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Claude L EVY -L EBOYER Professeur émérite à l’université René-Descartes-Paris V Évaluation du personnel Quels objectifs ? Quelles méthodes ? Sixième édition © Groupe Eyrolles, 1990, 1996, 2000, 2002, 2005, 2007 ISBN : 978-2-212-53863-2

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Claude L

EVY

-L

EBOYER

Professeur émérite à l’université René-Descartes-Paris V

Évaluationdu personnel

Quels objectifs ? Quelles méthodes ?

Sixième édition

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© Groupe Eyrolles, 1990, 1996, 2000, 2002, 2005, 2007

ISBN : 978-2-212-53863-2

CH A P I T R E 2

Notations professionnelles :comment définir concrètement

la réussite ?

Les objectifs

L’analyse du travail sert à décrire la nature des tâches confiées aupersonnel des entreprises et à préciser les caractéristiques individuellesqui sont requises pour qu’un individu donné s’adapte à un poste detravail et réussisse dans les fonctions que l’organisation lui confie.

Choisir une méthode

La première étape de la mise en place d’un programme d’évaluationcomporte le choix de méthodes pertinentes pour prendre des décisionsconcernant la gestion du potentiel humain. D’autres étapes doiventsuivre. En effet, la validité des méthodes d’évaluation est fondée sur unecomparaison entre d’une part le diagnostic qui a servi de base à la prised’une décision, de quelque nature qu’elle soit (recrutement, promotion,réorientation, formation…), et, d’autre part, la réalité ultérieure, c’est-à-dire le fait que l’avenir ait (ou pas) montré que cette décision était justi-fiée. Ce lourd travail de suivi des décisions et d’appréciation desméthodes d’évaluation à travers la qualité du pronostic qu’elles ontpermis de porter ne peut, bien évidemment, être fait pour chacune desnombreuses opérations de gestion de personnel. Et nous verrons plus

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loin qu’il est possible de s’en dispenser en tirant parti des recherchesantérieures. Mais il faut certainement le mener à bien lorsqu’on envisagel’utilisation d’une méthode ou d’un ensemble de méthodes nouvelles, etégalement lorsque le progrès technologique ou encore la réorganisationdes activités de l’entreprise entraîne la création de postes de travail toutà fait nouveaux.

La valider

La validation d’une méthode destinée à évaluer les caractéristiques indi-viduelles n’est, en définitive, rien d’autre qu’une comparaison entre deuxappréciations : le pronostic sur lequel est fondée la décision, d’une part,la réussite ultérieure dans le poste ou la fonction, d’autre part. Elleimplique donc qu’on soit capable de décrire avec précision, et sipossible de mesurer, la réussite professionnelle.

Le principe paraît simple. En réalité, il soulève des problèmes métrolo-giques délicats. Les critères de réussite professionnelle jouent, en effet,un rôle crucial dans ce processus. Il faut qu’ils possèdent les qualités defiabilité, de réalisme et de discrimination qu’on exige des techniques deprédiction : il serait absurde de refuser un label de qualité à une tech-nique d’évaluation sous prétexte qu’elle prédit mal des indicateurs desuccès professionnel qui, eux-mêmes, ne sont pas fiables, pas réalistesou pas discriminants. La confiance qu’on peut accorder aux études devalidité prédictive dépend donc de la qualité des critères. Aussi, les indi-cateurs de succès professionnel, même s’ils sont utilisés depuis long-temps par l’entreprise, ne doivent pas être acceptés sans examen. Lahiérarchie en place partage souvent des stéréotypes sur ce qu’est lesuccès professionnel, face auxquels il est bon d’adopter une attitudecritique. L’analyse systématique des critères et de leur signification, ainsique l’étude de validation elle-même permettent souvent de faireprogresser et d’actualiser la définition de ce que l’entreprise attend deses salariés. En effet, la mise en corrélation d’évaluations concernant descaractéristiques individuelles spécifiques et des comportements profes-sionnels précis permet aussi bien d’approfondir la signification des infor-mations apportées par les méthodes d’évaluation que de préciser lesaspects des conduites professionnelles prises en compte dans les nota-tions.

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Gérer les ressources humaines

Mais les notations professionnelles ont d’autres objectifs que la valida-tion des outils de sélection. De ce point de vue, ils constituent égalementune méthode d’évaluation qui est un aspect central de la gestion desressources humaines, aspect dont l’importance n’a fait que croître dansles années récentes, parce que les notations professionnelles sont deve-nues un outil important du management. Notamment, les systèmes derémunération fondée sur les performances supposent une confianceréelle dans la qualité des notations professionnelles. Le fait que les infor-mations sur ses propres performances et les récompenses ou sanctionsassociées à ces informations puissent stimuler la motivation est un autreproblème (Lévy-Leboyer, 2000).

Reste à poser ici la question de la capacité des notations professionnellesà caractériser de manière objective et précise les performances indivi-duelles, et notamment, à bien différencier ce qui, dans les performancesdécrites, tient aux individus, de ce qui est attribuable aux moyens quisont mis à leur disposition et au contexte organisationnel. De ce pointde vue, l’importance des notations professionnelles, et leur qualité, n’estpas seulement une affaire de psychologues cherchant à valider leursoutils de sélection, c’est aussi, et avant tout, un instrument de gestion desressources humaines. C’est, en effet, une étape incontournable quipermet de clarifier les responsabilités individuelles et de situer les contri-butions de chacun par rapport à leurs objectifs personnels et par rapportaux objectifs et à la politique de l’organisation. C’est aussi le pivot centralde la discussion avec les hiérarchiques au cours de laquelle le compor-tement individuel et les possibilités de développement seront discutés.

