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UNIVERSITE DE :
Bordeaux 2
Évaluation du test en rétropulsion contrariée à 90°
d’élévation du bras dans les lésions acromio-
claviculaires (AC) dégénératives. Diagnostic values of the acromio-clavicular resisted extension test for isolated chronic
acromio-clavicular lesions.
Mémoire présenté en vue de l’obtention du
Diplôme d’Etude Spécialisé Complémentaire (D.E.S.C)
Chirurgie Orthopédique et Traumatologique
Laporte Maxime Bernard Philippe
Né le 09 juin 1976 (Clermont Ferrand)
Sous la direction de : Dr P. Desmoineaux
(et Dr P. Boisrenoult, Dr P. Beaufils)
2
Sommaire
1. Introduction
2. Matériel et méthode
a. Recueil des données
b. Les quatre tests cliniques et leur description
c. Le test de rétropulsion contrariée (ou test de Jacob)
d. Analyse IRM
e. Constitution des groupes (1, 2 et 3)
f. Etude statistique
3. Résulats
a. Description de la série, dans les 3 groupes (n = 153)
b. Résultats statistiques (p, Se, Sp, VPP, VPN)
4. Discussion
5. Conclusion
6. Bibliographie
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1. Introduction
L’origine acromioclaviculaire (AC) d’une douleur de l’épaule est difficile à
affirmer cliniquement. Aucun test clinique ne semble suffisamment spécifique
dans la littérature [1, 2]. Le diagnostic est actuellement porté sur un faisceau
d’arguments cliniques et d’imagerie. La pathologie AC est source de douleur
quelque soit le niveau d’activité : des sédentaires aux athlètes [1]. Elle peut être
asymptomatique [3] ou associée à d’autres pathologies (instabilité d’épaule,
tendinopathies de la coiffe, perforation de la coiffe, tendinopathie calcifiante,
omarthrose, raideur, conflit sous acromial)[4-6]. Du diagnostic dépend
l’efficacité de la thérapeutique. Le traitement proposé actuellement est la
résection distale de la clavicule sous arthroscopie [7, 8]. Mais celle-ci peut
présenter des complications : instabilité antéro postérieure de la portion distale
de la clavicule [8], persistance de douleur en post opératoire [9]. Elle peut
rallonger inutilement la durée opératoire et les suites. Il est donc important de
bien distinguer les douleurs d’origine AC des autres pathologies de l’épaule. Le
diagnostic d’une atteinte acromioclaviculaire [3] est porté sur l’anamnèse,
l’examen clinique associés à l’imagerie, et au test positif à l’infiltration de
l’articulation acromio-claviculaire [10, 11]. L’existence d’une douleur
provoquée en rétropulsion contrariée à 90° d’élévation du bras, a été proposée
pour le diagnostic des lésions AC pures dégénératives, par Jacob en 1997 [12].
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Aucune étude prospective validant ce test n’a été publiée, l’analyse de la
littérature ne retrouve que peu d’études s’intéressant au diagnostic clinique des
pathologies acromioclaviculaires [1, 2] . L’objectif de cette étude était d’évaluer
la valeur diagnostique de ce test, en déterminant sa sensibilité (Se), spécificité
(Sp), valeur prédictive positive (VPP) et négative (VPN) et l’exactitude du test
(Accuracy en anglais).
2. Matériel et méthode
a. Recueil de données
Il s’agit d’une étude prospective, multicentrique réalisée de janvier à juin 2007,
dans les services d’orthopédie du centre hospitalier de Versailles (78), de la
Clinique du Tondu (33), de la Polyclinique val de Loire (Nevers) , et de la
Polyclinique St Joseph (Senlis). Le protocole a été soumis au comité d’éthique
du centre hospitalier de Versailles.
Les patients consultant pour une douleur de l’épaule (uni ou bi latérale)
chronique (depuis plus de trois mois) ayant été ou pouvant être explorés par
IRM, ont été inclus. Les informations concernant, l’âge, le sexe, l’activité
professionnelle ou de loisir étaient recueillis. N’étaient pas inclus dans l’étude :
les patients aux antécédents traumatiques récents (moins de 3 mois), de
chirurgie de l’épaule (arthroscopie, ciel ouvert), et ceux ne pouvant pas être
explorés par une IRM, ou chez lesquels nous ne pouvions pas réaliser les tests
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cliniques, ni le test à la Xylocaïne®. Les patients qui avaient été explorés par
arthroscanner n’ont pas été inclus.
