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48 Le Point Vétérinaire / Octobre 2013 / N° 339 Canin C hez deux chats, un épanchement thoracique sévère constitué de chyle déclenche une dyspnée (encadré). CAS CLINIQUE - CHAT 1 1. Anamnèse et commémoratifs Un chat européen, femelle stérilisée de 13 ans, est pré- senté pour une dyspnée. L’animal vit en intérieur, est correctement vacciné et vermifugé, et nourri avec des aliments industriels secs et humides. Quatre jours auparavant, il a été examiné dans une cli- nique d’urgence pour le même motif. Une radiographie thoracique a montré un épanchement pleural. Une thora- cocentèse a permis de retirer environ 250 ml d’un liquide laiteux non analysé. Le chat a été mis sous traitements antibiotique et anti- inflammatoire stéroïdien. Six mois plus tôt, il a été présenté pour un amaigrissement alors que l’appétit était conservé. L’analyse biochimique, la numération et la formule sanguines étaient dans les normes. Seule une augmentation modérée des transami- nases a été remarquée, ce qui a motivé un examen écho- graphique. L’échographie abdominale a révélé une légère hépatomégalie (le contact du processus caudé du lobe caudé dépassait le tiers cranial du rein droit et les bords des lobes hépatiques étaient arrondis). L’échostructure hépatique était homogène (photo 1). Du liquide pleural en quantité très limitée était visible caudalement au cœur (photo 2). Aucune anomalie cardiaque n’a été décelée à l’échographie. Des radiographies thoraciques, de face et de profil, n’ont révélé aucune anomalie. 2. Examen clinique L’animal est en polypnée. La couleur des muqueuses montre un début de cyanose. Le temps de recoloration capillaire (TRC) est inférieur à 2 secondes. Les bruits cardiaques sont atténués. L’auscultation pulmonaire ne révèle aucun bruit anormal. La température est de 38,1 °C. 3. Causes possibles Un épanchement pleural est suspecté. Les causes d’épan- chement pleural sont variées (tableau 1). Compte tenu de l’anamnèse, des commémoratifs et de l’examen clinique, le diagnostic différentiel s’oriente vers une néoplasie, une péritonite infectieuse féline ou un chylothorax. Une échographie thoracique est choisie pour explorer le thorax (une radiographie a déjà été réalisée). Il s’agit de confirmer la présence d’un épanchement, puis d’en préci- ser la nature par thoracocentèse et, enfin, d’en rechercher la cause. MÉDECINE FÉLINE Traitement médical de deux chylothorax idiopathiques par de la rutine EXPERT Cas clinique Alexia Vrevin*, Bruno lacombre**, Stéphane Krief*** * DicomVet Imagerie Médicale Vétérinaire 37, chemin de la Trévaresse, 13540 Puyricard ** Clinique vétérinaire de Garéoult 6, impasse Émile-Zola 83136 Garéoult *** Clinique vétérinaire La Provençale Allées des Combes 13680 Lançon 0,05 CFC par article lu Une molécule humaine : la rutine, facile à prescrire et sans effets secondaires, permet de traiter médicalement des chylothorax idiopathiques. fChez deux chats, un chylothorax se met en place progressivement et déclenche une insuffisance respiratoire. Une thoracocentèse confirme la nature de l’épanchement et soulage les animaux. L’imagerie médicale permet d’exclure les différentes causes de chylothorax et un diagnostic de chylothorax idiopathique est établi. Le traitement médical fait appel à un changement d’alimentation et à la rutine. Très rapidement, l’état général se stabilise. L’amélioration est un peu plus longue pour le second chat qui présente une pleurésie fibrosante. Résumé Conflit d’intérêts Aucun. Chyle = lymphe : liquide lymphatique remontant des intestins et contenant une grande quantité de gras ou triglycérides. Il contient également des protéines, des lymphocytes et des vitamines liposolubles. Chylothorax : accumulation de chyle dans l’espace pleural. Lymphangiectasie thoracique : stase lymphatique se traduisant par des canaux lymphatiques dilatés, tortueux. Pleurésie fibrosante : épaississement pleural entraînant une constriction des lobes pulmonaires qui est provoqué par un exsudat pleural chronique. Elle est fréquemment associée au chylothorax et au pyothorax. ENCADRÉ Rappel de définitions www.WK-Vet.fr Complément vidéo : Vidéos http://www.wk-vet. fr/mybdd/?visu=165 &article=165_4264

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Canin

Chez deux chats, un épanchement thoracique sévère constitué de chyle déclenche une dyspnée (encadré).

