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    Exception et ban : propos de

    l' tat d'exception

    Didier BIGOMatre de confrences l'Institut d'Etudes Politiques de Paris, chercheur associ au Centred'Etude et de Recherche Internationale de la Fondation Nationale des Sciences Politiques(CERI). Rdacteur en chef de la revue Cultures & Conflits

    Traduction de l'anglais par Hourya Bentouhami

    Abstract :

    This paper is looking at the debate informing the notion of state of exception as adescription of the present time, and the so-called post September 11 era. I am not heredirectly interested in the social practices which are enacted through the discourse of aradical new danger, the necessity for the political to act under emergency and to breach, ifnecessary, the Rule of Law. I do not either wish to discuss about the everyday practiceswhich are creating the conditions of possibility of the acceptance by the public of therhetoric of the moment of exception. I want to focus on the debate regarding what a state ofexception is, what the relation between the political and the Rule of Law is, and how thearguments of an exceptional moment have been used to justify specific illiberal practices inliberal regimes.

    Exception et ban : propos de

    l' tat d'exception [1]

    Je vais commencer par le dbat ouvert par Giorgio Agamben dans son dernier livre Etatd'exception, Homo Sacer II, qui est considr par son auteur comme le prolongement de :Homo Sacer I, Le pouvoir souverain et la vie nueet j'emprunterai aussi des lments de sonouvrage le plus court Moyens sans fin. otes sur la politique, en me rfrant parfois latraduction franaise et italienne, lorsque la traduction anglaise comporte des ambiguts sur lesens de certaines notions. Giorgio Agamben dans tat d'exceptioninsiste sur sa dette vis--visde Jean Luc Nancy, et en particulier sur sa notion de ban . Je vais dvelopper ici cettenotion de ban en analysant la faon dont Agamben l'utilise, et je dgagerai quelle diffrence jevois avec Nancy, pour proposer enfin ma propre lecture du ban. Il peut tre circonscrit par ledbat entre essentialisme et nominalisme d'un ct et entre philosophie processuelle etrelationnelle de l'autre. En tant qu'historien des ides et philologue, Agamben a tendance fairel'histoire des concepts travers des priodes de temps comme s'ils avaient une vie indpendantedes pratiques sociales qu'ils sont censs incarner. Ceci cre une tension par rapport l'approche foucaldienne qui refuse cette forme de philosophie et insiste sur le fait qu'il faille

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    commencer par les pratiques tel que Paul Veyne l'avait fait, autre grand spcialiste du monderomain, mais historien.

    Mme si Giorgio Agamben insiste aussi pour citer Foucault, l'utilisation qu'il fait de Foucault demme que la combinaison qu'il fait entre Foucault, Arendt, Benjamin et Carl Schmitt cre unecomplte dconstruction de la cohrence intellectuelle de Foucault et le rinstalle au cur de laphilosophie laquelle il s'tait oppose. Les innovations faites par Foucault en analysant lediagramme du pouvoir et non le programme, la relation entre les forces sociales et non laproprit et le lieu du pouvoir, ainsi que l'accent mis dans ses analyses sur la manire dont le

    pouvoir est exerc et les attaques contre la rification d'une instance du pouvoir, sont oublis.Schmitt, l'auteur contre lequel Foucault a combattu toute sa vie, est finalement rhabilit de sonpass nazi, et prsent comme un intellectuel discutant avec son partenaire et ennemi Benjamin- un Benjamin qui est lui-mme prsent comme tant dans la ligne de Foucault. Par ce tourde passe-passe qui place Schmitt (et Agamben) dans la continuit de Foucault et qui le prsentecomme un philosophe important et convenable pour analyser le temps prsent travers lesmoments d'exception, la consquence logique est d'accepter la dfinition du politique et de l'tatd'exception propose par Schmitt comme tant une base intressante de discussion pour laGauche et pour la thorie critique.

    J'insiste sur le fait qu'Agamben prend ses distances vis--vis de Schmitt et emprunte contreSchmitt le raisonnement solide de Benjamin et d'Arendt. Ainsi sa perspective ne se ramne pas un dplacement conscient pour dvelopper un ordre du jour schmittien afin de justifier

    l'Aprs-11 Septembre la diffrence de certains intellectuels no-conservateurs amricains -mais cela constitue malgr tout un dplacement dangereux contre la dmocratie que YvesCharles Zarka a analys dans un de ses deux livres Un dtail nazi dans la pense de CarlSchmitt. La justification des lois de uremberg du 15 Septembre 1935 et Contre CarlSchmitt, et que nous devrons discuter. Zarka a clairement montr que ressayer de rhabiliterSchmitt de nos jours est politique. Ainsi la crise de la gauche post-marxiste encourage certainsauteurs de cette cole tre sduits par une critique du parlementarisme et du libralisme quenous trouvons chez Schmitt, mais ceci les a finalement conduit mpriser la dmocratie etl'galit, et placer leur espoir dans un guide providentiel dictant la bonne exception, undplacement que les noconservateurs, dont certains viennent de gauche l'origine, apprcientbeaucoup.

    Pourquoi discuter de Agamben dans le contexte de l'Aprs-11 Septembre ?

    Si j'ai choisi de discuter d'Agamben, c'est mon avis parce qu'il est l'un des commentateurs lesplus perspicaces de l'Aprs-11 Septembre. Au-del de la discussion sur le terrorisme, il est partide la scurit et de la libert, de la guerre faite la terreur et de ses justifications pour en saisirles racines. Il n'est pas le seul bien sr. Amitai Etzioni par exemple dans How Patriotic is thePatriot Actconsidra depuis une perspective propre aux sciences politiques la ncessit d'allerau-del de la discussion autour d'un quilibre entre libert et scurit et plaida pour la recherchede critres concernant les jugements et les dcisions raisonnables et non raisonnables prendreaprs des actes de violence comme celui du 11 Septembre. Il traita les mesures de surveillancecroissante l'intrieur des tats-Unis et marginalement la justification de la guerre l'extrieurpour voir la proportionnalit et le caractre raisonnable des rponses du point de vue lafois de l'efficacit et de la lgitimit. Bien des juristes, des militants des liberts civiles et desthoriciens politiques ont dvelopp une critique des mesures anti-terroristes et leurs effets surles liberts civiles en essayant d'tablir les arguments de jugement pour une philosophie et uneaction en temps de terreur, et une guerre contre la terreur[2]. Dans la thorie des relationsinternationales, beaucoup de recherches se sont concentres sur le statut des Etats-Unis commeun acteur imprial, et sur le statut de la guerre aprs le 11 Septembre, en insistant plusparticulirement sur le retour la guerre ou sur la matrice de la guerre (Zehfuss 2004;Jabri 2006) ; d'autres parlent d'un tat de violence et [de] fin de la guerre (Frdric Gros2006) et d'autres sur le nouveau caractre de la guerre vertueuse qui relie en un rseau lessecteurs militaires, les secteurs de l'industrie, des mdias et du divertissement. Mais peu decritiques ont reli ces diffrentes questions et souvent on a abord uniquement dans la thoriedes relations internationales les sujets de la guerre, du pouvoir et de l'hgmonie, et dans lascience politique ceux de la violence, de l'Etat, de la loi et de la libert.

