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Evaluation des Pratiques de soins materno infantiles Mao et sud du district de Mao- Kanem- Tchad Décembre 2008 1 EVALUATION DES PRATIQUES DE SOINS MATERNO INFANTILES Mao et sud du district de Mao Kanem Tchad Méthodologie CAP : Connaissances, Attitudes, Pratiques Evaluation financée conjointement par : Service de Coopération et d’Action Culturelle UNICEF Décembre 2008 Alexandra Bataille Responsable de l’évaluation

description

Le Tchad est un pays enclavé situé au coeur du continent africain, entre les 7e et 24e degrés de latitude Nord et les 13e et 24edegrés de longitude Est. Doté d’une superficie de 1.284.000 Km2 il a une frontière commune avec, au nord, la Libye, à l’est, le Soudan, au sud, la République Centrafricaine et, à l’ouest, le Cameroun, le Nigeria et le Niger.Les régions du Kanem et du Bahr el Gazal – qui étaient jusqu’au premier trimestre 2008 les deux départements de l’ancienne région du Kanem – constituent la deuxième plus grande région du Tchad après le BET (Borkou - Ennedi – Tibesti). Elles sont situées à 300 km au nord de N’Djamena en zone sahélienne. L’Ouest de la région fait frontière avec le Niger et de nombreux échanges transfrontaliers dynamisent l'économie de l'ensemble de la région. Au Sud-ouest se trouve la région du Lac qui forme la rive du lac Tchad, c’est l’un des greniers agricoles du pays. Au Nord est située la région du BET, région désertique où la population très peu nombreuse est soit concentrée autour de quelques ouaddis, soit nomade.A l’Est, la région du Bahr el Gazal fait frontière avec celle du Batha qui présente des caractéristiques géographiques et climatiques semblables à celles du Kanem. Au Sud se trouve la province du Chari –Baguirmi, où les précipitations sont plus importantes et permettent une agriculture plus diversifiée (mil,sorgho, maïs…).Avec une superficie de 125 290 km² les régions Kanem et Bahr el Gazal présentent des dunes de sable d’une hauteur croissante d’Est en Ouest.La région du Kanem avec comme centre Mao est composée de 10 sous préfectures (S/P de Mao, de Nokou, de Mondo, de Rig-Rig, de Kekedina, de Amdoback, de Melea, de Ziguey, N’Tiona, et de Wadigui), de 22 cantons, de trois communes et d’un sultanat (celui de Mao). Le Sultanat de Mao, est un vaste territoire, environ 9 900 Km², très varié, où les ouadis sont nombreux. Cette zone dépend de l'autorité du Sultan du Kanem. Le groupe ethnique principal est celui des Kanembous.

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Evaluation des Pratiques de soins materno infantiles

Mao et sud du district de Mao- Kanem- Tchad Décembre 2008

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EVALUATION DES PRATIQUES DE SOINS MATERNO

INFANTILES

Mao et sud du district de Mao Kanem Tchad

Méthodologie CAP : Connaissances, Attitudes, Pratiq ues

Evaluation financée conjointement par : Service de Coopération et d’Action Culturelle UNI CEF

Décembre 2008 Alexandra Bataille

Responsable de l’évaluation

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ABREVIATIONS

ACF Action Contre la Faim

CDS Centre de Santé

CNA Centre Nutritionnel Ambulatoire

CNS Centre Nutritionnel Supplémentaire

CNT Centre Nutritionnel Thérapeutique

COGES Comité de Gestion du Centre de Santé

COSAN Comité de Santé

GT Guérisseur Traditionnel

OMS Organisation Mondiale de la Santé

ONG Organisation Non Gouvernementale

ORS Oral Rehydration Salt

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RESUME DE L’EVALUATION Cette évaluation des pratiques de soins materno- infantiles a été menée en décembre 2008 dans la zone de Mao et du sud du district de Mao, située dans la région du Kanem au Tchad, par une équipe de quatre personnes comprenant : une expatriée experte en pratiques de soins, un traducteur et deux enquêteurs. L’objectif général de l’évaluation était le suivant :

� Contribuer à une meilleure prise en charge des problématiques nutritionnelles à Mao et dans le sud du district de Mao grâce à une meilleure connaissance des pratiques de soins pouvant causer et/ou aggraver le statut nutritionnel des femmes et des enfants.

Les objectifs spécifiques étaient les suivants :

1. Evaluer les pratiques de soins des femmes enceintes et allaitantes dans la zone de Mao et du sud du district de Mao

2. Evaluer les pratiques d’allaitement et de sevrage des enfants de 0 à 24 mois dans la zone de Mao et du sud du district de Mao

3. Evaluer les soins psychosociaux apportés à l’enfant dans la zone de Mao et du sud du district de Mao

4. Evaluer les soins psychosociaux et la santé mentale des femmes dans la zone de Mao et du sud du district de Mao

5. Identifier les facteurs potentiels de risques de malnutrition liés aux pratiques de soins materno- infantiles dans la zone de Mao et du sud du district de Mao

6. Identifier les déterminants potentiels de risques de malnutrition liés aux facteurs psychosociaux dans la zone de Mao et du sud du district de Mao

7. Identifier les personnes ressources au sein de la communauté La population étudiée était la suivante : � Les mères ayant un enfant de moins de cinq ans � Les personnes prenant soins des enfants de moins de cinq ans (pères, grands pères, grands-mères…) � Les personnes clés de la communauté (matrones, guérisseurs traditionnels, chefs de villages, présidentes des femmes, imams, marabouts…) Différents outils ont été utilisés : � Un questionnaire afin de recueillir des informations concernant les ménages, leur mode de fonctionnement dans les pratiques de soins, et l’état de santé mentale de la mère. Ce questionnaire était adressé aux mamans ayant un enfant de moins de cinq ans. 210 questionnaires ont été réalisés sur la zone géographique sélectionnée, 200 avec des femmes sédentaires et 10 avec des mères de familles nomades. L’analyse des questionnaires a été élaborée à l’aide du logiciel SPHINX. � Des entretiens individuels : 20 entretiens ont été menés avec les personnes ressources de la communauté afin de comprendre le rôle de chaque personne dans la communauté, les pratiques d’allaitement, les causes et perceptions de la malnutrition, les causes et traitements des maladies, les causes, expressions et perceptions des troubles psychologiques, les ressources et difficultés de la communauté. � Des groupes de discussions : 18 groupes de discussions ont été menés avec des hommes et des femmes de la communauté afin de comprendre et d’évaluer les soins de la femme enceinte et allaitante, les pratiques d’allaitement, l’organisation du quotidien, les pratiques alimentaires et éducationnelles de la famille, les soins des enfants, l’organisation familiale, les souffrances psychologiques et les mécanismes d’adaptation, la communauté, la malnutrition, l’organisation du groupement de femmes, le rôle des maîtres communautaires, le mode de vie des nomades…

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Les conclusions de cette évaluation sont les suivan tes : � Au niveau des pratiques de soins des femmes enceint es et allaitantes : � Seules 2 femmes sur les 210 interrogées ont recours à des pratiques de soins appropriées pendant la grossesse � Les femmes se marient très jeune (15 ans en moyenne) et les fausses couches et les morts infantiles sont fréquentes (respectivement 1/3 des femmes et 44% des mamans interrogées) � La grossesse représente une épreuve douloureuse et inquiétante pour les femmes : la plupart connaissent des difficultés importantes, des manques de soins prénataux, peu de soutien émotionnel (absence des pères), des manques d’appétit, peu de repos, un niveau de stress très élevé (peur du décès de l’enfant, peur de leur propre mort, peur d’une grande souffrance physique…) � L’accouchement est souvent problématique : accouchements de longue durée (plus de 48h), rétentions de placenta ; accouchements à domicile avec des matrones non formées ; difficultés d’accès aux centre de santé en cas d’urgence � La période postpartum est également difficile pour les mères : peu de soins post nataux, manque d’appétit, nombreuses douleurs (de dos, de ventre, vaginales…)… � La plupart des mamans estiment que leur bébé est né avec un petit poids de naissance (facteur de risque de malnutrition) � Les connaissances des mères sur les pratiques de soins pendant la grossesse sont très faibles � Au niveau des pratiques d’allaitement et de sevrag e des enfants de 0 à 24 mois : � Aucune mère interrogée n’a ou n’a eu des pratiques d’allaitement appropriées : seules la moitié des mamans a débuté l’allaitement moins d’une heure après la naissance, aucune n’a allaité exclusivement son enfant jusqu’à 6 mois, toutes ont donné de l’eau dès la naissance, la moitié des femmes ont pratiqué l’allaitement à la demande, l’alimentation complémentaire a été introduite soit avant six mois, soit après six mois, avec des bouillies non équilibrées ou directement à travers le plat familial � Les mères donnent systématiquement le colostrum aux bébés et allaitent la nuit � Beaucoup de femmes se plaignent de difficultés d’allaitement : manque de lait, douleurs ou infections du sein � La plupart des mères sont stressées pendant la période d’allaitement car elles ont peur que leur lait ne soit pas suffisant et que leur enfant meurt de faim (le stress est un facteur inhibant la production de lait maternel) � Le sevrage est réalisé lorsque l’enfant a 17 ou 18 mois et systématiquement de manière brutale � Les connaissances des mères sur les pratiques d’allaitement et de sevrage sont très faibles � Au niveau des soins psychosociaux apportés à l’enfa nt : � Quelques activités mères- enfants sont pratiquées et les mères font de leur mieux pour s’occuper de leurs petits malgré leur manque de connaissances sur les besoins de l’enfant � Les pères s’impliquent peu ou pas dans la relation avec les jeunes enfants � Aucune activité récréative n’est développée pour les enfants et peu sont scolarisés � Au niveau des soins psychosociaux et de la santé me ntale des mères : � La plupart des mères présentent des troubles d’angoisse (inquiétude, stress pendant la grossesse et l’allaitement ainsi que lorsque la famille manque de nourriture ; nombreuses responsabilités des femmes devant faire face à l’absence de leurs maris) � Beaucoup de mamans souffrent de douleurs physiques pouvant être causées par des douleurs psychiques (plaintes psychosomatiques) � Peu de mères ont souffert d’évènements traumatiques au cours des six derniers mois mais les difficultés sont nombreuses : manque de nourriture, maladies, manque de travail… � Le soutien communautaire joue un rôle essentiel et apporte un réel réconfort pour la population : l’entraide et la solidarité font partie du quotidien des familles � Les hommes comme les femmes sont confiants quant à leur avenir et celui de leurs enfants

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� Au niveau des facteurs de risques de malnutrition l iés aux pratiques de soins materno- infantiles : � Se rendre dans les centres de santé est le dernier recours des mères en cas de problème médical : les enfants sont d’abord soignés à domicile (traitements traditionnels et automédication) puis vu par les marabouts et enfin auscultés par les guérisseurs traditionnels � Les pratiques des guérisseurs traditionnels sont dangereuses et largement répandues : ablation de la luette, extraction de dents, scarifications, brûlures… � Les pratiques d’hygiène favorisent la propagation des infections � Les pratiques de soins pendant la grossesse et l’allaitement sont inappropriées � Au niveau des risques de malnutrition liés aux soin s psychosociaux : � Le manque de connaissance des mères sur les besoins de l’enfant les empêchent parfois d’apporter les soins dont les enfants auraient besoin � Le stress et les inquiétudes des mères peuvent avoir des répercussions sur le déroulement de la grossesse, les ressentis des bébés, la production de lait maternel… �Les personnes ressources au niveau de la communauté ont été identifiées comme suit :

� Les chefs de village ou de quartier et ou de nomades � Les Imams � Les marabouts � Les présidentes des groupements de femmes � Les agents de santé � Les personnes âgées (hommes ou femmes) � Les matrones Les problématiques identifiées justifient la mise en place d’un programme de prévention de la malnutrition par une amélioration des pratiques de soins materno-infantiles. Les recommandations suite à ces conclusions sont le s suivantes : � ACF devrait développer une approche communautaire de la prévention de la malnutrition avec l’implication des acteurs clés de la communauté dans la définition, l’identification et la mise en place d’un programme de pratiques de soins basé sur :

� Sensibilisation sur les besoins de la femme enceinte � Suivi des femmes en grossesse (soutien émotionnel) � Amélioration des connaissances et des pratiques d’allaitement et de sevrage � Soutien émotionnel des femmes allaitantes � Amélioration de la prévention et de la prise en charge des enfants en cas de maladie

� L’intervention d’ACF devra être orientée sur trois axes : � Au niveau des centres de santé

� Au niveau des accoucheuses traditionnelles � Au niveau des villages

� Une équipe de travailleurs psychosociaux devra être recrutée afin de participer à la formation et à la réalisation d’activités d’amélioration des pratiques de soins avec la communauté

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SOMMAIRE

I. PRESENTATION DE L’EVALUATION.................... .................................................................. 8

1. CONTEXTE .............................................................................................................................. 8

� CONTEXTE REGIONAL................................................................................................................................... 8 Contexte géographique ........................................................................................................................... 8 La position du Kanem par rapport à la situation politique au Tchad : ..................................................... 8 Contexte socioculturel ............................................................................................................................. 9 Contexte humanitaire............................................................................................................................... 9

� CONTEXTE D’INTERVENTION D’ACF ............................................................................................................ 10

2. OBJECTIFS DE L’EVALUATION....................... .....................................................................11

� OBJECTIF GENERAL................................................................................................................................... 11 � OBJECTIFS SPECIFIQUES ............................................................................................................................ 11

II. METHODOLOGIE ...................................................................................................................11