Cas Clinique - ChaT 1

1. anamnèse et commémoratifsUn chat européen, femelle stérilisée de 13 ans, est pré-senté pour une dyspnée. L’animal vit en intérieur, est correctement vacciné et vermifugé, et nourri avec des aliments industriels secs et humides.Quatre jours auparavant, il a été examiné dans une cli-nique d’urgence pour le même motif. Une radiographie thoracique a montré un épanchement pleural. Une thora-cocentèse a permis de retirer environ 250 ml d’un liquide laiteux non analysé.Le chat a été mis sous traitements antibiotique et anti-inflammatoire stéroïdien.Six mois plus tôt, il a été présenté pour un amaigrissement alors que l’appétit était conservé. L’analyse biochimique, la numération et la formule sanguines étaient dans les normes. Seule une augmentation modérée des transami-nases a été remarquée, ce qui a motivé un examen écho-graphique. L’échographie abdominale a révélé une légère hépatomégalie (le contact du processus caudé du lobe caudé dépassait le tiers cranial du rein droit et les bords des lobes hépatiques étaient arrondis). L’écho structure

hépatique était homogène (photo 1). Du liquide pleural en quantité très limitée était visible caudalement au cœur (photo 2). Aucune anomalie cardiaque n’a été décelée à l’échographie. Des radiographies thoraciques, de face et de profil, n’ont révélé aucune anomalie.

2. Examen cliniqueL’animal est en polypnée. La couleur des muqueuses montre un début de cyanose. Le temps de recoloration capillaire (TRC) est inférieur à 2 secondes. Les bruits cardiaques sont atténués. L’auscultation pulmonaire ne révèle aucun bruit anormal. La température est de 38,1 °C.

3. Causes possiblesUn épanchement pleural est suspecté. Les causes d’épan-chement pleural sont variées (tableau 1).Compte tenu de l’anamnèse, des commémoratifs et de l’examen clinique, le diagnostic différentiel s’oriente vers une néoplasie, une péritonite infectieuse féline ou un chylothorax.Une échographie thoracique est choisie pour explorer le thorax (une radiographie a déjà été réalisée). Il s’agit de confirmer la présence d’un épanchement, puis d’en préci-ser la nature par thoracocentèse et, enfin, d’en rechercher la cause.

MÉDECINE FÉLINE

Traitement médical de deux chylothorax idiopathiques par de la rutine

expertCas clinique

alexia Vrevin*, bruno lacombre**, Stéphane Krief***

* DicomVet Imagerie Médicale Vétérinaire37, chemin de la Trévaresse, 13540 Puyricard

** Clinique vétérinaire de Garéoult6, impasse Émile-Zola

83136 Garéoult*** Clinique vétérinaire La Provençale

Allées des Combes13680 Lançon

0,05 CFC par article lu

Une molécule humaine : la rutine, facile à prescrire et sans eff ets secondaires, permet de traiter médicalement des chylothorax idiopathiques.

fChez deux chats, un chylothorax se met en place progressivement et déclenche une insuffi sance respiratoire. Une thoracocentèse confi rme la nature de l’épanchement et

soulage les animaux. L’imagerie médicale permet d’exclure les différentes causes de chylothorax et un diagnostic de chylothorax idiopathique est établi. Le traitement médical fait appel

à un changement d’alimentation et à la rutine. Très rapidement, l’état général se stabilise. L’amélioration est un peu plus longue pour le second chat qui présente une pleurésie fi brosante.R

ésu

Confl it d’intérêtsAucun.

