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DU MÊME AUTEUR

En collaboration avec Claudie Stanké

Naïve la gouache, Éditions Robert Laffont, 1988Plus jamais l’hiver, Éditions Libre Expression, 1990

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Marc K. Parson

LA FILLE DE PERSONNE

roman

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Cet ouvrage a été publié avec l’appui du Programme desubvention globale du Conseil des Arts du Canada et duministère de la Culture du Québec.

Illustration de couverture: The Chippeway Widow, Charles BirdKing, © Superstock

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© Les éditions du Septentrion1300, av. MaguireSillery (Québec)G1T 1Z3

Dépôt légal – 1er trimestre 1994Bibliothèque nationale du Québec

Données de catalogage avant publication (Canada)

Parson, Marc K.

La Fille de Personne: roman

ISBN 2-9211114-99-2

I. Titre.

PS8581.A77F54 1994 C843’.54 C94-940442-XPS9581.A77F54 1994PQ3919.2.P37F54 1994

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À Denise Larocque

et à la mémoire des grandes amitiés qui unirent jadisgens des nations autochtones et de la Nouvelle-France,

en espérant que ce printemps revienne.

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Je ne cherche aux livres qu’à m’y donner du plaisir;je ne cherche que la science qui traicte de la

cognoissance de moy mesme et qui m’instruiseà bien mourir et à bien vivre.

MONTAIGNE

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I

Si elle meurt, je meurs.Quelle méchante fièvre avons-nous donc attra-

pée là? Cela fait trois jours qu’elle ne parle plus, mabelle vieille Madeleine, des jours et des jours qu’elleest trop faible pour se nourrir d’autre chose que depotions.

Et moi, Marilou, qui m’apprête à te raconterl’histoire de notre vie ensemble, je me rends compteque je ne connais presque rien de son enfance auxTrois-Rivières.

Pour moi, sa vie commence en vérité le jour oùje l’ai aperçue, par un après-midi d’été de l’an 1710,sur la berge du fleuve Saint-Laurent, près de sonamie Catherine, toutes deux allongées nues entre lesrochers. Deux déesses sorties des profondeurs dufleuve pour adorer le soleil. Les cheveux blonds deMadeleine faisaient une ombre blanche sur l’épaulebrune de l’Indienne.

Madeleine sortait tout juste de l’eau. Avant dereposer sa tête sur le ventre de son amie, elle avait

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relevé sa longue chevelure au-dessus de sa nuque, sibien qu’en retombant ses mèches blondes et froidesrecouvraient les seins de Catherine, en hérissaientles mamelons. Moi le beau, caché derrière lesrochers, j’avançais la tête à m’en défaire le cou versces deux corps à caresser, à caresser pendant autantd’années que j’ai sacrifiées au roy de France, ohpaïs!

Madeleine reposait au rythme de la respirationlégère de sa compagne. Dans ma fantaisie, je l’ima-ginais caressant du bout des doigts le corps de lajeune Indienne assoupie au soleil, s’attardant là, aucreux de la hanche, où la peau est plus douce, puisremontant lentement le long du flanc de la belleendormie.

La tendresse qui les unissait était totale, indisso-ciable du doux érotisme de ce tableau. MadeleineVacher dit Lacerte, la blanche blonde, et CatherineRouensa, la brune noire, ordonnaient le souffle detoutes choses, en ce début d’été.

Camouflé derrière mes rochers, honteux commeun curé surpris les fesses à l’air, fou comme un chioten rut, je n’osais faire le moindre geste, de peur deles effaroucher et de donner l’alarme au frère deCatherine qui pêchait, un peu en amont, et dont onapercevait distinctement la silhouette.

Voilà. C’est ainsi que Madeleine, ta mère, est arri-vée dans ma vie. À l’improviste, et nue comme aujour de sa naissance. Cet après-midi-là, ce fut le vraidébut de notre histoire, à tous les trois.

Ces dernières années, où le temps ne nous man-quait plus à ta mère et à moi pour les confidences,

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nous parlions sans cesse de Catherine. Elle nousmanque. Elle nous attend.

Mais, avant de partir la rejoindre, je veux que toiet tes frères connaissiez notre véritable histoire et jecompte sur toi, Marilou, pour leur raconter commeje vais te le faire.

