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Page 1: expertise dans le Bagua, le Hsing-I et le Taiji (Il est d ... · PDF fileLe Yoga de la lutte Comme promis, voici un compte-rendu un peu plus détaillé du dernier stage d'Allen Pittman

Le Yoga de la lutte

Comme promis, voici un compte-rendu un peu plus détaillé du dernier stage d'AllenPittman à Brest. L'occasion aussi d'évoquer quelques questions et notions relatives à lateneur extrêmement dense des thèmes abordés durant le stage.

J'avais demandé à Allen de concentrer ce stage sur la Sagesse du Corps, leYoga et la Lutte celtique. L'évolution naturelle de ma pratique avec Allen et celle de mescentres d'intérêt me conduisent vers ces thèmes. L'étude des arts chinois internes mepassionne toujours autant, mais je crois qu'il est important de ne pas trop se disperser. Jesais que beaucoup de pratiquants viennent vers l'enseignement d'Allen en raison de sonexpertise dans le Bagua, le Hsing-I et le Taiji (Il est d'ailleurs amusant de voir qu'il ne seconsidère pas vraiment expert en Taiji, celui-ci n'ayant jamais été sa « matière préférée »...C'estpourtant une des personnes les plus compétentes en la matière qu'il m'ait été donner derencontrer...). Mais chacun de ces arts est un continent entier, et chacun sait qu'on nedécouvre rien en voyageant rapidement. Il faut prendre le temps, se perdre parfois, avantde se rendre compte qu'on cheminait à dix mètres du sentier...Parfois aussi, on découvredes pays dont on ignorait l'existence, des pays vierges de tout fantasme, de touteprojection, et c'est comme si on redécouvrait tout. Bref, je vais essayer de me pasm'abandonner à mon lyrisme matinal et aller droit au but.

J'ai déjà présenté la Sagesse du Corps, sa vision et ses principesfondamentaux, je ne vais donc pas y revenir ici. Sachant que nous allions passer le week-end sur la Lutte, Allen a insisté tout particulièrement sur l'importance du visage et du cou.

Si les premières étapes (et les plus importantes) de la WOB consistent àexplorer, enquêter, rechercher en soi, vers un affinement de la conscience corporelle, unaccroissement de la compréhension des dynamiques internes, intimes, des mécanismesphysiologiques, psychologiques, des processus d'homéostasie, etc... (liste non exhaustive),dans un second temps, elle peut être utilisée comme outil de conditionnement physique.Une attention accrue doit alors être portée au « comment ». Allen rappelle alors que« comme on pratique on devient ». Si l'on pratique exclusivement sur des machines, lecorps deviendra comme une machine. A l'inverse, la Sagesse du Corps pratiquéeintensivement doit amener à un corps aux qualités (et aptitudes) plus animales.

Nous revenons d'abord sur l'importance du relâchement des muscles du visagecomme préalable à une relaxation profonde. Celle-ci s'opère essentiellement par pressionsur les phalanges des mains posées au sol. La pression permet la prise de conscience

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(feedback) et donc l'affinement de la perception et l'augmentation qualitative de larelaxation. Pour faire simple et pas trop long, ce relâchement est transféré progressivementau cou, par l'activation des muscles masticatoires, du cou, jusqu'aux épaules et au dos.Rappelons que la zone du cou et du haut du dos catalyse une grande partie des tensionsliées à la vie quotidienne (tensions des muscles du visage, des mâchoires, du nerf optique,de la gorge, positions désastreuses liée au mode de vie sédentaire contemporain, etc...listenon exhaustive non plus).

6 mois : lever la tête et regarder en l'air

Allen rappelle que par le cou passent à la fois la trachée (air), l’œsophage(alimentation), les carotides et jugulaires (sang et oxygène), le larynx (voix), le systèmeendocrinien (thyroïde, parathyroïde), le rachis et la moelle épinière... bref un concentré defonctions vitales dans cette zone à la fois fragile et solide. A ce titre, il est de premièreimportance de le rendre mobile, souple, fort et...intelligent.