Chyle = lymphe : liquide lymphatique remontant des intestins et contenant une grande quantité de gras ou triglycérides. Il contient également des protéines, des lymphocytes et des vitamines liposolubles.Chylothorax : accumulation de chyle dans l’espace pleural.

Lymphangiectasie thoracique : stase lymphatique se traduisant par des canaux lymphatiques dilatés, tortueux.pleurésie fibrosante : épaississement pleural entraînant une constriction des lobes pulmonaires qui est provoqué par un exsudat pleural chronique. Elle est fréquemment associée au chylothorax et au pyothorax.

ENCaDRÉ

rappel de définitions

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4. Examens complémentaires

Échographie thoraciqueL’échographie thoracique objective un épanchement pleural en quantité modérée. Une masse échogène homo-gène, entrecoupée de plages anéchogènes, mal délimitée, est visible latéralement et à droite du cœur (photos 3 et 4). Un Doppler couleur ne montre pas d’évidence de vascu-larisation de cette masse (même si l’amplitude élevée des mouvements respiratoires rend difficile cet examen fondé sur la détection des vitesses sanguines). Un caillot sanguin organisé faisant suite à la thoracocentèse précédente est suspecté. L’échographie cardiaque est normale.Une thoracocentèse permet de retirer environ 150 ml d’un liquide rosé laiteux (photo 5). L’analyse de ce liquide pleural révèle une concentration en triglycérides et en cholestérol de respectivement 250 et 45 mg/dl alors que la concentration sérique en triglycérides est seulement de 35 mg/dl. L’analyse cytologique du liquide pleural montre de nombreux lymphocytes et granulocytes neutrophiles.

Diagnostic définitifL’analyse du liquide d’épanchement est diagnostique d’un chylothorax.L’exclusion des causes connues de chylothorax permet de le qualifier d’idiopathique. (tableau 2).Une réserve est émise sur la présence de la masse attri-buée à un hématome. Si tel est le cas, des examens sériés vont permettre de visualiser une régression. Quoi qu’il en soit, la localisation de cette masse latérale et à droite du cœur est insuffisante pour expliquer une compression du canal thoracique et de la grande veine lymphatique.Un diagnostic de chylothorax idiopathique est donc établi.

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1. Chat 1. Échographie hépatique 6 mois avant l’épisode de dyspnée. Une légère hépatomégalie avec parenchyme homogène est observée.

2. Chat 1. Échographie thoracique 6 mois avant l’épisode de dyspnée. Une lame d’épanchement est visible en avant du diaphragme.

3. Chat 1. Coupe grand axe parasternale droite quatre cavités : aspect échographique d’un hématome thoracique secondaire à une thoracocentèse.

4. Chat 1. Coupe petit axe parasternale droite transaortique : aspect échographique d’un hématome thoracique secondaire à une thoracocentèse.

5. Chat 1. Liquide de thoracocentèse.

photos : A. VreVin

TabLEau 1

Causes principales des différents types d’épanchements thoraciquesLes DiffÉrents types D’ÉpanChements thoraCiques

ÉtioLogie

Transsudat pur • Hypoalbuminémie• Insuffisance cardiaque congestive débutante

Transsudat modifié • Insuffisance cardiaque congestive• Néoplasie• Hernie diaphragmatique

Exsudat non septique • Péritonite infectieuse féline• Néoplasie• Hernie diaphragmatique• Torsion de lobe pulmonaire

Exsudat septique Pyothorax

Chyle • Lymphangiectasie thoracique primaire ou secondaire• Chylothorax idiopathique

Hémorragie • Traumatisme• Coagulopathie• Néoplasie• Torsion de lobe pulmonaire

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2. Examen cliniqueL’animal présente une dyspnée marquée avec une respi-ration superficielle associée à une polypnée. La dyspnée reflète donc une affection restrictive. Une discordance, aussi appelée respiration paradoxale, est également présente et est le reflet d’une fatigue respiratoire.L’auscultation révèle un cœur assourdi et une absence de bruits pulmonaires.Les muqueuses sont légèrement cyanosées. La tempéra-ture rectale est normale.

