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Bull.soc.fr.hist.méd.sci.vét., 2012, 12 : 177-206
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EXTENSION ET INSUFFLATION : LES SOINS DE L'ÉPAULE DU
CHEVAL CHEZ LES HIPPIATRES ANTIQUES
Par Louise SEPHOCLE*
Valérie GITTON-RIPOLL**, François VALLAT***
*Doctorante en Lettres Classiques, Université de Brest
L’Hermitage, 29600 Plourin-les-Morlaix
**Maître de conférences en latin,
UFR Lettres
Université de Toulouse 2 Le Mirail, 5 allée Antonio-Machado
31058 Toulouse cedex 9
***Docteur vétérinaire, Docteur en Histoire
38 rue Jacques Schlosser, 77500 Chelles
Communication présentée le 17 novembre 2012
Sommaire : Les hippiatres de l'Antiquité tardive décrivent le traitement des affections de l’épaule du che-
val. Les textes originaux et leur traduction sont reproduits en annexe. La pertinence des moyens de dia-
gnostic est examinée. On tente une interprétation des préparations à usage externe, de la réduction chirurgi-
cale par la rota ainsi que de l’insufflation sous-cutanée de l’épaule, procédé qui s’est perpétué jusqu’à nos
jours comme traitement traditionnel.
Mots-clés : hippiatre, Antiquité, cheval, luxation, épaule, insufflation, rota
Title: Extension and Inflating: the Therapy of the Shoulder and Antique Hippiatres
Summary: The Late Antiquity hippiatres describe the treatment of ailments of the horse's shoulder. The original texts and their translations are reproduced in the annex. The relevance of the means of diagnosis is
discussed. Preparations for external use, surgical reduction by the rota, and subcutaneous insufflation of the
shoulder traditional treatment sometimes still in use nowadays are presented.
Keywords: hippiatre, Antiquity, horse, dislocation, shoulder, insufflation, rota
Introduction
Le Corpus Hippiatricum Graecorum
Le Corpus Hippiatricum Graecorum
(CHG), compilation des écrits d’hippiatres
grecs de la fin de l’Antiquité, présente toutes
sortes d’affections et de remèdes concernant
les chevaux.
L’édition du CHG a été menée par Eugen
Oder et Carl Hoppe au XXe siècle. Le premier
volume a été édité en 1924 et le second en
1927, chez Teubner, à Leipzig1.
La collection primitive des Hippiatrica con-
tenait les textes de sept auteurs principaux,
1 CHG I et II, 1924-1927.
mailto:[email protected]
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dans l’ordre alphabétique grec : Apsyrtos,
Anatolios, Eumélos, Théomnestos, Hippocrate,
Hiéroklès et Pélagonius. Il s’agit en réalité
d’extraits de leurs œuvres grecques ou latines
rédigées parfois sous forme de lettres, au-
jourd’hui perdues à l’exception du traité de
Pélagonius2. Le texte latin de Chiron nous est
parvenu séparément3. Les « morceaux choisis »
des Hippiatrica ont été regroupés, à la fin de
l’Antiquité4, non par auteur, mais par maladie,
ce qui suppose un travail préalable de classe-
ment. Enfin, Végèce a écrit dans le dernier
quart du IVe siècle, en plus de son célèbre traité
d’art militaire Epitome Rei Militaris, un ma-
nuel pour les éleveurs cultivés : Digesta Artis
Mulomedicinalis. Il s’y réfère surtout à la Mu-
lomedicina Chironis5 et donne très peu de ren-
seignements sur le sujet retenu ici.
Le problème qui agite les spécialistes porte
sur la chronologie des auteurs. Apsyrtos, con-
sidéré jusqu’à présent comme le fondateur de
l’hippiatrie antique, était daté par G. Björck
entre 150 et 250 ap. J.-C6. Ce choix s’appuyait
sur Théomnestos qui, dans son passage sur le
tétanos7, explique qu’il accompagne
l’empereur depuis la Pannonie jusqu’à Milan,
ville où doit être célébré le mariage du souve-
rain. On a admis qu’il s’agissait de l’empereur
Licinius, alors âgé de plus de soixante ans, qui
épousa la sœur de Constantin en 313, à Milan
précisément. Comme Théomnestos ajoute qu’il
suit lui-même l’empereur en tant qu’ami (« ὡj
fίloj »), Anne-Marie Doyen-Higuet, à la suite
de G. Björk, pense que « cette amitié entre les
deux hommes exclut une différence d’âge trop
importante8 ». Aussi propose-t-elle de situer sa
période d’écriture entre 313 et 324. L’année
324 correspondant à la disgrâce de l’empereur
Licinius, il aurait été ensuite préjudiciable à
Théomnestos de « se prévaloir de la faveur
impériale9 ».
2 IHM, 1892; GITTON-RIPOLL à paraître.
3 ODER, 1901.
4 MCCABE, 2007, p. 105.
5 Sur Végèce : VIRÉ, 2007.
6 BJÖRCK, 1944, p. 7-12.
7 CHG I, 1924, p. 183.
8 DOYEN-HIGUET, 2006, p. 27.
9 ibid.
Par ailleurs, Théomnestos est indiscuta-
blement postérieur à Apsyrtos qu’il cite à plu-
sieurs reprises non sans le réinterpréter10
comme dans ce passage sur la gale :
« En effet, Apsyrtos nomme cette maladie
en fonction de la région malade, la morve
sous-cutanée. Je partage cet avis concernant le
nom […]11. »
En admettant cette hypothèse, la période
d’écriture de Théomnestos conserve un degré
d’imprécision lié à l’âge auquel il aurait ac-
compagné l’empereur.
Sous le titre kef£laion kj perˆ êmou
paqÒntoj[« chapitre 26 sur la souffrance de
l’épaule »] le Corpus Hippiatricum Graecorum
(manuscrit de Berlin)12 réunit les prescriptions
des hippiatres Hiéroklès, Apsyrtos, Théomnes-
tos et Hippocrate. La première partie du cha-
pitre concerne divers types de luxations (les
« déboîtements ») de l’épaule, ainsi que les
remèdes appropriés à chacun d’eux, en particu-
lier l’insufflation.
Nous fonderons d’abord cette étude sur
l’ensemble des articles présents dans le CHG
consacrés à la luxation de l’épaule :
Manuscrit de Berlin : Aspyrtos p. 125 « De la luxation de l’épaule et de l’os de la
hanche » ; Théomnestos « Sur le même su-
jet » p. 126 ; Hippocrate13, « De la luxation
de l’épaule » p. 127 ; Hiéroklès, « Sur la
souffrance chronique de l’épaule » ; Hip-
pocrate, « Autre chose sur le déboîtement
de l’épaule » ; Apsyrtos, « De la syno-
mie » ; Hiéroklès, « Sur la synomie et
l’épine dorsale » ; Apsyrtos, « Sur la mai-
greur et la souffrance chronique de
l’épaule ».
Manuscrit de Cambridge : Hiéroklès, « De la luxation de la cuisse et si son ligament
est rompu » p. 158.
10 Voir par exemple CHG I, 24, 3, sur le déplace-
ment de la nuque où la reprise du texte d’Apsyrtos
est manifeste.
11 CHG I, 69, 16-17, p. 273.
12 CHG I, p. 125-129.
13 Il s’agit d’Hippocrate l’hippiatre, sans relation
avec le père de la médecine, Hippocrate de Cos
(c. – 460 - – 377).
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Manuscrit de Paris : Hippocrate, « De la claudication de l’épaule et de l’avant-
bras » p. 41.
Pélagonius cite Columelle et Apsyrtos aux-
quels il est donc lui aussi postérieur, et nous
savons pour les mêmes raisons que Végèce
succède à Pélagonius. La période de rédaction
de ce dernier se situerait, en raison de motifs
qui ne seront pas exposés ici, dans la seconde
moitié du IVe siècle, époque incluant entre
autres le règne de l’empereur Julien dit
l’Apostat (361-363)14.
Stavros Lazaris a récemment renouvelé la
datation d’Apsyrtos, non sans remettre en
cause celles de l’ensemble des auteurs des
Hippiatrica. À son avis, Apsyrtos aurait vécu
dans le second quart du IVe siècle, c’est-à-dire
entre 325 et 350. Il s’appuie sur l’identification
de l’un des correspondants de l’hippiatre, un
certain Ursus qui serait Flavius Ursus, consul
prior en 33815. De sorte que Théomnestos au-
rait plutôt écrit vers la fin de la première moitié
du IVe siècle, entre 340 et 350. Cette interpréta-
tion ne fait pas encore l’unanimité.
Luxation de l’épaule, définitions
Rappelons, pour les non-cliniciens, que si
l’entorse est un déplacement momentané des
surfaces articulaires normalement au contact,
le terme de luxation s’applique au déplacement
anormal et permanent de celles-ci. On oppose
les luxations complètes aux luxations incom-
plètes dans lesquelles les extrémités osseuses
restent en partie au contact16.
Chez le cheval, l’épaule ou articulation sca-
pulo-humérale n’est unie que par une capsule
articulaire lâche et peu résistante. « Mais les
muscles épais et puissants qui [l’] entourent
remplissent à merveille le rôle de ligaments et
rendent très difficile la séparation des surfaces
[…]17. » (Fig. 1)
De nos jours, la luxation de l’articulation
scapulo-humérale est devenue très rare chez les
équidés. Sans doute l’était-elle un peu moins
lorsqu’on utilisait ces animaux dans l’industrie
14 GITTON-RIPOLL, 2005.
15 LAZARIS, 2010, p. 17-18.
16 LITTRÉ, 1844, p. 79.
17 BOULEY, NOCARD, 1883, p. 113.
et les transports où la violence des trauma-
tismes répondait à l’importante énergie ciné-
tique de certains véhicules. Résumant sa
propre expérience, Léon Lafosse en a le pre-
mier énuméré les symptômes :
« Luxation complète : raccourcissement [du membre].
L. incomplète : allongement du membre, à moins qu’il n’y ait fracture de la cavité
glénoïde.
