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Innovations Agronomiques 44 (2015), 1-13 Ferments et aliments : une longue histoire riche d’enseignements Lortal S. 1 1 UMR Science et Technologie du Lait et de l’œuf – Inra, Agrocampus Ouest - Rennes Correspondance : [email protected] Résumé Les aliments fermentés existent depuis des milliers d’années. L’optimisation et la diversification des procédés fermentaires, menées en diverses parties du monde, l’ont été sans que l’homme n’ait la moindre conscience de l’existence et du rôle des microorganismes dans ces transformations. L’enjeu était de sécuriser l’approvisionnement en nourriture en allongeant la durée de conservation des matières premières, d’en améliorer les gouts et les textures et parfois même de les rendre simplement comestibles alors qu’elles ne l’étaient originellement pas. C’est en 1865 seulement que Pasteur lève le voile sur les acteurs microscopiques de ces fermentations. Jusqu’en 1990 environ, les approches biochimiques et pasteuriennes prévalent, et permettent de décrire divers aliments fermentés, ainsi que les techniques d’ensemencement traditionnelles, tout en étant limitées par la complexité des écosystèmes et des cascades métaboliques en présence. La deuxième grande révolution est celle des outils moléculaires à partir des années 1990 et plus récemment encore des «omics». En faisant « parler » l’ADN et l’ARN présent dans les matrices, ainsi que le génome de nombreuses espèces fermentaires, ces outils permettent enfin d’entrer au cœur de ce dialogue, ancestral, entre microorganismes et aliments. Pour autant, de nouvelles questions se posent et constituent les challenges de demain pour la conception de ferments sûrs, sains et fonctionnels. Mots clés: Aliments fermentés, ferment, bactéries lactiques, génomique Abstract: Ferments and foods: a long story rich in teachings Fermented foods exist for millenaries. In numerous regions of the world, the process was optimized and diversified without any awareness of the existence of microorganisms. The purpose was by empirical know how to be able to store longer raw material in order to secure food availability, to improve taste and texture, and sometimes to render raw material simply edible. In 1865, Pasteur demonstrated that microorganisms were the key actors of these transformations. Until 1990, biochemistry and classical microbiology were used to describe the fermentative process. However the complexity of metabolic cascades involved makes any mechanistic explanation very hard to reach. From 1990 to now, revolutionary molecular tools have been applied to fermented foods and starters, in particular for dairy products. By exploring DNA and RNA present in these matrices, these new technologies allow to enter in the ancestral dialog between microorganisms and food, and to deeply know the starters that are now most often added to standardized process. Still new questions emerged as new challenges for scientists to be able to define more complex starters, healthy, safe, and with predictable functionalities. Keywords: Fermented foods, starters, lactic bacteria, genomics

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Innovations Agronomiques 44 (2015), 1-13

Ferments et aliments : une longue histoire riche d’enseignements

Lortal S. 1

1UMR Science et Technologie du Lait et de l’œuf – Inra, Agrocampus Ouest - Rennes

Correspondance : [email protected]

Résumé

Les aliments fermentés existent depuis des milliers d’années. L’optimisation et la diversification des procédés fermentaires, menées en diverses parties du monde, l’ont été sans que l’homme n’ait la moindre conscience de l’existence et du rôle des microorganismes dans ces transformations. L’enjeu était de sécuriser l’approvisionnement en nourriture en allongeant la durée de conservation des matières premières, d’en améliorer les gouts et les textures et parfois même de les rendre simplement comestibles alors qu’elles ne l’étaient originellement pas. C’est en 1865 seulement que Pasteur lève le voile sur les acteurs microscopiques de ces fermentations. Jusqu’en 1990 environ, les approches biochimiques et pasteuriennes prévalent, et permettent de décrire divers aliments fermentés, ainsi que les techniques d’ensemencement traditionnelles, tout en étant limitées par la complexité des écosystèmes et des cascades métaboliques en présence. La deuxième grande révolution est celle des outils moléculaires à partir des années 1990 et plus récemment encore des «omics». En faisant « parler » l’ADN et l’ARN présent dans les matrices, ainsi que le génome de nombreuses espèces fermentaires, ces outils permettent enfin d’entrer au cœur de ce dialogue, ancestral, entre microorganismes et aliments. Pour autant, de nouvelles questions se posent et constituent les challenges de demain pour la conception de ferments sûrs, sains et fonctionnels.

Mots clés: Aliments fermentés, ferment, bactéries lactiques, génomique

Abstract: Ferments and foods: a long story rich in teachings

Fermented foods exist for millenaries. In numerous regions of the world, the process was optimized and diversified without any awareness of the existence of microorganisms. The purpose was by empirical know how to be able to store longer raw material in order to secure food availability, to improve taste and texture, and sometimes to render raw material simply edible. In 1865, Pasteur demonstrated that microorganisms were the key actors of these transformations. Until 1990, biochemistry and classical microbiology were used to describe the fermentative process. However the complexity of metabolic cascades involved makes any mechanistic explanation very hard to reach. From 1990 to now, revolutionary molecular tools have been applied to fermented foods and starters, in particular for dairy products. By exploring DNA and RNA present in these matrices, these new technologies allow to enter in the ancestral dialog between microorganisms and food, and to deeply know the starters that are now most often added to standardized process. Still new questions emerged as new challenges for scientists to be able to define more complex starters, healthy, safe, and with predictable functionalities.

Keywords: Fermented foods, starters, lactic bacteria, genomics

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Introduction

Le terme « Ferment » dans le Larousse répond à la définition suivante : « agent microbien produisant la fermentation d’une substance ». Ce ferment peut donc être soit naturellement présent dans la matière première soit ajouté. Le terme « levain » quant à lui, répond à deux définitions, l’une très proche de celle de ferment mais qui introduit une notion de sélection et d’ajout : «culture de micro-organismes sélectionnés que l'on introduit dans les produits à fermenter (pâte à pain, moût de brasserie, etc.) en vue de maîtriser la fermentation » ou une autre définition, plus circonscrite au pain dit au levain, « morceau de pâte en cours de fermentation incorporé à la pâte en cours de pétrissage pour en provoquer la levée par dégagement de gaz carbonique ». Le terme ferment est donc plus générique et plus large et a été retenu pour cet article.

Trois temps d’importance très inégale existent dans l’histoire des aliments fermentés : une période intégralement empirique d’environ 10 000 ans, puis à partir des découvertes de Pasteur en 1865, environ 130 ans de caractérisation microbiologique et biochimique des aliments fermentés avec un développement industriel de leur production et un souci croissant d’hygiène et de sécurité alimentaire. Le troisième temps commence dans les années 1990. En seulement 25 ans, des approches moléculaires basées sur l’ADN et l’ARN des matrices, ou des souches isolées, ont apporté des avancées spectaculaires. Par leur puissance d’investigation inimaginable quelques années auparavant, ces approches changent notre regard sur ces produits et les savoir-faire associés, et nous amènent à regarder enfin l’ensemble de l’écosystème en présence et non chaque acteur séparément. Elles permettent d’optimiser la sélection et la production de ferments industriels, de revisiter les pratiques traditionnelles, et de faire avancer la réglementation. Elles génèrent toutefois de nouvelles questions complexes, et le lien entre ferment, flore endogène et qualités finales de l’aliment fermenté n’est toujours pas pleinement élucidé ; de même que ses potentiels effets santé.

1. Les aliments fermentés, origine et diversité

Toute matière première comestible pour l’homme, animale ou végétale, va se détériorer sous l’action des microorganismes ambiants. En effet, premières formes de vie sur terre, les bactéries ont des capacités métaboliques très élaborées et sont capables de dégrader les macromolécules les plus complexes en molécules plus simples, œuvrant ainsi à un recyclage universel. L’homme a donc été confronté très tôt à la compétition avec les microorganismes pour préserver les matières premières qu’il récoltait, issues de la cueillette ou de la chasse, et donc à la difficulté de sécuriser dans le temps ses aliments. Non seulement ceux-ci pouvaient être abimés et perdus, mais ils pouvaient aussi recéler des germes dangereux. A l’aide de ces cinq sens, tout le génie de l’homme a été, par l’observation et via des procédés simples, de sélectionner, d’orienter les microorganismes en présence pour stabiliser l’aliment dans son évolution. Le savoir-faire empirique de fermentation développé, non seulement prolonge la durée de vie de la matière première, la protège au moins partiellement des germes indésirables, mais aussi diversifie les saveurs et l’aspect des produits finis ; tout cela eut lieu pendant 10 000 ans sans avoir la moindre idée de l’existence des microorganismes ainsi « domestiqués » à son profit. Aujourd’hui plus de 5000 aliments fermentés sont répertoriés dans le monde, et parmi eux des fleurons de créativité et de cultures locales (pain, fromages, salaisons, végétaux fermentés, vin, bière…) (Tamang et Kalaisapathy, 2010 ; Salque et al., 2012 ; Yang et al., 2014). Selon ces auteurs, de 50 à 400 g d’aliments et boissons fermentées sont consommées par jour et par personne dans le monde, ce qui représente selon les pays de 5 à 40% de la prise alimentaire. Dans nos contrées, la prédominance des aliments fermentés laitiers est certaine (50 kg/an/personne si on considère fromages et laits fermentés soit environ 1011 microorganismes ingérés/personne/j). Ce n’est pas nécessairement le cas dans le reste du monde (Asie) où prédominent dans la diète les végétaux fermentés. A peu près toutes les matières premières peuvent faire l’objet d’une fermentation et tout dépendra donc des spécificités locales des agro-ressources, de la culture et du climat. Un ouvrage grand public (Frederic,

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2014) raconte l’histoire des aliments fermentés et son titre « ni cru, ni cuit » est une formule imagée très appropriée pour résumer la spécificité des aliments fermentés. Il est à souligner que ce procédé alimentaire réalisable avec des ustensiles très simples, et inventé des milliers d’années avant l’utilisation des énergies fossiles, est par essence « bio économe » (Figure 1). Les fermentations sont au cœur de nos régimes alimentaires, tant sur le plan socio-culturel que gustatif (Lortal, 2015) et parfois garants de la sécurité alimentaire de certains pays (Nout et al., 1997 ; Motarjemi, 2002).

Figure 1 : Origine ancestrale et évolution des aliments fermentés

2. La découverte des ferments microbiens et de leur rôle dans la transformation/préservation des aliments fermentés

C’est Lavoisier qui au début du XVIIIème siècle identifia les phénomènes biochimiques lors de la fermentation alcoolique en établissant que le sucre se décompose en alcool et en CO2 mais sans explication mécanistique. L’hypothèse que la fermentation du vin était due à une substance vivante contenue dans le mout aurait été émise par un certain Adamo Fabbroni dès 1787. Toutefois, c’est Pasteur qui démontra vers 1865 l’existence des microorganismes et leur implication dans la fermentation à partir de ses travaux sur la fermentation butyrique. Dès lors, il étudiera de nombreuses fermentations, et s’impliquera auprès des fabricants de vinaigre, ou de vin pour stabiliser leurs produits et éviter les défauts de fabrication, alors fréquents. Un chauffage modéré, appliqué au vin, au lait, à la bière etc… et qui portera son nom, la pasteurisation, est une étape clé dans ce début de sécurisation des procédés fermentaires tant pour l’irrégularité que pour les aspects sanitaires (élimination des germes pathogènes). Les travaux de Pasteur démontrant aussi l’implication des microorganismes dans les pathologies humaines, une certaine phobie du « microbe » commença à voir le jour, dont sont issus tous les développements et approches hygiénistes du siècle suivant, qui eut naturellement des répercussions sur les procédés alimentaires. Parallèlement, l’essor de la démographie et l’urbanisation du 19ème siècle appellent à un changement d’échelle des procédés fermentaires, et à un contrôle accru pour produire des aliments sûrs, en quantité, sans défaut et avec le moins de variabilité possible. Les procédés fermentaires artisanaux, faits à l’échelle de la maison ou du village, à partir de la microflore endogène des matrices ou de celles des ustensiles et des pratiques, sont par nature assez incompatibles avec ces nouvelles nécessités. Des versions industrialisées de ces produits verront ainsi

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le jour, et l’ajout de ferment sélectionné deviendra rapidement incontournable. Dans une large partie du monde, Afrique, Inde, et une partie de l’Asie, les pratiques artisanales demeurent. Au sein même de notre pays cohabitent des aliments fermentés hautement industriels et standardisés qui s’exportent dans le monde entier, et toute une gamme de produits fermentés artisanaux réalisés à petite échelle, et qui entrent dans des circuits plus courts de distribution. La plupart, cependant, même artisanaux, font aujourd’hui appel à des ensemencements, soit en ajoutant un échantillon d’un batch précédent (technique dite du « backslopping ») soit en ajoutant des ferments commerciaux. Cette technique de backslopping a été insuffisamment explorée à ce jour et recèle pourtant des informations clés sur les bonnes pratiques d’entretien d’un ferment artisanal à petite échelle (Holzapfel, 1997 ; Holzapfel, 2002 ; Dalmasso et al., 2009 ; Wranken et al., 2011).

3. La sélection de ferments pour un procédé et une qualité finale du produit mieux maîtrisés.

Au début du XXème siècle, les pratiques d’isolement de souches, et de caractérisation de leurs propriétés biochimiques sont déjà courantes. La taxonomie est en plein essor et la plupart des espèces impliquées dans les fermentations sont déjà décrites (Lactobacilles, Lactocoques initialement appelés Streptococcus lactis, Propionibacterium, et bien sûr un grand nombre de levures). Des milieux de croissance gélosés spécifiques sont mis au point permettant des numérations relativement sélectives des différents groupes microbiens impliqués dans les fermentations ainsi que des pathogènes alimentaires. Dans de nombreux pays, les aliments fermentés sont explorés et en quelques décennies (de 1900 à 1975), les grands phénomènes d’acidification, de protéolyse, de lipolyse, d’évolution de la texture et des arômes sont décrits (Lawrence et al.., 1975), sans que les liens entre espèces et phénomènes biochimiques soient toujours clairement établis. Tandis qu’en Asie ce sont les végétaux fermentés tels que le Kimchi qui feront l’objet d’études intensives (Jung et al., 2013), les recherches en France et notamment à l’Inra se focalisent principalement sur les fermentations laitières et à une moindre échelle sur les salaisons (Leroy et al.., 2006 ; Talon et al., 2015), les levains de vinification (Dequin, ce document) et de panification (Vogel et al., 2002 ; de Vuyst et al., 2005 ; Ramsayer et Sicard, 2015). Cette revue se focalisera donc principalement sur ce fer de lance que représentent depuis les années 30 les recherches effectuées pour caractériser les ferments pour l’industrie laitière.

Vers les années 1930, la composition des ferments lactiques est encore un assemblage indéfini. Cependant, en Europe, USA et Océanie, l’industrie laitière commence son essor pour répondre à la demande croissante de produits laitiers et aspire à des ferments qui garantissent la première étape clé du procédé fermentaire : l’acidification. Une capacité acidifiante rapide des souches est donc la première cible des fabricants de ferments. La possibilité d’ensemencer une souche unique pour cette acidification, au lieu de ferments artisanaux composés de plusieurs souches en proportion plus ou moins définie, est proposée par des chercheurs de Nouvelle Zélande qui souhaitent standardiser, et limiter les défauts dans la production du Cheddar (Whitehead et al.., 1934 ; O’Toole, 2004). Bien que fructueuse au départ, cette démarche de souche unique de bactérie lactique comme ferment se heurte bientôt à des accidents de fabrication avec interruption brutale de l’acidification et lyse du ferment. Il est démontré peu de temps après que des bactériophages sont présents et responsables de ces accidents (Whitehead et al.., 1935, 1936). Les auteurs eux-mêmes soulignent que l’utilisation d’une souche pure a favorisé cette émergence (Mullan, 2005). Ce constat a généré des recherches intenses sur les phages et les souches résistantes aux phages (Lauwrence et al.., 1976 ; Limsowtin et al., 1994) et également des stratégies de rotation ou d’assemblage de souches présentant des résistances complémentaires. Ce choix stratégique de la Nouvelle Zélande vers des ferments simplifiés a fortement influencé l’ensemble des pays industrialisés. Un autre développement important de cette période porte sur la production industrielle du ferment, préservant sa viabilité et des propriétés stables et reproductibles. Les ferments furent d’abord congelés, à différentes températures avec des pertes importantes de viabilité, puis toute une optimisation pour les concentrer a été réalisée (ensemencement direct). La lyophilisation

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s’est révélée une alternative intéressante pour le transport et la commercialisation des ferments, et les recherches ont optimisé les milieux de culture pour la production de ferments lyophilisés (Champagne et al., 1981). Toutefois, un certain nombre de souches d’espèces clés de bactéries lactiques se sont révélées très sensibles à la congélation ou la lyophilisation ce qui représente une limite majeure quand elles possèdent des propriétés intéressantes (Fonseca et al., 2001 ; Bozoglu et al., 1987). De ce fait, les recherches se sont tournées plus récemment vers le séchage par atomisation qui semble prometteur (Peighambardoust et al., 2011).

Le phénotypage intensif des propriétés technologiques occupera une grande partie des chercheurs pendant des décennies (Lawrence et al., 1975) mais le caractère souche dépendant de la protéolyse, lipolyse, production d’arômes ou résistance aux phages demeurera souvent au stade du constat. A partir des années 1980, la biologie moléculaire révolutionne les approches. Elle permet d’identifier l’espèce à laquelle une souche appartient par des amplifications spécifiques. Les plasmides, éléments génétiques mobiles des génomes, sont caractérisés, tracés et les fonctionnalités qu’ils peuvent porter identifiées (protéase, catabolisme du lactose). Le lien phénotype technologique d’intérêt et gènes est établi dans quelques cas, avec une caractérisation des enzymes impliquées (peptidases, estérases, lactate déshydrogénase …) ce qui permet d’optimiser les sélections de ferments. Des outils de clonage et de mutation de gènes clés seront développés sur les espèces ferments les plus utilisées, telles que L. lactis, permettant de créer des mutants négatifs et des surexpressions à même de valider les fonctions. Toutes les souches ne sont toutefois pas transformables aisément. Une avancée majeure pour les ferments est la possibilité d’établir une sorte de carte d’identité des souches via leur génome (PFGE, RAPD, puis plus récemment MLST) et donc non seulement de les reconnaître dans un procédé, de comparer leur proximité phylogénétique mais aussi de suivre, après isolement sur boite, leur dynamique dans le temps et leur implantation dans les aliments. De nombreuses propriétés d’intérêt sont mises en relation avec ces typages génomiques, mais le lien génotype-phénotype se révèle beaucoup plus complexe qu’escompté. La souche dépendance d’un phénotype au sein d’une espèce peut être extrêmement étendue sans que l’on parvienne souvent à comprendre les mécanismes moléculaires sous-jacents (Valence et Thierry, 2015). Les criblages des ferments effectués souvent en tubes génèrent des résultats intéressants sur le plan académique mais difficiles à transposer en matrice alimentaire réelle pour « prédire » l’activité d’un ferment.

L’autolyse spontanée de certains ferments lactiques (Lortal et Chapot-chartier, 1995), libérant dans la matrice des enzymes clés pour l’affinage, enzymes qui peuvent demeurer actives (Gagnaire et al., 1998) introduit un facteur de complexité supplémentaire dans le choix d’un ferment. En effet, il s’agit donc d’intégrer dans sa sélection non seulement ce qui se passe au moment de sa croissance mais aussi au moment de sa « décroissance » dans la matrice. Concernant la production d’arôme, un goulot d’étranglement majeur est levé dans cette période et le catabolisme des acides aminés devient un nouveau critère de sélection (Yvon et Rijnen, 2001). Améliorer certaines propriétés des souches de ferment via la génétique devient parallèlement un axe de recherche intensif via la surexpression de certains gènes (activité peptidasique par exemple), qui se heurtera au bout de quelques années au refus par l’Europe, et par une large part de la société civile, des microorganismes OGM directement dans l’alimentation.

Une étape clé dans l’histoire des ferments a été sans nul doute le séquençage du génome entier de Lactococcus lactis (Bolotin et al.., 2001). Aujourd’hui la plupart des espèces d’intérêt alimentaire a au moins une souche séquencée et parfois plusieurs de la même espèce (accès au pangenome). Grâce à la chute du coût de séquençage, les connaissances génomiques explosent, et via l’ADN plusieurs avancées majeures sont réalisées concernant les ferments : démonstration d’échanges ou de pertes de gènes chez les acteurs microbiens associés aux fermentations (Cheeseman et al., 2014 ; Rossi et al., 2014) découverte des traces génomiques d’une forme de « domestication » des espèces utilisées comme ferments et adaptation à la matrice (Couvigny et al.., 2015 ; Papadimitriou et al., 2015), présence de gènes de résistance aux antibiotiques (Rossi et al., 2014). L’utilisation de la génomique

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comparative (Borneman et al., 2013), du pangenome, devient un outil clé dans la sélection de ferments (Garrigues et al., 2013 ; Branco dos Santos et al., 2013).

Ainsi, le cahier des charges sur la sélection de ferments, pour les bactéries lactiques, s’alourdit au fil du temps : acidification, résistance au procédé de production (lyophilisation le plus souvent), croissance et implantation et survie ou non dans la matrice, propriétés technologiques d’intérêt « garanties », et aussi sur le plan sanitaire, vérification de l’absence de gènes non souhaités (production d’amines biogènes, de résistance aux antibiotiques, …). Le concept « QPS » (Qualified presomption of safety) apparait dans les années 2000 (Talon et al., 2015). La capacité à inhiber la croissance des pathogènes est aussi intensément explorée in vitro et quelquefois vérifiée in situ, notamment en ce qui concerne l’inhibition de Listeria. L’interprofession laitière a commencé récemment à établir une liste d’espèces utilisables comme ferments avec une historique d’application (Bourdichon et al., 2012), liste fermée donc puisqu’elle exclurait de fait toutes les espèces qui n’y figureraient pas, ce qui répond à une demande de l’EFSA mais n’est pas sans poser question pour l’avenir. Plus récemment encore, du fait des attentes croissantes de naturalité des consommateurs, on recherche chez les souches de ferments lactiques des propriétés susceptibles de remplacer certains conservateurs, comme par exemple des propriétés anti-fongiques (Valence et Thierry, 2015). Enfin, une extension du domaine d’application des ferments non plus pour fermenter mais pour protéger de manière naturelle la surface des matières premières ou des matrices alimentaires voit le jour dans les années 2000 sous l’appellation de bio préservation (Zagorec et al., 2015)

Bien que Metchnikoff ait soulevé l’hypothèse dès le début du siècle (1906) des vertus potentielles pour la santé de la consommation de bactéries lactiques via les yoghourts, c’est seulement dans les années 1970 que démarreront significativement les recherches sur les souches probiotiques, à effet bénéfique sur l’homme, qui accompagnent tout le mouvement des aliments fonctionnels. Ainsi des « ferments lactiques probiotiques » voient le jour et sont ajoutés aux produits ou vendus concentrés en gélules, en parapharmacie. Toutefois, la difficulté règlementaire en Europe sur le chemin des allégations santé des aliments limitent les revendications possibles, ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays (USA) où la présence de ferments probiotiques est revendiquée sur de très nombreux aliments. Le mode d’ingestion du probiotique n’est pas anodin et il semble que la matrice alimentaire laitière constitue un vecteur protecteur (Jan, communication personnelle). Toujours en termes de santé de l’homme, l’aptitude des espèces ferments à augmenter la valeur nutritionnelle d’une matrice par leurs métabolites ou leurs enzymes a été étudiée de manière dispersée dans la littérature: production de vitamines in situ, de peptides bioactifs, fourniture d’acides aminés essentiels, augmentation de la digestibilité par consommation du lactose ou pré-hydrolyse des protéines (diminution de l’allergenicité pour les protéines végétales), dégradation des phytates et donc amélioration de la biodisponibilité des minéraux toujours chez les végétaux, et enfin dégradation des mycotoxines (Savoie et al., 2015) et n’est pas encore, à ma connaissance, inclue dans la sélection des ferments.

Pour conclure, les connaissances ont réellement explosé sur les ferments entre 1950 et 2000, mais il existe un très grand déséquilibre d’investissement recherche entre certaines espèces (notamment Lactococcus lactis ou certaines souches probiotiques pour les lactiques ou encore la levure modèle S. cerevisiae) versus toutes les autres espèces d’intérêt alimentaire. En termes de qualités organoleptiques des produits finis, et même si les ferments sont de plus en plus pointus et pertinents, il apparait aussi que la présence d’une grande biodiversité de microorganismes d’origine endogène enrichit les qualités du produit fini (Demarigny et al., 1997 ; Montel et al., 2014 ; Delbes et al., 2015) et que donc le ferment, même multiple, ne peut à lui seul encore remplacer cela. Par ailleurs, la question de son implantation réelle par rapport aux flores apportées par la matrice pose toujours question, notamment pour les espèces de surface (Georges et al., 2008).

A l’issue de cette période toutefois, la biodiversité des souches apparait plus que jamais comme une source d’innovation et de différenciation des produits. Prenant la mesure de cette richesse, l’Inra constituera en 2004 un Centre de Ressources Biologiques dédié aux microorganismes d’intérêt

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alimentaire, tant bactéries que levures, afin de la préserver dans des normes de qualité élevées et de l’explorer, pour comprendre les bases moléculaires de la biodiversité phénotypique et pour mieux prédire les applications potentielles (Valence et Thierry, 2015).

4. Les procédés fermentaires revisités par les -omics et les nouvelles questions générées pour les ferments

Comme pour le reste des avancées méthodologiques les –omics ont été rapidement appliqués aux fermentations laitières L'inventaire des espèces bactériennes d'un fromage avait jusque-là été réalisé exclusivement par leur culture sur des milieux plus ou moins spécifiques. Dans les années 2000, l'extraction d'ADN puis d’ARN microbien à partir de fromage a permis l'accès direct à l'empreinte génétique laissée par les bactéries indépendamment de toute étape de culture. Ainsi, ces méthodes basées sur la composition en base d'un fragment de l'ADNr 16S (Ogier et al., 2004 ; Parayre et al., 2007) ont révélé (i) la richesse bactérienne insoupçonnée du lait cru et la dynamique des principales espèces dans certains fromages AOC (Duthoit et al., 2003 ; Duthoit et al., 2005 ; Delbes et al., 2007 ; Montel et al., 2014), ii) la richesse des ustensiles traditionnels comme les cuves en bois participant à l'inoculation du lait (Licitra et al.. 2007 ; Lortal et al., 2009 ; Didienne et al., 2012), (iii) la persistance et l'implantation de flore non levain en fin d'affinage (Falentin et al., 2010), (iv) l’effet anti-listeria des espèces bactériennes du lait cru (Saubusse et al., 2007). Les principaux inconvénients de ces méthodes sont (i) le manque d'exhaustivité car la compétition engendrée par la PCR ne permet de distinguer que les flores dominantes et (ii) la constitution d'une base de données d'espèces pures permettant l'identification uniquement par comparaison de profil.

Ces méthodes appliquées à partir de l'ARN extrait de matrices laitières (Ulve et al., 2008 ; Monnet et al., 2008) ont permis de suivre l’activité métabolique du génome entier d’une souche industrielle de L. lactis au cours de la croissance sur fromage modèle, révélant des conditions de stress modérées et la réponse physiologique apportée (Crétenet et al., 2011). Elles ont aussi permis de montrer que les espèces lactiques thermophiles qui étaient non viables par numération au cours de l’affinage d’un Emmental étaient encore métaboliquement actives au sein de la matrice (Falentin et al., 2012) ce qui change le regard sur la contribution du ferment lactique qui demeure au-delà de sa lyse potentielle.

Grâce au séquençage haut débit, qui permet une description exhaustive et sans a priori, un réel changement de paradigme est en cours (Cocolin et Ercoloni, 2012 ; Champomier-Verges et Zagorec, 2015 ; Almeida et al., 2014). Le pyroséquencage (454) d'un fragment variable de l'ADNr 16S suivi de l'alignement des séquences obtenues sur les bases de données de séquences curées telles le Ribosome Database Project (Wang et al., 2007) permet théoriquement d'identifier toutes les espèces dont la séquence 16S est présente dans les bases de données. Si l'assignation au niveau du genre est assurée, l'assignation à l'espèce est encore rarement atteinte du fait de la proximité de séquence des régions du 16S. Ces méthodes ont été appliquées, à notre connaissance, pour la première fois en 2011 sur un kéfir de lait révélant la présence de Lactobacillaceae dans le lait et de Streptococcacea dans les grains (Dobson et al., 2011). Ce lait fermenté a été ensuite étudié de nombreuses fois révélant des particularités régionales : participation des Acinobacter à l'acidification de kéfir tibétain (Gao et al., 2013), abondance d'une grande diversité d'espèces du genre Lactobacillus dans le kéfir turc (Nalbantoglu et al., 2014). Enfin, le séquençage 454 a mis en lumière l'impact du procédé et du type de lait (vache/chèvre/brebis sur la richesse bactérienne (Quigley et al., 2012 ; Quigley et al., 2013). Il a aussi été montré que la fabrication de la mozzarelle avec son étape de filage à chaud sélectionne les bactéries thermophiles (Ercolini et al., 2012) et que l'ajout de présure d'origine animale est une source de bactéries lactiques dans les fromages italiens (Cruciata et al., 2014). Enfin, Wolfe et al. (2014) ont proposé une approche « méta » sur une centaine de fromages appartenant à différentes familles technologiques et ont hissé le fromage au rang de modèle écologique. Ils ont notamment démontré que le sel sélectionne des populations bactériennes halophiles apparentées à celle de l'eau de mer.

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Les avancées techniques récentes du séquençage (Illumina, Ion torrent) doivent maintenant permettre grâce à leur très haut débit l'accès au méta génome complet. Ce séquençage, non limité au 16S, donne une image des fonctionnalités (gènes) de l'écosystème et donc de leur rôle dans la matrice fromagère. Ces mêmes méthodes adaptées à l'ARN pourront donner une image dynamique et fonctionnelle des écosystèmes bactériens. Elles ont par ailleurs été appliquées avec succès sur le kimchi (Jung et al., 2013), un produit fermenté végétal coréen, sur 120 jours. Concernant les produits laitiers elles apportent d’ores et déjà des réponses à des questions complexes (Almeida et al., 2014 ; Dugat-Bony et al., 2015 ; Delbes et al., 2015). Parallèlement à ces approches en méta génomique et méta transcriptomique en plein essor sur de nombreux aliments fermentés laitiers et non laitiers, signalons tout le potentiel d’autres -omics. En effet, la méta-protéomique appliquée à des échantillons d’offrande alimentaire, de plus de 4000 ans, isolés d’une tombe particulièrement bien conservée en Chine a permis non seulement de révéler qu’il s’agissait de Kéfir mais d’identifier les espèces ferments (L. kefirenofaciens et S. cerevisiae) identiques aux espèces qu’on trouve aujourd’hui dans le Kéfir (Yang et al., 2014). Plus récemment, une approche protéomique directe a apporté des informations sur les enzymes présentes dans le fromage et sur l’identification de l’espèce qui les a produites in situ (Gagnaire et al., 2009). Enfin, la faisabilité d’une approche de type métabolomique pour discriminer par empreinte sans a priori vient d’être démontrée pour suivre l’affinage d’un fromage via les composés solubles et volatils (Le Boucher et al.., 2014). Nul doute que ce dernier outil réalisable sur le produit fini sera bientôt en routine à des fins de sélection/différenciation de ferments.

Malgré les progrès spectaculaires, plusieurs enjeux demeurent : i) le design raisonné de ferment multiple (consortia) pour une fonctionnalité donnée, répondant à une demande de diversification et d’innovation alimentaire ; ii) la maitrise des interactions dans les cultures mixtes (Smid et Lacroix, 2013) ; iii) l’intégration de tous les -omics pour mieux comprendre l’action d’un ferment sur une matrice ; iv) l’évolution adéquate de la réglementation qui ne doit pas être un facteur limitant l’innovation, comme par exemple pour le cas des ferments en bio préservation, v) la nécessité de revisiter avec tous ces nouveaux outils extraordinaires les pratiques d’ensemencement en ‘backslopping’ qui existent dans les fabrications artisanales et les ustensiles traditionnels associés (bois, jarre, …) dans les pays du sud avant que celles-ci ne disparaissent du fait de la mondialisation… et de la très efficace commercialisation de ferments industriels partout dans le monde. Bien que protégées par les accords de Nagoya sur la biodiversité (Valence et Thierry, 2015), les pratiques d’isolement de souches d’aliments traditionnels du monde pour trouver de nouveaux ferments perdurent. Enfin, il faut signaler l’écart considérable qui existe entre le niveau de connaissances sur quelques espèces de bactéries lactiques ou levures modèles, et celui concernant la grande multitude des espèces impliquées dans les fermentations alimentaires.

Conclusions - réflexion

Depuis les pratiques traditionnelles de fermentation, avec ensemencement « à l’aveugle » sans connaissance aucune des acteurs microbiens impliqués (pratiques qui empiriquement fonctionnent encore très bien dans une large partie du monde), et la sophistication extrême de la sélection des ferments dans de grands groupes industriels, pour des ensemencements standardisés, environ 130 ans de recherches sont passées. Souvent les mêmes questions sont revisitées avec des outils de plus en plus puissants et les derniers en date assez révolutionnaires ont fait faire un bond de géant à la maitrise des ferments. Pour autant, de grandes questions demeurent sur la conception raisonnée d’écosystèmes, sur la souche dépendance d’un grand nombre de propriétés d’intérêt technologique, sur les modifications biochimiques de la matrice et leurs effets santé. Les ferments peuvent augmenter la densité tant énergétique que nutritionnelle d’un aliment, libérer des signaux moléculaires, ou véhiculer par eux-mêmes une activité pré ou probiotique. Dès lors, le challenge scientifique se déplace de plus en plus vers une meilleure compréhension des interactions écosystèmes/ aliment fermenté/santé de l’homme et sur les interactions, le dialogue entre souches. Sur le plan sociétal,

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comment ce procédé fermentaire, qui a tous les atouts de la durabilité, peut s’inscrire dans l’évolution en cours de notre alimentation : circuits courts, naturalité, transition de l’animal vers plus de végétal, et perpétuelle attente de nouveaux goûts ou de nouvelles textures ? Comment conjuguer à la fois la biodiversité microbienne, la richesse organoleptique et la sécurité sanitaire dans les produits industriels ? Comment enfin œuvrer en collaboration pour que ces procédés fermentaires bio-économes contribuent encore plus demain à la sécurité alimentaire des pays du Sud ?

Remerciements : pour les échanges fructueux et fréquents autour des aliments fermentés : A. Thierry, F. Valence, H. Falentin, Y. Le Loir, R. Lemée, MC Champomier-Verges, D. Sicard, R. Talon, M. Brossier, M.C. Montel, J.P. Guyot, E. Maguin et bien d’autres ! Et A. Giboulot pour la recherche inlassable et précieuse de bibliographie sur le sujet.

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Cet article est publié sous la licence Creative Commons (CC BY-NC-ND 3.0)

https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/fr/

Pour la citation et la reproduction de cet article, mentionner obligatoirement le titre de l'article, le nom de tous les auteurs, la mention de sa publication dans la revue « Innovations Agronomiques », la date de sa publication, et son URL)

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Innovations Agronomiques 44 (2015), 15-24

La connaissance approfondie des communautés bactériennes des aliments et ses conséquences pour l’utilisation de la biopréservation

Zagorec M.1,2, Champomier-Vergès M.3,4, Chaillou S.3,4, Leroy S.5, Christieans S.6

1 INRA, UMR1014 Secalim, F-44307 Nantes,

2 LUNAM Université, Oniris, F-44307Nantes,

3 INRA, UMR1319 Micalis, F-78350 Jouy-en-Josas,

4 AgroParisTech, UMR Micalis, F-78350 Jouy-en-Josas,

5 INRA, UR454 Microbiologie,F- 63122 Saint-Genès Champanelle

6 ADIV, 10, rue Jacqueline Auriol, F-63039, Clermont-Ferrand

Correspondance : [email protected]

Résumé

Grace aux méthodes de séquençage à haut débit, les communautés bactériennes présentes dans les aliments sont maintenant mieux connues. Les données acquises au cours de ces dernières années remettent en cause certains dogmes ou certaines habitudes dans l’analyse microbiologique des denrées alimentaires, mais ouvrent aussi de nouvelles possibilités. En effet, des espèces jusque-là inconnues ou inattendues sont parfois présentes en grand nombre dans les aliments. Un regard approfondi de la dynamique de ces populations au cours de la conservation a mis en évidence des synergies comme des exclusions et parfois remis en cause le rôle altérant de certaines espèces ou au contraire révélé un potentiel altérant inattendu. Enfin, les données de séquençage à haut débit ont montré les limites des méthodes culturales classiques utilisées pour garantir la salubrité ou la date limite de consommation des aliments. Elles pourraient concourir à une utilisation mieux maîtrisée et plus performante de la biopréservation par une connaissance accrue des interactions bactériennes lors de l’altération et lors de l’utilisation de flores protectrices, et contribuer à envisager la révision des critères utilisés pour l’analyse microbiologique des aliments et leur salubrité.