3. Diagnostic différentielUn épanchement pleural est suspecté. Les causes pos-sibles ont déjà été décrites.

4. Examens complémentaires

radiographie thoracique initialeUne radiographie thoracique est effectuée en première intention et objective un épanchement pleural.Une thoracocentèse pratiquée dans la foulée permet de retirer environ 250 ml d’un liquide blanc laiteux.L’analyse cytologique révèle la présence de nombreux lymphocytes. Le cytologiste n’exclut pas un lymphome à petites cellules.Un traitement antibiotique, anti-inflammatoire stéroïdien et diurétique est instauré.Une échographie thoracique est demandée afin de recher-cher une affection intrathoracique dont un lymphome médiastinal.

Échographie thoraciqueL’échographie confirme l’épanchement thoracique (liquide anéchogène, en quantité très limitée) (photo 7). Une dilatation du tronc pulmonaire est remarquée, avec une visibilité accrue des branches droite et gauche de l’artère pulmonaire (photo 8). Un Doppler pulsé du flux

traitementL’animal est mis sous régime pauvre en graisse (Hill’s W/D) et rutine (Veliten®(1), comprimés à 200 mg : 1 com-primé trois fois par jour), utilisée chez l’homme pour le traitement des stases lymphatiques.

5. Suivi à termeL’état général s’améliore rapidement. Le suivi à une semaine montre une stabilisation clinique avec une dis-parition de la dyspnée malgré un épanchement toujours visible à l’examen échographique (même dimension). Le suivi à 3 mois révèle une disparition de l’épanchement pleural.

Cas Clinique - ChaT 21. anamnèse et commémoratifsUn chat européen, mâle castré de 8 ans, ayant un accès à l’extérieur, est présenté pour une dyspnée. Son état géné-ral s’est dégradé depuis plusieurs semaines avec d’abord un amaigrissement puis un essoufflement associé à une toux profonde non productive.

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7. Chat 2. Coupe grand axe parasternale droite cinq cavités. Une disparition de l’épanchement pleural et un cœur de morphologie normale sont observés.

8. Chat 2. Coupe petit axe parasternale droite transaortique modifiée. Une dilatation du tronc pulmonaire et de ses branches droite et gauche est notée.

photos : A. VreVin

(1) Médicament humain.

TabLEau 2

Étiologie des chylothoraxtype Causes

Lymphangiectasie primaire systémique

Augmentation du flux lymphatique systémique 

Lymphangiectasie secondaire par aug-mentation des pres-sions veineuses au niveau de la veine cave craniale

Obstruction externe ou interne du canal thoracique :- néoplasie médiastinale : lymphosarcome médiastinal (photo 6), thymome- néoplasie pulmonaire ou blastomycose- torsion de lobe pulmonaire- hernie diaphragmatique

Diminution du drainage lymphatique dans le système veineux (veines sous-clavières gauche et droite) par augmentation des pressions veineuses dans la veine cave craniale :- insuffisance cardiaque droite : cardiomyopathie (en particulier secondaire à une hyperthyroïdie et à une hypertension artérielle), épanchement péricardique, dirofilariose, tétralogie de Fallot, dysplasie tricuspidienne, cor triatriatum dexter- thrombus ou granulome de la veine cave craniale