Les tests furent réalisés par des chirurgiens orthopédistes séniors, spécialisés
dans la chirurgie du membre supérieur. Chaque examinateur remplissait une
fiche prévue, permettant de recueillir les informations décrites figure 1.
En plus de cette fiche, celui-ci disposait des schémas explicatifs des différents
tests cliniques à réaliser, et leurs interprétations (figures 2, 3, 4 et 5). Le motif de
la consultation, le siège de la douleur étaient notés et dessinés (antérieur,
postérieur, supérieur, externe), même chose pour les irradiations (bras, trapèze,
clavicule). Quatre tests cliniques étaient à réaliser : la palpation
acromioclaviculaire, le test de Paxinos, le test de O’Brien, et le Cross arm test.
Ces tests ont été retenus après analyse de la littérature [1, 2] car ils
apparaissaient comme les plus utiles.
Le test de rétropulsion contrariée était réalisé chez tous les patients avant
d’interpréter l’IRM [3, 13]. L’existence d’un hypersignal dans l’acromion, dans
la clavicule, d’un épanchement acromio-claviculaire, d’un kyste était notée.
D’après l’étude de Stein [14] , ces signes apparaissent les plus prédictifs d’une
atteinte AC symptomatique. Toutes ces informations étaient retranscrites sur la
fiche, le chirurgien poursuivait son examen et l’interrogatoire habituel. Il
précisait sur la fiche le diagnostic retenu à la fin de la consultation.
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b. Description des quatre tests cliniques
Le Paxinos test [2] : l’examinateur réalise le test sur un patient assis, bras
pendant. La main de l’examinateur est posée sur l’épaule du patient, de telle
sorte que le pouce est positionné sur le bord postérieur de l’acromion. L’index
de la même main est placé sur la partie moyenne et supérieure de la clavicule
homolatérale. L’examinateur applique alors une pression sur l’acromion avec le
pouce dans la direction antéro supérieure et avec l’index dans la direction supéro
inférieure de la clavicule. Le test était considéré positif si la douleur AC était
augmentée. Le test était considéré négatif, dans les autres cas : peu ou pas de
modification, voire amélioration.
Figure 2 : Paxinos test (description et interprétation)
Le test de O’Brien [2, 15]: initialement décrit par O’Brien [15] dans les lésions
labrales, ce test permet aussi de détecter les lésions AC. L’examinateur se tient
derrière le patient, qui imprime une élévation de l’avant-bras, coude en
Test + = Dlr articulation AC augmentée Test - = pas de modification de la Dlr
Pression antéro postérieure du Pouce sur l’acromion Associée à une pression supéro inférieure de l’index sur la clavicule
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extension, le bras à 10° d’adduction par rapport au tronc, pouces tournés vers le
sol. Alors que le patient élève son bras et avant-bras, le pouce tourné vers le sol,
l’examinateur exerce une pression s’opposant à cette élévation. La même
manœuvre est réalisée ensuite main en supination totale, paume vers le ciel. Le
test était considéré positif si lors de la première manœuvre, l’AC était
douloureuse, et si cette douleur était améliorée lors de la deuxième manœuvre.
Le test était considéré négatif si on retrouvait un autre résultat (peu ou pas de
modification).
Figure 3 : Test de O’Brien (description et interprétation)
Le Cross arm test [2, 16] : réalisé en antépulsion du bras à 90°, puis adduction
croisée de celui-ci. Le test était considéré positif s’il provoquait une douleur de
l’AC, et négatif pour les autres résultats (peu ou pas de modification).
Test + = A) Dlr de l’AC = B) amélioration de Dlr de l’AC
Test - = autre résultat
A= 10° add, pouce en bas, élévation bras-avant bras à 90° contre résistance B= 10° add, pouce en haut, élévation bras-avant bras à 90° contre résistance
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Figure 4 : Cross arm test (description et interprétation)
c. Le test de rétropulsion contrariée (ou test de Jacob)
Décrit par Jacob [12], il consiste en une élévation du bras à 90° et une
rétropulsion contrariée. Le test était considéré positif s’il provoquait une douleur
de l’acromioclaviculaire (AC), et négatif pour les autres résultats (peu ou pas de
modification de la douleur).