Mener à bien une procédure de validation oblige donc à reconsidérer lesprocédures de notations professionnelles en usage dans l’organisation.Et cet effort de clarification est toujours profitable parce que les notationsprofessionnelles représentent un aspect important de la gestion dupersonnel pour d’autres raisons que l’étude des validités.

Définir les objectifs

En premier lieu, la définition des objectifs organisationnels doit setraduire, à l’échelle individuelle, par la définition d’objectifs personnelsqui concrétisent pour chacun ce que l’organisation attend de lui. Celaimplique donc la traduction des objectifs globaux en programmes indi-

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viduels qui donnent une définition concrète et datée de ce qui constituele succès professionnel de chacun. Opérations, au demeurant, loin d’êtreinutiles. En effet, lorsqu’on passe des objectifs globaux, précisés àl’échelle du service ou du département, à des objectifs individuels, onest obligé de changer de registre et de préciser les conduites et les acti-vités que devra accomplir l’individu pour atteindre sa part des objectifscollectifs. C’est là l’occasion de réaliser d’une part que des chemins diffé-rents peuvent aboutir aux mêmes résultats et, d’autre part, que même sil’accord est réalisé au sein de la hiérarchie en ce qui concerne les objec-tifs collectifs, il n’est pas toujours fait au niveau de la nature précise descomportements et des activités attendus ou exigés. De ce fait, toutetentative pour définir concrètement des indicateurs de succès profes-sionnel permet de mettre à jour des divergences d’opinion sur lescomportements qui mènent à la réussite et de tenter de résoudre cescontradictions.

Deuxièmement, la définition des besoins en formation aussi bien quel’élaboration des plans individuels de formation sont largement tribu-taires de la capacité à donner un contenu concret au succès profes-sionnel. L’analyse des tâches met en lumière ce que les Anglo-Saxonssymbolisent par le sigle KSAP : Knowledge, Skills and Aptitudes –Connaissances, capacités, et aptitudes requises. Confronter ces donnéesaux notations professionnelles permet de déceler les manques à combleret de préciser les programmes de formation adaptés à la fois aux possi-bilités individuelles et aux besoins organisationnels.

Quels problèmes ?

Les notations professionnelles représentent donc un outil de gestionimportant. Et le choix d’un indicateur de succès professionnel comme laconstruction d’une méthode de notation soulèvent non seulement desproblèmes techniques, mais également plusieurs problèmes théoriquesfondamentaux.

Un critère unique ?

Le premier concerne la multidimensionnalité, ou la globalité du critèrede succès professionnel. Sur ce point, les opinions ont varié. Dans lesannées 1950, l’utilisation d’un indicateur global et unique du succèsprofessionnel semblait être la condition sine qua non du développement

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de méthodes efficaces d’évaluation. Dix ans plus tard, les spécialistes,confrontés à la complexité de la notion de succès professionnel et à lavariété de ses composantes, ont changé d’avis et ont mis en chantier desdescripteurs multiples.

De fait, toute analyse détaillée de la réussite et des conduites profession-nelles montre qu’un même niveau de succès peut souvent être obtenuavec des stratégies qui sont différentes et dont il est difficile de direquelle est la meilleure. En outre, lorsqu’on procède à l’analyse factoriellede données issues de l’utilisation d’une échelle de notation profession-nelle à critères multiples, on obtient rarement un facteur unique, parceque la plupart des tâches sont complexes et ont des finalités variées.Dans ces conditions, chercher à tout prix un seul critère de réussiteprofessionnelle conduit à simplifier exagérément la prédiction du succèsainsi que la validation des méthodes d’évaluation. Un exemple classiquede cette difficulté est fournie par une étude de Seashore (1963) sur deslivreurs d’une chaîne de grands magasins. Ce chercheur a recueilli desnotations professionnelles concernant 975 livreurs et cinq aspects diffé-rents de leur travail : leur productivité, leur efficacité, leur nombred’accidents, leur absentéisme, et les erreurs faites dans leur travail. Lesrésultats montrent que ces cinq critères sont indépendants les uns desautres puisque la plus forte corrélation obtenue (entre le nombred’erreurs et l’efficacité) n’atteint que .32. Il est évident que le poste detravail considéré ne se prête pas à une notation professionnelle uniquemais comporte des aspects différents, que mesurent des indicateursdifférents.

Il existe cependant des cas où il est nécessaire de disposer d’un critèreunique, soit obtenu directement en tant que tel, soit résultant de lacombinaison de critères composites. Ce type de critère global est indis-pensable chaque fois que l’évaluation professionnelle doit servir de baseà une décision ou à un choix entre plusieurs éventualités. En fait, lesmêmes informations peuvent être utilisées parallèlement d’une part sousforme agrégée pour les besoins de la gestion, d’autre part sous formemultiple en vue de faire des diagnostics ou de mener des activités derecherche.

Lorsqu’on combine des notations professionnelles indépendantes pourconstruire un critère unique, il peut être utile de pondérer les différentesnotations, en tenant compte de l’importance de chacune par rapport auximpératifs organisationnels.