L. en avant : enfoncement au-dessus de l’extrémité inférieure du scapulum.
L. en arrière : enfoncement au-dessous de l’extrémité inférieure du scapulum.
L. en dehors : tumeur formée par le sommet de l’humérus, enfoncement au-dessus.
L. en dedans : tumeur formée par l’angle inférieur du scapulum, enfoncement en
dessous18. »
« Ces variétés sont très difficiles à distin-
guer. En outre, les épaisses couches muscu-
laires qui entourent la jointure scapulo-
humérale rendent l’exploration difficile, et il
n’est pas rare de voir des praticiens des plus
distingués prendre une fracture de l’extrémité
supérieure de l’humérus pour une luxation
scapulo-humérale19. »
« C’est surtout en avant que l’articulation
se luxe : les mouvements du membre sont de-
venus impossibles, ou tout du moins très […]
limités. Le pied pose sur le sol par toute
l’étendue de sa face plantaire, et quand la
douleur du début est calmée, quand le membre
n’a pas subi de raccourcissement, l’appui peut
se faire comme à l’état normal ; mais la
marche est impossible ; le membre est porté en
avant tout d’une pièce par la progression du
tronc, la pince du sabot traînant sur le sol20. »
Toute fracture associée des surfaces articu-
laires rendait, jusqu’à une époque récente, la
cure impossible. On pouvait tenter une difficile
18 LAFOSSE, 1861, t. 2, p. 633.
19 PEUCH, TOUSSAINT, 1877, t. 2, p. 81.
20 BOULEY, NOCARD, 1883, p. 114.
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Fig. 1 : Face latérale du membre thora-
cique droit. Muscles superficiels. E : pointe
de l’épaule (saillie de l’angle scapulo-
huméral). La flèche au-dessus du garrot
montre l’implantation du trocart adoptée
par certains hippiatres antiques pour in-
suffler l’épaule. Ils devaient éviter de léser
le cartilage de prolongement de la scapula.
Adapté de : J.-C.-H. REVERCHON, Anatomie
du Cheval – Ostéologie et Myologie, P.,
Mme Huzard, Lyon, l’auteur, à l’École royale
vétérinaire, 1825, atlas gd. in-f°,
17 lithographies, 1er dessin, détail.
Fig. 2 : Face médiale du membre thora-
cique droit : les os et le muscle biceps.
Le glissement du tendon de celui-ci dans la
coulisse de l’humérus est facilité par une
synoviale, siège éventuel d’inflammation
(bursite bicipitale).
Adapté de J. Wortley AXE, The Horse, its
treatment in health and disease, with a com-
plete guide to breeding, training and man-
agement, London, The Gresham Publishing
Company, 1906, 9 vol., t. 5, p. 293.
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réduction de la luxation, sur le patient couché
(cf. infra). Ensuite, les moyens de contention
de l’articulation, bien que rivalisant
d’ingéniosité, restaient aléatoires (suspension
de l’animal, emplâtres, ou encore « ferrements
de Bourgelat pour contenir les épaules »)21.
Si les hippiatres antiques avaient une bonne
connaissance du squelette sec, ils ignoraient,
au moins à les lire, bien des aspects de
l’anatomie articulaire du cheval. De même,
alors que la réduction des luxations chez
l’homme était documentée22, on verra à quel
point nos auteurs furent avares de détails sur
les techniques employées sur les grands ani-
maux. Les difficultés qu’ils rencontraient
étaient pourtant importantes. Sans la myoréso-
lution fournie de nos jours par l’anesthésie, la
puissance musculaire des équidés opposait une
résistance considérable à l’opérateur. En outre,
il manquait à celui-ci l’idée précise du dépla-
cement des surfaces articulaires qui lui aurait
permis d’adapter la manœuvre à chaque cas.
Or, quand les hippiatres antiques parlent de
luxation ou de « déboîtement » de l’épaule, ils
fournissent trop peu d’indications pour per-
mettre le diagnostic différentiel. Sans doute
ignoraient-ils que l’articulation est le siège
d’accidents plus courants : la bursite du tendon
bicipital, la paralysie des muscles sus- et sous-
épineux, et plus généralement l’arthrite.
Dans la bursite du tendon bicipital, la
douleur et la tuméfaction se localisent dans la
bourse séreuse du biceps chargée de faciliter le
glissement entre le tendon de ce muscle et la
gouttière correspondante de la tête humérale
(Fig. 2). Un traumatisme de la pointe de
l’épaule est à l’origine de l’accident. Au début,
la douleur empêche toute flexion de
l’articulation, et le membre s’avance en fau-
chant. Par la suite, l’épaule reste comme figée,
même à l’exercice et la musculature s’atrophie
faute de mobilisation du membre antérieur.
Comme les douleurs chroniques de n’importe
quelle articulation peuvent conduire à ce résul-
tat, il est facile d’accuser à tort une lésion de
l’épaule quand le problème se situe par
21 PEUCH, TOUSSAINT, 1877, t. 2, p. 82-85.
22 En particulier dans la collection hippocratique
LITTRÉ, 1844, p. 80-95.
exemple dans la profondeur du pied (maladie
naviculaire)23.
La paralysie des muscles sus- et sous-
épineux fait suite à une lésion du nerf su-
prascapulaire, conséquence d’une contusion de
l’avant de l’épaule. Les muscles commandés
par ce nerf, situés contre la face latérale de la
scapula, diminuent de volume faute de stimula-
tion, donnant un aspect décharné à la région
comme dans l’accident précédent24. Autrefois
on parlait d’écart de l’épaule25 car on pensait
que ce type de paralysie faisait suite à un effort
violent éloignant le bras de la poitrine, avec
dilacération du nerf.
L’arthrite scapulo-humérale a des causes
multiples, entre autres les fractures d’origine
traumatique des reliefs osseux extérieurs à
l’articulation : l’épine scapulaire et le sommet
du trochiter de l’humérus. Si l’articulation
conserve sa stabilité, il n’en résulte pas moins
une arthrite et une boiterie persistantes. De nos
jours, l’exérèse chirurgicale des séquestres
osseux et la corticothérapie laissent seuls espé-
rer une guérison.
Les traumatismes les plus violents sont res-
ponsables de la fracture du col de la scapula.
La tuméfaction hémorragique et inflammatoire
qui englobe rapidement le foyer de fracture
complique le diagnostic. Très défavorable, le
pronostic s’assombrit encore si le nerf su-
prascapulaire est sectionné par un about os-
seux. On a vu cependant des sujets dociles
supporter assez longtemps un appareil
d’immobilisation pour récupérer.
C’est donc en gardant ces données en mé-
moire qu’il faut envisager les textes anciens
reproduits en annexe.
Dénominations et diagnostics antiques
Dans son article sur la luxation de l’épaule,
Théomnestos distingue deux cas, bien mis en
évidence par la structure « εἰ μὲν… ἐὰν δὲ »
(« si d’une part…si d’autre part… »).
Le premier fait état de la « sortie de
l’épaule de sa position naturelle » et paraît le
23 ADAMS, 1962, p. 117.
24 Ibid., p. 115-117.
25 SOLLEYSEL [1664], 1744, t. 1, p. 132, parle aussi
d’effort de l’épaule ou d’entre-ouverture.
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moins grave, au vu du remède prescrit (un
simple onguent) : εἰ μὲν κατὰ φύσιν ἐκβῇ τῆς
θέσεως (« si l’épaule sort de sa position natu-
relle »).
Le second cas évoque « une luxation », sans
autre précision : ἐὰν δὲ ἐκβολὴ [ékbolê] ᾖ
(« mais s’il y a déboîtement »). Il ne s’agit pas
d’un déplacement modéré de la tête humérale,
mais plus de l’expulsion de celle-ci de la cavité
glénoïde, « un déboîtement » réel. Le terme
technique employé ici signale la luxation au
plus fort de sa signification, alors que dans le
premier cas l’expression n’appartenait pas au
vocabulaire médical.
Si Théomnestos semble distinguer luxation
incomplète et luxation complète de l’épaule
(les mots employés proviennent respec-
tivement des verbes ἐkbaίnw [ékbaïnô] et
ἐkbάllw [ékballô] qui ont un sens similaire, à
savoir « sortir » et « jeter hors de, faire sortir »,
avec une idée de violence plus marquée pour le
second), il n’y associe pas la notion de lésion
ligamentaire. Son prédécesseur Apsyrtos avait
cependant envisagé les luxations de façon plus
précise : lorsque l’articulation faisait entendre
un craquement - pour nous évocateur de frac-
ture - il était sûr que la réduction serait impos-
sible.
« En effet, il y a déboîtement, chaque fois
que le condyle que nous appelons cheville fait
craquer le ligament attaché à l’omoplate ou à
la hanche. […] En effet, elle ne reste pas re-
mise en place, mais glisse, puisqu’elle n’a plus
de lien26. »
Il estimait en revanche les réductions envi-
sageables dans les simples distensions liga-
mentaires.
« Cependant on le soigne chaque fois qu’il
y a extension du ligament et relâchement de
l’épaule27. »
Aussi pouvons-nous d’ores et déjà avancer
deux hypothèses concernant les luxations de
l’épaule que prétendaient soigner les hippiatres
sans recourir à la réduction : soit leur diagnos-
tic ne correspondait pas à une luxation com-
plète, soit ils utilisaient abusivement le mot
ἐkbolῆj (ékbolês, luxation) pour désigner, au
vu du caractère peu invasif du remède prescrit,
26 CHG, Berol., 26, 3.
27 Ibid.
une bursite bicipitale ou une arthrite de
l’épaule. Notons également que dans un autre
article, dont l’intitulé contient encore ἐkbolῆj
(ékbolês), Hippocrate a bien employé à deux
reprises le verbe ἐkbάllw (ékballô), cette fois
associé à un remède chirurgical, les sétons de
bois de figuier et de laine28. Le même auteur
évoque ailleurs l’arrachement brutal du liga-
ment « qui se trouve dans l’articulation29 »,
formation anatomique évidemment imaginaire,
mais preuve qu’il croyait avoir affaire à une
véritable luxation.