1. CALCUL DE L’ECHANTILLONNAGE ..................... ...............................................................11

Sélection des grappes ........................................................................................................................... 11 Échantillonnage ..................................................................................................................................... 12 Sélection des ménages ......................................................................................................................... 13

2. POPULATION ETUDIEE .............................. ...........................................................................14

3. PRESENTATION DES OUTILS......................... ......................................................................14

Le questionnaire .................................................................................................................................... 14 Les entretiens individuels semi- directifs ............................................................................................... 15 Les groupes de discussions .................................................................................................................. 15

4. ÉQUIPE ET DEROULEMENT DE L’ENQUETE .............. ........................................................15

Ressources Humaines........................................................................................................................... 15 Formation............................................................................................................................................... 15 Déroulement de l’enquête...................................................................................................................... 16

5. CONTRAINTES ET LIMITES DE L’EVALUATION.......... ........................................................16

III. PRESENTATION DES ACTEURS CLES DE LA COMMUNAUTE .........................................17

1. Les chefs de race .............................................................................................................................. 17 2. Les chefs de village ........................................................................................................................... 17 3. les chefs de quartier .......................................................................................................................... 18 4. Les chefs de nomades....................................................................................................................... 18 5. Les Imams ......................................................................................................................................... 18 6. Les marabouts ................................................................................................................................... 19 7. Les présidentes des femmes............................................................................................................. 20 8. Les matrones ..................................................................................................................................... 21 9. Les infirmiers ..................................................................................................................................... 21 10. Les COGES : Comité de Gestion du Centre de Santé.................................................................... 21 11. Les maîtres communautaires .......................................................................................................... 22 12. Les guérisseurs traditionnels........................................................................................................... 22 13. Les personnes vulnérables.............................................................................................................. 23 14. Les personnes influentes................................................................................................................. 23

IV. RESULTATS ET ANALYSE........................... ........................................................................23

1. Informations générales ...................................................................................................................... 23 2. Soins de la femme enceinte .............................................................................................................. 27 3. Connaissances sur la grossesse....................................................................................................... 36 4. Pratiques d’allaitement ...................................................................................................................... 37

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5. Connaissances sur l’allaitement ........................................................................................................ 42 6. Alimentation ....................................................................................................................................... 43 7. Pratiques d’hygiène ........................................................................................................................... 44 8. Pratiques de soins infantiles .............................................................................................................. 46 9. Relations mère- enfant ...................................................................................................................... 52 10. Relations familiales.......................................................................................................................... 55 11. Santé mentale de la mère ............................................................................................................... 56 12. Soutien communautaire................................................................................................................... 58

V. CONCLUSIONS......................................................................................................................60

1. Evaluation des pratiques de soins des femmes enceintes et allaitantes dans la zone de Mao et du sud du district de Mao............................................................................................................................ 60 2. Evaluation des pratiques d’allaitement et de sevrage des enfants de 0 à 24 mois dans la zone de Mao et du sud du district de Mao .......................................................................................................... 60 3. Evaluation des soins psychosociaux apportés à l’enfant dans la zone de Mao et du sud du district de Mao................................................................................................................................................... 61 4. Evaluation des soins psychosociaux et de la santé mentale des femmes dans la zone de Mao et du sud du district de Mao............................................................................................................................ 61 5. Identification des facteurs potentiels de risques de malnutrition liés aux pratiques de soins materno- infantiles dans la zone de Mao et du sud du district de Mao................................................................. 61 6. Identification des déterminants potentiels de risques de malnutrition liés aux facteurs psychosociaux dans la zone de Mao et du sud du district de Mao ....................................................... 62 7. Identification des personnes ressources au sein de la communauté................................................ 62

VI. RECOMMANDATIONS................................ ..........................................................................62

1. La grossesse ..................................................................................................................................... 62 2. L’allaitement....................................................................................................................................... 63 3. Les pratiques de soins....................................................................................................................... 63 4. La santé mentale ............................................................................................................................... 63

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I. Présentation de l’évaluation

1. Contexte

���� Contexte régional

Contexte géographique Le Tchad est un pays enclavé situé au cœur du continent africain, entre les 7e et 24e degrés de latitude Nord et les 13e et 24edegrés de longitude Est. Doté d’une superficie de 1.284.000 Km2 il a une frontière commune avec, au nord, la Libye, à l’est, le Soudan, au sud, la République Centrafricaine et, à l’ouest, le Cameroun, le Nigeria et le Niger.

Les régions du Kanem et du Bahr el Gazal – qui étaient jusqu’au premier trimestre 2008 les deux départements de l’ancienne région du Kanem – constituent la deuxième plus grande région du Tchad après le BET (Borkou - Ennedi – Tibesti). Elles sont situées à 300 km au nord de N’Djamena en zone sahélienne. L’Ouest de la région fait frontière avec le Niger et de nombreux échanges transfrontaliers dynamisent l'économie de l'ensemble de la région. Au Sud-ouest se trouve la région du Lac qui forme la rive du lac Tchad, c’est l’un des greniers agricoles du pays. Au Nord est située la région du BET, région désertique où la population très peu nombreuse est soit concentrée autour de quelques ouaddis, soit nomade. A l’Est, la région du Bahr el Gazal fait frontière avec celle du Batha qui présente des caractéristiques géographiques et climatiques semblables à celles du Kanem. Au Sud se trouve la province du Chari – Baguirmi, où les précipitations sont plus importantes et permettent une agriculture plus diversifiée (mil, sorgho, maïs…). Avec une superficie de 125 290 km² les régions Kanem et Bahr el Gazal présentent des dunes de sable d’une hauteur croissante d’Est en Ouest. La région du Kanem avec comme centre Mao est composée de 10 sous préfectures (S/P de Mao, de Nokou, de Mondo, de Rig-Rig, de Kekedina, de Amdoback, de Melea, de Ziguey, N’Tiona, et de Wadigui), de 22 cantons, de trois communes et d’un sultanat (celui de Mao). Le Sultanat de Mao, est un vaste territoire, environ 9 900 Km², très varié, où les ouadis sont nombreux. Cette zone dépend de l'autorité du Sultan du Kanem. Le groupe ethnique principal est celui des Kanembous.

La position du Kanem par rapport à la situation pol itique au Tchad :

Avec la naissance de la rébellion armée (GUNT) en 1966, l'instabilité politique au Tchad, devenue quasi institutionnelle, a atteint son apogée lors de l'éclatement de la guerre civile en 1979. Certains prétendent que l'origine de ces conflits est à chercher dans une incompatibilité Nord-Sud. Le Nord a été islamisé depuis le XIIe siècle et les nordistes allaient régulièrement chercher des esclaves dans un Sud animiste. Ces rapports ont été inversés avec la colonisation française au début du XXème siècle. Le Sud en plus d'être évangélisé, a eu accès à l'éducation et à l'administration, contrairement aux nordistes, qui ont donc été incapables d'entrer dans l'appareil administratif du nouvel Etat, lors de l'indépendance. De nombreux sudistes ont été et sont encore envoyés dans le Nord aux postes de l'administration et de l'enseignement, et renforcent l'amertume des populations locales par leur gestion souvent abusive et corrompue. Aujourd’hui, les nordistes commencent à occuper aussi des postes à responsabilité. Les conflits ancestraux entre éleveurs nomades du Nord et agriculteurs du Sud sont exacerbés par la dégradation progressive du milieu naturel. La rareté des pâturages oblige les troupeaux transhumants à descendre toujours plus au Sud où ils entrent en conflit avec les sédentaires pour l'accès aux puits et aux ressources naturelles. En revanche, le développement parallèle, depuis l'officialisation du bilinguisme franco-arabe en 1995, d'écoles coraniques et d'écoles laïques avec des programmes scolaires différents, qui risquait, selon

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certains experts, de perpétuer une divergence de pensée dans les nouvelles générations, s’opère finalement très bien. Avant l’année 2000 il n’y avait que deux partis politiques dominant la scène politique au Kanem à savoir : le Rassemblement pour la Démocratie et le Progrès (majoritaire dans la sous préfecture de Mao) et le Mouvement Patriotique du Salut (majoritaire dans les sous-préfectures de Nokou et Moussoro). Lors des élections de mai 2001, ces deux partis se sont alliés pour élire Idriss Deby comme président. Il est à noter que la légitimité de ces élections reste discutable sur de nombreux points. Aujourd’hui dans le seul département du Kanem il y a sept partis politiques (ils n’ont pas de bureau mais des représentants).

Contexte socioculturel On distingue dans la région du Kanem, les grands groupes ethniques suivants: Les groupes GORANES (Toubous, essentiellement éleveurs)

Du nord et de l’ouest - Goranes du BET - Toubou du Tibesti (Teda, Anakaza) – D’origine nomade, ils pratiquent

l'élevage et le commerce. Tous sont chameliers avec quelques petits ruminants. - Goranes du nord Kanem (Dogorda, Gadoua… ; éleveurs mixtes : bouviers et chameliers) - Goranes du Sultanat (mixtes)

De l’est - Goranes Kecherda (chameliers) - Goranes Kreda (bouviers) - Goranes Ankorda (éleveurs mixtes)

Les groupes ARABES, rencontrés principalement à l’ouest

- Arabes du Kanem - Arabes fezzanais - Arabes du Batha (nomades allochtones)

Les groupes et cantons du sud

- Les KANEMBOUS: cultivateurs-éleveurs sédentaires. Classe noble commerçante - Les PEULS: Ils forment deux grands groupes: celui des éleveurs foulbés et celui des

nomades bororos. Les foulbés sont des peuls musulmans, semi-sédentaires à semi-nomades. Certains groupes ont créé des villages qu'ils regagnent après la transhumance. Les Bororos sont considérés comme des nomades ou des grands transhumants.

- TOUNDJOURS (agro-éleveurs) cantons centrés autour de Mondo - HADDADS (= forgerons en arabe): Anciens artisans, ils se sont diversifiés et sont

aujourd'hui agriculteurs (mil et ouadis) et éleveurs mixtes ou chameliers. Les forgerons, les potiers, les artisans travaillant le cuir ainsi que les petits commerçants de viande, de thé, de charbon et de bois sont toujours des Haddads. Les Haddads se retrouvent à la fois chez les Kanembous et chez les Goranes. Ce sont eux qui récoltent les dattes, le natron et la spiruline. Ils représentent la classe "roturière".

En 1993, lors du recensement, il a été décompté une majorité de Goranes (48%) et de Kanembous (40,5%). Cette classification doit être nuancée par le fait, comme le signalait déjà l’étude du laboratoire de Farcha (LRVZ/VSF, 1997), que les groupes ethniques, de plus en plus, se superposent et s’interpénètrent (par exemple : villages comprenant des groupes Goranes et Kanembous).

Contexte humanitaire La région du Kanem présente un déficit structurel et chronique en production agricole et elle renferme les pourcentages les plus élevés de ménages ayant un faible niveau de stocks vivriers. Selon les résultats de

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l’enquête publiée par le PAM/VAM en août 2008, presque 40% des ménages présente une consommation alimentaire pauvre, ce qui est à l’origine d’une situation nutritionnelle préoccupante. La malnutrition aigüe globale à Mao et dans le Sud de son district sanitaire y est de 20%, avec 2.8% de malnutrition aigüe sévère selon les résultats de l’enquête nutritionnelle réalisée par ACF en septembre 2008 (Indice poids pour taille exprimé en Z- Score), soit largement au-dessus du seuil d’urgence défini par UNICEF. La malnutrition chronique globale y est également élevée (56.9%)

Depuis des années, le Kanem vit en effet une situation de malnutrition chronique dont les causes sont multifactorielles : � Situation de déficit et d’insécurité alimentaire chronique résultant de l’enclavement de la région, de la

diminution de la pluviométrie, et donc de la réduction des surfaces cultivables et des pâturages � Manque d’accès à l’eau potable et hygiène inadaptée, causant de nombreux épisodes de diarrhée

chez les enfants � Manque d’accès et d’utilisation des soins de santé, dû aux distances, manque de transport,

recouvrement des coûts, automédication et utilisation des marabouts � Pratiques d’allaitement, d’alimentation complémenta ire et de sevrage des enfants souvent

inappropriées � Ressources financières limitées des femmes qui se retrouvent seules pendant une bonne p artie

de l’année pendant que leur mari cherche du travail dans d’autres régions du Tchad ou à l’étranger � Existence de facteurs de risque exacerbant la situation de malnutrition, tels que la présence de

tuberculose et de nombreux petits foyers de rougeole. La présence du VIH (même si le nombre de cas au Kanem semble encore limité) est un facteur additionnel de vulnérabilité nutritionnelle.

� Dans les enquêtes ACF réalisées depuis 1992, les enfants de 6 à 29 mois présentent souvent des

taux de malnutrition plus élevés que les enfants de 30 à 59 mois (différence statistiquement significative dans de nombreuses enquêtes), ce qui est souvent expliqué dans les rapports d’enquêtes par des pratiques de sevrage et d’alimentation complémentaire inadéquates.

���� Contexte d’intervention d’ACF

ACF est présente au Tchad depuis 1982, principalement dans les régions du Centre et de l’Ouest – Kanem, Guéra, Batha – avec une interruption entre 2002 et 2004. En 2004, le siège de New-York est intervenu sur la problématique des réfugiés soudanais dans le Nord-est du Tchad ; le siège parisien a repris la mission en 2006 et concentré les activités sur la problématique des déplacés internes. Mi-2007, ACF entreprend à nouveau des évaluations dans le Kanem, sur les problématiques de nutrition, sécurité alimentaire, eau et assainissement. Ces études permettent de concevoir un projet intégré en nutrition et sécurité alimentaire pour lutter contre la malnutrition aiguë, qui démarre en janvier 2009 et qu’ACF souhaite compléter par le développement d’un volet spécifique concernant les pratiques de soin materno-infantiles.