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Pour reprendre l’exemple de Seashore ci-dessus, il est possible que laponctualité des livraisons soit un élément essentiel de la politiquecommerciale de l’organisation. Dans ce cas, cet indicateur devrait rece-voir un poids plus élevé que les autres dans la constitution d’un critèrecomposite. De plus, l’utilisation d’un critère composite peut être compli-quée par l’existence de facteurs de succès professionnel qui présententune importance particulière, au point de ne pas pouvoir être compenséspar d’autres qualités. Ce peut être le cas, par exemple, de la compréhen-sion verbale qui, dans certaines tâches, ne pourra pas être compensée,si elle est de trop faible niveau, par d’autres qualités, sociabilité ou habi-leté manuelle, par exemple. L’utilisation des prédicteurs et notammentla méthode des seuils multiples qui sera exposée plus loin comme algo-rithme de prise de décision permet de tenir compte de ces impératifs.

Un critère qui change…

Un autre problème théorique important est lié à la nature dynamique dusuccès professionnel. La performance des individus change en fonctionde leur ancienneté dans le poste ; et on note différemment un nouveaupromu et un employé chevronné. De même, les objectifs et les prioritésdes organisations changent en fonction de leurs politiques commer-ciales, des impératifs légaux ou des nouvelles technologies. Dans ce cas,la même fiche de notation va prendre une signification différente parcequ’elle se réfère implicitement à des objectifs différents. Il existe un troi-sième facteur de variation dont il ne faut pas sous-estimer l’importance,même s’il est moins évident. La stabilité des indicateurs dans le tempspeut être relativement faible, et ceci, même s’il s’agit de données objec-tives sur la production. Cela est particulièrement vrai pour les premièressemaines d’activité dans un nouveau poste où la production reflète leniveau d’adaptation du sujet, alors que sa productivité quelque tempsplus tard sera déterminée par d’autres variables individuelles. Enfin lesrelations entre les différents aspects d’un critère composite peuventchanger significativement dans le temps, et en particulier au fur et àmesure que se déroule l’apprentissage d’une tâche nouvelle.

… et qui peut être contaminé

Dernier problème, mais pas le moindre : la contamination du critère,c’est-à-dire le fait que la variation interindividuelle des notations profes-sionnelles reflète, en réalité, plus souvent des différences dans les condi-

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tions de travail que des différences entre les individus eux-mêmes. Laproduction, par exemple, peut être influencée par la qualité de l’équipe-ment mis à la disposition de l’ouvrier, par la qualité de l’environnementde travail, mais aussi par les informations qui lui ont été données, etégalement par les modalités de rémunération qui lui sont appliquées. Ilest évident qu’il ne faut pas comparer des critères de succès profes-sionnel apparemment identiques sans tenir compte de ces sources decontamination.

On peut résumer ces remarques en disant qu’il faut distinguer (Schneideret Schmidt, 1986) le critère parfait – théorique – de la réussite profession-nelle, du critère réel. Les deux ont, heureusement, une partie communequi fonde la pertinence du critère réel. Mais aucun critère, aussi bon soit-il, ne correspond parfaitement au critère parfait et un aspect de la réus-site professionnelle reste toujours négligé. Et, symétriquement, toutcritère réel est contaminé par des variables étrangères au succès profes-sionnel individuel. Le diagramme qui suit présente sous une formesymbolique ce que nous venons de dire.

Quelles méthodes permettent d’obtenir des informations sur les perfor-mances et sur le degré de réussite ou d’échec professionnel ? On en

ASPECTSNÉGLIGÉS

CRITÈRE PERTINENT

CRITÈRE THÉORIQUE

CRITÈRE RÉEL

CONTAMINATION

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distingue classiquement deux catégories, selon qu’il s’agit d’indicateursobjectifs ou subjectifs.

Les indicateurs objectifs

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les indicateurs subjectifs –essentiellement des fiches de notation – sont, et de loin, les plus utilisés.À première vue, pourtant, une mesure directe du comportement autravail devrait être l’indicateur de succès professionnel le plus pertinentet le moins discutable. Et ce type d’indices devrait être le plus facile àquantifier et à adapter aux diverses activités professionnelles. On peutainsi compter le nombre de factures faites dans la semaine, le nombrede pièces produites, le nombre de contrats signés, le volume desventes… Il est possible également de saisir la réalité des performancesà travers les erreurs commises : erreurs d’inspection en fin de chaîne,erreurs de positionnement par les contrôleurs aériens, erreurs de lecturede radiographies, taux de pièces défectueuses, etc.

Malheureusement, ces indicateurs de performance sont moins faciles àobtenir qu’il n’y paraît et les informations qu’ils apportent sur la qualitédu travail sont moins fiables qu’on ne pourrait le penser. Tout d’abordparce que la production et le comportement professionnel dépendent defacteurs indépendants des efforts et des caractéristiques individuels. Lestâches industrielles sont de plus en plus souvent constituées par destravaux de maintenance, ou de surveillance de machines automatisées,et l’ouvrier ou le technicien n’a pas beaucoup d’influence sur la produc-tion. De plus, lorsqu’il est possible d’obtenir des chiffres de productionen quantité ou en qualité, il faut vérifier soigneusement leur fiabilité,c’est-à-dire leur cohérence sur une période de temps assez longue. Fautede quoi, on risque de fonder l’évaluation des individus sur des échan-tillons de production non représentatifs de l’ensemble de leur compor-tement au travail.