La pratique exclusive de la lutte (ou judo) ou la boxe conduit souvent audéveloppement d'un cou puissant, capable de résister à des impact répétés (comme enboxe), ou à des étranglements (luttes...). Allen rappelle que la perspective de la WOB est dedévelopper un cou puissant ET souple. Rappelons aussi qu'il n'est pas conseillé d'habituerle visage à recevoir des chocs répétés... (le cerveau, lui, ne s'habitue pas, il se détérioreinvariablement, sans parler des yeux, des dents, mâchoires, etc... )

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Allen insiste sur la prise de conscience de cette nécessité première : protégerle visage et le cou avant tout. Quitte à écorner les dogmes martiaux qui déconseillent delaisser la tête bouger en premier. Nous avons d'ailleurs une passionnante conversation à cesujet avec Tanguy suite au stage. Il apparaît que tout forme de dogmatisme en la matièreest un peu vain. Nous tombons cependant d'accord sur le fait qu'il est peu sûr de comptersur la faculté de la tête à encaisser...un petit objet métallique placé entre les phalangessuffit à s'en rendre compte...). Pour essayer de réconcilier ces deux injonctions enapparence contradictoires, on pourrait dire que nous devons d'abord écouter notre instinct(bouger et protéger la tête avant tout...c'est ce que le corps fait de lui-même : exemple,vous marchez dans l'obscurité et votre tête rencontre une toile d'araignée... que fait votrecorps?). Un des objectifs de l’entraînement martial serait alors d'habituer le corps à restersous la tête... Un peu simpliste ?...à voir...

Pour introduire la lutte celtique, Nous commençons par les rudiments de laboxe. Il s'agit ici de la boxe à poings nus, antérieure à la boxe dite anglaise d'aujourd'hui...

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Nul besoin de rappeler les grosses différences qui existent entre les deux. Allen rappelleque jusqu'à la séparation des disciplines de combat en disciplines sportives, la lutte et laboxe étaient enseignées ensemble (souvent aussi avec différentes armes de bois et delames)... c'était le cas de la Savate bien sûr, des « boxes » chinoises (dont le Hsing-I dont lesanalogies techniques avec la boxe ancienne sont frappantes...) et de la plupart destraditions de combat pré-sportives.

Nous revenons donc aux fondamentaux : jab avec fente avant (sans vrille du poignet..),esquive de la tête, parade, etc... Ce n'est pas à un cours de boxe que nous participons maisl'objectif est ici de ressentir la puissance de l'impact d'un jab bien aligné, et pour le« jabeur » d'affiner son cadrage.

C'est l'entrée que nous allons utiliser tout au long du week-end pour enchaîner les prisesde lutte (avec la version "crochet" et la version poussée/traction sur le torse)

Nous couvrons ainsi un éventail de techniques assez vaste, organisé selon une progressionallant de la tête (le cou) puis épaules, coudes, poignets, et jambes. Avec une emphaseparticulière sur les manœuvres de manipulation du cou, bien sur...

Karl Gotch et Farmer Burns

Là encore, tout le travail préparatoire que nous avons fait avant prend son sens :La Sagesse du Corps, et le Yoga égyptien , dont Tim Geoghegan disait qu'il est le meilleuryoga pour se préparer à la lutte. Nous passons en revue les différentes formesd'étranglement, et leurs conséquences physiologiques. Quelques jours après le stage, jepasse une après-midi avec un vieil ami pratiquant de longue date, médecin urgentiste, etnous revenons sur les aspects pratiques de ces techniques, les conséquences de tel ou outel étranglement sur le rythme cardiaque, sur l'afflux sanguin et aérobie au cerveau, sur lesconséquences de frappes à mains nues mal portées, etc... passionnant et édifiant.

Le répertoire technique de la Lutte celtique est assez vaste, mais nes’embarrasse pas trop des subtilités techniques des luttes sportives actuelles (BJJ et autres).

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Elle a un aspect brut et direct qui a un goût archaïque inimitable.

Allen revient sur les sources techniques et culturelles de la Lutte celtique.

Tim Geoghegan

• Pour une grande part, elle vient des pratiques de jeunesse de Tim Geoghegan, lemaître d'Allen : Luttes irlandaises traditionnelles, puis Lutte du Pit de Wigan, de lafamille Riley, une famille irlandaise émigrée dans le centre de l'Angleterre et qui aformé des générations de lutteurs pendant des décennies. Il semble que cette familleenseignait aussi une forme de lutte létale à certains de ses lutteurs. Tim fut hommefort de cirque, c'est à dire qu'il combattait contre quiconque venait le défier, uneattraction fort prisée à l'époque. Il semble qu'il ait été influencé par le célèbre Martin« Farmer » Burns, un « strongman » célèbre du début du siècle auteur de « Lessonsin Wrestling and physical culture ».

• Après avoir combattu plusieurs années dans différents circuits professionnels decatch-wrestling aux USA, Tim Entreprit de se former à l’ostéopathie, et au Yoga. Ilfut aussi exposé au Jujitsu à Londres, voyagea des années dans le monde entier,notamment en Inde où l'on garde trace de son passage, ou en Iran où il fut initié ausoufisme et à certaines pratiques psycho-physiques du Caucase et d'Asie centrale.