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2. Objectifs de l’évaluation

���� Objectif général

Contribuer à une meilleure prise en charge des problématiques nutritionnelles à Mao et dans le sud du district de Mao grâce à une meilleure connaissance des pratiques de soins pouvant causer et/ou aggraver le statut nutritionnel des femmes et des enfants.

���� Objectifs spécifiques

1. Evaluer les pratiques de soins des femmes enceintes et allaitantes dans la zone de Mao et du sud du district de Mao

2. Evaluer les pratiques d’allaitement et de sevrage des enfants de 0 à 24 mois dans la zone de Mao et du sud du district de Mao

3. Evaluer les soins psychosociaux apportés à l’enfant dans la zone de Mao et du sud du district de Mao

4. Evaluer les soins psychosociaux et la santé mentale des femmes dans la zone de Mao et du sud du district de Mao

5. Identifier les facteurs potentiels de risques de malnutrition liés aux pratiques de soins materno- infantiles dans la zone de Mao et du sud du district de Mao

6. Identifier les déterminants potentiels de risques de malnutrition liés aux facteurs psychosociaux dans la zone de Mao et du sud du district de Mao

7. Identifier les personnes ressources au sein de la communauté

II. Méthodologie

1. Calcul de l’échantillonnage

En septembre 2008, ACF a conduit une enquête nutritionnelle dans la zone de Mao et du sud du district de Mao. Suite aux résultats de cette étude, ACF a ouvert un programme de Nutrition et Sécurité alimentaire en janvier 2009 afin de répondre aux besoins urgents de la population tout en prenant en compte leur caractère chronique. Il a été décidé d’évaluer les pratiques de soins de la population dans cette même zone afin d’améliorer nos connaissances des pratiques pouvant causer et/ou aggraver le statut nutritionnel des femmes et des enfants et de contribuer à une meilleure prise en charge des problématiques nutritionnelles dans cette localité dès l’ouverture du programme.

Sélection des grappes

Lors de l’enquête nutritionnelle, 36 grappes localisées dans la zone de Mao et du sud du district de Mao avaient été sélectionnées ; ainsi 30 grappes parmi ces 36 ont été choisies au hasard pour l’évaluation des pratiques de soins. (cf. Annexe 1) La zone enquêtée compte un total de 119,626 personnes. (Population obtenue à partir des listes données par la délégation sanitaire, les responsables de zones de responsabilités et les centres de santé.)

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Échantillonnage Le questionnaire 210 questionnaires ont été réalisés dans les 30 villages sélectionnés soit 7 questionnaires par grappe. Parmi ces 210 questionnaires, 10 ont été effectués avec des femmes nomades dont le campement était localisé dans la zone enquêtée. Les entretiens individuels 20 entretiens individuels ont été menés avec les personnes clés de la communauté

o 3 guérisseurs traditionnels o 3 infirmiers de centres nutritionnels et de centres de santé o 2 matrones o 2 chefs de village o 2 marabouts o 2 imams o 1 chef de nomades o 1 présidente des femmes o 1 homme nomade o 1 chef de quartier o 1 chef de race o 1 femme âgée d’un village

B A H R E L G H A Z A LB A H R E L G H A Z A L

50

K A N E MK A N E M

0 25

kilometres

SOUS PREFECTURE

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Les personnes ont été choisies au hasard à partir de la liste des villages et quartiers sélectionnés. Les groupes de discussion 18 groupes de discussions ont été menés avec 109 personnes de la communauté soit 32 hommes et 77 femmes.

o 4 groupes de discussions avec des femmes enceintes et allaitantes o 2 groupes de discussions avec des femmes âgées et des femmes influentes o 2 groupes de discussions avec des hommes mariés dont la femme est enceinte ou

allaitante o 2 groupes de discussions avec des hommes âgés et des hommes influents o 1 groupe de discussions avec des femmes nomades o 1 groupe de discussions avec un groupement de matrones o 1 groupe de discussions avec les présidentes des groupements de femmes de Mao o 1 groupe de discussions avec des femmes dans un centre de santé o 1 groupe de discussions avec des femmes du CNT de Mao o 1 groupe de discussions avec des femmes du CNA de Mao o 1 groupe de discussions avec des maîtres communautaires o 1 groupe de discussions avec les membres du COGES (Comité de Gestion des centres

de santé)

Les personnes ont été choisies au hasard par les chefs de village ou les responsables des centres. Les entretiens avec d’autres acteurs présents actuellement dans le Kanem ou ayant le projet de travailler dans cette zone 6 entretiens ont été menés avec ces organisations à N’Djamena et/ou à Mao :

o Médecins du Monde o La Coopération Suisse o Centre de Support en Santé Internationale (CSSI) o Projet de Développement Rural du Kanem (Proderk) o Coordination des Associations et de Groupements pour le Développement du Kanem o Association pour la Solidarité et l’Entraide au Kanem (Asek)

Sélection des ménages Sont considérées comme un ménage toutes les personnes vivant dans la même concession et partageant les repas. Dans chaque village, les chefs de village et membres de la communauté ont renseigné et guidé l’équipe afin que l’enquête puisse être effectuée.

La sélection des ménages a été faite selon deux méthodes : o Si les maisons étaient proches les unes des autres et que moins de 40 maisons étaient

totalisées, les enquêteurs numérotaient chacune des maisons dans la grappe et en sélectionnaient 7 au hasard.

o Si les maisons étaient éloignées les unes des autres et/ou que plus de 40 maisons étaient totalisées, la méthode EPI a été appliquée :

� Les enquêteurs se rendaient au centre du village � Une direction était choisie suivant la direction pointée par le crayon lancé au sol � L’équipe marchait jusqu’à l’extrémité du village dans la direction indiquée par le

crayon � Le crayon était de nouveau lancé et l’équipe marchait dans la deuxième

direction indiquée jusqu’à l’extrémité du village en comptant les maisons sur le chemin.

� Une des maisons comptabilisées était choisie au hasard et retenue pour le premier entretien.

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� Les maisons suivantes sur la droite étaient sélectionnées jusqu’à ce que 7 foyers aient été interrogés.

Cas particuliers :

Si la femme était absente lors de la visite, l’équipe a tenté de revenir plus tard dans la journée. Si la personne était toujours absente ou refusait l’entretien, la maison suivante sur la gauche a été sélectionnée.

Dans le cas de familles polygames, une des épouses était choisie au hasard pour l’entretien afin de réduire les risques d’homogénéité dans la grappe.

2. Population étudiée La population étudiée était la suivante :

- Les femmes avec un enfant de 0 à 59 mois pour les questionnaires - Les personnes prenant soin des enfants de moins de cinq ans pour les groupes de discussions

(mères, pères, grands pères, grands-mères) - Les personnes clés de la communauté pour les entretiens individuels et les groupes de

discussions

3. Présentation des outils Le questionnaire (cf. Annexe 2) Un questionnaire a été administré à 210 mères avec un enfant de moins de 5 ans afin de recueillir des informations concernant les ménages, leur mode de fonctionnement concernant les pratiques de soins et leur santé mentale. Un enquêteur posait les questions en moyenne sur une durée de 45 minutes. Le questionnaire a été élaboré avec l’aide de l’équipe nationale recrutée et a inclus les thèmes suivants :

o Les informations générales sur la famille o Les soins de la femme enceinte o Les connaissances sur la grossesse o Les pratiques d’allaitement o Les connaissances sur l’allaitement o L’alimentation o Les pratiques d’hygiène o Les pratiques de soins infantiles o La relation mère- enfant o Les relations familiales o La santé mentale de la mère o Le soutien communautaire

Indicateurs utilisés :

� Pourcentage de femmes enceintes et allaitantes observant des pratiques de soins appropriées Ont été considérées comme pratiques de soins appropriées pour les femmes enceintes et allaitantes : - Au moins une visite ante natale à un centre de santé - Alimentation stable ou augmentée pendant la grossesse - Support émotionnel pendant cette période - Accouchement assisté - Période de repos après l’accouchement - Suivi médical en cas de complication post partum

� Pourcentage de femmes observant des pratiques d’allaitement et de sevrage appropriées

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Ont été considérées comme pratiques d’allaitement et de sevrage appropriées (normes OMS) : - Allaitement moins d’une heure après l’accouchement - Colostrum donné - Allaitement exclusif pendant 6 mois - Allaitement à la demande - Allaitement la nuit - Introduction de la bouillie à 6 mois - Prolongation de l’allaitement jusqu’à l’âge de 2 ans - Sevrage progressif de l’enfant

Les entretiens individuels semi- directifs (cf. Annexe 3) Les entretiens ont été menés avec 20 personnes clés de la communauté afin de comprendre leur rôle dans la communauté, les pratiques d’allaitement, les causes et perceptions de la malnutrition, les causes et traitements des maladies, les causes, expressions et perceptions des troubles psychologiques, les ressources et difficultés de la communauté. Les entretiens ont eu une durée moyenne de 60 minutes et ont été conduits par la responsable de l’enquête et le traducteur. Les groupes de discussions (cf. Annexe 4) Les 18 groupes de discussions ont été menés avec des hommes et des femmes de la communauté afin de comprendre et d’évaluer les soins de la femme enceinte et allaitante, les pratiques d’allaitement, l’organisation du quotidien, les pratiques alimentaires et éducationnelles de la famille, les soins des enfants, l’organisation familiale, les souffrances psychologiques et les mécanismes d’adaptation, la communauté, la malnutrition, l’organisation des groupements de femmes, le rôle des maîtres communautaires, le mode de vie des nomades… Les groupes étaient constitués de 5 à 6 personnes en moyenne et les discussions, d’une durée de 90 minutes en moyenne, ont été menées par la responsable de l’enquête et le traducteur.

4. Équipe et déroulement de l’enquête

Ressources Humaines Une équipe de 3 personnes a mené l’enquête sur le terrain, supervisée par l’expatriée responsable de l’évaluation. Les 2 enquêteurs et le traducteur ont été recrutés à Mao. Ils ont été choisis pour leur expérience des enquêtes, leur expérience de travail en ONG, leur connaissance de la région et des populations ainsi que leurs connaissances en pratiques de soins.

Formation - L’équipe a participé à trois jours de formation sur les thèmes suivants :

o La présentation d’ACF : la charte et les principes o L’historique d’ACF au Tchad o Les objectifs de l’enquête o La responsabilité de chacun des membres de l’équipe o Les explications des pratiques de soins et de la malnutrition o La méthode d’échantillonnage o Les données à collecter (questionnaire individuel) o Les techniques de groupes de discussion et le contenu des discussions o Les techniques de communication o Le test pilote sur le terrain

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Le questionnaire a été testé dans le CNT de Mao afin d’évaluer la compréhension de l’équipe, de vérifier la pertinence des questions posées et l’acceptation par la population enquêtée.

Déroulement de l’enquête Les questionnaires, entretiens individuels et groupes de discussions ont été réalisés simultanément pendant 15 jours, du 12 au 31 décembre 2008. 7 questionnaires par jour ont été remplis par chaque enquêteur et 2 ou 3 entretiens individuels ou groupes de discussions ont été menés par jour par la responsable de l’enquête et le traducteur.

5. Contraintes et limites de l’évaluation D’une manière générale l’accueil dans les villages a été extrêmement chaleureux, et la population systématiquement disponible pour soutenir l’équipe et l’aider à la réalisation des questionnaires, entretiens et groupes de discussions. Les villageois ont été soulagés de savoir qu’ACF allait ouvrir des programmes de nutrition et de sécurité alimentaire à partir de début 2009. Équipe Originairement il avait été décidé de recruter des femmes afin de favoriser les échanges sur les différents thèmes liés aux pratiques de soins tels que la grossesse, l’accouchement, l’allaitement, mais une seule femme a postulé lors du recrutement et elle ne s’est pas présentée lors des entretiens. De ce fait, seuls 3 hommes ont été sélectionnés. Or les questionnaires étant administrés à des femmes, les enquêteurs se sont parfois heurtés à la gêne et à la timidité des mamans. De ce fait certaines réponses peuvent être erronées par volonté de la mère de ne pas parler de sujets intimes face à des hommes étrangers à sa famille. Recueil des données santé mentale Pour la population concernée par l’enquête, reconnaître ses difficultés, exprimer des souffrances physiques ou psychologiques peut être perçu comme honteux. Ainsi une femme dont l’enfant est malnutri est accusée par les autres membres de la communauté d’être une mauvaise mère et de ne pas savoir s’occuper de ses enfants. Quelqu’un se sentant triste ou inquiet ne peut pas en parler avec un inconnu. Ainsi les résultats des données santé mentale collectées par les questionnaires ne correspondent pas totalement aux informations partagées par la population lors des entretiens individuels ou des groupes de discussion. Pour cette raison les ressentis des mères collectés dans la partie santé mentale du questionnaire ne semblent pas coïncider parfaitement avec la réalité et les souffrances ont tendance à être sous estimées, les mères n’osant pas reconnaître pleinement leurs peurs, inquiétudes ou tristesses. Recueil des données sur les soins prénataux : La question 34 du questionnaire : « Lors de votre dernière grossesse, avez- vous reçu des soins prénataux? » a été mal interprétées par les certaines mères. En effet, certaines ont répondu « oui » à la question lorsqu’elles se sont rendues dans un centre de santé pendant leur dernière grossesse, sans pour autant recevoir de soins prénataux. Ainsi les résultats obtenus à cette question sont surestimés par rapport au nombre de femmes ayant effectivement reçu des soins prénataux. Nomades Il a été difficile de mener des entretiens avec les familles nomades car, étant donné le manque de pâturages, la plupart des familles nomades s’étaient déplacées dans les zones plus au sud, proches du Lac Tchad, et ne se trouvaient ainsi plus dans la zone enquêtée. Pour cette raison seuls 10 questionnaires, un entretien individuel avec un homme et un groupe de discussions avec des femmes ont pu être conduits, ne permettant pas une comparaison des pratiques de soins entre les femmes sédentaires et les femmes nomades. Sélection des grappes :

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30 grappes parmi les 36 de l’enquête nutritionnelle ont été sélectionnées au hasard pour l’évaluation des pratiques de soins. Or parmi ces 30 grappes, seules 2 étaient en zone urbaine, les 28 autres étant localisées dans des zones rurales. Le déséquilibre entre le nombre de grappes en zone urbaine et le nombre de grappes en zone rurale ne permet pas la comparaison des pratiques de soins entre les populations rurales et urbaines. Ainsi l’analyse des résultats de l’enquête sera réalisée à partir des 210 questionnaires, mode de vie (sédentaire ou nomade) et zone d’habitation (rurale ou urbaine) confondus. Distances La zone de Mao et du sud du district de Mao est très vaste et les pistes souvent chaotiques, ce qui a entraîné des temps de transports longs entre les différentes zones à enquêter et la nécessité de passer plusieurs nuits sur le terrain.