Hiéroklès30 suit de près Apsyrtos31 sans le
citer lorsqu’il évoque la luxation de l’épaule
avec rupture incurable du ligament. Pélago-
nius, pour sa part, distingue bien les cas où la
douleur reste légère, et la luxation proprement
dite32.
Plus conforme à ce que nous connaissons,
la souffrance chronique de l’épaule se rap-
proche, sous la plume d’Hippocrate, de
l’arthrite actuelle, tout comme l’echedermia
d’Apsyrtos évoque l’amyotrophie succédant la
lésion du nerf suprascapulaire. Hiéroklès re-
prend mot pour mot Apsyrtos pour lequel
l’echedermia « maigreur de l’épaule » est as-
sociée à une souffrance chronique de
l’articulation : « On parle d’echedermia chez le
cheval quand il souffre de l’épaule depuis
longtemps33. »
La synomie (ou synomiase, Apsyrtos), en
revanche, fait suite à une course effrénée ou au
transport d’un fardeau excessif (Hiéroklès34),
avec une atteinte simultanée des deux épaules,
comme l’indique la formation du mot avec sύn
[sunn] « en même temps, ensemble » et ðmoj
[ômos] « épaule ». Cet accident est inconnu
des littératures moderne et contemporaine.
Pour finir, l’allusion à une tuméfaction de
l’ars qui peut s’infiltrer et durcir évoquerait
volontiers, malgré la brièveté du passage,
l’anti-cœur des anciens maréchaux, localisa-
28 CHG, Berol., 26, 13.
29 CHG, Paris, 184-204.
30 CHG, Cant. 21, 4.
31 CHG, Berol., 26, 18.
32 Pélagonius, 4, 1 et 3.
33 CHG, Berol., 26, 18.
34 CHG, Berol., 26, 17.
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tion au poitrail du charbon symptomatique35, à
vrai dire sans rapport avec la pathologie de
l’épaule.
Les causes invoquées
Ces lésions sont attribuées à diverses cir-
constances. La distension articulaire peut faire
suite au heurt d’un char en pleine course (Ap-
syrtos36), à une charge de cavalerie, à un
voyage éprouvant (Théomnestos37).
En outre Apsyrtos précise que la luxation
de l’épaule survient davantage pour les che-
vaux montés38 : en effet, le déséquilibre du
cavalier redouble en quelque sorte la violence
que subit l’épaule et aggrave la luxation.
L’écart de l’épaule est déjà mis en cause. Il
vient d’un mouvement violent de côté, causé
par exemple par une frayeur subite, et bien
souvent synonyme de chute pour le cavalier
(πτοηθέντα διά τινα αἰτίαν) 39.
Après Apsyrtos et Théomnestos, les auteurs
négligent les conditions d’apparition des luxa-
tions scapulo-humérales, se privant en
l’occurrence d’un moyen utile pour différen-
cier les lésions de l’épaule de celles du pied,
principal écueil diagnostique, on l’a dit.
Des symptômes équivoques
Quant aux symptômes, Apsyrtos parle d’un
cheval qui « traîne le sabot, ou bien parce
qu’elle [l’épaule] est désunie d’en haut,
l’articulation penche quand il marche40 »,
tandis que Théomnestos se fie davantage à
l’examen articulaire : « et si tu remarques que
l’épaule ou une autre articulation est abî-
mée…41 ». Il ne dit pas pour autant comment
détecter la luxation au regard de la déformation
locale.
35 Ibid.
36 CHG, Berol., 26, 5.
37 CHG, Berol., 26, 6.
38 CHG, Berol., 26, 5.
39 CHG, Berol., 26, 5.
40 CHG, Berol., 26, 3.
41 CHG, Berol., 26, 7.
Hippocrate, enfin, se contente de reprendre
Apsyrtos : « voici les symptômes : il ne se
porte pas en avant et il ne mobilise pas son
bras, mais traîne sa jambe et la laisse beau-
coup tomber vers le bas42, » symptômes
vagues pour assurer un diagnostic rétrospectif.
Remèdes préconisés
Chaque hippiatre propose au moins deux
traitements de la « luxation » de l’épaule, selon
sa gravité. De plus Apsyrtos, Théomnestos,
Hiéroklès, Chiron, Pélagonius et Végèce ten-
tent l’insufflation.
1 - La saignée
Apsyrtos a recours à la saignée, remède ha-
bituel qui détourne les humeurs de
l’articulation accidentée, en l’occurrence, il
l’utilise pour la luxation du boulet, avec l’idée
que l’animal sera d’autant plus handicapé que
l’articulation enflera43. Hippocrate et
Théomnestos adoptent le même remède44, le
premier faisant entrer le sang tiré dans la com-
position de l’onguent qu’il utilise aussitôt.
2 - Les onguents
Différents onguents sont prescrits, comme
dans de nombreuses affections chirurgicales.
Apsyrtos n’en fait pas mention, mais
Théomnestos et Hippocrate en conseillent un,
qu’ils appliquent après la saignée. Chez Hip-
pocrate45, il s’agit d’un révulsif dont les vertus
supposées sont sans doute redevables de la
douleur associée qui réduit les mouvements.
On retrouve les ingrédients habituels des
onguents : huile additionnée de vin ou de vi-
naigre, sang provenant de la saignée (Hippo-
crate46). L’onguent préconisé par Théomnestos
est plus curieux : sang, huile, œufs, moût cuit,
oignons crus broyés, escargots. À cela s’ajoute
un emplâtre composé d’une huile apparem-
ment spéciale - elle est qualifiée de « tonwtikù
» [tonôtikô] qui retend la peau - et de bdellium,
une gomme-résine provenant d’un arbre
42 CHG, Berol., 26, 8.
43 CHG, Berol., 26, 6.
44 CHG, Berol., 26, 8 ; CHG, Berol., 26, 7.
45 CHG, Paris, p. 41.
46 CHG, Berol., 26, 8.
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d’Orient, utilisée notamment comme excitant
résolutif47.
Pélagonius, pour une douleur légère, se
contente de lotionner la région d’huile et de
vin48.
3 - Les sétons
C’est encore Apsyrtos qui prescrit
l’introduction sous la peau d’« agrafes de ta-
maris » à hauteur de l’épaule, technique redé-
finie par Théomnestos qui l’utilisait aussi dans
la luxation de l’encolure. Il s’agit sans doute
d’un séton fait de branches de tamaris tressées,
dont les extrémités sortant de la peau étaient
réunies en boucles et dont la mobilisation en-
tretenait la suppuration pour drainer les hu-
meurs49. Hippocrate renouvelle la formule en
préconisant la pose de chevilles en bois de
figuier doublées de laine, dont on peut penser
qu’elles ont été choisies, comme le tamaris,
pour leur caractère irritant50. On est toutefois
loin des vertus inflammatoires de l’ellébore
utilisé plus tard par les maréchaux.
4 - La réduction
Si Apsyrtos mentionne à deux reprises la
réduction de la luxation, il n’en précise pas les
modalités : « Il faut repousser l’articulation de
l’épaule dans sa position naturelle. » Quant à
Chiron, qui s’adresse comme la plupart des
hippiatres à un lecteur au fait de la pratique, il
cite sans les décrire la rota et la machina51. On
le sait, la machina, qui a connu plusieurs va-
riantes dans l’Antiquité, n’est autre que notre
travail52.
En revanche, la forme exacte de la rota
nous reste inconnue. Outre la signification de
roue, comme celle du chariot, le mot désigne
47 CHG, Berol., 26, 6-7. Excitant : agent stimulant
les tissus organiques, propre à les rendre plus
prompts dans l’exercice de leur fonction. Résolu-
tif : qui résout les engorgements.
48 Voir le texte en annexe.
49 CHG, Berol., 26, 4.
50 CHG, Berol., 26, 13.
51 Chiron 283 in ODER, 1901, p 187. La machina est
décrite par Columelle, VI, XIX.
52 GITTON-RIPOLL, 2007, p. 266.
un instrument de torture. Il ne peut s’agir dans
ce cas que d’un treuil, analogue, au moins dans
le principe, à celui dont Hippocrate de Cos
avait donné la description dans Des articula-
tions 53, et qui a donné lieu à différentes inter-
prétations54
(Fig. 3).
Figure 3 : reconstitution de l’appareil (ou
« banc ») d’Hippocrate pour réduire la
luxation coxo-fémorale. LITTRÉ, 1844,
p. 301.
Fig 4 : Essai de reconstitution de la rota. Le che-
val une fois abattu sur le côté sain, le membre anté-
rieur à traiter est détaché des autres. Un pieu enfon-
cé en terre (A) sert de point fixe à l’appareil. Le
sternum et l’ars étant protégés par une peau de
mouton (B), une lanière fixée au-dessus du genou
(C) s’enroule autour de l’essieu de la roue (D). La
traction s’exerce en agissant sur la jante (original).
53 Hippocrate, Des articulations in LITTRÉ, 1844,
p. 301.
54LITTRÉ, 1844, p. 40-47.
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Pour en revenir à l’épaule luxée du cheval,
celui-ci est d’abord couché pour être traité.
Une lanière serrée sur une bonne partie de la
longueur du membre thoracique est fixée par
une extrémité au treuil au moyen duquel va
s’effectuer l’extension (Fig.4). On suppose que le sternum, protégé d’une peau de mouton, est
arrêté par un pieu planté en terre, sur lequel
s’exercera la contre-extension. L’essieu de la
roue sur lequel s’enroule la lanière est tourné
doucement en manipulant la jante, jusqu’à ce
que se fasse entendre un craquement signalant,
au dire de l’auteur, la réussite de la manœuvre.
Le membre, une fois fixé en extension par un
bandage (ou peut-être lié sur une planche ma-
telassée comme dans le texte hippocratique),
l’épaule est fouettée à l’aide de baguettes pour
préparer l’insufflation qui va suivre. Pélago-
nius, sans plus d’explications, ne parle pour sa
part que d’une manœuvre « habituelle »55.