Enfin, et surtout, beaucoup de métiers, de tâches et de fonctions ne seprêtent pas du tout au décompte d’une production ; c’est le cas notam-ment de la plupart des professions libérales, des postes d’encadrement,des métiers de service, de la recherche… Certes, avec un peu d’imagi-nation, on peut trouver des indices de production comme le nombre depublications, de brevets ou d’invitations à des colloques pour les cher-cheurs, le quotient d’avancement pour les cadres (rapport entre l’âge

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moyen des cadres de même niveau et l’âge chronologique du cadreévalué), le pourcentage du quota atteint dans les professions de vente,ou encore les comportements observés (nombre de visites, nombre dedémarches ou de coups de téléphone par jour). Mais, dans tous les cas,l’indicateur ne donnera qu’une vue partielle de l’ensemble des activitésprofessionnelles. Surtout, il est très difficile d’évaluer ces données parrapport à des normes de performance de manière à différencier les« bons » des « moyens » et des « médiocres ». D’autant que toute normede ce type devrait être fixée en tenant compte des facteurs externes quidéterminent la production (concurrence, rythme de travail, etc.), ce quirend les indicateurs de succès professionnel difficilement comparablesentre eux.

Une deuxième catégorie d’indicateurs objectifs peut être tirée descomportements individuels comme les absences, la ponctualité, l’insta-bilité professionnelle (« turnover ») ou encore les promotions et l’évolu-tion des salaires. À nouveau, chacun de ces indices présente desproblèmes spécifiques qui les rend difficiles à utiliser.

L’absentéisme est un indicateur important pour l’organisation, du faitdes coûts et des dysfonctionnements qu’il entraîne. En fait les recherchesmontrent que c’est un phénomène complexe, non lié avec les aptitudeset les compétences, mais en partie provoqué ou intensifié par l’insatis-faction dans le travail. D’autres paramètres se combinent à un faibledegré de satisfaction pour déterminer l’absentéisme : les conditions devie (responsabilités familiales et durée de transport), le niveau d’impli-cation dans le travail et la pression exercée, éventuellement, par lesnormes du groupe auquel appartient le travailleur. Il existe, ce quicomplique encore l’utilisation de l’absentéisme comme critère, différentsindices possibles : le nombre total d’absences, le nombre total de joursd’absence, et le nombre total d’absences justifiées pour raison médicale.On peut aussi tenir compte du nombre d’absences très courtes (un jourou une demie-journée) qui refléteraient, plus que les autres, une baissede la satisfaction et de l’intérêt pour le travail. Ce dernier indicateur seraitégalement le plus fidèle, c’est-à-dire le plus constant dans le temps. Maisil faut retenir que si on souhaite utiliser l’absentéisme comme un critèred’adaptation professionnelle, la fidélité des indices d’absentéisme qui,on le verra plus loin, influence directement le calcul de la validité, esttoujours faible. De ce fait, il ne faut retenir que des indices d’absentéismerelevés sur une longue période.

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L’instabilité professionnelle ou turnover peut également représenterun coût important pour l’organisation, du fait des dépenses de recrute-ment et de formation qu’entraîne un renouvellement rapide dupersonnel. Mais c’est un indicateur qui reflète aussi bien la nature desconditions de travail que la présence de dispositions individuellesprécises. Par ailleurs, si on veut considérer ce problème du point de vuede l’organisation, le départ du personnel peut être souhaitable quand ils’agit de personnes peu compétentes et peu performantes, et par contre,très regrettable lorsqu’il s’agit, au contraire, d’employés hautementperformants. Le problème de l’entreprise doit être alors posé de manièredifférente. Il s’agit moins de prédire l’instabilité des individus dans leuremploi que de créer des conditions de travail et de carrière telles que lepersonnel compétent et efficace ne soit pas tenté de partir. De ce pointde vue, un indice global de turnover n’a pas toujours une significationclaire.

Le rythme de progression dans la carrière représente un autre indi-cateur de succès professionnel. Mais il doit également être utilisé avecprécaution. D’abord parce que différentes organisations ont des politi-ques différentes de recrutement et de promotion, et ceci même si ellesse situent dans le cadre d’une même convention collective. Ensuite,parce que dans une même organisation, les conditions économiques etle progrès technologique peuvent accélérer ou ralentir considérablementle développement de l’entreprise ou d’un de ses secteurs, donc le rythmedes avancements individuels. Bien souvent, la rapidité du développe-ment de la carrière dépend plus de l’année d’embauche, donc du déve-loppement économique et du progrès technique pour le secteurconcerné dans les années qui ont suivi, que des caractéristiques indivi-duelles.

De manière générale, tous les indicateurs « objectifs » du succès profes-sionnel doivent être utilisés avec précaution. Avant d’en faire des critèrespar rapport auxquels on validera les techniques d’évaluation utiliséespour établir des pronostics, et avant de les utiliser dans le cadre de lagestion du personnel, il faut examiner leurs relations précises avec lesdifférents aspects de la tâche ou de la fonction isolés par l’analyse dutravail. Il est également nécessaire de s’assurer de leur non-contamina-tion par des paramètres organisationnels indépendants des caractéristi-ques individuelles qu’on souhaite mesurer et, également, de vérifier queleur fidélité est satisfaisante.

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Les indicateurs subjectifs

Comme ces deux exigences – pertinence, fidélité – sont rarement satis-faites par les indicateurs « objectifs » des résultats du travail, les indica-teurs subjectifs fournissent dans la réalité quotidienne les méthodes lesplus utilisées pour décrire et mesurer le succès individuel et la qualitéde la contribution de chacun aux objectifs de l’organisation – et ceci quelque soit l’usage qu’on entend faire de ces notations : calcul des primessur salaire, plan de mouvements du personnel, attribution des places enformation, ou encore, validation des techniques prédictives.

