EXPERT MARSEILLE - Muséologie date pas d'hier. ... etc. Pourquoi donc rénover un bâtiment qu'on...

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LEXPERT ENTRETIEN AVEC RENÉ MORNEX RETOUR SUR 900 ANS D’HISTOIRE Pourquoi l’hôpital quitte les lieux La méthode Collomb en question D’autres projets en lice HÔTEL-DIEU MARSEILLE La reconversion traine WWW.KESKISCPASS.COM L’HÔTEL-DIEU L’HÔTEL-DIEU se refait une santé se refait une santé SPECIAL LYON SPECIAL LYON Décembre 2009

Transcript of EXPERT MARSEILLE - Muséologie date pas d'hier. ... etc. Pourquoi donc rénover un bâtiment qu'on...

L’EXPERT

EENNTTRREETTIIEENN AAVVEECC RREENNÉÉ MMOORRNNEEXXRETOUR SUR 900 ANS D’HISTOIRE

Pourquoi l’hôpitalquitte les lieux

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D’autres projetsen lice

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WWW.KESKISCPASS.COM

L’HÔTEL-DIEUL’HÔTEL-DIEU se refait une santése refait une santé

SPECIAL LYONSPECIAL LYON

Décembre 2009

PERRIN

2 I 10 DECEMBRE 2009 I WWW.KESKISCPASS.COM

L’ÉDITORIALDE STEPHANE DAMIAN-TISSOT5 La fin d’une époqueL’ENTRETIEN6 René Mornex

« L’Hôtel-Dieu est le symbole des hôpitaux lyonnais »

INDISCRETS10 Les exclusifs de L’Expert

« Dire la vérité telle que nous la voyons »JEAN-JACQUES SERVAN-SCHREIBER SOMMAIRE

L’EXPERT > WWW.KESKISCPASS.COM

EN COUVERTURE

HÔTEL-DIEU : LA MESSE N’EST PAS ENCORE DITE p.12

DÉCRYPTAGELa méthode

Collomb

p.15

HÔTELLERIELyon a-t-elle besoin

d’un hôtel de luxe ?

p.21

L’ANTIQUAILLELe mauvais

exemple

p.27

WWW.KESKISCPASS.COM I 10 DECEMBRE 2009 I 3

28 ARCHITECTURE

Une construction « durable »

POLITIQUE

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ÉCONOMIE

EN COUVERTURE

SANTÉ

IMMOBILIER

PATRIMOINE

12 Hôtel-Dieu: la messe n’est pasencore dite

14 Un hôtel sans Dieu15 Gérard Collomb aux commandes16 Pour que l’Hôtel-Dieu

garde la santé18 SOS Associations cherchent

logement19 « Les Lyonnais sont attachés

à ce lieu »

20 MUNICIPALES 2008

Retour sur le bras de fer Perben/CollombLLaa cchhrroonniiqquuee de Romain Rousseau

21 HÔTELLERIE

Hôtel de luxe : « un projet pas forcément necessaire »

22 FINANCES

Les HCL au fond du gouffre23 La santé quitte l’Hôtel-Dieu faute

d’argent

24 DÉCRYPTAGE

Où se soigner ?26 TÉMOIGNAGE

« On ne meurt plus en ville »

27 CHANTIER

L’Antiquaille, un modèle à ne pas suivre

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PRÉSENTATION Le commentaire vidéode Stéphane Damian-Tissot

REPORTAGE VIDÉO Quel avenir pourl’Hôtel-Dieu ?

PORTFOLIO Visite en photos del’Hôtel-Dieu L’Antiquaille-Debrousse, au coeur desbâtiments en friche

ENTRETIEN L’interview intégrale deRené Mornex

APPROFONDIR Qu’est-ce qu’un architecte conseil ?

TROIS QUESTIONS AU Pr. Dubernardsur la rénovation de l’Hôtel-Dieu

RÉAGISSEZ Commentez les articles etdonnez votre avis

29 MÉDECINE

Elle court, elle court la médecine

30 MARSEILLE

L’odyssée du cousin phocéen

31 PERSPECTIVESPAR LIONEL BERTHOLETL’Histoire n’est pas à vendre !

SOMMAIRE

SUR > WWW.KESKISCPASS.COM

DIRECTIONDIRECTRICE DE LA PUBLICATION Isabelle DumasDIRECTEUR DE LA REDACTION Alexandre Buisine

RÉDACTIONRÉDACTEUR EN CHEF Stéphane Damian-TissotRÉDACTRICE EN CHEF ADJOINTE Karima Mebarki

RÉDACTEURS Lionel Bertholet, Mélanie Collin, Stéphane Damian-Tissot, Romain Desgrand, Tony Fonteneau,Victor Garcia, Maude Girard, Marie Leclère, Karima Mebarki, Stéphanie Perrin, Willy Pierre,

Romain Rousseau.

ÉDITIONSECRÉTAIRE DE RÉDACTION ET MAQUETTISTE Romain Desgrand (maquette adaptée de L’Express)

SECRÉTAIRES ADJOINTS Stéphanie Perrin, Victor GarciaPHOTO COUVERTURE Lionel Bertholet

CARICATURE Stéphanie PerrinWEB

RESPONSABLE WEB Maude Girard

IMPRIMERIEUPI, 47 rue Sergent Michel Berthet 69009 Lyon

Magazine réalisé en 2009 par un groupe d’étudiant de l’ISCPA, Institut des médias.Pour joindre la rédaction : ISCPA, Tél. 04.72.85.71.73, Fax. 04.72.85.71.99

L’EXPERT

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PERSPECTIVES

PATRIMOINEL’Hôtel-Dieu, une construction durable

MARSEILLE Des points communs avec Lyon

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L’ÉDITORIAL DESTÉPHANE

DAMIAN-TISSOT

> WWW.KESKISCPASS.COMLA PRÉSENTATION VIDÉO DE STÉPHANE DAMIAN-TISSOT SUR

La fin d’une époque

Cinquante-cinq minutes. C'est le temps qu'ilaura fallu à Gérard Collomb et aux 15 au-tres membres d'un comité « de pilotage » pourdécider de l'avenir de l'Hôtel-Dieu. Haut-lieu du patrimoine lyonnais, ce bâtiment a

été construit il y a plus de 900 ans par des moines ponti-fes. Une bâtisse financée au fil du temps par des dons etdes legs de Lyonnais. Il semblait donc normal et légitimede leur demander leur avis quand s'est posée la questionde la reconversion. Eh bien les Lyonnais peuvent toujoursattendre ! Gérard Collomb, sénateur-maire de Lyon etdonc président du conseil d'administration des Hospicescivils de Lyon (HCL) qui gère l'Hôtel-Dieu, a pris le pro-jet à bras le corps. En janvier dernier il a constitué un comi-té de pilotage qu'il a vite piloté seul. En deux réunions,qui ne durèrent pas plus dedeux heures en tout et pourtout, il a trouvé une sociétépour réaliser une étude et tra-cer les grands axes du futurprojet. Selon le désir de l'élu,il devrait y avoir un hôtel(cinq étoiles de préférence), des commerces de luxe et enfinune partie dévolue au tertiaire. Reste donc aux opérateursintéressés à se mettre au travail et à présenter leur projetavant la fin de l'année. Un petit rappel historique s'impose. Au départ ce bâtimentétait destiné à l'accueil des plus pauvres qui y étaientnourris et habillés. Désormais si les opérateurs financentle projet de Gérard Collomb, des enseignes type Chanel,Louis Vuitton et Christian Dior orneront les murs. Lepauvre François Rabelais, célèbre médecin qui officiait danscet hôpital au XIVe siècle, doit se retourner dans sa tombe !Fini les parias, place au luxe et au bling-bling !Quid des autres projets comme la construction d'un cen-tre de la santé prôné par des médecins et des associationsde prévention ? Ou de l'agrandissement du musée des

HCL, désiré par René Mornex ? Gérard Collomb a été clairdès le départ sur le sujet. Il n'est fermé à aucune proposi-tion… sous réserve qu'il n'ait pas à débourser un kopeck. Quant à la décision des HCL de quitter l'Hôtel-Dieu, ellene date pas d'hier. Elle s'inscrit même dans une logiquequi consiste à fermer les hôpitaux en centre-ville, commeceux de l'Antiquaille et de Debrousse avant celui-ci. Et àconstruire des grands pôles en périphérie. On comprenddonc mieux pourquoi l'Hôtel-Dieu se trouve dans un telétat de délabrement. Les murs sont noircis par le temps,la pollution et salis par les tags. La structure, notammentcelle de la chapelle, connaît des problèmes d'étanchéité,etc. Pourquoi donc rénover un bâtiment qu'on désire quit-ter ? Et encore moins l'équiper d'un plateau technique. Surtoutquand on sait que les Hospices civils ont un déficit de plus

de 80 millions d'euros annuels, et que l'Hôtel-Dieu est lastructure qui coûterait le plus cher à viabiliser. Il a doncété décidé de la céder au futur opérateur via un bail emphy-téotique, c'est-à-dire une location pendant 99 ans à un prixproche de zéro. Certes cela ne permet pas aux HCLde gagnerde l'argent mais voilà qui leur évite d'en perdre toujoursdavantage ! En ce qui concerne les différents services de soins, ils auronttous disparu avant 2011. Certains ont même déjà pliébagage, pour être dispatchés dans les autres hôpitaux deLyon, mais d'autres ne savent toujours pas où ils vont s’ins-taller. La santé à l'Hôtel-Dieu vit donc peut-être sa dernièreannée, dans une indifférence quasi totale. Et c'est peut-êtrecela, en fin de compte, le plus déplorable.

Le projet de Gérard Collomb ? Des enseignes type Chanel,Louis Vuitton et Christian Dior. Le pauvre François

Rabelais, célèbre médecin qui officiait dans cet hôpital auXIVe siècle, doit se retourner dans sa tombe !

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Réagissez surwww.keskiscpass.com

“L’ENTRETIEN

René Mornex« L’Hôtel-Dieuest lesymboledeshôpitaux lyonnais»La première fois qu'il entre dans unhôpital, il a 17 ans. Dès lors il ne quit-tera jamais réellement les lieux.Médecindeprofession, René Mornexa réalisé l'ensemble de sa carrièredanslacapitaledesGaules etc'esttoutnaturellement qu'il s'est passionnépour l'histoire de la médecine lyon-naise. Aujourd'hui vice-présidentduconseil d'administrationdes Hospicescivilsdelaville, etmêmesi l'Antiquaillereste l'hôpital cher à son cœur, c'estsur l'avenirde l'Hôtel-Dieu qu'il s'in-terroge. A travers cet entretien accordé àL'Expert, René Mornex revient surl'histoire du grand bâtiment de lapresqu'île, de sa fondation par lesfrères pontifes, aux péripéties quiont jalonné ces siècles et bien enten-du sur le possible avenirqui l'attend.Une façon pour cet « historien de lasanté » de conserver le sentimentd'humanisme qui imprègne ce lieu,à l'heure où les derniers services desanté qui y sont établis s'apprêtentà le quitter pour de bon.

Qu'est ce que l'Hôtel-Dieu symbolise pour la ville de Lyon ?>> L'établissement symbolise tout simplement la médecinelyonnaise. Il est le navire amiral de la flotte lyonnaise dansle domaine de la santé depuis le XIXe siècle. À ce titre il estvu comme l'ancêtre, l'aïeul, le symbole des hôpitaux lyon-nais. Et puis, c'est également le creuset dans lequel s'est for-mée toute une série de praticiens reconnus et de chercheurs,qui ont ensuite émigré dans d'autres établissements. Maisl'image de la médecine à Lyon est bien évidemment l'Hôtel-Dieu.

Dans le domaine de la santé, l'Hôtel-Dieu est un des bâtimentsles plus anciens de Lyon. Racontez-nous un peu son histoire.>> L'histoire commence en 1100 avec le pont sur le Rhône.Un pont qui se trouvait à la hauteur du grand dôme del'Hôtel-Dieu, même si celui-ci a été construit plus tard. Unsimple pont en bois qui permettait de réunir les deux rivesdu Rhône et notamment le faubourg où arrivaient tous lesgens qui transitaient entre l'Italie et les Flandres. C'étaitdonc une zone extrêmement importante et c'est cela qui afait la réputation de la ville de Lyon, sa fortune en quelquesorte. Ce courant continu de gens qui allaient et venaient assu-rait à la ville une certaine rente.La construction de ce pont avait été entreprise par les frè-res pontifes, des moines bâtisseurs qui avaient aussi cons-truit le pont d'Avignon par exemple. Et lorsqu'ils construi-saient ces ponts, ils bâtissaient également toujours à sasortie, une chapelle et une infirmerie, des bâtiments de peti-tes tailles. Réaliser ces voyages demandait beaucoup detemps, le chemin était très long. Alors lorsqu'il y avait des malades ou des blessés, il fallaitpouvoir les déposer parce qu'on ne pouvait plus les transpor-ter. Les voyageurs devaient aussi pouvoir se rafraîchir aprèsde tels périples : les bordels, ou plutôt des « bordeaus » commeon les appelait, qui étaient là au bord de l'eau pour apaiserles âmes d'une autre façon.