Si en chirurgie humaine, le « banc
d’Hippocrate » a longtemps gardé des adeptes
comme Ambroise Paré, la rota a été totalement
oubliée des maréchaux et ensuite des vétéri-
naires. Il ne reste que les respectables vêleuses
artisanales pour rappeler l’existence de cet
instrument. La réduction des fractures chez les
grands animaux fait plus logiquement appel
aux plates longes tirées par des aides selon des
angles indiqués par le praticien, suivant le dé-
placement des surfaces articulaires. Le treuil
n’aurait d’autre avantage, en l’absence
d’anesthésie profonde, que d’abolir la contrac-
ture des muscles s’opposant à la remise en
place.
Après la réduction, Apsyrtos fait maintenir
l’articulation qui tend à se déplacer à nou-
veau : « Il faut lier comme pour les fractures
pendant quatorze jours. » Les moyens sont
donc analogues à ceux que nécessite
l’immobilisation des fractures, familiers une
fois de plus du praticien antique, mais pas de
nous. La durée précise de quatorze jours est
corroborée par Chiron qui préconise de garder
l’animal debout – et certainement suspendu –
dans un travail pour une durée équivalente
(quinze jours). Concernant une luxation vraie,
ce court délai laisse incrédule. Hiéroklès, avec
plus de vraisemblance, affirme que s’il est
possible de « replacer l’os dans sa cavité » en
cas de luxation coxo-fémorale avec « rupture
55 Pélagonius, 44, 3, texte en annexe.
du ligament », aucun moyen ne saurait ensuite
l’y maintenir. L’immobilisation des rayons
proximaux des membres dans les grandes es-
pèces posera toujours d’insurmontables obs-
tacles aux vétérinaires.
5 - L’insufflation
Alors que les tentatives, même désespérées,
de réduction des luxations nous semblent légi-
times, l’insufflation de l’épaule, adoptée par
six des hippiatres connus56 a de quoi sur-
prendre. Apparaissant après le Ier siècle dans la
source commune à tous ces auteurs (Columelle
n’en fait pas mention), il s’agit d’un procédé
latin. Cette manœuvre élémentaire, spectacu-
laire autant que cruelle, avait surtout
l’avantage d’en imposer au propriétaire de
l’animal, ce qui n’incite guère le lecteur actuel
à l’indulgence. Rien dans nos connaissances ne
saurait la justifier.
Premier dans l’ordre chronologique, Apsyr-
tos réserve le procédé aux cas de synomie et
d’echedermia après échec des traitements mé-
dicaux. Sur le cheval couché, la région scapu-
laire est d’abord battue à l’aide de baguettes
entourées de laine, dans l’intention de libérer la
peau du plan sous-jacent sans en blesser la
surface. Il incise celle-ci à deux doigts du gar-
rot, (Fig. 1) et pratique l’insufflation par une
canule introduite dans l’orifice. Un comparse
souffle dans ce tuyau tandis qu’il frictionne la
peau en direction de la pointe de l’épaule, afin
que l’air diffuse autour de l’articulation.
L’ouverture est aussitôt obstruée avec de la
laine grasse. Si la suppuration apparaît, on
retire le bouchon les deux premiers jours, mais
sans pratiquer la moindre irrigation. On laisse
la plaie se refermer, avec des risques infectieux
inadmissibles de nos jours. En cas de « mai-
greur » (d’amyotrophie) de l’épaule, l’incision
se pratique « le long de la naissance de
l’épaule, vers le milieu du coccyx » une locali-
sation sur laquelle toutes les hypothèses sont
permises. Une fois la peau tendue par le gaz,
elle est mouchetée de piqûres – qui ne traver-
saient sans doute pas le cuir, sans quoi le gaz
sous-cutané se serait échappé – avant de rece-
voir un mélange de vinaigre et de sel.
Théomnestos n’envisage l’insufflation que
dans la luxation confirmée. Après avoir abattu
le cheval, il commence lui aussi par dilacérer
56 Apsyrtos, Théomnestos, Hiéroclès, Chiron, Péla-
gonius, Végèce (II, 45, 4).
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le conjonctif sous-cutané en fouettant la région
à l’aide de baguettes. L’incision est cette fois
pratiquée à trois doigts « sous la tubérosité
osseuse » sans doute sous la saillie externe de
la tête humérale (trochiter) (Fig. 5 et 6). Déjà
facilitée par la désorganisation préalable du
conjonctif, l’insufflation s’accompagne d’un
massage circulaire qui étend la poche d’air. La
région ballonnée fait l’objet de mouchetures
serrées à la lancette.
S’inspirant d’Apsyrtos, Hiéroklès
n’entreprend l’insufflation que dans l’arthrite
chronique. Sur le cheval à terre, il frappe
l’épaule avec « une férule ou une sandale plate
entourée d’un morceau d’étoffe délicat».
L’incision se fait à la lancette « vers le milieu
du coccyx » ce qui pourrait s’interpréter de
plusieurs façons si Jérôme (inconnu de nous
par ailleurs) ne précisait dans le texte lui-
même : « à quatre doigts du garrot ».
Pélagonius fait passer l’insufflation de
l’épaule avant la cautérisation. Il introduit l’air
par une ponction pratiquée en avant du garrot,
près de la crinière. Le trocart, dirigé verticale-
ment, ne doit pas être enfoncé de plus de huit
doigts (environ 15 cm) afin d’épargner le carti-
lage de prolongement de la scapula, au risque
d’occasionner un classique mal de garrot
(Fig. 1).
Ce n’est qu’une fois terminée l’insufflation que
la région est frappée à l’aide d’une baguette
souple afin de répartir l’air.
Il est difficile d’apprécier l’utilité des on-
guents et des cataplasmes de sel, de vinaigre
ou d’huile appliqués après l’opération. Leur
objectif reste aussi obscur que celui de
l’insufflation elle-même. Si Columelle57 estime
que l’huile et les cataplasmes gras empêchent
les mouches de pondre sur les plaies, ce ne
peut être le cas ici, vu l’étroitesse de
l’ouverture cutanée. Les topiques étaient-ils
destinés à évacuer l’œdème ? Théomnestos et
Aspyrtos insistent seuls sur ce point : « fais
évacuer [le tout] avec beaucoup d’eau chaude
et jour après jour jusqu’à ce qu’il ne soit plus
boiteux58 ».
57 Columelle, Rei rusticae, VI, XIV, 2-3.
58 CHG, Berol., 26, 7.
Fig. 5 : en haut, saignées pour le déboîtement de
l’épaule ; en bas, insufflation de l’épaule. Ma-
nuscrit médiéval. B.N., ms grec 2244, in : LAI-
GNEL-LAVASTINE (dir.), Histoire générale de la
médecine […], t. 1, P., Albin Michel, 1936, pl. en
regard de la p. 652.
6 - La cautérisation
Hippocrate de Cos décrivait déjà avec soin
la cautérisation des luxations récidivantes de
l’épaule chez l’homme59. C’est dire combien le
recours à ce moyen était naturel, et il serait
vain cette fois d’accuser les hippiatres de bru-
talité. D’ailleurs, seuls en font mention Apsyr-
tos et Hippocrate l’hippiatre. Lorsque la syno-
mie résiste à tout traitement, les deux épaules
sont brûlées à l’aide de cautère arrondis (Ap-
syrtos). De même, sur l’arrachement du « li-
gament », la cautérisation du renflement de
59 Hippocrate, Des articulations in LITTRÉ, 1844,
p. 106-113.
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Fig. 6 : ponction au trocart de l’épaule en partie déclive (à gauche) en vue de l’insufflation sous-cutanée
(à droite), permettant de plus, selon Jacques de Solleysel, d’introduire par le même orifice « des tranches de lard
gras » puis de drainer l’huile et le pus produits dans la cavité ainsi formée.
l’articulation avec des sondes droites repré-
sente un dernier recours60.
L’insufflation après les hippiatres antiques
Les pratiques des hippiatres de l’Empire
romain tardif trouvèrent une nouvelle actualité
lorsqu’on relut leurs ouvrages. Un manuscrit
français anonyme61 du XIVe siècle en témoigne
qui, entre autres, s’inspire des Hippiatrica pour
« venter l’espaule » luxée62 (Fig. 5).
L’Égyptien Abû Bakr Ibn Badr (c. 1333),
familier lui aussi les textes antiques, donne une
60 CHG, Paris, p. 41.
61 Inc. « Ci se commence la cirurgie des chevaux
[…] » manuscrit B.N., fr. 2001, XIVe s., fol. 3v-25,
cité in : POULLE-DRIEUX, 1966, p. 45.
62 Ibid., p. 106.
description plus circonstanciée du traitement
de « la dépression scapulaire », terme dési-
gnant soit une luxation vraie, soit la fonte mus-
culaire de l’épaule. À noter que cette fois les
mouchetures traversent la peau, faisant des
ouvertures par lesquelles l’air s’échappe.