    John Armitage et Michel Dillon ont ouvert une large discussion sur la question spcifique de lathorie de la culture et de la socit dans l'tat d'urgence. Comme John Armitage l'explique :

    La question concernant la condition et l'application de l'tat d'urgencecontemporain est maintenant au centre de l'exploration thorique travers un

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    ensemble de spcialits l'intrieur des sciences humaines et des sciencessociales critiques... et elle ouvre la voie la question de la signification socialecritique de l'tat et des institutions militaires, avec l'ordre politique et la loi, lesimplications de la terreur et de la violence, et pour lesquels les objectifspolitiques de l'tat d'urgence sont planifis. (Armitage 2002, p. 27)

    Le groupe de recherche ELISE a aussi suivi la mme ligne de pense. En s'inscrivant dans lalarge gamme des littratures qui ont merg depuis que les affirmations sur la scuritnationale et le ralisme politique ont perdu leur crdibilit avec la fin de la guerre froide,Elise a cherch : travailler avec une varit de communauts de recherches politiques,

    sociologiques et juridiques ; rflchir sur les implications des notions de bonne gouvernance travers une estimation soigneuse des techniques spcifiques travers lesquels le pouvoir estexerc dans les socits modernes ; valuer le travail qui est fait travers le dploiement deconceptions spcifiques du terrorisme ; comprendre les implications sous-jacentes latentative de constitutionaliser les politiques scuritaires ; et, peut-tre surtout, formuler uneopinion bien quilibre sur les implications inhrentes aux relations mouvantes entre lesrevendications sur la libert et les revendications sur la scurit, et sur ce que cela signifie deparler de l'Europe comme le lieu d'une lgitimit politique fonde sur les revendications d'unEtat de droit. Pour schmatiser l'extrme, mais aussi pour souligner un point crucial, deuxlogiques discursives sont en concurrence aujourd'hui. D'un ct, le discours policier etjudiciaire, alors qu'il reconnat que le terrorisme est un crime, et mme un crime contrel'humanit, avance que le terrorisme est nanmoins une forme extrme de crime qui s'assimile

    une guerre l'intrieur de la socit. De l' autre ct, les services de renseignements et lespartisans de la guerre asymtrique mettent en avant l'ide que leur guerre globale contre leterrorisme s'insinue dans la socit et touche les coeurs et les esprits, y compris des citoyens.Ce point ne doit pas tre sous-estim, dans la mesure o cette convergence autour d'un ennemiintrieur ou intime est malheureusement classique et doit rsonner aux oreilles de ceux qui sontfamiliers de l'histoire des luttes de rsistances aux diffrentes formes non librales de pouvoir(comme Mattelart par exemple), parce que ces arguments fournissent des fondements pour unepolitique de l'exception, et pour une limitation de l'Etat de droit (Balzacq 2006 ; Bigo 2006b ;Jabri 2006 ; Guild 2003 ; Walker 2005).

    Bien entendu, l'tat d'urgence n'est pas ncessairement formul par Georges W. Bush, TonyBlair ou John Howard. Ces derniers parlent plutt de drogations administratives spcifiques oudemandent plus de pouvoir pour une priode courte (avec une date de premption), mais

    comme John Armitage nous le rappelle la logique en jeu est celle de l'hypermoderne quicombine les instruments de l'tat d'urgence ou de l'tat d'exception avec une dfinition de laguerre comme guerre contre le mal, une guerre perptuelle, dbouchant sur la possibilit d'untat d'urgence permanent dans une mise en scne orwellienne.

    La discussion sur l'tat d'urgence, l'tat d'exception, l'tat de ncessit a certes son importancepour rendre compte des diffrentes pratiques en vigueur, et il est dangereux de leshomogniser mais l'intrt structurer ainsi la question partir des moments d'exception rsidedans la possibilit d'une part, de traiter simultanment la violence, la guerre, la terreur, l'anti-terreur, la loi, l'Etat, le politique et la gouvernementalit, et dans la possibilit d'autre part derelier l'intrieur et l'extrieur ainsi que les disciplines de la thorie politique, de la sociologie etdes relations internationales.

    Localement, le rsultat de l'ordonnance militaire de Novembre 2001 a t l'mergence de laprison de Guantanamo o la suspension des lois internes et internationales redfinit lespersonnes de cette zone comme, non pas criminel, ni comme prisonnier de guerre, mais commeennemi combattant. La drogation l'article 5 de la Convention des Droits de l'Homme par laGrande Bretagne dans la loi antiterroriste de 2001 a permis durant un moment l'existence dedtentions pendant un temps indfini Belmarch. Et la drogation, depuis la loi Anti-terrorisme, crime et scurit de 2001 jusqu' la proposition de loi de Prvention duterrorisme de 2005, ainsi que les changements dans la lgislation et les pratiquesadministratives en Grande Bretagne ont t clairement structurs comme des politiquesd'exception et de danger permanent (ce qui suscita un conflit entre les juges). En Australie,Howards a aussi drog l'Etat de droit fondamental concernant les trangers, et AmnestyInternational ainsi que Human Rights Watch ont donn une liste de tous les Etats qui ont utilis

    l'argument de la lutte contre la terreur pour justifier des mesures plus svres l'encontre dessuspects et des trangers.

    Michael Dillon dans son article intitul Network Society, Network Centric Warfare and theState of Emergency dveloppe plus ou moins le mme argument que celui d'Agamben. L'tatd'urgence dans lequel nous vivons n'est pas un moment exceptionnel, avec un objet, un temps

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    et un espace limits, mais il est la norme, ou plus exactement c'est la perptuation de l'urgencecomme rgle, comme une forme d'tat d'exception prolong. Comme l'explique Dillon, la guerrecentrale du rseau, devant l'impossibilit de dfinir l'ennemi, son identit, sa localisation, saforce, a simplifi la question : l'ennemi est la terreur , le mal (Dillon 2002, p. 75). Lenombre de points nodaux qu'il est possible de relier avec une telle dfinition cre les conditionsde possibilit pour un tat de guerre permanent, pour une rgle dimension militaire imposantses vues aux civils et appliquant, au niveau interne et intime, ses mthodes en prolongeant demanire permanente une logique de surveillance initie lors du moment d'exception en tant quejustification temporaire en face d'un nouveau danger inconnu. La biopolitique et la gopolitique

    convergent dans cette nouvelle forme de guerre. Selon Dillon, Agamben, avec sa notion de vienue et de ban dvelopp dans Homo Sacer I, est le premier comprendre cette convergence.Le pouvoir souverain, en rduisant la personne au corps, le politique au bios, tend organiserson emprise sur la vie. Le pouvoir souverain repose ainsi sur l'ouverture d'une zoned'indistinction entre le droit et la nature, l'extrieur et l'intrieur, la violence et le droit, la guerreet la politique. Il repose sur l'tat d'exception.

    Etat d'exception (tat d'exception, moment d'exception, Etat et exception)

    Giorgio Agamben a prolong sa rflexion sur la question dans le second tome de Homo Sacer,appelEtat d'exception, et c'est ce livre que je veux commenter plus en dtails maintenant.Giorgio Agamben commence son livre en posant qu'une thorie cohrente de l'tat d'exception

    a toujours manqu dans le droit public (Agamben 2003, p. 9). Il cite Saint-Bonnet selon quil'tat d'exception est un point de dsquilibre entre le droit public et la vie politique. Mais Saint-Bonnet insiste sur une forme de continuum et considre que le discours sur la ncessit qui unitle politique et le lgal, le sentimental et le rationnel, relie les deux, l o Agamben insiste sur le foss , le manque ou la confusion , l' indistinction entre le politique et l'tat dedroit.

    Comme il le dit, c'est une question de limites , mais il ne traite pas la continuit ou ladiscontinuit de ces limites.

    Ensuite il en vient l'ide que les limites sont des situations paradoxales et que l'tat d'exceptionest la forme lgale de ce qui ne peut avoir de forme lgale [ 3]. Et il prsente le dbat travers l'ide qu'il est ncessaire de parvenir comprendre ce qui est en jeu dans la diffrence

    - ou dans la prtendue diffrence - entre le politique et le juridique et entre le droit et le vivant[4]. Mais, en ralit, il basera sa discussion sur la diffrence ou l'effet de diffrenciation entreles deux sphres dans un moment morphogntique et privilgiera le politique comme souverainrenvoyant le juridique et le lgal au technique, la technologie de la manipulation du vivant, lelgal devenant une forme de biopolitique limitant la possibilit d'existence d'une vie nergiquecomme telle. Le juridique prend alors l'aspect d'une mdiation, souvent destructrice.