Figure 5 : Schéma précisant le test de Jacob (rétropulsion contrariée)
Test + = Dlr face sup épaule (région AC) Test - = autre résultat
Add, élévation bras à 90° réalisée par l’examinateur
Test + = Dlr articulation AC Test - = autre résultat
Elévation du bras à 90° + rétropulsion contrariée
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d. Analyse IRM
L’IRM présente une très bonne sensibilité dans la détection de la pathologie
acromio claviculaire [13, 14] . Les éléments les plus importants à considérer (cf
figures 6, 7 et 8) étant les anomalies de signal osseux (en séquence T1) sur
l’acromion et la clavicule. Nous y avons rajouté l’épanchement acromio
claviculaire entrainant une distension capsulaire, ainsi que les kystes.
Figure 6 : image IRM, en coupe frontale, d’une lésion acromio claviculaire présentant
un hypersignal acromial.
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e. Constitution des groupes (1, 2 et 3)
Le patient était classé dans 3 groupes :
La présence d’un des quatre signes cliniques et d’un signe IRM faisait porter le
diagnostic de lésion acromioclaviculaire.
Dans le groupe 1, les patients présentaient une lésion acromioclaviculaire pure
sans autre pathologie de l’épaule associée.
Dans le groupe 2, les patients présentaient une lésion acromioclaviculaire
associée à une autre pathologie de l’épaule retrouvée par la clinique et/ou par les
examens d’imagerie (instabilité, tendinopathie de la coiffe, tendinopathie
calcifiante, perforation de la coiffe, omarthrose, raideur, conflit sous
acromial,…).
Enfin, dans le troisième groupe, les patients présentaient une lésion de l’épaule
sans atteinte acromioclaviculaire, les quatre tests cliniques étant négatifs et
l’IRM ne montrait pas les signes acromioclaviculaires retenus. Il s’agissait du
groupe témoin.
Pour les seuls patients du groupe 1, une infiltration radioguidée [10, 11] de
l’acromioclaviculaire était prescrite et le test de rétropulsion contrariée était
réévalué sous anesthésie locale par le radiologue . Cela permettait d’obtenir un
examen inter-observateur. Une infiltration de corticoïdes était réalisée dans le
même temps.
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Si les patients étaient examinés avant la prescription de l’IRM, une première
fiche comportant uniquement le versant clinique était remplie puis une
deuxième lors de la consultation avec l’IRM , cela permettait d’obtenir un
examen intra-observateur.
f. Etude statistique (20)
La méthode statistique était la suivante :
Test positif Test négatif
Atteinte AC VP FN Se
Pas d'atteinte AC FP VN Sp
VPP VPN total (n)
Tableau de Contingeance : Vrais Positifs (VP), Faux négatifs (FN), Faux positifs (FP), Vrais négatifs (VN), Sensibilité (Se), Spécificité (Sp), Valeur Prédictive Positive (VPP), Valeur Prédictive Négative (VPN).
Calcul de la Sensibilité (Se) :
La sensibilité d’un examen clinique est sa capacité à correctement identifier les
malades. Elle est calculée comme la proportion de malades chez qui l’examen
clinique est positif.
Les Vrais Positifs (VP) correspondent aux patients souffrant de la pathologie
acromioclaviculaire et ayant un test de rétropulsion contrariée positif. Les Faux
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Négatifs (FN) sont les patients souffrant de la pathologie acromioclaviculaire et
ayant un test de rétropulsion contrariée négatif.
Calcul de la Spécificité (Sp) :
La spécificité est la capacité d’un examen clinique à identifier correctement les
patients qui ne sont pas atteints de la pathologie. Elle est calculée comme la
proportion de malades chez qui l’examen est positif.
Vrais Négatifs (VN) divisé par la somme de Vrais Négatifs (VN) et Faux
Positifs (FP). Les Faux Positifs sont les patients ne souffrant pas de la
pathologie acromioclaviculaire et ayant un test de rétropulsion contrariée positif.