Anomalie congénitale du canal thoracique

Traumatisme à l’origine d’une rupture du canal thoracique

Chylothorax idiopathique

Aucune cause identifiée

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6. Exemple de lymphome médiastinal associé à un chylothorax. Voir les vidéos complémentaires 1 et 2 sur www.WK-Vet.fr

photo : A. VreVin

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pulmonaire avec échantillon porte positionné distalement aux valves pulmonaires montre un flux systolique néga-tif symétrique avec des vitesses normales (photo 9). Une sténose pulmonaire est donc exclue et cette dilatation du tronc pulmonaire peut être mise en relation avec une hypertension pulmonaire. Une autre cause pourrait être une augmentation du volume circulatoire, mais l’animal n’est pas sous perfusion. Dans le thorax et en plusieurs localisations, des masses bien délimitées, échogènes, ponctuées de spots hyperé-chogènes avec une hyperréflectivité et un cône d’ombre dit “sale” permettent d’identifier des zones aériques bron-chiques de lobes pulmonaires atélectasiés (photo 10).Aucune masse, autre que ces lobes atélectasiés, n’est mise en évidence.Le paradoxe entre l’intensité persistante de la dyspnée et le peu d’épanchement thoracique visible à l’échographie nous alerte et motive la réalisation de nouvelles radiogra-phies thoraciques.

radiographie thoracique secondaireCes radiographies thoraciques, effectuées 2 jours après la thoracocentèse, montrent des scissures interlobaires avec un parenchyme pulmonaire d’aspect normal. En revanche, la forme des lobes est arrondie et les contours pulmonaires sont fortement irréguliers (photo 11).Une pleurésie fibrosante limitant l’expansion pulmonaire est suspectée. Ce type de pleurésie fibrosante est retrouvé lors d’épan-chement pleural chronique, et plus fréquemment associé au chylothorax et au pyothorax.

Diagnostic définitifUn diagnostic de chylothorax idiopathique associé à une pleurésie fibrosante est avancé.

5. TraitementL’animal est mis sous régime Hill’s W/D et Rutine Veliten® comprimés à 200 mg : 1 comprimé trois fois par jour.

6. Suivi à termeL’état général s’améliore très lentement sur une quinzaine de jours. L’animal s’alimente correctement, présente une certaine fatigue et un essoufflement sans dyspnée ni toux.

L’observance du traitement est bonne et le suivi à 3 mois montre la disparition de l’épanchement pleural à l’écho-graphie et la normalisation de la respiration.

DisCussion1. Étiologie et pathogénie - épidémiologieL’organisation de la circulation de la lymphe corporelle permet de comprendre l’étiologie des chylothorax.Le canal thoracique et la grande veine lymphatique sont les deux grands collecteurs de la lymphe corporelle. Le canal thoracique en récupère la majorité (lymphe abdo-minale, en particulier celle provenant de l’intestin grêle, et lymphe du thorax gauche) et l’entraîne dans le sang au niveau de la veine sous-clavière gauche, près de la jonc-tion avec la veine jugulaire interne gauche (figures 1 et 2).La grande veine lymphatique draine la lymphe de la moitié droite de la tête, du cou, du thorax et du membre antérieur droit, et se jette ensuite vers la veine sous-clavière droite. Ces deux voies lymphatiques aboutissent au système veineux cave cranial qui atteint le cœur droit (oreillette droite).Hors traumatisme, la physiopathologie des chylothorax est donc une lymphangiectasie primaire dans le canal thoracique ou la grande veine lymphatique, et/ou une lymphangiectasie secondaire par augmentation des pres-sions veineuses au niveau de la veine cave supérieure, menant à une transsudation de chyle.

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9. Chat 2. Coupe petit axe parasternale droite trans-aortique modifiée. Doppler pulsé du tronc pulmonaire. Le flux pulmonaire est non modifié, négatif et symétrique. L’animal était légèrement tranquillisé.

10. Chat 2. Lobes pulmonaires atélectasiés : masses bien délimitées, échogènes, ponctuées de spots hyperéchogènes avec hyper-réflectivité et cône d’ombre dit “sale”.