III. Présentation des acteurs clés de la communauté Afin de comprendre comment est structurée la communauté du Kanem et plus particulièrement la zone de Mao et du sud du district de Mao, il a été demandé aux acteurs d’expliquer leur rôle et activités au sein de la communauté. Ainsi chaque village est dirigé par un chef de village ; sont également présents parfois des chefs de races et des chefs de nomades, et dans chaque village au moins un Imam et/ou marabout, une présidente des femmes et ses assistantes (si le village compte un groupement), une ou plusieurs matrones. Les infirmiers et membres du COGES sont présents dans les villages où il y a un centre de santé ou dans les villages inclus dans la zone de responsabilité du CDS ; les maîtres communautaires travaillent dans les rares villages où il y a une école et les guérisseurs traditionnels habitent dans différents villages, mais tous les villages n’ont pas toujours un GT. Le détail des activités de chacun des acteurs clés de la communauté se trouve dans les annexes 5 et 6.

1. Les chefs de race

Chaque ethnie a son propre chef, appelé chef de race ou chef d’ethnie. La position de chef de race est héréditaire et revient au fils aîné à la mort du chef. Le chef de race est une autorité traditionnelle reconnue par le Sultan et par les autorités administratives. Le chef de race est un homme très influent, hiérarchiquement supérieur au chef de village et qui peut diriger plusieurs chefs de village. Le chef de race est l’intermédiaire entre les chefs de village et les chefs de canton. Le chef de race est responsable de verser les impôts au chef de canton, de régler les conflits interethniques (problèmes autour des ouadis ; tensions éleveurs- agriculteurs…). Il vient en aide aux chefs de villages lorsque ceux- ci sont dépassés par les affaires à régler.

2. Les chefs de village La position de chef de village est une position héréditaire occupée par un homme jusqu’au jour de son décès. Lorsque plusieurs frères sont susceptibles de devenir chef de village, les hommes choisissent celui qui leur semble le plus adéquat pour assumer cette fonction. Si aucun des fils du chef de village décédé ne semble convenir, un autre homme influent du village peut être choisi. Responsabilités du chef de village :

- Collecter les taxes civiques auprès des villageois afin de les reverser au chef de canton. Les impôts s’élèvent environ à 500 FCFA/homme/an.

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- Gérer les conflits entre les villageois, o tensions entre femmes (assez fréquentes notamment entre les coépouses) ; o problèmes de voisinage et champêtres (limites des champs) ; o conflits entre enfants ; o conflits entre maris et femmes (peu fréquents).

Lorsque les conflits dépassent la compétence du chef de village, celui-ci en réfère au chef de canton. - Accueillir les étrangers

Les chefs de village ne sont pas rémunérés pour leur action et travaillent bénévolement. En cas d’absence ils peuvent être représentés par leur frère ou un autre homme influent du village. Les chefs de village sont généralement informés de tout ce qui se passe au sein de leur communauté, et son amenés à donner des conseils, notamment lorsqu’une femme doit envoyer son enfant au centre de santé. Réunions de chefs de village : Les chefs de village se réunissent lorsqu’il y a des problèmes à régler, plusieurs fois par an pour discuter des difficultés de la région et chercher des solutions ensembles, enfin lors de cérémonies religieuses.

3. les chefs de quartier La ville de Mao étant étendue, elle a été divisée en 24 quartiers, chacun ayant son propre chef, œuvrant sous la responsabilité du maire et du Sultan. Les chefs de quartier sont élus tous les 4 ans par scrutin la première fois puis à main levée lorsqu’il s’agit d’un renouvellement. Les hommes comme les femmes sont invités à voter. Les responsabilités des chefs de quartiers sont similaires à celles des chefs de village, à savoir : Collecter annuellement les taxes civiques : environ 1000 FCFA/Homme (montant pour la zone urbaine) S’occuper des activités au niveau du quartier : campagnes de sensibilisation, de vaccination… Régler les tensions de voisinage (si besoin, référence à la gendarmerie ou au Sultan), conflits souvent liés aux disputes entre enfants et aux limites des concessions, ou encore aux tensions entre coépouses Régler les tensions entre maris et femmes Régler les ventes de terrains ou de concessions Gérer les vols (ils sont signalés à la gendarmerie ou au Sultan) Transmettre les ordres ou informations de l’administration aux habitants du quartier (réunion tous les mois ou tous les deux mois) Les chefs de quartier travaillent de manière bénévole et leurs activités liées à leur position les occupent tous les jours, une grande partie de la journée.

4. Les chefs de nomades

La plupart des chefs de nomades sont également chefs de village et de ce fait partagent les mêmes responsabilités que les chefs de village. En plus de cela, en tant que chef de nomades, ils sont chargés de recommander à ceux qui partent vivre en brousse de respecter les gens, de se présenter aux chefs de canton lorsqu’ils arrivent dans une nouvelle zone, de ne pas créer de problèmes. Si certaines personnes refusent que les nomades abreuvent leurs animaux dans leur puits, ils conseillent aux nomades de négocier mais de ne pas insister et de ne pas se battre. En cas de problèmes, les nomades doivent informer les chefs traditionnels et l’administration. Les chefs de nomades se chargent ainsi de régler les conflits inhérents au partage de l’eau et des terres.

5. Les Imams

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Les Imams ont en général suivi l’école coranique pendant de nombreuses années (15 ou 20 ans) avant de revenir dans leur propre village et travailler en tant qu’Imam. Les Imams sont chargés d’animer l’école coranique pour les enfants tous les jours. L’école a lieu le matin et l’après midi et les enfants y vont en général à partir de 7 ans et jusqu’à l’âge de 9 ou 10 ans. Certains peuvent continuer plus tard, surtout s’ils veulent devenir Imam, ou quelqu’un de renommé. L’école coranique est gratuite. A l’école coranique, les Imams enseignent les préceptes de l’Islam ainsi que l’importance du respect des parents, du respect de son prochain ; ils recommandent aux enfants d’avoir une hygiène irréprochable, de se laver fréquemment, de manger des aliments propres, de se laver les mains avant et après avoir mangé. De nombreuses personnes viennent voir les Imams pour parler avec eux de divers sujets liés à la religion, mais aussi pour régler des problèmes légaux de mariage, dots, tensions entre mari et femme, conflits entre deux personnes. Les Imams écoutent chacune des parties et donnent ensuite des conseils pour résoudre les conflits. Lors des prêches à la mosquée avec les adultes, les Imams abordent les thèmes de la santé, de l’hygiène, de l’éducation, en plus de la religion. En cas de maladies ou de difficultés les Imams recommandent d’implorer Dieu et aident les personnes à travers leurs prières. En cela, les Imams endossent un rôle de marabout. Parfois les Imams recommandent aux villageois de se rendre au centre de santé pour se soigner. Tous les Imams sont marabouts, mais tous les marabo uts ne sont pas des Imams. Les Imams sont en contact avec d’autres Imams et se réunissent généralement le vendredi, après la prière à la mosquée. Les Imams travaillent également en collaboration avec un adjoint.

6. Les marabouts Comme mentionné précédemment, beaucoup de marabouts sont Imams mais ce n’est pas systématique. Les marabouts ont suivis l’école coranique pendant de nombreuses années et sont chargés de l’éducation des enfants à travers l’école coranique. Les villageois ont recours au marabout en cas de :

- Maladies - Mariages - Baptêmes - Décès - Naissance - Accouchement - Grossesse - Sevrage - Circoncision - Manque d’emploi - Perte de quelque chose (animal) - Problèmes d’allaitement - Perte de raison

Les consultations coûtent entre 500 et 1,500 FCFA. Les prix sont libres et décidés par les personnes qui consultent. Les maladies les plus fréquentes pour lesquelles les marabouts sont consultés sont : les plaies graves, les petits enfants dont la mère a entendu l’oiseau (cf. explication ci-dessous dans la partie « fausses couches »), les maladies soudaines, les diarrhées, les vomissements, les palpitations, les problèmes d’allaitement.

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Parfois les gens viennent vers les marabouts, mais parfois ceux- ci se déplacent eux-mêmes (par exemple en cas d’accouchement). Femmes avec problèmes d’allaitement : Certaines femmes se plaignent que leurs enfants n’arrivent pas à téter correctement, dans ce cas le marabout implore Dieu, écrit des versets du Coran sur une ardoise, verse de l’eau et donne l’eau à boire à la mère ou à l’enfant. En cas de douleurs ou infection du sein, le marabout implore de la même façon. En revanche, il n’a pas de remèdes pour le manque de lait et lorsqu’une femme se plaint de cela, il lui recommande de se rendre au CDS. Il peut également la conseiller de se nourrir de bouillie de mil avec du lait, de manger des arachides crues, d’avaler de l’huile de vache. Mode d’imploration des marabouts : Les marabouts cherchent dans le Coran les versets correspondants au problème ou à l’objectif de l’interlocuteur, les notent sur une ardoise (photo ci contre) versent de l’eau pour effacer les versets inscrits et donnent cette eau à boire à la personne. Grâce à cet acte, les versets du Coran pourront être efficaces et apporter à la personne ce dont elle a besoin. Réunions de marabouts : Les marabouts de villages proches se réunissent une ou deux fois par semaine pour parler de la vie du Prophète, du Coran, de la religion. Aucun sujet autre que la religion n’est abordé.

7. Les présidentes des femmes Dans la plupart des villages de la zone, il existe un groupement de femmes. Les activités de l’organisation peuvent différer d’une communauté à une autre. Mais chaque groupement a une présidente, élue à vie par les autres femmes du village grâce à ses connaissances, son écoute et son sens de la communication. La sous-préfecture de Mao compte ainsi plus de 50 associations et groupements de femmes. Activités des groupements : Dans les villages, les groupements de femmes et plus précisément la présidente son chargées de :

- Accueil des étrangers : les femmes préparent des plats pour les visiteurs. En général, c’est la présidente qui s’en charge. Si les étrangers sont trop nombreux, les autres femmes peuvent l’aider.

- Gestion des conflits entre femmes. Parfois les voisines, ou coépouses se disputent, se frappent, et la présidente des femmes doit intervenir pour régler les tensions

- Animation de réunions hebdomadaires ou bi hebdomadaires. Toutes les semaines, les femmes en âge de procréer se retrouvent chez la présidente pendant une après midi pour parler des enfants, se donner des conseils sur le mariage, la gestion du foyer, les relations avec les maris, les soins à apporter aux enfants, l’allaitement, notamment pour les jeunes mamans, résoudre les problèmes, etc.

Certains groupements, notamment en ville, ont mis en place des activités génératrices de revenus tels que des petits commerces, du maraîchage. Les réunions permettent de :

- Faire le compte rendu de la semaine - Collecter l’argent (en moyenne 500 FCFA/Femme/semaine) - Discuter de quelle femme a besoin d’argent, de combien, de l’objectif, des possibilités de

remboursement - Décider des perspectives et des activités à développer par la suite - Echanger des recommandations sur la santé, la vaccination, les enfants

Beaucoup de groupements ont été crées récemment grâce aux conseils reçus par certaines organisations (PDOKA : Projet de Développement Agricole des Ouadis du Kanem, aujourd’hui appelé PRODERK ;

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Coordination des groupements et associations de Mao) et la radio nationale ; le bouche à oreille a également été un facteur incitant les femmes à se regrouper. Réunions entre présidentes des femmes : Les présidentes des femmes de plusieurs villages se retrouvent lors des différentes cérémonies (mariage, décès, baptêmes…) et échangent les informations qu’elles ont, se donnent des conseils ; celles de Mao se retrouvent rarement entre elles mais sont disposées à le faire en cas de besoin.