Mots-clés : Flores protectrices, aliments, date limite de consommation, réglementation

Abstract: The consequences of an extensive description of food microbial communities on

biopreservation practice

Thanks to the development of high throughput sequencing technologies, the bacterial communities present in food are now better described. The data recently acquired question some dogmas or uses in the field of food microbiology, but also enable new possibilities. Indeed, some yet unknown or unexpected species may be abundant in foodstuffs. An extensive analysis of the dynamics of these populations during shelf-life has evidenced some co-occurrence or co-exclusion and sometimes questioned the spoiling potential of some species or, on the contrary, revealed an unexpected spoilage capacity for others. Last, high throughput sequencing data have shown the limitations of cultural methods for ensuring safety or for the determination of the use-by-date. This might enable a more controlled and more efficient use of biopreservation through an increased knowledge of bacterial interactions that occur during spoilage and when protective cultures are used, in particular by revisiting the criteria that are commonly used for characterizing food microbiology.

Keywords: Protective cultures, foodstuffs, use-by-date, regulations

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Introduction

Les aliments carnés, qu’il s’agisse de viandes ou de produits de la mer, sont inévitablement contaminés lors des processus d’abattage, d’éviscération, de découpe et au cours des étapes de transformation de la matière première et sont d’excellents supports pour la croissance des bactéries. Des mesures strictes d’hygiène en élevage, dans les abattoirs et dans les usines de transformation contribuent à limiter les contaminations mais ne peuvent les éviter totalement. Lors du stockage des produits jusqu’à leur date limite de consommation (DLC), les communautés bactériennes vont pouvoir se développer selon que les conditions leur seront plus ou moins favorables. Ainsi, des paramètres tels que la température, la disponibilité de l’eau (caractérisée par l’aw), le pH ou encore les gaz présents dans l’atmosphère de l’emballage, influencent la croissance des communautés bactériennes présentes sur les aliments. On parle alors de facteurs abiotiques par opposition aux facteurs biotiques qui sont représentés par les organismes vivants, c’est à dire ici les bactéries de l’écosystème. Les différentes espèces composant ces communautés bactériennes vont en outre interagir entres elles et utiliser les composés (sucres, peptides, acides aminés, vitamines, etc.) de l’aliment comme nutriments pour se développer. Afin de garantir la qualité microbiologique des aliments, il existe plusieurs normes qui permettent de déterminer la charge bactérienne présente dans les aliments et d’estimer son évolution jusqu’à la DLC. En ce qui concerne certaines bactéries pathogènes, l’absence ou la présence en dessous d’un certain seuil est exigée. Pour estimer la salubrité, c’est généralement la flore totale qui est mesurée, avec, suivant les produits, le comptage d’autres catégories bactériennes comme les bactéries lactiques, les entérobactéries, etc. La plupart du temps, ces mesures sont effectuées grâce à des méthodes dites culturales, basées sur des dénombrements réalisés à l’aide de milieux de cultures plus ou moins sélectifs d’espèces, de genres ou de familles bactériennes. Ainsi, on a longtemps considéré que les communautés bactériennes présentes sur nos aliments étaient bien connues, contrairement à d’autres écosystèmes comme les sols ou les microbiotes animaux dans lesquels on estimait que plus de 90% des espèces présentes nous étaient inconnues ou étaient non cultivables en conditions de laboratoire. Lors de ces dernières années, de nouvelles approches basées sur le séquençage de l’ADN à haut débit a permis une description plus précise des communautés bactériennes présentes dans nos aliments : leur identité et leur provenance sont maintenant mieux connues (Chaillou et al., 2015 ; Renault et al., 2015). La dynamique des populations lors de la conservation des aliments a également été étudiée de manière plus approfondie. Les résultats obtenus par ce type d’approche ont ébranlé certains dogmes mais ouvrent de nouvelles pistes pour mieux garantir la qualité microbiologique des aliments carnés.

1. Les communautés bactériennes des aliments carnés

1.1 Une analyse d’envergure sur une sélection de huit produits

Dans le cadre du projet ANR Ecobiopro, qui a été réalisé entre 2011 et 2014, un consortium1 de 10 partenaires (académiques, centres techniques et industriels) s’est intéressé aux communautés bactériennes présentes sur 4 produits carnés et 4 produits de la mer communément trouvés dans le commerce (Chaillou et al., 2015). Il s’agissait de steak haché de bœuf, de viande de veau hachée, de dés de lardons nature, de saucisses de volaille, de filets de cabillaud et de saumon, de saumon fumé et de crevettes cuites décortiquées. Tous les produits, excepté le saumon fumé conservé sous vide, étaient conservés sous atmosphère protectrice. Les 8 produits étudiés ont été choisis pour différentes raisons.

1 Consortium ECOBIOPRO : S. Chaillou, A. Chaulot-Talmon, H. Caekebeke, M. Cardinal, S. Christieans, C. Denis, M.H. Desmonts, X. Dousset, C. Feurer, E. Hamon, J.J. Joffraud, S. La Carbona, F. Leroi, S. Leroy, S. Lorre, S. Macé, M.F. Pilet, H. Prévost, M. Rivollier, D. Roux, R. Talon, M. Zagorec, M.C. Champomier-Vergès

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- Le bœuf haché est un produit populaire ancré dans la consommation courante dont les communautés bactériennes ont été bien étudiées par des approches essentiellement culturales. Il fait l’objet d’une surveillance sanitaire particulière en raison des épidémies dues aux Escherichia coli entérohémorragiques en lien avec sa consommation. En revanche, la viande de veau hachée est un produit nouveau pour lequel il existe encore peu de recul. Il était pertinent de comparer ces deux produits voisins et subissant des procédés identiques.

- Les dés de lardons sont des produits dont la commercialisation est en plein essor. Préparés à partir de poitrine de porc saumurée, ces produits sont relativement stables et se caractérisent par une DLC particulièrement longue, d’où l’intérêt d’en étudier la microbiologie.

- Les saucisses de volailles représentent elles aussi un produit relativement nouveau, constitué de différents ingrédients (gras, maigre, épices) et susceptible de s’altérer rapidement.

- Le filet de cabillaud vendu sous forme de produit conservé sous atmosphère protectrice est également un produit nouvellement développé et qu’il était intéressant de comparer au filet de saumon, vendu lui aussi sous atmosphère protectrice, mais depuis longtemps commercialisé. Par ailleurs, ce dernier pouvait être comparé au saumon fumé, déjà largement étudié d’un point de vue microbiologique.

- Les crevettes cuites décortiquées elles aussi avaient été l’objet de caractérisation microbiologique et présentaient en outre l’intérêt de subir un traitement thermique, susceptible de détruire au moins partiellement la flore bactérienne.

Afin de réaliser une étude d’ampleur et d’obtenir des résultats significatifs, 10 lots de chacun des produits ont été analysés à T0 (au moment de la production) et une fois altérés après une rupture de la chaîne du froid (Talt). La population bactérienne a été déterminée par les méthodes culturales classiques et par séquençage à haut débit. Pour ce faire, l’ADN bactérien a été extrait à partir des aliments, et une portion de l’ADN ribosomique (ADNr) a été amplifiée par PCR de manière à générer des librairies pour le séquençage. Pour chaque produit le nombre de séquences obtenues se situaient entre ~3 000 et ~28 000. Les données ont été normalisées sur une base de 15 000 lectures par lot, permettant une description en profondeur des bactéries présentes. Une base de données de séquences d’ADNr a été constituée à partir de bases de données existantes de manière à n’intégrer que des séquences de bonne qualité. Ainsi, les séquences obtenues à partir de tous les lots d’aliments ont pu être comparées à celles de la base de données et assignées à des unités taxonomiques ou taxons. Le nombre de fois où une même séquence était lue reflétait son abondance et permettait donc d’estimer l’abondance relative des bactéries portant cette séquence parmi la communauté étudiée. Les résultats ont été confrontés à ceux obtenus par méthodes culturales et, pour certains produits, à ceux obtenus par d’autres méthodes moléculaires.

1.2 Une signature spécifique de chaque produit

Sur les produits frais, le nombre de taxons variait d’environ 50 à plus de 300, suivant les produits. Une fois les produits altérés, la charge bactérienne globale augmentait mais était caractérisée par un nombre de taxons différents bien plus faible (~10 à 60 suivant les lots et les aliments) montrant que seules certaines espèces bactériennes étaient devenues dominantes. L’identification des séquences a permis dans la plupart des cas de remonter jusqu’au niveau de l’espèce, confirmant que cette approche est bien plus performante que les méthodes culturales (pour exemple, des milieux dédiés à l’énumération des bactéries lactiques ne permettent de déterminer ni l’espèce ni même le genre). Pour certains produits de la mer, les résultats ont été comparés à ceux d’une méthode moléculaire basée sur la migration de fragments d’ADNr par comparaison à des fragments servant d’étalon (la méthode TTGE pour temporal temperature gel electrophoresis). Dans l’ensemble, les bactéries dont la présence était détectée par TTGE étaient bien représentées dans les résultats obtenus par séquençage haut débit, mais en revanche, le séquençage a révélé la présence d’espèces supplémentaires, dont certaines n’ont

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M. Zagorec et al.

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été décrites que par leur séquence d’ADN et ne sont pas cultivées à ce jour. L’analyse globale des résultats a montré que des espèces ou groupes d’espèces étaient communs à tous les produits analysés, d’autres étaient spécifiques soit des produits de la mer soit des produits carnés, d’autres encore n’étaient spécifiques que d’un produit. Ces groupes d’espèces représentaient donc des signatures spécifiques. Ces signatures étaient particulièrement marquées sur les produits frais. En effet, après altération, la diversité des taxons présents diminuant, les signatures s’atténuaient (Chaillou et al., 2015). Entre le temps initial de la production et le temps final où les aliments étaient altérés, l’observation de la dynamique des communautés bactériennes a permis d’observer deux phénomènes différents. Tout d’abord un phénomène de convergence a été observé entre le veau et le bœuf haché. Ces deux types d’aliments très proches possèdent des communautés légèrement différentes à l’issue de leur production, mais lors du stockage, des communautés se développent et se structurent à l’identique. A l’inverse, un phénomène de divergence peut s’observer entre le filet de saumon frais et le filet de saumon fumé dont les communautés, très similaires du départ, se différencient de manière conséquente à l’issue du procédé de salaison/fumage et pendant le stockage. Ainsi, le processus de salaison peut être à l’origine de convergence de communautés bactériennes comme dans le cas des observations faites entre deux produits très différents : les dés de lardons et les merguez de volaille. Ces aliments dont la diversité bactérienne des produits de départ se distingue très largement l’une de l’autre, évoluent néanmoins vers des assemblages bactériens semblables. Cette observation reflète parfaitement le rôle sélectif apporté par le sel. Bien qu’opposés dans les faits, ces phénomènes sont néanmoins la traduction d’un processus identique : la sélectivité engendrée à la fois par le procédé (ajout d’ingrédients tels que le sel, traitement par fumaison) et à la fois par la valeur nutritionnelle que chaque aliment représente pour la communauté bactérienne. Ainsi, selon les matrices alimentaires considérées, les communautés bactériennes présentes au départ vont se structurer en fonction des ressources métaboliques disponibles pour leur croissance, selon le degré de compétition ou de synergie pour utiliser ces ressources et selon leur capacité à résister aux conditions physico-chimiques qui leur sont imposées (basse température, concentration élevée en chlorure de sodium).

1.3 Une variabilité des communautés suivant les produits

Toujours dans le cadre du projet Ecobiopro, ce sont 10 lots de chaque produit qui ont été analysés. Suivant les aliments, les 10 lots provenaient d’un même fournisseur ou au contraire avaient des origines différentes. Les résultats ont montré que malgré une signature commune, une grande variabilité existait entre les différents lots d’un même produit, y compris lorsqu’ils provenaient d’un même producteur (Chaillou et al., 2015).

Une autre étude menée sur des découpes de volailles, vendues en grande surface sous atmosphère protectrice et analysées à DLC, a également montré une signature commune à tous les lots, accompagnée d’une très grande variabilité entre les lots (Rouger et al., 2015). Dans ce dernier cas, il semble de plus exister une signature liée à l’abattoir dont proviennent les découpes. Ceci est en accord avec l’analyse faite lors du projet Ecobiopro : les communautés bactériennes contaminant les aliments carnés proviennent de l’environnement (sols, eau, sédiments) et des animaux (peau, cuir , viscères etc.) (Chaillou et al., 2015).

1.4 Des espèces inconnues présentes sur les aliments

Le Tableau 1 résume l’ensemble des résultats sur les huit produits étudiés dans le cadre du projet Ecobiopro. On observe que parmi les genres bactériens détectés aussi bien à T0 qu’au moment de l’altération (Talt), certaines séquences ne correspondaient à aucune espèce déjà connue. L’analyse des filets de cabillaud vendus sous atmosphère protectrice a révélé que parmi les 10 lots analysés après altération, la moitié présentait une séquence d’ADNr majoritaire qui ne correspondait à aucune espèce bactérienne décrite à ce jour. La séquence n’était en effet identique à aucune bactérie connue et sa similarité avec les séquences disponibles dans les bases de données permettait de la classer parmi les Fusobacteriaceae, mais ne permettait pas d’identification plus fine. D’autres séquences appartenant à

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des espèces ou des groupes déjà détectés mais non encore cultivés ont également été trouvées dans les différents aliments analysés, mais de manière sous dominante ou minoritaire.

Tableau 1 : Communautés bactériennes dominantes sur l’ensemble des 8 produits étudiés dans le cadre du projet Ecobiopro. Les 31 genres prépondérants sont indiqués ainsi que leur abondance relative (log10 du nombre de fois où leur séquence a été obtenue). Les genres présents à T0 et minoritaires à Talt sont indiqués en bleu clair, ceux minoritaires à T0 mais devenant dominants à Talt sont indiqués en mauve. Les autres genres sont dominants dès le moment de production et le restent jusqu’à ce que l’altération apparaisse.

Ces résultats montrent que des bactéries encore inconnues à ce jour, ou bien non cultivées en conditions de laboratoire, peuvent cependant être présentes sur les aliments et même en quantité élevée. Ainsi, le dogme que les communautés bactériennes de nos aliments étaient déjà connues s’est révélé faux : s’il reste vrai que la majorité des taxons trouvés sur les produits analysés étaient connus auparavant comme contaminants des aliments, certains taxons n’avaient encore jamais été décrits sur ces aliments, voire n’avaient jamais été décrits du tout. Le Tableau 1 montre également l’évolution des communautés bactériennes entre le moment de production et l’altération. Pour les 31 genres bactériens prépondérants soit à T0, soit à Talt, on observe que certaines populations dominantes au début du procédé deviennent minoritaires à l’altération (cases en bleu clair Tableau 1) et que d’autres, non majoritaires dans la flore initiale deviennent prépondérantes dans les produits altérés (cases en mauve).

2. Les fonctions des communautés bactériennes des aliments

Parmi les bactéries présentes dans les aliments, certaines peuvent être garantes de la salubrité et d’autres s’avérer altérantes. Leurs aptitudes (comportements) dépendent des espèces, voire des

Brochothrix 5,3 Lactobacillus 6,1

Photobacterium 5,2 Leuconostoc 5,6

Lactobacillus 4,8 Lactococcus 5,4

Leuconostoc 4,7 Carnobacterium 5,3

Lactococcus 4,7 Brochothrix 5,1

Carnobacterium 4,5 Photobacterium 5,1

Bactérie non cultivée CK-1C4-19 4,5 Fusobacteriaceae non cultivée 4,8

Flavobacterium 4,5 Serratia 4,6

Weissella 4,4 Streptococcus 4,3

Fusobacteriaceae non cultivée 4,4 Vagococcus 4,2

Streptococcus 4,4 Staphylococcus 4,1

Chryseobacterium 4,3 Weissella 4,1

Staphylococcus 4,3 Hafnia 3,9

Propionibacterium 4,1 Vibrio 3,8

Candidatus bacilloplasma 4,1 Shewanella 3,7

Bacillus 4,0 Clostridium 3,6

Pseudomonas 4,0 Myroides 3,5

Arthrobacter 4,0 Aerococcus 3,5

Janthinobacterium 3,9 Acinetobacter 3,4

Fusobacterium 3,9 Flavobacterium 3,3

Macrococcus 3,9 Enterococcus 3,2

Psychrobacter 3,9 Trichococcus 3,2

Myroides 3,9 Aeromonas 3,0

Sarcina 3,9 Bactérie non cultivée CK-1C4-19 2,9

Enterococcus 3,8 Morganella 2,9

Corynebacterium 3,8 Planomicrobium 2,8

Leptotrichaceaenon cultivée 3,7 Pseudomonas 2,8

Acinetobacter 3,6 Moritella 2,8

Aliivibrio 3,6 Janthinobacterium 2,7

Comamonas 3,6 Hydrogenophilus 2,6

Vagococcus 3,6 Yersinia 2,6

T0 Talt

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M. Zagorec et al.

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souches, du type d’aliment et des conditions rencontrées lors de la conservation des aliments. Ainsi, des espèces bactériennes, notamment parmi celles du groupe des bactéries lactiques peuvent être altérantes dans un aliment donné et au contraire protectrices dans un autre. C’est le cas par exemple de Lactobacillus sakei qui peut contribuer à la salubrité de la viande fraîche (Jones et al., 2010 ; Chaillou et al., 2014) ou altérer certains produits de la mer (Joffraud et al., 2006). Inversement, Lactococcus piscium peut être altérant dans la viande (Andreevskaya et al., 2015 ; Chaillou et al., 2015) ou protecteur dans les produits de la mer (Leroi et al., 2012). D’autres espèces enfin, comme Brochothrix thermosphacta sont connues pour être des bactéries entrainant systématiquement l’altération des produits quels qu’ils soient (Remenant et al., 2015).

2.1 Flores protectrices

L’implication des ferments dans la qualité microbiologique des aliments fermentés est connue de longue date. Dans les produits carnés non fermentés, la contribution à la salubrité a également été notée pour certaines souches, appartenant généralement au groupe des bactéries lactiques. Ainsi, des souches de L. sakei se sont avérées efficaces contre différentes espèces pathogènes incluant Listeria monocytogenes, E. coli ou des salmonelles (Vermeiren et al. 2006 ; Ruby et Ingham, 2009 ; Chaillou et al., 2014). Les mécanismes d’action mis en œuvre par les flores protectrices sont variés, incluant la production de composés antagonistes tels que des acides organiques, du peroxyde d’hydrogène ou des bactériocines, ou une compétition pour les nutriments (voir Zagorec et Christieans (2013) pour une synthèse récente). Cependant, la plupart des études qui ont été menées ne se sont focalisées que sur les souches protectrices et leurs cibles. Peu d’études ont tenu compte de l’ensemble des communautés bactériennes. Des travaux ont montré qu’un cocktail de quatre différentes souches de L. sakei était capable de réduire l’altération globale de carpaccio de bœuf conservé sous vide (Figure 1). Ceci se traduisait par une amélioration de l’aspect visuel du produit mais aussi par la diminution significative d’un ensemble d’espèces altérantes quantifiées par une approche moléculaire (Chaillou et al., 2012).

Figure 1 : Visualisation de l’effet protecteur d’un cocktail de souches protectrices de L. sakei sur le carpaccio de bœuf. Le carpaccio a été conservé sous vide pendant 14 jours et l’effet protecteur est visible en comparaison d’un contrôle sans ajout de cultures protectrices dont la couleur s’est altérée. Les images du haut montrent les carpaccios dans leur emballage sous vide, celles du bas après ouverture.

2.2 Flores altérantes

De nombreuses espèces ont été rapportées comme potentiellement altérantes des produits carnés. Leur métabolisme durant la conservation des aliments provoque des odeurs non souhaitées, un changement de texture ou de couleur rendant l’aliment non acceptable pour le consommateur. Dans

Témoin T0Avec culture protectrice T14Altération naturelle T14

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certains cas, notamment pour des produits conservés sous vide ou sous atmosphère protectrice, la production de gaz peut en outre entrainer le gonflement des emballages et conduire à un rejet des produits. Jusqu’à présent, il a été porté peu d’intérêt aux mécanismes exercés par les bactéries altérantes. Cependant, l’analyse des génomes de bactéries altérantes a permis de mettre en évidence le métabolisme qui en serait responsable (Andreevskaya et al. 2015 ; Jaaskelainen et al., 2015). Quelques études se sont intéressées à l’action conjointe de plusieurs espèces et ont montré parfois comment l’action d’une espèce peut favoriser le développement d’une autre ou comment plusieurs espèces peuvent agir conjointement (Gram et al., 2002 ; Laursen et al., 2006). Actuellement, peu d’études concernent l’altération rapportée à des communautés bactériennes dans leur ensemble (Benson et al. 2014). Dans le cadre du projet ANR Ecobiopro des isolats potentiellement altérants ont été sélectionnés à partir des produits altérés et leur potentiel a ensuite été testé par inoculation sur des matrices stériles ou paucimicrobiennes. A titre d’exemple, des isolats appartenant aux cinq espèces représentant 94% des séquences identifiées à l’altération du bœuf haché, à savoir L. piscium, B. thermosphacta, Leuconostoc carnosum, Lactobacillus algidus et Leuconostoc gasicomitatum ont été inoculés dans de la viande hachée de bœuf conservée sous atmosphère modifiée. Une altération nette des produits a été observée après croissance de L. piscium et B. thermosphacta. Cependant les isolats de L. piscium qui était l’espèce majoritaire à l’altération (58% des séquences identifiées), se sont révélés comme étant les plus altérants (Christieans et al., 2014). Mais pour d’autres produits comme le veau haché les espèces bactériennes majoritaires des produits altérés n’étaient pas toujours la cause de l’altération, rejetant ainsi le dogme selon lequel lorsqu’un produit est altéré, il suffit de déterminer la flore majoritaire pour en connaitre la cause (Denis et al., 2013 ; Christieans et al., 2014). Par ailleurs, il a également été montré dans certains essais, que seule la conjonction de plusieurs espèces pouvait causer de l’altération. Ces exemples montrent que l’altération est un phénomène complexe et que pour le combattre il est nécessaire de considérer les communautés bactériennes dans leur globalité plutôt que de ne considérer que des espèces ou des souches individuellement. De plus, la quantification des espèces potentiellement altérantes n’est pas non plus une solution satisfaisante puisque l’effet altérant est parfois souche dépendant et/ou dépend de la présence ou du métabolisme d’autres espèces.

3. La biopréservation et les flores protectrices

Le terme de biopréservation provient de l’anglais biopreservation dont Stiles a donné en 1996 la définition suivante : « Biopreservation refers to extended storage life and enhanced safety of foods using the natural microflora and (or) their antibacterial products » (Stiles, 1996). Le fait d’utiliser une flore protectrice qui va lutter contre les flores indésirables, tout en préservant les qualités organoleptiques du produit fini entre dans les stratégies envisagées comme technologie de barrière. De nombreuses études se sont focalisées sur la lutte contre les bactéries pathogènes, avec le développement notamment de bactéries productrices de bactériocines à spectre d’action relativement limité (la plupart sont utilisées pour lutter contre Listeria monocytogenes). Plus récemment, la lutte contre l’altération à l’aide de la biopréservation a également été envisagée (voir Zagorec et Christieans , 2013 pour une synthèse récente).

3.1 Rôle et fonctionnement des flores protectrices

Dans le cadre du projet Ecobiopro des cultures protectrices déjà connues et sélectionnées pour leur action sur des cibles spécifiques ont été testées dans les produits naturellement contaminés afin d‘étudier leur impact sur l’ensemble de la flore et non pas uniquement sur les espèces cibles. Différents cas de figure ont été notés. Ainsi il a pu être observé un retard d’apparition de l’altération sans possibilité de faire de corrélation avec l’inhibition d’une espèce d’altération spécifique. Ou bien la limitation de l’altération était corrélée avec l’inhibition de la flore d’altération. A l’inverse il a pu être observé une inhibition de la flore d’altération mais pas de l’altération sensorielle, ou bien une limitation de l’altération sensorielle sans inhibition du développement de la flore d’altération. Il est donc difficile de

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prévoir l’effet d’une culture protectrice et encore plus de transposer cet effet observé dans un produit alimentaire à un autre produit.

Comprendre les fonctions exprimées et les mécanismes impliqués dans l’action de biopréservation est un enjeu important si l’on veut développer ces pratiques. On a vu qu’il est difficile de raisonner souche à souche et que les approches globales sont préférables pour mieux appréhender ces phénomènes. Cependant peu de ce type d’études ont encore été développées. Récemment des travaux sur un cocktail de quatre souches de L. sakei protectrices qui étaient capables de limiter l’altération du carpaccio de bœuf (voir plus haut), ont révélé que les gènes exprimés par le cocktail étaient différents selon que le produit était altéré ou non (Chaillou et al., 2015).

3.2 Contraintes et règlementation

Dans le cadre du réseau mixte technologique (RMT) FLOREPRO, labellisé depuis 2009 et sous l’égide de l’ACTIA, un panel d’experts a formé un consortium autour de la thématique de l’utilisation des flores protectrices pour améliorer la conservation des denrées alimentaires. Parmi les différents objectifs fixés par le consortium, l’un consiste à mener une réflexion sur la difficulté réglementaire liée à l’absence d’une définition claire du statut légal des cultures protectrices. En effet, à l’inverse des produits fermentés, ce n’est qu’au cours des dernières décennies que des études scientifiques ont mis en évidence le potentiel protecteur de certains microorganismes, naturellement présents sur les aliments (frais ou peu transformés), contre des bactéries pathogènes ou altérantes. Une utilisation non traditionnelle des cultures dans l’industrie alimentaire, dans l’unique but d’exercer un effet conservateur sur l’aliment, soulève la question du statut et de la sécurité de ces cultures. A cette difficulté réglementaire, s’ajoute une deuxième contrainte en lien avec le respect des critères microbiologiques réglementaires dans la mesure où l’apport d’une culture dans une denrée alimentaire engendre forcément un dépassement du critère « flore totale » préconisé (règlement CE 2073/2005, cahier des charges de la FCD, GBPH).

Dans ce contexte, les membres du réseau ont souhaité apporter une contribution à travers la rédaction d’un chapitre d’ouvrage (Zagorec et Christieans, 2013) et d’un guide de recommandations. Le chapitre d’ouvrage fait le constat de la difficulté à positionner les cultures protectrices dans les dénominations actuelles pour l’étiquetage des denrées alimentaires ou à identifier dans les définitions existantes, celle qui soit adaptée aux différents usages que l’on attend de cette application. Le guide de recommandations élaboré par le RMT a pour objectif d’aider les professionnels à identifier les critères nécessaires à l’élaboration d’un dossier de demande d’autorisation d’utilisation d’une culture à des fins de biopréservation. Ce guide intitulé « Recommandations du RMT – ACTIA – FLOREPRO pour l’usage des cultures protectrices » fournit la démarche à suivre et les principaux critères à respecter en cas d’une demande d’autorisation (Denis et al., 2015). Ce guide constitue une base disponible pour les pouvoirs publics en cas de saisine au niveau de la France ou de l’Europe. Toutefois, il est important de préciser qu’à la fin de l’année 2014, la Commission Européenne a mis le statut des cultures protectrices à l’ordre du jour. Il est en effet souhaitable que la réglementation évolue, afin d’être conforme aux attentes et/ou aux obligations des législateurs, des consommateurs et des industriels de différentes filières, qu’ils soient producteurs de ferments ou producteurs d’aliments.

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Cet article est publié sous la licence Creative Commons (CC BY-NC-ND 3.0)

https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/fr/

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Réduction des nitrates, nitrites dans les produits carnés: quelles conséquences? Quelles solutions?

Talon R. 1, Leroy S. 1, Vermassen A. 1, Christieans S. 2

1 INRA, UR 454 Microbiologie, Centre Auvergne-Rhône Alpes, F-63122 Saint-Genès Champanelle 2 ADIV, ZAC des Gravanches, 10 rue Jacqueline Auriol, F-63039 Clermont-Ferrand Cedex 2

Correspondance : [email protected]

Résumé

Le nitrite et le nitrate sont couramment utilisés comme additifs dans les produits carnés transformés. L’utilisation de ces additifs est strictement réglementée par des directives européennes. Le nitrite est un composé toxique à fortes doses alors que la toxicité du nitrate est due à sa réduction en nitrite. Les nitrites aux doses autorisées ont un large spectre d’action contribuant au développement de la couleur et de la flaveur et à la sécurité microbiologique des produits. Une réflexion est en cours à la Commission Européenne pour diminuer les doses d’utilisation de ces additifs. Des solutions plus ou moins alternatives et plus ou moins efficaces sont mises en œuvre ou proposées pour anticiper cette baisse potentielle. Actuellement, il n’existe pas de composés capables de remplacer le nitrite dans toutes ses fonctions mais leur addition permet de réduire les quantités de nitrate/nitrite ajoutées. Quoi qu’il en soit, l’utilisation de nitrate/nitrite dans la fabrication des charcuteries reste controversée même si dans le même temps, plusieurs études soulignent le bénéfice pour la santé humaine de consommer à dose modérée du nitrate/nitrite.

Mots-clés : Produits carnés, nitrate, nitrite, bactéries, alternatives

Abstract: Reduction of nitrate, nitrite in meat products: which consequences? which

solutions?

Nitrite and nitrate are used as additives in the manufacturing of cured meat products. The use of these additives is regulated by European directives. Nitrite can be toxic while the toxicity of nitrate is due to its reduction to nitrite. However nitrite has multiple functions, it contributes to the sensorial qualities (colour, flavour) and to the inhibition of some microorganisms. The European Commission is still asking to decrease the level of these additives. Currently, no substance is able to replace the nitrite in all of its functions. Some compounds make it possible to maintain the sensorial or the hygienic qualities of cured meat products. These compounds together with reduced level of nitrite could be an alternative. The use of nitrite is still controversial. However some recent studies highlighted the health benefit of the consumption of nitrate/nitrite.

Keywords: Cured meat, nitrate, nitrite, bacteria, alternatives

Introduction

De nombreux aliments contiennent du nitrate et dans une moindre mesure du nitrite. L’apport moyen de nitrate en France via l’alimentation est de 141 mg par jour par personne dont 75% est apporté par les légumes et fruits, 14% par l’eau, et 6% par les produits d’origine animale. Celui de nitrite est de 2 mg/jour/personne dont 40% est attribué aux légumes et fruits, 39% aux produits transformés d’origine animale, 15% à d’autres aliments et 5% à l’eau (EFSA, 2008).

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R. Talon et al.

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Le nitrite et le nitrate sont couramment utilisés comme additifs dans la fabrication de produits carnés, tels que les produits de charcuterie et de salaison. Le nitrite ajouté ou provenant de la réduction du nitrate est la molécule active. Son spectre d’action est très large. Il contribue aux propriétés sensorielles (couleur, flaveur) et à la préservation de la sécurité microbiologique des produits saumurés, notamment vis-vis des bactéries sporulées.

L’utilisation du nitrite et du nitrate est réglementée par la directive européenne 95/2/EC, celle de 2006/52/EC et celle de 2011 (No1129 du 11 novembre 2011). D’après ces directives, l’ajout de 100 à 150 mg de nitrite par kg est autorisé pour les viandes transformées traitées thermiquement et de 150 mg de nitrite avec 150 mg de nitrate par kg pour celles non traitées thermiquement. Ces réglementations ont été fixées sur la base de la toxicité du nitrite alors que la toxicité du nitrate est estimée à partir de sa réduction en nitrite. A titre de comparaison, la teneur moyenne d’une laitue en nitrate est de 4000 mg/kg. Une dose journalière admissible (DJA) a été établie à 3,7 mg/kg de poids corporel pour le nitrate et à 0,07 mg/kg pour le nitrite (EFSA, 2010). La toxicité du nitrite est due à sa capacité à former potentiellement des substances carcinogènes appelées nitrosamines, à la fois dans

les aliments et dans notre organisme (Hammes, 2012). La quantité résiduelle de nitrite et/ou nitrate

dans du saucisson ou du jambon cuit est inférieure à 20 mg/kg. Ainsi la probabilité de former des nitrosamines est faible dans les produits carnés étant donné ces concentrations résiduelles (Honikel, 2008). Ces composés peuvent toutefois être générés quand les produits carnés sont traités thermiquement à des températures excédant 130°C (Honikel, 2008). Cette condition peut par exemple se produire quand nous faisons griller du bacon.

Vu le risque potentiel lié au nitrite, la commission européenne est en cours de réflexion pour diminuer les doses d’utilisation du nitrite et/ou du nitrate dans certains aliments dont les produits carnés. Les principaux risques liés à la diminution ou à la suppression du nitrite dans la fabrication de produits de charcuterie ou de salaison cités par les professionnels sont le développement de microorganismes indésirables, une réduction d’environ un tiers de la durée de vie, une couleur grisâtre au lieu d’une couleur rose ou rouge stable, et une perte du goût caractéristique de ces produits. De nombreuses questions sur le devenir de ces produits restent donc sans réponse pour les professionnels. De plus, cette réduction est-elle compatible avec la diminution concomitante de sel que les professionnels doivent assurer pour la santé des consommateurs? Comment peuvent-ils pallier ces réductions tout en préservant la sécurité sanitaire mais aussi les qualités sensorielles de ces produits ?

Actuellement, à notre connaissance, il n’existe pas de composés capables de remplacer le nitrite dans toutes ses fonctions, mais des alternatives plus ou moins efficaces sont mises en œuvre ou testées.

1. Utilisation d’extraits de plantes naturellement riches en nitrate, une alternative ?

Pour éviter d’ajouter du nitrate comme additif tout en assurant les propriétés sensorielles et microbiologiques des produits carnés, des extraits de plantes contenant de façon naturelle du nitrate ont été testés. Comme rapporté par Sebranek et Bacus (2007), des épices ou du jus de céleri pourraient être une alternative. Ces auteurs mentionnent que la concentration en nitrate d’une poudre provenant d’un jus concentré de céleri est élevée (2,75 %) et que son addition dans une mêlée en vu de la fabrication de saucissons résulte en une concentration en nitrite de 100 mg/kg. Les produits fabriqués par ces nouvelles pratiques sont catégorisés sous le terme « clean label food ». Ce nitrate ajouté de façon « naturelle » doit être réduit en nitrite, ce qui est possible via l’action des ferments ayant une activité nitrate réductase tels que les espèces Staphylococcus carnosus et Staphylococcus xylosus. L’addition de nitrate « naturel » à des produits carnés cuits nécessite aussi l’addition de ferments réduisant le nitrate en nitrite pour le développement de la couleur et a ainsi entrainé des modifications de procédé, en particulier la température est maintenue 90 min à 42°C avant la procédure habituelle de fabrication de ces produits (Sebranek et Bacus, 2007). L’addition d’extraits de plantes avec un ferment

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de type staphylocoque dans des saumures permet d’obtenir du jambon cuit avec une couleur et un contrôle de l’oxydation des lipides similaires à celui traité avec des nitrites tout en ayant des taux résiduels plus faibles (Krause et al., 2011). Le Comité Permanent de la Chaîne Alimentaire et de la Santé Animale (CASA) considère que lorsqu’il y a adjonction de ferment en présence d’extraits de plantes riches en nitrate, le nitrite obtenu grâce à l’activité enzymatique de ce ferment est alors à considérer comme un additif. Or, l’utilisation d’additif doit faire l’objet d’une autorisation. Par ailleurs, des extraits naturels de cerise qui contiennent des taux importants d’acide ascorbique peuvent être ajoutés à la place de l’acide lui-même pour faciliter la conversion du nitrite en monoxyde d’azote (Pegg et Honikel, 2015). L’utilisation d’extraits de plantes riches en nitrate et non de nitrate comme additif peut ainsi apparaître comme une alternative. Cependant, ce n’est en fait qu’une « pseudo solution » puisque le risque lié à au résidu de nitrite est le même.