11. Chat 2. Forme arrondie et contours irréguliers des lobes pulmonaires évoquant une pleurésie fibrosante.

photos : A. VreVin

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2. Examens complémentaires de choix

analyse du liquide d’épanchementLe diagnostic de chylothorax s’effectue par analyse du liquide d’épanchement. Les paramètres principaux sont l’aspect et la couleur du liquide, sa concentration en triglycérides et en cholestérol et sa composition cellulaire.En général, un chylothorax est constitué d’un liquide blanc laiteux opaque, mais la couleur peut aller de jaune à rosé selon le jeûne ou l’occurrence d’une hémorragie concomitante. Des gouttelettes de gras peuvent être visibles macroscopiquement.La mesure de la concentration protéique est inappro-priée car le contenu lipidique élevé va interférer avec la réfractivité.La concentration en triglycérides est plus importante dans le liquide d’épanchement que dans le sérum. Un test sup-plémentaire peut être le ratio cholestérol/triglycérides, qui doit être inférieur à 1 dans le liquide pleural [3].L’analyse cytologique révèle de petits lymphocytes et des granulocytes neutrophiles. Les granulocytes neutrophiles non segmentés vont prédominer si l’affection est chro-nique ou si de multiples thoracocentèses ont induit une inflammation.Une coloration au noir soudan aide à mettre en évidence les gouttelettes lipidiques.

Échographie thoraciqueUne cause sous-jacente du chylothorax doit être recher-chée par des méthodes d’imagerie (même s’il est le plus souvent idiopathique).L’échographie est à réaliser avant la thoracocentèse quand la stabilité respiratoire le permet (le liquide sert de fenêtre acoustique). Elle est indiquée pour la recherche d’anomalies cardiaques structurelle ou fonc-tionnelle, d’affection péricardique ou de masse médias-tinale. Comme dans le cas n° 2, un lobe pulmonaire atélectasié ne doit pas être confondu avec une masse tumorale.

radiographie thoraciqueLes examens radiographiques sont à réaliser après la thoracocentèse.Si les lobes pulmonaires collabés ne se redéploient pas normalement après une thoracocentèse, une anomalie parenchymateuse sous-jacente est à rechercher. Cependant, une complication fréquente du chylothorax chronique est le développement d’une pleurésie fibro-sante limitant l’expansion pulmonaire.

3. Traitements Le cas échéant, une cause sous-jacente doit être recher-chée, identifiée et traitée.La ou les thoracocentèses palliatives sont réservées aux animaux dyspnéiques.Les indications de pose d’un drain thoracique sont les accumulations rapides de chyle après un traumatisme ou une intervention chirurgicale.Le chylothorax en tant que tel nécessite un traitement médical en première intention [1, 3, 5].

L’évolution est souvent chronique comme pour les deux cas. Dans le premier cas, 6 mois ont été nécessaires pour passer d’une lame d’épanchement à un chylothorax com-promettant la fonction respiratoire. Il existe des prédispositions raciales au développement d’un chylothorax. Chez le chien, le lévrier afghan et le shiba inu présentent davantage de risques. Chez le chat, les races asiatiques comme les siamois et les himalayens sont plus représentées.

FiguRE 1

Organisation des veines sous-clavières par rapport à la veine cave supérieure et à l’aorte

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1. Arc aortique (étage sus-sigmoïde) ou aorte ascendante.2. Aorte thoracique descendante.3. Artère sous-clavière gauche.4. Artère carotide commune gauche.5. Tronc artériel brachio-céphalique.6. Artère carotide commune droite.7. Artère sous-clavière droite.8. Veine cave supérieure.

9. Tronc veineux brachio-céphalique droit.10. Veine sous-clavière droite.11. Veine sous-clavière gauche.12. Veine jugulaire interne droite.13. Veine jugulaire externe droite.14. Veine jugulaire externe gauche.15. Veine jugulaire interne gauche.16. Artères pulmonaires droite et gauche.