Calcul de la Valeur Prédictive Positive (VPP) :
Correspond à la probabilité d’être atteint de la pathologie lorsque l’examen
clinique est positif.
Vrais Positifs (VP) divisé par la somme de Vrais Positifs VP) et Faux Positifs
(FP).
Se = VP / (VP + FN)
Sp = VN / (VN + FP)
VPP = VP / (VP + FP)
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Calcul de la Valeur Prédictive Négative (VPN) :
Correspond à la probabilité d’être indemne de la pathologie lorsque l’examen
clinique est négatif.
Vrais Négatifs (VN) divisé par la somme de Vrais Négatifs (VN) et Faux
Négatifs (FN).
Calcul de l’exactitude du test (Accuracy) :
Traduit les résultats exacts (VP et VN) de la population. Si le test clinique
présente une exactitude de 100%, cela signifie qui celui-ci identifie correctement
les patients atteints et indemnes.
VPN = VN / (VN + FN)
Acc = VP + VN / (VP + FP + FN + VN)
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3. Résultats
a. Description de la série dans les trois groupes
Nous avons inclus deux cent cinq patients (n= 205).
L’âge moyen dans le groupe 1 était de 44,1 années (extrêmes 30 et 66 ans).
Dans le groupe 2, il était de 58,3 années (extrêmes 27 et 83 ans). Dans le groupe
3, il était de 51,5 années (extrêmes 21 et 82 ans).
La répartition des sexes (hommes / femmes) était la suivante : 11 / 8 dans le
groupe 1, 37 / 48 dans le groupe 2, et 51 / 50 dans le groupe 3.
Selon l’étude de Gerber et Walton [2, 17] l’association des zones douloureuses
antérieure et supérieure correspondrait à une atteinte AC. Dans le groupe 1, 16
patients sur les 19 présentaient cette localisation douloureuse. Dans le groupe 2,
58 patients sur 85. Dans le groupe 3, 63 patients sur 101.
L’irradiation de la douleur se retrouvait au bras chez 41 patients dans le groupe
2, 56 dans le groupe 3. Irradiation de la douleur à la clavicule chez 5 patients
dans le groupe 2, et 3 patients dans le groupe 3. Irradiation au trapèze chez 1
patient dans les groupes 1 et 2, 3 patients dans le groupe 3.
Le groupe 1 comportait 19 patients. Chez les 9 patients ayant été examinés par
le radiologue, 8 avaient un test de rétropulsion contrarié positif avant infiltration
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acromioclaviculaire, et négatif après injection. Un seul patient présentait des
douleurs avant et après injection.
Le groupe 2 en comptait 85. Les diagnostics associés à la pathologie acromio-
claviculaire étaient les suivants : rupture de coiffe (n = 49), conflit sous acromial
(n = 21), tendinopathie non rompue, non calcifiante (n = 9), tendinopathie
calcifiante (n = 2), capsulite rétractile (n = 2), et omarthrose (n = 2) . Les
doubles diagnostics étaient les suivants : conflit sous acromial et tendinopathie
calcifiante (n = 1), conflit sous acromial et tendinopathie non rompue non
calcifiante (n = 7).
Le groupe 3 comportait 101 patients. Les diagnostics retenus étaient les
suivants : rupture de coiffe (n = 42), conflit sous acromial (n = 29),
tendinopathie non rompue, non calcifiante (n = 14), tendinopathie calcifiante
(n= 8), capsulite rétractile (n= 6), et luxation de biceps (n = 1). Les doubles
diagnostics étaient : conflit sous acromial et capsulite rétractile (n= 1), conflit
sous acromial et rupture de coiffe (n= 4), conflit sous acromial et tendinopathie
non rompue non calcifiante (n= 1).