8. Les matrones La plupart des villages de la zone enquêtée ont au moins une ou plusieurs femmes occupant le rôle d’accoucheuse traditionnelle. Hormis une partie des matrones de Mao, aucune femme n’a été formée à cette pratique. Elles ont appris en observant les autres matrones. Certaines femmes du groupement d’accoucheuses traditionnelles de Mao ont quant à elles reçu une formation de 7 jours en 2002 par le projet PASS (Projet d’Appui au Secteur Sanitaire) et une formation de 3 jours en 2007 par le FOSAP (Fond de Soutien aux Activités en matière de Population, financé par la banque mondiale). La formation a porté sur la santé de la reproduction : planning familial, espacement des naissances, CPN, vaccination mère- enfant… Aujourd’hui, toutes les matrones, même celles formées par le projet PASS, travaillent dans leur zone, indépendamment des centres de santé. Rôle de la matrone : Les matrones assurent le suivi des femmes enceintes en leur recommandant de se rendre au centre de santé si elles sont trop fatiguées ; elles assistent les femmes pendant l’accouchement et jusqu’une semaine après la naissance. (cf. la partie soins pré et post nataux ci-dessous). Pendant la semaine post partum, les matrones donnent des conseils aux mamans sur comment bien porter leur enfant, comment le protéger du froid, comment le mettre dans une bonne position au sein. Elle leur donne également des conseils sur l’hygiène du nouveau né. Les accoucheuses du groupement de Mao se réunissent entre elles toutes les semaines afin de parler de leurs pratiques, mais celles des villages se croisent uniquement lors des cérémonies religieuses ou lorsqu’une matrone sollicite l’aide d’une autre lors d’un accouchement difficile.

9. Les infirmiers Les infirmiers responsables de centres de santé ont généralement été formés pendant deux ans en école d’infirmier. Ils sont souvent appuyés de garçons de salle qui travaillent bénévolement ou qui peuvent parfois profiter de l’argent du recouvrement des coûts. Les infirmiers gagnent environ 78,000 FCFA/mois à leurs débuts et travaillent du lundi au samedi de 7h à 13h ou 16h (cela dépend des centres) ; ils sont également disponibles en cas d’urgence. Outre les soins, les infirmiers sont chargés de donner des conseils aux patients afin de prévenir de futures maladies. Malheureusement il semble que ces conseils soient peu divulgués. Et les garçons de salles suppléants les infirmiers sont peu formés et ne peuvent ainsi pas prodiguer les conseils nécessaires, particulièrement concernant l’allaitement. Certains personnels des centres de santé organisent des sensibilisations au niveau individuel dans les villages de leur zone de responsabilité mais ces activités sont rares et peu répandues.

10. Les COGES : Comité de Gestion du Centre de Santé Le COGES est composé de 7 personnes :

- Un président - Un vice- président - Un secrétaire - Un trésorier

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- Un commissaire au compte - Un conseiller - Un membre

Lors de la création du CDS, les membres du COGES ont été choisis par consensus pour une durée indéterminée. Dans chaque centre de santé, il existe un Comité de Santé (COSAN) et un Comité de Gestion (COGES). Le rôle du COGES est de :

- Surveiller le fonctionnement du CDS - Décider de la stratégie du CDS - Evaluer les besoins du CDS - Gérer le budget de l’hôpital - Sensibiliser les villages environnants sur la vaccination, le référencement au CDS

Les membres du COGES sont tous bénévoles et se réunissent toutes les deux semaines avec le responsable du CDS afin de faire le point sur les sujets mentionnés ci- dessus.

11. Les maîtres communautaires Les maîtres communautaires sont des villageois ayant au moins le BEPC et qui ont choisi de s’orienter vers l’éducation. Certains maîtres ne sont pas formés du tout et sont alors rémunérés par les parents d’élève. Ils apprennent leur métier par l’imitation des maîtres déjà formés. D’autres maîtres sont engagés par l’éducation nationale et bénéficie d’une formation s’étalant sur trois ans : La banque mondiale finance 45 jours de formation depuis 2000 (avec le PARSET : Projet d’Appui à la Réforme de l’Education au Tchad). Suite à cette formation, les maîtres doivent enseigner pendant deux ans les classes de CP1 jusqu’à CE2. Ensuite ils peuvent passer au niveau 2 et recevoir une formation de 75 jours, suivie d’un examen. Si l’examen est réussi, les maîtres peuvent suivre une formation de 75 jours et passer au niveau 3 et enseigner à toutes les classes de primaire. Les maîtres gagnent environ 24,000 FCFA / mois à leurs débuts. Dans les écoles, les maîtres enseignent parfois avec des enseignants formés à l’École Normale. Les écoles enseignent les matières en français et/ou en arabe. L’école est gratuite pour les enfants et pour les adultes qui suivent des cours d’alphabétisation. Les enfants viennent 6 jours par semaine à l’école, de 7h30 à 12h30, et se reposent le dimanche. Les enfants sont admis à partir de l’âge de 6 ans au CP (il n’y a pas de maternelle, sauf à Mao). A part les activités de maîtres communautaires, ces personnes n’ont pas d’autre travail et aucun n’a mentionné aider les matrones ou d’autres personnes du village à écrire.

12. Les guérisseurs traditionnels Les guérisseurs traditionnels travaillent généralement aussi comme agriculteur pendant la saison des pluies. Le reste de l’année, ils sont souvent forgerons ou cordonniers. Les femmes guérisseuses traditionnelles n’ont parfois que cette occupation ou alors elles vendent des produits sur les marchés. Les GT ont souvent appris leur travail par un membre de leur famille. Certains soignent avec des herbes, des tisanes, des massages, d’autres pratiquent des interventions avec des outils telles que l’extraction des « fausses » dents, l’ablation de la luette, les scarifications, les brûlures (cf. la partie pratiques de soins infantiles ci-dessous).

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En général seuls les hommes pratiquent les ablations de luette et extractions de dents ; les autres soins sont prodigués tant par les hommes que par les femmes. Les tradipraticiens consultent souvent sur les marchés ou à leur domicile. Ils sont rémunérés environ 1,000 FCFA pour chaque acte accompli. Avoir recours aux GT est une coutume fortement ancrée dans les traditions des habitants de la zone malgré les dangers encourus suite aux soins.

13. Les personnes vulnérables Les personnes considérées comme les plus vulnérables par les acteurs clés de la communauté sont :

- Les familles avec de nombreux enfants et peu de revenu - Les personnes sans travail - Les familles qui ne possèdent ni terre ni bétail - Les personnes âgées sans famille pour les soutenir

14. Les personnes influentes Les personnes considérées comme influentes par la communauté sont :

- Les chefs de village ou de quartier et ou de nomades - Les Imams - Les marabouts - Les présidentes des groupements de femmes - Les agents de santé - Les personnes âgées (hommes ou femmes) - Les matrones

Lors des entretiens et groupes de discussions, les personnes interrogées ont toutes affirmé qu’ACF devraient s’appuyer sur les membres influents de la communauté afin de transmettre des messages et servir de relais communautaire. Tous ont paru motivés pour aider ACF à réaliser des programmes.

IV. Résultats et analyse L’analyse a été réalisée à partir des questionnaires, des entretiens individuels semi- directifs et des groupes de discussions effectués. Pour une meilleure compréhension des résultats, il est important de savoir que l’analyse des résultats est basée d’une part sur une analyse qualitative (entretiens, groupes de discussions) et d’autre part sur une analyse quantitative (questionnaires). Le calcul en pourcentage s’est fait à partir des 210 questionnaires réalisés.

1. Informations générales La plupart des mères interrogées venaient de zone rurale (93,3%), ne permettant ainsi pas une comparaison entre les pratiques et connaissances des femmes dans les zones urbaines et les zones rurales.

Ethnie de la mère

Kanembou72%

Gorane21%

Arabe7%

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Une majorité d’entre elles étaient Kanembou comme le montre le graphique ci- dessus ; 21% des femmes étaient Goranes et 7% Arabes. La majorité de la population enquêtée était sédentaire (95,2%) et seuls 10 questionnaires ont pu être réalisés avec des femmes nomades goranes et arabes car peu de familles nomades avaient actuellement leur campement dans la zone couverte par l’évaluation. Toutes les femmes concernées par l’évaluation étaient de religion musulmane. Il est important de noter que la population du Kanem est majoritairement musulmane sauf les familles ayant émigré d’autres régions du Tchad, notamment les chrétiens du sud. Les mères enquêtées étaient âgées de 16 à 43 ans, avec une moyenne de 29 ans et quasiment toutes étaient mariées (96,7%) ; seules 1,9% des femmes étaient divorcées ou séparées et 1,4% veuves. Parmi ces mères, 63,6% sont l’unique épouse alors que les maris de 36,4% des femmes interrogées ont deux voire 3 ou 4 épouses comme le montre le graphique ci- contre. Lorsqu’un couple se sépare, la décision est presque systématiquement prise par les hommes et les divorces sont principalement dus aux mésententes au sein des couples (tensions, ressentiments…). Dans la culture kanembou, et plus particulièrement dans le sud de la région du Kanem, avoir plusieurs épouses est un signe de respectabilité pour un homme. Celui- ci acquiert un statut particulier dans la communauté à partir du moment où il a plusieurs épouses. Or avoir la charge de plusieurs épouses implique de pourvoir aux besoins de plusieurs familles et de plusieurs maisons, les coépouses cohabitant rarement sous le même toit. Cette tradition engendre un accroissement des difficultés financières dans les familles concernées par la polygamie. De plus, la polygamie engendre des frustrations pour les coépouses qui peuvent parfois devenir violentes les unes vis-à-vis des autres. Lors de la réalisation des questionnaires, la plupart des femmes ont mentionné bien s’entendre avec leur(s) coépouse(s) alors que lors des discussions avec les hommes ceux-ci ont davantage exprimé les ressentiments qui pouvaient parfois survenir entre les femmes. De plus les 3 responsables de centres de santé interrogés ont expliqué qu’ils devaient fréquemment (environ une fois par semaine) apporter des soins médicaux, notamment faire des points de suture, à des coépouses s’étant battues ; les femmes n’hésitant pas à en venir aux mains et à utiliser des couteaux pour régler des conflits domestiques et/ou ayant trait aux enfants. Le niveau d’éducation dans le Kanem est très faible, avec un nombre réduit d’écoles, de maîtres et des difficultés d’accès du fait des longues distances à parcourir pour la plupart des enfants. Ainsi seules 10% des mères interrogées ont suivi l’école primaire. 31,4% d’entre elles ont participé à l’enseignement religieux dans une école coranique. En général l’école coranique forme les enfants de 7 à 10 ans aux préceptes de l’Islam plusieurs heures par jour, le matin et l’après midi. Les classes sont mixtes au départ puis les filles et les garçons sont séparés lorsqu’ils commencent à approcher les 9 ou 10 ans d’âge. Toutefois plus de 60% des mamans enquêtées n’ont jamais reçu d’éducation scolaire ou religieuse.

Nombre d'épouses dans la famille

27,3%

7,2%1,9%

63,6%

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

1 épouse 2 épouses 3 épouses 4 épouses

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Le groupe cible de femmes pour les questionnaires étaient les mères d’au moins un enfant de moins de 5 ans. Parmi les femmes interrogées, les mères avaient entre 1 et 10 enfants vivants avec une moyenne de 3,6 enfants par femmes. Ce chiffre relativement bas s’explique par le fait que beaucoup de femmes enquêtées étaient encore jeune et avaient encore « peu » d’enfants. En revanche près de la moitié des mères reconnaissent avoir perdu au moins un enfant ; 44,3% d’entre elles ayant enterré 2 à 5 enfants (cf. graphique c-contre). Lors des groupes de discussions, les femmes ont exprimé une préférence pour les familles nombreuses avec en moyenne 5 ou 6 enfants, car les enfants permettront de

subvenir aux besoins de leurs parents lorsque ceux- ci seront âgés. Avoir 5 ou 6 enfants vivants implique davantage de grossesses étant donné le taux élevé de mortalité infantile. (3,01/10,000/jour d’après les résultats de l’enquête de mortalité effectuée par ACF en septembre 2008 ; le seuil d’alerte étant situé à 2 décès/10,000/jour). Beaucoup de mères ignorent les causes du décès de leur enfant et celles connaissant les raisons invoquent principalement la coqueluche, les diarrhées et les difficultés respiratoires.

La quasi-totalité des femmes ne « choisit » pas un nombre d’enfant particulier car selon les mères « la religion l’interdit ». Ainsi aucune mère interrogée n’utilise de moyens de contraception. Malgré cela, l’espacement des naissances entre les deux plus jeunes enfants, calculé à partir du temps écoulé entre la naissance de l’avant dernier et celle du dernier enfant, que l’enfant soit vivant ou non, est de 2 ou 3 ans pour près de la moitié des mères et de plus de 3 ans pour moins de 20% des mères. L’Organisation Mondiale de la Santé recommande aux mères d’observer un espacement d’au moins trois ans entre chaque grossesse afin de permettre aux mamans de récupérer et de

pouvoir allaiter et élever leur enfant plus facilement. Malgré la non utilisation de moyens de contraceptions, beaucoup de mère ont une régulation des naissances adaptée. Cela peut s’expliquer par l’absence récurrente des maris, un certain nombre travaillant une grande partie de l’année, voire plusieurs années dans une autre région ou un autre pays ; une autre explication pourrait être fournie par l’aménorrhée ou l’instabilité des cycles menstruels de nombreuses femmes, comme relaté lors des discussions. Ces dérèglements pourraient être causés par une alimentation insuffisante ou déséquilibrée entrainant la malnutrition des femmes et la suspension de leurs menstruations. A titre indicatif, parmi les mères interrogées, la moitié avaient un enfant âgé de 6 à 24 mois ; 22% de moins de 6 mois et 27% âgé de 2 à 5 ans. Dans la plupart des familles des zones rurales, les parents vivent seuls avec leurs enfants (plus de 80%). Lorsque les hommes deviennent adultes et avant de partir travailler dans une autre région, ils reçoivent l’aide des autres hommes de la communauté afin de construire leur maison en poto poto (argile extrait des sols des ouadis). (Photo ci-dessous)

55,7%

18,1%

13,8%6,7%

5,2%0,5%

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

0 1 2 3 4 5

Nombre d'enfants décédés

Espacement des naissances

1,1%

32,6%

18,6%

47,7%

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60%

Moins de 1 an

Entre 1 et 2 ans

Entre 2 et 3 ans

Plus de 3 ans

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Lorsqu’un homme choisit de se remarier, il construit une autre maison dans le village pour sa nouvelle épouse. Très peu de femmes vivent avec leurs belles mères dans les villages, ce qui semble être plus fréquent en ville. En effet, lorsque le premier fils de la famille se marie, son épouse vient systématiquement s’installer sous le même toit que ses beaux parents ; lorsque le deuxième fils se marie, sa femme et lui s’installent dans une autre maison dans la même concession s’il y a suffisamment de place ou dans une concession différente si l’espace est trop exigüe. Parfois les familles recueillent des orphelins, la plupart étant les enfants d’un frère ou d’une sœur décédée.