2. Rôle des nitrates/nitrites dans la couleur

2.1 Formation de la couleur

La formation de la couleur est le résultat de la réduction du nitrate en nitrite via l’activité nitrate réductase des staphylocoques à coagulase négative (SCN) entrant dans la composition des ferments mais aussi de nombreuses réactions chimiques du nitrite avec les pigments de la viande (Talon et al., 1999 ; Honikel, 2008). Ainsi, ces réactions enzymatiques et chimiques dépendent du pH, de la concentration en pigment de la matière première, du potentiel redox et de la température au cours du procédé.

Une grande variabilité est notée dans l’activité nitrate réductase des deux espèces S. carnosus et S. xylosus couramment utilisées comme ferment (Gotterup et al., 2008 ; Sanchez Mainar et Leroy, 2015). La majorité des souches de S. carnosus réduit efficacement le nitrate alors que, pour S. xylosus, moins de 50% des souches le réduisent efficacement.

Le nitrite via différentes réactions chimiques va conduire à la formation de divers dérivés dont le monoxyde d’azote (NO). Le NO formé se lie au fer du noyau hémique de la myoglobine, pour former la nitrosomyoglobine, un composé stable et rouge, responsable de la couleur typique des salaisons (Honikel, 2008). Diverses études ont conclu que des doses entre 25 et 50 mg/kg de nitrite sont en général suffisantes pour obtenir une couleur satisfaisante dans la majorité des produits saumurés (Sindelar et Milkowki, 2011). Cependant, des doses supérieures sont nécessaires pour développer et maintenir la couleur typique dans le cas des produits saumurés à longue durée de vie.

2.2 Alternatives

2.2.1 Addition de colorants naturels

Des fabrications de mêlée ont été réalisées en ajoutant des extraits de tomate ou du paprika comme colorants naturels en supplément à des taux de nitrite réduits (100 mg au lieu de 150 mg/kg dans le témoin) (Bazan Lugo et al., 2012). L’addition d’extrait de tomate (2,5-3,0%) permet d’obtenir une couleur proche de celle du témoin confirmant la possibilité de réduire le taux de nitrite sans affecter la couleur. De même, Deda et al. (2007) ont montré que le taux de nitrite dans des saucisses de Francfort peut être réduit de 150 mg/kg à 100 mg/kg en présence de 12% d’extrait de tomate en conservant la couleur des produits.

2.2.2 Addition de bactéries

Les bactéries lactiques, Lactobacillus plantarum, Lactobacillus fermentum et Pediococcus acidilactici et le staphylocoque S. xylosus sont capables de produire de la nitrosylmyoglobine dans un milieu de culture de laboratoire supplémenté avec de la metmyoglobine (Gundogdu et al., 2006 ; Morita et al., 1998). Cette propriété a été mise en évidence chez six autres espèces de SCN (Gotterup et al., 2007). Récemment, la formation de nitrosylmyoglobine par S. xylosus a été mise en évidence dans de la

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R. Talon et al.

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mêlée (Li et al., 2013). Cependant, le mécanisme de production du NO reste actuellement inconnu. Les bactéries pourraient produire du NO à partir de l’arginine via la nitrique oxyde synthase (NOS) (Crane et al., 2010). Jusqu’à présent, le gène nos codant cette enzyme n’est présent dans aucun des génomes des bactéries lactiques alors qu’il a été identifié chez diverses espèces de SCN dont les deux espèces utilisées comme ferments, S. carnosus et S. xylosus (Jansens et al., 2014). La production de NO via la NOS est une piste qui reste à explorer chez les SCN.

3. Rôle des nitrates/nitrites dans la flaveur

3.1 Développement de la flaveur, rôle antioxydant

Diverses études sensorielles ont révélé que des jurys de consommateurs sont capables de distinguer des produits fabriqués avec différentes quantités de nitrite (Sindelar et Milkowski, 2011). En absence de nitrites, les produits présentent un goût qualifié de viande alors qu’ils ont un goût typique de salaison quand ils ont été fabriqués en présence de nitrite. Des quantités de l’ordre de 50 mg/kg seraient suffisantes pour induire des différences perçues par un jury (Gray et al., 1981). De même, Pegg et Shahidi (2000) rapportent qu’une incorporation de 40 à 70 mg/kg de nitrite est nécessaire pour assurer le développement de l’arôme caractéristique des salaisons.

Malgré cette perception sensorielle avérée, les molécules responsables de cette flaveur caractéris tique ainsi que les mécanismes impliqués sont largement méconnus. Des composés sapides sont formés à partir de l’interaction du nitrite et/ou du monoxyde d’azote avec différents composants de la viande qui génère des composés nitrés ou nitrosés. Le pourcentage de nitrite ou dérivé lié aux groupements thiols (SH) ou aux lipides est de 1 à 15% et celui lié aux protéines est de 20 à 30% (Honikel, 2008). Le nitrite et/ou du NO a aussi un rôle antioxydant (Sindelar et Milkowski, 2011). Le NO en protègeant le fer de la myoglobline de l’oxydation, l’empêche de passer à des valences où il devient un oxydant puissant capable de peroxyder les lipides. De plus, le NO peut chelater des radicaux libres et les composés nitrosés ont aussi des propriétés antioxydantes (Sindelar et Milkowski, 2011 ; Sebranek et Bacus, 2007).

Une étude réalisée sur du jambon cuit avec ou sans nitrite a montré que le nombre de composés « odorants » est supérieure dans le jambon avec nitrite, 49 contre 37 sur un total de 53 composés (Guillard, 1998). En particulier, les composés issus de l’oxydation des lipides sont en quantités inférieures dans l’échantillon traité. De même, la concentration en composés volatils associés à l’oxydation des lipides est inférieure dans des saucissons fabriqués avec un mélange de nitrate/nitrite à celle de saucissons témoins sans nitrate/nitrite (Hospital et al., 2012). Cet effet antioxyant est noté dès 75 mg/kg de nitrate et 75 mg/kg de nitrite dans des saucissons secs. A noter que le pouvoir antioxydant d’un mélange de nitrate/nitrite est bien supérieur à celui du nitrate seul (ADIV-FICT, 2014). Dans une autre étude, une quantité de 20 mg/kg de nitrite s’est révélée suffisante pour inhiber l’oxydation des lipides du poisson, du poulet, du porc et du bœuf (Sindelar et Milkowski, 2011).

3.2 Alternatives

Une littérature abondante concerne les antioxydants testés dans les produits carnés (Weiss et al., 2010). Certains comme la vitamine E, le lycopène, l’acide ascorbique et des extraits de romarin, origan, ou sauge sont actifs par leur capacité à piéger ou stabiliser les radicaux libres à l’origine des réactions d’oxydation, d’autres comme le citrate ou les polyphénols jouent le rôle de chélateurs qui lient par exemple les métaux qui initient l’oxydation. A titre d’exemple, un extrait de romarin ajouté à des pâtés de foie permet de réduire la quantité de nitrite à 80 mg/kg au lieu de 150 mg/kg (Doolaege et al., 2012). Récemment, une étude menée par l’ADIV dans le cadre d’un projet FranceAgrimer a mis en évidence que l’association de romarin (E392) et 60 mg/kg de nitrite permet une préservation de la couleur et de la flaveur du jambon cuit (ADIV-FranceAgrimer, 2013).

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Réduction des nitrates, nitrites dans les produits carnés

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4. Rôle des nitrates/nitrites dans les qualités microbiologiques

Le nitrite est la molécule active impliquée dans les inhibitions des diverses populations bactériennes. Le nitrate joue un rôle de réservoir de nitrite. Les mécanismes responsables de l’inhibition sont encore méconnus et dépendent des espèces bactériennes. De plus, ce pouvoir inhibiteur est dépendant de facteurs tels que le pH, la concentration en sel, la présence d’agents réducteurs tel que l’ascorbate et le contenu en fer (Sindelar et Milkowski, 2011). Ainsi le nitrite est plus inhibiteur à pH acide (cas de la viande), probablement en relation avec les diverses réactions chimiques conduisant à du monoxyde d’azote et des acides nitreux et nitriques (Honikel, 2008). A noter que le pouvoir inhibiteur peut être également influencé par la présence de fer qui se lie au nitrite et l’inactive. Ainsi, la présence de foie dans certains produits de charcuterie peut inhiber l’action du nitrite en raison de la présence importante de fer (EFSA, 2003).

Nous allons passer en revue le rôle des nitrates/nitrites sur les différentes populations bactériennes à savoir les ferments, les bactéries d’altération et les bactéries pathogènes.

4.1 Croissance, survie et activité des ferments

Des ferments bactériens composés d’un mélange de bactéries lactiques et de staphylocoques sont ajoutés lors de la fabrication des saucissons secs. L’écologie microbienne des saucissons est tributaire de nombreux facteurs endogènes tels que la composition de la matière première, sa qualité initiale (pH, aw, charge microbienne), le sel, les glucides, épices, additifs (nitrate, nitrite), les ferments ajoutés, les boyaux, le diamètre d’embossage, de facteurs exogènes (température, humidité) et des facteurs implicites (interactions microbiennes) (Hammes, 2012).

En règle generale, la croissance et la survie dans les saucissons des bactéries lactiques ajoutées comme ferments ne sont pas affectées par les différentes concentrations de nitrate et/ou de nitrite utilisées. Ainsi, les populations de Lactobacillus sakei seul ou en présence de Pediococcus pentosaceus augmentent de plus de 2,5 log puis elles restent stables dans des saucissons secs fabriqués avec différentes concentrations de nitrate (150-300 mg/kg) ou de nitrite (150 mg/kg) ou d’un mélange des deux (80/80 mg/kg, 120/120 mg/kg) (Marco et al., 2006 ; ADIV-FranceAgrimer, 2013). Lactobacillus plantarum croit et survit de la même façon en absence ou en présence de mélanges de nitrate/nitrite (150/150; 112,5/112,5; 75/75 mg/kg) dans des saucissons secs (Hospital et al., 2012 ; Hospital et al., 2014).

La survie des deux staphylocoques utilisés comme ferments (S. xylosus, S. carnosus) est modifiée par la présence de nitrate et/ou de nitrite. La survie des deux espèces en mélange est supérieure dans un saucisson fabriqué sans nitrate/nitrite ou avec un mélange 75/75 mg/kg de nitrate/nitrite à celle en présence de quantités supérieures (Hospital et al., 2012 ; Hospital et al., 2014).

Très peu d’études se sont interessées à l’impact de ces composés sur la physiologie des ferments. L’absence ou une trop faible quantité de composés nitrosés favorise la formation des composés volatils issus de la dégradation des glucides ou des acides aminés (Hospital et al., 2012). Cette observation peut être reliée avec les résultats montrant l’impact de ces composés nitrosés sur la survie des staphylocoques (Hospital et al., 2014). Récement, la physiologie d’une souche de S. xylosus a été comparée dans une matrice viande modèle en présence ou en absence de nitrate/nitrite par une approche de transcriptomique (Vermassen et al., 2014). La souche a une croissance identique dans la matrice viande qu’il y ait ou non du nitrate/nitrite. Elle interagit avec les composés nitrosés en modulant 24% de son génome ce qui traduit une modification importante de sa physiologie en présence de nitrate/nitrite. Notamment, ces composés génèrent sur la souche un stress nitrosant et elle répond à ce stress par la surexpression de gènes impliqués dans l’homéostasie du fer et la surexpression de gènes codant des enzymes antioxydants (Vermassen et al., 2014).

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R. Talon et al.

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4.2 Croissance, survie des bactéries d’altération

La population des Enterobacteriaceae est affectée par la présence de nitrate/nitrite dans des saucissons secs (Hospital et al., 2012). Leur numération décroit dès la phase d’étuvage dans les saucissons fabriqués avec des mélanges de 150/150 ou 112,5/112,5 mg/kg de nitrate/nitrite et ces bactéries sont complétement éliminées pendant le séchage en présence des plus fortes concentrations. Dans le témoin ou dans le saucisson fabriqué avec un mélange 75/75 mg/kg de nitrate/nitrite, les Enterobacteriaceae se multiplient pendant la phase d’étuvage pour diminuer ensuite, une diminution plus rapide est notée pour l’échantillon avec nitrate/nitrite que sans (Hospital et al., 2012). De façon similaire, il a été montré que la croissance de Brochothrix thermosphacta, bactérie bien connue pour son pouvoir d’altération, dans de la viande de porc hachée stockée à 10°C sous vide pendant 12 jours est freinée par la présence d’un mélange de nitrate/nitrite par rapport à un témoin (Hospital et al., 2014).

4.3 Inhibition des bactéries pathogènes

De nombreuses études ont montré l’intérêt du nitrite pour la maîtrise de bactéries sporulées comme Clostridium botulinum mais également à l’égard de Listeria monocytogenes et de Salmonella.

4.3.1 Clostridium botulinum

Les intoxications botuliniques résultent de la consommation d’aliments dans lesquels la toxine botulique est préformée, on peut ainsi parler d’intoxination. Pour cela, il faut que Clostridium botulinum se soit multiplié et ait produit ses toxines. Les toxines sont produites pendant la phase de croissance des cellules végétatives suite à la germination des spores. L'intoxination fait souvent suite à la consommation de conserves mal stérilisées ou de jambon et salaison «maison». Le nitrite est utilisé pour lutter contre le développement de C. botulinum et ainsi éviter la production de toxine dans les produits de charcuterie et de salaison. L’inhibition de la croissance de C. botulinum serait due à l’interaction des composés nitrosés avec les clusters fer-souffre des enzymes essentiels de la chaine respiratoire de cette bactérie anaérobie stricte (Milkowski et al., 2010).

Il existe deux groupes de C. botulinum, ceux du groupe I protéolytiques (toxines A, B, F) dont les spores sont résistantes à la chaleur et peuvent germer et proliférer à une aw>0,94 (10% NaCl) et pH >4,6 et ceux du groupe II non protéolytiques (toxines B, E, F) dont les spores sont sensibles à la chaleur, qui peuvent germer et proliférer à une aw>0,97 (5% NaCl) et pH >5,0 mais avec une croissance possible a partir de 3°C ce qui n’est pas le cas des souches protéolytiques (EFSA, 2003). Keto-Timonen et al. (2012) ont montré que C. botulinum du groupe II ensemencé dans divers produits carnés traités à la chaleur (saucisses de type Wiener ou Bologna et jambon cuit) survit. La toxine botulique de type B est produite pendant le stockage à 8°C dans les produits sans nitrite alors qu’aucune toxine n’est présente dans les produits préparés avec 75 ou 120 mg/kg de nitrite au cours des 5 semaines de stockage. L’effet de deux traitements thermiques, un court (80°C, 7 min) et un long (80°C, 1 h) sur le potentiel toxinogène de C. botulinum du groupe I inoculé dans de la viande de porc broyée a été étudié. Cette étude révèle qu’en présence de 100, 200 ou 300 mg/kg de nitrite, la probabilité de production de la toxine décroit de 96% à 35%, respectivement, pour le traitement court et de 86% à 23% pour le traitement long (EFSA, 2003). En présence d’ascorbate, la probabilité de production de la toxine décroit de 6% à 1% et de 8% à 0% pour les traitements court et long, respectivement.

Il apparait à partir des résultats de diverses études que l’ajout de 50-100 mg/kg de nitrite est nécessaire pour inhiber la croissance de C. botulinum et ainsi la production de toxine dans différents produits carnés traités thermiquement. Cependant, dans les produits carnés non traités thermiquement, l’ajout de 150 mg/kg de nitrite est considéré comme nécessaire pour inhiber C. botulinum.

4.3.2 Salmonella

En France, en 2006/2007, la prévalence des salmonelles en surface des carcasses de porcs se situait aux environs de 17,6 % (EFSA, 2008). Ce niveau de contamination est particulièrement problématique

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lorsque les pièces de découpe issues de carcasses contaminées sont utilisées pour la fabrication de produits de salaisons sèches, classés dans la catégorie des produits consommés en l’état. Même si les produits de type saucissons secs sont soumis, au cours du procédé, à des étapes technologiques (étuvage, séchage) ayant a priori un effet défavorable sur la croissance et la survie de la bactérie, la présence de Salmonella en fin de séchage est aujourd’hui une réalité. Depuis 2007, on note une augmentation de la prévalence des salmonelles dans les produits finis français, avec des retraits de lots et deux toxi-infections alimentaires liées à la consommation de saucisson sec qui ont secoué la profession en juin 2010 et décembre 2011. Cette émergence est souvent mise en relation avec l’amont (mode de l’alimentation des animaux) et avec les modifications que les professionnels ont opéré ces dernières années, aussi bien sur le plan technologique que sur le plan de la formulation (réduction des taux de matières grasses, des doses de sel, de nitrite,…). Ces observations ne se limitent pas à la France et des cas de salmonelloses en lien avec la consommation de viande de porc ont également été rapportés en Europe.

Des études récentes ont été réalisés sur des saucissons inoculés par Salmonella enterica serovar Typhimurium et fabriqués avec différentes concentrations de nitrate ou d’un mélange de nitrate/nitrite (Hospital et al., 2014 ; ADIV-FICT, 2014 ; ADIV-FranceAgrimer, 2013). Il apparait qu’en absence de ces composés ou quand uniquement du nitrate a été ajouté (150, 200, 205 mg/kg), une croissance de 2-2,5 log est observée pendant la phase de fermentation suivie d’une décroissance pendant la phase de maturation et de stockage mais cette décroissance est insuffisante pour éliminer ces bactéries. En présence d’un mélange de nitrate/nitrite, la croissance de Salmonella est faible (1 log) ou inexistante puis une diminution de la population est observée pendant la phase de maturation. Une absence de Salmonella est uniquement notée à la fin du stockage (90 j). Dans ces deux études, Salmonella n’est pas éliminée à la date potentielle de commercialisation des saucissons (Hospital et al., 2014 ; ADIV-FICT, 2014).

4.3.3 Listeria

L’effet des nitrites contre Listeria a été testé dans des saucissons par les deux équipes mentionnées précédemment (Hospital et al., 2012 ; ADIV-FICT, 2014). En absence de nitrate/nitrite ou en présence de nitrate uniquement, Listeria se multiplie pendant la fermentation, puis diminue faiblement pendant la maturation. En présence d’un mélange de nitrate/nitrite, la population reste stable ou diminue dès l’étuvage et une réduction de 2,5 log est atteinte en fin de maturation en présence d’une concentration 150/150 mg/kg de nitrate/nitrite alors qu’une réduction de seulement 1-1,5 log est notée en présence d’une concentration allant de 120/120 à 75/75 mg/kg de nitrate/nitrite. En fin de stockage (90 j), Listeria n’est plus détectée que dans les saucissons fabriqués avec au minimum 120/120 mg/kg de nitrate/nitrite en mélange. Suite à ces résultats, de nouvelles préconisations du code des usages (120 mg/kg au lieu de 150) ont été proposées (ADIV-FICT, 2014).

4.4 Alternatives

4.4.1 Extraits végétaux

De nombreuses études envisagent de maitriser le risque sanitaire via la substitution partielle de l’apport en nitrite par l’apport d’extraits végétaux à activité antimicrobienne. A titre d’exemple, l’utilisation de poudre de cranberry (3%) en association avec 0,4% de poudre de céleri pour l’apport de nitrate permet d’empêcher la croissance de L. monocytogenes dans des saucissses de Francfort (Xi et al., 2012). Une inhibition de Clostridium perfringens est notée dans des saucisses de type mortadelle préparées avec de l’huile essentielle de sariette et 100 mg/kg de nitrite (Coutinho de Oliveira et al., 2011). De même, un effect synergique est noté pour le contrôle de C. botulinum dans un milieu viande par la combinaison de 10 mg/kg de nitrite avec soit de la noix de muscade, de la sauge ou du clou de girofle (Cui et al., 2010).

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R. Talon et al.

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4.4.2 Ferments lactiques acidifiants

Les travaux récents cités ci-dessus ont montré la persistance de Salmonella dans des procédés de fabrication de saucisson sec en présence de nitrite à des pH peu acides (> 5) et à des aw de 0,90 ou 0,85 en fin de séchage (Hospital et al., 2012 ; ADIV-IFIP, 2008). Des saucisons ont été fabriqués avec un ferment lactique modérément acidifiant permettant d’obtenir un pH de 5,1-5,2 en fin de fermentation et de 5,4-5,5 en fin de séchage ou un ferment acidifiant permettant d’obtenir un pH 4,8- 4,9 en fin de fermentation et de 4,8-5,0 en fin de séchage. Une croisance d’environ 3,5 log est notée pour Salmonella pendant la phase de fermentation des saucissons à pH modéré alors qu’une croissance de seulement 2 log est enregistrée pour les saucissons acides (ADIV-IFIP, 2008).

Ainsi, il apparait que de nouvelles stratégies de barrière peuvent être envisagées en agissant sur deux leviers i) le procédé et notamment optimiser l’étape de fermentation et ii) via la formulation par l’apport de substituts pouvant pallier la réduction du sel et du nitrite, tout en préservant le caractère traditionnel des produits.

Conclusion

L’utilisation de nitrate/nitrite dans la fabrication des charcuteries reste très controversée. Faut-il interdire l’usage de ces substances, compte tenu de la toxicité du nitrite ? Ou faut-il continuer à autoriser leur usage en quantité encore plus limitée, compte tenu des nombreux effets positifs sur les qualités sensorielles et sanitaires des charcuteries ? Quid aussi des fortes quantités de nitrate absorbées lors de la consommation de légumes à feuilles sans commune mesure avec celle ajoutée dans les produits carnés ? Les questions restent posées, d’autant que plusieurs études récentes (Hammes, 2012 ; Milkowski et al., 2010 ; Parthasarathy et Bryan, 2012) tendent à souligner le bénéfice pour la santé humaine de la consommation de nitrate/nitrite en quantité modérée; ces composés étant à l’origine de la formation d’oxyde nitrique (NO), dont il a été démontré médicalement qu’un déficit pouvait être à l’origine de plusieurs maladies. Lundberg et al. (2011) vont même jusqu’à spéculer sur le nitrate/nitrite, en avançant que « nous devrons revoir notre façon de penser et arrêter de voir le nitrite comme une menace pour la santé humaine ; dans un futur proche, nous le considérerons même comme un nutriment essentiel à notre alimentation ».

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Réduction des nitrates, nitrites dans les produits carnés

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Des microorganismes capables de dégrader les mycotoxines: de nouveaux levains pour garantir la qualité sanitaire d’aliments à base de céréales ?

Savoie J-M.1, Martinez Tuppia C.1, Richard-Forget F.1

1 INRA, UR 1264 Mycologie et Sécurité des Aliments, CS 20032, F-33882 Villenave d’Ornon cedex

Correspondance : [email protected]

Résumé

Les mycotoxines sont des métabolites secondaires produits par divers champignons dans les matrices alimentaires et qui ont des effets délétères sur la santé des consommateurs humains ou animaux. Considérant l’importance mondiale de la contamination des céréales par certaines mycotoxines et leur place prépondérante dans l’alimentation, il est primordial de réduire le risque d’exposition des consommateurs. L’une des options prometteuse est la détoxification par des microorganismes, en particulier au cours de procédés fermentaires utilisés dans la préparation d’aliments du bétail ou l’industrie boulangère et la brasserie. Un exposé de travaux récents dans le domaine est présenté. Il souligne le potentiel de la démarche et met en lumière les besoins en recherche et développement pour aboutir à l’utilisation de levains innovants et/ou au contrôle de consortium microbiens fermentaires

capables de dégrader les mycotoxines et de garantir ainsi la qualité sanitaire d’aliments à base de céréales.

Mots-clés : Mycotoxines, ensilage, céréales, levains

Abstract: Microorganisms able to degrade mycotoxins: new sourdoughs for the safety of cereal products used as feed or food?

Mycotoxins are secondary metabolites produced by various fungi in food or feed matrices and having deleterious effects on health of human or animals consuming them. Considering the global importance of the contamination of cereals by some mycotoxins and their important place in the diet, it is essential to reduce the risk of consumer exposure. One promising option is detoxification by microorganisms, particularly during fermentation processes used in the preparation of feed or in the baking and beverage industries. Recent inputs in this area are presented. They highlight the potential of the approach and underline the need for research and development to achieve the use of innovative starters and / or control of fermentative microbial consortia capable of degrading mycotoxins and ensuring the safety of cereal derived products.

Keywords: Mycotoxins, silage, cereals, sourdoughs

Introduction

De la fourche à la fourchette ou du champ à la mangeoire, tout au long de la chaîne de production de l’alimentation humaine et animale, différents groupes de champignons sont susceptibles de se développer et de produire des mycotoxines lorsque les conditions environnementales leur sont favorables. Les céréales sont particulièrement concernées avec différentes mycotoxines. Les aflatoxines (AFB), les ochratoxines (OTA), les trichothécènes (TCT), la zéaralénone (ZEN) les fumonisines (FB) et les alcaloïdes de l’ergot, produites par quatre genres fongiques Aspergillus, Fusarium, Penicillium, et Claviceps, sont les plus importantes. Du fait de leurs conséquences sur la santé des populations humaines et sur les performances des animaux d’élevage, des réglementations

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J.M. Savoie et al.

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fixant des taux maximaux autorisés ou recommandés et des moyens de contrôle ont été mis en place ces dernières années. Le RASFF (Rapid Alert System for Food and Feed) est un outil de l’Union Européenne permettant un partage d’information sur les risques sanitaires alimentaires entre les états membres et avec l’EFSA. Dans le rapport préliminaire 2014 (RASFF, 2014), le nombre moyen de notifications (résultant d’analyses d’échantillons alimentaires) concernant les mycotoxines dans l’alimentation humaine, représentait 15 % du total en moyenne entre 2011 et 2014, à égalité avec les résidus de pesticides et à la seconde place après les microorganismes pathogènes (20 %). Pour l’alimentation animale, les mycotoxines représentaient 20 % à la seconde place après les microorganismes pathogènes (42 %) et loin devant les autres contaminants. En 2014, les notifications mycotoxines étaient majoritairement représentées par des problèmes d’aflatoxines dans les fruits secs à coques d’importation, mais 1/3, soit 116 notifications, ont concerné des céréales et produits de boulangerie. Malgré les réglementations et les systèmes de contrôle, ces données illustrent l’existence d’un risque sanitaire en Europe qu’il faudrait pouvoir minimiser avant l’utilisation des céréales, et produits dérivés, par les consommateurs finaux. Au niveau global, face à l’importance de la contamination des récoltes mondiales par des mycotoxines, estimée à 25 % par la FAO (2003), et le déficit de denrées pour subvenir aux besoins de la population mondiale, il est nécessaire de trouver des procédés de décontamination pour permettre leur utilisation comme aliments. Ce serait une alternative aux solutions actuelles qui conduisent à la destruction des produits contaminés ou leur utilisation dans des circuits non-alimentaires.

Compte tenu de ce contexte, le développement de procédés de détoxification ou dégradation des mycotoxines garantissant l’innocuité des produits céréaliers est un enjeu pour la salubrité et la sécurité alimentaire. Ces procédés peuvent être basés sur des méthodes physiques de détoxification (désactivation thermique, adsorption), ou la dégradation chimique. Cependant, selon le règlement de la Commission Européenne CE n°1881/2006, les denrées alimentaires contenant des mycotoxines ne peuvent être délibérément décontaminées par des traitements chimiques. Jusqu’à présent, il n’existe pas de méthode efficace de décontamination et des mycotoxines persistent le long des procédés industriels. La détoxification biologique par des microorganismes et/ou enzymes est cependant une voie prometteuse. Sur la base des travaux existants, nous défendons l’idée que la détoxification biologique est aussi une solution potentielle dans les processus de transformation faisant intervenir des étapes de fermentation, comme lors de la production d’aliments du bétail par ensilages, dans la brasserie, la boulangerie et voir aussi la production de nouveaux aliments fermentés à base de végétaux. La maîtrise de ces procédés de détoxification est cependant complexe et doit s’appuyer sur des connaissances approfondies du fonctionnement des écosystèmes microbiens efficients.

1. Dégradation des mycotoxines par des microorganismes

Les toxines fongiques étant fréquentes dans certains environnements, divers microorganismes sont confrontés à ces molécules et il est probable que certains aient développé des aptitudes à métaboliser ou transformer ces molécules. Quelques bactéries et levures, ainsi que des champignons, capables de dégrader diverses mycotoxines ont en effet été isolés de populations microbiennes complexes. Certains de ces microorganismes sont issus de systèmes digestifs d’animaux et peuvent potentiellement trouver une application comme complément d’alimentation du bétail. Les autres sources de microorganismes dégradant des mycotoxines sont des sols, des végétaux contaminés par des mycotoxines et des ensilages. Cette aptitude peut être écologiquement utile aux microorganismes pour se protéger des mycotoxines et entrer en compétition avec les champignons mycotoxinogènes. C’est dans ces milieux que l’on cherchera préférentiellement des isolats pouvant être utilisés dans des procédés de décontamination biologique des aliments, avant ingestion par les hommes ou les animaux.

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Microorganismes capables de dégrader les mycotoxines et nouveaux levains

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1.1 Isolement de microorganismes dégradants les mycotoxines, cas des Fumonisines

Des microorganismes d’intérêt peuvent être trouvés dans des collections existantes. Dans un criblage de 202 bactéries fermentaires provenant de diverses collections et initialement isolées de produits laitiers et de matières végétales, Niderkorn et al. (2007) ont trouvé huit souches de Lactobacilli et trois de Leuconostoc capables de bio-transformer le ZEN en α-zearalenol moins toxique, mais aucune bactérie n’a été détectée pour la biotransformation des fumonisines.

Souvent, les souches capables de métaboliser des mycotoxines ont été trouvées à partir de travaux d’isolement et de sélection dédiés à cet objectif (Tableau 1). A partir de 21 échantillons de sols, Benedetti et al. (1996) ont réalisé un mélange des communautés microbiennes extraites de ces sols. Par cultures successives sur un milieu minimum enrichi avec des fumonisines comme seule source de carbone et d’azote, ils ont obtenu un consortium microbien simplifié capable de métaboliser les fumonisines. Ainsi ils ont finalement isolé 30 souches bactériennes dont une seule s’est révélée capable de dégrader entièrement la fumonisine B1 (FB1) après 1 jour d’incubation à 25°C. Elle est très proche phylogénétiquement de Delftia amylovorens, mais l’espèce n’a pas pu être déterminée.

Tableau1 : Microorganismes connus comme dégradant les Fumonisines et activités impliquées.

Nom Milieu d’isolement Activité impliquée Référence bibliographique

Bactéries NCB1492 (Delftia/ Comamonas

sols inconnu Benedetti et al., 2006

ATCC 55552 ou 2412.1 Grains de maïs Décarboxylation transamination - aminotransferase

Heinl, 2010 - 2011

Sphingopyxis sp. MTA144

sols décarboxylation et transamination

Täubel, 2005

Bacillus spp. S9 S10 S69

Ensilages maïs dégradation partielle Camilo et al., 2000

Levures Exophiala spinifera différents organes de maïs

Décarboxylation et déamination oxydative

Duvick et al., 1999

Rhinocladiella atrovirens

Trois isolats capables de dégrader la Fumonisine B1 en composés non toxiques (ou moins toxiques) ont été isolés à partir de grains de maïs récoltés aux Etats-Unis : une levure Exophiala spinifera (ATCC 74269), un champignon ascomycète Rhinocladiella atrovirens (ATCC 74270), et une bactérie indéterminée (ATCC 55552). Des enzymes impliquées dans cette dégradation ont été identifiées et des procédés pour leur production et leur utilisation en nutrition animale, ou leur introduction dans des plantes génétiquement modifiées, ont été brevetés (Duvick et al., 1999). Il a par exemple été tiré de ces travaux une enzyme (nommée fumD) produite par génie génétique qui est capable d’hydrolyser les fumonisines. Récemment, cette enzyme, dénommée FUMzyme®, a reçu une autorisation de l’UE comme additif pour biotransformer spécifiquement et irréversiblement les fumonisines en produits moins toxiques.

L’ensilage est une méthode de conservation de végétaux encore humides pour la nutrition animale qui fait appel à une fermentation lactique anaérobie. Quelques travaux indiquent que des mycotoxines pourraient être dégradées ou fortement adsorbées au cours du processus d’ensilage, donnant une

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J.M. Savoie et al.

38 Innovations Agronomiques 44 (2015), 35-44

diminution des teneurs mesurées. A partir d’une collection de 150 microorganismes provenant d’ensilages de maïs brésilien, Camilo et al. (2000) ont sélectionné trois bacilles Gram+ et une levure capables, dans des tests in vitro en milieu liquide, d’inhiber la croissance de F. moniliforme et de faire baisser significativement la concentration en fumonisines mesurables. Dans notre laboratoire, nous avons également pu mettre en évidence une dégradation effective de la fumonisine B1 associée à la production de la fumonisine FB1 hydrolysé (HFB1) au cours de la fermentation dans différents lots d’ensilage de maïs grains humide. Nous avons montré qu’ils contiennent des bactéries ou des levures potentiellement aptes à utiliser la toxine comme source de carbone et azote (Martinez Tuppia et al., travaux en cours de publication).

1.2 Approches globales pour repérer des espèces dégradantes, cas de l’OTA et des fumonisines

La métagénomique consiste en l’étude collective d’un ensemble de génomes d’espèces différentes issus d’un même écosystème microbien où peuvent se côtoyer bactéries, levures et moisissures. Il s’agit d’une discipline relativement récente basée sur les technologies de séquençage à haut débit. Elle permet d’une part d’étudier la dynamique des communautés microbiennes et leurs réponses aux fluctuations de l’environnement et d’autre part de développer des approches fonctionnelles, en mettant en évidence des gènes impliqués dans les réponses adaptatives des communautés.

Récemment, Guo et al. (2014) ont recherché les effets de la présence d’OTA sur le microbiome intestinal de rats en combinant des approches d’isolement de microorganismes cultivables et de métagénomique basée soit sur l’amplification de l’ARN ribosomique 16S des bactéries, soit avec un séquençage non ciblé du métagénome. Leur but était d’identifier les changements dans la composition taxonomique et génétique du microbiome intestinal après différents temps d’exposition à l’OTA. Ainsi, ils ont observé une diminution de la diversité microbienne, avec une très forte augmentation de l’abondance relative des Lactobacillus sp. qui ont été sélectionnés en réponse à l’OTA. L’analyse fonctionnelle des gènes montre une augmentation des gènes liés à la limitation de la génotoxicité de l’OTA, mais pas de gènes connus de dégradation. La diminution des concentrations d’OTA libre dosées en parallèle au cours du temps semble donc plus liée à une absorption sur les cellules des lactobacilles qu’à une hydrolyse effective de l’OTA.

A notre connaissance, il n’y a pas d’étude, publiée, équivalente sur l’effet de la présence de mycotoxines dans des ensilages. Cependant, des changements dans les profils taxonomiques de la communauté bactérienne (après amplification de l’ARN 16S) ont été étudiés au cours du processus d’ensilage d’herbe (Eikmeyer et al., 2013). L’abondance relative des Lactococcus sp. diminuait au cours de la fermentation alors que celle des Proteaobacteria et Bacteroidetes augmentait. Lorsque les auteurs perturbaient le système en ajoutant une souche de Lactobacillus sp. comme ferment en début d’ensilage, ils observaient une augmentation de l’abondance relative globale des Lactobacillus spp. Des travaux en cours dans notre laboratoire sur des ensilages de maïs grain humide (Martinez Tuppia et al., non publié) indiquent que des approches globales de métagénomique permettent de différentier les consortia microbiens présents dans différents ensilages, et en particulier entre un ensilage produisant une forte dégradation de fumonisines et un ensilage moins dégradant. Certaines espèces ou certains genres pourraient être indicateurs de l’aptitude du consortium à dégrader les fumonisines.