A cette époque la structure n'avait qu'une faible capacité d'ac-cueil. À partir de quand l'Hôtel-Dieu devient véritablement unhôpital ? >> Durant le XVIe siècle, il a été décidé de construire cette

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PROPOS RECUEILLIS PAR MÉLANIE COLLIN ET KARIMA MEBARKI

PHOTOS KARIMA MEBARKI

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RENÉ MORNEXLe vice-président duconseil d’administrationdes HCL ne souhaite pasque l’image de l’Hôtel-Dieu devienne purementmercantile.

fois un grand bâtiment, à l'emplacement de la chapelleactuelle. Il y avait alors tout ce qu'il fallait pour faire un hôpi-tal : un directeur, un gestionnaire financier, un médecin bienentendu, et l'enregistrement des entrées et sorties des maladesdevient obligatoire. C'est d'ailleurs à cette époque queFrançois Rabelais a exercé pendant deux ans environ.Par lasuite, fin XVIe début XVIIe, on a construit le petit dôme avecdes salles en croix consacrées à l'accueil des malades.L'établissement fût à cette époque le deuxième ou troisiè-me grand hôpital construit en Europe, le premier étant pro-bablement celui de Milan. On a donc démoli le premierbâtiment pour commencer la construction de la chapelle, puisdu cloître d'entrée, afin de la relier à l'ensemble des bâtimentsdu petit dôme. Au XVIIIe siècle, l'Hôtel-Dieu prend l'aspectqu'on lui connaît aujourd'hui. L'architecte Jacques-GermainSoufflot lui donne sa façade sur les bords du Rhône et le granddôme. On boucle la boucle au XIXe siècle avec le retour desouvertures sur la rue de la Barre.Quant aux années 1900, aucune modification n'a été appor-tée à l'architecture, même si l'hôpital a échappé de peu à unedémolition.

Et pour les Lyonnais, que représente l’Hôtel-Dieu ?>> Ça c'est une question qu'il faut poser directement auxLyonnais.

Mais vous en êtes un ?>> Moi je suis à la fois juge et partie. Néanmoins cette ques-tion est fondamentale. Ce que je peux vous dire, c'est qu'il ne se passe pas deux

journées sans que quel-qu'un ne me dise : « Etalors l'Hôtel-Dieu, qu'estce qu'il devient ? Tout demême c'est un établisse-ment qui appartient auxLyonnais…». Il faut toutde même souligner quel'Hôtel-Dieu a été construittotalement sur des fondsprivés, c'est-à-dire desdons et des legs, dont laliste est toujours visible surles murs du cloître. Cespersonnes n'étaient pastoujours très fortunées.Bon nombre d'entre ellesétaient même plutôtmodestes. Certaines ontpayé entièrement de leurpoche les statues qui ornentla façade. Une religieusea financé la grande croixinstallée au milieu de lacour d'entrée. Et lesLyonnais sont très atta-chés à cela car c'est grâceà ceux qui nous ont pré-

cédés que la construction de cet établissement a été possi-ble.

Donc nombreux sont les Lyonnais qui s'interrogent sur l'avenirréservé à l'Hôtel-Dieu ?>> Oui et qui s'interrogent sur la nécessité de conserver à l'Hôtel-Dieu une image qui ne soit pas mercantile. C'est égalementma philosophie.

Même si le projet définitif n'a pas encore été décidé, ses locauxvont être réaménagés. Est-ce une énième péripétie ou une rup-ture totale dans son histoire ?>> Si on ne met dans l'Hôtel-Dieu que des structures mar-chandes, ce sera bien une rupture totale avec ce qu'on avaitpu connaître auparavant. C'est finalement exactement lamême chose que lorsqu'on mettait des écuries à cochons dansles églises. A mes yeux, c'est quand même la dégradationde l'image et du principe même de cette édification, c'est-à-dire celle d'une structure qui est destinée à accueillir audépart les plus pauvres. Elle a ensuite bien sûr évolué pourprendre en charge des gens de toute nature.Le mot que j'utilise pour l'Hôtel-Dieu c'est celui « d'huma-nisme ». Il est un modèle d'humanisme à travers des acti-vités médicales d'accueil et de secours. S'il venait à être trans-formé en un hôtel, des commerces et des brasseries, alors ilperdrait totalement cette image.

Il y a pourtant déjà eu des boutiques installées dans les lieux àune époque…>> Effectivement, mais elles ne donnaient que sur le quai,elles n'étaient pas intégrées à la structure de l'édifice. Elless'apparentaient plus à des petites échoppes.

Vous disiez précédemment que le bâtiment avait égalementfrôlé la destruction.>> Au début des années 1900 il y a eu une première bataillede l'Hôtel-Dieu. Parce qu'à cette période, Jules Courmont,un médecin proche du maire Edouard Herriot, avait

« L’HÔTEL-DIEU A TOTALEMENT ÉTÉ

CONSTRUIT SUR DES FONDS PRIVÉS,

C'EST-À-DIRE DES DONS ET DES LEGS,

DONT LA LISTE EST TOUJOURS

VISIBLE SUR LES MURS DU CLOÎTRE.

CES PERSONNES N'ÉTAIENT PAS

TOUJOURS TRÈS FORTUNÉES, BON

NOMBRE D'ENTRE ELLES ÉTAIENT MÊME

PLUTÔT MODESTES. »

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René Mornex

1927 Naissance àLyon 1951-1960 Internedes hôpitaux1960 Médecin des hôpitaux1967-1987 Chefdes services d’endocri-nologie et de diabéto-logie à l’Antiquaille1987-1992 Chefdes mêmes services àl’hôpital Edouard-Herriot Depuis 1992Vice-président duconseil d’administra-tion des HCL2006 Commandeurde l’Ordre national dela Légion d’honneur

L’ENTRETIEN“

BIO

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WWW.KESKISCPASS.COM I 10 DECEMBRE 2009 I 9”décrété que l'établissement était anti-hygiénique et il défen-dait l'idée de la construction d'un nouvel hôpital plus moder-ne à Grange-Blanche. Edouard Herriot approuvait car ilvoulait construire l'Hôtel des postes sur ces bords de Rhône.En fait c'était le même combat. À cent ans d'intervalle, avecles options politico-municipales, on retrouve les mêmesbatailles. Finalement en 1933, l'idée est abandonnée puis-qu'une partie de l'architecture de l'Hôtel-Dieu se voit clas-sée. L'Hôtel des postes est alors construit sur le site de laCharité.

De quels atouts architecturaux l'Hôtel-Dieu dispose-t-il qued'autres bâtiments lyonnais n'auraient pas ?>> Il est le seul beau bâtiment de Lyon, et c'est même tristeà dire. Le seul à avoir une telle dimension architecturale avecune façade de 375 mètres de long. De plus, il a une inté-gration dans l'évolution de la ville et de la presqu'île qui asa valeur. L'harmonie architecturale est magnifique et consi-dérée par des spécialistes comme exceptionnelle à certainsendroits. Et comme à Lyon nous n'avons pas beaucoup debâtiments qui peuvent être considérés ainsi, tout le mondeest attaché à l'architecture de l'Hôtel-Dieu.

« SI ON NE MET DANS L'HÔTEL-DIEU QUE DES STRUCTURES MARCHANDES, CE SERA

BIEN UNE RUPTURE TOTALE AVEC CE QU'ON AVAIT PU CONNAÎTRE AUPARAVANT.

C'EST FINALEMENT EXACTEMENT LA MÊME CHOSE QUE LORSQU'ON METTAIT DES

ÉCURIES À COCHONS DANS LES ÉGLISES. »

ENTRETIEN EN INTÉGRALITÉ SUR >WWW.KESKISCPASS.COM

La Charité, le petit frèredisparu de l’Hôtel-DieuIl ne reste plus que son clocher. Construit à500 mètres en aval de l'Hôtel-Dieu, l'hôpi-tal de la Charité fut créé en 1633, dans lemême but que son aîné : aider la popula-tion la plus pauvre. En 1804, face au nom-bre croissant d'enfants abandonnés, untour y est installé. Ce cylindre en bois tour-nant sur lui-même permet à la mère d'yplacer son bébé en tout anonymat, et detirer une sonnette afin de prévenir les soeursde l'abandon. L'hôpital de la Charité avecson architecture italienne sera finalementdémoli en 1933 pour que puisse être cons-truit l'Hôtel des postes. Aujourd'hui, le clo-cher situé place Antonin Poncet reste le der-nier témoin de son existence.

Obtenir la liste des membres du comité de pilotage chargé de réfléchir à l'ave-nir de l'Hôtel-Dieu se révèle être un exercice compliqué. Un premier essai àla mairie de Lyon s'est soldé par un échec. La seconde tentative auprès des

HCLn'a pas rencontré davantage de succès : « Nous n'avons jamais dévoilé cette liste etnous ne souhaitons pas la communiquer ! ». Étonnant pour une information censée être

publique. Mais loin d'en rester là, L'Expert aréussi à se procurer cette liste de 14 membres.Elle est composée de quatre élus de la ville deLyon : le maire Gérard Collomb, son adjointen charge de l'aménagement de la ville GillesBuna, celui à la culture Georges Képénékianet le maire divers droite du 2e arrondissementDenis Broliquier. Trois vice-présidents duGrand Lyon complètent la liste des élus : Jean-Michel Daclin, en charge de l'attractivité et durayonnement de l'agglomération, DavidKirnelfeld, chargé du développement écono-mique et celui de l'urbanisme commercial,

Jean-Pierre Calvel. Sept personnalités des HCLsont également présentes : le directeur PaulCastel, le secrétaire général Alain Collombet ainsi que le directeur des affaires techniquesBruno Cazabat. Mais aussi la directrice des affaires juridiques Catherine Weber Seban, lesprofesseurs Clarisse, Gilly et Barth respectivement président de la comisson médicale d’é-tablissement, du comité de coordination des études médicales et de la commission des domai-nes.

STEPHANE DAMIAN-TISSOT

Comité dévoilé

Vivement qu'un projet accouche !

La restructuration de l’Hôtel-Dieu touche tous les ser-vices. L'École de sages-femmes de l'hôpital, unique à Lyon,devra aussi déménager. Pourtant, ni la direction de l'éco-

le, ni les HCL, ni la ville n'ont encore planché sur ce dossier. Seulecertitude : la promotion 2009-2010 aura été la dernière à faire sarentrée des classes au 1, place de l'Hôpital.

LIONEL BERTHOLET

LES INDISCRE TS

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AUTHENTIQUE À Lyon en 1657,l’artiste signe comme parrain d’unenfant de comédiens.

1657, Molière est de pas-sage à Lyon. Celui que l'onsurnommera plus tard « lepatron des Comédiens fran-çais » donne une repré-sentation avec sa troupepour les pauvres de l'Hôtel-Dieu et de la Charité. Le24 décembre de la mêmeannée, il s'engage commeparrain de l’enfant d’uncouple de comédiens etsigne de son vrai nom : Jean-Baptiste Poquelin. Ce n'est pas sa seule visitedans la ville Lumière. De1652 à 1658, Molière testeles premières versions deses pièces de théâtredevant le public lyonnais.

ROMAIN DESGRAND

FLOU Inaugurée en 1630, l’École de sages-femmes ne sait toujours pas quels locauxelle occupera en 2011.

Médecinmalgré lui

OPPOSITION Denis Broliquier, le moutonnoir du comité de pilotage.

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Le centre IVG (interruptionvolontaire de grossesse) ne serapas éparpillé. C'est ce qu'a

finalement décidé la direction desHCL. Contrairement à ce qui étaitprévu, le deuxième plus gros cen-tre d'orthogénie de France seraintégralement transféré à l'hôpitalEdouard-Herriot. Et c'est en gran-de partie grâce à la mobilisationdes membres du collectif de défen-se de l'IVG qui regroupe des pro-fessionnels mais aussi des associations. Né en mai dernier, il n'a cesséde se mobiliser contre l'éclatement de ce centre. Plus de 2 000 IVG y sontréalisées chaque année.

TONY FONTENEAU

N 'en déplaise à Gérard Collomb, la chapelle de l'Hôtel-Dieu devrait bien-tôt se refaire une beauté. Début 2010, les vitraux seront entièrement réno-vés grâce à la donation faite par GDF Suez, généreux mécène du moment.