L’opération n’a d’autre résultat que le décol-
lement sous-cutané dans la région scapulaire :
« […] Si cette méthode [les applications
émollientes] ne suffit pas, on a recours à la
chirurgie. Il faut réaliser une incision à la
lame de bistouri un peu au-dessus de l’épaule ;
l’incision doit juste être suffisante au passage
d’un doigt, puis on introduit un tube creux, on
souffle dans la lésion, et on dirige l’air insufflé
de la plaie chirurgicale vers la pointe de
l’épaule, en s’aidant de ses doigts, de façon à
décoller la peau de l’endroit où elle est dépri-
mée, puis on verse dans l’ouverture un peu
d’huile d’olive ou de naphte, selon la saison,
hiver ou été. Ensuite, vous nettoyez toute la
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zone gonflée à l’aide du bistouri et d’une
pince, et vous ponctionnez à différents endroits
pour en faire sortir tout l’air contenu. Ensuite,
vous massez la zone décollée et la laissez repo-
ser jusqu’au deuxième jour. Après cela, prenez
un papier enduit d’huile, vous l’appliquez sur
la pointe de l’épaule et sur toute la zone opé-
rée. Répétez chaque jour pendant trois jours
l’application de feu, puis, après cela, refroidis-
sez la zone avec de l’huile de sésame et du
minium, ou avec de la céruse, ou bien avec
l’onguent vinaigré qui convient à cette réfrigé-
ration. Continuez jusqu’à ce que la peau forme
des croûtes, s’assèche, et que les poils se re-
forment à cet endroit. Voilà tous les traite-
ments de la dépression scapulaire63. »
Six siècles plus tard, l’insufflation se re-
trouve chez Jacques de Solleysel qui n’évoque
même pas la réduction. Après avoir « broyé »
avec brutalité l’épaule à l’aide d’une brique, il
finit de détacher la peau des fascias muscu-
laires sous-jacents à travers l’orifice par lequel
entreront l’air et des tranches de lard ! « [O]n
fait une ouverture au milieu du bas de
l’épaule, et on introduit la spatule de fer pour
détacher la peau par tout l’épaule d’avec la
chair jusqu’à la crinière, ensuite, souffler toute
l’épaule par l’ouverture qu’on a fait, puis in-
troduire des tranches de lard gras […] et les
faire couler entre cuir et chair jusqu’au haut
de l’épaule […] L’épaule enflera beaucoup, il
faut s’attendre à cela, et tous les jours faire
couler la matière par le trou […]64 » (Fig. 6) L’écuyer affirme qu’après les soins associant
insufflation et pose de sétons, le cheval « gué-
rira de lui-même65 ».
Pour les vétérinaires du XIXe siècle cepen-
dant, la méthode risquait d’entraîner de regret-
tables complications. « Si l’on peut citer un
petit nombre de cures obtenues à l’aide de ces
procédés empiriques, il est certain que leur
effet est susceptible de déterminer une inflam-
mation très forte, qui peut se terminer par
gangrène [sic]. […] Il est donc préférable de
tâcher d’utiliser le cheval, et de l’user tel qu’il
est, plutôt que de l’exposer à un danger beau-
63 HAKIMI, 2006, p. 124.
64 SOLLEYSEL [1664], 1771, t. 1, p. 138-139.
65 Ibid.
coup plus grand que celui qu’il court en de-
meurant boiteux66. »
En l’absence d’infection, le pronostic était
bénin, toutefois : un emphysème sous-cutané
limité se résorbe spontanément et dans de brefs
délais67.
Une pratique empruntée à la boucherie
On est tenté de revenir aux auteurs médi-
caux antiques pour trouver l’origine de l’idée
surprenante d’insuffler l’épaule. Si nous
n’avons connaissance d’aucune manœuvre
analogue en médecine humaine, la notion de
pneuma (souffle vital) privilégiée par Galien
(c. 129-199 de n. è.) pourrait représenter une
piste de solution. Avec les humeurs, le pneuma
concourait à l’équilibre de la santé. En simpli-
fiant beaucoup la théorie galénique, l’air inspi-
ré dans les poumons se transformait dans le
cœur en pneuma, lequel se répandait dans
l’organisme entier68. L’air des poumons, expiré
sans avoir traversé le cœur, bénéficiait-il déjà
d’une vertu vitale capable de favoriser la gué-
rison ? Galien nommait bien pneuma l’air ex-
piré (par la toux, en cas de fausse route alimen-
taire) : « S’il [le larynx] laisse entrer en lui
pendant le repas quelque aliment, aussitôt
s’ensuivent toux et étouffement, jusqu’à ce que,
chassé par le pneuma [nous soulignons], il
soit remonté à la surface69. » L’insufflation de
l’épaule aurait pu, dans ces conditions, transfé-
rer un peu de l’énergie vitale de l’opérateur à
la région anatomique atteinte. La qualité de
l’haleine elle-même était susceptible de retirer
tout bénéfice à la manœuvre car, au moins
selon Chiron, le souffleur ne devait pas être à
jeun. Il s’agit cependant d’une hypothèse
qu’aucun texte ne vient confirmer. Admettons
en outre que si les avantages de l’insufflation
avaient été généralement reconnus, on n’aurait
pas manqué d’appliquer ce procédé facile à
d’autres affections du cheval et même de
l’homme, ce qui n’a pas été le cas.
Plus qu’au pneuma, il semble donc raison-
nable de s’en remettre à une autre explication
qui résulte cette fois d’une constatation pro-
66 HURTREL d’ARBOVAL, t. 2, 1838, p. 99.
67 CADÉAC, 1905, p. 134-135.
68 PETIT, 2009, p. 144, note 3.
69 Ibid., p. 36.
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saïque : l’analogie de la méthode chirurgicale
et de l’insufflation sous-cutanée des bêtes
mortes, pratique qui remonte sans doute à la
préhistoire. Dans la plupart des civilisations,
les bouchers l’ont adoptée pour faciliter le
dépeçage, et leurs gestes ressemblent en tous
points à ceux des hippiatres antiques. Par une
incision du cuir, une canule est introduite sous
la peau. Tandis qu’un protagoniste souffle dans
le tuyau ou actionne un soufflet, un autre
frappe le corps à l’aide d’un bâton pour aider
la dilacération des tissus et la progression de
l’air. Ceux qui connaissent l’Afrique auront
certainement vu pratiquer le procédé sur les
marchés. Il persista dans les abattoirs français
jusqu’aux années 1950, à la grande désappro-
bation des vétérinaires inspecteurs. Outre la
facilité du dépouillement, les professionnels de
la viande, qui disposaient de pompes élec-
triques puissantes, cherchaient à emprisonner
de l’air dans les interstices des muscles pour
donner aux carcasses un aspect rebondi favo-
rable à la vente. Le danger des inoculations
bactériennes associées au soufflage a fini par
en avoir raison70. On pourrait penser que les
hippiatres antiques aient eux aussi cherché à
restaurer le volume de l’épaule en injectant de
l’air entre les muscles, mais l’idée doit être
abandonnée : la faiblesse du souffle de
l’opérateur n’aurait pu venir à bout de la résis-
tance des fascias, assurément trop forte.
Des raisons peu avouables
Du soufflage des carcasses à l’insufflation à
des fins thérapeutiques, la relation semble inat-
tendue. Mais il faut bien l’admettre, un hip-
piatre latin pris un jour au dépourvu a certai-
nement imaginé d’employer ce bizarre expé-
dient dans la boiterie de l’épaule. Si l’on ne
peut parler de trait de génie, au moins ses suc-
cesseurs se sont-ils empressés de reprendre une
aussi providentielle trouvaille. Pourquoi, en
effet, ne pas pallier la fonte musculaire de
l’épaule par l’insufflation, et redonner – un
temps – du volume à la région ? N’a-t-on pas
prétendu que la méthode, appliquée à
l’ensemble du corps d’animaux vivants, favori-
sait leur engraissement71 ? Naïve ou malhon-
70 PIETTRE, 1952, t. 1, p. 56-57.
71 « On utilisait autrefois l’insufflation d’air sous la
peau pour engraisser les animaux. Beaud et
Viaud ont constaté qu’après avoir été affecté
nête, la démarche était somme toute compré-
hensible. En Angleterre où prospérèrent les
conseils de Solleysel, un chirurgien s’indignait
au XVIIIe siècle des souffrances inutiles qu’il
voyait toujours infliger aux chevaux : « forer
l’épaule avec un fer chaud pour ensuite insuf-
fler celle-ci est un traitement à la fois cruel et
absurde72 ».
Le procédé n’en a pas moins duré. En 1962
encore, on insufflait les épaules frappées de
bursite bicipitale dans les écuries anglaises de
Haymarket : « Les entraîneurs de chevaux de
course injectent souvent de l’air sous la peau
de l'épaule suivant une croyance selon laquelle
cette dernière serait ‘trop tendue’. C’est un
procédé ridicule car le véritable motif de la
boiterie est souvent une maladie
laire73. »
Conclusion
Comparer le savoir-faire des hippiatres an-
tiques sur un sujet précis – les lésions scapulo-
humérales – souligne la filiation des auteurs et
révèle le poids de la tradition. Quant à
l’inutilité de l’insufflation sous-cutanée, elle
rappelle une constante de la médecine vétéri-
naire (pour ne pas dire de la médecine tout
court) avant l’avènement de la thérapeutique
contemporaine. Il importait au praticien appelé
à traiter un cas de ne pas se dérober, même s’il
ne connaissait aucun moyen efficace d’en venir
à bout. Sommé d’agir, la méthode qu’il em-
ployait devait au moins flatter les croyances et
emporter la conviction de son client. S’il est à
nos yeux dérisoire de « gonfler une épaule », la
simplicité du procédé autant que son côté spec-
d’emphysème sous-cutané généralisé, un cheval,
a pris un embonpoint qu’il n’avait pas habituel-
lement. » CADÉAC, 1905, p. 135. La source de la
première affirmation n’est pas communiquée. Au-
cun des ouvrages du XVIIIe au XIXe siècle consul-
tés sur l’élevage des bestiaux ne mentionne une
quelconque relation entre insufflation et engrais-
sement.
72 “[B]oring up the shoulder with a hot iron, and
afterwards inflating it, is both a cruel and absurd
treatment.” BARTLET, 1759, p. 228.
73 “The Race horse trainers often inject the skin
over the shoulder with air because of a belief that
it is “too tight”. This is a ridiculous procedure for
the true cause of the lameness often is navicular
disease.” ADAMS, 1962, p. 117.
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190
taculaire ont tellement marqué l’imagination
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(3-5.) Ἀψύρτου περὶ ἐκβολῆς ὤμου καὶ κοτύλης.
(3.) Ἄψυρτος Ἀπελλᾷ Λαοδικεῖ ἱπποϊατρῷ . ὅσοι λέγουσιν ἐν τοῖς ὤμοις ἐκβολὴν καὶ
τοὺς γόμφους ἐν τοῖς ὀπισθίοις μέρεσι τεθεραπευκέναι, οὐκ ἔγνωσαν οὗτοι τὸ συμβεβηκός.