Il existe plusieurs méthodes différentes pour réaliser ces évaluationssubjectives. La plus simple, en fait rarement utilisée actuellement,consiste à classer entre elles les personnes à noter. Trois possibilitésexistent, selon que chaque cadre classe tous les employés qu’il a sousses ordres, ou que le classement est fondé sur une comparaison systé-matique par paires de tout le personnel concerné, ou encore que le clas-sement est fait avec une répartition forcée en cinq groupes.

Le classement simple peut être fait sur un critère global ou être répétésur des dimensions indépendantes entre elles et permettant de décrire lecomportement professionnel. Dans tous les cas, c’est une méthode quin’est concevable que pour un petit nombre de personnes. Une manièred’aider le notateur consiste à lui faire choisir d’abord le meilleur et leplus mauvais de ses subordonnés ; il recommence ensuite sur la liste denoms restants, et ceci jusqu’à ce qu’il ait classé tout le monde. Dans laméthode des comparaisons par paires, on constitue toutes les paires depersonnes possibles afin de les comparer en désignant chaque fois lemeilleur sur le trait à noter. On calcule ensuite pour chaque sujet lepourcentage de comparaisons pour lesquelles il a été jugé le meilleur.Inutile de dire que cette façon de faire ne convient qu’aux petitsgroupes : le nombre de comparaisons croît rapidement avec le nombrede sujets à classer. Signalons qu’il existe des tables pour transformer lespourcentages en notes standard, ce qui permet d’effectuer des compa-raisons entre différents services. Enfin le classement peut être fait enrespectant une répartition forcée par groupes dont les effectifs sont fixésa priori. En général, on demande au notateur de répartir ses subor-donnés en cinq groupes, les meilleurs et les plus mauvais comprenant10 % du total, un groupe moyen avec 40 % du total et deux groupesintermédiaires de 20 % chacun.

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Les recherches faites sur ces méthodes ont montré qu’elles sont trèsfidèles et fort utiles lorsqu’on ne cherche qu’une classification globale dupersonnel. Il est évident qu’il ne faut pas leur demander plus qu’elles nepeuvent fournir, à savoir une classification globale et non spécifique.

Les échelles de notation

Si on souhaite obtenir des descriptions plus fines des comportementsprofessionnels, force est de recourir aux échelles de notations. Quelsque soient la forme et le principe retenus, le processus même quiconsiste à faire évaluer des individus par d’autres présente des sourcesd’erreurs qui sont difficiles à éliminer : l’indulgence, l’effet de halo, etl’effet de tendance centrale.

L’indulgence

La signification qu’on peut accorder à chaque notation dépend del’indulgence du notateur qui l’a donnée. Par exemple, il est possiblequ’un notateur exigeant n’utilise jamais le qualificatif « excellent » ou lanote maximum. Alors qu’un autre, beaucoup plus tolérant, n’emploierapratiquement pas la partie basse de l’échelle, c’est-à-dire les notes faiblesou les qualificatifs dévalorisants. De ce fait, et même si elles corrèlententre elles, les répartitions de notes attribuées aux mêmes employés parces deux personnes ne coïncideraient pas et ne pourraient être considé-rées comme équivalentes. Pour tenter de remédier à ces décalages, onpeut faire procéder à des notations à distribution forcée en fixantd’avance le pourcentage de personnes notées pour chaque échelon del’échelle de notation. Ce procédé n’empêche pas que chaque note aitune signification différente pour chacun des notateurs concernés. D’oùl’utilité de veiller également à améliorer les définitions des échelons, enles rendant aussi concrètes que possible.

L’effet de halo

L’effet de halo concerne la difficulté, éprouvée par les notateurs, pourjuger de manière analytique et indépendante, les différents points de lafiche de notation. Il arrive souvent, en effet, que le notateur élabore uneimage globale de la personne qu’il doit évaluer, image qui peut êtrefavorable ou défavorable. Et cette impression générale est suffisammentprégnante pour influencer dans le même sens toutes les notes qu’il vaporter sur les différentes rubriques de la fiche de notation.

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Il existe différentes manières de remédier à cet effet de « halo ». La plusefficace consiste à former les notateurs au travail qu’ils vont avoir à faire,en les mettant en garde contre l’importance de la première impression,en leur signalant l’existence du « halo » et en leur faisant faire des exer-cices de notation destinés à leur apprendre à noter indépendamment etsur la base d’observations spécifiques les différents aspects du compor-tement et des performances sur lesquels ils doivent se prononcer. L’effetde halo peut également être atténué par l’utilisation de procédés denotation qui forcent les notateurs à évaluer tous les sujets sur unerubrique avant de passer à la rubrique suivante, au lieu de noter chaquesujet sur toutes les rubriques à la suite. La définition précise des pointsà noter, le fait qu’elles fassent référence à des aspects concrets etdistincts des activités de travail contribuent également à dissiper le« halo ».

L’erreur de tendance centrale

L’erreur de tendance centrale vient des difficultés rencontrées par lesnotateurs pour faire correctement le travail qu’on attend d’eux. Nesachant pas bien comment noter, soit parce qu’on ne leur a pas apprisà le faire, soit parce qu’ils n’ont pas suffisamment d’informations utilisa-bles, ils emploient surtout les échelons moyens, ce qui réduit évidem-ment la dispersion des notations.