Ces exemples d’études récentes de métagénomique illustrent le fait que la contamination en mycotoxines ou l’introduction d’un inoculum spécifique modifient les communautés microbiennes dans des processus de fermentation. En augmentant nos connaissances sur ces systèmes, nous pouvons espérer pouvoir diriger leur évolution pour favoriser le développement d’espèces possédant un potentiel d’hydrolyse des mycotoxines et donc de détoxification.

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2. Stabilité des mycotoxines pendant le processus de production de pain et autres produits de boulangerie. Cas du DON

Bien que le Règlement CE N°1881/2006 (révisé, CE n° 1126/2007 le 28 septembre 2007), en application depuis le premier octobre 2007, fixe les teneurs maximales en certaines mycotoxines dans les céréales et produits céréaliers destinés à l’alimentation humaine (Tableau 2), des lots de céréales contaminés peuvent se retrouver dans les matières premières utilisées par l’industrie boulangère ou les ateliers de transformation liés à des circuits courts. Les teneurs acceptées dans les produits transformés sont plus faibles que celles des matières premières. Par exemple pour le déoxynivalénol (DON), la teneur maximale autorisée dans les farines (750 µg/kg) représente 60 % de celle des grains pour tenir compte de la répartition différentielle des richesses en toxine dans les enveloppes et le corps du grain. De plus, du fait de l’utilisation de divers additifs à la farine, il y a un effet de dilution normal qui est évalué à 30 % dans la norme qui fixe donc un taux maximum dans le pain à 500 µg/kg.

Du fait de ces teneurs autorisées décroissantes au cours de la chaîne de transformation, nous devons donc nous interroger sur la stabilité réelle des mycotoxines pendant le processus de production de pain et autres produits de boulangerie.

Les trichothécènes produits par des Fusarium spp. qui affectent les épis des céréales, regroupent plus de 160 mycotoxines que l’on peut retrouver dans le blé, l’orge, le seigle, le riz, le maïs et d’autres plantes. La structure chimique des trichothécènes est relativement stable. Ainsi quand des farines sont contaminées, ces mycotoxines ne sont pas ou peu affectées par les divers procédés mis en œuvre dans l’industrie boulangère. On peut donc les retrouver dans des produits dérivés comme le pain, la farine, les pâtes, ou la bière. Le déoxynivalénol (DON), aussi connu comme la vomitoxine, est le plus répandu des trichothécènes contaminant régulièrement les céréales. (EFSA, 2006). De nombreuses études se sont intéressées à l’occurrence du DON dans les céréales ou les produits issus des céréales, mais les travaux publiés portant sur sa stabilité dans la chaine de production sont actuellement peu nombreux. Certains montrent une diminution de l’ordre de 50 % dans le produit fini par rapport à la farine, alors que d’autre notent une stabilité ou une augmentation.

Tableau 2 : Teneurs maximales en mycotoxines autorisées dans les produits céréaliers dans l’Union Européenne.

Toxines

Aflatoxine B1

Aflatoxines

B1+B2+G1+G3

Ochratoxine A Déoxynivalénol Zéaralénone

Céréales brutes autres que le blé dur, l’avoine et le maïs

2,0 (µg/kg) 4,0 5,0 1250 100

Pain, pâtisseries, biscuits, collations aux céréales et céréales pour petit-déjeuner l

2,0 4,0 3,0 500 50

Les travaux expérimentaux de Samar et al. (2001) montrent qu’une diminution de la concentration en DON soluble se produit pendant la phase de fermentation activée par l’utilisation de levure. Le pourcentage de réduction de la teneur en DON augmente avec le temps et la température de fermentation. Ainsi en utilisant de la farine contenant autour de 100 µg de DON par kg au cours d’une fermentation de 45 min à 40 °C pour un pain français, ces auteurs ont obtenu une réduction de 40 %. Pour un pain viennois, une perte de 56 % du DON dosable a été obtenue pour une fermentation de 60 min à 50°C. Par contre, avec des températures de fermentation plus conventionnelles (30°C) le DON était plus stable. A l’opposé, Bergamini et al. (2010) montrent une augmentation significative de le teneur en DON pendant la fermentation, à la fois à l’échelle pilote et industrielle. Ils attribuent ce résultat

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à la libération enzymatique de DON natif qui était sous forme liée dans la matière première et qui est rendu accessible au dosage, par la fermentation. Ces deux exemples soulignent la complexité de la question et la nécessité de doser les toxines masquées ou complexées pour bien définir le potentiel de dégradation, libération, ou au contraire complexation, d’un procédé fermentaire.

C’est ce qui a été tenté récemment par Vidal et al. (2014a,b) qui ont dosé, en plus du DON, le Deoxynivalenol-3-glucoside (DON-3-G). C’est un métabolite qui peut être produit par les végétaux à partir du DON fongique, réalisant ainsi une détoxification partielle du DON en le conjuguant avec une molécule de glucose. Le DON-3-G est considéré comme une mycotoxine masquée. Il est fortement présent dans le blé, mais il n’est pas stable et peut être converti de nouveau en DON pendant la cuisson des produits de boulangerie ou par des bactéries lactiques (Berthiller et al., 2011 ; De Angelis et al., 2013). Il est donc considéré comme un facteur additionnel contribuant à l’exposition alimentaire au DON (JEFCA, 2010). Dans le cas des travaux de Vidal et al. (2014a), la teneur en DON mesurée dans la pâte après fermentation n’était que de 63 à 88 % celle de la farine utilisée. Cependant, compte tenu des divers ingrédients mélangés avant le pétrissage, la farine ne représente que 60% des composants de la pâte, et les teneurs relatives en DON devraient se situer autour de cette valeur s’il n’y avait pas d’effet de la fermentation. Ainsi une augmentation de concentration en DON a été obtenue dans certains échantillons par une fermentation à température standard (30°C) pendant 1 h, ce qui confirme les résultats d’autres études. Dans le même temps, la concentration en DON-3-G augmentait aussi de 10 à 20 %. L’enrichissement en DON dosable n’était donc apparemment pas dû seulement à une dé-glycosylation du DON-3-G par l’activité microbienne. Parallèlement, les activités enzymatiques microbiennes ont dû permettre de rendre accessible au dosage du DON et du DON-3-G complexés dans la matrice et qui n’avaient pas été extraits lors des analyses sur les échantillons de farine. L’activité microbienne peut aussi avoir été responsable d’une partie de l’augmentation de la teneur en DON-3-G par glycosylation du DON.

Donc au-delà des mycotoxines masquées sous formes conjuguées, il faut aussi pouvoir prendre en compte les toxines incorporées à la matrice végétale et qui peuvent potentiellement être libérées par des activités microbiennes ou des facteurs physico-chimique. Des méthodes d’extractions des toxines qui soient le plus exhaustives possible doivent être développées pour réaliser des bilans de transformation du DON au cours des processus de fermentation. Elles permettront de prendre en compte les toxines fortement liées et masquées par la matrice.

Les études présentées ci-dessus utilisaient des levures de boulangerie pures, Saccharomyces cerevisiae. Ces dernières années, l’utilisation de levains naturels reçoit un regain d’intérêt en lien avec la valeur ajoutée fournie par les produits à image traditionnelle. Ce levain est un écosystème complexe dans lequel des levures et des bactéries lactiques contribuent à la levée de la pâte à pain. Dans un levain mature, le ratio bactéries lactiques (Leuconostoc sp., Lactobacillus sakei, L. lactis, L. plantarum,…) sur levures (essentiellement S. cerevisiae) est de 100/1 (Ercolini et al., 2013). Etant constitué sur une base de farine, il peut être une source d’apport supplémentaire de DON. En utilisant du levain, Vidal et al. (2014b) ont montré que la concentration en DON est affectée pendant le pétrissage et la fermentation (30°C, 1h), mais de façon variable en fonction du levain et du niveau de contamination initiale de la farine. Le DNO-3-G avait tendance à augmenter, mais les teneurs mesurées étaient souvent proches des limites de détection. Les augmentations du DON et DNO-3-G peuvent être attribuées en partie au métabolisme des bactéries qui seraient capables de transformer des précurseurs de DON présents en DON ou de libérer du DON et du DNO-3-G liés à la matrice. De la même façon la diminution de DON observée dans certains échantillons peut être attribuée à l’activité métabolique du consortium microbien apporté par le levain.

Dans la même optique de diversification des produits de boulangerie et de demande de produits traditionnels et de bonne qualité nutritionnelle, le pain au son et le pain complet sont de plus en plus demandés par les consommateurs. Or, le son et le germe sont les parties les plus riches en mycotoxines. 42 % des échantillons de son vendus comme complément alimentaire en Espagne qui ont

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été analysés par Vidal et al. (2013) contenaient du DON et 19% dépassaient les teneurs réglementaires. Cependant, l’ajout de son dans diverses préparations à base de levain ne modifiait pas l’évolution du DON (Vidal et al., 2014b). Le germe étant connu pour contenir des antifongiques naturels, il pourrait affecter l’évolution du DON due à l’activité des levures. Dans l’étude de Gimenez et al. (2014), l’enrichissement avec 15 % de germe de blé a induit une augmentation de 3.5 % de la teneur en DON pendant une fermentation de 90 min à 30°C avec S. cerevisiae, alors que le DON a été réduit de façon négligeable (2.1 %) dans le témoin non supplémenté. Cet effet négatif du germe de blé est donc relativement faible.

Finalement, la description du comportement du DON pendant la fermentation et la levée de la pâte à pain est difficile car des modifications physico-chimiques complexes se produisent sous l’effet des activités microbiennes. Nous avons vu que l’accès au DON pour son dosage est un élément primordial pour évaluer la transformation réelle de cette mycotoxine. Une autre voie pour aborder la question est l’élucidation des mécanismes et réactions de dégradation (Figure 1), et l’identification de gènes codant pour des enzymes impliquées dans ces réactions. Cela aidera à trouver plus facilement des espèces microbiennes possédant un potentiel de dégradation ainsi que d’identifier ce potentiel dans les métagénomes qui peuvent être trouvés dans différentes matrices (Karlovsky, 2011). Cette approche par recherche et détection d’activités enzymatiques ou de gènes spécifiques n’en est qu’à son début, mais elle mérite d’être travaillée car elle offre de grandes opportunités.

3. Vers le développement de levains dégradant les mycotoxines

Dans une revue sur les bactéries lactiques de levains qui pourraient être utilisées comme agents de contrôle des mycotoxines, Hassan et al. (2015) constatent qu’il existe divers exemples de bactéries lactiques issues de différents milieux, mais très peu d’études concernent les bactéries des levains. De plus, la propriété principalement mise en évidence chez ces bactéries est l’adsorption des mycotoxines plutôt qu’une dégradation enzymatique irréversible (Hassan et Bullerman, 2013). Cependant, l’exposé de travaux de recherches récents qui précède a souligné, d’une part, qu’il est possible de trouver dans différents environnements des microorganismes, en particulier des bactéries lactiques et des levures, capables de dégrader les divers mycotoxines que l’on peut rencontrer dans les céréales, et, d’autre part, que la transformation des mycotoxines et l’évolution de leurs teneurs lors des processus fermentaires que sont les ensilages ou la levée de pâtes à pain sont un phénomène complexe et

Figure 1 : Différentes réactions de dégradation du DON (d’après (Karlovsky, 2011) et quelques microorgansimes identifiés comme pouvant réaliser ces réactions.

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variable qui peut dépendre de la qualité de la matrice, des conditions physico-chimiques de fermentation, et des microorganismes fermentaires présents. Ces facteurs qui affectent le devenir d’une mycotoxine sont également des cibles sur lesquelles nous pouvons agir pour contrôler le phénomène et le diriger dans le sens souhaité, à savoir une diminution des teneurs en mycotoxines. Pour atteindre cet objectif, le passage par plusieurs étapes de recherche et développement est nécessaire.

La première étape consiste en la mise en évidence certaine de la dégradation des mycotoxines dans certains échantillons. La qualité de la matrice et les modifications de ses propriétés physico-chimiques, apportées par les divers additifs utilisés ou les activités enzymatiques microbiennes, interviennent comme facteurs de masquage ou de libération de mycotoxines présentes dans les matières premières. Pour pouvoir doser toutes les mycotoxines présentes, qu’elles soient libres, conjuguées ou adsorbées à la matrice, les méthodes standard ne sont pas suffisantes. Des modifications de la matrice (de type hydrolyse) doivent être pratiquées pour libérer les toxines et l’analyse des différentes formes conjuguées doit être réalisée. Une alternative, pour mettre en évidence une activité de transformation d’une mycotoxine, est de caractériser ses métabolites de dégradation, et de pouvoir les doser, s’ils s’accumulent en quantité suffisante. Des travaux en cours dans notre laboratoire, appliqués à la dégradation de la fumonisine B1 ont permis de pointer l’intérêt de cette approche, mais aussi les difficultés de sa mise en œuvre.

La seconde étape est l’identification de consortia microbiens ou d’isolats spécifiques associés à l’activité de dégradation dans les échantillons montrant une réelle dégradation des mycotoxines. Les techniques de séquençage à haut débit permettant d’étudier les aspects taxonomiques et fonctionnels de métagénomes, combinées à des approches d’isolement de microorganismes sélectionnés pour leur activité spécifique, ouvrent de nouvelles perspectives. Il est envisageable d’obtenir des marqueurs moléculaires, fonctionnels ou taxonomiques, permettant de caractériser le potentiel de dégradation d’un levain et de suivre la persistance de ce potentiel au cours du temps. Par ailleurs, si des bactéries lactiques et des levures cultivables actives sont isolées de levains ou ensilages ayant montré leur activité de dégradation, leur introduction dans des consortia existants, et leur installation, devraient permettre de garantir un potentiel de dégradation des mycotoxines.

La définition des conditions optimales d’expression des potentiels de dégradation constitue la troisième étape. Température, pH, activité de l’eau et temps nécessaire sont les premiers facteurs à prendre en compte. Les conditions finalement définies resteront bien sûr compatibles avec les exigences de qualité technologique, organoleptique et nutritionnelle du produit fini.

La quatrième étape renvoie à la nécessité de contrôles toxicologiques. Les produits de dégradation s’accumulant éventuellement à la fin du processus fermentaire se doivent d’être non ou moins toxiques que les mycotoxines initiales, et de ne pas être instables pendant la phase de cuisson.

Le développement de nouveaux levains ou ferments capables de dégrader les mycotoxines pour garantir la qualité sanitaire des produits de boulangerie, ou d’alimentation animale, n’est envisageable dans un premier temps qu’à travers des études focalisées sur une toxine ou famille de toxines. Mais il est évident qu’à plus long terme, il faudra envisager de pouvoir agir sur plusieurs toxines en parallèle.

Conclusions

La dégradation microbienne est une option prometteuse pour contrôler les mycotoxines de l’alimentation animale et humaine. Cette biotransformation peut être obtenue par l’utilisation d’enzymes dégradant des mycotoxines, ou des microorganismes produisant de telles enzymes, au cours de fermentations contrôlées, comme l’ensilage pour l’alimentation du bétail, les levains de l’industrie boulangère, ou en brasserie. A défaut d’une minéralisation complète, elle doit permettre d’obtenir des métabolites non toxiques ou moins toxiques que les molécules mères. Suivant les toxines, les réactions de biotransformation incluent entre autres des acétylations, des glycosylations, des ouvertures de

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cycles, des hydrolyses diverses, des déaminations et des décarboxylations. L’exploitation de la biotransformation des mycotoxines pour contribuer à garantir la qualité sanitaire des produits alimentaires offre divers avantages comme son efficience, la spécificité d’action et les possibilités d’application au cours de procédés fermentaires mis en œuvre dans les industries alimentaires.

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Cet article est publié sous la licence Creative Commons (CC BY-NC-ND 3.0)

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Explorer et conserver la diversité de la flore des levains, un potentiel en boulangerie

Ramsayer J.1, Sicard D.1

1 INRA, UMR 1083 Sciences pour l'œnologie, F- 34060 Montpellier Cedex 2

Correspondance : [email protected] ; [email protected]

Résumé

Plusieurs études montrent que le développement de pains de plus haute valeur nutritionnelle et de plus longue conservation, pourrait passer par l’utilisation de levains plutôt que de levure. Les levains naturels en boulangerie sont composés principalement de farine, d’eau, de bactéries lactiques (LABs) et de levures. L’étude de la composition en espèce des levains naturels en Europe et plus récemment en France montre qu’ils hébergent des communautés composées d’une espèce dominante de LAB, d’une espèce dominante de levure et au maximum de quelques dizaines d’espèces minoritaires. Les connaissances acquises par l’écologie laissent penser que la diversité biologique des levains est un atout pour sa stabilité face à des changements de farine, de pratiques ou à l’invasion d’espèce microbienne. Elles montrent également qu’il existe une relation positive entre diversité en espèce et fonctionnement des écosystèmes. A la vue de ces connaissances, nous discutons de l’intérêt de développer des programmes de conservation de la biodiversité des levains.

Mots-clés : Levain, boulangerie, diversité, adaptation, stabilité, conservation

Abstract: Exploration and conservation of sourdough's microbial diversity, a potential in bakery

Several studies have shown that it could be easier to obtain bread with higher nutritional value and conservation ability using sourdoughs rather than yeasts. Natural sourdoughs are made of flour, water, lactic acid bacteria (LAB) and yeasts. Sourdough microbial communities are generally composed of one dominant LAB species, one dominant yeast species and less than 10 rare species. Basic knowledge obtained from ecology studies suggests that sourdough biodiversity could enhance its stability to flour changes, bakery processes variation or microbial invasion. It also shows that species diversity may improve ecosystem functioning. Developing program for conservation of sourdough biodiversity may thus be of high interest.

Keywords: Sourdough, bakery, diversity, adaptation, stability, conservation

1. Diversité microbienne des ferments en boulangerie

L’art de faire du pain de blé remonte au moins à l’Egypte ancienne comme en témoigne plusieurs gravures sur les tombeaux pharaoniques (Samuel, 2013). Dès 1300-1500 ans avant JC, les pains étaient levés par des microorganismes fermenteurs. L’origine des ferments reste incertaine, certains postulent qu’ils venaient de l’eau du Nil, d’autres de la bière traditionnelle. Depuis, les procédés de fabrication du pain ont bien entendu évolué. Le levain composé de farine, d’eau, de bactéries lactiques et de levures, a été progressivement remplacé par la levure. En France, les premières mentions de levure apparaissent en 1600 (Rousselle et Chiron, 2005). Depuis le XVIIième siècle, le pain blanc à la levure se répand. A l’heure actuelle, le pain blanc, notamment la baguette levée à la levure, est souvent préféré au pain au levain. Pourtant, plusieurs études indiquent que le développement de pains de

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J. Ramsayer et D. Sicard

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plus haute valeur nutritionnelle et de plus longue conservation, pourrait passer par l’utilisation de levains (revues dans Hammes et al., 2005 ; Poutanen et al., 2009 ; Rémésy et al., 2015). En effet, les pains au levain, plus acides et plus denses, le plus souvent conçus avec de la farine bis, se conservent mieux, ont de meilleurs index glycémiques, et auraient une plus grande disponibilité en minéraux et vitamines (voir les revues de Caplice et Fitzgerald, 1999 ; Poutanen et al., 2009 ; Moslehi-Jenabian et al., 2010 ; Poutanen 2012 ; Gobetti et al., 2014 ; Rémésy et al., 2015).

Avec les changements globaux et le déclin de la consommation du pain, la boulangerie est maintenant confrontée au défi de développer une filière plus durable, tout en améliorant l’apport nutritionnel. Dans les écosystèmes liés à l’agro-alimentaire, cela se traduit notamment par des engagements d’évolution vers des systèmes qui limitent l’impact du développement humain sur l’environnement. Par définition (FAO, 2010), un système alimentaire durable doit contribuer à préserver la diversité biologique et culturelle et conduire à une meilleure utilisation des fonctions écologiques des écosystèmes, tout en prenant en compte la dimension sociale et économique. La fabrication de pain au levain naturel, en maintenant à la fois de la diversité biologique et culturelle, répond en partie à ses enjeux. Le levain revient donc au centre des recherches et innovations en boulangerie. Plusieurs études d’écologie microbienne en Europe et en Asie centrale se sont attachées à étudier la composition microbienne des levains naturels, c’est à dire des levains formés spontanément après un mélange de farine, d’eau et éventuellement d’autres ingrédients (fruits, miel,..). Elles montrent que les levains sont habités majoritairement par des bactéries lactiques et des levures, en proportion variable avec le plus souvent 10 à 100 fois plus de bactéries que de levures (de Vuyst et al., 2014). Les communautés microbiennes sont composées d’un petit nombre d’espèces, avec généralement une espèce dominante de bactérie lactique (LAB) et une espèce dominante de levure. Plus de 50 espèces de LAB ont été isolées à partir de levain, soit plus de la moitié des espèces de LAB connues (revues dans Hammes et al., 2005 ; de Vuyst et Neysens 2005 ; de Vuyst et al., 2009 ; de Vuyst et al., 2014). Ces bactéries sont soient homofermentaires c’est à dire ne produisent pas de CO2, soient hétérofermentaires c’est à dire produisent une molécule de CO2 par glucose. Dans les levains naturels de froment, on trouve le plus souvent Lactobacillus plantarum, Lactobacillus sanfranciscensis et Lactobacillus brevis. En France, L. sanfranciscensis est retrouvée comme espèce majoritaire dans la plupart des levains naturels. Cette espèce est hétérofermentaire et contribue donc à la production de CO2. Au niveau des levures, 25 espèces ont déjà été isolées à partir de levain, dont environ la moitié sont connues comme étant fermentaires (revues dans de Vuyst et al., 2009, 2014 ; Hagman et al., 2013 ; Urien et al., 2015). Les espèces dominantes sont toutes des espèces fermentaires. On trouve le plus souvent Saccharomyces cerevisiae mais aussi des espèces du clade des Kazachstania (Candida humilis, Kazachstania unispora, Kazachstania exigua, Kazachstania bulderi, Kazachstania barnetti, Kazachstania servazzii). Ce groupe phylogénétique, proche du clade des Saccharomyces sensu stricto contenant S. cerevisiae comprend plus de 30 espèces dont 6 déjà répertoriées en boulangerie. Il regroupe, avec les clades voisins, des levures qui ont eu dans leur histoire évolutive une duplication de génome qui leur aurait permis d’acquérir la propriété de fermenter même en présence d’oxygène, quand il y a suffisamment de sucre (Conant et Wolfe, 2007 ; Hagman et al., 2013). Il faut noter que l’espèce S. cerevisiae, connue comme étant la levure de boulangerie n’est pas toujours l’espèce majoritaire. Elle est rarement l’espèce dominante dans les levains naturels issus de l’agriculture biologique en France. Enfin, les espèces Saccharomyces uvarum et Torulaspora delbruecki régulièrement utilisées en œnologie dominent parfois la communauté microbienne des levains de panification et seraient donc comme S. cerevisiae relativement généralistes.

La distribution spatiale des espèces de LAB et levures est encore difficile à expliquer. En Europe, la diversité des LAB et levures des levains de froment a été étudiée en Belgique, Italie et plus récemment en France (Scheirlinck et al., 2007 ; Vrancken et al., 2012 ; Minervini et al., 2012 ; Lhomme et al., 2015). Les espèces identifiées diffèrent en partie entre ces pays. Par exemple, les levures S. cerevisiae

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et Wickeranomyces anomalus sont majoritaires en Belgique ; les levures S. cerevisiae et C. humilis sont majoritaires en Italie et plusieurs espèces de Kazachstania se retrouvent en France. Il se peut que ces différences reflètent non pas des différences géographiques mais des différences de pratique. Les levains analysés étaient des levains naturels issus d’agriculture non biologique pour la Belgique, des levains issus d’agriculture non biologique, avec possible ajout de starter pour l’Italie, et des levains naturels issus d’agriculture biologique pour la France. Il est donc encore difficile de comprendre quels sont les processus qui expliquent la distribution spatio-temporelle des espèces microbiennes des levains observés. La localisation géographique, les conditions environnementales, les pratiques boulangères et agronomiques pour l’obtention des farines, le cycle de vie des espèces microbiennes, le hasard sont autant de facteurs qui pourraient être impliqués dans la distribution des espèces microbiennes. Des études sur des échantillonnages raisonnés de levain sont en cours pour mieux comprendre ces processus.

Pour comprendre l’effet de facteurs comme les pratiques ou l’origine des farines, des expérimentations au laboratoire ont également été réalisées. La diversité et l’activité des bactéries lactiques et des levures dépendraient de plusieurs facteurs endogènes et exogènes au procédé de panification, comme le type de céréale composant la farine, l’hydratation du levain, la longueur des rafraîchis, ou encore la température (Meroth et al., 2003 ; Arendt et al., 2007 ; Corsetti et Settanni, 2007 ; De Vuyst et Vancanneyt, 2007 ; de Vuyst et al. , 2009). Par exemple, le blé dur (Triticum durum) et le blé tendre (T. aestivum) pourraient sélectionner différentes populations de LAB (Minervini et al., 2012). Les levains liquides favoriseraient la croissance des levures et contiendraient une plus faible concentration d’acide gras libre, d’acide lactique et surtout d’acide acétique, que les levains fermes (diCagno et al., 2014). La température de fermentation affecterait la composition des espèces : l’association C. humilis et L. sanfranciscensis gagnerait la compétition contre S. cerevisiae et L. plantarum à 20°C (Vogelmann et Hertel 2011).

C’est l’assemblage de bactéries lactiques et levures qui assure le fonctionnement de la communauté microbienne et la qualité du pain. Ces deux groupes d’espèces ont en effet des propriétés différentes. Les levures transforment les hexoses libérés dans la farine en gaz carbonique qui lève la pâte, en formant des poches de gaz emprisonnées dans le réseau de gluten. Elles produisent aussi des arômes, et des vitamines. Les bactéries produisent peu ou pas de CO2 mais acidifient, et produisent aussi des arômes. La diversité fonctionnelle entre espèces et au sein d’une espèce commence à être décrite pour les LAB mais peu de données sont publiées pour les levures en panification. De plus la nature des interactions entre LAB et levure est peu connue (Gobetti, 1998). Pourtant, la diversité des espèces et la diversité génétique des levures et bactéries lactiques dans les levains de panification représentent un atout pour le développement d’une filière durable en boulangerie.

2. Dynamique et potentiel adaptatif des communautés microbiennes du levain

Les communautés microbiennes que l'on trouve dans les levains naturels, bien que relativement simples par leur composition en espèces, sont maintenues dans un équilibre dynamique par les rafraîchis que le boulanger effectue pour entretenir son levain. Ainsi, l'ajout régulier de farine et d'eau relance la fermentation par l'apport de nouveaux nutriments. Il peut aussi éventuellement participer à la composition spécifique de la communauté par l'apport de nouvelles espèces de bactéries lactiques et/ou de levures, ou bien par le renforcement d'espèces minoritaires selon une dynamique « source-puits » (Pulliam, 1988). Par exemple, des espèces rares car mal adaptées aux conditions de vie, mais pouvant avoir un impact non négligeable sur le fonctionnement de l’écosystème, peuvent être malgré tout maintenues dans la communauté via un apport récurrent d'individus lors des rafraîchis.

Cette biodiversité typique des levains naturels ainsi que sa dynamique temporelle peuvent avoir diverses implications en termes de capacité d'adaptation naturelle aux changements de conditions en

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panification et d’efficacité des processus fermentaires.

Une communauté microbienne diversifiée en espèces et en génotype entretenue dans le temps par des rafraîchis sera, par rapport à des starters de levure seule ou des starters de levain, caractérisée par un plus grand potentiel adaptatif face aux variations environnementales. Ce potentiel adaptatif supérieur peut s'expliquer par deux types de mécanismes différents :

- Les premiers sont des mécanismes purement écologiques qui lient la diversité spécifique d'une communauté à sa stabilité (composition en espèces, taille de population, production de biomasse) en cas de perturbations, comme par exemple une modification du milieu de vie ou l'arrivée d'une espèce invasive. En effet, il a été montré que plus une communauté d'espèces est riche et mieux elle est capable d'amortir les conséquences démographiques des perturbations (Tilman et Downing, 1994). Cet effet tampon de la biodiversité est en partie expliqué par une simple réduction statistique des fluctuations moyennes des tailles des populations au sein de la communauté lorsque le nombre d'espèces augmente. Par exemple, imaginons une communauté très simple formant une chaîne alimentaire linéaire (chaque espèce est la proie de la suivante). Si une espèce au bas de la chaîne alimentaire voit sa population réduite suite à une perturbation environnementale, cette fluctuation démographique se propagera à chaque espèce le long de la chaîne (car à chaque « étage » la pénurie de proies fait diminuer la population de prédateurs en augmentant la mortalité), déstabilisant ainsi toute la communauté avec un risque d'extinction d'espèces. Alors que si de nombreuses espèces coexistent dans une communauté où chaque espèce dispose de plusieurs proies possibles, formant ce qu'on appelle alors un « réseau trophique », la fluctuation démographique d'une espèce sera amortie par les autres niveaux trophiques car chaque espèce dispose de proies alternatives pour maintenir sa propre population (Finke et Denno, 2004). L'effet tampon de la biodiversité peut aussi être expliqué par une plus forte redondance fonctionnelle d'espèces ayant un rôle clé dans la communauté. On parle alors de compensation. Enfin, un plus grand nombre d'interactions entre espèces favorisent une redondance des chemins possibles pour les flux de matière et d'énergie au sein de la communauté, que ce soit à travers les relations proies-prédateurs dans les réseaux trophiques ou par des interactions de type compétition, facilitation ou symbiose : c'est l'effet dit d'« assurance écologique » (McCann, 2000). On peut donc imaginer que la stabilité d’un levain face à des changements de farine, de pratiques ou à l’invasion d’espèces microbiennes non désirées soit accrue par sa diversité en espèces microbiennes.

- Les capacités d'adaptations aux perturbations sont aussi régies par des mécanismes évolutifs darwiniens. Ainsi, lorsqu'une espèce bien adaptée à son milieu de vie est soumise à un changement des conditions de vie, elle est appelée à évoluer par sélection naturelle. C'est à dire que la composition génétique globale de l'espèce en question se modifie car les individus ayant des génotypes mieux adaptés au nouvel environnement augmentent en fréquence. Cette adaptation génétique, si elle est souvent très lente pour des espèces « macroscopiques », peut être extrêmement rapide chez les micro-organismes. Or pour que cette sélection naturelle puisse opérer efficacement, il est préférable qu'un grand nombre de génotypes différents soient présents dans la population pour maximiser les chances d'existence d'un génotype bénéfique. Cette diversité génétique dite « intraspécifique », moteur de l'adaptation par sélection naturelle, sera favorisée dans un levain naturel que l'on entretient à long terme, d'une part grâce à la diversité initialement présente dans la farine et l'eau utilisées, mais aussi grâce à l'accumulation progressive de mutations génétiques aléatoires au fil des générations microbiennes. Ainsi, les levures et bactéries lactiques présentes dans les levains naturels sont reconnues pour être composées d'un assemblage de multiples souches génétiquement et phénotypiquement diversifiées (Vigentini et al., 2014 ; Picozzi et al., 2010).

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Ces deux types de mécanismes d'adaptation des communautés aux modifications de leur environnement : amortissement écologique des conséquences par la diversité en espèce et adaptation darwinienne au nouveau milieu de vie grâce à la diversité génétique, permettent de prédire qu'un levain naturel entretenu à long terme aura un bon potentiel pour s'adapter aux modifications possibles des conditions de panification (par exemple, variations saisonnières de la composition de la farine ou de l'eau, de la température du fournil ... ). Alors que des starters de levure seule ou de levain composés de peu de souches sélectionnées, donc génétiquement pauvres, seront probablement moins capables de s'adapter à des écarts à leurs conditions d'utilisation optimale.

3. Relation diversité / fonction dans l’écosystème levain

En dehors des considérations sur les capacités d'adaptation que nous venons de voir, une grande diversité en espèces dans un levain peut aussi être synonyme d'une meilleure efficacité de la fermentation de la pâte. En effet, comme il existe une relation diversité-stabilité des communautés, il existe aussi une relation positive entre diversité en espèce et fonctionnement des écosystèmes (Reich et al., 2012). Le « fonctionnement » est généralement exprimé en termes de production de biomasse par les écologues. En agro-alimentaire, on s’intéresse aussi à la dégradation et la production de métabolites d’intérêt nutritionnel, sensoriel ou de conservation, comme la production de gaz carbonique, de vitamines, d’arômes, d’acides ou autres anti-microbiens. Dans tous les cas, il faut noter que la biomasse est reliée directement à la capacité d’une communauté à dégrader et produire des métabolites d’intérêt, puisqu’un niveau minimal de biomasse microbienne dans la pâte est nécessaire pour garantir une bonne efficacité des processus fermentaires.

Cette relation diversité-fonction, ou diversité-biomasse, est généralement expliquée par trois mécanismes (Duffy et al., 2007 ; Mouquet et al., 2010) :

- Le premier est encore une fois purement probabiliste : plus il y a d'espèces présentes, plus il y a de chance que l'une d'entre elles soit très productive, et tire la productivité moyenne de l'écosystème vers le haut.

- Le second mécanisme est appelé complémentation. Il résulte d’une meilleure utilisation/répartition des ressources. Dans ce cas, les performances d'un groupe d'espèces coexistantes sont supérieures à la somme des performances de chaque espèce seule, notamment grâce à une meilleure répartition et utilisation de chaque niche écologique pour limiter une forte compétition pour les ressources (Loreau et Hector, 2001). Ce mécanisme est associé à une diversification fonctionnelle. Ainsi, plus il y a d'espèces, plus de ressources différentes sont transformées efficacement en biomasse.

- Le dernier mécanisme, que l’on nomme facilitation résulte d’interactions positives entre espèces. Plus il y a d'espèces, plus il y a de chance pour qu'une espèce (ou un groupe fonctionnel d'espèces) modifie l'écosystème d'une manière qui sera bénéfique à la vie, et donc à la productivité d'une autre espèce (ou groupe fonctionnel). Ces modifications peuvent aller de la création physique de nouveaux habitats (par exemple un arbre qui crée de l'ombre pour des espèces ne pouvant vivre en plein soleil) à la libération dans l'environnement de substances pouvant servir de ressources pour d'autres espèces.

Ces différents mécanismes ne sont pas mutuellement exclusifs. Ils peuvent avoir lieu entre espèces à l’échelle de la communauté, comme expliqué ci-dessous, mais aussi entre génotypes d’une même espèce dans les populations.

L’existence de ces mécanismes qui sous-tendent la relation diversité-fonction dans les écosystèmes, y compris microbiens, laisse penser qu’une plus grande diversité spécifique et génétique dans un levain

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pourrait contribuer à assurer et améliorer la production de biomasse microbienne. Par exemple, dans le levain, on suppose l’existence de relations de facilitation entre certaines espèces de bactéries lactiques et de levures : les bactéries lactiques capables d'utiliser le maltose relâcheraient du glucose utilisable par des levures incapables de consommer directement le maltose (Stolz et al., 1993). Cette hypothèse pourrait expliquer l'association entre L. sanfranciscensis, capable de consommer le maltose et des levures maltoses négatives telles que C. humilis ou K. exigua, dans les levains naturels (de Vuyst et Neyssens, 2005). Mais cette hypothèse reste à être confirmée expérimentalement. D'autres hypothèses portent aussi sur une facilitation des levures vers les bactéries lactiques via l’excrétion de vitamines et d'acides aminés nécessaires à la croissance des bactéries (Nout, 1991). Il pourrait aussi s’agir d'une forme de prédation de la part des bactéries lactiques au moyen d'enzymes capables de lyser les levures afin de récupérer leurs métabolites (Gobetti, 1998).

