Expression de savoir-faire conversationnels et conditions de production du discours: Observations en...

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Expressiori de Savoir-faire Conversationnels et Conditions de Production du Discours: Observations en Milieu Préscolaire Michèle Joulain Université de Poitiers, France L’enfant qui arrive à l’école possède déjà une certaine connaissance du langage et de ses usages, mais celle-ci n’est pas toujours suffisante pour lui permettre d’interagir efficace- ment dans toutes les situations pédagogiques; il existe un fonctionnement particulier du lan- gage en milieu scolaire (Hardy et al., 1977; Eder, 1982). Comment, dès la maternelle, le jeune enfant est-il amené à découvrir et à appréhender les situations de groupe, où la maîtresse organise des discussions avec l’ensemble des enfants de la classe? Que doit-il savoir et savoir-faire et donc apprendre, afin de participer activement a ces discussions? Chercher il répondre à ces questions, c’est contribuer à la mise en place d’une typologie des situations scolaires et des moyens linguistiques, sociolinguistiques, discursifs.. . , utilisés dans ces situations (Cook-Gumperz, Gumperz, 1982; François, 1984). On admet l’existence d’un déterminisme des ou de certaines composantes situationnelles sur le langage produit, comme le fait que les compétences à communiquer puissent s’apprendre et s’enseigner. Notre étude traite d’un problème de pédagogie de l’oral: quelles conditions de produc- tion du discours faciliteraient l’accès à la parole d’un maximum d’enfants en séances de langage? On sait la faible participation des enfants dans cette situation. On se propose de montrer l’impact de la dimension et de l’homogénéité des groupes de langage sur la participation verbale des enfants qui parlent peu habituellement. 1. Méthode Dans chaque classe, on constitue 3 petits groupes homogènes (HM) de 8-10 enfants cha- cun: celui des enfants qui parlent le plus habituellement P2, celui des enfants parlant moyen- nement P1, celui des enfants parlant le moins PO. On constitue aussi 3 petits groupes hétérogènes (HT) de 8-10 enfants, composés chacun d’un tiers d’enfants P2, d’un tiers d’enfants P1 et d’un tiers d’enfants PO. On analyse les dialogues maîtresse-enfants dans des situations de grand groupe (avec 20 à 30 enfants présents) et dans des situations de petits groupes HM ou HT selon les clas- ses considérées (32 enregistrements ont été effectués). 2. Sujets (5-6 ans). faire quoi? Cette dernière question concerne 2 points: incitations à parler, feeedbacks évaluatifs, etc.; non à une question de la maîtresse par exemple. Ils appartiennent à 2 classes de petite section (3-4 ans) et à 2 classes de grande section Notre étude aborde les questions suivantes: qui parle à qui? combien? comment? pour - les «:stratégies» langagières utilisées par la maîtresse pour faire parler les enfants: - le degré de spontanéité des interventions enfantines: interventions contingentes ou

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Expressiori de Savoir-faire Conversationnels et Conditions de Production du Discours: Observations en Milieu Préscolaire

Michèle Joulain Université de Poitiers, France

L’enfant qui arrive à l’école possède déjà une certaine connaissance du langage et de ses usages, mais celle-ci n’est pas toujours suffisante pour lui permettre d’interagir efficace- ment dans toutes les situations pédagogiques; il existe un fonctionnement particulier du lan- gage en milieu scolaire (Hardy et al., 1977; Eder, 1982).

Comment, dès la maternelle, le jeune enfant est-il amené à découvrir et à appréhender les situations de groupe, où la maîtresse organise des discussions avec l’ensemble des enfants de la classe?

Que doit-il savoir et savoir-faire et donc apprendre, afin de participer activement a ces discussions?

Chercher il répondre à ces questions, c’est contribuer à la mise en place d’une typologie des situations scolaires et des moyens linguistiques, sociolinguistiques, discursifs.. . , utilisés dans ces situations (Cook-Gumperz, Gumperz, 1982; François, 1984). On admet l’existence d’un déterminisme des ou de certaines composantes situationnelles sur le langage produit, comme le fait que les compétences à communiquer puissent s’apprendre et s’enseigner.

Notre étude traite d’un problème de pédagogie de l’oral: quelles conditions de produc- tion du discours faciliteraient l’accès à la parole d’un maximum d’enfants en séances de langage? On sait la faible participation des enfants dans cette situation.

On se propose de montrer l’impact de la dimension et de l’homogénéité des groupes de langage sur la participation verbale des enfants qui parlent peu habituellement.

1. Méthode Dans chaque classe, on constitue 3 petits groupes homogènes (HM) de 8-10 enfants cha-

cun: celui des enfants qui parlent le plus habituellement P2, celui des enfants parlant moyen- nement P1, celui des enfants parlant le moins PO.