Une des manières de lutter contre ce défaut consiste à utiliser commefiche de notation des listes de descriptions de comportement. Il suffitalors de cocher les descriptions pertinentes et d’ignorer les autres.Toutes les descriptions, issues de l’analyse du travail, sont évaluéesauparavant par des juges compétents, du point de vue de leur contribu-tion à la réussite professionnelle et aux objectifs de l’organisation. Ce quipermet d’attribuer à chaque description un poids chiffré que le notateurne connaît pas et donc de calculer une ou plusieurs notes à partir desdescriptions cochées. On peut même améliorer ce système en proposantau notateur non pas une liste à cocher librement, mais des choix forcés,c’est-à-dire des groupes de trois ou quatre descriptions dont il doitchoisir une ou deux seulement. Les recherches faites sur cette méthodemontrent que la meilleure présentation consiste à grouper les descrip-tions par quatre, en demandant aux notateurs d’en choisir deux, et àfaire juger par les experts la valeur de chaque description en fonction deson importance pour la réussite dans le poste considéré. Nous donnons

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ci-dessous un exemple de ce type de notation issu d’une liste de descrip-tions concernant des employés de banque en contact avec le public.

Choisissez deux des quatre descriptions suivantes :

a) fait la conversation avec ses clients sur des questions sans rapportavec le travail ;

b) ne coupe jamais la parole aux clients ;

c) arrête un autre travail quand un client attend devant son guichet ;

d) vérifie les documents (chèque, virement…) que lui apporte le client.

Pour attrayante qu’elle paraisse, cette méthode n’est pas sans problèmes.D’abord, il peut être très difficile de trouver des descriptions qui sesituent au même niveau de valeur pour le notateur tout en discriminantles bons des mauvais employés. En outre, les cadres chargés de notern’aiment pas le faire à l’aveuglette, sans savoir quelle signification seradonnée à ce qu’ils disent de leurs subordonnés. Il faut ajouter, dans uneautre perspective, que ces notations ne peuvent pas être utilisées pourmener un entretien ultérieur avec les employés sans divulguer la valeuret le poids donné à chaque description, ce qui rendrait la liste inutilisableune seconde fois. En outre, il ne faut pas sous-estimer l’importance dutravail nécessaire pour déterminer la valeur des différentes descriptionset leurs capacités à discriminer les bons des mauvais éléments.

Les fiches de notation

Les fiches de notation représentent, en définitive, la manière de faire laplus fréquente pour noter le personnel dans les entreprises et les admi-nistrations. Leur élaboration, ainsi que l’analyse des données qu’ellespermettent de recueillir ne sont malheureusement pas toujours faitesavec le soin nécessaire. Il existe pourtant plusieurs manières de fairedont les qualités varient et ont fait l’objet d’études intéressantes. L’échellede notation la plus simple est appelée « échelle graphique » parce qu’elleprésente une liste de traits à noter qui font l’objet d’une droite segmentéeen fragments égaux. À partir de ce principe de base, de nombreusesvariantes sont fonction de la manière dont chaque rubrique et chaquepoint de l’échelle sont définis. Les définitions peuvent être brèvescomme dans l’exemple suivant qui concerne les relations avec la clien-tèle d’un employé de banque :

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La définition de la caractéristique notée peut être beaucoup plus précisecomme dans l’exemple suivant :

La définition de chacun des points de l’échelle peut être beaucoup plusdétaillée et ceci de manière variée comme le montrent les exemples quisuivent :

Relations avec les clients

Médiocres Excellentes

Relations avec les clients (disponibilité et égalité d’humeur vis-à-vis de la clientèle ; courtoisie et patience ; capacité à personnaliser les services rendus).

Médiocres Excellentes

moyennes

Constamment à l’origine d’incidents avec la clientèle

rarementsatisfaisante

problèmesfréquents

en généralexcellente

exception-nellement

bonnes

A souvent des problèmes dans ses relations avec la clientèle

A quelquefois des problèmes dans ses relations avec la clientèle

Relations avec la clientèle sans problèmes particuliers

Très apprécié de la clientèle

Relations avec les clients

Relations avec les clients

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Une méthode plus perfectionnée a été proposée par Blanz et Ghiselli(1972). Elle comporte une analyse beaucoup plus approfondie desdescriptions de comportement qui se fait selon les étapes suivantes :

1) les descriptions de comportement sont établies à la suite d’uneanalyse du travail ;

2) ces descriptions sont regroupées par un panel d’experts endimensions cohérentes (relation avec les clients, compétence, rapidité,conscience professionnelle, par exemple) ;

3) pour chaque dimension, les experts choisissent trois descriptions,correspondant à un comportement satisfaisant, moyen et nonsatisfaisant ;

4) toutes les descriptions sont ensuite mélangées pour former une fichede notation.

Sur cette fiche de notation, le notateur dispose de trois options pourchaque description de comportement, selon qu’il juge la personne notéemeilleure que la description donnée, moins bonne que cette description,ou qu’il pense que la description lui convient. Un barème chiffré permetde calculer une note pour chacune des dimensions initiales. Cetteméthode a l’avantage de mettre en évidence les éventuelles incohé-rences présentes dans chaque notation, de manière à pouvoir lessignaler au notateur qui en est responsable. Si les erreurs se répètent surles mêmes points, pour différents notateurs, il faut revoir le choix desdescriptions ou la manière dont elles sont rédigées.