Ces mécanismes, prédisent également que la diversité microbienne pourrait assurer et/ou améliorer la fermentation et la transformation vers des composés bénéfiques pour la santé et la nutrition. Par exemple, de nombreuses espèces de levures et LAB produisent des phytases qui dégradent le phytate (ou acide phytique, myo-inositol hexakisphosphate, IP6). Le phytate, particulièrement abondant dans les grains de céréales et oléagineux est un chélateur de plusieurs minéraux d’importance nutritionnelle comme le fer, le zinc, le calcium ou le magnésium. En dégradant le phytate, les phytases augmentent donc la disponibilité en minéraux. L’activité phytase des microorganismes est connue pour varier selon les espèces, entre génotypes et selon le pH en partie contrôlé par les bactéries (De Angelis et al., 2003 ; Palacio et al., 2008 ; Moslehi-Jenabian et al., 2010). Elle est aussi présente chez des levures qui ne fermentent pas. Elle est plutôt intracellulaire chez les bactéries et extracellulaires pour les levures. Dans un levain riche en espèces, la « fonction phytase » pourrait donc bénéficier de complémentations fonctionnelles, de compensations fonctionnelles entre espèces et d'effets probabilistes (la diversité augmentant les chances qu’une souche ou une espèce à forte activité phytase soit présente dans la communauté). La diversité génétique et spécifique des LAB et levures pourrait donc par exemple assurer et/ou améliorer l’accessibilité des minéraux.

4. Comment conserver la diversité microbienne des levains ?

Si la société commence à prendre conscience de l’importance de la diversité des plantes et animaux domestiques, la biodiversité des micro-organismes impliquée dans l’agro-alimentaire est peu prise en compte. Pour cette raison, la FAO a lancé un appel via la Commission sur les Ressources Génétiques pour les Aliments et l’Agriculture dans lequel elle a reconsidéré le statut et les besoins de conserver la diversité biologique de micro-organismes pour les aliments et l’agriculture (FAO, 2009).

On peut distinguer deux grands modes de conservation de la diversité des micro-organismes alimentaires : une conservation « statique » dans des collections de micro-organismes (dite aussi conservation « ex situ ») et une conservation dynamique chez les artisans/paysans/particuliers qui prend en compte les changements environnementaux, sociaux et économiques (dite aussi conservation « in situ »).

Le principe de la conservation « ex situ » des ressources génétiques est de conserver des individus dans des collections. Le centre international de données sur les micro-organismes a répertorié 556 collections nationales et internationales contenant des espèces de micro-organismes dans 68 pays (CGRFA, 2009). Ce mode de conservation a pour avantage de nécessiter relativement peu d’espace et de faciliter l’accessibilité aux souches. En boulangerie, les micro-organismes conservés dans les collections peuvent être employés par les industriels ou par les artisans sous condition des règles d’accès et d’utilisation. Les souches peuvent être utilisées dans des programmes de sélection génétique pour l’obtention de starter levure ou starter levain. Elles sont également accessibles pour la

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recherche scientifique et pour d’autres applications industrielles (probiotique, fermentations d’autres produits,…). Cependant, la conservation « ex situ » ne permet pas de conserver la diversité microbienne au sein d’une population, compte tenu des limites sur le nombre de souches conservées. De plus, le matériel génétique conservé dans les banques subit un « gel évolutif » (Esquinas-Alcázar, 2005) : les souches sont récupérées à un instant t, ce qui implique également qu’elles ne subissent plus les phénomènes de sélection. Enfin, les données collectées en même temps que les souches sont souvent pauvres et le travail de synthèse sur l’ensemble des collections reste à faire, ce qui ne favorise pas la valorisation de ces ressources génétiques. La conservation « ex situ » est une bonne réponse d’urgence mais n’est pas suffisante pour conserver la diversité des espèces domestiquées : la gestion dynamique semble indispensable pour une conservation à long terme.

La conservation « in situ » des ressources génétiques consiste à gérer les ressources génétiques sous forme de populations maintenues dans l’environnement où leur diversité est apparue et où elle a évolué. Il s’agit d'une gestion dynamique de la diversité, puisque les populations s’adaptent de façon continue à leur environnement et à ses changements. La gestion dynamique regroupe deux approches : la gestion de populations hétérogènes, généralement mise en place par les instituts de recherche ; et la gestion de populations chez les agriculteurs/artisans. Cette dernière approche permet de combiner la sélection humaine et l’adaptation des populations à des environnements différents, tout en maintenant la variabilité génétique au sein des populations (Elias et al., 2001). La conservation « in situ » doit en effet prendre en compte l’environnement biotique et abiotique des organismes. En boulangerie, elle passe par la caractérisation et conservation de la diversité des pratiques boulangères et des lieux de panification. Il est donc important de décrire la distribution spatiale des espèces microbiennes et de comprendre les processus biologiques (pratique, climat, environnement local, cycle de vie,…) qui la maintiennent. Pour cela, des approches pluridisciplinaires incluant des sciences humaines et sociales (sociologie, anthropologie, économie,…) et des sciences dures (mathématique, biologie) sont nécessaires.

La législation sur la conservation, le droit et l’utilisation de microorganisme pour l’alimentation est en changement continuel, comme en témoigne la loi sur la biodiversité mise en place actuellement en France (voir pour revue Bourdichon et al., 2012). Elle est fondée sur différents accords (accord de transfert de matériel, accord de consortium, chartes,…) et sur des inventaires d’espèces qui sont déclarés « aptes» pour l’alimentation. Cette liste est notamment construite sur la base de l’histoire d’utilisation des espèces dans l’alimentation. La description des communautés microbiennes dans les processus de transformation artisanaux apporte donc les informations de base sur les ressources génétiques utilisables par l’agro-alimentaire et l’artisanat. Cependant, la législation autour des droits associés aux microorganismes reste peu discutée avec les acteurs de la gestion dynamique de ces microorganismes.

A notre connaissance, aucun programme de conservation de la diversité microbienne nécessaire au processus de boulangerie n’est mis en place ni en France, ni au niveau international. Les micro-organismes provenant de cette filière sont sous-représentés dans les collections statiques de micro-organismes, ce qui n’est pas le cas d’autres filières alimentaires telles que celles du vin, du cidre ou du fromage. Les programmes raisonnés de gestion de la diversité microbienne, intégrant les acteurs de la filière boulangerie, n’existent pas. Les enquêtes que nous avons préalablement réalisées auprès de paysans-boulangers et boulangers en France, et les démarches de certains industriels à l’international, ont révélé une grande motivation des boulangers pour participer à la caractérisation et au maintien de la diversité microbienne des levains. Il est reconnu que la conservation des ressources naturelles « in situ » présente l’avantage de maintenir les processus d’évolution et donc l’adaptation des espèces à leur environnement dans les agro-écosystèmes. La gestion dynamique constitue donc une stratégie complémentaire importante à la gestion statique de la diversité car elle permet de maintenir une adaptation des pools domestiqués à des agro-écosystèmes en évolution rapide. Les mises en place de

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tels programmes sont plus avancées chez les plantes cultivées. Chez les micro-organismes, les appellations contrôlées et la conservation du savoir traditionnel ont conduit au développement de projets de description et conservation de la flore des fromages ou de celle du vin, mais les programmes de conservation des micro-organismes trouvés dans les produits céréaliers transformés qui ne sont pas protégés par des appellations ou labels en France, sont moins communs. Les recherches mises en œuvre sur la diversité taxonomique, fonctionnelle et les propriétés des écosystèmes microbiens des produits fermentés céréaliers sont en nette progression et apporteront des éléments pour mettre en œuvre des programmes raisonnés de conservation et valorisation des ressources génétiques microbiennes.

Remerciements

Nous remercions l'ensemble des partenaires du projet ANR-13-ALID-0005 BAKERY ainsi que l'ensemble des boulangers avec qui nous collaborons.

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Cet article est publié sous la licence Creative Commons (CC BY-NC-ND 3.0)

https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/fr/

Pour la citation et la reproduction de cet article, mentionner obligatoirement le titre de l'article, le nom de tous les auteurs, la mention de sa publication dans la revue « Innovations Agronomiques », la date de sa publication, et son URL)

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Explorer et exploiter la biodiversité des levures œnologiques : comment optimiser la qualité organoleptique des vins?

Eder M.1,2,3, Noble J.1,2,3,4, Rollero S.1,2,3,4, Steyer D.5, Legras J-L.1,2,3, Blondin B.1,2,3, Dequin S.1,2,3

1 INRA, UMR1083 Sciences pour l’œnologie, 2 Place Viala, F- 34060 Montpellier

2 SupAgro, UMR1083 Sciences pour l’œnologie, 2 Place Viala, F- 34060 Montpellier

3 Université de Montpellier, UMR1083 Sciences pour l’œnologie, 2 Place Viala, F- 34060 Montpellier

4 Lallemand, SAS, 19 rue des Briquetiers, F- 31700 Blagnac

5 Twistaroma, F-68021 Colmar

Correspondance : [email protected]

Résumé

Aujourd’hui, l’industrie du vin doit faire face à de nombreux défis, liés à l’évolution des pratiques, des modes de consommation, au changement climatique et à la concurrence internationale. Un enjeu important de la filière est le développement de levures présentant des propriétés nouvelles, adaptées à ce contexte. La fermentation alcoolique, bien que faisant appel à une flore microbienne diverse présente dans le moût, est réalisée majoritairement par l’espèce Saccharomyces cerevisiae. C’est donc sur cette espèce qu’ont porté la majorité des efforts de recherche. Après la sélection de souches issues de la diversité naturelle, ces dix dernières années ont vu l’essor de techniques de génétique et d’hybridation permettant de combiner les propriétés intéressantes de plusieurs individus, ou la sélection de nouvelles variations en utilisant des approches d’évolution dirigée. Ces approches ont conduit à l’obtention de levures industrielles aux propriétés organoleptiques supérieures. Une autre voie consiste à combiner les propriétés d’espèces Saccharomyces par hybridation, ou encore à utiliser des espèces non Saccharomyces co-inoculées avec S. cerevisiae afin d’obtenir des profils aromatiques plus complexes. Nous présentons ici les avancées récentes dans l’amélioration des levures S. cerevisiae et la sélection de levures non conventionnelles pour optimiser la qualité organoleptique des vins.

Mots-clés : Fermentation œnologique, levures, arômes, sulfites, alcool, évolution dirigée, hybridation

Abstract: Exploration and exploitation of the biodiversity of wine yeast: how to optimize the organoleptic quality of wines?

Today, the wine industry is facing many challenges related to the development of new practices, changes in wine consumption, climate change and international competition. An important issue is the development of yeasts with new properties, adapted to this context. Wine fermentation, although involving a diverse microbial flora present in the must, is mainly carried out by the species Saccharomyces cerevisiae. Thus, this species has been the focus of most research efforts. After selecting strains from natural diversity, the last ten years have seen the rise of genetic and hybridization techniques to combine interesting properties of several individuals, and of evolutionary engineering to select new variations. These approaches resulted in the development of several industrial yeasts with superior organoleptic properties. Another strategy is to combine the properties of different Saccharomyces species by hybridization, or to use non-Saccharomyces species co-inoculated with S. cerevisiae in order to obtain more complex flavor profiles. We present recent advances in the improvement of S. cerevisiae and in the selection of non-conventional yeasts to optimize the organoleptic quality of the wines.

Keywords: Wine fermentation, yeast, aromas, sulfite, alcohol, adaptive evolution, hybridization

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S. Dequin et al.

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Introduction

Le vin a une longue et riche histoire, datant de plusieurs milliers d'années, étroitement liée à l'histoire de l'agriculture. Des études archéologiques et historiques permettent de penser que le vin est apparu durant la période néolithique (8500–4000 av. J.-C.). La sédentarisation des hommes durant cette période a favorisé, de manière générale, le développement de la transformation et du stockage des aliments (Cavalieri et al., 2003). L’une des premières preuves de la production de vin remonte à 5400-5000 av. J.-C, avec la découverte de la présence de tartrate de calcium dans des jarres datées de cette époque, sur le site néolithique de Hajji Firuz en Iran (McGovern et al., 1996). De là, la vinification s’est étendue à l’Egypte et à la Mésopotamie (~ 3500–3000 av. J.-C.) pour arriver en Crête (~2200 av. J.-C.) avant d’atteindre Europe et, à partir de là, le ‘‘nouveau monde’’ (McGovern, 2003).

La fermentation alcoolique est non seulement une méthode efficace pour la préservation de la qualité et la sécurité des boissons et des aliments, mais le vin est aussi une drogue et un remède largement utilisés dans l'antiquité, en raison de ses propriétés analgésiques, désinfectantes et de conservation. Au fil du temps, le vin a influencé la géographie, l'économie, l'archéologie, l'histoire, les mythologies et les religions, les arts et les traditions, le droit et la médecine. Aujourd'hui, cette boisson a une place unique dans la plupart des sociétés, avec une forte valeur économique et culturelle.

Ce n’est qu'en 1860 que Louis Pasteur a découvert l'origine de la fermentation et l'implication de la levure (Pasteur, 1860). Au début des années 1880, Emile Christian Hansen, du laboratoire Carlsberg au Danemark, a développé la première culture pure de levure et la première inoculation d'un moût de raisin avec une culture de levure pure a été réalisée par Müller-Thurgau en 1890. Cette pratique a commencé à être utilisée en œnologie dans les années 1970. Depuis, elle s’est généralisée et actuellement, la majorité des vins sont élaborés à l’aide de levures sélectionnées appartenant principalement à l’espèce Saccharomyces cerevisiae. Ces pratiques ont permis un meilleur contrôle et fiabilité du processus de fermentation, en limitant les risques d’altérations microbiologiques, et ont largement contribué à l’amélioration de la qualité des vins au cours des dernières décennies.

Aujourd’hui, la filière œnologique doit faire face à de nombreux défis, liés à l’évolution des pratiques, des modes de consommation, au changement climatique et à la concurrence internationale. Ce contexte se traduit par une dépendance accrue à l’égard de l’innovation technologique. La qualité sensorielle est devenue un critère essentiel pour le consommateur, et ce pour de nombreux produits fermentés (Hugenholtz, 2013). Le vin n’échappe pas à cette tendance et l'obtention de signatures uniques permettant de distinguer un vin des autres sur le marché est recherchée.

L'arôme du vin se compose d'une grande variété de composés volatils, certains d'entre eux provenant des raisins (arômes variétaux), de produits secondaires synthétisés lors de la fermentation (arômes fermentaires) et générés lors du vieillissement du vin (arômes post-fermentaires).

L’utilisation et le développement de souches et espèces de levures présentant des propriétés nouvelles, adaptées à ce contexte, représentent de ce fait un enjeu important. S. cerevisiae reste la principale levure sur laquelle ont été concentrés la plupart des efforts de recherche d'avant-garde en génétique, génomique, physiologie pour l’amélioration des levures de vin. Ces connaissances ont permis de réelles possibilités d’innovation, basées sur une meilleure exploitation de la diversité de cette espèce ou sur le développement de variants présentant de nouvelles capacités. Des stratégies non OGM ont été privilégiées ces dix dernières années, reposant principalement sur (i) des travaux de génétique quantitative qui visent à identifier les bases génétiques des propriétés des souches, de façon à développer de manière rationnelle des levures présentant une combinaison de traits optimaux par hybridation, (ii) des approches d’évolution dirigée, qui sont des stratégies alternatives aux approches basées sur le génie génétique permettant de générer de la diversité. Par ailleurs, les avancées en génomique ont permis ces dernières années l’identification parmi les levures œnologiques de plusieurs hybrides inter-espèces Saccharomyces, qui présentent un certain nombre d’avantages par rapport à S. cerevisiae. Enfin, les espèces non-Saccharomyces présentes dans le moût peuvent contribuer aux

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caractéristiques organoleptiques des vins, que ce soit de manière positive ou négative (Fleet, 1993 ; Jolly et al., 2014). Actuellement, une tendance forte est d’exploiter cette diversité d’espèces de façon contrôlée, en utilisant des inoculum mixtes non Saccharomyces/S. cerevisiae.

Dans cette revue, nous insisterons plus particulièrement sur les développements récents de levures S. cerevisiae en lien avec l’amélioration des qualités organoleptiques du vin, et nous discuterons plus brièvement l’intérêt de levures moins conventionnelles, comme les hybrides Saccharomyces inter-espèces et des espèces non Saccharomyces.

1. Evolution de la flore pendant la fermentation œnologique

La fermentation des moûts de raisins peut se produire spontanément par l'activité de divers micro-organismes naturellement présents sur les baies de raisin. Plus de 40 espèces de levures ont été identifiées à partir de moût de raisins (Fleet, 1993 ; Jolly et al., 2014). Les genres les plus fréquents sont Hanseniaspora (Kloeckera), Candida, Pichia, Rhodotorula, Debaryomyces, Metschnikowia, Kluyveromyces, Schizosaccharomyces, Torulaspora, Zygosaccharomyces et Dekkera. Ces espèces sont majoritaires lors des étapes préfermentaires de l’élaboration des vins et en début de fermentation. Une succession séquentielle de ces espèces est observée au cours de la première phase de la fermentation spontanée. La plupart de ces espèces disparaissent rapidement, bien que certaines puissent persister plus longtemps (Fleet, 1993). Ce phénomène peut s’expliquer par leur faible capacité fermentaire, leur faible tolérance à l’anaérobiose et aux concentrations élevées en SO2 et en éthanol.

La fermentation spontanée est une pratique pouvant conduire à l'obtention de profils aromatiques plus complexes, en raison du répertoire d’espèces et de souches mises en jeu dans le moût. Cependant, le microbiote naturel, qui provient de la flore présente sur les baies et dans les caves, est inconnu et variable d’une année sur l’autre, ce qui en fait une pratique imprévisible et donc risquée. Même dans le cas des fermentations spontanées, la prédominance de S. cerevisiae (inoculée ou indigène) dans la fermentation est attendue et désirée. Cette espèce est responsable de la dégradation de la majeure partie des sucres en éthanol et CO2. Une des caractéristiques les plus remarquables de S. cerevisiae et d’autres espèces étroitement apparentées est leur capacité à produire et accumuler l'éthanol, appelé effet Crabtree, même en présence d’oxygène. C’est la combinaison de plusieurs traits «gagnants», comme la dégradation rapide des sucres, la production et l'accumulation d'éthanol associée à la production de chaleur, la tolérance à ce composé et aux fortes températures, et la capacité de croissance en anaérobiose qui fait de S. cerevisiae la levure œnologique par excellence.

2. La levure S. cerevisiae : rôle et diversité intra espèce

La fermentation œnologique expose les levures à une variété de stress : stress osmotique dû à la forte concentration en sucres du moût de raisin (180-260 g/L), niveaux élevés de sulfite, anaérobiose, stress acide, limitation en éléments nutritifs (azote, lipides et vitamines) et toxicité de l'éthanol. Une fermentation de vin typique comporte une phase de latence, qui dure plusieurs heures, une courte phase de croissance de 24 à 36 heures, suivie d'une phase stationnaire, pendant laquelle la majeure partie du sucre (entre 50 et 80%) est fermentée. Durant cette phase, l'activité des levures diminue constamment, bien que les niveaux de viabilité restent élevés (en général plus de 90%), jusqu'à ce que le sucre soit épuisé.

Dans ce contexte, la levure S. cerevisiae joue un rôle majeur. Elle est en effet non seulement responsable de la dégradation des sucres en éthanol et CO2, mais produit de nombreux sous-produits de fermentation.

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Les arômes produits par S. cerevisiae comprennent entre autres des aldéhydes, des alcools supérieurs, des acides gras à moyenne et longue chaîne, des acides gras, des esters d'éthyle et des esters d'acétate ainsi que des composés soufrés (Swiegers et al., 2005). Ces composés volatils sont issus de la dégradation des sucres, des acides aminés et des acides gras, et sont formés à travers un processus métabolique complexe et dynamique pendant la fermentation. De nombreux facteurs contrôlent leur production : le cépage, la nature des précurseurs (principalement les acides aminés), la disponibilité en micronutriments et en azote, les traitements du moût et les conditions de fermentation, y compris la température, ainsi que la souche de levure. Ces composés fermentaires jouent un rôle clé dans la qualité sensorielle et la typicité des vins. Par exemple, certains alcools supérieurs, les esters d'éthyle et des esters d'acétate génèrent des notes fruitées et florales (Swiegers et al., 2005). L’acide acétique est un composé clé dont la production doit rester faible, et dont le niveau de production varie très fortement d’une souche à l’autre (Camarasa et al., 2011 ; Marullo et al., 2006 ; Salinas et al., 2012). Des composés cétoniques comme l’acétaldéhyde peuvent également avoir un impact organoleptique en combinant le SO2. Les composés soufrés comme les sulfites (SO2) ou le sulfure d’hydrogène (H2S) affectent négativement les qualités sensorielles d’un vin. La comparaison de 72 souches S. cerevisiae d'origines diverses dans des conditions de fermentation œnologique a révélé des variations importantes non seulement dans les propriétés fermentaires mais aussi dans la production de métabolites, en particulier l’acide acétique et les esters (Camarasa et al., 2011). Une autre étude, basée sur un nombre restreint de souches et l'analyse sensorielle, a suggéré que les levures de vin produisent plus d’arômes fruités du vin que les souches provenant d'autres origines (Hyma et al., 2011).

En plus de cette production de novo de métabolites secondaires, les levures peuvent également transformer des précurseurs du raisin pour libérer des arômes variétaux (Swiegers et al., 2005 ; Swiegers et Pretorius, 2005). Les levures Saccharomyces peuvent par exemple former des thiols comme le 4MMP (4-méthyl-4-mercapto-pentan-2-one), le 3MH (3-mercapto-hexan-1-ol) et son acétate (A3MH) à partir de différents précurseurs. Ces composés, caractéristiques des vins de Sauvignon blanc, apportent des notes aromatiques de fruit de la passion, pamplemousse, citron et buis (Tominaga et al., 2000, Aznar et al., 2001). L’effet de la souche de levure sur la révélation des thiols volatils peut varier d’un facteur 20 (Dubourdieu et al., 2006 ; Swiegers et Pretorius, 2005). D’autres composés, comme les terpénols sont des composés très importants de l’arôme des cépages musqués (muscat, gewurztraminer…). Lors de la fermentation, la levure S. cerevisiae agit sur les composés terpéniques en hydrolysant les glycosides, et en isomérisant ou en réduisant les alcools terpéniques libérés comme le géraniol pour donner du citronellol ou du géranyl diol et donner du cis rose oxyde, l’un des composés d’arôme clé du gewurztraminer (Koslitz et al., 2008). Enfin, la souche de levure peut également avoir un impact sur la formation d’autres composés, comme par exemple le sulfure de diméthyle (DMS), un composé soufré léger qui peut contribuer à l’arôme, positivement ou négativement selon sa concentration et la typologie du vin. Différents travaux ont montré que ce composé est un exhausteur des arômes fruités (Segurel et al., 2004 ; Dagan et Schneider, 2012). La S-méthylméthionine (SMM) représente l’essentiel des précurseurs de DMS des raisins et du moût, mais une part importante de ce potentiel aromatique est perdue au cours de la vinification. Les levures ont différentes capacités d’assimilation de ce précurseur pendant la fermentation (Dagan et Schneider, 2012), ce qui ouvre des perspectives pour développer des souches préservant ce potentiel.

Les stratégies mises en œuvre pour développer de nouvelles souches S. cerevisiae plus performantes sur le plan organoleptique ainsi que plusieurs exemples illustrant ces recherches seront détaillées ci-après.

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3. Amélioration des souches : nouvelles cibles technologiques

3.1 Stratégies non OGM : cartographie de QTL et évolution dirigée

3.1.1 Cartographie de QTL

Les variations du phénotype (par exemple la production de quantité différente d’un métabolite) sont la conséquence de mécanismes génétiques complexes. On définit un QTL (Quantitative Trait Locus) comme une région du génome responsable de ce caractère quantitatif. Le principe de recherche de QTL consiste à établir un lien statistique entre l’hérédité d’un marqueur génétique (le plus souvent un polymorphisme de séquence) et la valeur d’un caractère quantitatif. La recherche de ce lien s’effectue par des approches de cartographie génétique et phénotypiques, qui sont résumées sur la Figure 1. Différents approches de cartographie de QTL ont été menées pour rechercher des gènes impliqués dans des caractères technologiques, comme la production de sulfite ou la production de composés volatils aromatiques.

Figure 1 : Démarche de recherche de QTL. (A) Deux souches parentales haploïdes ayant des valeurs phénotypiques différentes sont croisées, générant un individu diploïde hétérozygote. La sporulation de cet individu permet d’obtenir une population de descendants haploïdes ayant subi plusieurs évènements de recombinaison lors de la méiose et possédant une distribution aléatoire des différents loci parentaux. Ces descendants sont génotypés (actuellement par séquençage complet de leur génome) afin de localiser ces marqueurs, et phénotypés pour les traits quantitatifs d’intérêt. L’analyse statistique de liaison est la dernière étape qui permet la détection des QTL. Un QTL est identifié lorsqu’il existe une corrélation entre un marqueur et le paramètre quantitatif étudié. (B) Fréquence de la distribution d’un trait (citronellol) dans la population de descendants. La production des 2 parents est indiquée par un rond rouge.

3.1.2 Evolution dirigée

Les approches d’évolution expérimentale, ou évolution adaptative, sont basées sur la culture à long-terme d’un organisme en présence d’une pression de sélection (Figure 2). Ceci favorise l'émergence de variations génétiques, qui peut être suivie par l'évolution adaptative de la population de levure et par la sélection de variants présentant un phénotype souhaité. La caractérisation des souches évoluée et ancestrale par séquençage de leur génome et différentes analyses de génomique fonctionnelle (comme l’étude de l’expression du génome par analyse transcriptomique) est généralement utilisée pour essayer d’identifier les mutations impliquées, ce qui reste un objectif parfois difficile à atteindre. Une fois

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identifiées, les mutations peuvent alors être transférées à une autre souche par hybridation. Les approches d’évolution ont été appliquées récemment au développement de souches aromatiques et de souches à faible rendement en alcool. Elles ont pour avantage de pouvoir être utilisées sans connaissance génétique préalable, et de pouvoir être appliquées à n’importe quelle espèce.

Figure 2 : Principe de l’évolution adaptative. Une culture prolongée est réalisée afin de favoriser l’accumulation de mutations spontanées. L’utilisation de conditions sélectives (présence d’un stress, croissance en présence d’un substrat mal assimilé etc…) permet de sélectionner les souches ayant acquis une mutation qui confère un bénéfice dans ces conditions.

3.2 Exemples de développement de souches S. cerevisiae

3.2.1 Levure œnologique faible productrice de sulfites

Les levures œnologiques forment divers composés soufrés en fermentation qui peuvent avoir des impacts négatifs sur la qualité organoleptique, la qualité sanitaire ou la maîtrise des procédés. C’est le cas des sulfites et du H2S qui sont parfois formés en quantités excessives lors des fermentations alcooliques. Les niveaux de sulfites des vins sont règlementés pour des raisons sanitaires ce qui suppose la maîtrise de leur formation au cours de l’élaboration des vins. Les sulfites sont aussi des inhibiteurs des bactéries lactiques qui réalisent la fermentation malolactique ce qui suppose de maîtriser leur teneur transitoire au cours des procédés.

Il est donc important de maîtriser la formation de ces composés. Des travaux récents de génétique des levures ont permis d’identifier les bases génétiques des variations de formation de composés soufrés. Une démarche de génétique quantitative et de recherche de QTL (quantitative trait locus) a été menée dans deux souches aux comportements contrastés, ce qui a permis d’identifier deux gènes candidats impliqués dans le métabolisme du soufre (SKP2 et MET2) pour lesquels l’impact des variations alléliques sur la formation de SO2, de H2S et d’acétaldéhyde a été démontré.

Figure 3 : Allèles impliqués dans la formation de SO2, H2S et acétaldéhyde

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Ceci a permis d’expliquer les différences de comportement des souches. En effet, la combinaison des allèles favorables permet, à la fois, de limiter la capacité d’incorporation du sulfate très précocement dans le métabolisme et d’augmenter l’utilisation des formes sulfites et H2S par l’activité de la voie d’apport des squelettes azotés conduisant à la cystéine. Une fois ces gènes/allèles identifiés, il a été possible de les introduire à façon dans d’autres souches de levures, par des approches d’hybridation, ce qui a permis de générer de nouvelles souches faibles productrices de SO2, H2S et acétaldéhyde (Noble et al., 2015).

3.2.2 Levures œnologiques à caractère aromatique

Thiols : Des avancées récentes ont permis d’identifier un des gènes clés impliqués dans la formation d’un des thiols du Sauvignon Blanc. En utilisant une approche de cartographie de QTL, il a été possible d’identifier un allèle du gène IRC7, qui code pour une cystéine desulfydrase impliquée dans la forte production de 4MMP. La plupart des souches de S. cerevisiae, y compris la souche de laboratoire de référence, ont une délétion de 38 pb (paires de bases) qui inactive ce gène. La surexpression de l’allèle long identifié dans une levure de vin a permis d’augmenter la production de 4MMP dans un vin Sauvignon Blanc, qui est alors passé d’un niveau indétectable (<10 ng/L) à des concentrations de 1000 ng/L, ainsi que celles de 3MH et A3MH (Roncoroni et al., 2011). L’identification de ce gène a permis par la suite le développement de souches fortes productrices de thiols par des approches d’hybridation (Dufour et al., 2013)

Terpénols : Les terpénols dont fait partie le géraniol sont des composés très importants de l’arôme des cépages musqués (muscat, gewurztraminer…). Différentes approches de recherche de QTL ont permis d’identifier des régions du génome impliquées dans la production de rose oxyde caractéristique du gewurztraminer, à partir du géraniol à l’odeur de rose (Steyer et al., 2012), mais le gène impliqué dans ces différences n’a pas encore été identifié. Ces études ont également éclairé les étapes de la transformation du géraniol. Il est transformé en un autre composé aromatique aux notes citronnées (citronellol) sous l’action du gène OYE2 et est également transformé en ester durant la fermentation sous l’action du gène ATF1, ce pool d’ester de géraniol pouvant ensuite être réhydrolysé par la suite durant la conservation du vin (Steyer et al., 2013). Un des enjeux actuels, poursuivis dans le cadre du projet européen YeastCell (ITN-2013-606795) dont l’INRA est partenaire, est d’identifier d’autres allèles potentiellement impliqués dans la formation de ces composés.

Esters : Récemment une levure aromatique surproductrice d’esters a été obtenue en utilisant une approche d’évolution adaptative. Une souche de levure œnologique commerciale a été cultivée pendant 70 générations sur un milieu contenant du gluconate, un sucre mal assimilé par S. cerevisiae et métabolisé au niveau de la voie des pentoses phosphate (VPP). Cette approche a permis de sélectionner un variant présentant une meilleure croissance sur ce substrat (Cadiere et al., 2011 ; Cadiere et al., 2012). Lors de la fermentation du vin, la souche évoluée se caractérise par une forte production d’esters d’acétate, qui participent au caractère fruité du vin, et par une diminution de la production d’acide acétique, composé indésirable à forte concentration. Ces modifications sont dues à un métabolisme fortement remanié, notamment à une amplification de la voie des pentoses phosphates, une synthèse accrue de lipides et des modifications du métabolisme azoté et secondaire. Des vinifications à l’échelle pilote ainsi que des essais en cave ont confirmé le potentiel de cette souche pour la production de vins aromatiques et fruités. Cette souche est commercialisée depuis 2012.

Les effets de différents facteurs environnementaux (azote, phytostérols et température) sur la production des arômes de la souche évoluée et de la souche ancestrale ont été évalués. Une surproduction systématique des alcools supérieurs (à l’exception du propanol) et des esters d'acétate par la souche évolué a été observée quelles que soient les conditions de fermentation (Figure 4).

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Figure 4 : Caractéristiques aromatiques de la souche évoluée Affinity™ ECA5. Ratios entre les concentrations finales des arômes fermentaires produites par Affinity ™ ECA5 (souche évoluée) et Lalvin EC1118® (souche ancestrale).

PR: propanol; ISO: isobutanol; IA: alcool isoamylique; HE: hexanol; ME: méthionol; PHE: 2-phényléthanol; EA: acétate d'éthyle; ISA: acétate d'isobutyle; AA: acétate d'amyle; IAA: acétate d'isoamyle; PEA: 2-phenylethylacetate; PA: acide propanoïque; BA: acide butanoïque; IBA: acide isobutanoïque; IVA: acide isovalérique; MBA: acide 2-méthylbutanoïque; VA: acide valérique; HA: acide hexanoïque; OA: acide octanoïque; DA: acide décanoïque; EB: butanoate d'éthyle; DS: succinate de diéthyle; EL: lactate d'éthyle; EV: valérate d'éthyle; EH: hexanoate d'éthyle; EO: octanoate d’éthyle; ED: décanoate d’éthyle; JED: dodécanoate d'éthyle

Le séquençage complet du génome de plusieurs souches évoluées ainsi obtenues a récemment permis d’identifier la mutation responsable de cette surproduction d’esters, ce qui offre la possibilité de transférer ce caractère à d’autres souches œnologiques. Par ailleurs, d’autres travaux basés sur la recherche de QTL sont actuellement développés par l’INRA dans le cadre du projet européen YeastCell (ITN-2013-606795), afin d’identifier des gènes et allèles impliqués dans la formation des alcools supérieurs et esters.

3.2.3 Souche œnologique faible productrice d’éthanol

L’évolution des pratiques vinicoles, la sélection de cépages à fort rendement en sucres et le changement climatique ont conduit ces 30 dernières années à une augmentation de la teneur en alcool des vins de l’ordre de 2% v/v. Cette augmentation a des conséquences à plusieurs niveaux : (i) sur la qualité sensorielle des vins et le déroulement des fermentations, (ii) économique, ainsi (iii) qu’en termes de santé publique. C’est avec l’objectif de réorienter le métabolisme des levures vers la formation de sous-produits ayant un impact favorable sur la qualité du vin, comme le glycérol, au détriment de l’éthanol, que des travaux récents ont été conduits visant à sélectionner des souches par adaptation sur des milieux à forte pression osmotique.

L’obtention de souches à faible rendement en alcool repose sur la modification de leur métabolisme afin de détourner une partie des sucres vers d’autres sous-produits que l’éthanol. Une démarche d’évolution expérimentale a été conduite sur une souche œnologique commerciale, consistant à maintenir en culture les levures pendant plusieurs centaines de générations dans un milieu salin contrôlé (en présence de KCl) imposant un stress osmotique afin de favoriser l’apparition et la sélection de mutations naturelles orientant leur métabolisme vers une surproduction de glycérol. Il a ainsi été possible de dévier le métabolisme des sucres vers la formation de glycérol (qui confère au vin de la rondeur, du moelleux) et de 2,3-butanediol (neutre d’un point de vue sensoriel), sans accumulation de

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métabolites indésirables. Une approche génétique basée sur des croisements de descendants méiotiques de la levure évoluée a permis d’obtenir une souche présentant une déviation métabolique plus importante. Une souche finale sélectionnée a été évaluée à l'échelle pilote sur moûts de raisin : les vins obtenus présentent une diminution de la teneur en alcool de l’ordre de 1 % v/v et contiennent très peu d’acidité volatile. Leur acidité totale est par contre plus élevée, ce qui présente un fort intérêt puisque l’augmentation de la teneur en alcool des vins est le plus souvent associée à des pH trop élevés (Tilloy et al., 2014). Ces recherches s’inscrivent dans l’effort actuel des chercheurs de l’INRA au sein du programme LACCAVE (Impacts et adaptations à long terme de la filière viti-vinicole au Changement Climatique) pour mieux cerner les impacts du changement climatique et étudier les stratégies d’adaptation de la filière viticole.

4. Autres espèces Saccharomyces et hybrides

En dehors de S. cerevisiae, une autre espèce du clade Saccharomyces, Saccharomyces uvarum, est également capable d’achever la fermentation alcoolique du jus de raisin. On retrouve cette espèce également associée à la fermentation du cidre (Nguyen et al., 2000). Il s’agit d’une espèce plus cryo-tolérante que S. cerevisiae (Belloch et al., 2008), qui confère au vin des notes florales particulières liées notamment à la production de phényl-2-éthanol et de son acétate. Elle produit également peu d’acide acétique et peut produire des terpènes (Masneuf-Pomarede et al., 2010 ; Gamero et al., 2011).

Au cours des dernières décennies, un nombre croissant d'hybrides naturels interspécifiques entre deux ou plusieurs espèces de levure Saccharomyces a été identifié dans les procédés fermentaires conduisant à des boissons fermentés. L'exemple le plus connu est la levure de brasserie S. pastorianus, qui est un hybride entre S. cerevisiae et S. eubayanus (Libkind et al., 2011). La caractérisation moléculaire de levures de vin et de cidre a également révélé de nombreux hybrides formés indépendamment entre S. cerevisiae / S. kudriawzevii (González et al., 2006 ; Erny et al., 2012),. S. cerevisiae / S uvarum (Masneuf et al., 1998 ; Masneuf et al., 2002 ; Sipiczki, 2008) ou entre S. cerevisiae / S. kudriawzevii / S. uvarum (González et al., 2006).