On constitue aussi 3 petits groupes hétérogènes (HT) de 8-10 enfants, composés chacun d’un tiers d’enfants P2, d’un tiers d’enfants P1 et d’un tiers d’enfants PO.

On analyse les dialogues maîtresse-enfants dans des situations de grand groupe (avec 20 à 30 enfants présents) et dans des situations de petits groupes HM ou HT selon les clas- ses considérées (32 enregistrements ont été effectués).

2. Sujets

(5-6 ans).

faire quoi? Cette dernière question concerne 2 points:

incitations à parler, feeedbacks évaluatifs, etc.;

non à une question de la maîtresse par exemple.

Ils appartiennent à 2 classes de petite section (3-4 ans) et à 2 classes de grande section

Notre étude aborde les questions suivantes: qui parle à qui? combien? comment? pour

- les «:stratégies» langagières utilisées par la maîtresse pour faire parler les enfants:

- le degré de spontanéité des interventions enfantines: interventions contingentes ou

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3. Résultats

Les petits groupes hétérogènes bénéficient à 30% environ des enfants peu bavards habi- tuellement, ce bénéfice est de 50% environ pour les petits groupes homogènes.

Outre l’attestation parallèle des capacités linguistiques de ces enfants, il est intéressant de constater que ceux-ci sont capables de prendre la parole sans y être toujours incités per- sonnellement. De fait, la maîtresse sollicite peu d’elle même les enfants qui parlent peu; sa stratégie consiste plus à réagir aux interventions des enfants.

Les enfants répondent à des questions collectives; ils répondent à la place de leurs cama- rades ou ils argumentent ce qu’autrui a dit. Ils savent «glisser» leur discours à certaines jointures des échanges en cours, de façon à ce que celui-ci soit accepté c’est à dire valorisé et/ou repris et/ou commenté, etc. Ces enfants sont capables de raccrocher leur discours à celui d’autrui, ils sont capables de génerer des textes où il existe du «dit» par le jeu des reformulations - modifications - déplacements, au sens de François (1981).

Maintenant, diminuer le nombre d’enfants par groupe et créer des petits groupes homo- gènes n’entraînent pas de modifications importantes dans le comportement verbal de la maî- tresse: par rapport au temps de parole qu’elle occupe, par rapport à la complexité formelle de son langage, mais aussi par rapport aux types d’actes de parole mis en évidence et aux types de questions utilisées pour faire parler les enfants. De la même façon le langage des enfants varie peu d’une situation à l’autre.

Ainsi au niveau des variables situationnelies pertinentes pour définir une situation de langage, on peut faire l’hypothèse que la tâche de communication (parler au sujet de ... en étant concis, en ne s’éloignant pas trop du thème initial, etc.) est un facteur dominant de l’organisation du dialogue au cours de ces conversations de groupe.

Les petits groupes permettent aux enfants, qui parlent peu habituellement, de montrer leurs capacités langagières et conversationnelles; ils facilitent en retour l’apprentissage et la diversification de ces capacités. C’est en effet par le jeu des renforcements ou des non réponses aux interventions enfantines que se fait «l’enseignement» des règles du dialogue scolaire (bien que toujours implicite, cet enseignement devient plus «transparent»).

Dans ces situations, les enfants trouvent le ((quelque chose» nécessaire et suffisant qui lève les difficultés habituelles à prendre la parole en groupe: une meilleure écoute de chacun par chacun, une meilleure représentation de chacun. .., une meilleure communication non verbale aussi?

Il reste que certains enfants ont, sans doute, besoin de faire l’objet de plus nombreuses sollicitations personnelles, pour entrer dans le circuit de communication tel qu’il est pro- posé dans ces situations.

Références

Cook-Gumperz, J., & Gumperz, J. J. Communicative competence in Educationnal perspective. In L. C. Wilkinson

Eder, D. (1982). Differences in communicative styles across ability groups. In L. C. Wilkinson (Ed.). Communicating

François, F. (1981). Dialogue et mise en mots: Dialogue adulte-enfants et enfant-enfant en maternelle. Journal de

François, F. (1984). Problèmes et esquisse méthodologique. In F. François, C. Hudelot, & E. Sabeau-Jouannet, Con-

Hardy, M., Platonne, F., & Dannequin, C. (1977). Langage et classe sociale, quelques problèmes méthodologiques.

(Ed.). Communicaiing in the classroom. New York: Academic Press.

in the classroom. New York: Academic Press.

Psychologie Normale et Pathologique, 2 et 3 .

duites linguistiques chez le jeune enfani. Paris: P.U.F.

Psychologie Française, 22, 37-46.