Dans le même esprit, deux autres procédés ont été développés pour laconstruction des fiches de notation : les échelles comportementales,souvent désignées dans les publications anglo-saxonnes sous le sigle deBARS (Behaviorally Anchored Rating Scales) et les échelles d’observa-tion, BOS (Behavioral Observations Scales).

Construire des BARS

Les BARS ont été proposées par Smith et Kendall (1963). Afind’améliorer la fiabilité des notations, ils utilisent la méthode des inci-dents critiques de Flanagan, ce qui permet de construire des fiches denotation dont chaque échelon correspond à un comportement réelle-ment observé sur le terrain. La construction d’une telle échelle compor-tementale se déroule selon quatre étapes.

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l) Des experts (la hiérarchie concernée, des personnes qui ont exercé ouqui exercent actuellement la fonction considérée) identifient et définis-sent les aspects essentiels de l’activité ou de la fonction, aspects quiconstitueront les dimensions de la future fiche de notation.

2) Le groupe d’experts rassemble des exemples précis de comporte-ments qui caractérisent des personnes exerçant l’activité considérée demanière satisfaisante, moyenne ou médiocre. Ces comportements sontregroupés selon les aspects identifiés en 1) pour constituer les descrip-tions d’échelons sur les dimensions à noter.

3) Toutes les descriptions d’échelons sont portées sur des fiches et cesfiches sont mélangées comme on le ferait pour un paquet de cartes, demanière à ce que leur lien avec une des dimensions définies en 1)n’apparaisse plus. Un second groupe d’experts valide ces descriptionsen les attribuant à chacune des dimensions de la liste initiale. Si unedescription de comportement n’est pas correctement attribuée à « sa »dimension, elle est rejetée, ou sa rédaction est discutée et améliorée.

4) Les experts attribuent un poids chiffré à chaque description, selon sacontribution à la dimension qu’elle représente. Cela permet de cons-truire une échelle finale avec une définition pour chaque dimension, etdes descriptions comportementales concrètes pour chaque échelon dela fiche de notation. En outre, un échelon n’est retenu que s’il existe unaccord entre les experts sur sa signification, accord concrétisé par lafaible variance des valeurs numériques attribuées par les experts.Chaque échelon reçoit alors un poids qui correspond à la moyenne deces valeurs.

L’ensemble de ces opérations peut paraître lourd et long à mener à bien.Il suppose, en outre, qu’on puisse réunir deux panels d’experts compé-tents et disponibles. Ceci dit, la méthode présente des avantagescertains. Tout d’abord, l’échelle ainsi construite est fabriquée par sesfuturs utilisateurs. En outre, le processus de construction de la fiche denotation permet de mettre à jour, et de résoudre, les désaccords quipeuvent exister entre eux et force également à éliminer les descriptionsvagues, stéréotypées et sans signification concrète. Par exemple, il nesera plus possible d’utiliser l’échelle pour dire d’un employé de banquequ’il a de mauvaises relations avec sa clientèle sans expliquer concrète-ment pourquoi et comment.

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Pour reprendre l’exemple précédent, la dimension « relations avec laclientèle » de l’employé de banque sera décrite de la manière suivante :

« Les relations avec la clientèle constituent un aspect important du travail du guichetier.Elles concernent non seulement l’exécution des services demandés par le client maiségalement l’information de la clientèle et les explications nécessaires à la compréhen-sion par les clients des différentes opérations bancaires ».

L’échelon le plus élevé de cette dimension correspondra à la descriptionsuivante :

« Très attentif à conseiller les clients et à prendre en charge leurs problèmes. Toujourspatient et prêt à donner les explications nécessaires même à des clients difficiles.Cherche à réduire l’attente au guichet et à aller au-devant des besoins des clients. »

Et l’échelon le plus bas à la description suivante :

« Souvent à l’origine d’incidents avec les clients par mauvaise volonté ou par incompé-tence. Part du principe que le client n’a pas besoin de comprendre les opérationseffectuées. »

Construire des BOS

Une variante (les BOS, Behavior Observation Scales) a été proposée parLatham et Wexley (1977) pour remédier à deux des critiques faites auxBARS par les utilisateurs. D’une part, chaque notateur n’a pas forcémenttoujours pu observer toutes les personnes qu’il note pour tous lescomportements de la fiche de notation. De ce fait, sa notation se fondeaussi bien sur l’observation directe que sur la manière dont il supposeque la personne notée se comporterait si elle était placée dans la situa-tion décrite. D’autre part, les fiches de notation ainsi rédigées sontlongues, détaillées et leur simple lecture prend beaucoup de temps, sion veut le faire avec attention. Les BOS sont construites de la mêmemanière que les BARS mais se présentent différemment. D’une part,chaque échelon est constitué par un seul comportement réellementobservable ; d’autre part, le notateur doit seulement indiquer si cecomportement est fréquemment ou rarement observé chez la personnequ’il évalue. L’exemple suivant, qui concerne toujours les relations desemployés de banque avec leurs clients, permettra de se faire une idéede la présentation des BOS.

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Latham (1979) a montré qu’il était possible d’utiliser une analyse facto-rielle pour définir, à partir des notations faites sur un BOS, les dimen-sions fondamentales des postes pour lesquels une évaluation dupersonnel doit être faite. En outre, les données apportées par ce type defiche de notation peuvent, plus facilement que les autres, être utiliséesdirectement dans les entretiens de feed-back.