L'hybridation interspécifique, en fournissant de nouvelles combinaisons de gènes, peut conférer de nouveaux avantages par rapport aux espèces parentales. Ainsi, plusieurs travaux ont révélé une plus grande tolérance des hybrides aux stress ou aux basses températures par rapport à S. cerevisiae lors de la fermentation du vin (Belloch et al., 2008 ; González et al., 2007). Par exemple, S. uvarum et S. kudriavzevii sont mieux adaptées à la croissance à basse température que S. cerevisiae, tandis que S. cerevisiae est plus tolérante à l'alcool. Ces hybrides peuvent être particulièrement avantageux lors de la fermentation des vins blancs, qui a lieu à basse température (généralement à 10-15° C) afin de réduire la perte de composés volatils aromatiques. Certains hybrides sont également décrits comme forts producteurs d'alcools supérieurs, d'esters et de thiols (González et al., 2007 ; Dubourdieu et al., 2006 ; Swiegers et al., 2009). Les caractéristiques aromatiques de souches de différentes espèces et d’hybrides interspécifiques ont été comparées lors de vinifications sur Gewurztraminer (Figure 5). Cette analyse, bien que portant sur un nombre restreint d’individus de chaque espèce, a permis de différencier les origines génétiques sur la base de la production de certaines familles d’arômes : par exemple, les hybrides S. cerevisiae x S. kudriavzevii se caractérisent par une plus forte production de terpénols.

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Figure 5 : Analyse en composantes principales (ACP) des concentrations en composés volatils de vins de Gewurztraminer (2008) produits par différentes souches et espèces. Fermentations réalisées à l’échelle de 2 litres en triplicat. A : Cercle de corrélation des variables. B : Carte factorielle des individus. Sp-F31, Sp-UHA37, Sp-C228 : S. paradoxus ; Su-D24 : S. uvarum ; Sc x Sk-Eg8, Sc x Sk-El1D4 (hybrides S. cerevisiae x S. kudriavzevii), Sc-CIVC8130, Sc-Eg25, Sc-58W3D4 : S. cerevisiae ; Sk-Ifo1815 : S. mikatae, Sk-Ifo1802 : S. kudriavzevii (ici probablement dominé par S. cerevisiae, et Sc-NE : non ensemencé). D’après Steyer et Legras (données non publiées).

5. Espèces non Saccharomyces

L’intérêt œnologique des levures non-Saccharomyces a connu un regain d’intérêt ces dernières années. Si leur impact a longtemps été jugé comme négatif, plusieurs études récentes ont dévoilé certaines aptitudes technologiques de ces levures, notamment pour leur production d’arômes. D’une manière générale, l’addition des levures non-Saccharomyces, en combinaison avec S. cerevisiae, pourrait permettre d’accroitre la complexité du produit final, tout en évitant les risques liés à la fermentation spontanée. Leur contribution à la production d’arômes fermentaires et leur capacité à excréter des activités enzymatiques d’intérêt sont autant de potentialités qui ont été décrites dans de nombreuses publications (Jolly et al., 2014 ; Sadoudi et al., 2012 ; Dashko et al., 2015 ; Renault et al., 2015). Cela n’exclue pas la production parfois élevée de certains composés indésirables ; comme chez S. cerevisiae, il existe une grande diversité phénotypique au sein de chaque espèce, ce qui nécessite de cribler un grand nombre de souches pour obtenir la bonne combinaison de propriétés d’intérêt. Une autre difficulté est l’existence d’interactions complexes et en grande partie inconnues entre levures. Par exemple, des effets synergiques ou au contraire négatifs sur la production de composés aromatiques ont été observés lors de co-cultures de certaines espèces avec S. cerevisiae (Sadoudi et al., 2012). Par conséquent, la qualité du vin qui résulte de fermentation après ensemencement avec un mélange de levures est assez imprévisible. Quelques couples mixtes sont actuellement commercialisés, offrant de nouveaux outils pour moduler l’équilibre organoleptique des vins.

Conclusions et perspectives

Plus de 800 composés ont été identifiés comme participant au profil aromatique des vins (Mendes-Pinto, 2009). Certains de ces composés possèdent une contribution individuelle significative, tandis que d’autres vont agir en synergie ou de façon antagoniste. Les arômes peuvent être issus directement du raisin, produits par le métabolisme des micro-organismes, notamment la levure, ou développés au cours du vieillissement du vin (Francis et Newton, 2005).

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Biodiversité des levures œnologiques et qualité organoleptique des vins

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Aujourd’hui, les propriétés aromatiques et en particulier le caractère fruité des vins sont de plus en plus recherchés. La souche de levure, la composition du moût et le mode de conduite de la fermentation ont un impact majeur sur la production d’arômes au cours de cette étape du procédé de vinification. De ce fait, la production d’arômes fermentaires peut être modulée en jouant sur la souche de levure ou sur les conditions de fermentation (températures, nutriments). Les avancées récentes en matière de développement de nouvelles souches produisant plus d’arômes fermentaires ou capables de convertir de manière plus efficace les précurseurs du moût en arômes variétaux, offrent des perspectives considérables pour orienter le profil aromatique des vins. Ces approches ont déjà abouti à la mise sur le marché de nouvelles souches. Leur poursuite devrait permettre d’identifier les bases génétiques des différences de production d’un plus grand nombre d’arômes, offrant de nouvelles perspectives d’amélioration.

D’autre part, l’utilisation des levures non-Saccharomyces a connu un regain d’intérêt ces dernières années. Certaines souches appartenant à ces espèces présentent en effet des potentialités intéressantes, notamment aromatiques. Il existe de ce fait une tendance récente et avérée pour développer des fermentations en culture mixte, combinant une espèce « non conventionnelle » avec une S. cerevisiae. Si l’utilisation de ces levains mixtes peut constituer de nouveaux outils pour moduler l’équilibre organoleptique des vins, leur maitrise nécessite une meilleure connaissance, jusqu’alors fragmentaire, du métabolisme des levures « non conventionnelles » ainsi que des mécanismes d’interactions avec S. cerevisiae.

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Innovations Agronomiques 44 (2015), 69-86

Des communautés microbiennes au service de la qualité des fromages : Diversité et dynamique adaptative et fonctionnelle des populations endogènes

et ensemencées

Delbès C.1, Monnet C.2, Irlinger F.2

1INRA UR 545 Recherches Fromagères, F-15000 Aurillac 2INRA UMR 782 GMPA, F-78850 Thiverval-Grignon Correspondance  :  [email protected] Résumé Les fromages traditionnels hébergent un microbiote diversifié, composé de populations microbiennes endogènes et de ferments, qui joue un rôle majeur dans le développement des qualités sanitaires et sensorielles du produit fini. La connaissance de la diversité microbienne taxonomique et fonctionnelle des produits laitiers s’enrichit depuis ces trois dernières années des apports des approches (méta)génomiques. Plus de 100 genres et 400 espèces microbiennes ont été détectés dans le lait cru et les fromages. Des réservoirs environnementaux potentiels de cette diversité ont été identifiés. Cependant, comparés à ceux de souches environnementales, les génomes de micro-organismes isolés de fromage peuvent contenir des signatures génétiques de leur adaptation à l'habitat fromage. Des différences de caractéristiques sensorielles et d’équilibre des composés volatils aromatiques entre des fromages au sein d’une même technologie ont été associées à des différences dans la composition et la dynamique des populations microbiennes. Toutefois, le lien avec l'expression du potentiel enzymatique microbien dans le fromage reste difficile à établir. Les récents progrès technologiques permettant l’analyse d'ARN messager microbien in situ dans le fromage devraient permettre de mieux comprendre comment fonctionnent dans leur globalité les principaux acteurs fromagers. Mots-clés: Fromage, diversité microbienne, potentiel fonctionnel, métagénomique, transcriptomique Abstract: Microbial communities for the benefit of cheese quality: Diversity, adaptive and functional dynamics of indigenous populations and starters Traditional cheeses host a diverse microbiota, composed of indigenous microbial populations and of starters, which plays a major role in the development of sanitary and sensory qualities of ripened cheese. Knowledge of the taxonomic and functional microbial diversity in dairy products has been enriched over the past three years by the results of (meta)genomic approaches. More than 100 genera and 400 microbial species were detected in raw milk and cheeses. Potential environmental reservoirs of diversity have been identified. However, compared with those of environmental strains, genomes of microorganisms isolated from cheese may contain genetic signatures of their adaptation to the cheese habitat. Differences in sensory characteristics and balance of volatile aromatic compounds between cheeses from the same technology have been associated with differences in the composition and dynamics of microbial populations. However, the link with the expression of microbial enzymatic potential in cheese is difficult to establish. Recent technological advances allowing the in situ analysis of microbial messenger RNA in cheese should provide a better understanding of the main cheese actors global functioning.

Keywords: Cheese, microbial diversity, functional potential, metagenomics, transcriptomics

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C. Delbès et al.

70 Innovations Agronomiques 44 (2015), 69-86

Introduction Les fromages traditionnels hébergent un microbiote diversifié, composé de populations microbiennes endogènes, naturellement présentes, et de ferments. Ce microbiote joue un rôle majeur dans le développement des qualités sanitaires et sensorielles du produit fini. Les populations microbiennes interagissent entre elles et avec la matrice laitière, dans une trajectoire dynamique de la fabrication à la fin de l’affinage du fromage. L’un des leviers pour une meilleure maîtrise des qualités sanitaires et sensorielles des fromages s’appuie donc sur la gestion de la composition et de la dynamique microbiennes afin de favoriser l’expression des fonctions d’intérêt technologique par les communautés microbiennes du lait et les ferments. Ceci implique de disposer d’un socle de connaissances sur i) la composition et l’origine des communautés microbiennes fromagères, ii) les capacités et les modes d’adaptation à l'habitat fromage ainsi que les potentialités fonctionnelles des micro-organismes fromagers. Les approches « omiques » en pleine expansion nous permettent aujourd’hui d’explorer la diversité taxonomique et les potentialités fonctionnelles des communautés microbiennes fromagères dans leur globalité et avec une profondeur sans précédent. Elles offrent également l’opportunité d’évaluer l'expression des fonctions microbiennes in situ dans les aliments. Ces différents aspects, abordés dans différents laboratoires de l’INRA et par d’autres équipes françaises ou internationales, seront développés ci-dessous.

1. Composition et origine des communautés microbiennes fromagères 1.1 La métagénomique au service de l'écologie du microbiote du lait au

fromage affiné

La connaissance de la diversité microbienne des produits laitiers fut d'abord acquise par des méthodes de culture des micro-organismes. Elle a été considérablement enrichie par des analyses taxonomiques de plus en plus fine grâce aux méthodes moléculaires, jusqu’aux approches dites « métagénomiques » les plus récentes (revue de Quigley et al., 2011). Ces dernières s’appuient sur les techniques de séquençage d’ADN de nouvelle génération à haut débit (NGS : New Generation Sequencing). Il existe deux types d’approche métagénomique. La première, dite métagénomique monogénique, est basée sur le séquençage massif d’amplicons de gènes de marqueurs taxonomiques. La profondeur d’analyse de cette approche permet de caractériser la composition et d’estimer les proportions des populations au sein des communautés microbiennes en donnant accès à la diversité de populations sous-dominantes pouvant représenter jusqu’à 0.1% de la communauté. De plus, cette technique, permettant le séquençage simultané de plusieurs centaines d’échantillons, offre l’opportunité de mettre en œuvre des traitements statistiques robustes et ainsi d’établir des corrélations entre la structure des communautés microbiennes et les paramètres environnementaux (pratiques d’élevage, paramètres de technologie fromagère…). Cependant, les microorganismes sont actuellement identifiés au niveau du genre dans la plupart des cas. Il est donc crucial de développer des outils d’affiliation taxonomique plus performants pour atteindre le niveau de l'espèce. La métagénomique monogénique a été récemment appliquée à la caractérisation du microbiote de laits de vache crus et pasteurisés (Kuehn et al., 2013 ; Quigley et al., 2013), de laits crus de chèvre (McInnis et al., 2015), de laits fermentés (Bokulich et al., 2015 ; Liu et al., 2015), mais également de divers fromages, tels que le fromage belge à pâte molle et croûte lavée Herve (Delcenserie et al., 2014), divers fromages irlandais à pâte molle et à pâte pressée (Quigley et al., 2012 ; O’Sullivan et al., 2015), le fromage mexicain à pâte molle Poro (Aldrete-Tapia et al., 2014), le fromage italien Fontina (Dolci et al., 2014), le fromage polonais à pâte filée et fumée Oscypek (Alegria et al., 2012), un fromage danois au lait cru (Masoud et al., 2011, 2012). Une étude a porté sur la diversité microbienne dans les fromages et l’environnement de deux fromageries américaines fabriquant des fromages à pâte molle à croûtes fleuries et lavées (Bokulich et al., 2013). Celle-ci a permis de mettre en évidence la présence de

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Communautés microbiennes au service de la qualité des fromages

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populations dominantes adaptées à l’environnement fromager (bactéries lactiques, actinobactéries, Gamma-protéobactéries halotolérantes). Une autre étude pionnière de grande ampleur portant sur la diversité microbienne de croûtes de 137 fromages prélevés dans 9 pays européens et aux Etats Unis (Wolfe et al., 2014) offre une première opportunité de mettre en relation les profils de diversité microbienne avec le type de croûte et une sélection de paramètres technologiques (pH, Aw, température). Des travaux en cours au sein de plusieurs unités de l’INRA, sur le fromage Cantal (Frétin et al., 2015), des fromages à pâte persillée (Duval et al., 2015), et un ensemble de 13 fromages AOP à pâte molle et à pâte pressée non cuite (Dugat-Bony et al., 2015a), viendront compléter le panorama de la diversité microbienne des fromages français. La seconde approche, dite métagénomique « shotgun », vise le séquençage de l’ensemble du génome des microorganismes dominants au sein de la communauté. Elle permet de caractériser à la fois la composition taxonomique et les potentialités fonctionnelles (gènes de fonctions) des communautés microbiennes. Pour cela il est nécessaire de disposer de bases de données rassemblant les séquences de génome du plus grand nombre possible d’espèces microbiennes présentes dans les fromages. L’exhaustivité et la précision de l’annotation des génomes dans ces bases de données sont déterminantes pour la précision et la fiabilité de l’identification des activités métaboliques associées aux gènes mis en évidence parmi les séquences métagénomiques. A ce jour, très peu d’études ont exploré les potentialités fonctionnelles de communautés microbiennes de fromages par métagénomique (Almeida et al., 2014 ; Dugat-Bony et al., 2015b ; Wolfe et al., 2014). Une approche de ce type a permis à Wolfe et al. (2014) d’identifier des fonctions potentielles de bactéries du genre Pseudoalteromonas, naturellement présentes dans des fromages à croûtes lavées et fleuries. Enfin, il est à noter que, par le volume et la complexité des données générées, l’analyse des résultats d’études de métagénomique, plus particulièrement de type « shotgun », demande des interfaces informatiques adaptées et une forte technicité en bioinformatique et biostatistique. 1.2 Bilan des genres et des espèces détectées dans les fromages

Deux revues récentes ont permis de mettre à jour le catalogue des genres et des espèces détectés dans plusieurs variétés de fromages au cours de ces quinze dernières années (Montel et al., 2014 ; Irlinger et al., 2015). Des éléments de l’article de Montel et al. (2014) sont repris de la traduction en français réalisée par M.C. Montel et C. Chatelard-Chauvin (Pôle Fromager AOP Massif Central, Aurillac). La synthèse de ces données publiées montre que les populations microbiennes varient d'une variété fromagère à l'autre, mais également au sein même d'une variété, en fonction du lieu de production ou de la saison. La signature spécifique d'une communauté fromagère est due à la présence et à l'abondance de différentes espèces microbiennes, plutôt que d'une espèce en particulier. De nombreuses espèces sont communes à la plupart des variétés fromagères, mais elles s’assemblent selon des niveaux différents de complexité et de concentration, qui peuvent varier au cours du processus de maturation du fromage, mais aussi en fonction du type de technologie (pâte molle, pâte pressée cuite, pâte pressée non cuite) et du type de croûte (lavée, naturelle, fleurie). Les communautés microbiennes sont ainsi des assemblages simples ou complexes de microorganismes, dont la diversité peut aller de quelques espèces à plusieurs dizaines d'espèces, composées le plus souvent de firmicutes, d'actinobactéries, de protéobactéries, de bactéroidetes, de levures et de moisissures. 1.2.1. Diversité microbienne dans la pâte des fromages Au cœur des fromages au lait cru à pâte pressée cuite et à pâte filée, les bactéries lactiques dominent largement à toutes les étapes de la fabrication du fromage, avec les bactéries propioniques dans les fromages à pâte pressée cuite de type emmental. Les principales espèces de bactéries lactiques thermophiles sont Lactobacillus delbrueckii, Streptococcus thermophilus, Lactobacillus helveticus et / ou Lactobacillus fermentum. Les bactéries lactiques mésophiles autres que les ferments, principalement Lactobacillus paracasei, mais aussi Lactobacillus rhamnosus, prédominent après 10 à 30 mois

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d'affinage (Rossi et al., 2012). Les levures, les bactéries Gram-positives et catalase positives, les entérocoques et les pédiocoques sont sous-dominantes (Demarigny et al., 1997 ; Rossi et al., 2012). A cœur des fromages affinés à pâte pressée non cuite, l'équilibre des espèces dominantes varie avec le temps et selon la variété de fromage. Cependant, les bactéries lactiques sont le groupe microbien dominant (>9 log ufc / g). Au moins 21 espèces différentes de bactéries lactiques, incluant sept genres, sont rencontrées. Les plus répandues et les plus souvent dominantes sont Lc. lactis, S. thermophilus, Leuconostoc mesenteroides, Lb. plantarum, Lb. casei, Enterococus faecalis et Enterococus faecium. Parmi le groupe des firmicutes, les staphylocoques sont importants dans ces fromages (jusqu'à 5 log ufc / g) avec au moins quatre espèces pouvant être présentes (Delbès et al., 2007 ; Quigley et al., 2012), suivis par la famille des Clostridiales (Quigley et al., 2012). Les protéobactéries (jusqu’à 8 log ufc / g) (Delbès-Paus et al., 2012) se déclinent en au moins neuf genres, principalement des genres d’entérobactéries tels que Enterobacter et Klebsiella, mais aussi d'autres Gamma-protéobactéries comme Pseudomonas, Stenotrophomonas et Psychrobacter (Delbès et al., 2007 ; Quigley et al., 2012). Des populations sous-dominantes d’actinobactéries (jusqu'à 4 log ufc / g) appartenant à au moins sept genres, dont les plus fréquents sont Corynebacterium (Corynebacterium flavescens, Corynebacterium variabile), Arthrobacter (Arthrobacter arilaitensis) et Brevibacterium (Brevibacterium linens) (Delbès et al., 2007 ; Duthoit et al., 2003 ; Quigley et al., 2012) sont également détectées. Enfin, des populations mineures appartenant au phylum des Bacteroidetes tels que Chryseobacterium et Prevotella ont été rapportés occasionnellement (Delbès et al., 2007 ; Quigley et al., 2012). Fait intéressant, la plupart des fromages non cuits abritent une grande diversité d'espèces de levure appartenant à 13 genres différents, principalement Candida, Pichia, Saccharomyces, Rhodotorula, Trichosporon. Enfin, l'hétérogénéité génomique intra-espèce parmi les bactéries lactiques indigènes est grande au sein d’un fromage et entre les fromages de différentes origines (Callon et al., 2004 ; Feutry et al., 2012). Plusieurs souches de la même espèce peuvent coexister dans les fromages, dans des proportions différentes de celles trouvées dans les laits crus, ce qui suggère qu’une sélection s’opère au cours de la fabrication du fromage. 1.2.2. Diversité microbienne à la surface des fromages A partir de la synthèse de plusieurs dizaines d'études de biodiversité de croûtes de fromages, 104 genres bactériens (1 Acidobacteria, 28 Actinobacteria, 5 Bacteroidetes, 24 Firmicutes et 46 Proteobacteria) et 39 genres fongiques (21 moisissures et 18 levures) ont été ainsi recensés avec une détection moyenne par fromage de 10 genres bactériens (entre 3 et 30 en fonction de la variété de fromage) et de 4.5 genres fongiques (entre 1 et 11). Parmi les levures, Debaryomyces, Yarrowia, Candida et Geotrichum sont les genres les plus fréquemment détectés, suivis de Kluyveromyces et Pichia. Penicillium fait partie des champignons filamenteux les plus fréquemment détectés, suivi par Scopulariopsis et Fusarium. Parmi les firmicutes, Staphylococcus est le genre le plus présent en surface, les autres genres appartenant au groupe des bactéries lactiques acidophiles (Lactococcus, Enterococcus, Lactobacillus, Streptococcus et Vagococcus, et halophiles (Marinilactibacillus et Facklamia. Les actinobacteries, telles que Brevibacterium, Corynebacterium et Arthrobacter sont également bien représentées, suivies par Brachybacterium, Microbacterium, Agrococcus et Micrococcus. Les genres Psychrobacter, Halomonas, Pseudoalteromonas et Vibrio, appartenant au groupe des protéobactéries, font également partie intégrante de la communauté microbienne de surface des fromages, puisqu'ils sont détectés dans environ un tiers des fromages. Alors que ces bactéries à gram négatives sont considérées, en général, comme des indicateurs de problèmes d’hygiène et d’altération, des études sur quelques espèces (Proteus vulgaris, Hafnia alvei, Psychrobacter celer), ont montré que leur présence avait un réel impact écologique et sensoriel sur le produit final, contribuant significativement aux qualités organoleptiques du fromage (Irlinger et al., 2012 ; Coton et al., 2012 ; Deetae et al., 2009 ; Deetae et al., 2011; Delbès-Paus et al., 2012 ; Delbès-Paus et al., 2013).

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1.3 Part dans la communauté microbienne des espèces intentionnellement ajoutées comme ferments d’acidification ou d’affinage.

Parmi les genres mentionnés ci-dessus, certains sont connus pour être des ferments lactiques ou d'affinage et être délibérément inoculés au cours du procédé de fabrication fromagère. Ainsi, les espèces fongiques filamenteuses, très adaptées à la surface du fromage telles que Penicillium camemberti, P. roqueforti, Fusarium domesticum ainsi que la levure filamenteuse Geotrichum candidum mais aussi Scopulariopsis flava sont communément utilisées et trouvées dans les fromages nécessitant un aspect duveteux ou persillé, tels que le Camembert, le Brie, le Taleggio, le Reblochon, le Saint-Nectaire, le Tilsit, le Limburger, la Raclette, le Roquefort, le Gorgonzola, le Stilton, le Bleu danois, le Cabrales ou bien l'Havarti danois et le Tilsit. Les levures commerciales les plus communes sont Kluyveromyces lactis, K. marxianus et Debaryomyces hansenii, très tolérantes au sel et au pH acide. Les espèces de bactéries lactiques, Lactococcus lactis subsp. lactis et L. lactis ssp. cremoris sont les principaux ferments lactiques mésophiles utilisés dans la fabrication du fromage. Elles sont souvent associées avec d'autres bactéries lactiques mésophiles (Leuconostoc mesenteroides, L. pseudomesenteroides) ou thermophiles (Streptococcus thermophilus). Les bactéries non levains, qui correspondent principalement aux lactobacilles hétérofermentaires (Lactobacillus paracasei, L. casei, L. rhamnosus, L. plantarum, L. curvatus et Pediococcus acidilactici) peuvent dans certaines technologies, être ajoutées en tant que cultures auxiliaires pour accélérer le processus de maturation. Enfin, d'autres ferments d'affinage, incluant Propionibacterium freudenreichii, une actinobactérie microaérophile impliquée dans la saveur et la formation de trous dans les pâtes pressées cuites, des staphylocoques à coagulase négative (principalement S. xylosus et S. equorum) et d'autres actinobactéries aérobies (Brevibacterium aurantiacum, B. linens, Arthrobacter arilaitensis, Corynebacterium casei, C. variabile, Brachybacterium alimentarium et Microbacterium gubbeenense) sont également ensemencées de façon dirigée et contribuent à l'aromatisation et à la coloration des fromages affinés en surface (Irlinger and Mounier, 2009). La seule bactérie à Gram-négatif utilisée comme ferment d'affinage est l'entérobactérie Hafnia alvei. Elle est inoculée dans les fromages à pâte molle fabriqués avec du lait pasteurisé car elle accentue l'arôme fromager en favorisant la production de composés soufrés volatils (Irlinger et al., 2012). Depuis une dizaine d'années, des études sur la diversité microbienne de fromages ont montré que les ferments d'affinage commerciaux utilisées pour la fabrication de fromages ne font pas forcément partie de la communauté dominante (Cogan et al., 2014 ;  Feurer et al., 2004 ; Goerges et al., 2008 ; Larpin-Laborde et al., 2011). Par exemple, l'espèce Brevibacterium aurantiacum (anciennement assignée à B. linens), fréquemment utilisée pour l'aromatisation et la pigmentation de fromages à croûte lavée, est trouvée sporadiquement à la surface de ces fromages. Dans une étude portant sur la diversité des communautés microbiennes issues de 137 croûtes de fromage, il a été estimé que 60% des genres bactériens et 25% des genres fongiques détectés ne proviennent pas de ferments commerciaux (Wolfe et al., 2014). Les espèces issues de l'environnement de la fromagerie appartiennent en général aux protéobactéries halotolérantes d'origine marine (Psychrobacter, Pseudoalteromonas, Halomonas, Vibrio et Advenella), aux bactéries lactiques halophiles et alcalophiles (Vagococcus, Facklamia et Marinilactibacillus). Parmi les levures, Yarrowia lipolytica est omniprésente à la surface de certains fromages, pouvant même atteindre en fin d'affinage des concentrations plus fortes que celles des levures commerciales comme D. hansenii ou G. candidum. De plus, quelques études ont montré que les souches microbiennes dominantes à la surface des fromages étaient assignées à des espèces connues pour être inoculées (S. xylosus, S. equorum, C. variabile, B. aurantiacum, A. arilaitensis, C. casei...), mais ne correspondaient pas aux profils spécifiques des ferments d'affinage ajoutés et provenaient donc de l'environnement (Goerges et al., 2008 ; Gori et al., 2013). Les micro-organismes, sélectionnés comme cultures auxiliaires ou ferments d'affinage, pour leur capacité à exprimer des fonctions technologiques définies, se comportent souvent différemment au sein de communautés microbiennes complexes, sans doute en raison de leur mauvaise adaptation aux

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processus de fabrication de fromage et de leur manque de compétitivité vis-à-vis du microbiote endogène. 1.4 Origine de la diversité microbienne : de la production du lait à la fin de

l'affinage La composition microbienne des fromages, et en particulier celle des croûtes est fortement influencée par la communauté environnementale présente tout au long de la chaîne de production du fromage (du lait à la cave d'affinage). 1.4.1 Les microbiotes des laits de ferme Dans les pays industrialisés depuis les années 1980, les pratiques de nettoyage et de désinfection des trayons ont amélioré la qualité hygiénique du lait cru et de façon concomitante diminué sa charge microbienne (Beuvier et Buchin, 2004), qui varie actuellement de 5000 à 10 000 unités formant colonies par ml (ufc / ml). Il est difficile d'évaluer les changements dans la diversité microbienne du lait au cours des dernières décennies en raison des énormes progrès dans les méthodes d’investigation. Les techniques moléculaires ont permis de détecter de nombreuses autres espèces à côté des bactéries lactiques. Ainsi, malgré les faibles niveaux de populations, le lait présente encore une substantielle diversité microbienne. Un échantillon de lait peut contenir jusqu'à 36 espèces microbiennes dominantes (Callon et al., 2007 ; Fricker et al., 2011 ; Saubusse et al., 2007). Au total, plus de 100 genres et 400 espèces microbiennes ont été détectés dans le lait cru. Celles-ci sont principalement des bactéries Gram négatif (> 90 espèces), des bactéries Gram positif et catalase positive (> 90 espèces), des bactéries lactiques (> 60 espèces), des levures (> 70 espèces) et des moisissures (> 40 espèces). Pour tous les groupes microbiens, la variabilité inter-ferme est grande, en lien avec la variété des pratiques au niveau de la production de lait, alors que la variabilité intra-ferme est généralement beaucoup plus faible, malgré des variations d’une saison à l’autre (Desmasures et Guéguen, 1997; Michel et al., 2001).   Le lait cru est souvent conservé à une température de réfrigération avant la fabrication du fromage, surtout quand il n’est pas transformé directement à la ferme. Ce stockage réfrigéré modifie l'équilibre microbien du lait, généralement en faveur des bactéries Gram négatif (Pseudomonas, Acinetobacter, Chryseobacterium) (Fricker et al., 2011 ; Raats et al., 2011 ; Rasolofo et al., 2010). 1.4.2 Transfert microbien des réservoirs environnementaux au lait cru La composition du microbiote du lait dépend directement de la composition du microbiote des réservoirs directement en contact avec le lait : les trayons et le matériel de traite tels que la machine à traire, le lactoduc et le tank. Les soins et le lavage des trayons, ainsi que la désinfection de l'équipement de traite sont donc de première importance (Mallet et al., 2012 ; Verdier-Metz et al., 2009). Elle dépend aussi de la composition du microbiote de sources indirectes (l’alimentation, la litière, l’eau potable et l'eau de lavage, l’air de la stabulation ou de la salle de traite, le trayeur…). Le canal (Gill et al., 2006) ainsi que la surface des trayons sont des sources directes potentielles de micro-organismes pour le lait de ferme, mais toutes les espèces bactériennes à la surface des trayons ne sont pas présentes dans le lait cru (Verdier-Metz et al., 2012a). Le microbiote de surface des trayons est dominé par les staphylocoques à coagulase négative et les bactéries corynéformes, des entérobactéries, des bactéries d'altération (par exemple les spores butyriques), des bactéries lactiques (par exemple Lc. lactis) et des bactéries Gram négatif non-fermentaires telles que Pseudomonas. Les matières fécales peuvent être des sources indirectes d'Entérobactéries, de bactéries d'altération diverses. Le lavage des trayons avant la traite limite la contamination de la pointe du trayon. Enfin, les biofilms sur l'acier inoxydable, le caoutchouc, le silicone, le verre et / ou le plastique de l'équipement de traite peuvent être une source directe de micro-organismes pour le lait de ferme (Marchand et al., 2012).

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L’alimentation des animaux (prairies, ensilage et foin) peut être une source indirecte de micro-organismes pour le lait de ferme (Verdier-Metz et al., 2012b). Les prairies hébergent des niveaux élevés de bactéries Gram négatif comme les entérobactéries, de staphylocoques, de bactéries corynéformes et de levures tandis que l’ensilage peut abriter différentes bactéries lactiques, des Protéobactéries et des moisissures. Récemment, des populations fongiques telles que Eurotium sp., des Actinomycetaceae mésophiles et thermophiles, des bactéries Gram positif (Curtobacterium sp, Bacillus et Paenibacillus sp) et des bactéries Gram négatif (Pantoea et Pseudomonas sp) ont été trouvées dans le foin (Vacheyrou et al., 2011). La salle de traite et la stabulation peuvent également être des sources indirectes de micro-organismes par l'eau de rinçage (Leriche et Fayolle, 2012), les aérosols ou la formation de biofilm. Des équilibres microbiens différents ont été rapportés dans les bioaérosols de laiteries de petites exploitations (< 65 vaches laitières) (Vacheyrou et al., 2011) par rapport à ceux de laiteries transformant le lait de plusieurs troupeaux (> 800 vaches laitières), où les protéobactéries dominaient (Dungan, 2012 ; Ravva et al., 2011). Ces micro-organismes des aérosols proviendraient principalement des femelles laitières elles-mêmes et des particules végétales (Vacheyrou et al., 2011). Les transferts microbiens des réservoirs au lait de ferme restent à démontrer au niveau de la souche. Des comparaisons génomiques sur génome entier pourraient fournir de nouveaux éclairages sur les flux de gènes et sur l'adaptation métabolique des souches de divers réservoirs au lait cru (Price et al., 2012). 1.4.3 Enrichissement du microbiote des laits de cuve et / ou des fromages par des équipements et des pratiques traditionnels Certains équipements et pratiques fromagères utilisés dans la fabrication de nombreux fromages traditionnels (cuves et planches d'affinage en bois, cultures de lactosérum, solutions de morge, frottage des jeunes fromages avec des vieux) enrichissent les laits crus de cuve ou les fromages lors de la fabrication avec certaines populations microbiennes, qui sont actives pendant le process. Les surfaces en bois des cuves de fabrication utilisées pour produire les fromages AOP Salers et AOP Ragusano sont un réservoir de micro-organismes, en particulier de bactéries lactiques. La composition en groupes ou espèces microbiennes d'un biofilm serait stable pendant plusieurs saisons une fois que celui-ci est établi à la surface de la cuve, mais varie considérablement entre les cuves (Didienne et al., 2012 ; Licitra et al., 2007). Les niveaux de populations microbiennes des laits, ainsi que la richesse en espèces et en souches de bactéries lactiques augmentent lors de leur passage dans des cuves en bois (Didienne et al., 2012 ; Lortal et al., 2009 ; Settanni et al., 2012). Ainsi, la richesse en espèces et en souches des bactéries lactiques dominantes dans un lait cru a augmenté de 50 % après quelques minutes dans une cuve en bois (Settanni et al., 2012). Les planches d’affinage en bois sont un réservoir de micro-organismes de surface qui peuvent être transférés directement à la surface du fromage. Les levures, les moisissures et les bactéries corynéformes dominent successivement sur la surface du fromage AOP Reblochon de Savoie au lait cru. Ils dominent aussi dans les biofilms des planches d’affinage en bois (Mariani et al., 2007 ; Oulahal et al., 2009). Le microbiote de ces biofilms, des saumures et des cultures de lactosérum est souvent complexe et varie entre les laiteries. En conséquence, ils n’ont pas été décrits en détail, en particulier au niveau de la souche et pour les populations sous-dominantes. Un suivi au niveau de la souche est nécessaire pour montrer non seulement le transfert microbien de ces biofilms, saumures et cultures aux fromages, mais aussi pour le transfert des sources environnementales aux biofilms, saumures et cultures.