    La vision du juridique comme drivant du politique est renforce par le lien entre l'exception etla situation de la guerre civile qui est l'expression de l'irruption de la violence politique dans lacit. Agamben considre en effet que le totalitarisme moderne est l'instauration, par l'tatd'exception (dans sa forme lgale) de la guerre civile [5] et que la cration d'un tat d'exceptionpermanent (mme non dclar dans sa forme lgale) par les Etats contemporains (dmocratiecomprise) est maintenant une pratique essentielle. Ds lors, la diffrence de rgime entre

    totalitarisme et dmocratie dpend principalement du but de l'exception, savoir la suspensiondes droits, mais ne dpend pas d'une structure diffrente du pouvoir, par exemple la sparationdes pouvoirs ou la lutte entre partis politiques. Il en arrive ensuite sa premire conclusion :

    Devant l'irrsistible progression de ce qui a t dfini comme une guerre civilemondiale , l'tat d'exception tend toujours plus se prsenter comme leparadigme de gouvernement dominant dans la politique contemporaine. Cepassage d'une mesure provisoire et exceptionnelle une technique degouvernement menace de transformer radicalement - et a dj en faitsensiblement transform - la structure et le sens de la distinction traditionnelleentre les diffrentes sortes de constitutions. L'tat d 'exception se prsente danscette perspective comme un seuil d'indtermination entre dmocratie etabsolutisme (Agamben 2003, p. 12).

    Ainsi, l'tat d'exception se situe la limite du libralisme et opre comme un outil qui va au-deldu libralisme et qui se dirige (ou retourne) vers l'absolutisme et le totalitarisme[ 6]. En mmetemps, cet entre deux pourrait aussi tre considr comme une forme spcifique degouvernement qui se perptue au-del du libralisme mais en dessous du totalitarisme. Leslimites d'un tel oprateur de transformation s'tendent dans une zone qui n'existe pas, mais qui

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    invente ses propres rgles d'existence dans la pratique quotidienne. C'est une technique et/ouune forme de gouvernement, mais un gouvernement sans aucune prvisibilit, un gouvernementd'incertitude et d'arbitraire. Dans l'tat d'exception il est impossible de distinguer entretransgression de la loi et excution de la loi (Agamben1998, p. 57).

    Cette approche d'Agamben est importante. Elle ouvre vraiment la possibilit de discuter sur laspcificit du prsent et va au-del des perspectives juridiques positivistes concernant le droit duprsident amricain de dclarer ou non l'urgence et de prendre des mesures comme celles del'ordonnance militaire du 13 novembre 2001. Elle est beaucoup plus enrichissante que le dbat

    sur l'unilatralisme dans la thorie des relations internationales, et le dbat sur les liberts civilesdans les sciences politiques, dans la mesure o elle inclut la fois les relations l'intrieur desEtats-Unis et leurs relations aux autres pays. La notion d'tat d'exception aide comprendrepourquoi le gouvernement amricain se considre au-dessus de la loi, et surtout pourquoi il seconsidre encore plus au dessus des lois internationales qu'au dessus des lois de sa propreconstitution (Suganami 2003, p. 8). Elle permet de comprendre des phnomnes comme celuide Guantanamo et Abu Ghraib, non pas comme des aberrations mais comme des modles de nouvelles formes de gouvernement. Comme Rob Walker l'a compris immdiatement, laquestion centrale est celle de la guerre, de la terreur et du jugement. Ce qui est central c'est lejugement, le fait de dcider ou non sur l'exception comme l'a soulign depuis longtemps latradition classique de la pense militaire :

    Beaucoup d'analystes des problmes de scurit contemporains ont perdu le

    sens de telles traditions, et sont d'autant plus dsireux de traiter chaque menace,relle ou anticipe, comme la preuve que les limites ont t atteintes, qu'un tatd'urgence existe, que la libert doit tre diminue, que les normes doivent tresuspendues (Walker 2005 , p 35 ).

    Mais les juges dans les Etats libraux limitent souvent cette volont et demandent ce qu'il y aitplus de proportionnalit ou bien ils plaident pour des fondements raisonnables, particulirementquand les justifications avances par un gouvernement pour restructurer globalement de largesparties du monde est contraire l'tablissement de principes dans l'ordre international et risquede provoquer des sanctions pour eux mmes l'intrieur de l'Union Europenne (Guild 2005).

    C'est ici que les limites du propos de Giorgio Agamben sont videntes. Quand il parle deGuantanamo, il dit immdiatement la seule comparaison possible - avec Guantanamo - est lasituation juridique des Juifs dans les camps nazis qui ont perdu avec leur citoyennet touteidentit juridique mais qui restaient cependant des juifs (Agamben 2003). Et il se rfre l'analyse de Judith Butler qui recourt la notion de vie nue qu'Agamben avait dj lui-mmeutilis auparavant pour parler de Guantanamo (Butler 2003). Mais la rciprocit dans larfrence ne garantit pas de la pertinence du propos. Judith Butler vite de comparerdirectement avec les camps nazis. Cependant Guantanamo est vu par Butler (et par Agamben)comme le paradigme d'un camp dirig par la tension entre le pouvoir souverain et la vie nue o :

    Au nom de la scurit et de l'urgence nationale, la loi est effectivementsuspendue la fois dans sa dimension nationale et internationale. Et avec lasuspension de la loi vient un nouvel exercice de la souverainet tatique, unexercice qui ne se situe pas seulement l'extrieur de la loi, mais qui se constituetransversalement, travers l'laboration des bureaucraties administratives danslesquelles les fonctionnaires non seulement dcident de qui sera maintenant jug

    et de qui sera dtenu, et o ils disposent aussi du pouvoir de dcider combiende temps un personne sera dtenue (Butler 2003, p. 265).

    Et Butler explique clairement l'inventivit de l'administration militaire qui conseille leurcommission d'viter aussi la contrainte du tribunal militaire aux prisonniers et aux dtenus dansle but de les maintenir dans l'attente et dans l'incertitude quant la fin de leur dtention, toutceci ayant pour but de faire de ces personnes des terroristes de la pire espce , desbarbares qui mritent qu'on les rduise au statut d'animal . Mais Guantanamo est-il si nouveauet exceptionnel ? N'est-ce pas l'acceptation de la codification d'une situation en termes dedanger ? Le camp X-Ray est certes, par l'extrme mpris des droits de l'homme qu'il manifeste,une pratique spcifique qui a commenc cet endroit, et qui est assortie d'une nouvelle formede lgitimation (le soi-disant moindre mal de Michael Ignatieff[7]), mais il constitue aussi etsimplement la prolongation de la dtention des Hatiens qui se faisait l auparavant. Il a

    intensifi une logique qui est interne au libralisme mais qui est contrl par le libralisme, enbref qui est contenu par le libralisme dans le double sens du terme. Ds lors, comme nousl'avons expliqu ailleurs, Guantanamo a peut-tre plus en commun avec la situation de la prisonde Belmarsh au Royaume Uni, avec le centre de rtention des trangers aux frontires (etau-del) de l'Europe, qu'avec le camp nazi (Bigo 2007). Le camp est une fausse perspective

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    pour analyser le temps prsent et plus encore pour analyser le futur. Guantanamo est enracindans les mcanismes de la dmocratie plus que dans une tendance vers le totalitarisme. Cetteexprience est plus lie au mcanisme de surveillance et de contrle de police et des services derenseignements, cette tendance consistant surveiller le futur, plus qu' la figure du passredevenant futur du Camp comme matrice de l'tat d'exception.

    En considrant toujours le renouveau du totalitarisme comme une possible tendance, et lapermanence d'un tat d'exception grandissant, Agamben ne parvient pas saisir l'analyse duprsent et du pass des rgimes libraux. Il ne regarde pas tellement en dtail l'acceptation

    sociale de la surveillance qui s'explique par le dsir d'tre protg, par la raction face l'irruption de violence dans une vie pacifie , la multiplicit des rsistances. Il chercheseulement trouver des lments de la vie nue dans les vies enserres par les codifications destrangers et des demandeurs d'asile qui sont toujours des sujets de droit , qui ne risquentpeut-tre pas d'tre rduits la vie nue mais de multiples normalisations contradictoires puisque ce sont les personnes les plus soumises aux procdures de rglementation travers denombreuses lgislations et mesures administratives qui ont pullul depuis ces trente derniresannes. En vitant de discuter de la scurit globale, de la souverainet nationale et desobligations des droits de l'homme, il limite sa vision une approche volutionniste de laterminologie d' tat d'exception et revient en ralit ce qu'il avait critiqu, une forme depositivisme, mais au sens philologique du terme.

