à cerner : un artiste obstiné, à la démarche très originale, toujours innovatrice et totalement irrécupérable.

L’ouvrage Le Petit Wazoo se veut une initiation à l’œuvre de ce compositeur hors normes. Il ne s’agit pas d’une biographie, d’une somme ou d’une ency-clopédie, mais bien d’une visite guidée dans les sentiers les mieux balisés de la jungle zappaïenne. L’information y est présentée sous la forme la plus didactique possible. La première moitié du manuscrit s’adresse au novice qui désire découvrir Zappa en s’appuyant sur ses préférences musicales, depuis les genres musicaux les plus familiers jusqu’aux nouvelles esthétiques. La seconde moitié du livre est une chronologie détaillée de la vie et l’œuvre de l’artiste, faisant la synthèse des meilleurs essais et biographies publiés depuis les années 1970.

Jean-Sébastien Marsan est journaliste et rédacteur indépendant à Montréal. Il est l’auteur de Devenir son propre patron ? Mythes et réalités du nouveau travail auto-nome (Écosociété, 2001) et de Les Québécois ne veulent plus draguer… et encore moins séduire (Éditions de l’Homme, 2009).

Réjean Beaucage collabore depuis mai 2001 à l’hebdomadaire montréalais Voir. Depuis 2000, on peut lire ses contributions dans les revues Circuit (Québec) et Improjazz (France). Il prépare actuellement un livre sur la Société de musique contemporaine du Québec.

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