ἐκβολὴ γὰρ ἐστίν, ὅταν ἐκραγῇ τὸ ἐχόμενον νεῦρον ἐκ τῆς ὠμοπλάτης ἢ κοτύλης ὁ κόνδυλος,
ὃν λέγομεν γόμφον. τούτων δὲ οὐκ ἔστι θεραπεία οὐδεμία. ἐντιθέμενα γὰρ εἰς τάξιν οὐ μένει,
ἀλλ᾽ ὀλισθαίνει μὴ ἔχοντα τὸ συναφές. θεραπεύεται δέ, ὅταν γένηται ἔκτασις τοῦ νεύρου καὶ
χάλασμα τοῦ ὤμου, καὶ περιπατῶν ἐπισύρῃ τὸν ὄνυχα, ἢ ἄνωθεν παρηγμένον ἐκνεύῃ τὸ ἄρθρον
βαδίζοντος.
(4.) ἔστι δὲ ἡ θεραπεία τοιαύτη: δεῖ ἀνώσασθαι κατὰ φύσιν τὸ ἄρθρον τοῦ ὤμου, καὶ πόρπακας
ἐντιθέναι ¢ντιπόρπους μυρικίνους, καὶ καταβρέχειν ὀξελαίῳ, προκαταντλοῦντα ὕδατι θερμῷ,
ἄχρις οὗ ἀποπέσωσιν οἱ πόρπακες, καὶ τότε θεραπεύειν τὰ ἕλκη τῇ λιπαρᾷ. ὑγιοῦς δὲ
γενομένου, καίειν αὐτὸν ἐπὶ τὸ ἄρθρον γραφῇ στρογγύλῃ ἐγκεχιασμένῃ, καὶ ἔσται ὑγιής.
(5.) τὰ δ᾽ ἐν τοῖς ὀπισθίοις μέρεσιν δυσεπίτευκτά εἰσι καὶ μένει χωλά, ἀτροφεῖ δὲ τὸ ἰσχίον καὶ
παραξηραίνεται, καὶ τὴν ὁπλὴν ἐπισύρων ἐπιτρίβει. συμβαίνει δὲ τοῦτο, ὅταν τροχάζων
ὀλισθήσῃ καὶ πεσὼν διασυρῇ, καὶ ὃ λέγουσι βατραχίσῃ. ἔσθ᾽ ὅτε δὲ καὶ συνέκρουσεν ἐν τῷ
πεδίῳ πρὸς ἕτερον ἱππάζων, καὶ οὕτως ἔκτασις ἐγένετο τοῦ νεύρου καὶ σπασμὸς τοῦ ὤμου,
εὐχερῶς δὲ γίνεται τοῖς νωταγωγοῖς. συμβαίνει δὲ λακτίζοντα εἰς τὸν τοῖχον ἢ λίθον ἢ ξύλον ἤ
τι τοιοῦτο ἢ pτοηθέντα διά τινα αἰτίαν ἐκτινάξαι τὸ σφυρόν, ὃ γίνεται εἰς τὸ κατὰ φύσιν
αὐτόματον. εὐθὺς δὲ δεῖ φλεβοτομεῖν ἀναγκαίως ἐκ τοῦ μεσοκυνίου, καὶ δεσμεύειν ὥσπερ καὶ
τὰς θραύσεις μέχρις ἡμερῶν τεσσαρεσκαίδεκα, στερεώσαντα δὲ καίειν ἐμπλέκοντα μανδάκῃ.
ἐὰν δὲ μὴ φλεβοτομηθῇ, ὑποτρέχει ὁ ἰχὼρ καὶ τὸ αἷμα, τοῦ τόπου διάστασιν εἰληφότος, καὶ
ἄμορφον γίνεται παρὰ φύσιν τῇ περιοχῇ τὸ σφυρὸν καὶ μᾶλλον χωλεύει.
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D’Apsyrtos, sur le déboîtement de l’épaule et de l’os de la hanche
3. Apsyrtos salue l’hippiatre Apelle de Laodicée. Tout ceux qui disent avoir soigné le
déboîtement des épaules et les articulations dans l’arrière-train, ne savent pas ce qui est arrivé.
En effet, il y a luxation, chaque fois que le condyle que nous appelons cheville74 fait craquer le
ligament75 attaché à l’omoplate ou à la hanche. Et il n’existe absolument aucune traitement pour
y remédier. En effet, elle ne reste pas remise en place, mais glisse puisqu’elle n’a plus de lien.
En revanche, on le soigne, chaque fois qu’il y a extension du ligament et relâchement de l’épaule
et chaque fois que, quand il se promène, il traîne le sabot ou bien, chaque fois que, parce qu’elle
est désunie, l’articulation penche quand il marche.
4. Et voici le traitement : il faut repousser l’articulation de l’épaule dans sa position naturelle, et
placer des anneaux76 de tamaris agrafés contre l’épaule et arroser d’un mélange de vinaigre et
d’huile, en ayant au préalable arrosé l’articulation avec de l’eau chaude, jusqu’à ce que les
anneaux tombent, et il faut alors soigner les plaies avec un emplâtre gras.
Et quand le cheval est guéri, il faut le brûler77 sur l’articulation avec un cautère arrondi en forme
de x et il sera guéri.
5. Cependant, les déboîtements auxquels on remédie le plus difficilement se trouvent dans les
parties postérieures78, et elles restent boiteuses : l’ischion s’atrophie et sèche légèrement et,
comme le cheval traîne son sabot, il l’use par le frottement. Et c’est ce qui arrive chaque fois
que, dans sa course, il glisse et, en tombant, se distend, ce qu’on appelle aussi se distendre
comme une grenouille79. Il arrive aussi, qu’en conduisant, un aurige heurte un autre char dans la
plaine, et il est arrivé que l’extension du ligament et le spasme de l’épaule se soit produit de cette
façon ; cependant, elle se produit facilement pour les chevaux montés. En outre, il arrive que, en
ruant contre un mur, ou une pierre, ou un arbre, ou quelque chose de ce genre ou parce qu’il a
pris peur pour une raison quelconque, il heurte violemment son pied80, lequel se trouve
spontanément en place. Il faut aussitôt faire une saignée nécessairement au paturon et le lier
comme on le fait aussi pour les fractures pendant quatorze jours et quand on l’a guéri, le
cautériser en forme de grille81. Mais si l’on n’a pas fait de saignée, le pus et le sang restent sous
la peau, l’endroit affecté subissant un écartement82, le pied devient informe contrairement à sa
nature à cause de l’enveloppe qui se forme et le cheval boite davantage.
74 Il s’agit à la fois des articulations scapulo-humérale et coxo-fémorale. 75 Le verbe kr£zw [krazô] employé ici est poétique et non classique. Il signifie « crier », par analogie avec le bruit
de craquement d’une fracture, il dénoterait la rupture du ligament. 76 PÒrpax [porpax] appartient encore au registre poétique : il désigne l’anneau ou la poignée par lesquels le soldat
tenait son bouclier. Dans le cas présent, il s’agit à n’en pas douter de sétons, thérapeutique pratiquée jusqu’au
XIXe siècle en médecine humaine et vétérinaire, qui consiste à soulever et percer la peau de part en part pour in-
troduire une bandelette de linge, un ruban de fil, ou un morceau de corde. La suppuration locale qui survenait
évacuait, croyait-on, les humeurs. Ici, le tamaris est utilisé comme corps étranger. 77 Feux ou cautérisation actuelle. 78 Apsyrtos quitte maintenant les luxations scapulo-humérales pour celles de l’articulation coxo-fémorale. 79 On appréciera l’imagination des Anciens pour trouver des métaphores propres à illustrer concrètement les faits
à l’intention du lecteur étranger à l’hippiatrie. Ce n’est pas sans rappeler la métaphore qu’emploie Théomnestos
pour désigner la fourchette : b£tracoj [batrachos] « la grenouille ». 80 Il est difficile de localiser la partie anatomique du cheval désignée par le terme sfurόn [sphuron]. Chez Oppien
(Cynégétiques), il signifie assez clairement « le paturon ». Ici, on traduira faute de mieux par « pied » pour dé-
signer à la fois le boulet, le paturon, et le sabot. Mesokύnion [mésokunion] est à proprement parler le paturon
depuis Simon d’Athènes (Sur l’extérieur et le choix des chevaux, 5). Au moins la ruade situe-t-elle la lésion à
un membre postérieur. 81 Visiblement, Apsyrtos aborde le cas d’une luxation du boulet. Sa notice ne porte pas sur la seule luxation sca-
pulo-humérale. 82 L’écartement est ici provoqué par la poche de sang sous-cutanée, séparant la peau de l’articulation.
CHG, Hipp. Berol., XXVI, 3-19 : Sur l’affection de l’épaule
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(6-7.) Θεομνήστου εἰς τὸ αὐτό.
(6.) Ἐὰν ἐν τῇ ἐλασίᾳ ὁδοιπορίᾳ ἵππος ἢ ἄλλο τι ὑποζύγιον ὦμον κατεαγῇ ἢ ἐκτραπῇ καὶ
χωλαίνῃ, εἰ μὲν κατὰ φύσιν ἐκβῇ τῆς θέσεως, θεραπεύειν αἵματος ἀφαιρέσει ἀπὸ αὐτοῦ τοῦ
ὤμου, καὶ δέχεσθαι τὸ αἷμα εἰς ἀγγεῖον, καὶ μιγνύναι ἐν αὐτῷ ἔλαιον καὶ ᾠὰ τρία, ἕψημα καὶ
βολβοὺς ὠμοὺς καλῶς λεανθέντας καὶ κοχλίας μικροὺς νʹ, καὶ ἀναχρίειν θερμῷ καλῶς, καὶ
χρῆσθαι ἀνακολλήματι, ὅπερ
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De Théomnestos, sur la même chose
6. Si lors d’une charge de cavalerie ou d’un voyage, le cheval ou un autre animal de trait sous le
joug se fracture ou se déboîte l’épaule ou est boiteux, si l’épaule sort de sa position naturelle, il
faut soigner par une saignée de l’épaule et récupérer le sang dans un vase et mélanger dedans de
l’huile et trois œufs, du moût cuit et broyer convenablement des oignons crus et cinquante petits
escargots et oindre de haut en bas convenablement au chaud et il faut utiliser un emplâtre qui
sera exposé à la fin de mon article.