Il y a cinq mois, le maire de Lyon avait, lui, refusé d'être le sauveur de la chapelle.Il avait appelé à voter contre une subvention de 500 000 euros destinée à la res-tauration du bâtiment datant du XVIIe siècle.Bizarre quand on sait que la restauration du site est un de ses chevaux de bataille.Mais Gérard Collomb préfère sauver des emplois. « Si j’ai refusé de faire votercette aide, c’est pour préserver 200 postes aux HCL», avait-il déclaré. Pour DenisBroliquier, si le vote a eu lieu à ce moment là, c'est qu'il y avait urgence : « Cettesubvention était liée au plan de relance du gouvernement. Il fallait donc que la déci-sion soit prise rapidement, avant la fin de l'année. Il y avait également urgence ducôté de l'étanchéité des gouttières et de la mise en conformité électrique ». Autantde travaux qui n'ont toujours pas été réalisés.

TONY FONTENEAU

MYSTÈRE Le célèbre « prophète »Nostradamus aurait exercé dansl’hôpital mythique.

Lyon, capitalede l'étrange D'après nos informations,des réunions ésotériquesauraient lieu tous les pre-miers mercredi soir du moisdans l'Hôtel-Dieu. Problème, ces rencontressemblent totalementopaques. Ni la direction del'hôpital, ni les employésde la sécurité du bâtiment,ni le personnel (médecinset infirmières interrogés)présents sur place ne sontau courant. À l'heure où nous écrivonsces lignes, les personnesqui se rendraient à ces réu-nions refusent toujours decommuniquer sur le sujet.Mais est-ce si étonnantd'entendre parler d'ésoté-risme à Lyon et plus parti-culièrement à l'Hôtel-Dieu ? Rappelons qu'au XVIe siè-cle, Michel de Nostredamealias Nostradamus, lefameux « prophète » de laRenaissance, exerçait dansle mythique hôpital. Plusrécemment, au XIXe,Anthelme Nizier Philippe,dit Maître Philippe, un gué-risseur réputé, s'était inscritcomme officier de santé àl'Hôtel Dieu. Ce passé occulte ou éso-térique perpétré jusqu'au-jourd'hui résistera-t-il auprojet de Collomb ? Seull'avenir nous le dira.

VICTOR GARCIA

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Querelle de clochers

TRANSFERT Le centre IVG s’exportera à l’HôpitalEdouard Herriot en 2010.

La victoire du collectif

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MÉCÉNAT Début 2010, les vitraux seront rénovés grâce à GDF Suez.

L’EXPERT

HHôôtteell-DDiieeuu LLaa mmeessssee

C'est une petite révolution au cœurde la cité lyonnaise. Installé faceau Rhône depuis 900 ans, l'hôpi-tal dans lequel François Rabelaisexerçait, s'apprête à fermer sesportes. À la place, un ensemblecommercial gravitant autour d'unhôtel cinq étoiles devrait investirles l ieux. Mais rien n'es t sûr.L'opérateur reste à trouver et lechoix du comité fait polémique.Plusieurs personnalités du mondede la santé souhaitent préserverl'âme de « l'hôpital des pauvres ».

DOSSIER RÉALISÉ PAR VICTOR GARCIA, STEPHANE DAMIAN-TISSOT,WILLY PIERRE, STEPHANIE PERRIN, ROMAIN ROUSSEAU ET ROMAIN

DESGRAND.

Cour d'honneur del'Hôtel-Dieu, 11 h 30.Le soleil généreux denovembre redore lesmurs de l ' imposante

bâtisse, noircis par le temps. Aucentre, posé sur un socle entre deuxarbres, domine un crucifix.

Autour de la cour, les noms desbienfaiteurs gravés dans la pierre rap-pellent que « l'hôpital des indi-gents » s'est bâti au gré des dons deshabitants et martèlent l'attachementdes Lyonnais à ce bâtiment. C'estd'ailleurs entre ces murs, à deuxpas de la place Bellecour, que des

mil l iers d 'entre eux sont nés .Aujourd'hui, seuls les rares passa-ges des médecins et infirmiers vien-nent perturber le calme religieux,témoin d'une activité hospitalièreréduite.

Il faut dire que la reconversion del'Hôtel-Dieu est déjà enclenchée.Depuis avril, l'établissement n'ac-cueille plus les accouchements et tousles services devraient avoir quittéles lieux fin 2010.

La raison ? Les f inances desHospices civils de Lyon (HCL),propriétaire des lieux, s'effondrentdepuis 2003. Pour redresser la barre,

les HCL ont opté pour le regroupe-ment des activités et la fermeture del'Hôtel-Dieu.

Des opposants au projet de prestige

Reste alors la question de l'aména-gement. Gérard Collomb, premiermagistrat de la capitale des Gaules,endosse de facto le poste de prési-dent du conseil d'administration desHCL. Il chapeaute également lecomité de pilotage chargé du réamé-nagement de l'Hôtel-Dieu. Durantla course pour la mairie de Lyonen 2008, le candidat Collomb pro-

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DÉLABRÉ Les murs de l’imposante bâtisse sont noircis par lessiècles et le manque d’entretien.

posait notamment d'installer dans leplus ancien hôpital de la ville un hôtelde luxe, basé sur un investissementpublic et privé. Aujourd'hui, c'est sonprojet que le comité de pilotage aretenu. À quelques exceptions près.Désormais, aucun investissementpublic ne figure au programme. Laréhabilitation des lieux, dont unepartie est classée monument histo-r ique, se révèle onéreuse(120 millions d'euros).

Finalement, les HCL céderont latotalité du bâtiment à un seul opé-rateur chargé de transformer le site,entre autres, en un hôtel cinq étoi-

les de 150 chambres et en com-merces de luxe. Un opérateur qu'ilfaut encore trouver. En parallèle,plusieurs personnalités du mondede la santé se dressent contre ceprojet de prestige et les associa-tions de prévention de l'Hôtel-Dieu(A.I .D.E.S. Alcool , ABCDiététique …) s'interrogent sur leuravenir.

Cet été, une pétition en ligne pourla création d'un centre de promotionde la santé a été lancée. Un appelqui a créé la surprise en recueillantrapidement mille signatures. Suffisantpour que les initiateurs continuent

de croire en leur cause. Ils imagi-nent, entre autres, une maison médi-cale de garde, une maison des ado-lescents, une mutualisation desservices de santé.

Les investissements restent à défi-nir mais certains soutiens finan-ciers se sont déjà manifestés.

En attendant, l’avenir de l’Hôtel-Dieu reste incertain...

ROMAIN DESGRAND

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PROJECTION À gauche,une vision de l’Hôtel-Dieu selon le projet rete-nu par le comité de pilo-tage. Plusieurs entréesdevraient être percées,notamment en direc-tion des quais du Rhôneet de la rue de la Barre.Le but ? Ouvrir le bâti-ment à la population.En bas, le détail de lacomposition du proba-ble futur bâtiment. La reconversion du site devrait coûter120 millions d’euros.

DIAPORAMA DE L’HÔTEL DIEU

SUR >WWW.KESKISCPASS.COM

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Le débat sur l'ave-nir du bâtiment adébuté pendant lacampagne muni-cipale de mars2008, qui oppo-sai t Dominique

Perben et Gérard Collomb. Mais toutcommence le 26 janvier 2009. LesHospices civils de Lyon (HCL)décident de quitter l 'hôpital del'Hôtel-Dieu, une structure tropancienne et surtout beaucoup tropcoûteuse. Au même moment, uncomité de pilotage est chargé dedéfinir un projet de reconversion. Lors de la première réunion enavril, « Gérard Collomb a présen-

té une étude pour nous prouverpar « A + B » que la SERL* étaitla mieux placée pour nous aider »,affirme Denis Broliquier, mairedu 2e arrondissement. Ce sera laseule grande décision prise durantcette rencontre. Selon l'architecteconseil du projet mandaté par laSERL, Bruno Dumetier, l'objectifest double : trouver un moyen definancer l'entretien et la recon-version des 35 000 m² du site, maisaussi tendre vers un projet qui« participera au rayonnement inter-national de la ville ». Cinq mois plustard, le comité se réunit à nou-veau. Et en à peine une heure, troisprojets sont retenus : trois hôtels.Un de 70 chambres, un de 120 etun de 150. Au final, c'est le pro-jet le plus ambitieux, mais surtout« le seul viable », selon l'archi-

tecte, qui est choisi : l'hôtel de150 chambres, si possible de trèsgrand luxe. C'est aussi le seul pro-jet qui permet à l'hôtel d'avoir uneentrée principale à la place de celledu Palais Soufflot (sous le dômede l'Hôtel-Dieu), l'option la plusprestigieuse. Après « d'intenses »heures de réflexion et de délibé-ration, le choix du comité cor-respond finalement bien au projetinitial de Collomb, celui défenduil y a plus d'un an, pendant sa cam-pagne municipale. Heureux hasard.

Un hôtel, un hôtel ouun hôtel ?

Pourtant, le choix s'est aussi faitpar « manque de mobilisation d'au-tres acteurs lyonnais », regretteBruno Dumetier, estimant que « M.Collomb et son équipe auraientadoré qu'il y ait d'autres proposi-tions sérieuses ». Comprenons« d'autres solutions financées oufinançables ». Pourtant, difficilede savoir si un appel leur été lancé.Autre problème, le prix. Environ120 millions d'euros pour la recon-version et la rénovation du site.Et la mairie n'a aucune envie ni,selon le maire, aucun moyen d'in-vestir dans un quelconque projetpublic ici. Évidemment, le bâti-ment étant classé, impossible de leraser et de revendre le terrain àprix d'or.

Le futur hôtel de luxe occupe-rait un tiers de l'espace total. Unautre tiers serait accordé à desactivités commerciales : des gale-ries de design sous les arches et desrestaurants donnant sur les coursintérieures. Le dernier serait attri-bué à des « activités tertiaires »(bureaux pour des banques, assu-rances, cabinets d'avocats, un cen-tre de remise en forme ou encoreun centre de séminaire), et pour-quoi pas d'autres projets (voir

pages 16-17). Car Bruno Dumetierl'assure : « Toute personne qui peutinvestir pour installer un pro-gramme intéressant est bienve-nue ». Plusieurs entrées devraientêtre percées et de nouveaux pas-sages traversant le site devraientêtre tracées, pour ouvrir le bâtimentaux Lyonnais, notamment en direc-tion de la rue de la Barre et des quaisdu Rhône.

Malgré tout l'enthousiasme del'architecte conseil, quelques dou-tes subsistent sur la réalisation duprojet dans un calendrier si restreint(voir ci-dessus). La stagnation deschant iers de Debrousse et del'Antiquaille est là pour le prouver.

VICTOR GARCIA

*La Société d'équipement du Rhône etde Lyon est une société

d'économie mixte.

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25 septembre 2009Validation du programmepar le comité de pilo-tage18 décembre 2009Remise des candidaturesFévrier 2010 Choix descandidatsJuillet 2010 Choix du pro-jet après avis du comitéde pilotage1er trimestre 2011 Dépôtdes demandes d’autori-sations administratives2012 Démarrage des travauxFin 2014 Achèvementdes travaux

EN DEUX PETITES RÉUNIONS,

TROIS PROJETS

SONT RETENUS : UN HÔTEL

DE 70 CHAMBRES, UN DE 120

ET UN DE 150.

QU’EST-CE QU’UN ARCHITECTE CONSEIL ?

SUR >WWW.KESKISCPASS.COM

Des activités commerciales, un secteur tertiaire et surtout un hôtel de luxe. C’estce qui devrait remplacer l’hôpital de l’Hôtel-Dieu. Même si le projet a été votépar le comité, plusieurs incertitudes planent encore sur sa réalisation.

Un hôtel sans Dieu

Au programme

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(L’AVENIR DE L’HOTEL DIEU)

«Gérard Collomb a choisid'être en première ligne,comme toujours sur les

grands projets lyonnais ». C'est par cesmots que Denis Broliquier, maire diversdroite du 2e arrondissement de Lyon, décritla méthode Collomb. Membre du comi-té de pilotage et du conseil d'adminis-tration des Hospices civils de Lyon(HCL), il dénonce l'omniprésence du pre-mier magistrat de la ville sur ce dossier.Selon lui, lors de la désignation desquatorze membres du comité, le mairede Lyon a proposé une première version« faisant la part belle aux collectivitéslocales qui étaient majoritaires. Mais uneréaction assez vive du conseil d'admi-nistration a rappelé à Gérard Collombque ce bâtiment leur appartenait et queson avenir était bien décidé par lesHCL. » Le sénateur-maire a donc révi-sé sa copie et instauré une parité entremembres des Hospices Civils et col-lectivités locales. Mais dans les faits, celan'a rien changé puisque aucun memb-re des HCL n'a émis de critique oucontesté ses choix. Etienne Tissot, ex-

président de la commission médicale d'é-tablissement et membre du comité lorsde la première réunion a d'ailleurs affir-mé que « c'est aux collectivités territo-riales et à l'État de voir ensemble quel-le est la meilleure solution pourl'Hôtel-Dieu. À ce moment là ce n'estmême plus le problème des Hospicescivils ». Beaucoup de bruit pour pasgrand chose en fin de compte.