Si j'en ai le temps, le traduirai l'article que Allen lui a consacré sur son site.

Techniquement, on pourrait l'approcher de n'importe quel Jujitsu un peuarchaïque. Il me fait penser d'une part au vieux "Ju jitsu" (voir le Kano Jujutsu de Hancocket Higashi), d'autre part à ces vieux manuels de combat médiévaux européens. Pasforcément subtil à priori, mais efficace, allant droit au but : fracture, écrasement,

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strangulation, etc. Les frappes sont peu utilisées pour elles-mêmes, mais pour modifier laposition de l'adversaire, l'ouvrir, le tordre, l'attendrir, en vue de l'application d'une prise,très proche, en définitive, de la notion d'atémi. D'autres frappes sont létales (« killingblow »), avec le poing en marteau ou l'avant bras, par exemple, et interviennent alors quel'adversaire est en déséquilibre, en chute, ou qu'il est déjà ouvert par une manœuvre. Lesmanipulations du cou et les prises de jambe y ont une grande importance. Cette lutte apeu à voir avec les luttes issues de civilisations agraires à travers le monde. On ne cherchepas à mettre l'adversaire sur le dos, et il n'y a pas de règles. Elle se pratique donc sousforme de « katas » (désolé pour l'emprunt...), où l'on pratique d'abord lentement enessayant de saisir le sens global de la prise, son effet sur l'autre, et l'on affineprogressivement. Idéalement, on se frotte à toutes sortes de gabarits. Les contre-prises sontenseignées en même temps que les prises, et l'on apprend très vite à s'adapter aux contreset blocages de l'adversaire. Allen m'a redit que Tim était très clair sur le degré desensibilité tactile, d'écoute de l'autre requis pour la pratique de ces mouvements. Labrutalité des techniques est à dissocier clairement de la façon de les pratiquer. A l'instar dece qui se faisait dans d'autres traditions, elle était enseignée uniquement aux élèves ayantfait preuve de leurs qualités morales. Je suis convaincu qu'il est possible de développer untrès haut niveau de pratique et de grandes « capacités martiales objectives ». Quand je dishaut niveau, je pense bien sur à l'efficacité martiale pure (c'est très direct et il y a peu deplace pour l'auto-illusion), mais aussi en terme de qualité d'être (humain), et de capacitéd'empathie. Un Budo.

Le monde la lutte (que je connais très mal), comme celui de la boxe, est un milieuoù il semble l'on ne s'illusionne pas trop et ou l'on s’entraîne dur, honnêtement etsincèrement, avec tout son cœur. C'est ce qui manque parfois dans le monde des artsmartiaux il me semble... Mais la lutte est aussi un milieu où l'on se blesse beaucoup, de parla nature même des techniques et les contraintes (et garde-fous) apportées par les règlessportives. Pour être honnête, bien que passionné, je ne me fais aucune illusion sur le faitque je ne tiendrais pas 20 secondes contre un lutteur, judoka, gouren-ka ou autre, dans sesrègles. Mais la perspective du Budo est différente. Il y a donc une pratique à réinventer,entre honnêteté martiale et sincérité, dépassement et connaissance de soi. Yoga et combat.

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Je vais m'arrêter là pour aujourd'hui. Ce stage s’inscrivait pour moi dans lacontinuité d'un glissement de perspective dans ma pratique. Par vraiment uneréorientation mais une « re-priorisation ».

Je suis toujours frappé après les stages avec Allen (sans parler des heures de pratique et dediscussions en privé) par la façon dont elles ramènent en pleine lumière les questions de« quel est le sens de ce que je suis en train de faire », « que suis-je en train de faire à cet êtrehumain entier qui est mon partenaire d’entraînement », « Comment nous entraînons-nouspour que la pratique nous grandisse mais ne prenne pas possession de nous », « quellessont les qualités que je cherche à développer par ma pratique ? » et « est-ce que ce que jefais est vraiment la meilleure manière de développer ces qualités ? » « Si non, quellesraisons me poussent à faire comme ça ? », "Est-ce le souci de respecter la tradition?" Est-cela peur de perdre une sécurité illusoire? "Est-ce la responsabilité de transmettre "intact" cequi m'a été transmis? "etc...

Je n'ai bien sur pas de réponses toutes faites à ces questions et je lutte (;) avec elles jouraprès jour, dans le cadre des arts martiaux mais à bien y regarder, également dans la vie engénéral...