Pourquoi sont-ils donc partis au bout du Nou-veau Monde, ces deux-là! Je sais, rien ne sert d’yjongler, ça ne les fera pas revenir pour autant! Leciel t’a-t-il donné moins qu’à tes frères? Qu’à tonaîné Hypolite, notre grand voyageur des Plaines, ouqu’au bon Charles, maître forgeron du bout dumonde? Pourtant, s’ils vivaient ici, c’est à l’aîné queje relaterais tout cela, comme le veut la tradiciu. Pource qu’elles valent, les traditions!

Allez! viens mon enfant, ma Marilou, vienst’allonger près de moi. Ne crains pas ma fièvre, cene sont que les vieux comme Madeleine et moi quiavons à craindre de ces maladies-là.

Je veux, ma chatouno, que tu te rappelles tout ceque je vais te dire, ce soir, demain et, s’il le faut, tousles soirs qu’il me reste à vivre... Je vais te relater monhistoire et celle de notre famille. Je n’omettrai riende ce qui doit être dit, que mes ancêtres en soienttémoins! Il le faut, avant que mes souvenirs et ceuxde ta mère disparaissent à jamais dans la nuit destemps.

Et quand je t’aurai tout raconté, nous n’enparlerons plus. Tu garderas le silence jusqu’à mamort. Ensuite, tu pourras à ton tour transmettrenotre histoire à tes frères. Ne pleure pas petite, nepleure pas, écoute plutôt...

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* * *

Cet après-midi de soleil et de déesses, j’étais enpermission pour l’une des premières fois depuismon arrivée en Nouvelle-France. J’avais trente-quatre ans, encore presque toutes mes dents et,pour tout bagage, une vie de garnison passée dansles armées du roy.

Je n’ai pas le goût de parler de ma vie de soldat.Je vous l’ai si souvent racontée! Bien entendu, je nevous disais pas nos saouleries, nos esclandres, nosfolichonneries galantes, tout ce que de solidesgaillards peuvent inventer pour se divertir ous’étourdir un peu. Mais je ne trouve plus d’intérêt là-dedans.

Rappelle-toi seulement que ton père, ma fille,était le plus grand et le plus fort du régiment, et quecela lui attirait autant d’ennuis que de respect. Etqu’il ne buvait pas... enfin, presque pas! Un petitrouge par repas, pour la santé, jamais plus. Je te ledis tout franc, le rouge que je préférais, ces années-là, c’était celui qui giclait des blessures des brigandsqui me tombaient entre les mains!

Mon héros de toujours, périgourdin comme moi,c’était Bertrand de Born, chevalier, soldat, trou-badour. D’un de ses sirventès, j’avais fait mon proprechant de guerre. Ce chant, je l’entends encore par-fois, quand je songe à Hautefort, en Périgord, monpays d’origine! Écoute:

«A peiregors, pres de.l mural.h,Tan que.i puosch’ om gitar ab malh,Venrai armatz sobre Baiart,

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E se.i trop peitavi pifart,Veiran de mon bran com talh,Que sus pe.l chap li farai bartDe cervel mesclat ab malha.»

«À Périgueux, près les muraillesTant qu’on pourra lancer au mailletJe viendrai armé sur BayardEt si je trouve le Poitevin balourdOn verra comment mon épée tailleQuand sur sa tête y ferai une boueDe cervelle mélangée aux mailles.»

Au début de mars 1710, notre capitaine nousannonça que notre régiment s’embarquerait pour laNouvelle-France dès le printemps. Nous eûmes droità une longue permission pour faire nos adieux à nosparents et amis.

Je n’avais pas remis les pieds en Périgord depuismon engagement dans l’armée, à l’âge de quatorzeans. Mon oncle Pierre, le grand sénéchal, était mort,sans descendance, trois ans plus tôt; il me laissaitpour héritage deux ou trois objets sans valeur ayantappartenu à ma mère, et une liasse de manuscrits demon père, de la correspondance de toutes sortes. J’ytrouvai un message à mon intention, sur l’enversd’une lettre à un cousin de Champagne, comme s’ilavait eu une prémonition de sa mort subite.

Ces mots de mon père, je les lisais pour la pre-mière fois presque trente ans, jour pour jour, aprèssa mort. Ils constituaient son seul testament: «Lenom que tu portes, m’avait-il écrit, est l’un des pre-miers à avoir existé dans notre vieille et noble

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France. Il fut donné à notre ancêtre Jean, Segnourde Verloing, à la toute fin du XIIIe siècle, en hom-mage aux précieux services rendus à la papauté lorsde la grande croisade. Sois-en digne et fier, Nicolasde la Personne de Las Fonts, et sois fidèle à notredevise: “Oncques ne dévie!”»