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Traitement médical de deux chylothorax idiopathiques par de la rutine

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traitement médical du chylothorax La rutine (encore appelée rutoside) apparaît comme un traitement complémentaire efficace lors de chylothorax idiopathique [5].La rutine fait partie de la famille des benzopyrones et est présente dans de nombreux composés végétaux : asperges, persil, et en particulier dans un arbre brésilien : le fava d’anta. Les benzopyrones sont utilisées chez l’homme pour le traitement des stases lymphatiques : le plus souvent lors de lymphœdème associé aux chirurgies axillaires (excision de nœud lymphatique lors de cancer du sein métastasé) et de certaines affections filaires (éléphantiasis).Deux types de benzopyrones sont utilisées en thérapeu-tique : les dérivés de la coumarine (benzo-γ-pyrones) et les dérivés des flavonoïdes (benzo-γ-pyrones).La rutine est un dérivé des flavonoïdes et appartient à la classe des neutraceutiques. Ses effets secondaires sont limités. Seule une irritation gastrique est rapportée.Il y a plusieurs mécanismes possibles pour expliquer l’amélioration du lymphœdème : - les effets vasculoprotecteur et veinotonique ; - l’activité lymphokinétique par augmentation et régu-larisation des contractions des lymphangions (unité fonctionnelle contractile et valvulée d’un vaisseau lymphatique) ;- l’action sur le macrophage dont elle augmente le pou-voir protéolytique vis-à-vis des protéines de haut poids moléculaire ; - la diminution de la rétention hydrique.Les doses recommandées sont de 50 à 100 mg/kg, per os, trois fois par jour, soit, pour un chat de 5 kg, 250 à 500 mg, trois fois par jour [5].Le dosage le plus élevé de 500 mg trois fois par jour est associé, dans un cas, à une meilleure efficacité sans que des effets secondaires soient observés [5]. Dans un autre cas, le traitement permet dans un pre-mier temps une amélioration clinique. Dans un second temps, une détérioration clinique et échographique sont observées à la suite de la non-observance du traitement

pendant 5 jours (les propriétaires s’étaient absentés). Une nouvelle thoracocentèse et la reprise de l’administration de rutine stabilisent définitivement l’état clinique. [5].Ce traitement médical peut nécessiter des semaines, voire des mois pour que l’épanchement se résorbe. L’hypothèse invoquée est le développement concomitant d’anasto-moses lymphatico-veineuses collatérales dans le thorax et l’abdomen [3].Les propriétaires doivent également être informés du déve-loppement potentiel d’une pleurésie fibrosante sévère lors de chylothorax chronique, de pronostic plus réservé. Cette fibrose serait secondaire à l’inflammation chronique des plèvres associée à une exsudation (pyothorax, chy-lothorax) ou à une effusion de sang (hémothorax). La plèvre est alors épaissie par un tissu fibreux diffus [1]. Une dyspnée marquée malgré un épanchement pleural limité est un signe pouvant faire suspecter une pleurésie restrictive. Le chylothorax se met en place de façon très progressive, ce qui peut expliquer qu’au moment du dia-gnostic la fibrose soit déjà bien installée. Ainsi, la réponse à un traitement médical ou chirurgical est moins satisfai-sante. Cependant, le second chat était dans ce cas et a très bien répondu à la rutine.Si le traitement médical est sans résultat après 2 à 3 mois, une intervention chirurgicale doit alors être envisagée. Une solution alternative médicale décrite est l’utilisa-tion de l’octréotide (Sandostatine® solution injectable 50 µg/ml(1)). Il s’agit d’un analogue de la somatostatine qui inhibe les sécrétions gastriques, pancréatiques et biliaires, et diminue le flux de chyle. Le dosage recom-mandé est de 10 µg/kg en injection sous-cutanée toutes les 8 heures pendant 10 à 28 jours. Les inconvénients de cette molécule sont le prix élevé, la voie d’administra-tion (injections) et son indisponibilité actuelle. Les effets secondaires sont minimes (diarrhée) [3].

FiguRE 2

Jonction du canal thoracique avec la veine sous-clavière gauche

Veine jugulaire interne gauche

Conduit thoracique

Veine subclavière gauche

Dôme pleural

Tronc veineuxbrachio-céphalique

Points forts�Lors de chylothorax idiopathique, un traitement médical peut être instauré en première intention.

�Le diagnostic du chylothorax idiopathique se fait par exclusion.

�Le développement d’une pleurésie fibrosante est un facteur préjudiciable.