7. Mais s’il y a luxation, il faut insuffler l’épaule et l’immobiliser et procéder de la manière
suivante : si tu remarques que l’épaule ou une autre articulation est abîmée, fais coucher
l’animal et frappe avec une baguette l’endroit souffrant, afin que la peau se détache en laissant
un vide en dessous. Et alors, incise avec un phlébotome83 à trois doigts sous la tubérosité
osseuse de manière à faire entrer un petit chalumeau, et à enfoncer le chalumeau à l’intérieur,
pendant que quelqu’un d’autre souffle dedans et, pendant que tu repousses l’air de l’intérieur
avec la main en cercle jusqu’à la peau, il te faut aussi pratiquer des mouchetures serrées sur une
partie de la peau avec une lancette, et appliquer un cataplasme de sel blanc et de vinaigre et
frotter avec son sang et oindre le cheval tant qu’il est couché. Et qu’il y ait un setier de sel et un
setier et demi de vinaigre. Et le troisième jour, fais évacuer le tout avec beaucoup d’eau chaude
et jour après jour jusqu’à ce qu’il ne soit plus boiteux. Puis, quand il est guéri, il faut l’employer
progressivement dans les travaux. Et oins-le d’onguent au bdellium allongé avec de l’huile qui
retend la peau84. Mais ce soin réussit surtout en été.
D’Hippocrate, sur la luxation de l’épaule
8. Si, au niveau des articulations des épaules et des bras, il y a boiterie, en voici les signes : le
cheval n’avance pas en se portant en avant et ne bouge pas son bras, mais il traîne la jambe et il
la laisse beaucoup tomber. Soigne-le en conséquence : il faut l’oindre de vin et d’huile, saigner
le bras et laver pendant dix jours, puis oins tout le corps pendant un seul jour avec de la crasse
huileuse de jeune enfant additionnée de vin et de vinaigre.
83 Phlébotome : lancette à saigner. 84 La peau avait été amollie par les traitements précédents, elle a donc besoin d’un onguent spécial.
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(9-11.) Ἱεροκλέους περὶ ὤμου χρονίου.
(9.) Ἐὰν χρονία ᾖ ἡ ἀλγηδὼν τοῦ ὤμου, χρηστέον τῇ Ἀψύrτου ὑφηγήσει. ἔστι δὲ αὕτη:
κατικλίναντα τὸν ἵππον χρὴ κροτῆσαι τὸν ὦμον νάρθηκι ἢ σανδαλίῳ λεπτῷ, ἁπαλόn τι ῥάκος
τῷ σανδαλίῳ περιβαλόντα. ἐὰν δὲ ἀποστῇ κρουομένη ἡ βύρσα, τρυπᾶν δεῖ παρὰ βύρσαν τῷ
σχαστηρίῳ παρὰ τὴν ἔκφυσιν τοῦ ὤμου εἰς τὸν κόκκυγα μέσον,
(Ἱερώνυμος δέ φησιν ἀπὸ δακτύλων τεσσάρων τῆς ἀκρωμίας) καὶ οὕτως διώσαντας τὴν σμίλην
ὑποδέρειν αὐτόν, εἶτ ἐνθέντας αὐλίσκον ἐμφυσᾶν εὐρώστως, καὶ κατάγειν τῇ χειρὶ τὸ
ἐμφύσημα κύκλῳ τοῦ ὤμου μέχρι τῆς νύμφης, καὶ κατακεντεῖν τὴν βύρσαν τῷ σχαστηρίῳ, καὶ
καταπάσαντα ἁλσὶ λεπτοῖς καὶ ὄξει, ἀποτρίβειν σὺν τῷ αἵματι, καὶ καταχρίειν αὐτὸν
ἐγκατακείμενον. ἔστω δὲ τῶν ἁλῶν πλῆθος τοῦ δὲ ὄξους ἡμικοτύλια
τρία. (Ἱερώνυμος δέ φησιν ἀπὸ δακτύλων τεσσάρων τῆς ἀκρωμίας) καὶ οὕτως διώσαντας τὴν
σμίλην ὑποδέρειν αὐτόν, εἶτ ἐνθέντας αὐλίσκον ἐμφυσᾶν εὐρώστως, καὶ κατάγειν τῇ χειρὶ τὸ
ἐμφύσημα κύκλῳ τοῦ ὤμου μέχρι τῆς νύμφης, καὶ κατακεντεῖν τὴν βύρσαν τῷ σχαστηρίῳ, καὶ
καταπάσαντα ἁλσὶ λεπτοῖς καὶ ὄξει, ἀποτρίβειν σὺν τῷ αἵματι, καὶ καταχρίειν αὐτὸν
ἐγκατακείμενον. ἔστω δὲ τῶν ἁλῶν πλῆθος τοῦ δὲ ὄξους ἡμικοτύλια τρία.
(10.) τρίτῃ δὲ ἡμέρᾳ ἐξαντλεῖν αὐτὸν ὕδατι θερμῷ καὶ ἐφεξῆς καθ ἡμέραν, χρῆσθαι δὲ καὶ
καταχρίσματι, ἀνιέντα ἐλαίῳ, τῷ διὰ βδελλίου μαλάγματι συγκειμένῳ. εἰ δὲ μή, οἴνῳ καὶ ἐλαίῳ
ἀνατρίβειν, τηροῦντα ἀνεῳγότα τὰ κεντήματα, μέχρις ἂν μὴ χωλεύῃ. ὑγιεῖ δὲ γενομένῳ χρῆσαι
ἐν τοῖς ἔργοις ἐκ προσαγωγῆς καὶ κατὰ λόγον. ἐν θέρει δὲ ἡ θεραπεία ἁρμόττει, ὡς τῷ γε
χειμῶνι δυσχερῶς κατορθοῖ, ἐνίοτε δὲ καὶ βλάπτει.
(11.) ὅταν γε μὴν ἐπ ἀμφοτέροις γένηται τοῦτο τοῖς ὤμοις, καλοῦσιν αὐτὸ συνωμίασιν, τὸν
μέντοι τρόπον τὸν αὐτὸν θεραπεύεται. ἐν δὲ τῷ ἀγκῶνι τοῦ ὤμου παρὰ τὴν μασχάλην συμβαίνει
γίνεσθαι οἴδημα ἐξ αὐτομάτου, ὅπερ φασί τινες ἐξ ὠμότητος. πρόσφατον μὲν οὖν θεραπεύεται
καυστικῷ καταχριόμενον. ὅταν δὲ στεατωθῇ καὶ σκληρὸν γένηται, ἐκτμηθὲν qεραπεύεται ὡς τὰ
λοιπά.
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De Hiéroklès, sur la souffrance chronique de l’épaule
9. S’il y a souffrance chronique de l’épaule, il faut se servir des conseils d’Apsyrtos. Et les voici :
il faut, faisant coucher le cheval, que tu frappes son épaule avec une férule ou bien avec une
sandale plate85, en fixant autour de la sandale un morceau d’étoffe délicat. Et si le cuir frappé se
décolle, il faut percer à travers la peau avec une lancette vers la naissance de l’épaule jusqu’au
milieu du coccyx86 (mais Jérôme dit que c’est à quatre doigts du garrot87) et ayant enfoncé ainsi le
bistouri, lui enlever un peu de peau, puis placer une canule à l’intérieur, insuffler avec force, et
faire descendre l’air soufflé avec la main en rond autour de l’épaule jusqu’à la nymphe88, et piquer
le cuir avec la lancette, et saupoudrer de sel fin et d’huile, essuyer avec son sang, et l’oindre alors
qu’il est couché. Qu’il y ait abondance de sel, une assiette, et trois demi-cotyles de vinaigre.
10. Et le troisième jour, le baigner d’eau chaude et chaque jour à la suite, et se servir d’un
onguent, en allongeant, avec de l’huile, celui au bdellium. Sinon, oindre avec du vin et de l’huile,
en surveillant les piqûres ouvertes, jusqu’à ce qu’il ne boite plus. Et, après sa guérison, l’utiliser
progressivement dans les travaux et de façon raisonnable. Et le traitement convient pendant l’été
parce qu’il réussit difficilement en hiver et cause parfois du tort à l’animal.
11. Chaque fois que cela arrive aux deux épaules, on appelle cela la synomie, on la soigne
cependant de la même façon. Et dans l’articulation de l’épaule, il arrive qu’il y ait un gonflement
le long de l’aisselle spontanément, dont certains disent qu’il provient de l’indigestion de
l’alimentation. Donc, lorsque cela est arrivé récemment, on le soigne en oignant le cheval avec un
baume caustique. Mais quand il est devenu graisseux et qu’il se durcit, on le soigne en le coupant,
comme le reste.
85 Apsyrtos préfère une « baguette entourée d’un flocon de laine ». 86 Cf. M.-T. CAM, 2010. Le coccyx n’est pas ici l’os du bassin, mais désignerait « les muscles du bras qui se rejoignent
en forme de bec d’oiseau au bas de l’épaule », coccyx signifiant l’oiseau « coucou ». Le repère anatomique paraît ce-
pendant fort vague. Avec la précision de Jérôme, il pourrait s’agir du sommet du garrot. Il faut donc comprendre que
l’hippiatre doit en tout cas bien se garder d’abîmer le cartilage de prolongement de la scapula. On trouvera chez
Aspyrtos (CHG I, Berol., 14, 3) une autre mention du coccyx qui nous conforte dans l’idée que ce repère anatomique
se situe plutôt au-dessus de l’épaule : Apsyrtos indique « au niveau de la synomie » (c’est-à-dire ici, non la maladie
mais le point d’attache des deux épaules). 87 Cette parenthèse fait référence à l’article d’Apsyrtos sur la synomie reproduit plus bas, CHG, Berol., 16, 15, dans
lequel il évoque un intervalle de deux doigts à partir du garrot, et non de quatre. 88 Là encore, utilisation d’un terme non technique, employé par métaphore : il signifie le « creux sous la lèvre » ou
encore une « niche dans un mur ». Il s’agit probablement du point creux du défaut de l’épaule où les deux muscles se
rejoignent, le contexte indiquant bien l’idée d’extrémité d’un endroit avec l’utilisation de la préposition μέχρι [mé-
chri]. Il s’agit une fois de plus d’un repère anatomique extérieur.