Ma nourrice vivait toujours, la bouno vièllia. Je nesais pas quel âge elle pouvait avoir. Elle était venuedu nord de l’Espagne, avec ma mère, Jeanne Fer-rante, qu’elle y avait connue enfant.

Je n’ai jamais su son vrai nom. Moi, je l’ai tou-jours appelée «Menino». Elle me reconnut tout desuite. Je l’enlaçai longuement. La paubrasso s’étaittant ratatinée que son visage m’arrivait à peine plushaut que le nombril. Elle pleurait de joie et de cha-grin confondus.

Ce soir-là, tard dans la nuit, n’ayant plus rien àcraindre de feu mon oncle, elle me raconta la fintragique de tes grands-parents, dans ses plus hor-ribles détails.

Attends que je te raconte... Tu verras pourquoi jeles déteste tant, les curés, et que je les détesteraitoujours!

Ce sont eux, les vrais coupables. Eux qui, partouten France, ont attisé la haine contre les Huguenots...Eux qui, jaloux de leurs succès, les ont traités d’héré-tiques, de suppôts de Satan, d’anti-Dieu...

Leur chef, le triste confesseur de madame deMaintenon, un dénommé François de la Chaise,avait d’abord réussi à convaincre le roy d’empê-cher les protestants d’exercer toutes professionslibérales.

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Ensuite, il le persuada d’abolir toutes les mesuresde protection des Huguenots contenues dans l’éditde Nantes; enfin, il fit démolir leurs temples, baptisade force leurs enfants, dont je suis... Et, comble decharitat crétienno, ce barbare si civilisé inventa lesdragonnades.

Dans toutes les familles de protestants qu’ildécouvrait, son clergé installait des dragons. Cessoldats-là se conduisaient dans ces maisons commeen pays conquis; ils y détruisaient ce qu’ils voulaient,violaient et violentaient femmes et filles, les avilis-saient par tous les moyens possibles et imaginables,torturaient et tuaient comme et quand il leur plaisait.

Mets-toi à la place de ces pauvres Huguenots. Ilsse convertissaient par milliers pour tenter d’échap-per à la torture.

Ces gens-là ont tué mes parents; ils ont pillé nosbiens, brûlé notre foyer, avec l’assentiment de tongrand-oncle, Pierre de la Personne, haut sénéchaldu château d’Hautefort. Lui ne rêvait qu’à unechose: mettre la main sur la part d’héritage de monpère et continuer de festoyer avec Jacques François,marquis d’Hautefort, conseiller du roy, maréchal decamp et grand écuyer de la reyne.

Menino avait tout vu, du haut de son grenier. Ilsétaient sept dragons, sept à faire irruption dans lamaison, au crépuscule. Pas un chrétien n’était làpour secourir mes parents. Tous s’étaient enfuis,Pierre de la Personne le premier!

On suspendit mon père par les pouces à lapoutre maîtresse de la maison, le dos accolé au mur,de sorte qu’il puisse voir tout ce qui allait se passer.

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On lui demanda s’il était prêt à se convertir à lareligion catholique, il refusa haut et sec!

On posa la même question à ma mère, ellerefusa avec la même énergie. Alors, on arracha sarobe et on défit ses cheveux.

Ils la forcèrent à servir ainsi le repas, vêtue d’unesimple chemise, de façon à ce que les mains de cessalauds puissent s’égarer à leur guise sur elle. Plustard, quand les sept eurent bien bu, ils la firent boireà son tour et usèrent d’elle l’un après l’autre.

À la fin de la nuit, l’un d’entre eux se leva et,criant «Sus à l’hérétique», il déchira le ventre demon père à coups de sabre. Alors, comble des hor-reurs, on viola ma mère avec un long tisonnier rougiau feu qui la transperça jusqu’au cœur.

Cette histoire, cela faisait à peine un mois que jel’avais entendue quand nous partîmes pour laNouvelle-France. Devine ce que je ressentais envoguant vers le pays de prédilection des curés lesplus fanatiques, cette Nouvelle-France, la très sainte,qu’aucun Huguenot n’avait le droit de fouler! Unecontrée créée par des adorateurs de la Vierge! Ceux-là même chez qui on recrutait les plus fanatiquesadversaires des Huguenots.