« Absence de concertationet d’appel à idées »

Arrivé avec « beaucoup d'idées » lorsde la deuxième réunion du comité, DenisBroliquier en est ressorti déçu : « Le pro-jet était déjà ficelé et en 55 minutes ona décidé de l'avenir de l'Hôtel-Dieu(voir page précédente) ». Le résultat dela pseudo-consultation est sans appel :le grand hôtel, obtient 15 voix sur 16.Le seul à voter non n'est autre que… DenisBroliquier. Et encore, l'élu local avouene pas être opposé à la fermeture de l'ac-tivité hospitalière, ni même à l'implan-tation d'un hôtel, de bureaux ou enco-re de commerces.

Il dénonce « l'absence de concerta-tion et d'appel à idées. Je pense queLyon a d'autres besoins comme unesalle culturelle ou encore des mètrescarrés supplémentaires pour l'univer-sité Lyon I ».

En guise de réponse de la part dumaire, le seul élu d'opposition présentobtient un « si vous avez votre ché-quier M. Broliquier, sortez-le et signezmoi un chèque de 120 millions d'euros(le coût de la rénovation du bâtiment,ndlr.). » Notons toutefois que deux moisaprès cette dernière réunion, le maire(DVD) n'a pas formalisé de projet, nimême tenté de mobiliser une oppositionplus importante.

Gérard Collomb mène donc le projet,il consulte, peut-être, mais décide seul.La preuve : la mairie de Lyon nousassure que « le maire est le seul habili-té à répondre aux questions sur la recon-version de l'Hôtel-Dieu. » À se deman-der à quoi servent les autres élus ausein du comité de pilotage.

STÉPHANE DAMIAN-TISSOT

OMNIPRÉSENCE Le sénateur-maire de Lyon a pris les choses en main sur le dossier de l’Hôtel-Dieu.

Gérard Collomb aux commandes

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Réunion vite traitée, choixdeprojets restreintet manquedeconcertation. La métho-de Collomb pour la restauration de l'Hôtel-Dieu fait débat.

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Si les fonds s'avéraientdès le départ difficiles àréunir, rassembler lamatière grise pour réflé-chir à un autre projet de

réhabilitation pour l'Hôtel-Dieun'avait rien d'impossible pour Jean-François Vallette, Bruno MarieDuffé et Gérard Clavairoly. Lepremier se demandait ce qu'allaitdevenir son association A.I.D.E.S.Alcool qui loge dans l'édifice. Ledeuxième, en tant qu'aumônier,s'interrogeait sur l'aspect symbo-lique et patrimonial de ce bâti-ment et sur son devenir. Enfin, ledernier, en tant que journalistespécialiste de la santé, suivaitdepuis très longtemps cette « affai-re » de près. Suite au texte mis enligne sur Internet sous forme de péti-tion le 27 juillet dernier, bien qu'enplein été, ils reçoivent du soutienet près de mille signatures. Suffisantpour continuer de croire en leurcause commune : imaginer un ave-nir différent pour l'Hôtel-Dieu afinde prolonger la tradition d'huma-nisme social dont il est l'emblèmepour la ville.

Les investisseurs restent à définir

Leur objectif : faciliter l'accès à lapromotion de la santé pour leshabitants de Rhône-Alpes en rap-prochant des acteurs de préven-tion et d'éducation pour la santé avecdes chercheurs en sciences socia-les et en santé publique. Ils don-naient ainsi naissance à une tête deréseau régional, d'ambition euro-péenne avec, entre autres, « une mai-son médicale de garde, une maisondes adolescents, une mutualisa-tion des services de santé aujour-d'hui éclatés aux quatre coins dela ville et de la région, et un ras-semblement d'associations à voca-tion humanitaire et sanitaire »,explique Gérard Clavairoly. Lesinvestisseurs pour ce projet res-

tent à définir, mais le journalistesouligne que « le projet reçoit déjàle soutien du conseil régional et dela Mutualité française du Rhône,qui a un grand poids financier. » D'autres investisseurs potentielstels que Habitat et Humanisme,pourraient aussi les rejoindre. Deleur côté, René Mornex, qui sou-haitait rassembler les cinq muséesde la santé de Lyon au sein del'Hôtel-Dieu, et Régis Neyret, jour-naliste retraité et grand défenseurdu patrimoine lyonnais, ont réflé-chi ensemble à un projet culturel.Ils se sont ensuite tous réunis pourtenter de faire converger leursambitions. Tout en soutenant que« dans le monde actuel, pour gar-der une visibilité internationale,

une ville a besoin d'un emblèmefort », comme l 'exprime RégisNeyret. Ce dernier estime aussique « bien qu'il y ait un savoir-faireénorme en terme de santé à Lyon,nous n'avons pas un bon faire-savoir ou faire-valoir ». Il est vrai que de nombreux pôlessont représentatifs d'une efficien-ce lyonnaise. Handicap Internationalsiège à Lyon et Médecins sansFrontières y a vu le jour. De même,pour les laboratoires Biomérieux,Sanofi Pasteur, Boiron, Merial, leCirc (Centre international de recher-che sur le cancer), ainsi que lepremier laboratoire national depolice judiciaire, le laboratoireP4, la plus ancienne école vétéri-naire et l'ESSA Bron, enfin, unique

Suite aux grands axesde rénovation f ixés parGérard Collomb des voixse sont élevées en signede protestation. Certaines ont même faitforce de propositions.

Pour que l’Hôtegarde la santé

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école de santé militaire en France.Autant d'institutions qui ont unrayonnement national voire mon-dial. « C'est donc la collectivité quidoit les rassembler pour que la villeprofite de cette image internatio-nale », argumente Régis Neyret.

Mais un tel projet est-il compati-ble avec le désir du sénateur-mairede Lyon ? Oui, selon Régis Neyret.

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(L’AVENIR DE L’HÔTEL DIEU)

el-Dieu

HUMANISME Depuis toujoursl’hôpital du centre ville sim-pose comme un emblème decharité. Exemple avec ce don-neur de sang.

I N T E R V I E W

TROIS QUESTIONS À ...

“Pour ce dernier, « un hôtel avec uncentre de séminaires mais aussi deslieux d'accueil pour des conféren-ciers é t rangers en vis i te pourquelques temps pourraient être unepartie intéressante du projet deGérard Collomb. Il en manque ter-riblement à Lyon », souligne-t-il. Les initiateurs du projet santé ontestimé à environ 20 000 m2 la sur-face nécessaire à la constructiond'un tel centre. Soit plus de la moi-tié de la surface disponible, chiffréeà 35 000 m2. Une surface beaucouptrop importante pour BrunoDumetier, l'architecte en charge del'étude de réhabilitation. Selon lui,seuls 10 000 m2 devraient être allouésà une telle « aile santé » dans la réno-vation de l'édifice. C'est à ce genre

de « contradict ions » que seraconfronté le cabinet de consultantsen charge de l'étude de faisabilité.Pour la financer, le groupe quidéfend ce projet devrait recevoirune subvention de 150 000 euros,que présentera Thierry Phillip devantle conseil régional pour qu'elle y soitvotée mi-décembre. L'étude com-mencerait alors en janvier pour seterminer en mars.

Le projet final devrait être pré-senté avant le début de l'été prochain,pour s'intégrer au calendrier dumaire de Lyon. Le comité de pilo-tage doit prendre sa décision fina-le courant juillet 2010.

WILLY PIERRE

Thierry Phillip, vice-président chargé de la Santé, dela Jeunesse et des Sports à la région Rhône-Alpes etmaire du 3e arrondissement de Lyon.

« L’Hôtel-Dieu, ce n’est pas que du business ! »Le choix de Gérard Collomb est-il adapté à la situation de l'Hôtel-Dieu ?> C'est une politique de santé gouvernementale inadaptée qui est à l'origi-ne du déficit des Hospices civils de Lyon. Gérard Collomb étant présidentdes HCL, il n'a eu d'autres solution que de fermer l'Hôtel-Dieu, en plus dequoi il risque de se voir enlever la taxe professionnelle ! Il n'a donc pas lechoix. Cependant, il veut rendre l'Hôtel-Dieu aux Lyonnais. Et cela n'estpossible que par le biais d'un opérateur privé pour le financer. Il a aussi sou-haité laisser la porte ouverte à toutes propositions citoyennes et à des pro-jets qui auront une dimension régionale voire internationale. D'un niveauélevé donc, à la hauteur de l'édifice.

Le projet de santé vous semble-t-il être à la hauteur ?> J'ai rencontré les pétitionnaires. Mais une pétition ne suffisait évidemmentpas, puisque tous devront défendre leur projet auprès de l'opérateur et passeulement auprès du maire. Cependant, cette initiative citoyenne est loua-ble, et je l'ai soutenue pour que ses auteurs puissent recevoir un finance-ment pour l'étude de faisabilité. En ce qui concerne les fonds européens, ilssont très difficiles à obtenir, même avec de nombreux appuis politiques. Cesont des conseils scientifiques qui observent les projets et qui jugent de leurpertinence. Il faudra donc des projets véritablement solides. Et même lesassociations qui seront fédérées par un tel projet devront partager un bud-get et y participer. La balle est dans leur camp. Mais la Région a aussi sesprojets, et ils seront présentés durant la prochaine campagne.

La réhabilitation de l'Hôtel-Dieu n'est donc pas seulement une affairede capitaux ?> Non ! Une chose est sure, ce n'est pas que du business. L'Hôtel-Dieu estl'emblème du XXe siècle pour notre ville à travers Charles Mérieux, notam-ment. Et ce projet de réhabilitation pourrait devenir l'emblème du XXIe siè-cle pour Lyon.

PROPOS RECUEILLIS PAR WILLY PIERRE

“ DANS LE MONDE ACTUEL,

POUR GARDER UNE VISIBILITÉ

INTERNATIONALE, UNE VILLE A

BESOIN D’UN EMBLÈME FORT ”

18 I 10 DECEMBRE 2009 I WWW.KESKISCPASS.COM

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Avec près d'une tren-taine d'associations,l’espace Préventionde l’Hôtel-Dieu oeu-vre dans différents

domaines de santé publ ique.Notamment l'alimentation, la ma-ladie et l'addictologie. La requa-lification du bâtiment comprometl'avenir des associations qui doi-vent préparer ce changement desituation. « Même si le projet rete-nu prévoit de la place pour lesassociations, il faudra au moinsdeux ans de travaux pour la miseaux normes du bâtiment actuel,donc nous devrons forcément êtredélocalisés », explique Sébastien Goudin,chargé de projet de l'associationABC Diététique.

Du côté de la mairie, on assure quela délocalisation des associationsse fera en centre-ville pour pouvoirassurer le suivi de leurs activitésde prévention.« On est frileux faceà ce changement car on ignore siles financeurs vont nous suivre.Jusqu'à présent, les Hospices civilsde Lyon nous prêtaient gracieu-sement les locaux. Nous n'avionsqu'à assumer les charges », se déso-le Isabelle Darnis, coordinatricede ABC Diététique. « En plus, si

les HCL rouvrent nos locaux sur lesite de l'Hôtel-Dieu, on devra payerun loyer » , précise SébastienGoudin.Une situation précaire tantsur le plan financier que sur l'exer-cice de leurs actions. L'Hôtel-Dieujouit d'une situation idéale à Lyon.Les transports en commun sont à

proximité. La concentration desorganismes de prévention au mêmeendroit garantit l'anonymat. Jean-François Vallette, directeur deA.I .D.E.S. Alcool es t catégo-rique : « C'est clair qu'il y auraitdes pertes de fréquentations si onétait amené à devoir déménager ».

Pour un pôle de soinsambulatoires

Pas opposées à la construction d'unhôtel de luxe, les associations aspi-rent néanmoins à ce qu'une partiedes 35 000 m2 de terrain soit dédiéeà la santé : « On est un certainnombre de structures à revendi-quer la création d'un pôle fort desoins ambulatoires, ce qu'on appel-le la promotion de la santé »,explique M. Vallette initiateur dela pétition (voir pages 16 et 17).Dans l'attente de propositions, dif-férentes associations se sont réu-nies pour monter un dossier expli-citant leurs besoins.

Pour Isabelle Darnis, « Selon laplace que les HCL nous donne-ront, ce sera comme acter la placequ'ils donnent à la prévention ».

STÉPHANIE PERRIN

SOSAssociations cherchent logementEn parallèle de son savoir-faire médical, l’Hôtel-Dieu dispose d'un cen-tre associatif qui doit aussi faire face à la reconversion du bâtiment.

INCERTITUDE La trentaine d’associations de prévention ont été reçues par leconseil d’administration pour faire connaître leurs besoins.