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Les informations recueillies dans les 3 groupes sont résumées dans le tableau ci-
dessous :
Groupe 1 N = 19
Hommes: 11 Femmes: 8 Âge moyen (années) : 44,1 W Sédentaire : 10 W manuels : 9 Pas sport : 8 Sportif : 9 Loisirs manuels : 2 Siège Dlr Ant : 10 Post : 0 Ext : 3 Sup : 6 Palpation AC : 12 Paxinos : 15 O’Brien : 6 Cross arm test : 16 Test Rétropulsion contrariée = 14 (dont 8/9 améliorés après infiltration)
Groupe 2 N = 85
Hommes : 37 Femmes: 48 Âge moyen (années) : 58,3 W Sédentaire : 37 W manuels : 48 Pas sport : 7 Sportif : 34 Loisirs manuels : 42 Siège Dlr Ant : 45 Post : 10 Ext : 29 Sup : 13 Palpation AC : 34 Paxinos : 41 O’Brien : 21 Cross arm test : 72 Test Rétropulsion contrariée = 41
Groupe 3 N = 101
Hommes: 51 Femmes: 50 Âge moyen (années) : 51,55 W Sédentaire : 25 W manuels : 54 Pas sport : 3 Sportif : 31 Loisirs manuels : 16 Siège Dlr Ant : 53 Post : 14 Ext : 31 Sup : 10 Palpation AC : 17 Paxinos : 31 O’Brien : 23 Cross arm test : 60 Test Rétropulsion contrariée = 13
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b. Résultats statistiques (p, Se, Sp, VPP, VPN)
La prévalence de la pathologie acromio claviculaire pure était de 9,2% (groupe
1), et de 41% associée à une autre pathologie de l’épaule (groupe 2).
Nous avons évalué la Spécificité, Sensibilité, Valeur Prédictive Négative et
Positive, ainsi que l’exactitude (Accuracy) du test de rétropulsion contrariée
dans les groupes 1 et 2 (AC pure, AC associée à une autre pathologie de
l’épaule).
Enfin, nous avons précisé dans le groupe 3, le test de rétropulsion (test de Jacob)
en fonction des autres pathologies de l’épaule (rupture de coiffe, conflit sous
acromial, tendinopathie calcifiante et capsulite rétractile).
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Les résultats sont résumés dans les tableaux 1 et 2 ci-dessous :
Test de rétropulsion contrariée Sensibilité Spécificité VPP VPN Accuracy Dans le groupe 1 (n= 19) 0,73 0,87 0,52 0,94 0,85 Dans le groupe 2 (n= 85) 0,42 0,87 0,76 0,66 0,7 Dans les groupes 1 et 2 (n= 104) 0,52 0,87 0,79 0,64 0,7
Tableau 1 : Test de rétropulsion contrariée dans le diagnostic de la pathologie AC
(groupes 1 et 2)
Groupe 3 (n= 101) Effectif
(n=)
Tests Jacob positifs (n=)
Tests Jacob négatifs (n=)
Prévalence de test de
Jacob positif
Rupture de coiffe 42 3 39 0,07
Conflit sous acromial 29 4 25 0,14
Tendinopathies Calcifiantes 8 1 7 0,12
Capsulite 6 3 3 0,5
toutes pathologies 101 13 74 0,13
Tableau 2 : Test de rétropulsion contrariée dans le diagnostic des autres pathologies de
l’épaule (groupe 3)
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4. Discussion Les lésions chroniques de l’articulation AC sont fréquemment responsables de
douleur de l’épaule mais peu d’études évaluent les signes cliniques avec une
méthodologie fiable [1, 2]. L’indication chirurgicale après échec du traitement
médical est facile à poser dans les lésions isolées. En revanche dans les lésions
mixtes en particulier de la coiffe des rotateurs il n’y a pas de consensus sur
l’attitude à adopter vis-à-vis de l’AC. Le taux de résection de l’extrémité distale
de la clavicule varient dans la littérature de 16% pour Martin [18] à 44% pour
Deutsch [18, 19] .
Notre étude est la seule étude prospective évaluant le test de Jacob qui est
également évalué dans l’étude rétrospective de Chronopoulos [1] avec 7 autres
signes (cross arm test, O’brien, Neer, Hawkins, arc douloureux, drop arm,
speed’s test sign)
Nous avons opté pour une étude multicentrique pour obtenir sur une période
relativement courte un nombre suffisant de patients, mais nous avons admis la
possibilité de variations dans l’interprétation des signes cliniques et de l’IRM.