Lorsqu’une femme jeune devient veuve, elle peut soit se remarier avec quelqu’un du même village (et parfois de la même famille que son mari) soit retourner vivre avec ses parents ; mais il lui est difficile de demeurer dans le village de son époux. La grande majorité des familles interrogées dépendent du revenu du père (95%) et/ou du revenu d’autres membres de la famille (24%). Très peu de femmes travaillent (moins de 2%) et celles qui travaillent sont les femmes veuves, et d’un certain âge. Celles-ci confectionnent des nattes et les vendent sur les marchés principalement. Les autres mères interrogées s’adonnent aux travaux domestiques ainsi qu’aux travaux dans les champs pendant la période des labours qui a lieu en saison des pluies de juin à septembre. Beaucoup de familles choisissent alors de s’installer pendant plusieurs semaines dans les champs, dans une case construite à cet effet, et ne retournent au village qu’une fois les activités de labours terminées. Les pères assument en majorité entre 4 et 6 personnes, avec un peu moins de 30% des pères ayant la charge de 7 à 10 personnes tous les jours, comme le montre le graphique ci-contre. Afin de soutenir leur famille, de nombreux hommes sont obligés de s’exiler dans d’autres régions du Tchad (près de 40%): N’Djamena, Sahr, Moundou, et même dans d’autres pays : Arabie Saoudite, Nigeria, Lybie… Ces hommes essaient de faire du commerce ou gagnent leur revenu à l’aide de « petits boulots ». Certains peuvent revenir 1 ou 2 fois par an, notamment pour labourer les champs pendant la saison des pluies ou pour célébrer le Ramadan en famille ; d’autres ne reviennent que tous les 2 ou 3 ans. Malgré l’absence des maris, les couples sont en contact plusieurs fois par semaine grâce à l’usage des téléphones portables. Les communications permettent aux hommes de continuer à prendre les décisions, d’envoyer l’argent ou le matériel nécessaire à la survie de la famille, et de s’informer de la santé et de l’état de chacun des membres de la famille. Cela permet également aux femmes de se sentir moins seules et de diminuer les responsabilités qui pèsent sur leurs épaules pendant les mois d’absence de leurs maris.

Nombre de personnes à charge

12,4%

29,5%

16,7%

41,4%

0% 10% 20% 30% 40% 50%

Moins de 3

De 4 à 6

De 7 à 10

Plus de 10

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Les hommes qui restent au village travaillent principalement comme commerçants ou comme agriculteurs. Le métier de marabout permet également de pourvoir aux besoins de 10% des familles interrogées. Mais les revenus des uns comme des autres sont largement insuffisants pour couvrir les besoins des familles ; ainsi plus de 84% des mamans expliquent que la période de soudure de juin à septembre est l’intervalle le plus difficile de l’année avec la nécessité de jeûner, et les nombreux membres de la famille, adultes comme enfants, dont le statut nutritionnel s’aggrave à cette période. Près de 13% des mères relatent que les difficultés financières sont intenses tout au long de l’année et pas seulement pendant la période de soudure. Or il est facile d’imaginer que ces chiffres sont sous estimés étant donné que pour la population du Kanem se plaindre ou exprimer des difficultés est considéré comme honteux.

2. Soins de la femme enceinte N. B. Toutes les questions concernant la grossesse ont été posées par rapport à la gestation du dernier enfant vivant. Sont considérées comme pratiques de soins appropriées pour les femmes enceintes et allaitantes : - Au moins une visite ante natale ans un centre de santé - Alimentation stable ou augmentée pendant la grossesse - Support émotionnel pendant cette période - Accouchement assisté - Période de repos après l’accouchement - Suivi médical en cas de complication post partum Parmi les femmes interrogées lors de l’enquête, seule 2 femmes sur les 210 observent des pratiques de soins appropriées. Mariage D’après les entretiens réalisés, il apparaît que les femmes se marient très jeunes dans cette région du Tchad, certaines mêmes avant la puberté. L’âge des femmes au moment de leur mariage s’échelonne de 12 à 25 ans, avec une moyenne de 15 ans ; La majeure partie des femmes s’étant unies avant leur majorité (89% des mères) et la quasi-totalité avant

Activités de la personne en charge du revenu de la famille

17,1%

8,6%

23,3%

0,0%

10,0%

1,4%

6,7%

38,1%

0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% 40% 45%

Agriculteur

Eleveur

Commerçant

Travailleur journalier

Travailleur dans une autre région ou à l'étranger

Marabout

Sans travail

Autre

Age du mariage des mères

0,50%10,50%

89,00%

0%10%20%30%40%50%60%70%80%90%

100%

Mariage avant 18ans

Mariage entre 18 et20 ans

Mariage après 20ans

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d’avoir 20 ans, comme l’indique le graphique ci contre. Cette précocité des mariages entraîne nécessairement des complications lors des grossesses et des accouchements, le corps des femmes n’étant pas mature pour traverser une grossesse. De plus la plupart des femmes se retrouvent mères alors qu’elles ne sont encore elles mêmes que des enfants, ce qui nuit à leur capacité de s’occuper adéquatement des petits. La plupart sont devenues mère à l’âge de 18 ans. Cet écart entre l’âge du mariage et l’âge de la première grossesse peut s’expliquer par l’absence de leur mari ou les aménorrhées fréquentes comme mentionné

précédemment. La plupart des mariages sont décidés par les parents et particulièrement par les parents du jeune homme. Les pères évaluent entre eux le montant de la dote et une fois l’accord conclu, les mères se chargent des achats et de la préparation de la cérémonie. Les jeunes mariés se rencontrent pour la première fois le jour de leur mariage. Les familles ainsi que les amis, voisins, villageois partagent ce moment de fête en chantant, dansant et partageant un repas après la bénédiction de l’Imam ou du marabout. La première semaine suivant l’union, une « tchandara » (femme âgée chargée

d’ « éduquer » la jeune mariée) se rend au domicile des nouveaux époux et enseigne à la jeune fille comment être une bonne épouse, c'est-à-dire : comment respecter sa belle famille, comment montrer du respect et de l’obéissance à son mari, comment s’occuper de l’hygiène de la maison, comment avoir des relations sexuelles… L’homme quant à lui est instruit par ses amis déjà mariés notamment sur comment être un bon père, comment respecter la famille de sa femme, comment respecter sa femme. Le travail de la tchandara est rémunéré par la famille et la tchandara reçoit une partie de la dote (pagne, sucre, céréales…) ; cette fonction est héréditaire et ce sont les femmes de basse classe sociale qui occupent ce rôle. En plus de l’aspect héréditaire, les femmes sont choisies parce qu’elles sont respectueuses et maîtrisent les techniques traditionnelles, notamment pour les soins à domicile (usage de tisanes, plantes…). Chaque village a sa ou ses tchandaras nées de pères forgerons. Les dotes sont payées par la famille du jeune homme à la famille de la mariée. Fausses couches Parmi les mères interrogées, 1/3 a perdu un enfant au cours d’une grossesse. Selon elles les fausses couches sont dues au manque d’alimentation pendant la grossesse, aux travaux domestiques effectués ; piller le mil est souvent mentionné par les mères comme une des causes de la perte du fœtus. Certaines femmes invoquent le manque de soins prénataux et de suivi médical pendant la grossesse. Certaines femmes évoquent également « l’oiseau ». Selon une croyance largement répandue, certaines femmes enceintes entendraient un oiseau chanter pendant la nuit. L’oiseau est décrit comme grand, noir, avec un long bec et vivant dans le ouadi. Lorsque l’oiseau se fait entendre pendant l’obscurité, les mères savent qu’il arrivera un malheur au bébé soit pendant la grossesse, soit pendant l’accouchement, soit quelque temps après la naissance (jusqu’à 1 ou 2 ans après). Dans tous les cas, ce chant signifie que l’enfant mourra. Et seules les prières du marabout ont le pouvoir dans certains cas de conjurer le sort lancé par l’oiseau; mais bien souvent l’enfant est condamné et sa mère également (celle-ci aura de grands risques de mourir en couches). Avortement Le thème de l’avortement a été difficile à aborder avec les mères, certaines se sentant offusquées de se voir demander si elles avaient déjà avorté. Les femmes ont été unanimes et aucune n’a pratiqué cette intervention. Lors des groupes de discussions, les femmes ont exprimé que très peu de femmes avaient recours à cet acte « criminel » car les enfants sont un cadeau de Dieu et sont toujours les bienvenus. Seules les prostituées ou les femmes sans mari auraient recours à l’avortement. Les femmes interrogées ne savaient pas par qui ni

Soins prénataux

Oui58%

Non42%

Age de la mère lors de la première grossesse

9,10%

41,90% 49,00%

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

1er enfant avant 18ans

1er enfant entre 18et 20 ans

1er enfant après 20ans

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comment était pratiquée cette intervention, sauf peut être dans les hôpitaux, ce qui n’a pas été confirmé par les personnels des centres de santé. Mais l’avortement étant illégal au Tchad, il est difficile de reconnaître que cette pratique est effectuée dans un établissement. Excision D’après les personnes interrogées, l’excision n’est pas pratiquée dans cette région du Tchad, à l’exception des familles provenant d’autres régions, telles que de la zone d’Abéché. Mais cet acte se faisant en toute illégalité et clandestinité, les réponses données peuvent ne pas totalement correspondre à la réalité. Soins prénataux

Lors des entretiens, plus de la moitié des femmes expriment avoir reçu des soins prénataux au cours de leur dernière grossesse. Comme mentionné dans les limites de l’enquête, il est à supposer que ce chiffre est surestimé, une partie des mères ayant répondu oui et s’étant rendu dans un centre de santé pendant la grossesse n’ayant en réalité pas reçu de soins prénataux. Dans tous les cas ce pourcentage est faible sachant que toutes les femmes ont besoin d’être suivies au cours de la grossesse et doivent recevoir au moins trois vaccinations contre le tétanos. Les femmes ayant répondu « oui » à cette question se sont rendues au centre de santé, mais il n’apparaît pas si elles ont été suivies une seule ou plusieurs fois.

Beaucoup de femmes ne bénéficient pas de soins prénataux car elles ignorent qu’une femme doit être suivie pendant la grossesse (la moitié des femmes); d’autres femmes ne peuvent pas profiter de ces soins car le centre de santé est trop éloigné de chez elles, et très souvent elles sont malades ou fatiguées et peuvent difficilement effectuer le trajet jusqu’au centre. Les enquêteurs ont également soulevé une autre limite empêchant les femmes de se rendre dans les CDS pour les soins prénataux : les consultations sont effectuées par des hommes et les femmes enceintes comme leurs maris ne veulent pas être auscultées par des hommes (ce serait un interdit religieux) ; de plus le personnel des centres de santé aurait tendance à ne pas toujours respecter le secret professionnel. Les mères ayant reçu des soins prénataux ont été majoritairement suivies dans les centres de santé : 98,4%. Très peu de femmes ont été accompagnées par une matrone alors que lors des discussions avec les « tchandaras1 », celles-ci se targuent d’apporter des soins prénataux aux femmes de leur communauté. Déroulement des grossesses Comme figuré dans le graphique ci- contre, la majeure partie des femmes (9 femmes sur 10) a tendance à diminuer les quantités ingérées au cours de la grossesse. En effet, les femmes se sentent nauséeuses tout au long des neuf mois et n’ont pas envie de se nourrir. Elles ressentent souvent du dégoût et une lassitude face aux mêmes aliments jour après jour (les femmes se nourrissent presque exclusivement de boule de céréale trempée dans une sauce faite de haricots ou tomates séchées, d’huile et

1 Le terme tchandara désigne à la fois la femme qui accompagne la jeune mariée lors de la semaine suivant son union et les accoucheuses traditionnelles en langues goranes et kanembous

Personne qui apporte les soins prénataux

0,8% 1,6%2,4%

98,4%

0%20%

40%60%

80%100%

Mat

rone

Sag

efe

mm

e/in

firm

ier/

age

nt d

esa

nté/

méd

ecin

Mar

abou

t

Gué

risse

urtr

aditi

onne

l

Alimentation pendant la grossesse

0,0%11,9%

88,1%

0%

20%

40%

60%

80%

100%

Moins qued'habitude

Autant qued'habitude

Plus de qued'habitude

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de condiments). La monotonie des repas les incite à moins se nourrir. De plus une large majorité des mères a des difficultés pendant la grossesse comme mentionné ci-dessous ; difficultés et troubles entrainant bien souvent une perte d’appétit. Lors des groupes de discussions, les femmes ont pu exprimer leurs nombreuses peurs et inquiétudes pendant la grossesse. En effet, les accouchements étant souvent problématiques dans cette région du Tchad, nombreuses sont les mères qui redoutent ce passage et se sentent tendues et angoissées pendant les neuf mois précédant la naissance. La peur de

mourir, de perdre l’enfant ou de souffrir entraîne la volonté de donner naissance à un bébé de petit poids, pensant que la taille réduite du bébé diminuera les difficultés. Ces facteurs incitent les mères à réduire leur alimentation pendant la gestation, alors que bien souvent elles sont probablement déjà malnutries avant la grossesse. Cette perte de poids induit de nombreux troubles : fatigues intenses, palpitations et peut être à l’origine de certaines fausses couches et difficultés pendant la grossesse et l’accouchement De plus les femmes se retrouvent souvent seules au cours de la grossesse, leurs maris étant partis chercher du travail ailleurs, et beaucoup portent le poids de cette solitude et de ces angoisses sans recevoir de support émotionnel ni de la part de leur mari, ni de la part des autres femmes de leur famille (65% des femmes expriment n’avoir reçu aucun support émotionnel lors de leur dernière grossesse). Ce manque de soutien peut aviver les peurs et les inquiétudes des femmes et entraîner des souffrances psychiques ayant des répercussions sur le corps des femmes et s’exprimant à travers de nombreuses douleurs, notamment de dos, de ventre, de tête, comme mentionné par de nombreuses femmes. Cependant peu de femmes ont reconnu lors des questionnaires avoir été stressées ou angoissées pendant la grossesse ; cela peut s’expliquer par le fait que l’enquêteur était un homme inconnu, étranger à la famille, et également par le fait que les femmes n’ont pas l’habitude d’exprimer leurs ressentis ou difficultés émotionnelles. En revanche ce paramètre a été plus largement exprimé par les femmes lors des groupes de discussions et des entretiens individuels semi- directifs. La majeure partie des femmes ont eu des difficultés au cours de leur dernière grossesse (91%) ; parmi ces complications, les femmes ont souffert de douleurs (67,6%), de troubles alimentaires (44,3%) et de palpitations (41,4%). Et malgré ces difficultés, seule la moitié des femmes a eu recours à des soins médicaux.