Réunis en mars dernier, les membres du conseil de quartierBellecour-Cordeliers posaient une bonne question : « Notrequartier doit-il devenir une vitrine pour les touristes ou bien res-ter un quartier à vivre ? ». Le groupe a élaboré un canevas deses souhaits concernant le projet, avec, en tête de propos, lavolonté de garder une antenne médicale d’urgence. L’idée avan-cée est plutôt de voir conservée et restaurée la partie patrimoniale,avec une ouverture au public et la création d’une zone cultu-relle et d’espaces verts. Les voisins de l’Hôtel-Dieu souhaitent aussiun aménagement de la rue Bellecordière avec une ouverturede la cour arrière après démolition des constructions médica-les récentes. Le comité de quartier estime également néces-saire l’installation d’espaces d’accueil sociaux, comme unecrèche, une salle pour les personnes âgées et les jeunes en dif-ficulté, un dispensaire ou encore un bureau de police munici-pale. Les membres du comité aimeraient enfin voir des com-merces alimentaires, rejetant catégoriquement l’idée decommerces de luxe supplémentaires. ROMAIN ROUSSEAU

Les riverains attachés à leur quartier « humain »

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(L’AVENIR DE L’HÔTEL DIEU)

« Les Lyonnais sont attachés à ce lieu »

Il connait l’Hôtel-Dieu mieux que lefond de sa poche.Ses allées voûtées,ses couloirs et ses

cours, ce professeur demédecine les parcourtdepuis cinquante ans.Alors jeune interne pré-parant le concours demédecine, il se souvient :« Étant jeune, on passaitdes nuits et des nuits ici ».Issu de la promo 1955,l’homme ne cache pas satristesse de voir le sitedémédicalisé. Comme siun coup de balai allaitêtre donné sur 200 ansd’altruisme, de solidari-té et de don de soi.

Aujourd’hui, l’internatde l ’Hôtel-Dieu danslequel l'ancien étudianta fait ses classes n’exis-te plus. « C’est déjà un peud’histoire qui est partie »,confie l’ancien chef deservice. Avant, l’hôpitalbouillonnait d’idées etles espr i ts des futursmédecins s’échauffaient.Il fut un temps où l’Hôtel-Dieu de Lyon était syno-nyme d’avancées médi-cales. « Même au tempsde Louis XV, l’Hôtel-Dieu

était en avance sur sontemps, explique l'hom-me. Le roi disait qu’il fal-lait se soigner à Lyon carc’était là que se trouvaitla structure la plus gran-de de France, bien avantParis ou Toulouse ».Chaque recoin du bâti-ment regorge d’anecdotesqui ont, au fil des ans,forgé sa réputation. C’està l’Hôtel-Dieu que l’onrécupérait les gens ago-nisants ou les enfantsabandonnés pour les soi-gner et les cacher pourfaire bonne figure devantles bourgeois et les com-

merçants. Le professeurrappelle que ceci fut àl’origine d’une des gran-des prouesses techniquesde l’hôpital. « Il fallaitchaque jour développerl’hygiène et chasser lesodeurs et les miasmes.C’est ainsi qu’ont étéconstruits les grands aspi-rateurs en forme dedômes, notamment dansla cour de l ’arbre ».L'ancien chef de servicen’est pas étonné de lavaleur sentimentale quereprésente ce site pourles Lyonnais. « Ils sontattachés à ce lieu en tant

que souvenir médical. »Doit-on rappeler quel’Hôtel-Dieu – et sa cha-pelle – est l’un des monu-ments les plus visités lorsdes journées du patri-moine ? Plus de 4 000personnes se déplacentchaque année pour décou-vrir ces murs remplisd’Histoire. L’Hôtel-Dieu,ce sont 5 000 accouche-ments par an depuissoixante ans, des centai-nes de noms sur les stè-les commémoratives deguerre , mais aussi unfonds de livres de méde-cine vieux de deux à troissiècles. Pourquoi tirer untrait sur cette Histoire ?Comment oubl ier cessœurs hospitalières quiont fait marcher l'hôpi-tal pendant cinq siècles ouplus ? Difficile d’accep-ter le sort que risque delui réserver l’avenir. « Jene suis pas contre l’idéed’un hôtel, reconnaît l’an-cien cardiologue. Ce quime chagrine, c’est l’idéede voir les limousinesremplacer les corbillardsde nos ancêtres ».

ROMAIN ROUSSEAU

MÉMOIRE Les cours abritent des centaines de stèles commé-moratives de guerre.

AVANCÉE SCIENTIFIQUE L’Hôtel-Dieu a vu naître le premier laboratoire bactériologique de France.

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POLITIQUE

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Une chose est sûre,Gérard Collomb(PS) et Dominique

Perben (UMP) n'avaientpas la même idée de futurpour l'Hôtel-Dieu. Toutau long de la campagnemunicipale de 2008, lesdeux candidats à la mai-rie de Lyon ont rivaliséde propositions antipo-diques. Sur la forme déjà.Au projet du maire sortant,

détaillé dans un documentde 211 pages, le candidatUMP oppose un 16 pagessobrement intitulé Ce queje propose. Et ce qu'il pro-pose est à l'opposé du pro-jet d'hôtel cinq étoiles.

Dès septembre 2007,Dominique Perben se placeen défenseur de la tradi-tion de l'Hôtel-Dieu. Ilsuggère de conforter savocation initiale en créantdes structures tournéesvers l'enfance et l'adoles-cence ainsi que des ser-vices médicaux de proxi-

mité . Afin de faire del'Hôtel-Dieu une vitrinedes pôles d 'excellencelyonnais, l'ancien minis-tre propose également decréer un centre d'accueilà destination des cher-cheurs. On note aussi savolonté de désenclaver lesite en créant notammentune liaison piétonne entrele Rhône et la rueBellecordière.

Piscine, spa etboutiques de luxeGérard Collomb souhaite,lui aussi, mettre l'accentsur le prestige et le rayon-nement de la ville, maisd'une autre manière. Enjanvier 2008, il promet de« rendre l'Hôtel-Dieu auxLyonnais » en implantantun hôtel de standing avec

piscine, spa et boutiquesde luxe. La façade devraitêtre valorisée et le granddôme devrait devenir unegrande salle de réception.Sans compter que mêmesur la durée des travaux,les deux hommes n'étaientpas sur la même longueurd'onde. Là où DominiquePerben prévoyait une réno-vat ion en quinze ans,Gérard Collomb espèreque son projet verra lejour fin 2011.

ROMAIN ROUSSEAU

Retour sur le bras defer Perben/CollombL'avenir de l'Hôtel-Dieu a été un thèmecentral de la campa-gne municipale de2008. Une pommedediscorde entre lesdeux principauxadversaires sur dif-férents points.

Février 2008, la campagne pour les élections muni-cipales bat son plein. Deux candidats. À gauche,Gérard Collomb. À droite, Dominique Perben. À

moins que ce soit l’inverse…Le premier est le maire sortant de Lyon. Droit dans

ses bottes, il brandit fièrement son idée d’hôtel de luxecomme un trophée. Pourquoi fièrement ? Parce qu’il veut« rendre l’Hôtel-Dieu aux Lyonnais ». Le problème, c’estque ce sont surtout des touristes étrangers fortunés quiconnaîtront les joies de la suite royale dans un hôtel cinqétoiles. Au final, la probabilité est élevée de voir ce bâti-ment public, dédié depuis plus de deux siècles auxmalades et aux gens dans le besoin, devenir un bâtimentprivé, réservé aux gens heu-reux et en bonne santé. Doit-on rappeler que GérardCollomb est membre duParti socialiste ? On a beaucrier au scandale, force estde constater que la frontiè-re entre gauche et droites’estompe.

Le second, adversaire dupremier aux élections muni-cipales de 2008, lui, ne lor-gne plus sur la mairie deLyon. Et pourtant, depuis sadéfaite, Dominique Perbenn'a qu'un seul cheval debataille au niveau local :s'élever contre le projet d'hôtel de luxe. En juillet der-nier il déclarait : « L'Hôtel-Dieu, c'est l'histoire de laville, de ceux qui ont donné l'argent pour le construire,des médecins qui y ont exercé, c'est le patrimoine deLyon. Il est impossible qu'une municipalité, sous pré-texte qu'elle a un mandat de 6 ans, tourne le dos à 1 000ans d'histoire. Aucune équipe municipale n'a le droit defaire ça. C'est comme si l'État vendait le Louvre ».Cinglant et violent, il ajoutait crescendo : « On ne peutpas être inculte à ce point-là ». Aussi paradoxal que celapuisse paraître, c’est le candidat de l’UMP qui défen-dait un projet social et médical, dans la continuité deson histoire (lire ci-contre). C’est la droite qui repro-che à la gauche d’avoir un projet de droite, c’est l’hô-pital qui se fout de la charité, c’est le camembert quidit au roquefort : « Tu pues ».

De là à dire, comme Anne Roumanoff, que la gauche-caviar à le même goût que la droite-cassoulet, il n’y aqu’un pas.

ROMAIN ROUSSEAU

À l’envers, à l’endroit

DÉFAITE En 2008, Dominique Perben est déchu dès le premier tour de la municipale.

On a beaucrier au

scandale,force est de

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entre gaucheet droite

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Crise oblige, la fré-quentat ion deshôtels quatre étoi-

les à Lyon est en net replicette année. Moins 6 %entre janvier et septemb-re 2009. C'est en parfaitdésaccord avec ces chiff-res que Gérard Collomb,sénateur-maire de Lyonentend pourtant réhabili-ter l'Hôtel-Dieu en un hôtelcinq étoiles. Ceci dit, lacapitale des Gaules s'ensort mieux que la plupartdes grandes métropolesfrançaises ( -12 % àMarseille, -15 % à Lille, -27% à Toulouse*). Et cesrésultats s'expliquent parune offre tout à fait adap-tée à la demande des tou-ristes. « Lyon dispose d'unparc hôtelier extrêmementbien dimensionné, expliqueDamien Combet, présidentdu pôle Hôtel ler ie àl'UMIH **. Cependant, onest loin des 72-73 % detaux de remplissage, seuilcritique selon lequel l'ag-glomérat ion serai t enmanque de lits. Donc mêmesi la requalification du lieuest incontournable, je medemande si un hôtel deluxe sur le site de l'Hôtel-Dieu répondrait réellementà la demande ».

Face à la crise, les qua-tre étoiles connaissent unebaisse de fréquentationnotable de leurs établis-sements. En 2008, l'occu-pation des hôtels du GrandLyon flirtait à peine avec

les 66 %. Un résultat satis-faisant supérieur de qua-tre points par rapport à lamoyenne nationale. Mais2007 et 2008 ont été detrès bonnes années pourle secteur. Ce qui n'estpas le cas en 2009.L'éclosion d'un projet hôte-lier haut de gamme en pleincœur de la ville soulèvedes interrogations pour lesprofessionnels du métier.« L'UMIH n'est opposéeà aucun projet de ce type,poursuit M. Combet. Maisle tissu économique de laville n'est à mon avis pasassez solide pour accueillirun hôtel cinq étoiles à cetendroit. Pas plus qu'ungros porteur, un hôtel deplus de 300 chambres sou-haité par les organisateursde gros congrès ».

« Un hôtel ne faitpas la renommée

d'une ville »Pour Gérard Collomb, cethôtel de standing serait unplus pour la ville. Un atoutsupplémentaire qui contri-buerait davantage au rayon-nement de Lyon à l'inter-national. Mais là encore,M. Combet émet des dou-tes : « Un hôtel ne fait pasà lui seul la renomméed'une vil le à travers lemonde. Le projet d'un cinqétoiles dans les murs del'Hôtel-Dieu est de quali-té. L'environnement estsuperbe. Et les touristesapprécieraient de se retrou-

ver dans un lieu histo-rique au patrimoine aussiintéressant. Un Sheraton ouun Marriott pourraient atti-rer une clientèle nouvelleet créer un pôle d'attrac-tivité plus fort autour de laplace Bel lecour.Cependant, je pense sin-cèrement que l'offre estsuffisante à Lyon. Et jedoute vraiment qu'au vudes chiffres, un investis-seur de cette envergureose faire le pari d'un secondcinq étoiles situé à quelquescentaines de mètres duSofitel ».

Et le scepticisme s'ac-centue lorsqu'on évoqueles autres projets similai-res discutés entre la villeet les Hospices civils deLyon. Car outre cet hôpi-tal quai Jules-Courmont, lesanciens locaux deDebrousse et del'Antiquaille sont égale-

ment promis à une recon-version en hôtels trois etquatre étoiles (voir p.27).

« Personnellement, je necrois pas que tous aientune fin favorable, conclutDamien Combet. Et heu-reusement car dans le casinverse, Lyon disposeraitd'un parc hôtelier surdi-mensionné. L'offre ne seraitalors plus du tout adaptéeà la demande ».