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2. Adaptation à l'habitat fromage et potentialités fonctionnelles des micro-organismes fromagers 2.1 Les processus évolutifs dans le fromage

Les génomes de micro-organismes isolés de fromage peuvent contenir des signatures de «domestication» dues à des événements génétiques qui contribuent à une meilleure adaptation à l'habitat fromager. Plusieurs types d'événements peuvent être distingués. Chez les bactéries, les gènes qui n'ont pas de fonctions bénéfiques pour la cellule ont tendance à être éliminés en raison de l'énergie nécessaire pour leur entretien. Ils peuvent être éliminés par recombinaison, qui est favorisée par la présence d'éléments mobiles dans le génome, telles que des séquences d'insertion. Ainsi de nombreux pseudogènes et séquences d'insertion ont été recensés dans le génome de la souche d'Arthrobacter arilaitensis Re117, isolée de Reblochon, montrant qu'un processus d'évolution est toujours en cours chez cette espèce (Monnet et al., 2010). Les comparaisons génomiques avec des souches d'Arthrobacter provenant du sol ont montré que de nombreux gènes impliqués dans le transport et le catabolisme des substrats ont été perdus chez la souche fromagère, sans doute en raison de la faible diversité de substrats présents dans les fromages. Chez les bactéries, les transferts horizontaux de gènes peuvent se produire grâce à trois mécanismes principaux: la transformation, la transduction et la conjugaison. Ces transferts peuvent conférer un avantage sélectif à la cellule receveuse, comme il a été observé chez A. arilaitensis Re117. En effet, son génome contient un cluster de gènes impliqués dans le catabolisme du D-galactonate, dont l'origine provient probablement d'une souche de Pseudomonas. Chez Propionibacterium freudenreichii, la capacité à dégrader le lactose est conférée dans certaines souches par la présence d'un ilot génomique codant le transport du lactose et les premières étapes de dégradation. Cet ilot entouré de gènes de transposases et d'intégrase est vraisemblablement arrivé par transduction et conjugaison (Loux et al., 2015). L'importance des transferts horizontaux dans le royaume eucaryote est souvent considérée comme anecdotique. Toutefois, le récent séquençage des génomes d'une souche de Penicillium roqueforti et de P. camemberti a montré la présence d'une grande région (~ 500 ko) connue sous le nom de Wallaby, qui a résulté de transferts horizontaux (Cheeseman et al., 2014). Wallaby a été trouvé presque exclusivement chez les espèces isolées d'environnement alimentaire mais son rôle dans le fonctionnement de la cellule n'a pas encore été établi. La vitesse à laquelle les micro-organismes évoluent pour s'adapter à l'habitat fromager n'est pas connue. Toutefois, la propagation d'une souche de Lactococcus lactis isolée à partir de matériel végétal fermenté, après seulement 1000 générations dans le lait, a donné lieu à plusieurs modifications génétiques composées de mutations ponctuelles et de délétions de gènes (Bachmann et al., 2012). Le fromage est produit et consommé par l'homme depuis des milliers d'années. On peut donc supposer que certains micro-organismes fromagers sont les fruits de profondes adaptations génétiques, qui ont pu même conduire à de nouvelles espèces. 2.2 Facteurs impliqués dans la croissance des micro-organismes à la surface

et au cœur du fromage : exemple de la pâte molle Plusieurs facteurs sont importants pour la croissance des microorganismes se développant dans et à la surface des fromages (Monnet et al., 2015). - L'évolution du pH au cours du procédé de fabrication du fromage est ainsi responsable de la croissance séquentielle des différents groupes microbiens qui colonisent le fromage au cours du temps. En début d'affinage, la valeur assez basse du pH (aux alentours de 5), due à l'acidification du gel caillé par les bactéries lactiques, favorise la croissance des levures et des moisissures aérobies, beaucoup plus tolérantes à l'acidité que les bactéries. Cette capacité à tolérer des milieux acides chez certains eucaryotes semble être reliée à l'activité de l'ATPase membranaire qui régule le pH intracellulaire en exportant de façon très efficace les protons hors de la cellule. La croissance précoce des levures et des

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moisissures permet ensuite l'augmentation du pH, en particulier à la surface du fromage (pH 5,5 à 6.0) en transformant le lactate en CO2 et en produisant de l'ammoniac à partir du catabolisme des acides aminés. A ce stade, les bactéries acido-sensibles aérobies (actinobactéries) ainsi que les bactéries lactiques "non levain" (NSLAB) commencent à croître. - En début de production, la température de caillage est élevée (entre 20°C et 30°C) afin de permettre une croissance optimale des bactéries lactiques et ainsi favoriser une acidification rapide. L'étape d'affinage par contre est réalisée à des températures plus basses. Les micro-organismes se développant durant cette dernière étape, comprennent donc des mésophiles mais aussi des psychrophiles et des psychrotrophes, avec des activités spécifiques (protéolytiques et lipolytiques) à basses températures. - L'humidité relative des caves d'affinage a également une influence sur la croissance de micro-organismes à la surface du fromage. Par exemple, P. camemberti pousse moins bien à une humidité relative de plus de 95% (Leclercq-Perlat et al., 2013). Il est ainsi connu que pour les fromages à croûtes emmorgées, une forte humidité dans les chambres de maturation, combinée avec un brossage répété des fromages avec de l'eau salée, empêchent la croissance des moisissures. Des corrélations ont été également trouvées entre les valeurs d'humidité relative mesurées sur les différents types de croûte de fromage et la composition microbiennes de 137 fromages (Wolfe et al., 2014). Dans cette étude, l'abondance du champignon Geotrichum et de quatre genres de protéobactéries (Psychrobacter, Vibrio, Pseudomonas et Pseudoalteromonas) a été positivement corrélée à des croûtes humides alors que Scopulariopsis, Aspergillus, Actinobacteria et Staphylococcus ont été détectées de façon significative sur des croûtes naturelles, plus sèches. A cœur des fromages affinés à pâte pressée non cuite, l'équilibre des espèces dominantes varie avec le temps et entre les variétés de fromage. En effet, la composition physico-chimique et la texture des fromages sont très variables, comme le montre la teneur en eau (42% - 55%). - Les fromages sont salés par application directe en surface ou par immersion dans un bain de saumure saturé en sel. Alors que la levure Debaryomces hansenii est connue pour être fréquemment isolée d'environnements salés et croître jusqu'à des teneurs en sel de 16%, Geotrichum candidum est l'espèce de levure considérée comme la moins tolérante au sel. La croissance des actinobactéries, Brevibacterium linens et Corynebacterium sp., est stimulée par l'ajout de 4% de sel. Ces bactéries tolèrent des teneurs en sel allant jusqu'à 16%. L'analyse génomique de souches de Brevibacterium aurantiacum, de Corynebacterium casei, de C. variabile et d'Arthrobacter arilaitensis, isolées de fromages, a montré qu'elles possèdent des systèmes de protection très efficaces contre le stress osmotique, en permettant par exemple l'accumulation dans leur cytoplasme d'osmoprotectants tels que l'ectoine, la proline et la glycine bétaine. Quinze gènes impliqués dans le transport de la glycine bétaïne et d'autres osmolytes ont été ainsi détectés chez A. arilaitensis Re117, une souche d'origine fromagère alors qu'un nombre bien plus faible (6 à 9) a été recensé chez les souches d'Arthrobacter isolées du sol, beaucoup moins tolérantes à des concentrations élevées en sel (Monnet et al., 2010). De la même façon, une particularité du génome de B. aurantiacum ATCC9174 est le grand nombre de transporteurs de différents osmoprotectants (bétaïne, carnitine et choline), au nombre de 9, en comparaison du nombre moyen (1.5) que possèdent les actinomycétales d'autres origines. - Le fromage est un habitat très restreint en fer parce que le lait est pauvre en fer (de 0,2 à 0,4 mg l-1) et qu'il contient de la lactoferrine, une protéine qui a un effet antibactérien du à sa capacité à chélater le fer. Dans des fromages expérimentaux, où nous avons ensemencé une bactérie lactique (L. lactis), une levure (D. hansenii) et différentes bactéries d'affinage (Arthobacter, Corynebacterium ou Brevibacterium), l'addition de fer ou de sidérophores a stimulé de façon significative la croissance des bactéries d'affinage alors qu'elle n'a eu aucun impact sur la croissance de la bactérie lactique et la levure (Monnet et al., 2012). Les génomes des 4 bactéries fromagères, C. variabile DSM 44702, C. casei UCMA 3821, A. arilaitensis Re117 et B. aurantiacum ATCC 9174, sont bien équipés en gènes impliqués dans l'acquisition du fer, comme la production de sidérophores, de transporteurs type ABC

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fer-sidérophore (Monnet et al., 2010, 2012 ; Schröder et al., 2011 ; Layec et al., article en préparation). Nous avons également détecté un opéron sbn codant pour des protéines impliquées dans la biosynthèse d'un sidérophore type staphylobactin chez la souche fromagère Staphylococcus equorum Mu2, montrant là encore que cette espèce spécifique du fromage est capable de capter le fer au cours de sa croissance à la surface du fromage (Irlinger et al., 2012). Les champignons appartenant aux Pezizomycotina tels que Penicillium sp. sont capables de produire des sidérophores (Winkelmann 2007), alors que les Saccharomycotina tels que K. lactis, D. hansenii, G. candidum et Y. lipolytica ne peuvent pas les synthétiser. Cependant, ils sont capables d'importer dans leurs cellules les sidérophores produits par d'autres micro-organismes (Blaiseau et al., 2010). Il est donc possible que l'acquisition du fer soit à l'origine de certaines interactions (compétition et commensalisme) entre les micro-organismes qui se développent sur la surface de fromage. 2.3 Les fonctions d'intérêt technologique portées par les micro-organismes

fromagers

La diversité des caractéristiques sensorielles des fromages résulte de la diversité des proportions des composés aromatiques provenant de nombreuses voies métaboliques (dégradation des sucres, du citrate, du lactate, des acides aminés et des acides gras, décomposition de la caséine et lipolyse). Le métabolisme est oxydatif en surface, tandis que des voies fermentatives se produisent dans la pâte. Plusieurs espèces peuvent coopérer dans une voie métabolique, par leurs activités enzymatiques potentielles multiples et variées (Irlinger et Mounier, 2009 ; Mounier et al., 2006, 2008). Les bactéries lactiques présentes dans la pâte du fromage possèdent de nombreux systèmes enzymatiques, qui leur permettent d’assurer des fonctions (fermentation du lactose, du lactate, du citrate, des sucres aminés, du glycérol mais aussi le catabolisme des peptides, acides aminés et des lipides) très variables selon les espèces et les souches. Elles sont déterminantes pour la qualité sensorielle du fromage. Pour certains fromages à pâte pressée cuite, la flaveur est aussi significativement impactée par les bactéries propioniques provenant du lait cru (Comté) ou ajoutées comme ferment d’affinage (Emmental). Elles produisent de l'acide acétique, de l'acide propionique et du CO2 à partir du lactate, des composés d’arôme issus du catabolisme des acides aminés à chaîne ramifiée, ont une activité lipolytique sur la matière grasse laitière et synthétisent des esters (Thierry et al 2011; Abeijon et al., 2014). Dans les fromages à pâte persillée, P. roquefortii intervient dans l’équilibre des composés cétones / alcools / aldéhydes. Malgré l’abondance et la diversité des bactéries Gram négatif dans le lait cru et les fromages traditionnels, les potentialités fonctionnelles de seulement quelques espèces ont été étudiées. Les fromagers évoquent leur rôle aromatisant principalement dans les fromages pour lesquels le microbiote de surface joue un rôle crucial dans la flaveur. Les entérobactéries ont un fort potentiel aromatique car elles peuvent cataboliser le citrate, les lipides et les protéines (Chaves-Lopez et al., 2006). Inoculés en surface d'un fromage modèle à croûte lavée, Proteus vulgaris (Deetae et al., 2009) ou Psychrobacter celer (Irlinger et al., 2012) entrainaient une augmentation des niveaux et de la variété de composés aromatiques tels que des cétones et des composés ramifiés (aldéhydes, alcools et esters). Hafnia alvei augmentait les composés soufrés volatils dans un fromage à croûte lavée (Irlinger et al., 2012), mais pas dans un fromage à pâte pressée non cuite (Delbès-Paus et al., 2012). Les bactéries Gram négatif peuvent produire des amines biogènes et peuvent engendrer des altérations. Néanmoins, H. alvei est couramment utilisé comme ferment (Bourdichon et al., 2012). Quelques études réalisées avec des fromages expérimentaux produits avec différents laits crus dans les mêmes conditions de fabrication et d’affinage soulignent le rôle de l'abondance et de la diversité du microbiote des laits crus dans le développement des caractéristiques sensorielles des fromages. Dans des fromages à pâte pressée, la composition du microbiote indigène de lait cru affectait les caractéristiques de texture et de goût des fromages ainsi que la dynamique et l’équilibre des composés

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volatils et aromatiques (acides, aldéhydes, alcools, cétones, esters, et composés soufrés) (Buchin et al., 2004). Ces différences ont été associées à des différences dans la dynamique des populations microbiennes. La diversité microbienne génère donc de la diversité sensorielle, mais la corrélation entre les niveaux microbiens et les attributs sensoriels est difficile à établir. Néanmoins, dans des fromages Salers, chaque attribut sensoriel a été associé à plusieurs groupes microbiens identifiés à partir des profils microbiens des fromages affinés, obtenus en analysant l’ADNr 16S (Duthoit et al., 2005). L’alimentation des vaches laitières influence notamment la composition de la matière grasse du lait (Chilliard et al., 2007), ce qui a un effet sur la qualité sensorielle des fromages (Coppa et al., 2011). Le rôle des microorganismes dans cette interaction reste encore mal compris. Une première étude par une approche métagénomique monogénique dans des fromages Cantal a montré que la diversité bactérienne et les équilibres entre les groupes microbiens étaient différents entre les laits et les fromages issus de deux régimes contrastés et affectant le profil en acides gras des laits (Frétin et al., 2015). Toutefois, les facteurs régulant l'expression du potentiel enzymatique microbien dans le fromage et le lien entre cette expression et la dynamique microbienne et l'environnement du fromage (facteurs extrinsèques et intrinsèques du fromage) sont difficiles à établir. En particulier, les nombreuses interactions microbiennes impliquées dans la dynamique du microbiote sont loin d'être élucidées. Elles déterminent et dans le même temps sont régies par des facteurs intrinsèques au fromage (disponibilité des substrats et des co-facteurs, présence de composés inhibiteurs / activateurs, pH et potentiel redox) et des facteurs extrinsèques (disponibilité de l'oxygène, température, humidité relative). Les processus de fabrication et d’affinage du fromage déterminent l’ensemble des dynamiques dans l’écosystème fromager. 3. Evaluation de l'activité microbienne in situ dans les aliments : Élaboration d'indicateurs biologiques via la quantification d'ARN messagers 3.1 La métatranscriptomique pour tracer des activités microbiennes

spécifiques

La physiologie et l’activité des micro-organismes au sein de produits alimentaires fermentés sont peu connues en raison de la complexité de la matrice alimentaire et de la présence d'un microbiote dont la composition est mal caractérisée. À ce jour, un nombre important de travaux portant sur les fonctions d'intérêt technologique de micro-organismes colonisant le fromage a été publié mais de façon incomplète. Ces études concernent principalement la capacité de ces micro-organismes à générer des fonctions telles que la protéolyse, la lipolyse et / ou des activités cataboliques spécifiques permettant la production de composés aromatiques ou d'inhibiteurs. Avec les récents progrès des technologies de séquençage à haut débit (HTS) et le développement de méthodes permettant l’extraction directe et la quantification d'ARN messager microbien in situ dans le fromage (Monnet et al., 2008), il est maintenant possible de mieux comprendre comment fonctionnent dans leur globalité les principaux acteurs fromagers. Ainsi, des analyses métatranscriptomiques basées sur la technique RNA-seq ont permis de suivre au cours du temps, dans un Camembert, l'activité métabolique d'une communauté simplifiée, composée essentiellement d'une levure, Geotrichum candidum, et d'un champignon, Penicillium camemberti, et de mettre en évidence les fonctions et les voies métaboliques clés qui sont exprimées au cours du processus de maturation (Lessard et al., 2014). Le génome de ces deux organismes n'étant pas disponible au moment de la publication de cette étude, l'assemblage de novo des données RNA-seq, avec des longueurs de séquences suffisantes, a été nécessaire avant l'annotation fonctionnelle des contigs qui en ont résulté. Une autre approche basée sur les techniques RNA seq et DNA seq a été appliquée à une communauté microbienne fromagère plus complexe comprenant deux espèces fongiques et 7 espèces bactériennes (Dugat-Bony et al., 2015). Dans ce cas, les génomes de référence de l'ensemble des espèces présentes dans la communauté étaient disponibles, ce qui a

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permis d'établir une base de données de référence grâce à laquelle ont pu être quantifiées les courtes séquences générées par technologie de séquençage Solid, issues d'échantillons fromagers. Ainsi, une vue globale de la dynamique de la structure de la communauté microbienne eucaryote et procaryote ainsi que les profils d'expression de son potentiel métabolique à travers un cycle d'affinage ont été obtenus. La contribution majeure des espèces microbiennes les plus dominantes (L. lactis, K. lactis, G. candidum, D. hansenii et C. casei) et les interactions possibles concernant les fonctions clés impliquées dans la dégradation de la matrice laitière ont été mises en évidence : les activités conjointes de la bactérie lactique L. lactis et de la levure K. lactis, au cours de la première phase de maturation, permettent la consommation rapide du lactose. Le lactate, produit à partir du lactose par L. lactis, est ensuite rapidement consommé par les levures D. hansenii et G. candidum pour lesquelles ont été détectés des niveaux élevés de transcrits de lactate déshydrogénase. En ce qui concerne le catabolisme des protéines et le métabolisme des lipides, la grande majorité des transcrits assignés à des gènes de G. candidum suggère une forte influence de cette espèce sur la dégradation des caséines et de la matière grasse. En fin d'affinage, l'analyse de l'ensemble des données RNA-seq montre que les gènes liés au catabolisme des acides aminés et appartenant à la levure G. candidum et aux bactéries d'affinage acido-sensibles telles que C. casei et H. alvei sont les plus exprimés. Enfin, l'analyse différentielle du métatranscriptome de l'écosystème a permis de proposer un ensemble de gènes biomarqueurs représentatifs des espèces les plus actives à différents stades de l'affinage, qui pourront être ensuite testés dans de vrais fromages. 3.2 Quantification d'ARN messagers à l'échelle de la cellule par PCR

quantitative : Exemple de Bio-indicateurs d'affinage du Reblochon La quantification d'ARN messagers par PCR quantitative est un outil important pour améliorer nos connaissances concernant les différents aspects de la physiologie microbienne au cours de l'affinage du fromage. Elle peut également être utilisée pour produire des bio-indicateurs pertinents pour la fabrication du fromage, par exemple en quantifiant l'activité de gènes impliqués dans la production de composés aromatiques. Une étude sur la physiologie et l'activité de G. candidum au cours de l'affinage du Reblochon (fromage français à croûte lavée, dans lequel G. candidum est l'une des levures dominantes) l'a récemment prouvé. L'expression de 80 gènes impliqués dans diverses fonctions a été quantifiée de façon répétable en utilisant un ensemble de trois gènes de référence stables. Tout au long de l'affinage, on a observé une diminution de l'expression des gènes impliqués dans l'organisation de la paroi cellulaire, la traduction, les constituants du cytosquelette et les gènes des protéines ribosomiques. Il y avait aussi une diminution de l'expression des gènes de l'ATP synthase F1F0 mitochondriale, impliqué dans la synthèse d'ATP et de l'H+ ATPase membranaire, impliqué dans la régulation du pH interne. La diminution d'expression de ces marqueurs biologique montre que G. candidum se développe de moins en moins au cours de l'affinage et qu'elle passe progressivement à un métabolisme de maintenance. Certains gènes impliqués dans le catabolisme du lactate, de l'acétate et l'éthanol étaient exprimés de façon plus importante en début d'affinage, montrant que la cellule consommait alors ces substrats. Au cours de la deuxième partie de l'affinage, l'expression de gènes impliqués dans le transport et le catabolisme des acides aminés augmentait fortement, ce qui est probablement dû à une modification de la source d'énergie utilisée. Une augmentation de l'expression de gènes impliqués dans l'autophagie et de gènes impliqués dans la durée de vie des cellules a également été observée, montrant qu'à ce stade, la cellule fait un effort pour recycler davantage ses composés intracellulaires et diminuer son activité catabolique.

3.3 Quantification d'ARN messagers à l'échelle du fromage par PCR quantitative : Exemple de mesure de l'activité globale de différentes espèces dans différents fromages du commerce

Des stratégies de quantification de l'expression de gènes par des espèces microbiennes dans des fromages dont la composition microbienne n’est pas connue ont été proposées et validées avec succès sur des fromages commerciaux (Monnet et al., 2013). Les transcrits codant pour l’ARN ribosomique

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16S et la malate:quinoneoxidoreductase de Corynebacterium casei, de Brevibacterium aurantiacum et de Arthrobacter arilaitensis, ainsi que ceux des gènes codant pour l’ARN ribosomique 26S et la bêta-tubuline de G. candidum et de Debaryomyces hansenii ont été détectés et quantifiés dans la plupart des échantillons testés. Trois types de normalisation ont été appliqués et ont permis, en fonction du type de normalisation choisi, de montrer i) l’activité de transcription du gène considéré par rapport à l’activité de transcription globale dans un fromage, ii) les différences d'abondance de transcrits entre les fromages, et iii) les différences d'abondance des transcrits par rapport à la quantité de ribosomes de l'espèce cible. Une application intéressante de ce type d'analyses est de comparer, dans différents échantillons de fromage, l’abondance de transcrits de gènes impliqués dans les fonctionnalités de l’affinage, comme par exemple les protéases ou les lipases, ou bien au contraire de gènes liés à des propriétés indésirables telles que l'altération ou la production de toxines. Des démarche similaires ont été explorées dans des Emmentals en cours d'affinage (Falentin et al., 2010, 2012) Conclusions Grâce aux développements technologiques de la dernière décennie, nous commençons à obtenir une image fiable, en profondeur, de la diversité microbienne du fromage. Cependant, peu d'attention est encore accordée à la communauté "endogène" dite «maison» et à la manière dont ce microbiote se structure, survit et colonise les fromages. Quelques études décrivent la biodiversité au niveau du genre, et ont pu mettre en valeur une douzaine de genres répartis dans différentes variétés de fromage. Cependant, des études à grande échelle au niveau de l'espèce, du phylotype voire au niveau de la souche sont désormais nécessaires. Les progrès récents dans les technologies NGS rendent désormais possible ce type d'étude ambitieuse, à condition que des progrès soient également réalisés dans la résolution taxonomique des outils. Il pourrait également être intéressant d'utiliser la PCR quantitative pour quantifier plus précisément l'abondance et l'activité de certains phylotypes. Enfin, il est nécessaire de mettre l'accent sur l'adaptation écologique de l'espèce, les capacités de colonisation, la capacité à résister et / ou à s'adapter à des perturbations. Références bibliographiques

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Cet article est publié sous la licence Creative Commons (CC BY-NC-ND 3.0)

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Pour la citation et la reproduction de cet article, mentionner obligatoirement le titre de l'article, le nom de tous les auteurs, la mention de sa publication dans la revue « Innovations Agronomiques », la date de sa publication, et son URL)

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Innovations Agronomiques 44 (2015), 87-97

L’emballage une contrainte ou une innovation pour les fromages : exemple d’un fromage AOP à pâte persillée ?

Picque D.1, Duval P.1-2, Chauvin C.3, Montel M-C.2

1 INRA, UMR GMPA 782 AgroParisTech, INRA, F- 78850 Thiverval Grignon

2 INRA URF545, F-15000 Aurillac

3 Pôle fromager AOP Massif Central

Correspondance : [email protected]

Résumé

Les fromages AOP sont des produits particuliers à emballer. Les caractéristiques de perméabilité aux gaz et à la vapeur d’eau des emballages influent sur la composition de la communauté microbienne et sur son métabolisme comme il est illustré pour deux fromages AOP. L’emballage de portion de Saint Nectaire sous film peu perméable à l’air et à la vapeur d’eau réduit les niveaux de levures et de bactéries d’affinage, altère l’aspect de la croute et modifie le profil aromatique. Il en est de même pour les fromages Bleu d’Auvergne conservés dans des cellules à teneurs contrôlées en O2 et CO2. Une atmosphère contenant 2,5% d’oxygène et 10% de C02 seraient la plus favorable pour obtenir des fromages ayant des caractéristiques microbiennes (diversité des bactéries d’affinage) et un profil de composés d’arôme proches de ceux conservés en pain entier. Cette méthodologie de caractérisation guidera le choix des emballages en fonction de leur perméabilité.

Mots-clés : Composition gazeuse, cellules respiratoires, bactéries d’affinage, molécules aromatiques, profils sensoriels

Abstract: Packaging of cheeses: innovation or constraint? Exemple: Blue veined cheese

Packaging PDO cheeses is very specific. The gas and water vapor permeability characteristics of the packaging influence the composition of the microbial community and its metabolism as illustrated for two PDO cheeses. The Saint Nectaire portion packaging under film very few permeable to air and water vapor reduces the yeast levels and ripening bacteria, affects the appearance of the rind and impacts the profile of aromatic compounds. It is the same for Bleu d'Auvergne cheese stored in ripening cells with controlled content of O2 and CO2. An atmosphere with 2.5% oxygen and 10% CO2 would be the most suitable to get microbial (diversity of ripening bacteria) and aromatic profiles characteristics, similar to those of the whole cheeses. This methodology of characterization will orient the choice of packaging depending on their permeability.

Keywords: Gas composition, respiratory cells, ripening bacteria, aromatic compounds, sensorial profiles

1. Introduction

Les fromages sont de plus en plus vendus emballés en « libre-service ». Cette tendance est également enregistrée pour des fromages AOP dont les ventes sous cette forme de distribution ont représenté 59% du marché en 2012 (Creusat et al., 2012). Elle est soutenue par la praticité du produit emballé pour le consommateur, par le rôle marketing de l’emballage qui permet de fournir les informations

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D. Picque et al.

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légales obligatoires mais sert également de support publicitaire. Cependant, elle peut être freinée si les caractéristiques physico-chimiques, organoleptiques des fromages sont altérées au cours de cette étape et que leur consommation s'avère décevante pour le consommateur.

Or, les fromages sont des produits particuliers à emballer. En effet, les fromages, produits fermentés, subissent des modifications de leurs caractéristiques sensorielles, liées aux activités biochimiques des populations microbiennes qu’ils contiennent, et sont donc des produits en permanente évolution même après avoir été emballés. Les emballages doivent donc être adaptés pour créer un environnement favorable à leur évolution. L’emballage des fromages AOP est particulièrement exigeant. En effet, si la technologie des fromages non-AOP peut être modifiée pour s’adapter aux emballages existants, il n’en est pas de même des fromages AOP. En effet, ceux-ci doivent respecter leur propre cahier des charges qui décrit des exigences de conditions d’élevage et d’alimentation des troupeaux, de conservation et transformation du lait, de fabrication et d’affinage des fromages, en lien avec le terroir et des savoir-faire historiques. Leurs caractéristiques sensorielles doivent être conformes à la description précisée dans leur décret. C’est pourquoi des emballages doivent être spécifiquement développés pour les fromages sous signe de qualité tout en respectant les réglementations en vigueur (article 3 du règlement CE 1935/2004 du 27 octobre 2004). De plus, leurs fabrications doivent intégrer des contraintes économiques avec des emballages peu chers et accessibles au plus grand nombre de transformateurs fromagers.

Chaque famille de fromage a besoin d’un emballage spécifique pour sa conservation et son évolution au sein de celui-ci (Coulon, 2008). Les caractéristiques essentielles à prendre en compte pour le choix de l'emballage sont les perméabilités aux gaz et à la vapeur d'eau. Les films polymères couramment utilisés possèdent leurs propres qualités (Figure 1) et ils sont souvent associés dans la fabrication d'emballages multicouches.

Figure 1 : Perméabilité à l'oxygène et à la vapeur d'eau de films utilisés dans l'industrie (Schmid et al., 2012). OTR: vitesse de transfert de l'oxygène; WVTR: vitesse de transfert de la vapeur d'eau.

Les matériaux d'emballage les plus couramment utilisés pour les fromages sont recensés dans le Tableau 1. Leurs valeurs de perméabilité sont très diverses, mais il faut les interpréter avec précaution. En effet, elles sont mesurées dans des conditions normées qui ne sont pas les mêmes que les conditions d'usage des emballages avec les produits notamment en terme de température et d'humidité. Généralement, les températures d’usage sont plus basses et les humidités plus élevées, ce qui peut modifier les caractéristiques des films.

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L’emballage, une contrainte ou une innovation pour les fromages ?

Innovations Agronomiques 44 (2015), 87-97 89

Tableau 1: Perméabilité des matériaux utilisés pour l'emballage des fromages (Khoshgozaran et al., 2012)

a Perméabilité (humidité g. m−2 jour−1 , 38 °C, 90% RH) ; b Perméabilité Oxygène (mL. m−2 .jour−1 .atm−1 , 20 °C, 0% RH) ; c Perméabilité C02 (P×1011 [mL(STP) cm. cm−2 .s−1 . (cm Hg)−1 ] at 25 °C); d Perméabilité N2 (P×1011 [mL (STP) cm. cm−2 .s−1 . (cm Hg)−1 ] at 25 °C)

Type de matériaux Structure Perméabilitéhumidité a

Perméabilité Oxygène b

Perméabilité CO2 c

Perméabilité N2 d

Transmission

Lumière

Low-density polyethylene, LDPE Polypropylene, PP Ethylvinyl acetate, EVA Polystyrene, PS Polyethylene terephthalate, PET Polyamide (nylon), PA Polyvinylidene chloride, PVdC (Saran) Ethylvinyl alcohol, EVOH

Ethylene units; density, 0.917– 0.924 (g. cm−3) Propylene units Copolymerization of low-density polyethylene and 1–20% vinyl acetate Styrene units Ethylenglycol and dimethylterephthalate or terephthalate acid Nylon 6: polymerization of caprolactam Vinyliden units Ethylvinyl acetate and methanol

1–10 or 10–50 1–10 10–50 >50 10–50 10–50 <1 or 1–10 10–50 or >50

>1,000 >1,000 >1,000 >1,000 10–100 or 100–1,000 10–100 when dry 1–10 1–10 or below 75% RH: <1

130–280 92 – 105 3.0 0.4–0.8 0.3 27 mol% ethylene: 0.024 and 44 mol% ethylene: 0.012

1.9–3.1 4.4 – 7.8 0.04–0.06 0.95 0.009 –

65 80 55–75 92 88 88 90 90

Les fromages à pâte pressée nécessitent pour leur commercialisation un emballage visant essentiellement la maîtrise des contaminations microbiennes et la stabilisation des produits. Les conditionnements sous vide ou sous atmosphère modifiée (AM) sont des techniques pertinentes pour maintenir leurs qualités. De faibles teneurs en O2 et des concentrations en CO2 élevées stabilisent ou inhibent l'activité des microorganismes (Eliot et al., 1998 ; Gammariello et al., 2009). Des structures multicouches alliant film barrière à l'O2 et film barrière à la vapeur d'eau sont alors mises en œuvre.

En revanche, les fromages à pâte persillée requièrent un emballage capable de conserver les qualités acquises durant l’affinage, voire de le laisser évoluer pour atteindre les caractéristiques recherchées à la dégustation. Pour cela, l'emballage, qui peut être considéré comme une deuxième cave d'affinage, doit créer les conditions favorables à la maturation du produit en régulant les transferts gazeux (principalement O2 et CO2) ainsi que celui de la vapeur d'eau. Afin de définir et de développer de façon rationnelle de nouveaux emballages répondant aux exigences des cahiers des charges des fromages, il est nécessaire de connaître l’évolution de la matrice fromagère et les interactions emballage/produit. Or à ce jour, pour les fromages à pâte persillée, très peu de données sont disponibles. Les principaux phénomènes mis en jeu dans l'association emballage/fromage sont résumés dans la Figure 2.

L'emballage doit maintenir l'atmosphère de stockage optimale et réguler les échanges entre l'intérieur et l'extérieur afin de maitriser l'activité microbienne. Les fromages perdent de l'eau et l'emballage doit être capable de maintenir l'humidité relative en éliminant l'excès d'eau, donc présenter une perméabilité à la vapeur d'eau adaptée aux cinétiques de perte en eau.

Les fromages à pâte persillée présentent une forte activité respiratoire. De fait, l'emballage va jouer un rôle important sur l'évolution du produit par le contrôle des échanges avec l'environnement extérieur (transfert de CO2 vers l'extérieur et O2 vers l'intérieur) afin d'assurer la croissance et l'activité métabolique de la communauté microbienne.

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D. Picque et al.

90 Innovations Agronomiques 44 (2015), 87-97

H2O

diffusion

+ µ-org•métabolites

• texture

O2 CO2

•Substrats

diffusion

Métabolisme:

Modifications

du produit

Modifications de

l’atmosphère

Emballage: (caractéristiques de perméabilité (O2, CO2, H2O),

Transfert Modifications de

l’atmosphère interne

Effet sur le produit

fromage

Effet température,

Effet humidité

Figure 2: Principaux phénomènes mis en jeu dans un fromage emballé

Les résultats des recherches sur de nouveaux emballages sont confidentiels (et souvent brevetés) en raison de l'importance des retombées économiques. Plusieurs brevets concernent les fromages à pâte molle (EP-A-1 184 208, EP-A-0 299 844). Par exemple, un emballage sous cloche (WO/2007/113397) comprend une membrane à perméabilité contrôlée pour réguler les niveaux d’O2 et de CO2 dans l'emballage. Pour les fromages à pâte persillée, l'emballage peut comprendre un buvard pour absorber l'eau libérée par le fromage (FR-A-2 413 2804) mais ne comprend pas de membrane de perméabilité à la vapeur d'eau contrôlée. Ces emballages ont des coûts de production trop élevés pour être utilisés par la majorité des entreprises fromagères. Actuellement, les emballages utilisés pour les fromages AOP Bleu d'Auvergne, sont composés de barquettes thermoformées en PS (PolyStyrène)/PE(PolyEthylène) et des films en PE/PET (PolyEster) ou PP (PolyProylène)/PE. Lors du stockage qui dure jusqu'à 60 jours, les qualités organoleptiques des fromages ainsi emballés changent et peuvent présenter des défauts de goût (amertume, rance,...), d'aspect (humidité, friabilité,...). Ainsi, les emballages et films existants ne sont pas adaptés au maintien de la qualité des produits découpés commercialisés en portions. De plus, les possibilités "d'ajuster" le produit ou le procédé sont limitées par les définitions inhérentes à l'AOP et les facteurs d'ajustement ne peuvent être que les caractéristiques de perméabilité des emballages.

Nous allons illustrer nos propos sur la problématique des fromages AOP par un exemple d'affinage sous film d'un fromage de type Saint Nectaire, puis nous développerons de façon plus détaillée notre approche concernant le fromage AOP Bleu d’Auvergne.

2. Effet emballage sur les caractéristiques des fromages

2.1 Exemple d'un fromage type Saint-Nectaire

Le Saint Nectaire est un fromage AOP d'Auvergne à pâte pressée non cuite produit à partir de lait cru ou pasteurisé. Après 28 jours d'affinage, il est vendu entier ou découpé, puis il peut aussi être emballé pour être distribué en libre-service. Pour être conforme au cahier des charges, ce fromage doit présenter « un croutage à moisissures rases et selon le degré d’affinage, elles sont blanches, brunes ou grises pouvant laisser apparaître un fond de couleur crème à orangé avec présence éventuelle de fleurs jaunes et/ou rouges. Les fromages uniformément blancs ou uniformément orangés ou

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uniformément noirs sont exclus » (Règlement (CE) n° 510/2006). Nous allons montrer ici l'importance du choix d'un emballage adéquat pour conserver les caractéristiques du fromage.

Trois films multicouches ont été mis en œuvre. EOM (PE/EVOH/PT) est peu perméable aux gaz et à la vapeur d'eau (fromage emballé sous vide), VFC (PE/EVOH/PA) présente une forte perméabilité à la vapeur d'eau alors que BDF (Cellulose et vinyle) est le plus perméable aux gaz. Les fromages après 28 jours sous emballage avaient des croutes d’aspect différent (Figure 3). La portion conservée sous vide (EOM) était de couleur orangée, avec disparition de la population de surface principalement Enterococus, les bactéries lactiques à l’exception des Lactobacilles, les levures, les moisissures et les bactéries d’affinage (Gram+ catalase+) (Figure 4). La faible perméabilité à l'oxygène a créé un environnement défavorable au maintien de ces populations.

Le fromage emballé dans le film VFC à forte perméabilité à la vapeur d'eau présentait des défauts d'apparence avec notamment un mycélium non conforme au cahier des charges ainsi qu'une protéolyse très avancée se traduisant notamment par une modification de texture. Le fromage emballé sous BDF présentait l’aspect le plus proche de la définition de conformité. L'analyse de la composition aromatique a permis de détecter 37 composés aromatiques. La présentation des variables et des individus dans le plan factoriel formé par les axes 1 et 2 (95% de variance expliquée, Figure 5) montre que les fromages EOM étaient caractérisés par le 2-heptanol, VFC par des aldéhydes et BDF par des méthyl cétones. Ces dernières produites par l'oxydation des acides gras libres étaient, en conditions anaérobies (cas de l'emballage EOM), réduites en alcools correspondants. Issus des acides aminés, les aldéhydes, composés marquant des VFC étaient des composés intermédiaires qui seront transformés en alcools et acides correspondants. Leur présence est le reflet de la forte activité protéolytique mesurée.

Film EOM sous vide Film VFC Film BDF

Figure 3: Fromages de type Saint Nectaire conservés sous emballage EOM (sous vide), VFC (moyennement perméable à la vapeur d'eau) et BDF (très perméable à la vapeur d'eau).