    Je ne commenterai pas ici la gnalogie de l'tat d'exception depuis les Romains jusqu'aux

    Etats-Unis en passant par les dcrets-lois de la Troisime Rpublique Franaise et lesprocdures italiennes, gnalogie dont le rcit est seulement racont travers la terminologieindfinissable de l'exception, confondue avec l'urgence, et avec les rgles d'aspect militaire, etce pour le seul bon droulement de l'argumentation[8]. Le compte-rendu historique est assezpauvre. Mais il a un effet : il donne le dveloppement gnral d'une tendance qui consiste dansle dveloppement des pouvoirs excutifs et administratifs comme signe d'un dplacement versl'acceptation permanente de l'tat d'exception.

    Mais, l'extension du pouvoir excutif concernant le parlement ne peut tre compris comme lalente transformation vers l'tat d'exception et la suspension gnralise de la loi. Au contraire, latransformation a cr une prolifration de lois et de rglementations, et de lois de drgulation.Nous sommes loin de toute simplification de la loi et de la concentration du pouvoir aux mains

    d'un seul acteur dcidant de manire ultime. L'interdpendance et la mondialisation ne sont pasdes signes d'homognisation et de concentration du pouvoir dans les mains de quelques acteurspuissants et souverains.

    En ne suivant que les doctrines de l'tat d'exception dans diffrents pays au lieu de faire uncompte-rendu socio-historique de leur gense, Agamben est en train d' inventer unetendance historique en inventant simplement un objet naturel appel tat d'exception comme figure du discours o les pratiques sont diverses. L'tat d'exception travers l'histoireest un terme trop vague. Pour justifier son type d'approche philologique Agamben insiste surl'nonc de l'tat d'exception qui agit comme une ralit. Il constitue un acte de parole , unnonc d'autorit dont l'origine rside dans la force de loi (Derrida)[9]. L'exception vient duhaut, de l'acte du souverain et nous pouvons voir comment les diffrentes doctrines et lesdiffrents souverains ont dclar le moment exceptionnel et quels effets s'en sont suivis.

    Mais contre Derrida et Agamben, il n'est pas certain qu'il existe une entit que nous puissionsappeler tat d'exception lequel serait la zone d'indtermination entre le juridique et lepolitique et qui produirait les mmes effets indpendamment de l'espace et du temps. L'tatd'exception a besoin d'tre analys partir de son milieu, de ses pratiques : des pratiques dedrogations, de lois essayant de rguler les comportements futurs adopter en temps de crise,ou les ambitions des militaires de diriger en important leur vision du monde en guerre l'intrieur de l'Etat, ou encore les technologies de surveillance, ou les hommes politiquesd'extrme droite mobilisant contre les trangers au nom du patriotisme, ou les architectures decontrle, et souvent un dispositif ou un diagramme organisant ces diffrentes fonctions. Lerduire une tendance homogne est problmatique, et il est mme choquant qu'Agambenrussisse dans son livre ne pas mentionner les pratiques de colonialisme comme forme d'tatd'exception, et manque ce-faisant la relation en construction entre exception, ban et diffrence

    coloniale (tranger et migrant).

    Le fait d'tre ainsi inattentif aux pratiques et de se concentrer sur les mots et sur les idesintellectuelles montre quel point Agamben est loign de Foucault. En tant que philosophedu langage, Agamben saute travers les sicles en jouant avec les mots. Mais, comme

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    l'explique Paul Veyne dans Foucault rvolutionne l'histoire, la figure du discours, le mot quiflotte au-dessus de l'histoire, l'objet (naturel) est seulement le pendant d'une pratique. Et Veyneutilise la figure du gouvern en avanant que : avant la pratique, il n'existe pas d'ternelgouvern qui pourrait tre cibl plus ou moins prcisment et l'gard duquel on pourraitmodifier son but afin de l'amliorer... l'ternel gouvern n'excde pas ce qu'on en fait. [10].L'histoire ne peut pas tre rduite un processus intellectuel qui est implacable autantqu'irresponsable et homogne. Et le discours n'est pas smantique : Loin de nous inviter juger des choses sur la base des mots, Foucault montre au contraire que les mots noustrompent, car il nous font croire en l'existence des choses, des objets naturels, des sujets

    gouverns, ou de l'Etat, l o en ralit ces choses ne sont que les pendants des pratiquescorrespondantes [11] ; une leon qu'Agamben devrait mditer pour l'histoire de la figure dudiscours de l'tat d'exception qu'il dcrit.

    La critique de Paul Veyne est centrale dans la mesure o Agamben, mais aussi Derrida etd'autres constructivistes (idalistes) homognisent trop souvent les diffrentes figures dudiscours et gnrent une histoire de la pense comme si elle tait une gnalogie des pratiques.La (dis)continuit possible de la figure du discours travers l'histoire d'un tat d'exception nepermet pas de l'analyser comme une matrice . En traitant de l'tat d'exception, un autreanalyste important, Pasquale Pasquino, a clairement distingu les diffrentes doctrines portantsur l'tat d'exception en insistant sur leur htrognit. Pasquale Pasquino et Michel Troperdans une srie de sminaire Sciences Po organiss par Bernard Manin et le programmeELISE (CERI 2004) ont montr que la formule tat d'exception comprise dans uneconstitution crite et dont on limite l'objet, l'espace et le temps d'exception, combine la miseen place d'une surveillance ex post des consquences, est, par les pratiques tablies quiincarnent une telle formule , l'oppos complet d'un moment d'exception lequel chappe,quant lui, la loi avant, pendant et aprs son application. Les deux logiques sont diffrentes etentretiennent des rapports de discontinuit. Pasquino a tabli une relation complexe entre normeet exception, entre ordre constitutionnel et exception, entre monisme et dualisme, entreconstitutions crites et orales qui montre que la formule tat d'exception renvoyant lasuspension de la loi est seulement un cas limite . De la mme manire, Troper a soutenula quasi impossibilit de suspendre la loi en gnral. Pour schmatiser, une premire logiqueconsiste dfinir l'tat d'exception en relation la norme (comprise non pas comme rgularitempirique mais comme ordre constitutionnel). Cela implique que la drogation est une dformation autorise de la rgle. La drogation est toujours partielle et ne peut

    suspendre l'ordre constitutionnel comme tel et encore moins toute loi rgulant la socit(mariage, etc...) et/ou les relations internationales au niveau mondial (la drogation n'est valableque sur le territoire tatique). L'exception est le contraire de la norme mais la norme recouvrel'exception (Dumont 1977)[12]. La deuxime logique est de donner l'exception la possibilitde reformuler les frontires du politique, de la souverainet et de la loi, de suspendre la loi et l'ordre constitutionnel. L'exception est le contraire de la norme, mais l'exception incarne lanorme. Contre cette structure, le seul auteur qui a essay de jeter un pont entre les deuxlogiques dans le but de dstabiliser l'ordre constitutionnel lui-mme est Carl Schmitt (etmaintenant Agamben ?), mais faut-il le(s) suivre ?