LIONEL BERTHOLET

*Source INSEE, chiffres don-nés au syndicat de l'UMIH

** UMIH : Union des Métierset des Industries de l'Hôtellerie.Divisée en 3 pôles : Bar-Brasseries, Café et Industriesde la nuit, Hôtellerie

H Ô T E L L E R I E

ÉCONOMIE

WWW.KESKISCPASS.COM I 10 DECEMBRE 2009 I 21

Un cinq étoiles à l'Hôtel-Dieu : « Un projet de qualité pasforcément nécessaire »

LUXE À quelques centaines de mètres de l’Hôtel-Dieu, l’hôtel Sofitelarbore déjà cinq étoiles.

Ériger un hôtel de luxe sans dénaturer l'édifice. Telle est l'ambition de Gérard Collomb ausujet de la réhabilitation de l'Hôtel-Dieu. Un projet que l'élu lyonnais aimerait voir sur piedd'ici 2012. Mais dans un contexte économique difficile pour l'hôtellerie de luxe, beaucoup sedemandent si ce choix est judicieux.

INTERVIEW EN INTÉGRALITÉ

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C'est grave docteur ? Plutôtoui. Avec une dette qui a étémultipliée par neuf en seu-

lement six ans (elle est passée de 109à 920 millions d'euros), la situa-tion économique des Hospices civilsde Lyon est catastrophique. Difficileà croire quand on sait qu'il y a moinsd'une décennie les HCL étaient répu-tés pour leur bonne santé financiè-re. Mais alors comment en est-on arri-vé là ? Les raisons sont nombreuses.

Pour la direction, elles sont avanttout structurelles. Pas évident desoigner une population qui ne cessede croître (elle devrait augmenter de3 % d’ici trois ans) avec le mêmepersonnel, tout cela sans augmen-ter les dépenses.

Dans le même temps, la technologieelle aussi évolue et forcément lesHCL se doivent de suivre le mou-vement. Conséquence, les dépensesde matériels ont explosé. Et cerisesur le gâteau, les Hospices sont enpleine restructuration immobilièreet patrimoniale. Au total, c'est prèsde 900 millions d'euros d'investis-sements qui sont prévus d'ici 2010(dont près de 150 millions rien quepour la materni té de la Croix-Rousse). Autant d'éléments à l’ori-gine du déficit actuel.Côté syndicat, ces arguments ontdu mal à passer. « On sait très bienque la direction nous agite le défi-cit pour pouvoir mettre en place

les solutions qu'elle souhaite, c'est-à-dire les réductions d'effectifs »,explique Gérard Brissot, adminis-trateur CGT.

L'élément qui a véritablement misà mal le budget des HCL, c'est l'ar-rivée de la T2A (tarification à l'ac-tivité). Remplaçant la dotation glo-bale (dotation calculée sur la basede l'exercice précédent modulé dutaux de croissance des dépenseshospitalières), ce mode de tarifi-cation n'est pas fixe et dépend avanttout du « travail » effectué. « Unebonne idée à la base », indique Jean-François Aillard, administrateurCFDT. « C'était un moyen d'inciterles chefs de services à faire atten-tion à leurs dépenses. Cela per-mettait aussi d'éviter les tout-puis-sants qui ne rendaient de compte àpersonne. Et le fait que le budget soitlié à l'activité, c'était plutôt unebonne chose ».

« Un systèmede santé à fric »

Mais la T2A a de nombreux effets« pervers ». Pour Gérard Brissot,« cette tarification ne prend pas encompte l'accompagnement. Car for-cément, si une personne de 80 ansvient pour une fracture du bras, onlui consacre plus de temps que pourun jeune de 20 ans. Et ces facteursne sont pas pris en compte ». Autreproblème, « la recherche et l'en-

seignement eux non plus ne sontpas intégrés dans la T2A » déplo-re Antonio Ramirez, délégué CFDT.Rappelons que les HCL sont uncentre hospitalier universitaire.Selon Françoise Leclet, avec laT2A, « les chefs de service font duchantage à l'activité, (...) un systè-me de santé à fric ».Pourtant, du côté de la direction etdu gouvernement, personne ne remeten cause la T2A. La seule solutiontrouvée pour mettre fin à ce défi-cit monumental, c'est le projet d'é-tablissement 2009-2013. Censéramener l'équilibre budgétaire d'iciquatre ans, il ne plait pas à tout lemonde. Mis en place afin de « répondre auxdéfis démographiques, sociaux ettechnologiques », ce projet a dumal à passer auprès des syndicats.« Ce plan va dans le sens des sup-pressions d 'emplois », dénonceGérard Brissot de la CGT. À laCFDT, l'avis est moins tranché :« C'est difficile de dire si ce projetsera bénéfique ou non pour lesHCL », avoue Antonio Ramirez.« On ne sait pas du tout commentil sera appliqué concrètement ».En attendant, le déficit 2009 devraitêtre des plus impressionnants, enco-re une fois.

TONY FONTENEAU

Les Hospices civils de Lyon sont, depuis longtemps déjà, dans une situation finan-cière compliquée. La direction espère toujours un retour à l'équilibre d'ici 2013.

220 000 patients fréquentent chaque année les urgences des HCL.

Avec 22 000 salariés, les HCL s’imposent comme lepremier employeur de Rhône-Alpes.

3 000 professionnels sont dans les instituts

Au bord du gouffreH

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INTERVIEW À RETROUVER

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Le budget annuel des Hospices civils de Lyon dépasseles 920 millions d’euros.

(Le départ des HCL)

La santé quitte l’Hôtel-Dieu, faute d’argentNul doute : 2011 sonne leglas des activités médica-lesàl'Hôtel-Dieu. Commenten est-on arrivé là ?Explications.

Plus de 300 greffes d'organes sont réalisées chaque annéeaux HCL.

«La situation était évitable ».Lorsque Françoise Leclet,secrétaire CGT et agent

des HCL, parle de la fermeture du sitehospitalier de l'Hôtel-Dieu, c'est avec beau-coup de regrets et de colère. Pourtant,la réalité est là. Dès 2011, le bâtimentvieux de plusieurs siècles ne devraitplus rimer avec santé. Lorsque l'onévoque les raisons de ce départ, la ques-tion de l'argent revient sur toutes leslèvres. Car aujourd'hui, les dépensesde viabilisation sont plus chères à l'Hôtel-Dieu qu'ailleurs (12,29 euros par m²contre 11,66 euros). Mais surtout lesbâtiments se dégradent.

« Même si l'emplacement de l'Hôtel-Dieu est intéressant, l'architecture estancienne. On est arrivé au bout de ce qu'onpouvait faire en termes de technique etde sécurité », explique JacquelineBarthélémy-Bougault, directrice adjoin-te du groupement hospitalier nord. Pourtant, personne ne souhaite que cesite historique tombe en friche. Mais nila municipalité ni les HCL n'ont lesmoyens de restaurer les lieux (les tra-vaux coûteraient plus de 120 millionsd'euros hors taxes). « Les Hospices ontbeaucoup investi dans d'autres ouver-

tures de bâtiments neufs », indiqueJacqueline Barthélémy-Bougault. « Parexemple l'an prochain, un nouveau bâti-ment médico-chirurgical avec 300 litsouvrira à l'hôpital de la Croix-Rousse ».

« L'État aurait dû mettre enplace une politique de

réaménagement »Pour certains, ce son de cloche a dumal à passer. « C'est sûr que les tra-vaux de rénovation n'auraient pas pu êtrepris en charge par les HCL », admetFrançoise Leclet. « Mais si l'État avaitmis en place une véritable politique deréaménagement des vieux hôpitaux il ya de cela dix ou quinze ans, on n'enserait pas arrivé là. On aurait pu pren-dre la décision de faire du tertiaire

(ambulatoire, centre dépistage du sida,maison d'adolescent en psychiatrie) touten abandonnant les services de réani-mation ou de la chirurgie lourde, des acti-vités qui coûtent très cher. Les travauxà réaliser auraient été minimes. C'étaitjuste de la peinture à faire (sic). Laseule raison pour laquelle on quitte cetendroit, c'est l'argent. On veut en faireun endroit rentable ».

La santé victime de la volonté muni-cipale de rendre ce lieu plus rentable,ce n'est pas l'avis de Gérard Collomb.Il souhaite avec ce projet des plusluxueux, « rendre l'Hôtel-Dieu auxLyonnais ». Reste à savoir si ça ne seraitpas seulement aux Lyonnais les plusriches.

TONY FONTENEAU

RENTABILITÉ Les chirurgies lourdes comme la chimiothérapie sont devenues trèscoûteuses avec l'arrivée de la T2A.

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formés chaque annéedes HCL.

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D É C R Y P T A G E

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Où se faireLes services de l'Hôtel-Dieu sont progressivement transférésdans d'autres établissements des Hospices civils de Lyon (HCL),plus excentrés. Un remodelage de la carte hospitalière dont cer-taines cliniques tirent profit. Le point sur la décentralisation etl'accueil des patients fin 2009. RÉALISÉ PAR MARIE LECLÈRE

11..Pourquoi aller plus loin pour être soigné ?

Si la fermeture de l'Hôtel-Dieu est motivée par des raisons financières (voir p.22-23), la direction des HCL évoque une solution qui allie finances, bien-être despatients et meilleure gestion du matériel de pointe nécessaire au traitement de cer-taines pathologies. Pour Jacqueline Barthélémy-Bougault, directrice adjointe dugroupement hospitalier Nord, « il s'agit d'une logique de meilleur accueil. Le planest basé sur plusieurs améliorations. D'abord la qualité des soins et le niveau desécurité pour les patients ».

Ils restent à l'Hôtel-Dieu

Plusieurs services sontencore en activité àl'Hôtel-Dieu. Quoi qu'ilarrive, l'établissementfermera définitivementses portes fin 2010. Lesdates et lieux de leurdéplacement sontencore inconnus de ladirection des HCL.

- IVG : consultations,interventions médica-menteuses et sousanesthésie locale.- Hépato-gastro-enté-rologie- Consultations : oph-talmologie, ORL, pré-anesthésiques pour lespatients déjà hospita-lisés à l'Hôtel-Dieu. - Génétique clinique- Urgences dentaires- PASS (permanencede l'accès aux soinsde santé)- CIDAG (centre d'in-formation et de dépis-tage anonyme et gra-tuit du sida)- Centre de soins spé-cialisés pour les toxi-comanies

- Conseil : d'après plu-sieurs syndicats, le trans-fert des services n'estannoncé officiellementque peu de tempsavant le déménage-ment effectif. Pour les patients sou-haitant se rendre àl'Hôtel-Dieu, il est pré-férable de se rensei-gner sur l'état de fonc-tionnement du serviceet ses capacités d'ac-cueil.

Renseignements :Tél. 08.200.820.69

**Les services déplacés depuis 2005

3.2.

WWW.KESKISCPASS.COM I 10 DECEMBRE 2009 I 25

(Restructuration)

soigner ?

Lepartenariat public/privé

Les cliniques et hôpitaux privés ont demandé à pou-voir prendre en charge certaines pathologies. Une requête

acceptée par le ministère de la Santé à condition que ces établis-sements pratiquent les tarifs CPAM (Caisse primaire d'assurance

maladie), c'est-à-dire ne pas dépasser les plafonds remboursés par lasécurité sociale. Les actes médicaux concernés ne doivent donc pas coûterplus cher aux patients que s'ils s'étaient rendus dans un hôpital public. Les

retours sur ce système sont divergents. D'après Jean-Marc Vallon, secrétairegénéral du syndicat UNSA, « la DDASS (Direction Départementale des AffairesSanitaires et Sociales, ndlr) a mis en place un service de contrôle des tarifs prati-qués par les cliniques. Comme le partenariat public-privé leur apporte plus d'ai-des de l'État, elles jouent le jeu ». Mais selon Françoise Leclet, secrétaire de laCGT des HCL, « les HCL se désengagent de certaines pathologies, et les cli-niques arrivent à contourner le système en récupérant des patients, en prati-

quant à la fois les tarifs CPAM sur les actes, et en facturant des dépasse-ments d'honoraires sur les consultations ». En cas de doute, il existe une

alternative. Par exemple, l'hôpital Saint-Joseph Saint-Luc, qui est unhôpital privé à but non lucratif. L'établissement, catholique, a sa

propre éthique. Il n'accueille donc pas certains services, etne pratique aucune IVG. Pour connaître les tarifs et

l'accès aux soins, il revient aux patients dese renseigner.

Maternités : le jeu de piste

D'après la direction des HCL, la fermeture de l'Hôtel-Dieu a été prise en compte dans le projet de l'HFME(Hôpital Femme Mère Enfant). Les 2 200 accouche-ments annuels de l'Hôtel-Dieu sont déjà répartis danstrois établissements des HCL (voir schéma). En premier lieu, les chefs de service se sont rencon-trés pour définir leurs capacités d'accueil en obstétriqueet essayer de tenir compte des souhaits des patientes.Cela n'est pas toujours possible, les trois hôpitaux peu-vent réorienter les patientes vers d'autres établissementspour accoucher. Une répartition qui a ses limites.