L’expression par le patient de la douleur peut être variable, les termes de
sensibilité, d’étirement ont été considérés comme une douleur. Nous n’avons
pas intégré de niveau de douleur, mais opté pour une forme binaire douleur
présente ou absente. Le protocole d’étude décrivait le déclenchement d’une
douleur dans la région acromioclaviculaire, mais dans la réalité les patients
23
avaient des difficultés à localiser la douleur en particulier pour le Paxinos , le
cross arm test, le test de Jacob. L’interprétation de la positivité du test a été
probablement variable selon l’examinateur.
Pour le Paxinos test, une allodynie peut interférer et les douleurs déclenchées
par le pouce sur l’acromion ne sont probablement pas à prendre en
considération.
Pour le cross arm test, le terme d’étirement est fréquemment relevé , il peut
correspondre à une rétraction capsulaire postérieure et non pas une atteinte AC.
Ainsi dans notre étude, le diagnostic d’atteinte AC a pu être établi en excès.
Le travail de Gerber et Galantay [17] sur le siège de la douleur dans les atteintes
AC a permis de décrire une zone précise mais assez étendue dans la partie
supérieure du moignon de l’épaule.
Dans son étude, Walton [2] en fait son critère d’inclusion. Nous avons choisi de
ne pas prendre la localisation de la douleur comme critère diagnostic d’une
atteinte AC, à cause de la difficulté pour les patients à préciser le siège de la
douleur souvent variable et diffus.
L’interprétation de l’IRM a été réalisée par le chirurgien examinateur et sans
tenir compte de l’interprétation du radiologue. Les protocoles d’examen IRM, la
puissance des appareils étaient variables.
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D’après l’étude de Walton [2], le meilleur examen d’imagerie pour l’AC est la
scintigraphie (sensibilité 82% et spécificité 70 %) mais pour des raisons éthiques
et de coût il nous est apparu impossible de prescrire cet examen à toutes les
épaules douloureuses. Nous avons choisi l’IRM (sensibilité 85%, spécificité
50% selon Walton), examen qui a l’avantage de permettre l’exploration dans le
même temps des autres structures de l’épaule.
Selon les études de Shubin Stein [3, 14] , l’hypersignal osseux acromial et
claviculaire sont les signes les plus prédictifs, nous avons rajouté deux signes :
la présence d’un kyste et d’un épanchement. L’interprétation d’un discret
épanchement antérieur n’était pas facile et a pu entraîner des diagnostics par
excès. Le pincement , les ostéophytes, l’hypertrophie, l’effacement de la graisse
sous acromiale n’ont pas été retenus.
Pour le diagnostic de référence nous avons choisi l’association d’un signe
clinique et d’un signe IRM soit l’association d’un signe subjectif
(déclenchement d’une douleur par une manœuvre) et d’un signe objectif
(analyse de l’IRM). Dans l’étude de Walton [2], seule étude prospective
disponible, le diagnostic de référence est l’amélioration à 50% de la douleur
après un test à la lidocaine. Pour Chronopoulos [1], le diagnostic d’atteinte AC
était porté sur l’association : siège de la douleur, douleur à la palpation AC et
test à la lidocaine. Une des limites de ces études sur l’AC est d’établir les
25
critères permettant d’affirmer le diagnostic de référence. La valeur diagnostique
est meilleure si l’on associe 2, voire 3 critères d’après Chronopoulos.
Nous n’avons pas souhaité réaliser un test à la lidocaine à tous les patients
consultant pour une épaule douloureuse, il existe un effet placebo de la seule
injection , le choix effectué par Walton d’une amélioration de 50 % de la
douleur nous paraît discutable et difficile d’interprétation.
La difficulté est apparue dans le choix des signes cliniques et le nombre de
signes positifs pour affirmer le diagnostic. Nous avons retenu : la douleur à la
palpation, signe clinique de référence de l’étude de Chronopoulos , exactitude
(accuracy) de 53 % selon Walton, le paxinos test exactitude 65% selon Walton,
O’brien 52% selon walton, 92% selon chronopoulos, et le cross arm test 79%
selon Chronopoulos.
Nous avons choisi de retenir le diagnostic d’atteinte AC sur un seul signe
positif des quatre choisis. Ce choix nous permet d’être sûr de notre groupe
contrôle, de ne laisser échapper aucune atteinte AC. En revanche nous avons pu
faire des diagnostics par excès.