�La rutine, ou rutoside, neutraceutique veinotonique, fait partie de l’arsenal thérapeutique.

�Le traitement médical doit être poursuivi pendant 2 à 3 mois au minimum avant de juger de son efficacité car la résolution du chylothorax va de pair avec le développement d’anastomoses lymphatico-veineuses collatérales dans le thorax et l’abdomen.

(1) Médicament réservé à l’usage hospitalier en France.

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Page 7: expert Canin Cas clinique - Dicomvet · thorax (une radiographie a déjà été réalisée). Il s’agit de confirmer la présence d’un épanchement, puis d’en préci-ser la nature

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Traitement médical de deux chylothorax idiopathiques par de la rutine

Caninexpert

ConclusionLes études restent peu nombreuses. Cependant, vu le très bon rapport bénéfices/risques, la rutine semble promise à un bel avenir dans le traitement, jusque-là très incertain, des chylothorax idiopathiques. ❚

traitement chirurgical du chylothorax La correction chirurgicale est recommandée chez les animaux qui ne répondent pas à un traitement médical instauré depuis 2 à 3 mois.Le principe de cette intervention repose sur le fait qu’une ligature de la portion caudale du canal thoracique bloque le flux de chyle au thorax et entraîne la formation de nou-velles anastomoses lymphatico-veineuses à la veine cave caudale ou à la veine azygos en 1 à 2 semaines.Une lymphangiographie avec injection de colorant (bleu de méthylène) par cathétérisation d’un vaisseau lymphatique mésentérique permet de visualiser le canal thoracique.Si la ligature du canal thoracique est infructueuse, un shunt pleuro-péritonéal (pose d’une mèche) ou pleuro-veineux peut être envisagé.Les publications scientifiques décrivent une autre tech-nique : la péricardectomie, seule ou associée à la liga-ture du canal thoracique [2]. Le principe est que, lors de chylothorax, de la même façon qu’il existe une pleurésie fibrosante, un épaississement du péricarde peut aussi être observé. Il peut majorer les pressions veineuses dans la veine cave caudale et aggraver la lymphangiectasie secon-daire. La péricardectomie va ainsi permettre un meilleur remplissage diastolique du myocarde.

alimentationUne alimentation pauvre en graisses va diminuer la quan-tité de lipides dans l’épanchement, ce qui peut améliorer la capacité à résorber le chyle de la cavité thoracique.

1. Fossum TW. Chylothorax in cats: is there a role for surgery? J. Feline Med. Surg. 2001;3:73-79.

2. Fossum TW, Mertens MM, Miller MW et coll. Thoracic duct ligation and pericardectomy for treatment of idiopathic

chylothorax. J. Vet. Intern. Med. 2004;18:307-310.

3. Ludwig LL, Simpson AM, Han E. Pleural and Extrapleural diseases. In: Ettinger SJ. Feldman EC, Texbook of Veterinary Internal

Medicine. 7th ed. Saunders Elsevier, St Louis USA. 2010;1131-1135.

4. Markham KM, Glover JL, Welsh RJ et coll. Octreotide in the treatment of thoracic duct injuries. Am. Surg. 2000;66(12):1165-1167.

5. Thompson MS, Cohn LA, Jordan RC. Use of rutin for medical management of idiopathic chylothorax in four cats. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1999;215(3):345-348.

Références

Medical treatment of idiopathic chylothorax in two cats using rutinfChylothorax occurred gradually and caused respira-tory insufficiency in two cats. thoracentesis was per-formed to confirm both the nature of the effusion and to relieve the animals¹ respiratory distress. Medical imaging was used to exclude the different causes of chylothorax and a diagnosis of idiopathic chylothorax was established. Medical treatment involved a change in diet and rutin. the cats¹ general condition was sta-bilised rapidly. Clinical improvement was longer in the second cat, which presented with a fibrosing pleurisy.

KeywordsChylothorax, pleural fibrosis, rutin, rutoside, cat.

Summary

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