    Par exemple, quand Agamben avance dans une formule que la dclaration de l'tatd'exception est progressivement remplace par une gnralisation sans prcdent du paradigmede la scurit comme technique normale de gouvernement (Agamben 2003, p. 29), il soulveune question importante, mais il confond dans son dveloppement et dans ses exemplesd'abord, la dclaration lgale de l'tat d'exception avec le moment d'exception, ensuite leparadigme de la scurit avec le paradigme de l'Etat policier. Ces confusions, relies savolont de lire le prsent travers le futur possible d'un totalitarisme du biopolitique n dans lescamps nazis de la modernit, exagre paradoxalement l'actuel rhtorique des noconservateursen acceptant que leur dire correspond ce leur faire : Bush est en train de crer une situationo l'urgence est devenue la rgle et o la distinction mme entre la paix et la guerre (et entreguerre extrieure et guerre civile mondiale) devient impossible (Agamben 2003, p. 41). Mais,mme si la rhtorique de Bush et des no-conservateurs veut nous persuader qu'ils ont russi remodeler les concepts de guerre et que nous devons donc accepter la nouvelle manire deparler , dire qu'ils ont cr par leur rhtorique une situation d'indtermination n'est pas vraie.Cela dpendra de la manire dont le ban est accept. Beaucoup de gens rsiste cette

    propagande selon laquelle l'urgence devient la rgle et selon laquelle nous ne pourrions plusdistinguer entre guerre et paix. Nous pouvons utiliser l'Etat de droit comme facteur de rsistancecontre l'exceptionnalisme et contre cette stratgie qui rduit les prisonniers la vie nue ou qui,plus exactement, remodle les lois en donnant d'une part plus de pouvoir aux militaires et auxservices de renseignements en particulier, et d'autre part moins de pouvoir aux juges et surtout

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    aux avocats.

    Si je ne suis pas d'accord avec Agamben ce n'est donc pas en raison de son approche gnralede la question qui fut l'une des premires au ct de celles d'Armitage, de Dillon et de Walker tre clairement pose, mais c'est beaucoup plus en raison de cette vision inluctable de l'histoired'abord qui fait apparatre un glissement lent, homogne et permanent vers l'tat d'exceptiondtruisant la dmocratie et c'est ensuite en raison du genre de rsistance qu'il propose et qui estune forme de nostalgie, une forme de romantisme des valeurs thiques, sans aucune chance desuccs. Agamben dsespre trop tt de la dmocratie, il ne voit pas le rle de l'Etat de droit, des

    juges et de la sparation des pouvoirs. Il n'analyse pas les mcanismes par lesquels l'exercice dupouvoir cre simultanment les conditions d'exercice des rsistances, en mobilisant parfois lessecteurs les plus traditionnels et conformistes comme ce fut le cas de la Chambre des Lords enAngleterre laquelle s'leva contre cette nouvelle manire de parler. Hidemi Suganami, ElspethGuild, Richard Falk ont argument constamment que la rsistance travers la loi, la foisnationale et internationale tait centrale, qu'il tait possible de condamner la position unilatraledes Etats-Unis, leur violation des droits de l'homme Abu Ghraib et Guantanamo (etcertainement ailleurs), et peut-tre mme leur stratgie de le faire ouvertement et leur tentativede justification. La capacit de raction des Cours est toujours lente mais elle est aussi puissanteet fonctionne comme une limite la permanence de l'tat d'exception. Elspeth Guild dans sonarticle sur le rle des cours europennes et nationales a montr comment l'europanisation atransform la conception de la souverainet en limitant la capacit des gouvernements nationaux avoir le dernier mot sur la mise en place de drogations. Ceux-ci sont contraints par des rglesprtablies et par le contrle de juges trangers qui ne sont pas enclins la dfrence. Deplus les juges doivent interprter les rgles qui dlimitent les frontires de l'tat d'exception, etceci ne consiste jamais en une suspension de la loi. Ds lors le pouvoir excutif n'est pas libre de dcider souverainement. Il est contraint par toutes formes de rsistance qui viennent del'opinion publique, des mouvements civils, des militants des ONG, des membres de certainspartis politique, et souvent des juges qui osent interprter de manire restrictive les limites del'exception, qui savent soumettre celle-ci l'Etat de droit en suspendant la suspension ou enannulant la suspension de mesures spcifiques. Certes ils ne sont que la surface visible duiceberg de la contestation mais ils sont souvent la partie la plus visible (Guild 2006). C'est aussila position de Judith Butler comme le souligne les propos suivants :

    Je ne m'intresse pas l'Etat de droit per se, mais seulement la positionoccupe par la loi dans l'articulation d'une conception internationale des droits etdes obligations qui limite et conditionne les revendications de l'Etat souverain...et je pense qu'un nouvel internationalisme doit se battre pour les droits dessans-Etats, et pour des formes d'autodtermination qui ne prennent pas commesolution les formes cyniques et capricieuses de la souverainet tatique. (Butler2003, p. 278)

    Au-del de cette diffrence entre la capacit de rsistance par la loi ou non, Agamben nglige cequi est plus central encore, la diversit et l'htrognit du paradigme scuritaire. Loin d'treune tendance homogne, celui-ci est au contraire le terrain de rapports de force et de luttes quiopposent les Anciens et les Modernes, l'administration de la vie et le pouvoir de tuer,l'administration prive des techniques de scurit et la lgitimit publique du monopole de laviolence. A l'instar d'autres partisans de Gauche, Agamben considre de manire homogne latendance qui conduit l'tablissement d'un tat d'exception permanent gagnant le cur de

    l'opinion publique, et il devient de plus en plus litiste l'heure d'en appeler quelque chose ouquelqu'un qui puisse dclencher la sonnette d'alarme qui rompe le lien entre violence et droit. Ilconsidre qu'il existe une sorte de mondialisation de la guerre et de l'(in)scurit menant unnouvel Empire qui internaliserait et toufferait plus ou moins les rsistances. Pour les partisansde cette vision, nous serions non seulement au-del des Etats libraux mais aussi et dj sur lechemin moderne du camp gnralis et de la guerre civile globale. D'o le besoin de se saisir deCarl Schmitt, mme si Agamben est en dsaccord avec la conclusion de ce dernier pour inclurela violence dans le droit.

    La fascination d'Agamben pour Carl Schmitt ne vient pas du tout d'une adhsion sonidologie. Au contraire, Agamben sait que par sa critique du parlementarisme et de sa distinctionentre parlementarisme et dmocratie, menant une vision o la dmocratie est ralise quandl'homognit est parfaite, Carl Schmitt est dangereux. Il sait comment ce type de dmocratiehomogne conduit au totalitarisme travers l'acceptation d'une forme de dcisionnisme duleader porte-parole du peuple. Il sait que les critiques de l'quilibre du pouvoir et de l'incapacitde dcider temps mne la formule infme : le souverain est celui qui dclare l'exception(ou plus exactement celui qui peut prendre les dcisions dans les situations d'urgence) (Butler2003. p. 218), et que les motivations politiques sont au cur de cette affirmation brutale,

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    justifie par Schmitt comme tant la seule manire de limiter la guerre, la future guerre civilemondiale. Il a conscience que ce dcisionnisme n'est pas fond dans n'importe quel systme niprcd par n'importe quel principe et est vritablement une affaire de dcisions partir derien , rien sauf la volont du leader. Cela ne fait aucun doute. Agamben a lu la constitution dela libert et de la lgislation national-socialiste et le rglement d'ordre public qui ont t les deuxprincipales justifications par Schmitt des lois de Nuremberg. Il n'est pas de ceux que Zarkacritique et qui essayent de cacher ces textes de Schmitt des fins de rhabilitation intellectuelleconforme leurs propres intrts. Mais il est peut-tre l'un de ces auteurs de la gauchepost-marxiste, dsormais discrdite et qui utilise Schmitt comme substitut... au lieu de laisser

    Schmitt - pour citer Erich Kaufmann - dans le mirage de son nihilisme et de sa versionnational-socialiste (Zarka 2004, p. 92).

    Peut-tre Zarka a-t-il raison. Peut-tre exagre-t-il dans sa fougue. Schmitt mrite d'tre tudien tant que thoricien politique, mais jamais indpendamment de son contexte. En ralitAgamben est selon moi attir par un lment spcifique de Schmitt : la topologie des limites queSchmitt prsente pour expliquer la morphogense de la diffrence entre le politique et lejuridique, l'institu et l'instituant, le moment d'exception et la loi. C'est l'esthtique de cedplacement chez Schmitt qu'Agamben considre comme central pour son explication des origines . Ds lors, Agamben essaie d'extraire de Schmitt une forme qu'il pourraitremodeler en rconciliant la dmocratie comme diffrence et le politique au sens schmittien.