Avec nos critères de référence (un signe clinique et un signe IRM) nous
obtenons une prévalence de 9,2% d’atteinte AC pure. Walton 83 sur 1037 soit
8,1% (critères de référence : siège de la douleur et test à la lidocaine), et
Chronopoulos 35 sur 880 soit 4% (critères de référence : siège de la douleur,
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palpation AC, et test à la lidocaïne). Ces chiffres montrent que nos choix pour
les critères de références ne sont pas aberrants.
Si l’on compare nos résultats statistiques concernant le test de rétropulsion
contrariée (test de Jacob) avec ceux de Chronopoulos, nos chiffres sont
supérieurs : sensibilité 73% ,72 % pour Chronopoulos, spécificité 87% pour 85
% ,VPP 52% pour 20% ,VPN 94% pour 98% , et Accuracy 85 % pour 84 %.
Si l’on compare les quatre autres tests cliniques dans les études de
Chronopoulos [1] et Walton [2] :
Le test de rétropulsion contrariée (test de Jacob) apparaît être le signe clinique le
plus performant, avec à la fois une bonne sensibilité et une bonne spécificité. La
palpation AC et le Paxinos test sont pour Walton plus sensibles 96% et 79%,
mais avec une très mauvaise spécificité 10% et 50% . Le test de 0 ‘Brien
apparait avoir une spécificité proche de 90% pour Walton et 95 % pour
27
Chronopoulos mais avec une sensibilité médiocre respectivement de 16% et
41% .
Lorsque la pathologie AC est associée à une autre pathologie d’épaule (groupe
2) la sensibilité est moins bonne : 42%, mais la spécificité reste à 87%. . Comme
Walton et Chronopoulos, nous proposons d’associer 2 tests cliniques : le test de
Jacob et le Paxinos test.
Il faut cependant tenir compte du fait que les valeurs prédictives d’un test (VPP
et VPN) dépendent de la prévalence de la pathologie (20). Ainsi pour une
prévalence faible (comme dans le groupe 1), la VPP est faible (ici 0,52) et varie
rapidement. Inversement, la VPN est élevée (ici 0,94), et varie peu. On peut
donc interpréter les résultats ainsi : pour le dépistage de la pathologie AC pure
(groupe 1), le test de rétropulsion contrariée (test de Jacob), aura une faible VPP
et une forte VPN, de nombreux sujets seront suspects de lésion AC à tort, mais
un résultat négatif permettra d’écarter la pathologie AC. Dans la population à
pathologie AC associée à une autre pathologie de l’épaule (groupe 2), le test de
rétropulsion contrariée aura une forte VPP et une faible VPN. Un test positif
sera hautement en faveur d’une pathologie AC, mais sa négativité n’aura que
peu de signification.
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Notre étude confirme les résultats des études de Gerber et Walton [2, 17] sur la
localisation supérieure et antérieure de la douleur (16 patients sur 19 du groupe
1, 63 sur 101 du groupe 3).
Il n’a pas été réalisé d’approche anatomique de ce test. Ce n’était pas l’objet de
cette recherche. Cela pourrait faire l’objet d’une étude ultérieure.
Les points positifs de notre étude : il s’agit de la seule étude prospective sur le
signe de Jacob, associant pour le diagnostic de référence un signe subjectif et un
signe objectif.
Les faiblesses de ce travail : son caractère multicentrique, la possibilité de
diagnostic par excès, la constitution d’un groupe contrôle formé de patients dont
la pathologie peut interférer avec les résultats.
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5. Conclusion
Le test de rétropulsion contrariée décrit par Jacob est un très bon signe clinique
avec une bonne sensibilité et une bonne spécificité. Il semble efficace pour
diagnostiquer les patients suspects d’une atteinte AC dans une population
consultant pour douleur d’épaule, et sa négativité permet d’écarter le diagnostic
dans une population suspecte d’atteinte AC isolée. Nous proposons donc son
utilisation systématique dans l’évaluation de l’articulation acromioclaviculaire.
Il nous permettra probablement d’affiner les indications de gestes associés sur
l’articulation acromioclaviculaire, en particulier dans le traitement des
pathologies de la coiffe.
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6. Bibliographie
1. Chronopoulos, E., et al., Diagnostic value of physical tests for isolated
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