Et j’y allais pour les protéger!Je brûlais de tant de haine qu’il m’est difficile de

comprendre, maintenant, comment je réussis à mecontenir et à ne pas tuer toutes les robes noires etbrunes qui croisaient ma route.

La vue de la moindre soutane, de la plus anodinecornette m’irritait. Le plus banal de leurs prêchi-prêcha suffisait à me mettre hors de moi. Je devais

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fuir, trouver quelque endroit solitaire où épancherma soif de vengeance à coups de hache ou d’épéedans les feuillus. C’est à cette époque, à mon arrivéeen Nouvelle-France, que je renonçai tout à fait aubon vin! J’avais trop peur, l’ivresse aidant, de sortirde mes gonds et d’en massacrer en plein jour unebonne dizaine.

Ne me tiens pas rigueur de ne pas vous avoir toutdit de cette si courte traversée. Le Nicolas qui teparle, malade de ses soixante-dix ans, ne se recon-naît plus dans cet homme en colère.

Laissons, je t’en prie, mes péchés anciens reposeren paix et accepte, comme Dieu l’a fait, la confes-sion que je Lui ai adressée dans mon cœur, à lafaçon des Huguenots.

Tu vois, je te dévoile des choses qui risquent dediminuer l’affection que tu me portes, au momentmême où nous en avons tous deux le plus besoin...

Alors, voilà! Deux personnes sont disparues,jetées par-dessus bord, lors de notre traversée. Les ai-je vraiment tuées? Ce double meurtre fut-il seule-ment véritable? Je plaide innocent. Ou plutôt non.J’invoque le droit sacré à la vengeance, même trenteans plus tard. Ce n’est pas le hasard qui a fait qu’unde ces dragons à la retraite s’engage sur le mêmebateau que moi, et que je découvre, en lui, le chefdes meurtriers de mes parents. Le hasard n’existepas.

Ce n’est pas un hasard non plus si l’aumônier dunavire était un prêtre d’Excideuil, le chef-lieu voisind’Hautefort. Je continue de penser que forts d’avoirdécouvert mes origines, ils s’apprêtaient tous deux à

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me dénoncer comme hérétique. Sinon, pourquoim’espionner tout le jour sans relâche?

Si j’ai réussi, cette nuit de pleine lune, à lesconvaincre de monter sur le pont discuter avec moi,si j’ai su les balancer tous deux par-dessus bord, d’unseul élan de mes deux bras et sans que personne nes’en rende compte, c’est que Dieu m’en a donné laforce, c’est qu’Il l’a voulu ainsi. Quau balho la mou-nardo la merito!

Le notaire Pressat me confirmait la véracité del’histoire de Menino le lendemain, en m’apprenantégalement que mon oncle Pierre s’était emparé desbiens de son frère cadet et qu’il en avait disposé à saguise... Françoise, l’aînée de la famille, avait tentéd’empêcher le forfait. Mais la Champagne se trouveloin du Périgord et ce Pierre de La Personne deLas Fonts, chef des brigands du seigneur de Haute-fort, faisait trembler tous les magistrats périgourdins.Ma pauvre tante ne put donc rien pour moi.

Le pire, quand j’y pense, c’est que, tout au longde mon enfance, les amis de ce criminel se fen-daient en compliments de toutes sortes sur sagrande générosité! Pensez-y! Élever ainsi, comme unfils, l’orphelin de son frère cadet prétendumentmort avec son épouse dans l’incendie de leurgentilhommière.

Et moi, fou de moi, élevé dans la très saintedoctrine de l’humilité, je ne perdais pas une occa-sion de m’humilier publiquement, en le remerciantde sa grande bonté! Le salopard devait s’étouffer derire dans sa barbe! Des fois, Marilou, je souhaiteraisqu’il existe, leur Enfer, et qu’il y brûle à tout jamais.

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COMPOSÉ EN NEW BASKERVILLE CORPS 12SELON UNE MAQUETTE RÉALISÉE PAR JOSÉE LALANCETTE

ET ACHEVÉ D’IMPRIMER EN MARS 1994SUR LES PRESSES DES ATELIERS GRAPHIQUES MARC VEILLEUX

À CAP-SAINT-IGNACE, QUÉBEC

POUR LE COMPTE DE GASTON DESCHÊNES

ÉDITEUR À L’ENSEIGNE DU SEPTENTRION

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