Selon Jean-François Aillard, délégué CFDT du per-sonnel et membre du conseil d'administration : « Quandil a été question de décentraliser la maternité del'Hôtel-Dieu, on a estimé que gérer 9 500 accouche-ments était possible. Aujourd'hui, avec la crise, plus de femmes viennentaccoucher à l'hôpital à la place des cliniques. Il fautaussi prendre en compte la croissance démographique.Tout cela nous porte à plus de 10 000 accouchementspar an. La situation est compliquée, même si le tempsd'hospitalisation a beaucoup diminué ».

”26 I 10 DECEMBRE 2009 I WWW.KESKISCPASS.COM

« On ne meurt plus en ville »T É M O I G N A G E

SANTÉ

“Aide-soignante à l'Hôtel-Dieu depuis 1989, Catherine Loyrion ne compte pas sui-vre son service d'hépato-gastro-entérologie quand il déménagera à la Croix-Rousse.Consciente de la dégradation de ses conditions de travail, elle garde l'espoir d'unmétier davantage tourné vers le patient.Depuis 1989, avez-vous res-senti une dégradation des condi-tions de travail à l'Hôtel-Dieu ?>> Nettement. La mobilitédemandée au personnel estde plus en plus grande. En plus,nous sommes moins nomb-reux dans les services. Lamobilité change notre vie pri-vée. Je ne suis pas nonnedehors, j'ai une vie. Doncquand les plannings sont modi-fiés du jour au lendemain, ily a parfois des refus. Leschoix sont faits sous lacontrainte, en jouant sur lafibre sentimentale, on nous dit« votre collègue va être touteseule, ça sera de votre faute ».Je pense que c'est commun àtous les établissements desHCL.

Cette dégradation concerneaussi les conditions matériel-les, la sécurité ?>> C'est difficile à dire parceque nous sommes en coursde fermeture. Actuellement,nous sommes abandonnés.Globalement, nous avonsgagné en hygiène et le maté-riel est mieux qu'à une époque.Par contre lorsqu'il doit êtreréparé, ça traîne et on nousrépond que de toute façonnous allons fermer.

Comment cette dégradations'est traduite dans votre travailauprès des patients ?>> Il y a plus de stress mais jecrois que le patient n'en souf-fre pas. On compense, on sedit qu'ils n'y sont pour rien,qu'on vient pour eux. À nousde trier l'urgence, les patientssont la priorité. Si je ne net-toie pas les WC du personnel,

je n'en ai rien à faire. À la baseje ne suis pas là pour ça. Leprincipal est que la chambredu patient soit propre…

Vous ne souhaitez pas suivrevotre service. Que comptez-vous faire ?>> On ne nous a pas encoreparlé du plan d'accompa-gnement social. Donc nouscommençons à faire desdémarches seules. Je ne saispas non plus quand le servi-ce va déménager, le person-nel n'est pas informé. On nesait pas à partir de quand onpeut chercher ailleurs. Je n'ai pas forcément envie dereprendre à zéro… Je m'o-riente vers un hôpital plusproche de chez moi, et peut-être un poste de nuit. C'est plus de la surveillanceet donc du temps avec lespatients qui ne dorment pas,qui ont envie de parler. J'espèreavoir du temps à leur consa-crer.

Face aux incertitudes, le per-sonnel s'entraide ?>> On ne nous rassure pas,alors on s'entraide. Nousnous conseillons sur les voieshiérarchiques à suivre, lespostes qui se libèrent… Ça vaêtre dur de quitter ses collè-gues. On connaît la manière de tra-vailler de chacun donc tout estplus facile. Et puis il y a desgens qu'on apprécie, qu'onne voit que lors de ses heu-res de travail.

Qu'est-ce que ça vous fait dequitter l'Hôtel-Dieu ?>> Le lieu n'est pas anodin,lorsqu'on entend qu'il va peut-être devenir un hôtel de luxe,passer de la misère au luxe,c’est vraiment dommage. Ily a une raison si nous som-mes entrées dans le servicepublic, comme s'occuper desgens qui n'auraient pas lechoix d'aller ailleurs par exem-ple.

Pour un certain nombre de voscollègues, la fermeture del'Hôtel-Dieu est une occasiond'aller vers le privé…>> Je ne veux pas aller dans leprivé, ce n'est pas la même« clientèle ». C'est peut-êtreidiot, mais je suis aussi làpour m'occuper du clochardqui n'a pas de moyens. Il abesoin de soins comme toutle monde. Et je ne pense pasqu'il ait sa place dans le privé.

Vous êtes attachée à la voca-tion sociale des hôpitaux, êtesvous inquiète pour l'avenir desservices comme la PASS* etle CIDAG** ?>> Je trouve cela terrible dene plus avoir ces services encentre-ville. C'est une façonde sortir la misère de la ville.Je le vois comme ça : on nemeurt plus et on n'est plusmisérable en ville. Tout doitêtre caché.

Les patients sont égalementattachés à l'Hôtel-Dieu ? >> Certains disent qu'il estdommage que cet hôpitalferme à cause de la beauté dulieu et de son côté humain. Enmédecine nous avons beau-coup de malades chroniques,ils reviennent donc réguliè-rement. Parfois, entre deuxséjours chez nous ils passentpar un autre établissement etils nous disent : « Je suiscontent de revenir ! ».

MARIE LECLÈRE

*PASS : Permanence de l'accèsaux soins de santé

**CIDAG : Centre d'informa-tion et de dépistage anonyme et

gratuit du sida

COHÉSION Catherine pense que dans les grands hôpitaux, les patientsne trouveront pas le même accueil qu'à l'Hôtel-Dieu.

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C H A N T I E R

IMMOBILIER

des bureaux et des logements proposéspar la SACVL* qui paraissent bien vides.Quant à l'hôtel, on repassera.

Archéologie, termites etdéboires financiers

Dès 2008, le projet s'embourbe. Lesdeux hôteliers choisis par la SACVL doi-vent faire face à une succession decontraintes. En février, le service régio-nal d'archéologie annonce le début desfouilles dont la durée pourrait s’étalersur 24 mois. Puis viennent les termites.Un arrêté préfectoral concernant la zonecontaminée est rendu : le périmètre tou-che 500 maisons du 5e arrondissement.Bruno Dumetier, architecte lyonnais,explique : « J'ai travaillé un an surl'Antiquaille, mais ce projet n'a pasabouti. Et je n'ai pas souhaité continuerà travailler dessus pour plusieurs raisons :archéologiques, financières, etc. L'hôtelierqui s'était engagé s'est ravisé ». Sansconfirmer cette information, la SACVLfournit une réponse ambiguë : « Il y aun chantier de fouilles, donc pour l'ins-tant la question de l'hôtel ne se pose pas ». L'Antiquaille, un modèle ?

Non loin de la colline de Fourvière setrouve l'ancien hôpital Debrousse.Désaffecté en 2008, lui aussi est supposéconnaître une mutation « à la lyonnai-

se » avec notamment un hôtel de luxequatre étoiles, un centre d'affaires etdes logements haut de gamme.

Cette fois-ci, il n'est pas encore ques-tion de travaux puisque Debrousse n'atoujours pas trouvé preneur.Officiellement, c'est la société Vinciimmobilier qui devrait acquérir le ter-rain. Mais depuis un an, les procédurespiétinent. Au départ, l'ancien hôpitalétait estimé à 20,8 millions d'euros parles Hôpitaux de Paris, propriétaires desmurs. « Le projet s'est arrêté en 2008,au moment de la crise. Les investis-seurs qui s'étaient positionnés se sont reti-rés. C'est pourquoi le groupe Vinci a arrê-té les études et demandé aux Hôpitauxde Paris de revoir à la baisse le montantdes acquisitions », raconte BrunoDumetier, lauréat du concours avec legroupe Vinci pour la reconversion de l'hô-pital. Il n'y a pas encore de permis deconstruire selon la mairie du 5e. Difficiledonc de croire que la livraison prévueen 2011 puisse être respectée.

MAUDE GIRARD

*Société d’économie mixte dépendant de laville de Lyon

L’Antiquaille : un modèleà ne pas suivre

Alors que le comité de pilo-tage a entériné le projet deconstruction d'un hôtel deluxe sur le site de l'Hôtel-Dieu, certains pointent dudoigt les chantiers lyonnaissimilaires, aujourd’hui enco-re inachevés.

PANORAMA Situé à côté des théâtres romains et de la basilique de Fourvière,l'Antiquaille offre une vue imprenable sur Lyon.

Entamée il y a huit ans, la recon-version de l'Antiquaille pourraitservir de modèle. Pourtant, la

mutation peine à prendre forme et l'hô-tel trois étoiles, entre autres projets,reste du domaine de l'abstrait. Cetteréalisation commencée en 2007, devaits'achever en 2009. Mais de l'eau a coulésous les ponts depuis le lancement dela rénovation. Toujours aucun hôtel nedomine la colline de Fourvière. Sur untotal de sept options dont l'hôtel, une mai-son des cultures du monde, ou encoreune résidence étudiante, seules deuxont abouti. C'est le cas pour cette der-nière, propriété du Crous. Inauguréedébut 2009 par Gérard Collomb, ces nou-veaux logements peinent à séduire.« Ma chambre fait 9 m², ce sont destrous à rats. Et la vue... et bien j'en pro-fite quand je suis à l'extérieur », décla-re l'un des « heureux » locataires, cher-cheur en physique chimie. Outre cesstudios, l'ensemble accueille également

DIAPORAMA ANTIQUAILLE

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Au XVIIIe siècle les épidémiessuccessives obligent à un nouvelagrandissement de l'Hôtel-Dieu.

Le principal architecte du monument telqu'il existe aujourd'hui est Jean-GermainSoufflot. L'homme qui s'inscrit dans lemouvement de l'architecture sociale ourationnelle a, comme la plupart des artis-tes de son temps, fait ses classes enFrance et en Italie. Il a, outre l'Hôtel-Dieu,réalisé le dôme des Invalides à Paris.« Il va prévoir l'agrandissement de l'hô-pital au XVIIIe et ses plans vont servirjusqu’au XIXe. C'est à dire que l'hôpi-tal tel qu'il existe actuellement a étéconçu grâce à Jean-Germain Soufflot »,ce qui explique « sa cohérence archi-tecturale », précise Suzanne Marchand,la directrice du musée de l'Hôtel-Dieu.

Un rôlefonctionnel

Un projet monumental que l'on appellele palais Soufflot (le grand dôme et lesailes, autrement dit, la façade) dont il n'apas vu l'achèvement puisqu'il a pris prèsd'un siècle. Par manque de moyens, il fut

un temps où il y avait un trou au niveaude l'immense façade. « L'intégralité duplan de Soufflot est un bâtiment de déve-loppement durable avant l 'heure.Techniquement, faire un réseau d'eau pro-pre et un d'eau sale, c'était une innova-t ion », reprend Suzanne Marchand.L'appartenance au mouvement d'archi-tecture sociale et même rationnelle sedémontre en accordant de l'importanceà la réalisation des caractéristiques pra-tiques. Autrement dit, chaque chose bâtiea un rôle fonctionnel. L'approche socia-le se traduit par la nature de la création,un hôpital. En effet, les nombreusescours permettent non seulement une ven-tilation supplémentaire mais laissentégalement entrer la lumière. Et dans lecas des deux dômes, leur apport esthé-tique est évident mais leur rôle essentiel« de cheminées d'aération » dans unhôpital révèle une approche hygiéniste.Ce sont toutes ces innovations qui fontde ce bâtiment un lieu confortable pourl'époque.

K ARIMA MEBARKI

Le plus vieilhôpitallyonnais

L'histoire de l'Hôtel-Dieuest ancienne. Il naîtvers 1184 et n'a decesse de s'agrandirpour devenir celui quenous connaissonsaujourd'hui. C'est auniveau du pont duRhône qu'il est implan-té. D'abord baptisé« Hôpital du pont duRhône », il devient, aufil des agrandissements,« Hôpital de Notre-Dame de Piété » (1507)pour être finalementc o m m u n é m e n tnommé « Hôtel-Dieu ».L'Hôtel-Dieu a été cons-truit essentiellement auXVIIe et au XVIIIe dansle style classique. Lapartie la plus ancien-ne, dont la premièrepierre a été posée vers1622, est celle dite « desquatre rangs ». Cesquatre rangées sonten croix autour du petitdôme qui a été cons-truit dans les mêmestemps. Ensuite viennent laconstruction du cloîtreet de la chapelle « enplusieurs étapes »,raconte SuzanneMarchand, d’aborden 1637 puis en 1655. Ce sont les donateurslyonnais qui ont parti-cipé au financementde la construction del'hôpital, leurs noms sontencore aujourd’hui gra-vés sur des plaquesdisposées dans plu-sieurs cours de l'Hôtel-Dieu.