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Figure 4: Différences d'évolution des niveaux de genres et groupes microbiens entre J0 et 28 jours d'emballage de fromage Saint Nectaire en fonction du film EOM BDF□, VFC .

Figure 5: Analyse en Composantes Principales des composés d'arôme détectés (♦) et positionnement des fromages conservés sous emballage EOM, VFC et BDF.

2.2 Exemple de fromages Bleu d’Auvergne

Pour définir un emballage pour des fromages AOP, les leviers d'action sur la matrice et le procédé sont très limités du fait du cadre réglementaire. Outre la prise en compte des spécificités des procédés de fabrication, il faut aussi caractériser le fromage aux différentes étapes d'un point de vue microbiologique, biochimique, sensoriel afin d'en déterminer une qualité "acceptable", voire "optimale". Au cours de la maturation sous emballage, il est nécessaire de mesurer la composition de l'atmosphère

-2

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1

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qui sera modifiée par les échanges gazeux entre la matrice et son environnement et de définir un équilibre optimal pour l'évolution du fromage. L'expression de ses besoins en indicateurs métaboliques permettra d'apporter des éléments pour la définition des caractéristiques des emballages, notamment en terme de perméabilités, et les conditions de leur mise en œuvre. Cette démarche a été adoptée pour contribuer à la définition d’emballages adaptés à l'évolution de fromages AOP à pâte persillée (programme Fropack, FranceAgrimer).

2.2.1. Analyse de fromages industriels sous emballage ou en pain entier

Dans la première phase de l'étude, les fromages AOP Bleu d’Auvergne provenant de trois productions industrielles ont été conservés 41 jours en portions emballées sous vide dans des films de différentes perméabilités aux gaz (O2, C02) et vapeur d’eau et en pain entier sous feuille d’aluminium (fromage témoin, méthode traditionnelle). Dans les portions emballées, la teneur en O2 était proche de zéro alors que celle en CO2 atteignait 10%. L’évolution des populations microbiennes a été mesurée par des méthodes culture dépendantes et par analyse métataxogénomique. Les niveaux de bactéries lactiques, levures et moisissures n’étaient pas affectés de façon significative par la durée et le mode de conservation. Les niveaux bactéries à Gram négative étaient les plus faibles dans les fromages emballés.

Par ailleurs, à 28 et 42 jours d’emballage, les fromages en pain entier se distinguaient de ceux emballés en portion par les niveaux des principaux genres microbiens (nombre de « reads « (Fragments d’ADNr16S) évalués par métataxonomique) (ACP de la Figure 6). Ils étaient caractérisés par l’abondance de Lactobacillus et des bactéries aérobies acido-sensibles à Gram positif et catalase positive dites d’affinage (Brevibacterium, Arthrobacter, Brachybacterium). En lien avec cette composition bactérienne et en particulier avec la capacité des bactéries d'affinage à produire de l’ammoniaque, les pH des fromages en pain entier étaient plus élevés (+ 1 unité) que ceux des fromages emballés. A l’opposé, l’abondance de Staphylococcus (S.equorum), de Carnobacteriaceceae (Carnobacterium) et Alkalibacterium caractérisait les fromages emballés.

Figure 6 : Analyse en Composantes Principales du nombre de « reads » (Fragments d’ADNr16S) de fromages conservés en portions emballées (E) ou en pain entier sous aluminium (T) de 3 productions industrielles différentes (F1, F2, F3) à l’emballage (0j) et après 28 et 42 jours de conservation.

Ces différences de composition bactérienne liées aux différences dans l’environnement gazeux conduisaient à des profils de molécules aromatiques différents. Les fromages emballés étaient

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caractérisés par une dominance d’alcools, esters alors que les pains entiers se caractérisaient par des molécules (aldéhydes branchés, alcool branchés, acides branchés) issues du catabolisme des acides aminés en relation avec une protéolyse plus importante.

D’un point de vue sensoriel, les fromages emballés étaient plus humides que les pains entiers. Les fromages emballés vs. témoin étaient significativement différents d’un point de vue sensoriel (test triangulaire) mais ces différences étaient difficiles à décrire. Selon la production, les fromages emballés pouvaient avoir un goût plus piquant, une saveur moins amère ou une odeur de champignon plus intense que les fromages en pain.

2.2.2. Analyse de fromages en cellule respiratoire sous atmosphère contrôlée

L’objectif de la deuxième partie de l’étude était de mieux mettre en évidence le rôle des teneurs en gaz et indirectement celui de l'emballage sur la dynamique microbienne et sur les caractéristiques des fromages. Dans cette optique, une même production de Bleu d'Auvergne (ensemencement en ferments lactiques, levures et P. roqueforti similaire) a été conservée dans des conditions contrôlées d'atmosphère définies sur la base des résultats de la première partie de l’étude, présence ou absence d'oxygène (0 ou 2,5%) et de gaz carbonique (0 ou 10%). Les évolutions ont été comparées à celles des fromages conservés de façon traditionnelle (pain entier sous film aluminium).

Les niveaux de bactéries lactiques, moisissures, bactéries à Gram négatif n’étaient pas significativement différents dans les fromages conservés dans différentes atmosphères. Par contre, la présence d’oxygène (2,5%) favoriserait les bactéries d’affinage tels que Brevibacterium, Arthrobacter, Brachybacterium et Alkalibacterium alors qu’en absence d’oxygène seul S. equorum est détecté (Figure 7).

Figure 7 : Niveaux microbiens et diversité des bactéries d'affinage des fromages Bleu d’Auvergne conservés 41 jours sous différentes atmosphères. T3: fromage entier en emballage traditionnel aluminium conservé à 3°C, T6-10: fromage entier en emballage traditionnel aluminium conservé à 6°C 28 jours et 10°C 13 jours.

Ces bactéries, comme observé dans les fromages industriels emballés en portion, seraient aussi présentes dans les fromages en pains entiers mais à des niveaux moindres. Les niveaux de levures étaient moins importants en absence d’oxygène que dans les autres conditions (Figure 8). Les pH après 41 j de conservation étaient plus élevés dans les fromages avec oxygène (pH 7,5) qu’en absence (pH 6), confirmant les différences notées dans les fromages industriels.

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Figure 8 : Niveaux de levures (ufc/g) des fromages Bleu d’Auvergne conservés 41 jours sous différentes atmosphères. T3: fromage entier en emballage traditionnel aluminium conservé à 3°C, T6-10: fromage entier en emballage traditionnel aluminium conservé à 6°C 28 jours et 10°C 13 jours.

La composition en composés volatils des fromages à 41 j variait en fonction de la composition gazeuse dans les cellules de conservation (Figure 9).

Figure 9 : Analyse en Composantes Principales des composés aromatiques de fromages conservés avec différentes ambiances gazeuses (0 ou 2,5% O2 associé à 0 ou 10% C02) dans des cellules et de fromages conservés en pain entier à deux températures (T3, T6). T3: fromage entier en emballage traditionnel aluminium conservé à 3°C, T6-10: fromage entier en emballage traditionnel aluminium conservé à 6°C 28 jours et 10°C 13 jours.

Les fromages conservés en absence d'O2 sont caractérisés par la présence de nombreuses méthyl-cétones (Figure 9). Les fromages sous 2,5% O2 et 0% CO2 étaient caractérisés par la présence d'alcools, d'acides et d'aldéhydes. Enfin, la composition en composés volatils des fromages en pain entier conservés à 3°C (T3) ou 6°-10°C (T6) et celui conservé sous une atmosphère contenant 2,5% O2 et 10% CO2 était plus équilibrée sans dominance d’une famille de molécules.

6,00

6,50

7,00

7,50

8,00

8,50

9,00

0% O2 - 10% CO2 0% O2 - 0% CO2 2,5% O2 - 0% CO2 2,5% O2 - 10% CO2 T6_10 T3

ufc

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2,5%O2

2,5%O2+10%CO2

0%O2 +0%CO2

0%O2 +10%CO2

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D’un point de vue sensoriel, les fromages conservés en présence d’O2 se distinguaient de ceux conservés sans O2 et des témoins par une évolution rapide, vers une texture pâteuse et une couleur plus jaune/orangée de leur pâte et une croûte plus épaisse. Les fromages conservés en absence d’O2 étaient sensoriellement plus proches des fromages témoins et étaient caractérisés par des notes fruité, de beurre, de lait et de crème. Ils avaient une texture crémeuse et étaient plus humides que ceux conservés avec O2.

3. Conclusions

Les deux études sur l’emballage des fromages Saint Nectaire et des fromages à pâte persillée montrent que l’environnement gazeux dans l’emballage, la perméabilité à la vapeur d’eau modifie la dynamique microbienne, les caractéristiques biochimiques voire les caractéristiques sensorielles des fromages. L’incubation en cellules respiratoires avec des teneurs contrôlées en oxygène et CO2, établies d’après les valeurs mesurées dans les emballages de fromages produits industriellement, permet de cerner le rôle de la composition de l’atmosphère et de quantifier les besoins gazeux des fromages par l'analyse de la consommation en oxygène et de la production de CO2. La croissance des bactéries lactiques est peu affectée par cet environnement gazeux. Par contre, l’absence d’oxygène limite le développement des bactéries aérobies à Gram positif et catalase positive dites bactéries d’affinage (Brevibacterium, Arthrobacter… ) et peut limiter celui des levures. Ce changement entraine des modifications des profils en molécules aromatiques. La comparaison des caractéristiques microbiennes, biochimiques et sensorielles des fromages Bleu d’Auvergne sous différentes atmosphères montre que ceux conservés avec 2,5% O2 et 10% CO2 avaient les compositions microbienne et aromatique les plus proches de ceux affinés de manière traditionnelle.

Cette méthodologie de caractérisation de fromages sous emballage et dans des atmosphères contrôlées, mimant celles potentiellement trouvées dans les emballages permet de définir la composition des atmosphères les plus favorables en tenant compte des activités de l’écosytème. Grâce à ces connaissances, il sera possible de déterminer les caractéristiques souhaitables de perméabilité des emballages afin de répondre aux besoins de la matrice pour une évolution satisfaisante.

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L’emballage, une contrainte ou une innovation pour les fromages ?

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Cet article est publié sous la licence Creative Commons (CC BY-NC-ND 3.0)

https://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/3.0/fr/

Pour la citation et la reproduction de cet article, mentionner obligatoirement le titre de l'article, le nom de tous les auteurs, la mention de sa publication dans la revue « Innovations Agronomiques », la date de sa publication, et son URL)

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Les Ressources microbiennes au service de nos aliments: une richesse préservée et explorée dans le réseau CIRM. La diversité fonctionnelle explorée

grâce au criblage à haut débit

Valence F.1,2, Thierry A.1,2

1 INRA, UMR1253 STLO, F-35042 Rennes

2 Agrocampus Ouest UMR1253 STLO, F-35042 Rennes

Correspondance : [email protected]

Résumé

Première source de gènes de la planète, les microorganismes sont des acteurs majeurs des propriétés des aliments fermentés et de la bio-préservation des aliments, ils représentent une richesse à explorer et à préserver. Tous les métabolismes y sont représentés et leur biodiversité encore largement sous-explorée est une source clé d’innovation et de valeur ajoutée.

Une gestion appropriée de ces ressources est donc essentielle. C'est la mission des centres de ressources biologiques (CRB) qui acquièrent, caractérisent, conservent et distribuent ces ressources avec un standard de qualité élevé et une expertise en lien avec le type de ressources microbiennes hébergé. C'est pour répondre à ces impératifs que l'INRA a créé en 2005 le CIRM, Centre International de Ressources Microbiennes. Ces collections thématiques de l'INRA regroupent de nombreuses espèces microbiennes (bactéries, levures et champignons filamenteux). Elles se caractérisent par la possession d'un grand nombre de souches par espèce, un élément essentiel pour pouvoir explorer et exploiter la diversité fonctionnelle de ces microorganismes. Le criblage à haut débit permet pour les microorganismes impliqués dans les transformations alimentaires, sur un grand nombre de souches en parallèle, d'explorer la diversité fonctionnelle de ces derniers. Le choix de la méthodologie de criblage (approche ciblée ou non ciblée) en fonction des fonctionnalités étudiées ainsi que la connaissance des microorganismes à cribler et de l’écosystème dans lequel ils interviennent, sont des éléments clés pour garantir la pertinence et l'efficience d'un criblage haut débit.

Mots-clés : Centre de Ressources Biologiques (CRB), biodiversité, criblage haut débit, aliments fermentés, fonctionnalités.

Abstract: Microbial Resources at the service of foods: a preserved and explored richness in CIRM network. Functional diversity explored by high throughput screening.

First source of genes on the planet, microorganisms are key elements of fermented foods and food bio-preservation, they represent a wealth to explore and preserve. All metabolisms are represented and microbial biodiversity still largely under-explored can be a source of innovation and added value. Proper management of these resources is essential. This mission is ensured by the Biological Resource Centers (BRC) that acquire, characterize, preserve and distribute these resources with a high standard of quality and expertise in relation to the type of hosted microbial resources. In this respect, INRA created the International Centre for Microbial Resources (CIRM) in 2005. These thematic collections include numerous microbial species (bacteria, yeasts and filamentous fungi). Their specificity is the possession of a large number of strains by species, essential to be able to explore and exploit the functional diversity of microorganisms. The high throughput screening allows, for the microorganisms involved in food processing, on a large number of strains in parallel, to explore their functional diversity. The choice of screening methods (targeted or non-targeted approach) depending on the studied

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functionalities and on the knowledge of studied microorganisms to be screened, in the ecosystem in which they occur, are key elements to ensure relevance and efficiency of a high throughput screening.

Keywords: Biological Resources Center (BRC), biodiversity, High throughput screening, fermented food, functionalities.

1. Les centres de ressources biologiques, acteurs de la préservation et de la valorisation des ressources microbiennes

Les microorganismes représentent la première source de gènes de la planète. Ils interviennent dans un très grand nombre de processus biologiques et notamment dans la fabrication des aliments fermentés qui constituent près d'un tiers de notre diète. Les aliments fermentés existent depuis des millénaires et leur diversité, lorsque l'on considère la matière première, la technologie mise en œuvre, la flore microbienne associée et la typologie organoleptique est extrêmement large (Tamang et Kailasapathy, 2010). La préservation de la diversité des microorganismes impliquée dans la fermentation de ces produits est dès lors un enjeu de taille pour les centres de ressources biologiques (CRB) qui s'intéressent à ces flores.

Les CRB ont pour mission première de préserver la biodiversité, toutes ressources biologiques confondues. Ils sont essentiels à la maitrise et à la préservation de la biodiversité et des ressources génétique de la planète. Ils jouent de ce fait un rôle de conservatoire avec une fonction patrimoniale et ont bénéficié en 2007 de prescriptions relatives à leur bon fonctionnement, éditées par l'OCDE (OCDE, 2007).

Une grande part de la biodiversité reste encore à explorer puisque selon Mora et al. (2011) près de 90 % de cette biodiversité n'a pas encore été décrite à ce jour. C'est d'autant plus vrai pour les microorganismes que les nouveaux outils d'exploration au niveau moléculaire permettent désormais d'accéder aux microorganismes non cultivables, ou présents à des niveaux de population très faibles, et qui n'étaient pas jusqu'alors pris en compte dans les estimations de la biodiversité microbienne mobilisable au sein des écosystèmes étudiés. On peut espérer qu'à terme une partie de cette diversité pourra rejoindre les CRB.

On observe depuis quelques décennies une diminution de la biodiversité, c'est vrai quelles que soient les ressources biologiques considérées, y compris les espèces microbiennes d'intérêt technologique impliquées dans la fabrication des aliments fermentés, telles que les bactéries lactiques. En effet, dans les pays industrialisés, l'évolution des pratiques en production agricole et notamment laitière a entrainé un appauvrissement, en nombre d'espèces mais aussi en nombre de souches pour une espèce donnée, de la flore des laits (Mallet et al., 2012). Dès lors il apparait important de préserver cette diversité microbienne en grande partie responsable de la diversité et de la typicité des produits fermentés.

Au-delà de la préservation de la biodiversité, la seconde fonction des CRB est de donner l'accès aux ressources biologiques aux acteurs de la recherche académique et industrielle. Ce sont de ce fait des leviers pour la valorisation de ces ressources.

Les ressources biologiques, en plus de leur valeur intrinsèque, ont une valeur en lien avec leur potentiel d'innovation. Leur utilisation et leur valorisation doivent donc se faire dans un cadre légal et consensuel afin de favoriser leur utilisation à des fins de développement durable et pour un partage équitable des profits générés par ces dernières. Pour ce faire, une convention pour la biodiversité a été ratifiée par 168 pays, dont la France, à Rio en 1992 (www.cbd.int). Cette convention a été complétée en 2010 par un accord international, le protocole de Nagoya, entré en vigueur en octobre 2014

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Les Ressources microbiennes au service de nos aliments

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(www.cbd.int/abs/doc/protocol/nagoya-protocol-fr.pdf). Ce dernier garantit l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation.

C'est dans ce contexte qu'en 2004, le département Microbiologie et Chaine alimentaire de l'INRA a décidé de créer un CRB dédié à la préservation et à l'exploration de la biodiversité microbienne : le Centre International de Ressources Microbiennes (CIRM). La mission du CIRM est de mieux organiser et valoriser le patrimoine génétique inestimable représenté par l'ensemble des collections INRA en l'ouvrant aux communautés scientifiques et industrielles ainsi qu'aux filières concernées. Il est constitué à ce jour de cinq CRB microbiens thématiques fonctionnant en réseau (www.inra.fr/crb-cirm). Il regroupe ainsi des collections de champignons filamenteux (CIRM-CF, INRA Marseille), de bactéries associées aux plantes (CIRM-CFBP, INRA Angers), de pathogènes de la chaîne alimentaire (CIRM-BP, INRA Tours), ou d'intérêt alimentaire (CIRMBIA, INRA Rennes), et de levures d'intérêt technologique (CIRM-Levures, INRA Grignon). Convaincu qu'une recherche de haut niveau ne peut se faire que sur un matériel biologique de grande qualité, avec une traçabilité irréprochable et l'assurance de disposer des données minimales associées aux souches, l'ensemble des cinq CIRM est certifié selon la norme ISO 9001:2008. C'est un outil collaboratif transversal à l'INRA qui met à disposition des chercheurs académiques et privés ses ressources biologiques (20 000 souches de bactéries, levures et champignons filamenteux) mais aussi son expertise associée et des outils dédiés à l'exploration de la biodiversité à haut débit. Il représente de ce fait un élément essentiel de l'infrastructure sur laquelle peuvent s'appuyer les biotechnologies. Le CIRM bénéficie d'une reconnaissance nationale et internationale en participant à plusieurs programmes de recherche ANR et européens et en tant que membre de réseaux tels que Biobanque, IBISA et la World Federation of Culture Collections (WFCC). Le CIRM a aussi été pilote d’un projet Européen d’infrastructure EMbaRC (2008-2012) pour structurer les collections à l’échelle européenne et participe aujourd'hui au programme européen MIRRI (preparatory phase of the Microbial Resource Research Infrastructure, ESFRI roadmap 2012-2015).

2. Prise en compte de la diversité infraspécifique au sein de collections thématiques

La diversité bactérienne intervient à plusieurs niveaux : diversité de genre et d'espèces mais aussi au sein de l'espèce, c'est la diversité infraspécifique. Les espèces sont décrites par rapport à une souche type qui sert de référence et qui doit être déposée dans au moins deux collections reconnues. Cependant, compte tenu de la diversité infraspécifique, la souche type d'une espèce donnée ne couvre pas à elle seule la totalité des potentialités de l'espèce. Il est donc important de pouvoir disposer via les CRB de plusieurs souches d'une espèce donnée lorsque l'on s'intéresse par exemple aux propriétés technologiques de cette dernière. Il faut noter que 79 % des espèces décrites en 2009 étaient basées uniquement sur la souche type (Stackebrandt, 2010). Cela souligne le manque de diversité infra-spécifique au sein de collections classiques et reconnues internationalement telles que la collection allemande DSMZ (www.dsmz.de) ou néerlandaise CBS (http://www.cbs.knaw.nl).

Cette dimension infraspécifique est importante car bon nombre de propriétés microbiennes sont dépendantes des souches au sein d’une même espèce, et induisent des variations de fonctionnalités dans les produits fermentés. C'est le cas par exemple de la production d'acides gras volatils impliqués dans l’arôme du fromage par Propionibacterium freudenreichii, levain clé pour la fabrication des fromages comme l'emmental (Dherbécourt et al., 2008), (Figure 1A) ou de la capacité de souches de Lactobacillus plantarum, isolées de vin Pinot noir, à croître en fonction de la concentration en éthanol du milieu (Bravo-Ferrada et al., 2011), (Figure 1B). Comme l'illustre la Figure 1, on observe que selon les souches considérées la concentration en acide gras varie de 6 à plus de 50 mg/ml dans des cultures de P. freudenreichii en modèle simulant les conditions fromagères et que la population maximale atteinte par des souches de L. plantarum en présence d'éthanol peut varier de plus d'un log (108 vs 109 UFC ml-1) entre les souches les plus extrêmes. La souche dépendance touche un très grand

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nombre d'espèces et des fonctions très variées telles que la capacité des souches à produire des exopolysaccharides (EPS), à croître sur certains substrats carbonés, à résister à de fortes concentrations en sels, à produire des arômes, à avoir un potentiel en terme de bio-préservation ou probiotique, etc… (Chaillou et al., 2009 ; Ravyts et al. 2012 ; Cortes-Zavaleta et al., 2015). Elle est donc à prendre en considération lorsque l'on s'intéresse pour un microorganisme à une activité ou à une fonction donnée.

Figure 1: (A) Souche dépendance de la production d'un composé d’arôme de l’emmental (acide methylbutyrique) observée pour 24 souches de P. freudenreichii en modèle simulant les conditions fromagères. (B) Souche

dépendance pour 9 souches de L. plantarum de la capacité à croitre en présence respectivement de 10 et 14% d'éthanol.

Dès lors, il semble important de développer des collections thématiques basées sur les écosystèmes en complément de ces collections existantes centrées sur les espèces (Emerson et Wilson, 2009). C'est dans ce sens que les collections du CIRM ont été constituées puisqu'elles se distinguent des autres collections par le grand nombre de souches par espèce qu’elles hébergent, et ce pour des d’espèces en lien avec des fonctionnalités données.

Les souches qui constituent ces collections sont issues soient de collectes ciblées, soit de travaux de caractérisation d'écosystèmes/biotopes variés incluant entre autres des aliments fermentés traditionnels. A l'ère de l'avènement de la métagénomique pour décrire les écosystèmes rencontrés dans les aliments (Row et al., 2010 ; Jung et al., 2011), il n'est donc pas inutile de continuer à caractériser ces écosystèmes par des voies culturales qui permettent d'isoler la diversité microbienne et d'enrichir les collections pour leur permettre d'accroitre leur offre en terme de souches « disponibles ». Ces collections sont un atout majeur pour l'INRA en termes de ressources mobilisables pour explorer la diversité fonctionnelle par des approches de criblage à un haut débit.

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3. Exploration de la diversité fonctionnelle des microorganismes par des méthodes de criblage haut débit

Longtemps réservées aux domaines de la pharmacologie pour identifier ou étudier des molécules aux propriétés nouvelles ou chimiquement actives, les méthodes de criblage haut débit trouvent aujourd'hui leur place dans les domaines de l'agronomie et de l'alimentation, entre autres pour la recherche de fonctionnalités d'intérêt en lien avec l'utilisation de ferments. La notion de haut débit sous-entend la possibilité d'automatiser la partie expérimentale pour pouvoir étudier un grand nombre d'échantillons en parallèle avec en général une miniaturisation du système (travail en plaque 26, 96 ou 384 puits) (Figure 2 d'après Inglin et al., 2015).

Figure 2 : Criblage haut débit de l'activité antibactérienne (a) et antifongique (b) respectivement en microplaque 96 puits et en plaque 24 puits pour 92 souches appartenant au genre Lactobacillus.

Les criblages haut débit peuvent couvrir une large étendue de propriétés technologiques d'intérêt comme par exemple, dans le cas des aliments fermentés, les propriétés antifongiques de bactéries lactiques (Inglin et al., 2015), les propriétés aromatisantes (Holland et al., 2005), les capacités à résister aux sels biliaires (Lan et al., 2007), les potentialités probiotiques (Bao et al., 2010), la capacité à produire des peptides antioxydants (Coda et al., 2012) ou encore la potentialité d'ingrédients à favoriser la croissance de bactéries d'intérêt alimentaire pour obtenir des aliments fonctionnels (Rosendale et al., 2008).

3.1 Approche de criblage ciblée ou non ciblée

Le type de fonction étudiée conditionne l'approche de criblage qui devra être mise en œuvre. Deux grandes approches peuvent être envisagées, l’approche ciblée et l'approche non ciblée (Figure 3). Ainsi, si pour un microorganisme donné, la fonction attendue repose sur l'expression d'un gène, d'une voie métabolique, l'activité d'une enzyme (production de bactériocine, de vitamines, activité lignocellulolytique, dégradation de sources de carbone spécifiques, …), on aura recours à une approche dite ciblée qui, selon le cas, pourra évaluer la présence/absence d'un gène, le niveau d'un transcrit, l’activité d'une enzyme ou la production d'un métabolite. Le criblage reposera alors sur la mise en œuvre de méthodes de type moléculaire (PCR, séquençage de gènes ciblés, …), d’approches en transcriptomique, de dosage d’activités enzymatiques ou de composés ciblés, voire, si les données sont accessibles et pertinentes pour le microorganisme considéré, d'analyses purement in silico, telles que l'exploitation de données de séquençage pour vérifier la présence/absence d'un gène donné ou la comparaison de séquences de gènes.

Prenons par exemple la synthèse du 3-methylbutanal, un composé d’arôme issu du catabolisme de la leucine et associé à des notes maltées dans différents aliments fermentées comme le fromage et le pain. L’aptitude à produire ce composé est souche–dépendante chez les lactocoques (Morgan, 1967). Pour cribler à haut débit la production de ce composé au sein de cette espèce, une démarche a été

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développée, en couplant des cultures en micro-plaques, une technique d’extraction des composés volatils et la quantification par spectrométrie de masse, sans séparation chromatographique préalable, d’un fragment d’ionisation (m/z) spécifique de ce composé. Par cette approche, une dizaine de souches productrices de 3-methylbutanal ont été mises en évidence parmi les 72 souches criblées (Smit et al., 2004).

Figure 3 : Les approches ciblées et non ciblées de criblage haut débit, facteurs à prendre en considération pour définir l'approche de criblage à mettre en œuvre.

En revanche lorsque l'on s'intéresse à des fonctionnalités qui reposent sur des propriétés pour lesquelles on ne connait pas les bases moléculaires et qui sont probablement multifactorielles (aptitude à se développer à basse température ou en présence de fortes concentrations en sel, aptitude à produire un effet sur la flaveur ou la texture de produits alimentaires fermentés,…) on devra mettre en œuvre une approche de criblage dite non ciblée. Cette approche pourra nécessiter de développer, dans certains cas, un dispositif spécifique et devra permettre au phénotype du microorganisme étudié de s'exprimer dans des conditions pertinentes. C'est le cas par exemple de l'étude du potentiel antifongique ou aromatisant de bactéries lactiques ou de leur capacité à être utilisées en tant que levains pour la fabrication d'aliments fermentés. Bachmann et al. (2009), pour cribler le potentiel de souches bactériennes à être utilisées en tant que levain d'affinage pour la fabrication de fromages tels que le cheddar et le gouda, ont développé une méthode de criblage spécifique haut débit qui permet de fabriquer en parallèle 600 micro-fromages de 170 mg. Ces micro-fromages présentent des propriétés (cinétique d'acidification, de protéolyse, de profils aromatiques, texture) très proches de celles obtenues dans les fromages en grandeur réelle. La miniaturisation du système, outre le fait de permettre de travailler sur un grand nombre de souches en parallèle, permet de faire une économie conséquente en termes de matière première mise en œuvre. Elle offre ainsi la possibilité d'avoir une approche plus systématique pour investiguer la biochimie et la microbiologie de l'affinage, dans le cadre ici de fromages à pâte pressée.

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3.2 Robustesse du criblage

Que l'approche soit ciblée ou non ciblée, le criblage doit répondre à des critères de robustesse et d'automatisation s'il veut prétendre à la qualification de haut débit. La mise en œuvre d'un criblage pertinent devra tirer parti de toutes les connaissances disponibles concernant le microorganisme et sa contribution aux fonctionnalités attendues dans l'écosystème dans lequel il intervient. Ainsi par exemple si on s'intéresse au potentiel antifongique de bactéries lactiques, le choix du milieu de criblage est crucial. Si les souches sont cultivées sur leur milieu de laboratoire usuel (le MRS dans le cas des lactobacilles) qui contient de l'acétate, composé dont on a montré qu'il pouvait avoir une activité antifongique intrinsèque, le criblage a de forts risques d'être biaisé (Stiles et al., 2002). Un autre exemple concerne la contribution des microorganismes à produire des composés d'arôme ; il permet de souligner la multiplicité des facteurs à prendre en considération pour réaliser un criblage pertinent. Pour aller au-delà de simples corrélations entre présence d’une espèce ou d’une souche et l’empreinte aromatique perçue, il est essentiel d’élucider quelles sont les molécules odorantes clés impliquées dans la flaveur et quelles sont les voies de synthèse correspondantes. Les facteurs qui limitent la production des molécules ciblées peuvent relever de l’accessibilité des enzymes aux substrats, ou bien de l’intensité ou de la spécificité de l’activité enzymatique, ou encore être dus à une limitation par des substrats ou co-substrats impliqués dans ces réactions de synthèse, ainsi que l’illustrent les quelques exemples qui suivent.

La lipolyse génère des acides gras libres issus de l’hydrolyse des triglycérides laitiers, importants dans l’équilibre de la flaveur de la plupart des fromages. Le substrat ne pénètre pas dans les cellules microbiennes et ne sera hydrolysé que par des enzymes extracellulaires ou éventuellement par des enzymes intracellulaires libérées dans l’aliment suite à la lyse des bactéries. En conséquence, selon les connaissances sur les micro-organismes à tester, la démarche de criblage pourra mettre en œuvre des cellules entières, des extraits cellulaires, ou bien les deux. De façon analogue, la lyse des bactéries lactiques dans le fromage accélère le phénomène de protéolyse au cours de l’affinage du fromage, en facilitant l’accès des peptidases intracellulaires aux protéines de la matrice, et réduit ainsi l’amertume associée à certaines fractions de grands peptides. L’aptitude à se lyser dans les conditions du fromage est donc vraisemblablement aussi, voire plus importante, que l’activité aminopeptidasique pour évaluer l’activité « désamérisante » des souches. Plusieurs facteurs sont susceptibles d’induire la lyse des bactéries lactiques dans le fromage (carence en substrat carboné, stress thermique ou osmotique…) (Lortal et al., 2005). Il n’est donc pas étonnant d’observer des contradictions entre les résultats de tests de criblage de lyse in vitro et phénomène de lyse réellement observé dans le fromage. Concernant le criblage d’activités enzymatiques, l’activité peut être évaluée en utilisant des substrats chromogènes facilitant l’automatisation du suivi. Là encore, le choix du substrat peut avoir des conséquences majeures sur les résultats. Par exemple, l’observation d’une activité estérasique sur un substrat soluble ne présage pas de l’activité d’hydrolyse des triglycérides laitiers dans le fromage. De même, pour évaluer l’activité de synthèse des esters, qui sont des composés d’arôme présents dans de nombreux produits fermentés et associés à des notes fruitées, il est nécessaire de prendre en compte l’ensemble des réactions possibles de synthèse. Les plus plausibles dans le fromage sont l’estérification, mettant en œuvre un acide et un alcool, ou l’alcoolyse entre un ester et un alcool (Holland et al., 2005). Ces deux types de réactions ont été mis en évidence chez les bactéries lactiques et varient selon l’espèce et la souche (Abeijón Mukdsi et al., 2009).

3.3 Criblage en culture pure ou mixte et nombre de souches à tester

Les exemples ci-dessus soulignent l'importance du choix de la méthodologie de criblage mise en œuvre sachant, qui plus est, que l'expression de propriétés spécifiques, notamment dans les écosystèmes alimentaires, dépend à la fois de facteurs biotiques et abiotiques. Les approches de criblages nécessitent de choisir les souches de microorganismes en fonction de leur aptitude à moduler les propriétés attendues d'un produit. Le criblage peut se faire soit en cultures pures soit en co-cultures ou en cultures mixtes en associant les microorganismes à cribler à d’autres espèces de l’écosystème, en

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milieu de laboratoire ou dans un milieu proche de la matrice alimentaire dans lequel ils interviennent. Dans le deuxième cas, les interactions avec les autres microorganismes devront être prises en comptes. De manière à satisfaire le critère de haut-débit, de nombreux criblages s'effectuent en milieu de laboratoire et en culture pure ce qui pose la question de la représentativité des résultats.

Enfin, lorsqu'une fonctionnalité microbienne est recherchée se pose la question du nombre de souches à tester. Dans un criblage d'activité antifongique menée sur 1200 bactéries lactiques isolées de différents biotopes (environnement, animaux et végétaux), seulement 4 % des souches criblées ont montré une activité antifongique notable contre la cible fongique Aspergillus fumigatus testée (Magnusson et al., 2003). Dans un criblage sur la capacité de souches isolées de lait et de céréales à produire des exopolysaccharides, sur 174 souches testées, 10 souches produisaient des exopolysaccharides dans le milieu de culture utilisé, soit moins de 6% des souches testées (van der Meulen et al., 2007). La méthode de criblage mise au point par Inglin et al. (2015) a permis d'identifier parmi 504 souches de bactéries lactiques, 65 souches actives (soit 13%) contre l'espèce Enterococcus. Ces exemples soulignent la nécessité de cribler un grand nombre de souches pour pouvoir trouver une souche d'intérêt vis-à-vis d'une fonctionnalité donnée. Cependant plus le criblage se rapprochera des conditions réelles de l'expression des fonctionnalités du microorganisme, plus on peut espérer trouver des souches d'intérêt au sein d'un pool de "raisonnable" souches.

Ces exemples soulignent l'importance d'appréhender le système (microorganisme et milieu avec lequel il interagit) dans sa globalité pour trouver un juste équilibre entre haut-débit (nombre de souches qu'il est nécessaire de cribler) et pertinence du criblage.

Conclusion

D'une manière générale et indépendamment du type d'aliment fermenté considéré (pain, vin, fromage, produits de salaisonnerie,…), les prérequis pour un criblage haut débit pertinent sont les mêmes, à savoir prendre en compte la technologie, la nature de la matière première et de la communauté microbienne auquel le microorganisme criblé sera associé. Les consommateurs sont de plus en plus attentifs aux propriétés nutritionnelles et à la valeur santé des aliments qu’ils consomment, tout en restant très attachés à la valeur plaisir, c’est-à-dire aux propriétés sensorielles des aliments qu'ils consomment. De ce fait, les critères de sélection de levains pour la fabrication d'aliments fermentés ou à des fins de biopréservation tourneront principalement autour de trois axes de criblage : technologique, sensoriel et nutritionnel. Le criblage de levain d'intérêt sera donc basé sur la sélection de souches pour certaines fonctions clés en considérant notamment des propriétés telles que l'acidification, la capacité de résister à des conditions extrêmes (pH, sels, alcool, température,….), la protéolyse, la synthèse de composés d’arôme, la production de composés d'intérêt (composés antimicrobiens, vitamines, peptides bio-actifs, …).

Quel que soit l'axe du criblage considéré, la disponibilité en diversité infraspécifique reste le goulot d'étranglement de sa réussite. Cette disponibilité repose sur la pérennisation et l'enrichissement de collections thématiques. Il est important que ces collections soient ouvertes au plus grand nombre pour permettre la diffusion des souches à des fins de recherche. Rendre les souches accessibles, c'est enrichir ces collections en connaissances associées aux souches ce qui en augmente la valeur intrinsèque. Il est également important que ces collections soient adossées à une expertise et qu'elles disposent d'outils de criblage pour explorer la biodiversité hébergée. C'est dans cette optique que le centre de ressources biologiques CIRM a été créé par l'INRA.

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