Difficultés pendant la grossesse

Non9%

Oui91%

Type de difficultés pendant la grossesse

3,8%

3,8%

9,0%

18,1%

41,4%

44,3%

67,6%

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80%

Douleurs

Fatigue intense

Saignements

Troubles alimentaires

Stress/angoisse

Palpitations

Autre

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Beaucoup de femmes choisissent de se soigner à domicile en premier lieu et se rendent dans les centres de santé en dernier recours. Peu de mères ont reconnu avoir rendu visite au marabout (9%) alors que d’après les marabouts et les discussions de groupe, visiter le marabout en cas de difficultés quelle qu’elle soit est une pratique largement répandue. En effet, la communauté pense que tout ce qui arrive dans la vie, le positif comme le négatif, a été envoyé par Allah. Ainsi si quelqu’un veut

changer quelque chose de sa vie, il devra automatiquement implorer Dieu, à travers un intermédiaire; et cet intermédiaire est principalement l’Imam ou le marabout. En plus des prières du marabout, les femmes se soignent à domicile en avalant des cuillers d’huile de vache, en buvant du natron mélangé à l’eau, en prenant des tisanes de fenugrec ou de feuilles de nimier. Le fenugrec est une graine qui d’après Pierre Haddad, chercheur national du Fonds de la recherche en santé du Québec et professeur titulaire du département de pharmacologie de l’université de Montréal, stimule l’appétit, soulage les inflammations, fortifie les convalescents, les personnes anorexiques, anémiques ou déprimées ; traite la dysenterie, la dyspepsie, la toux chronique, la bronchite, le rhume et les allergies ainsi que l’arthrose et les névralgie, elle stimule également les contractions utérines et la lactation. L’huile de vache est fabriquée dans chaque famille à partir du lait de vache caillé et est un remède largement répandu pour soigner de nombreux maux comme il sera explicité par la suite.

La majorité des femmes continue les travaux domestiques tout au long de la grossesse ; elles peuvent parfois se faire aider par des jeunes filles plus âgées ou des voisines pour aller puiser l’eau ou piller le mil, mais la plupart d’entre elles sont obligées de poursuivre ces tâches jusqu’à la naissance. Or une femme enceinte a besoin de repos, particulièrement pendant les dernières semaines de gestation et elle doit éviter les tâches manuelles pesantes, ce qui n’est pas le cas de la majorité (75%). Cette absence de repos accentue les risques de difficultés avant et pendant l’accouchement.

Traitement reçu en cas de difficultés pendant la grossesse

18,1% 21,0%

9,0%1,0% 0,5% 1,9%

48,6%

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

Rien

Traite

men

t trad

itionn

el à d

om...

Visite

d'un

mar

abou

t

Visite

d'un

guér

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Visite

d'un

e matro

ne

Visite

d'un

perso

nnel

méd

ical...

Autre

Temps de repos à la fin de la grossesse

Oui25%

Non75%

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Pratiques traditionnelles pendant la grossesse Les femmes ont très peu de traditions à respecter pendant la grossesse ; en effet, elles sont libres de se nourrir et/ou de vaquer à leurs occupations comme lorsqu’elles ne sont pas enceintes (pas de tabous alimentaires, les femmes évitent seulement les condiments épicés). Toutefois les matrones ou les femmes âgées conseillent aux futures mères de ne pas trop dormir car cela pourrait les fatiguer et les mettre en danger. Les femmes sont également vigilantes pendant cette période afin de ne pas entendre le chant de l’oiseau ou de ne pas être « frappées » par le mauvais œil car cela pourrait entrainer des complications au cours de la grossesse ou lors de l’accouchement. En effet, le mauvais œil est attiré par les femmes qui semblent en bonne santé et épanouies ; la jalousie engendrée par cette beauté condamnerait la femme à devenir malade ou à perdre son enfant. Accouchement La plupart des femmes accouchent à domicile (95%) et moins de 5% d’entre elles ont donné naissance à l’hôpital.

Lorsque les femmes accouchent à la maison, elles sont généralement assistées par une matrone (72%), des femmes de la famille (62,9%) et des voisines (36,7%). Les femmes ayant donné naissance dans les centres de santé sont celles ayant eu des troubles tellement importants qu’elles ont été transférées à dos d’âne après au moins 2 jours de travail sans résultat et avec beaucoup de souffrances. Avant l’accouchement, la matrone vérifie la position de l’enfant. Si celui-ci n’a pas la tête vers le bas, elle creuse alors un trou dans la sable de la longueur de la mère, allonge la femme dedans, lui cale la tête et les pieds et masse le ventre en le secouant dans un sens puis dans l’autre jusqu’à ce que l’enfant soit correctement disposé. Généralement, un marabout vient bénir la future mère avant qu’elle ne donne vie. Ensuite les maris et les enfants sont incités à attendre dehors. La jeune femme est alors installée à genou, jambes écartées et soutenue par d’autres femmes pendant que la matrone se positionne face à la mère, prête à tirer sur la tête du bébé pour l’aider à sortir. Les mères attachent souvent des grigris autour de leur cou et de leur cuisse afin de se sentir protégées. Les matrones pratiquent les touchers vaginaux afin de savoir lorsque l’enfant commence à sortir. Elles n’utilisent pas de gants car elles n’en ont pas de disponibles. Lorsque la mère montre des signes de difficultés, la matrone lui donne à boire une tisane faite avec la plante de la femme du Prophète ramenée d’Arabie Saoudite. Aucune femme n’a pu mentionner le nom exact de cette plante, mais elle aurait été touchée par la femme du Prophète et aurait des vertus permettant aux femmes d’accoucher plus facilement. Cette plante s’ouvre au contact de l’eau et peut être utilisée pendant plusieurs années. Lorsque les difficultés perdurent et que le travail dure longtemps, les femmes sont attachées par les bras à un arbre, en position debout, afin de faciliter la descente de l’enfant (cette pratique est moins pratiquée dans Plante de la femme du Prophète les villes car les matrones ont été davantage formées).

Assistance pendant l'accouchement

36,7%

7,1%

1,9%

5,7%

62,9%

76,2%

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90%

D'autres femmes de la famille

Voisine

Une matrone

Une sage femme/inf irmier/Médecin du centre de soin ou de l'hôpital

Personne

Autre

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Lorsque le bébé est né, la matrone coupe le cordon avec une lame de rasoir, généralement neuve, puis elle laisse sortir le placenta et l’enterre, la plupart du temps avec la lame de rasoir.

La nouvelle mère est ensuite lavée, nourrie avec de la bouillie et allongée avec son enfant lavé également par la matrone. La majorité des femmes expérimentent des difficultés pendant l’accouchement. Certaines décèdent pendant cet acte. Lors des groupes de discussions, les femmes ont toutes mentionnées connaître au moins une femme décédée en donnant naissance. Parmi les femmes ayant eu des difficultés, la moitié a souffert d’un accouchement de longue durée et près de 45% d’une rétention de placenta, les deux difficultés étant souvent associées. Cependant il serait important d’évaluer

avec les matrones si ces rétentions de placenta sont réelles ou si les accoucheuses traditionnelles choisissent de ne pas attendre que le placenta s’extraie tout seul et de le faire sortir par peur de complications (hémorragies). Lorsque les femmes parlent d’un accouchement de longue durée, cela signifie parfois plus de 48 heures de travail. Ces enfantements extrêmement longs sont à l’origine de troubles chez la femme, notamment des fistules.

La fistule est une communication anormale entre la vessie et le vagin et / ou le rectum par laquelle s’écoulent continuellement les urines et / ou les selles. Ce sont les fistules vésico-vaginales et les fistules recto-vaginales. Certaines femmes peuvent être affectées des deux types de fistules simultanément. Elles sont provoquées par la compression prolongée de la vessie ou de l’urètre par la tête du fœtus sur le pelvis qui entraîne une nécrose des tissus alors non irrigués qui évolue en escarre. Cette escarre, en se décollant, laisse apparaître ces fistules le plus souvent entre la vessie et le vagin. Si c’est donc le plus souvent le travail bloqué lors de l’accouchement qui est la cause première des fistules, c’est ce même travail bloqué qui peut aussi provoquer la mort de la parturiente.

Difficultés pendant l'accouchement

Non34%

Oui66%

Types de difficultés

6,5%

5,8%

13,8%

26,8%

50,7%

44,9%

0,0% 10,0% 20,0% 30,0% 40,0% 50,0% 60,0%

Accouchement de longue durée

Saignements intenses

Rétention de placenta

Douleurs extremes

Perte de conscience

Autre

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L’origine de ce blocage est le plus souvent lié à la jeunesse, à l’immaturité physique de ces femmes qui sont parfois mariées encore adolescentes. Jeunes femmes de petite taille, enceintes très jeune, accouchant seule ou avec l’assistance d’une accoucheuse traditionnelle peu formée vivant éloignée d’un centre de soins et subissant la coutume qui veut que le recours à la médecine pour un tel événement n’est pas souhaitable : le résultat se retrouve dans les statistiques sur la mortalité maternelle et sur le nombre de nouvelles femmes fistuleuses apparaissant chaque année au Tchad dont au moins 75% ont moins de 20 ans. Lors des questionnaires, aucune femme n’a mentionné souffrir de fistules, mais d’après les discussions, la plupart des femmes connaissent ou ont entendu parler d’au moins une femme souffrant de cela. Certaines croyances traditionnelles mentionnent que les fistules sont un signe d’attaque du vent sur la parturiente. En revanche aucune femme n’a corroboré la rumeur stipulant qu’une femme souffrant de fistules est une épouse qui a trompé son mari. Les comportements des maris vis-à-vis de leurs femmes sont contradictoires en fonction des interlocuteurs. D’après les femmes interrogées, ceux- ci tentent d’aider leur épouse, et les acceptent même avec leur handicap alors que les personnels des centres de santé affirment que ces jeunes femmes sont rejetées et renvoyées chez leurs parents. Tous s’accordent pour reconnaître que ces femmes sont en grande souffrance psychologique et qu’elles essaient par tous les moyens d’obtenir des traitements, mais la seule solution étant un acte chirurgical extrêmement spécialisé, peu ont la chance d’être soignées. Beaucoup de femmes souffrent de douleurs de dos (55,1% des femmes ayant des difficultés après l’accouchement), de douleurs vaginales et/ou ventrales (46,1%) ou de vertiges, de douleurs de tête et généralisées (autres 21,8%) suite à l’accouchement. Malgré les difficultés fréquentes et importantes, seules 17,4% des femmes ont reçu un traitement médicalisé suite aux difficultés de l’accouchement. La moitié des mères ont été suivies par une matrone, alors que la plupart des matrones ne sont pas formées aux soins. Beaucoup de femmes ont eu recours au marabout (17,4%), et ce chiffre est certainement sous estimé. Plus de 15% ont choisi de ne rien faire et 22,5% des femmes ont préféré se soigner seules à domicile, à l’aide d’huile de vache, de tisanes et de « bains » de fumée. En effet, toutes les femmes après avoir donné naissance doivent s’emmitoufler nues sous une couverture

faite en peau de bête et se laisser imprégner d’un feu. Ce feu permet aux blessures de l’accouchement de se soigner plus rapidement, et il encourage également la production de lait maternel. Les femmes ont généralement recours à ce feu deux fois par jour pour une durée variant entre une semaine, 40 jours et plusieurs mois. Lors de la semaine suivant l’accouchement, la matrone rend visite matin et soir à la nouvelle maman pour l’aider à laver l’enfant, et se laver

Types de difficultés suite à l'accouchement

1,3% 0,0%

21,8%

46,1%

55,1%

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

Douleursvaginales ou

ventrales

Saignements Fistules Douleurs audos

Autre

Traitement reçu en cas de difficultés pendant l'accouchement

15,9%

22,5%

17,4%

0,7%

1,4%

46,4%

17,4%

0,0% 10,0% 20,0% 30,0% 40,0% 50,0%

Rien

Traitement traditionnel à domicile

Visite d'un marabout

Visite d'un guérisseur traditionnel

Visite d'une matrone

Visite d'un personnel médical(infirmier/médecin)

Autre

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elle-même. Elle peut éventuellement donner quelques conseils à la femme sur comment porter son enfant, comment le maintenir au chaud et comment l’allaiter. La matrone cesse ses visites après le baptême du nouveau né qui a lieu une semaine après qu’il ait vu le jour. Les femmes du village préparent le baptême de l’enfant, chacune pille des céréales afin de pouvoir préparer la boule le jour de la cérémonie. La bouillie est préparée la veille. En général, une chèvre est égorgée pour l’occasion surtout si c’est un premier enfant. Il n’y a pas de différences si le bébé est un garçon ou une fille. Si les nouveaux- nés sont des jumeaux, deux chèvres sont alors égorgées. Le jour du baptême, les femmes chantent, discutent, mangent, les enfants jouent, tous partagent des bonbons, des boissons. Lorsque l’enfant est le premier né de la famille, les invités en profitent pour danser. Ce jour là, le marabout vient bénir l’enfant en lisant des versets du Coran et en écrivant certains versets sur l’ardoise sur laquelle il va ensuite verser de l’eau et la donner à boire à l’enfant. Le prénom est décidé par le père de l’enfant. En cas de jumeaux, l’oncle maternel apporte la deuxième chèvre, mais c’est toujours le père qui choisit les prénoms (cette pratique est différente en fonction des villages, parfois ce sont les oncles maternels qui choisissent les prénoms des jumeaux). Les pères discutent parfois avec leur femme avant le baptême du prénom à donner.