Comme les autres, cette méthode n’est pas sans problèmes. Notamment,et malgré la nature très concrète du travail demandé aux notateurs, il leurfaut faire appel à leurs souvenirs des comportements observés et passeulement à l’observation directe. Et le processus cognitif de stockage etde traitement de l’information mis en cause par la mémorisation deséries d’observations sur des périodes de temps relativement longuespeut déformer la réalité.

Et les BSS (Behavior Summary Scales : Échelles résumées de comportement) ?

Au lieu de limiter les échelles à des descriptions sommaires de compor-tement, on peut illustrer chaque item par une série de comportementsspécifiques recueillis auprès des experts, et par des expériences person-nelles décrites par les personnes actives dans le poste concerné. Uneanalyse de contenu permet de regrouper ces comportements en catégo-

Relations avec les clients

• Accueille les clients avec le sourire

• Répète, si nécessaire, les informations demandées par le client

• Cherche à réduire l’attente au guichet

• Écoute avec attention les doléances éventuelles des clients

1 2 3 4 5presque jamais presque toujours

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ries homogènes. Chaque catégorie est alors illustrée par des exemplesde performance jugée par les experts comme étant excellente, satisfai-sante, moyenne ou inefficace.

Étude psychométrique des notations

Les méthodes d’étude des qualités métriques des tests s’appliquent aussiaux notations professionnelles. Toute mesure, en effet, implique l’exis-tence de différences individuelles concernant ce qu’on mesure et, dansle cas présent, une association entre la variance des notations et lavariance des performances (Guion et Highhouse, 2006). En outre, il estutile de savoir dans quelle mesure différents notateurs sont d’accordentre eux. Les décalages entre notateurs sont, en effet, fréquents et vien-nent souvent de la diversité de leurs sources d’information. Enfin, rienn’empêche, mais cela est rarement fait, que les notations soient utiliséescomme prédicteurs du comportement futur, et, dans ce cas, qu’ellessoient soumises à une classique étude de validation.

Et qui fait la notation ?

Reste à préciser qui fait la notation, en particulier dans le cas de nota-tions subjectives. La réponse à cette question est évidente dans les orga-nisations hiérarchiques à pyramides traditionnelles : c’est le supérieurdirect qui est chargé de la notation de ceux qui lui « rapportent ». Maisles architectures organisationnelles ont changé. Il est plus difficile desavoir qui est le responsable immédiat dans les structures en réseau, lesformations par gestion de projet, ou encore les multinationales caracté-risées par l’éclatement géographique des formations. Différentesréponses ont été données à ce problème. Il n’est pas rare de voirplusieurs notateurs donner leurs opinions dans les organisationsmatricielles : dans ce cas, l’un des hiérarchiques consulte les autres pourarriver à un consensus. Il est également possible de demander au sujetde se noter lui-même, à condition que le rôle de la notation ainsiélaborée soit clair pour tous et que l’auto-évaluation ait fait l’objet d’uneformation adaptée. D’autres combinaisons de notateurs existent, notam-ment celles qui impliquent les collègues et les subordonnés, et utilisentdifférentes méthodes pour garantir la confidentialité des notations.

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La notation, fonction de la situation ?

Mais la notation se fait toujours dans un environnement professionnelspécifique et il est difficile de croire qu’elle échappe aux impératifs poli-tiques et aux motivations des notateurs. Il peut arriver, par exemple, quele supérieur qui note souhaite donner une image favorable de sonéquipe, ou, plus prosaïquement, qu’il craigne une confrontation avec unsubordonné irascible, ou encore qu’il souhaite justifier une primeaccordée à un de ses collaborateurs. Il est vraisemblable que l’influencede ces aspects politiques est moins net aux bas niveaux de la hiérarchieet, par contre, plus important quand il s’agit de noter des cadres. Ce sont,en effet, des fonctions pour lesquelles la « performance contextuelle »(c’est-à-dire tout ce qui concerne la manière dont un cadre influencel’environnement social et organisationnel, par opposition à la perfor-mance liée à la tâche, qui ne concerne que l’exécution de la tâche elle-même) est centrale. Et il est évident que ces aspects sont plus sujets àdes interprétations sur ce qui constitue un bon comportement, et à desconceptions différentes de ce qui est profitable à l’organisation.

En conclusion

Malgré les critiques faites pratiquement à toutes les méthodes envisagéespour construire des critères de succès professionnel et des systèmes denotations professionnelles, ce chapitre ne doit pas se conclure sur unenote exagérément pessimiste. Il est vrai qu’évaluer autrui est une tâcheextrêmement difficile. Mais l’effort qui consiste à réfléchir à la manièredont peut se faire cette évaluation et à mettre en œuvre des méthodesjustifiées rationnellement et soigneusement élaborées entraîne, pourl’entreprise, de nombreuses conséquences positives. Nous avons vu,en effet, chemin faisant, que ce travail permet de développer unconsensus dans la hiérarchie sur les objectifs et les moyens à mettre enœuvre, et qu’il peut rendre plus efficace l’entretien qui suit souvent lesnotations. En outre, les cadres formés à la notation professionnelle etrendus conscients de ses difficultés méthodologiques et pratiques,auront des exigences de même ordre vis-à-vis des méthodes d’évalua-tion utilisées pour pronostiquer le comportement professionnel futur. Cesont ces qualités métriques que nous allons décrire dans le chapitresuivant.

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