K. M.

Une construction« écolo » avant l'heureUne séparation entre les eaux propres et sales, deux dômes etdes cours qui ventilent et éclairent. L'Hôtel-Dieu est une cons-truction moderne et même « durable ».

IMMUABLE En 1900, l'Hôtel-Dieu tel qu'on le visite est enfin achevé. L'entrée de style XVIIIe n'apas beaucoup changé depuis 100 ans.

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M É D E C I N E

PATRIMOINE

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Celui qu'on aime àciter le plus sou-vent est François

Rabelais. Pourtant le poly-valent médecin et écrivainn'a exercé que deux ans àl'Hôtel-Dieu. Pour des rai-sons obscures, il le quitteen 1534. Mais il est loind'être le seul à avoir faitses armes dans des hôpi-taux lyonnais. Peu de tempsaprès son passage, c'estau médecin et théologienespagnol Michel Servetque l'on doit les premièresdescriptions assez précisesde la circulation sanguinepulmonaire.A travers les siècles, lesrecherches et connaissan-ces s'affinent. Les méde-cins s'essaient à de nou-velles expériences sur lecorps humain, et appren-nent également à soignerles animaux.

C'est d'ailleurs à Lyonqu'est fondée en 1760 lapremière école vétérinai-re au monde. Le XIXe siè-cle permet à la médecine

lyonnaise de briller. JosephGensoul réalise dans lapresqu ' î le la premièrerésection du maxillaire(ablation de l’os maxil-laire), puis des désarticu-lations d'épaules. Ses har-diesses opératoires lehissent au premier rangdes chirurgiens en Europe.La chirurgie, cette foisosseuse et articulaire, conti-nue son essor avec LouisLéopold Oll ier qui luiconsacrera sa vie. Sa publi-cation, Traité des résec-tions en 1867, vaudra éga-lement à ce chirurgien-majorde l'Hôtel-Dieu une placeillustre parmi ses pairseuropéens.

Ce siècle s'achèvera avecdeux grandes décou-vertes. D'abord cellede MathieuJaboulay quiouvre lavoie dest ransp lan ta -tions en tentant la pre-mière greffe d'organesentre deux corps. Et ce, même sile re in ducochon greffé sur le couded'une femme maladese révélera être unéchec. Durant lamême année 1896,l'anatomiste Etienne Destotréalise les premières radio-graphies dans une bou-tique désaffectée de l'Hôtel-Dieu, en se basant sur les

travaux du physicien alle-mand Wilhem ConradRoentgen et sa découver-te des rayons X. Il fautajouter à cela un petit coupde pouce des f rèresLumière, qui prêtent auradiologiste une bobined'ampoules à vide per-mettant de prendre les pré-cieux clichés.

Première opération à coeur ouvert

Le XIXe siècle s'ouvre avecles opérations d'AlexisCarrel *. Elève de MathieuJaboulay, il se spécialiselui aussi dans le domainedes greffes. Parmi ses-succès, la première autoet homo-greffe vasculaire.Il obtiendra une dizained'années plus tard, le prixNobel de médecine auxÉtats-Unis. En 1957, Paul

Santy, père de la chi-rurgie contem-

p o r a i n e ,

réalise à Lyon la premiè-re opération à cœur ouverten France. Plus récem-ment , c 'es t à l 'hôpi ta lEdouard-Herriot que leprofesseur Jean-MichelDubernard dirige en 1998la première allogreffe d'unemain. Il acquiert alors unerenommée internationale etmarque une nouvelle étapeen réalisant une doublegreffe bilatérale des mainset des avant-bras en 2000.

MÉL ANIE COLLIN

* D'abord nomméeUniversité Alexis-Carrel, la

faculté de médecine deLyon I fut débaptisée en

1996, tout comme plu-sieurs rues de la ville.

A l'origine, une péti-tion initiée par des

mouvements d'extrê-me gauche et antira-

cistes faisant étatdes théories d'eugé-

nisme prônées parle médecin et de

sa complicitéavec le régime

nazi.

Elle court, elle courtla médecineSi Lyon est considérée comme une « ville de la santé », elle doit cette réputationauxgrands nomsqui ontexercédans ses hôpitaux. Retoursurdes sièclesd'avancéesmédicales.

PRÉCURSEUR En 1896, ÉtienneDestot ouvre le premier servicede radiologie de France à l’Hôtel-Dieu.

NOTORIÉTÉ Rabelais a exer-cé deux ans à l’Hôtel-Dieu.

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30 I 10 DECEMBRE 2009 I WWW.KESKISCPASS.COM

Le cœur historique deshôpitaux marseillaisest aussi l'un des plus

prestigieux biens immobi-liers de l'APHM*. L'Hôtel-Dieu va devenir un palacedoté d'un spa, d'un restaurant

gastronomique, de boutiqueset d'un espace muséal consa-cré à la médecine... Un projet qui n'est pas sansrappeler celui de l'Hôtel-Dieulyonnais. Principale diffé-rence, à Marseille : des loge-ments sont prévus sur les ter-rains situés derrière la bâtisseprincipale. Les travaux, com-mencés au début du mois dedécembre, prennent du retardpour cause de fouilles archéo-logiques. L'APHM a dû ven-dre l’Hôtel-Dieu en 2003 pourfaire face à un lourd déficitbudgétaire et par impossibi-lité financière de remettre auxnormes un si grand ensemble.Le projet d'un grand hôtel acirculé sur le Vieux-Port dès1993, date à laquelle les der-niers patients ont quitté l'hô-pital. Une décennie s'est écou-lée jusqu'au rachat du bienpar la mairie de Marseille.En effet, comme à Lyon,l'Hôtel-Dieu fait partie du

patrimoine de la ville, « c'estpourquoi la mairie de Jean-Claude Gaudin (égalementprésident du conseil d'admi-nistration de l'APHM) a déci-dé de le racheter 9,9 millionsd'euros aux APHM en 2003afin qu'il reste marseillais »,explique Nathalie Boisgard,chargée de mission auprès dela mairie. Ce sont au total14 200 m², soit le bâtiment cen-tral et les maisons bâties der-rière au cours des siècles, qu'aacquis la mairie. La cessionau prix de 7,5 millions d'eu-ros en 2006 dans le cadre d'unbail emphytéotique laisse lebien en possession de la villetout en permettant son exploi-tation par le groupe privéAXA via la sociétéIntercontinental.

Le projet marseillais estlongtemps resté dans lesbureaux de l'Hôtel de Ville.Il aura fallu près de dix ansentre le rachat et l'ouverture

de l'hôtel prévue le 7 décem-bre 2012. « Le dossier a ététrès long à monter. Le cahierdes charges est très lourd puis-qu'il s'agit d'un bâtiment clas-sé. Les pierres, par exemple,seront importées d'Italie carles carrières provençales quiproduisaient ce type particu-lier de pierres ont fermé », rep-rend-elle. Le choix du maît-re d'ouvrage délégué a étéégalement difficile :« C'estCogedim qui a été choisi caril fallait que ce soit une socié-té expérimentée en la matiè-re ». Le coût de la rénovationet de la construction des 107chambres, dont 12 suites estestimé entre 100 et 130millions d'euros, le tout finan-cé par AXA.

« Si c'est prêt en 2014,c'est qu'ils sont forts »Comme dans la capitale desGaules, l'un des opposantsau projet hôtelier, ChristianPellicani, conseiller PC du1er arrondissement, préfére-rait un grand musée à l'ima-ge de villes comme Barceloneou Gênes. À Marseille éga-lement, Sofitel s’imposecomme l’unique hôtel cinqétoiles, situé à quelques dizai-nes de mètres de l’Hôtel-Dieu. Les similitudes entreles deux projets sont doncmultiples. Reste que dans lacité lyonnaise, les travauxdevraient être achevés en2014. Là où il aura fallu unedizaine d'années à Marseillepour 14 200 m², Lyon espè-re convertir en quatre ans35 000 m². Nathalie Boisgardconclut : « Si c'est prêt en2014, c'est qu'ils sont trèsforts ».

KARIMA MEBARKI

* Assistance publique des hôpi-taux de Marseille, l'équivalent

des Hospices civils de Lyon

L'odyssée du cousin phocéen

M A R S E I L L E

PERSPECTIVES

PRESTIGE Les plans de l’édi-fice ont été déssinés parJacques H. Mansart, descen-dant du bâtisseur du châteaude Versailles.

De multiplesévolutions

Classé aux monumentshistoriques depuis 1963,le bâtiment principala été construit d'aprèsles plans de JacquesHardouin Mansart àpartir de 1753, puismodifié en 1782 lorsquel'architecte Brun créeles grands escaliers enmarbre et fer forgé. En1865, les deux ailes laté-ralessont ajoutées aubâtiment central.

Au pied, le Vieux-Port. En face, la vue imprenable sur Notre-Damede la Garde. La Canebièreestàdix minutes à pied. Toutcomme à Lyon, ex-hôpital et lieu d'entraide, l'Hôtel-Dieu deMarseille va devenir un hôtel de luxe en 2012.

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Angers, Beaune, Lyon, Marseille, Nantes,Paris... La liste des villes abritant un Hôtel-Dieu est longue et s'étend même au Canadaet au Liban… À l'époque, tous étaient deshôpitaux. Des bâtiments dévoués à la santé,

où seuls les lépreux n'étaient pas les bienvenus. Les moinstouchés, comme à Nantes, accueillent encore des servi-ces et des patients. Mais d'autres ont été détruits, puis recons-truits. Certains ont perdu leur appellation d'origine. Et ceuxqui ont survécu à l'épreuve du temps sont aujourd'huisoumis à une requalification, voués à une seconde jeunesse. Deux politiques s'opposent alors : une qui consiste àconserver du mieux possible tous les aspects du lieu. Sonâme, son Histoire. Et puis une autre, à connotation pluslucrative.

Pour les mairies d'Angers (PS) et Beaune (UMP) les avisont convergévers un musée.Une manièrejudicieuse d'ou-vrir le lieu auplus grand nom-bre. Mais à Lyonet Marseille, cedevrait être unhôtel de luxe. Et à défaut d'être culturel, ce serait un pro-jet orienté « business-business ». La ville déclare qu'ellen'a pas pour but de gagner de l'argent grâce à celui-ci. Elleexplique même que l'hôtel apparait comme le projet deréhabilitation le moins coûteux pour le contribuable. Lesélus estiment que la collectivité « n'a pas les moyens » decontinuer à s'occuper de l'édifice. Mais en réalité, Lyon ad'autres priorités que la rénovation de l'Hôtel-Dieu.

Pour preuve : les accès à la future arène de football del'Olympique Lyonnais devraient être financés par le GrandLyon. Résultat : 180 millions d'euros aux frais du contri-buable ! Alors certes, les caisses de la ville et du GrandLyon ne sont pas les mêmes. Mais combien de factures pour des projets municipaux ont

déjà été réglées par l'agglomération et non par la commune ?Le grand stade de l'OL, Gérard Collomb en fait un che-val de bataille. Alors pourquoi un hôtel plutôt qu'un muséeen lieu et place de l'Hôtel-Dieu ? Question de choix et depriorité pour l'élu, tout simplement. C'est ce type de ces-sion qui soulève des interrogations. En devenant un com-plexe haut de gamme, l'Hôtel-Dieu, autrefois voué à l'ac-cueil des plus démunis, des malades, se destine soudainà une clientèle exclusivement huppée. Quoi qu'en disentles différentes personnes engagées dans ces projets, la trans-formation d'un « autel en hôtel » défigurera certainsaspects de l'édifice. Les murs resteront, une partie del'Histoire sera conservée, mais le passage au « tout-privé »dénaturera l'âme d'un bâtiment classé « monument histo-rique ».

C'est donc la manière de faire qui irrite. Le fait, d'une

part, de prendre des décisions en petit comité mais au nomde tous. Et d'autre part, cette volonté politique de faire pas-ser le rayonnement de la ville avant l'Histoire. A Lyon,la réhabilitation de l'Hôtel-Dieu était un axe majeur desprogrammes électoraux de Gérard Collomb et DominiquePerben aux municipales 2008. Mais le projet avait-il étéperçu comme tel et pris en compte dans l'isoloir ? Pas sûr! Or, si l'édifice revêt subitement un habit indigne de sapersonnalité, les riverains risquent de le replacer au cœurde la prochaine échéance électorale. Déçus et frustréspourraient alors monter au créneau et la transformer en« vote sanction » contre le maire. Un vote pour que le patri-moine et l'Histoire ne se perdent pas. Un vote pour expli-quer que certaines choses ne se vendent pas.

PERSPECTIVES

PAR

LIONEL

BERTHOLET

Quoi qu'en disent les différentes personnes engagées dansces projets, la transformation d'un « autel en hôtel » nepourra pas conserver tous les aspects de l'édifice.

L’Histoire n’est pasà vendre !

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