    Il refuse, comme Schmitt, le caractre naturel de la distinction entre intrieur et extrieur, et le

    mythe des origines de l'Etat et de la loi (Sala Molens 1974). Il refuse le principe deco-constitution et se demande ce qui vient en premier, question que le positivisme ou le droitnaturel a du mal traiter. Agamben explique que si l'essence de l'tat d'exception est une suspension (partielle ou totale) du systme juridique, comment une telle suspension peut-elletre encore comprise dans l'ordre lgal ? (Agamben 2003, p. 42). Et il rpond : en vrit,l'tat d'exception n'est ni intrieur ni extrieur l'ordre juridique et le problme de sa dfinitionconcerne un seuil ou une zone d'indistinction, o intrieur et extrieur ne s'excluent pas, maiss'in-dterminent. (Agamben 2003, p. 43). Et il ajoute que son intrt pour Schmitt consiste analyser comment Schmitt transforme l'opposition topographique en une relation topologiqueplus complexe o se joue la limite mme du systme juridique. (Ibid.). Schmitt russit prsenter une articulation de ce qui est normalement spar sans subsumer cette explicationsous une thorie de l'tat de ncessit. Cette articulation consiste distinguer entre la norme et

    la dcision. Dans l'tat d'exception la norme est suspendue mais le moment de dcision esttoujours existant et compris par le juridique. C'est pourquoi l'tat d'exception est prsentcomme le moment souverain. Le souverain est celui qui se tient l'extrieur de l'ordre juridiquenormal, mais qui est toujours l'intrieur dans la mesure o il dcide si la constitution doit treou non suspendue. Et Agamben de conclure : l'tat d'exception spare la norme de sonapplication pour rendre celle-ci possible. Il introduit dans le droit une zone d'anomie, afin derendre possible la normation effective du rel. (Agamben 2003, p. 64) C'est une force de loisans loi o la force de la loi est spare de la loi. Et la runification est possible seulement sil'on croit que cette suspension de la loi libre un lment mystique, un mana juridique partirduquel le juridique essaie de ressaisir son propre manque. Et ce mana est peut-tre ce queSchmitt appelle le politique, et ce qu'Agamben dsigne sous le nom de zone d'indistinction, leban, qui, dans le nomos de la terre, est identifi au camp lev au rang de paradigme de lamodernit (Agamben 1997, p. 175 ; p. 181).

    Ainsi, sur le plan topologique, les deux sphres du politique et du juridique, de la dcision et dela norme sont spares la fois spatialement et temporellement car ils ne sont pas spars unautre niveau. Ils forment une hirarchie au sens de Louis Dumont, de l'englobement ducontraire selon lequel un lment est simultanment l'oppos d'un autre un niveau et latotalit un autre niveau. Ainsi Adam est une partie de l'humanit, l'oppos de Eve mais Adamest aussi l'Humanit dans son ensemble (Dumont 1977).

    Agamben, comme Schmitt, rintroduit la hirarchie comme domination d'un lment sur unautre lment quivalent en organisant un mta-niveau considr comme zone d'indistinction.Le politique, l'exception ou le ban, sont alors l'origine du juridique, du normal, comme la cted'Adam est l'origine d'Eve. Tout est driv d'une essence qui peut tre trouve dans l'tat

    d'exception et la dcision souveraine. Mais alors l'tat d'exception n'est pas un entre-deux de la dmocratie et du totalitarisme comme il le disait au dbut. L'tat d'exception est l'originede n'importe quelle forme de rgime, c'est la vrit , l'ternelle vrit du politique. Et leprsent rvle la profonde similarit, au-del des diffrences illusoires, entre totalitarisme etdmocratie travers le camp . Le camp qui a la mme fonction dans tous les rgimes, cellede rduire les tres humains la vie nue, mme si la radicalit n'est pas la mme puisqu'elle est

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    consiste pour l'un dans le pouvoir de tuer (le totalitarisme) et pour l'autre dans l'administrationde la vie (la dmocratie).

    Mais Agamben doit maintenant faire face aux consquences de cette lvation de l'exception aurang de principe gnrant la norme. Et la seule solution pour ne pas adhrer au fascisme deSchmitt est d'opposer l'exception spcifique de Schmitt et l'exception gnralise de Benjamin.Mais il ne s'agit pas d'tre compltement d'accord avec Benjamin non plus. De manire retorse,Agamben explique que, dans un monde d'exception gnralis provoque par la violencegnralise, Schmitt peut tre vu comme une rponse positive. Pour Schmitt, dit Agamben, il

    ne saurait y avoir de violence pure, c'est--dire absolument en-dehors du droit, car dans l'tatd'exception elle est incluse dans le droit en raison de son exclusion mme. (Agamben 2003, p.93). L'tat d'exception est donc un miracle de dcision (et d'ordre) pour Schmitt, l'oppos dusouverain baroque de Benjamin qui ne peut jamais dcider, dans la mesure o Benjamin refuseironiquement le mana juridique et le contact entre les deux sphres qui maintiennentmystrieusement leur diffrence et leur similarit. Pour Benjamin, aucune transcendance nepeut fonctionner. Et le normal, le juridique subvertiront toujours la prminence de l'exception,en transformant l'exception en rgle, et en r-tablissant de fait une violence pure l'extrieurde la loi. La loi ne peut pas continuer tre reprsente comme incluant la violence et commemode de rgulation de cette violence qu'elle soit d'origine normale ou exceptionnelle. Lepolitique ne peut pas exclure sa relation la violence. Si effectivement Ren Girard, MichelSerres ou Pierre Legendre ont essay de traiter ce point central de la morphogense de laviolence et du politique comme tant deux formes relies au sacr ou au religieux, en prenant ausrieux la question de Benjamin et de Sorel, Giorgio Agamben quant lui n'est pas vraimentexplicite sur sa propre position (Legendre 1974). Il prfre dans son ouvrage s'arrter ets'engager dans une exprience historique qu'il connat : la rponse est chez les Romains. C'est ladiffrence entre auctoritas et potestas. Et pour la premire fois dans le livre, il est oblig dejuger de qui est souverain en distinguant le biopolitique de l'auctoritas et le juridique de lapotestas, en distinguant le pouvoir excutif des juges, ce qui le mne au parlementarisme, maisil refuse de traiter de Montesquieu et de la possible radicalisation du rle du juge face celui quidcide et de la possible mfiance des juges vis--vis du pouvoir. Il considre commeBenjamin que la loi est une fiction et que les juges sont une partie du pouvoir souverain :

    De l'tat d'exception effectif o nous vivons, le retour l'tat de droit estimpossible, puisque ce qui est en question maintenant ce sont les conceptsmmes d' tat et de droit . Mais s'il est possible de tenter d'arrter la

    machine, d'en montrer la fiction centrale, c'est parce que entre violence et droit,entre vie et norme, il n'y a aucune articulation substantielle. (Agamben 2003, p.146)

    La solution rside alors pour lui non pas dans l'Etat de droit mais elle consiste insister surl'ide que la distinction entre vie et droit, entre anomie et nomos, produite par l'tatd'exception est efficace mais fictive. (...) La vie nue est un produit de la machine et nonquelque chose qui lui prexiste. (Agamben 2003, p. 147). Le droit entretient une non-relationavec la vie. Et ce qui est vraiment politique c'est seulement l'action qui coupe ce lien entreviolence et droit. Est-il possible d'avoir une politique sans mythe et totalement contingente etrationnelle dans son auto-organisation ?

    Louis Sala Molens a insist ironiquement sur la recherche des origines lie la scularisation du

    politique lequel est apprhend, d'une part, comme pure raison et, d'autre part, comme l'actiondirige contre la religion de la violence et la religion du droit. Il montre que le contrat social soustoutes ses formes est de mme type que la relation entre Dieu et Moise. Quand Moise rencontreDieu, Jehovah lui demande de se retourner, et sous son commandement Moise reoit, enmontrant ses fesses, les tables de la Loi. La qute de ce qui est premier est toujoursambige et indiffrente la morphognse des diffrentes topologies qui sont co-constitutives.