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(13.) ἄλλο Ἱπποκράτους περὶ ὤμου ἐκβολῆς.
Ἐὰν ἵππου ὦμος ἐκβληθῇ ἤ τινος τῶν ὑποζυγίων, ῥῖψον αὐτὸν ἐπὶ τὸ ἔδαφος, ἵνα ὁ
ἐκβεβλημένος ὦμος ἐπάνω ᾖ, καὶ δήσας τὸν πόδα, καὶ πρὸς δένδρον ἀποτείνας, ποκάριον
ἐπιτίθει τῷ στήθει ... καὶ τρυπήσας τὸ δέρμα τοῦ ὤμου, μέχρις ἡμερῶν τεσσάρων βάλλε
ἐπιούρους συκίνους, εἶτα ἐν οἴνῳ καὶ ἐλαίῳ βρέχε πολλῷ, pεριθεὶς τοῖς ἐπιούροις ἔρια, καὶ μετὰ
τέσσαρας ἡμέρας λῦσον, εἶτα ἐκσύρας τοὺς ἐπιούρους, πάλιν βρέχε τοῖς αὐτοῖς.
(15-16.) Ἀψύρτου περὶ συνωμίας.
(15.) Πρῶτον μὲν ἐν ὕδατι θερμῷ κατάντλησον πολλῷ, εἶτα ἐγκαταφύσησον οἴνῳ καὶ ἐλαίῳ
θερμῷ τρῖψον, καὶ τῇ ἄλλῃ ἀπὸ τῶν ὤμων ἄφελε αἷμα μὴ πολύ, ἀλλὰ ὅσον κοτύλας ἕξ, μὴ εἰς
μείζονα ἀρρωστίαν ἐμβάλῃς. καὶ ὡσαύτως ὡς œμπροσθεν κατάντλει τῷ ὕδατι καὶ τρῖβε. ἐὰν
μὲν οὖν ἀπ' αὐτῆς τῆς θεραπείας ὑγιὴς γένηται, εἰ δὲ μή γε, λαβὼν σχαστήριον, σχάσον παρὰ
τὴν ἀκρωμίαν τὸ δέρμα διαμπερές, διαλιπὼν ἀπὸ τῆς ἀκρωμίας δύο δακτύλους.
(16.) εἶτα ἐνθεὶς αὐλίσκον, ἐμφύσα, καὶ ἔπαγε τὸ δέρμα ἐπὶ τὸ ἄρθρον τῶν ὤμων, ἵνα πάντοθεν
ὁμαλῶς ἀποστήσῃς. εἶτα ἐξελὼν τὸν αὐλίσκον, μότωσον τὴν τομὴν ἐρίῳ πιναρῷ, εἶτα
ἐγκατάντλει ὕδατι θερμῷ, προσέχων, ἵνα μή τι παραρρυῇ τοῦ ὕδατος. εἶτα ἐὰν πῦον γένηται,
πρόσεχε, ἵνα ἀποκλεισθῇ ἡμέρας δύο, τῇ δὲ τρίτῃ ἐξάγαγε τὸ ἔριον, καὶ ἔα ἀποκλείεσθαι.
τὴν δὲ λοιπὴν θεραπείαν πρόσφερε, ὡς γέγραπται. εἰ δὲ μή γε, καῦσον αὐτὸν καυτηρίοις
στρογγύλοις εἰς τοὺς ὤμους.
(17.) Ἱεροκλέους περὶ συνωμίας καὶ ῥάχεως.
Ἐὰν ἀλγήσῃ τὴν συνωμίαν ἀπὸ δρόμου ἀμέτρου ἢ φορτίου, ἢ τοὺς ὤμους ὡς συνδεδεμένους
ἔχῃ, καὶ τὸν τράχηλον πρὸς κατάβασιν ἀλγῇ, καταντλείσθω ὕδατι θερμῷ, καὶ ῥοϊζέσθω. ποίει δὲ
αὐτῷ ἀνακολλήματα ἀλεύρου κριθίνου χοίνικα, ὄξους δριμέος τὸ ἀρκοῦν, μάννης στατῆρα, ᾠὰ
δύο, ἀνακόψας εἰς τὸ αὐτό, καὶ κατάχριε τοὺς ὤμους καὶ τὸν τράχηλον. ἐὰν δὲ μὴ ἀνύῃ ἡ
θεραπεία, καῦσον καυτηρίοις ὀρθοῖς, εἶτα χρῖσον ἅλατι καὶ ἐλαίῳ καὶ πάλιν γλοιῷ ἐπὶ ἡμέραις
ἑπτά. ἐὰν δὲ ἐκπέσωσιν αἱ ἐσχάραι, χρῶ τῷ ὀροβίνῳ, καθὼς εἴθισται.
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Autre chose d’Hippocrate, sur la luxation de l’épaule
13. Si l’épaule du cheval ou d’un équidé, parmi ceux qu’on place sous le joug, est déboîtée,
abats-le à terre, afin que l’épaule déboîtée se trouve au-dessus, et lie-lui le pied, étends-le contre
un bâton89, applique une petite toison sur son poitrail et ayant percé la peau de l’épaule, pose des
chevilles en bois de figuier90 pendant quatre jours, puis mouille-le de beaucoup de vin et d’huile,
après avoir entouré les chevilles de laine, détache les chevilles après quatre jours, puis ayant
retiré les chevilles, mouille encore la plaie avec les mêmes ingrédients.
D’Apsyrtos, sur la synomie91
15. D’abord, trempe-le dans beaucoup d’eau chaude, puis en vue de l’insuffler, frotte-le avec du
vin et de l’huile chauds, et le lendemain, retire du sang des épaules, pas beaucoup, mais
l’équivalent de six cotyles, de peur de trop l’affaiblir. Et de la même façon que pour les
antérieurs, baigne-le d’eau et frotte-le. Soit d’une part il guérit à partir de ce traitement, sinon,
prends une lancette et coupe la peau le long du garrot de part en part, en laissant à partir du
garrot l’intervalle de deux doigts92.
16. Puis, insérant une canule, souffle dedans, et pousse la peau contre l’articulation des épaules,
afin que tu la détaches partout de manière égale. Ensuite, enlevant la canule, garnis la coupure de
laine grasse, puis baigne-le d’eau chaude, prenant garde qu’aucune eau ne s’infiltre dedans.
Ensuite, s’il survient du pus, veille à ce que la blessure ne se referme pas pendant deux jours,
mais le troisième, enlève la laine, et laisse-la se refermer. Poursuis le reste du traitement comme
il a été indiqué.
De Hiéroklès, sur la synomie et l’épine dorsale
17. S’il souffre de la synomie à cause d’une course effrénée ou d’un fardeau à porter, ou bien
qu’il a les épaules comme liées, et qu’il souffre de l’encolure dans une descente, qu’il soit baigné
d’eau chaude et conduit à l’abreuvoir. Fais-lui des emplâtres de trois cotyles de farine d’orge, du
vinaigre piquant, une statère de grains d’encens, deux œufs, ayant tout écrasé ensemble, oins et
les épaules et l’encolure. Mais si le traitement n’en vient pas à bout, brûle l’articulation avec des
cautères droits, puis oins avec du sel et de l’huile et de nouveau avec de la crasse huileuse
pendant sept jours. Et si les croûtes tombent, utilise un emplâtre de vesce noire, comme
d’habitude. Si cela ne va pas, brûle-le sur les épaules avec des cautères arrondis.
89 Il s’agit d’une attelle le long de laquelle le membre est lié et immobilisé. Une peau de mouton sert de rembour-
rage. 90 On a affaire ici à des sétons, autre version des anneaux de tamaris rencontrés chez Apsyrtos. 91 Étymologiquement, la synomie est un mot composé : sύn-ὦmoi [sunn-ômoï] signifiant les deux épaules. 92 Cf. Hiéroklès, CHG, Berol., 26, 9. 92 Il s’agit d’une attelle le long de laquelle le membre est lié et immobilisé.
Une peau de mouton sert de rembourrage. 92 Sans doute s’agit-il ici d’une autre version des anneaux de tamaris rencontrés chez Apsyrtos. 92 Étymologiquement, la synomie est un mot composé : sύn-ὦmoi [sunn-ômoï] signifiant les deux épaules. 92 Cf. Hiéroklès, CHG, Berol., 26, 9.
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Bull.soc.fr.hist.méd.sci.vét., 2012, 12 : 177-206
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(18-19.) Ἀψύρτου περὶ ἐχεδερμίας καὶ ὤμου χρονίου.
(18.) Ἄψυρτος Ἐπιφανίῳ ἱπποϊατρῷ χαίρειν. ἐσπουδακότα σε περὶ τὴν τῶν ἵππων χρῆσιν
ἀναγκαῖον εἰδέναι: ἐχεδερμία λέγεται ἐν τῷ ἵππῳ, ὅταν ᾖ χρονίως τὸν ὦμον ἀλγῶν. θεραπεύεται
δὲ οὕτως: δεῖ κατακλίναντα αὐτὸν κροτῆσαι τὸν ὦμον νάρθηκι ἢ ῥάβδῳ ῥάκει ἐρίου
περιεστρεμμένῳ πρὸς ἀπόστασιν τῆς βύρσης, εἶθ' οὕτως τρυπᾶν παρὰ βύρσαν τῷ σχαστηρίῳ
παρὰ τὴν ἔκφυσιν τοῦ ὤμου εἰς τὸν κόκκυγα μέσον, καὶ τότε διωθεῖσθαι τὴν σμίλην καὶ
ὑποδέρειν αὐτήν, εἶτα ἐντιθέναι αὐλίσκον καὶ ἐμφυσᾶν εὐρώστως, καὶ κατάγειν ταῖς χερσὶ τὸ
ἐμφύσημα κύκλῳ τοῦ ὤμου μέχρ