    La hirarchie comprise comme ce qui englobe son contraire est souvent une forme de mythe,qui gnre des distinctions partir de l'indistinction. L'auto-organisation comme contingenceradicale est elle-mme tout fait impossible. La fermeture des limites renvoie ce queFrancisco Varela appelle la cloture oprationnelle ou la cloture par couplage paropposition l'input coupl . Les limites ne sont pas toujours, comme dans un tore,orientables et finies. Et la forme laquelle recourt Agamben dans Homo Sacer Ipour expliquer

    sa vision est l'image de deux tores entremls, soit une figure hirarchique, mme s'il voque ledouble ruban de Moebius (Agamben 2002, p. 38). Et il pose que :

    L'tat de nature et l'tat d'exception ne sont rien d'autre que les deux cts d'unseul processus topologique o ce qui tait considr comme extrieur (l'tat denature) rapparat dsormais, comme pour le ruban de Moebius ou une bouteille

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    de Leyde, l'intrieur (comme l'tat d'exception) et le pouvoir souverain estprcisment cette impossibilit de distinguer entre extrieur et intrieur, nature etexception, physis et nomos. L'tat d'exception est alors non pas tellement unesuspension spatio-temporelle qu'une figure topologique complexe o nonseulement l'tat d'exception et la rgle mais aussi l'tat de nature et le droit,l'extrieur et l'intrieur s'entremlent (Ibid., p. 37).

    Mais, justement sur un ruban de Moebius les limites n'ont pas de direction et ne sont pas finies(Bigo 2006b). Ds lors, il diffre de la figure dessine par Agamben. Et, dans ce cas laspatialisation n'est pas objective, il n'est pas possible de tracer une fois pour toutes l'extrieur

    et l'intrieur, mme en jouant avec le temps et le moment de la dcision. Mais cela ne signifiepas la dissolution complte des frontires et l'mergence de l'indistinction. Ceci est central pourl'argumentation. Les limites entre exception et nature sur le ruban de Moebius apparaissentdiffremment chaque observateur, soit l'intrieur du ruban soit l'extrieur. Ce qui est vupar certains comme figurant l'extrieur est vu par d'autres comme figurant l'intrieur, et viceversa, mais personne ne dira que c'est compltement indistinct, de la mme manire quepersonne ne se mettra d'accord sur la localisation de la frontire (contrairement une tour, uncylindre ou un cercle). Le ruban de Moebius reprsente donc la topologie typique desperspectives intersubjectives qui diffrent non pas sur l'attestation de l'existence de telles limitesque sur leur localisation. La violence, le politique et le droit ont des frontires, ils ne rsident pasdans une zone d' indistinction (Bigo/Walker 2007). Mais chacun d'entre nous dessine desfrontires diffrentes et inclut la violence dans le politique ou le droit selon son propre point devue. Aucun accord ne viendra d'une vision du dehors . Aucun accord ne viendra du lieumythique o un lment arrive subsumer la totalit. Personne ne trouvera l' aleph , le lieulocal duquel il est possible de voir la totalit des points de vue (comme dans L'Aleph deBorges). Le ruban de Moebius est la topologie du dsaccord et du conflit. C'est la topologie del'inter-individualisme. Le rsultat peut tre la dformation du droit par la violence, oul'absorption et l'englobement de la violence dans le droit, mais ce rsultat peut toujours trecontest par d'autres points de vue, et il peut aussi prendre la forme d'une dmocratie fondesur le dsaccord et le conflit. Il faut ajouter cela que la topologie n'est pas homogne etdpend des multiples pratiques tablies par les diffrents points de vue. La topologie de Schmitt(et d'Agamben) objectivant l'intrieur dans l'extrieur et l'extrieur dans l'intrieur en crant unezone d'indistinction entre les deux est dangereuse dans la mesure o cette topologie essaie decirconscrire la pluralit des points de vue. L'ouverture que permet le ruban de Moebius est-ellepour autant une solution ? Ce n'est pas certain mais elle est en tout cas plus pertinente pour

    expliquer le Ban dans la mesure o elle n'est pas limite la perspective d'un souverain etqu'elle inclut au contraire des perspectives de rsistances comme celles des victimes.

    Nuisible au philosophe , la trop grande simplification ne fonctionne pas. Les tatsd'exception dcrts par les juges, les politiques ou les militaires sont diffrents formellement(qu'ils soient dclars ou non), dans le but (limit ou non) qu'ils s'assignent, dans leur impact(qui affectent les droits de l'homme, lejus cogens, la libert, l'intgrit de la vie). La sociologieet l'histoire sont encore ncessaires. Ce dont nous avons besoin c'est de suivre les pratiquesdans leurs particularits au lieu d'une thorie gnrale de l'tat d'exception travers l'histoireoccidentale :

    Nous devons faire attention pour viter le faux problme verbal tel quel'idologie ou les relations de production (ou l'tat d'exception). Nous devons le

    rduire l'exprience ordinaire, nous devons l'historiciser. Et, alors, la placeauparavant occupe par la grande chose qui faisait son chemin sans tre nomm,apparat un trange petit objet, un bibelot bizarre que nous n'avions jamais vuauparavant[13].

    L'illusion de l'objet naturel cache le caractre htrogne des pratiques. L'tat d'exception n'estpas un programme et ne peut pas tre rsum par un camp. Ce n'est pas l'actualisation traversl'histoire d'une ide du politique. C'est le rsultat spcifique dans sa forme actuelle demultiples facteurs, irrductible la grande thorie comme telle. Comme le pose VivianeJabri :

    Un tat d'exception n'est pas toujours gnralis ou gnralisable, mais il estcelui dont font l'exprience particulire les diffrents secteurs de la populationmondiale. C'est prcisment cette exprience diffrencie de l'exception dont

    rendent compte des pratiques aussi diverses que la mise en place des techniquesd'interrogation par les services de renseignements militaires au Pentagone, lesdispositions rcentes des mesures anti-terroristes (y compris les assignations rsidence) au Royaume-Uni, la large gamme de pratiques d'incursion traversles Etats-Unis, les discours lgitimant l'invasion de l'Irak. (Jabri 2006, p. 21)

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    Ainsi, le fil permettant Agamben et d'autres de rendre compte de la structuration desdiscours et des pratiques de drogation la loi, de l'tat d'exception l'intrieur de laconstitution, de l'tat d'urgence et de la justification de l'action immdiate dans le but de ragir la nouveaut radicale de la violence, est nanmoins importante une fois relativise sa prtention rsumer l'histoire. Essayons par consquent d'introduire de la mthodologie foucaldiennesrieuse, au sens de Paul Veyne, dans le rcit fait par Agamben. Pour ce faire, il convient derevenir au cur de la discussion d'Agamben propos de l'tat d'exception, savoir la zoned'indtermination qu'il appelle aussi Ban, ce qui nous permettra ensuite de comparer sa visiondu Ban avec celle de Jean-Luc Nancy.

    Le Ban selon Giorgio Agamben et Jean Luc ancy

    Le Ban pour Agamben est dtermin par sa relation au Souverain, par le pouvoir que celui-ci ade dcider qui doit tre exclu. Comme il le dit : Celui qui a t banni n'est pas en ralitsimplement mis l'extrieur de la loi et devenu indiffrent celle-ci, mais il est pluttabandonn par elle, il est expos et menac au seuil o la vie et le droit, l'extrieur et l'intrieur,ne peuvent tre distingus (Agamben 2002, p. 28). Le ban est alors une consquence del'exception souveraine, et le ban cre l'Homo Sacer, celui qui peut tre tu n'importe quelmoment, sans honneurs ni rituel. Le ban est donc la zone o la loi se maintient dans sa propreprivation, et s'applique en ne s'appliquant plus . Agamben insiste sur les rsultats de ladpolitisation de la vie et sur la tendance du pouvoir (tout pouvoir politique) rduire la vie la

    vie nue. Pour lui, Carl Schmitt et Walter Benjamin peroivent ce que Michel Foucault n'a pasvu : ils ont vu le moment souverain, ils ont compris le vrai moment politique avec ladclaration d'exception, au-del de la gouvernementalit. Agamben insiste dessus dans HomoSacer I : la thorie de Foucault, parce qu'elle manque l'analyse de l'exception, n'tait pas enmesure de traiter l'existence prcise des camps de concentration et le fait fondamental de lamodernit, savoir que la polarisation du pouvoir et de la vie nue est possible et qu'elle conduitde fait toutes les pratiques contemporaines du pouvoir, y compris celle des Etats libraux etdes dmocraties ; Le dveloppement contemporain, la tendance l'exception vient de cettetendance appliquer le pouvoir jusqu' ses dernires limites, c'est--dire liminer le politique(les formes de vie) de la vie du peuple ( la vie nue) et de rduire le politique au momentd'exception absolue et spcifique de la dsignation de l'ennemi et de son limination relle ouvirtuelle. Et c'est pourquoi le camp est le nomosde la modernit. Le sujet ultime qui a besoind'tre exclu et inclu en mme temps dans la cit est toujours la vie nue. Agamben, en suivant laconception benjaminienne / schmittienne finit par ngliger la gouvernementalit et le rseaude pouvoir et de rsistance. Il oublie la rsistance des faibles dans le ban et leur capacit continuer tre humain et subvertir le rve que le pouvoir a de tout contrler. Il estbenthamien et non foucaldien. Et son approche va l'encontre du type de position que PrimoLevi, et d'autres, ont avanc concernant les camps de concentration, en insistant sur leurrsistance. James Scott a montr de la mme manire dans un contexte similaire la rsistance l'esclavage des faibles et le pouvoir des manuscrits cachs (Scott 1990).

    C'est ce moment prcis qu'il est important de revenir Jean-Luc Nancy. Selon Agamben, lanotion de ban chez Nancy vient de l'ancien terme germanique qui dsigne aussi bienl'exclusion de la communaut que le commandement et l'enseigne du souverain (Agamben1997, p. 36). Jean-Luc Nancy rflchit sur les thories du bouc missaire et sur la fondation de

    la violence et de la religion. Et il s'intresse la gnalogie du politique et aux racines religieusesde celui-ci aussi bien qu'au sens du politique et ses retraites ncessaires. Il se concentre sur lesmcanismes qui composent les frontires de l'exclusion et prte attention aux interactionsvenant du haut (la souverainet) mais aussi celle venant du bas (la communaut). Ainsi il meten vidence la manire dont se structure la relation la victime et la manire dont se positionneles tiers parties qui ne sont ni souverain, ni sacer. Dans ce cas la victime est certes l'objet du pouvoir souverain dans la mesure o l'tat d'exception dcide chaque fois qui est rejetdans la vie nue et qui dispose encore de formes de vie, mais cela dpend de la communautelle-mme et de la manire dont elle accepte (ou non) la diffrenciation entre ces derniers etceux qui sont exclus. En ce sens, Nancy est plus foucaldien puisque l'exercice du pouvoirgnre l'exercice de rsistance corrlative :

    La mondialisation est nue et infinie : le sens n'est plus donn. Cette manire de

    rejeter le sens n'est pas loigne de la conception de mon ami Agamben mais jene partage pas exactement son sens de la dramatisation de ce qu'il appellebiopolitique. J'insisterai plus qu'il ne le fait sur la rsistance, rsistance qui est iciinvitable, diffuse, ct des pires menaces et mmes parfois l'intrieurd'elles... Ce qui est suspendu entre la survie et le suicide - et nous sommestoujours tents de dramatiser notre situation prsente de cette manire - c'est

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    aussi une suspension qui libre en silence des possibilits insouponnes. (Nancy2000).

    La notion de ban de Jean-Luc Nancy n'est pas vraiment dveloppe mais il semble que ce soitune approche plus intressante, une micro chelle pour saisir les diffrents assemblagesou dispositifs normalisant et disciplinant (avant mme l'intervention d'un Etat ou d'un Etatsouverain), et c'est cette approche dont j'aimerais ici rendre compte.

    Dans la perspective propose, le ban ne doit pas tre confondu avec la dclaration de l'tatd'exception par le souverain comme c'est le cas chez Agamben. La dclaration de l'tat

    d'exception est la relation de l'Etat au ban, c'est--dire la relation des exclus au souverain quand la prtention du porteur de la souverainet tre unique a t pleinement satisfaite (cequi n'est pas toujours le cas). Le ban ne doit pas tre confondu avec la pure violence extrieureau droit ou avec le point de fusion mlangeant violence, politique et religion, mme si cetteapproche est plus juste. Le ban est, dans ma perspective, le processus par lequel les frontiressont traces entre l'exclusion, la disciplinarisation et la normalisation. C'est une relation dontl'origine se trouve dans des pratiques trs spcifiques.

    Pour dcrire les pratiques de drogations qui ont fleuries depuis le 11-Septembre dans desrgimes libraux mais travers des pratiques non librales, je propose en fait de combinerl'approche du ban de Jean-Luc Nancy avec l'approche foucaldienne du panopticon commedispositif. Le but est de saisir les pratiques tablies par les politiques antiterroristes de certains

    pays occidentaux, de comprendre, d'une part, l'exclusion des trangers et des migrants (ycompris ceux n comme citoyens de cet Etat) en tant qu'trangers bizarres, anormaux, etd'autre part, de voir comment ces pratiques construisent la notion d'indsirables ( travers lesvisas et les passeports technologiques), mais aussi comment des lois spciales et des lieuxspciaux de dtentions semblent s'appliquer certains (Guantanamo, Belmarsh, Abu Ghraib)quand d'autres lois et technologies semblent s'appliquer tout le monde (carte d'identit,software Carnivore, bases de donnes Total Information Awareness) : tout ceci en gardanttoujours l'esprit la co-constitution de ces mcanismes et la diversit de leurs acteurs.

    Cette approche est clairement plus sociologique que philosophique au sens traditionnel duterme. Mais, comme Agamben, j'aimerais traiter de la priode actuelle qu'on appelle guerrecontre la terreur et surveillance globalise en discutant la notion de ban. J'aimerais analyser leslogiques de surveillance d-nationalises et d-territorialises qui sont relies au contrle de

    catgories spcifiques (pauvres, migrants, indsirables ) que j'ai appel ailleurs lagouvernementalit du malaise et le dveloppement d'une (in)scurit globalise. Ce sera l'objetd'un autre article qui traitera du panopticon de Michel Foucault en relation avec ce que j'appellele (Ban)opticon (Bigo 2006c).

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    [1] Cet article est la transcription d'une confrence prononce lors de la rencontre organise parl'International Studies Association, Town & Country Resort and Convention Center, San

    Diego, en Californie le 22 mars 2006, et dont le caractre oral a t conserv.

    [2] Voir la liste dans la bibliographie (NdA).

    [3] Agamben 2003, p. 10.

    [4]Ibid.

    [5]Ibid., p. 11.

    [6] Agamben utilise absolutisme seulement dans cette expression et parle de totalitarismepartout ailleurs, peut-tre parce qu'un lien aussi direct entre les deux ralits le rendait mal l'aise.

    [7] Ignatieff 2004.

    [8] Virilio insite sur la diffrence entre l'tat d'exception et l'tat d'urgence. L'tape finale del'tat d'urgence est relier l'infowar(la guerre de l'information ). Voir aussi Bonditti 2005.

    [9] Ici rside peut-tre chez Derrida le lien entre une vision schmittienne et une visionconstructiviste de gauche inspir de Wittgenstein. Ils partagent la mme fascination pour lepouvoir du mot sur le monde. Pour une critique de cette fascination, voir Bourdieu, Pierre,1984,Homo academicus, collection le sens commun , Paris, Editions de Minuit.

    [10] P. Veyne in Davidson 1997, p. 155.

    [11]Ibid. , p. 157.

    [12] Pour une explication du principe hirarchique chez Louis Dumont, voir infra.

    [13] Veyne 1979, p. 158.

    Pour citer cet articleDidier BIGO, Exception et ban : propos de l' tat d'exception ,Erytheis, 2, novembre 2007, http://idt.uab.es/erytheis/bigo_fr.htm

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