Une large majorité des femmes a pris le temps de se reposer après l’accouchement comme le montre le graphique ci- contre. 32,7% des femmes se sont reposées jusqu’au baptême (entre 1 et 7 jours) alors que 61% des femmes se sont reposées entre 7 et 40 jours, un grand nombre ayant repris les activités après 15 jours. Pendant ce temps de repos, les femmes restent à la maison et s’occupent d’elles mêmes et du nouveau né seulement. D’autres femmes de la famille ou des voisines se chargent des tâches ménagères et gardent les enfants plus âgés.

Cependant peu de femmes prennent le temps de repos conseillé par le Coran, à savoir 40 jours. En effet, les femmes ont trop de responsabilités, d’autant plus que leurs maris sont absents, pour pouvoir se permettre d’être « inactives » tant de jours. Soins postnataux Seules 27,6% des femmes reçoivent des soins postnataux. Cette pratique est peu répandue, les femmes ne sachant pas qu’elles ont besoins d’être auscultées par un agent de santé suite à un accouchement et les centre de santé étant souvent loin du domicile des mamans. De la même façon que la femme enceinte a tendance à moins manger, la femme allaitante a l’habitude d’avoir une alimentation amoindrie. Plus de la moitié des femmes absorbent moins de nourriture après l’accouchement qu’en temps normal. Souvent les femmes manquent d’appétit et n’ont pas envie de manger. Certaines n’ont pas assez d’aliments chez elles, surtout lorsque la phase post partum se situe pendant la période de soudure.

Repos après l'accouchement

Non2%

Oui98%

Alimentation après l'accouchement

41,9%

1,9%

56,2%

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

Moins que d'habitude Autant que d'habitude Plus que d'habitude

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Selon un grand nombre de femmes interrogées, leur bébé était de petit poids à la naissance (83%). Cette perception est totalement subjective car les enfants ne sont pesés à la naissance que s’ils voient le jour dans un centre de santé. En revanche, cette quantité d’enfants nés avec un petit poids est inquiétante car souvent les enfants avec un petit poids de naissance sont susceptibles de devenir malnutris et sont plus sujets aux maladies et infections que les enfants nés avec un poids normal ou élevé.

3. Connaissances sur la grossesse Lors de l’enquête il a été demandé aux mères les pratiques recommandées par les agents de santé lors de la grossesse. Le graphique ci-dessous indique le pourcentage de femmes ignorant les usages qui leur permettraient d’éviter beaucoup de difficultés et de souffrances. Les critères incluaient les besoins de soins prénataux, la fréquence du suivi prénatal, l’alimentation de la femme enceinte, le soutien pendant la grossesse, l’assistance pendant l’accouchement, le repos et le suivi post partum. Comme il apparaît très clairement, les connaissances des mères sont très faibles. De plus, les femmes ayant répondu autre chose que « Ne sait pas » ont bien souvent répondu de façon erronée. Ainsi, 18% des femmes pensent qu’elles n’ont pas besoin de consultations prénatale ou alors uniquement en cas de problème (29%), similairement, 25% des femmes pensent qu’elles doivent bénéficier d’un suivi post natal uniquement lorsqu’elles ont des difficultés. 50% des femmes pensent qu’elles doivent être assistées par une matrone lors de l’accouchement, même si celles- ci ne sont pas formées et seulement 20% des mamans pensent qu’elles ont besoin de support pendant la période de gestation.

Perception par la mère du poids de naissance de l'enfant

Normal13%

Gros4%

Petit83%

Pourcentage de mères ne connaissant pas les pratiques recommandées lors de la grossesse

39,50%

81,90%

41,40%

76,20%

61,90%

74,80%

50,50%

0%

20%

40%

60%

80%

100%

Bes

oins

de

soin

s pr

énat

aux

Fré

quen

ce d

usu

ivi p

réna

tal

Alim

enta

tion

dela

fem

me

ence

inte

Sup

port

pend

ant

lagr

osse

sse

Ass

ista

nce

pend

ant

l'acc

ouch

emen

t

Rep

os a

près

l'acc

ouch

emen

t

Sui

vi p

ost

part

um

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4. Pratiques d’allaitement Sont considérées par l’OMS comme pratiques d’allaitement et de sevrage appropriées (normes OMS) : - Allaitement moins d’une heure après l’accouchement - Colostrum donné - Allaitement exclusif pendant 6 mois - Allaitement à la demande - Allaitement la nuit - Introduction de la bouillie à 6 mois - Prolongation de l’allaitement jusqu’à l’âge de 2 ans - Sevrage progressif de l’enfant

Parmi les mères interrogées lors de l’enquête 0% observent des pratiques d’allaitement et de sevrage appropriées.

Début de l'allaitement

44,3%

0,0%

3,3%

0,5%

51,9%

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60%

Moins d'une heure après la naissance

Entre 1 heure et 8 heures après la naissance

Entre 8 et 24 heures après la naissance

Entre 1 et 3 jours après la naissance

Jamais

Juste après la naissance, les accoucheuses traditionnelles lavent les enfants et les positionnent sur le sein de la mère. Cependant beaucoup de femmes attendent la bénédiction du marabout avant de débuter l’allaitement. En effet cette prière et l’eau versée dans la bouche de l’enfant après avoir lavé l’ardoise des versets du Coran permettra au bébé de devenir intelligent, d’être protégé contre le mauvais œil et est également un signe d’amour envers l’enfant. La bénédiction dure peu de temps, mais parfois le marabout tarde à se présenter ; ainsi certaines mères commencent à allaiter entre 1 et 8 heures après la naissance. Les femmes ayant attendu plusieurs jours (entre 1 et 3 jours) sont celles ayant connu des troubles physiques, pertes de conscience, hospitalisations… Si la plupart des marabouts versent l’eau directement dans la bouche de l’enfant, certains la donnent à la mère et les bienfaits de cette eau se transmettront au bébé à travers l’allaitement. La majorité des mères a donné le colostrum à l’enfant et celui a ainsi pu bénéficier des bienfaits protecteurs du premier lait et notamment de son apport en protéines. Les 3% de mères n’ayant pas donné le premier lait sont celles ayant souffert de maladies suite à l’accouchement. Il existe peu de croyances traditionnelles par rapport au colostrum. En revanche la plupart des mères veillent à ne pas verser de gouttes sur le sexe de

La mère a donné le colostrum

Non3%

Oui97%

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l’enfant car le contact entre le colostrum et les parties génitales conduirait les garçons à devenir stériles et les filles à ne pas trouver de maris. L’OMS recommande aux mères de nourrir les enfants de moins de 6 mois exclusivement avec du lait maternel. Dans la zone enquêtée, aucune femme ne suit ces conseils, comme le montre le graphique ci-dessous.

En effet, les mères sont unanimement convaincues qu’un nourrisson doit être nourri avec du lait maternel mais également avec de l’eau et ce, dès sa naissance. Les femmes pensent que sans eau, les bébés ne peuvent pas survivre et risquent de mourir de soif. Cette croyance est profondément ancrée, même parmi les matrones et les agents de santé ; la plupart d’entre eux conseillant aux femmes d’observer cette pratique. De plus, plus d’une femme sur deux estime qu’elle n’a pas assez de lait comme l’indique le graphique ci- contre. Un grand nombre de femmes (29%) choisissent de donner de l’eau à l’enfant parce que cela fait partie des coutumes et que toutes les femmes agissent ainsi. Certaines se plaignent également des pleurs de l’enfant et pensent que les enfants sanglotent parce qu’ils ont faim et qu’elles n’ont pas assez de lait et choisissent alors de donner de l’eau.

Allaitement exclusif des moins de 6 mois

0,0% 0,0%

100,0%

0%

20%

40%

60%

80%

100%

120%

Allaitement exclusif Allaitement nonexclusif

Pas d'allaitement dutout

Cause du non allaitement exclusif

29,0%

21,0%

11,4%

52,4%

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60%

Manque de lait

Coutume

L'enfant a soif

Autre

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Toutes les femmes allaitent la nuit ce qui favorise le déclanchement du réflexe de prolactine entrainant une production de lait satisfaisante pour les prochaines tétées. En revanche seule un peu plus de la moitié des femmes pratique l’allaitement à la demande, c'est-à-dire lorsque l’enfant pleure ou montre des signes de faim. D’après les observations, les mères pensent systématiquement qu’un enfant a faim lorsqu’il pleure et le positionnent au sein dès qu’il commence à émettre des sons. Mais en dehors des pleurs, les mamans ne savent pas reconnaître les signes exprimés par les enfants. De plus les femmes sont occupées une grande partie du temps par leurs activités domestiques et beaucoup d’entre elles laissent leurs enfants à la maison lorsqu’elles sortent (plus de 60%), ne pouvant alors pas allaiter celui- ci lorsqu’il le souhaite. De plus lors de l’enquête, il est apparu que les femmes positionnent l’enfant au sein extrêmement fréquemment, mais pendant un laps de temps très court et le retirent elles mêmes, n’attendant pas que le bébé relâche le mamelon. Cette pratique communément répandue ne permet pas à l’enfant d’obtenir la quantité et la qualité de lait suffisante. En effet le « deuxième » lait s’exprime uniquement après plusieurs minutes d’allaitement et est celui qui a un fort apport en protéines. Les bébés restent alors sur leur faim, pleurent fréquemment et n’obtiennent effectivement pas tous les nutriments dont ils ont besoin. De plus un court temps de succion ne permet pas au sein de produire la quantité de lait suffisante pour la prochaine tétée. Or la plupart des mères se plaignent d’avoir des difficultés d’allaitement (près de 83%) et notamment de ne pas avoir assez de lait.

Parmi les plaintes les plus fréquentes, les mères exposent le manque de lait comme étant leur difficulté principale (80% des mères ayant des difficultés) et les douleurs ou infections du sein (25% des femmes ayant des troubles). Très peu de mères se plaignent d’avoir du lait de mauvaise qualité : 1,4% de ces femmes ont généralement perdu au moins un enfant pendant la période d’allaitement. Certaines ont également eu recours au test de la fourmi pour évaluer si leur lait était bon ou mauvais : le lait de la femme concernée est exprimé et versé dans un récipient, des fourmis sont versées à l’intérieur ; si l’une d’entre elles meurt, cela signifie que le lait est mauvais et ne doit pas être donné à l’enfant. En général le mauvais lait est de couleur transparente ou claire alors que le lait considéré comme « bon » est de couleur blanche. Il est à noter que peu de femmes croient que leur lait est nocif et peu sont amenées à réaliser cette expérience.

Allaitement à la demande

Oui56%

Non44%

Difficultés d'allaitement

17,6%

82,4%

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

Oui Non

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Les douleurs ou infections du sein peuvent s’expliquer par la mauvaise position au sein de l’enfant. D’après les observations, les mères soutiennent peu le dos et les fesses des bébés et les enfants ne tètent pas tout le mamelon mais seulement le téton ce qui peut entraîner des crevasses et des douleurs pour la mère. De plus, si l’allaitement à la demande est peu pratiqué, cela peut entraîner des engorgements du sein. Les femmes tentent alors de se masser, mais si l’engorgement persiste elles sont obligées de se rendre dans les centres de santé. Et il est à rappeler que les personnels des centres de santé sont peu formés sur l’allaitement et les pratiques à observer et peu sont donc à même d’apporter une aide efficace aux mères. Le manque de lait peut être causé par le non allaitement à la demande ou les mauvaises positions au sein de l’enfant comme mentionné ci- dessus, mais également par d’autres facteurs. Beaucoup de mères invoquent le manque de nourriture et la malnutrition comme première cause du manque de lait. Or s’il est vrai que la malnutrition sévère des mères a une incidence sur la quantité et la qualité du lait maternel, une femme même modérément malnutrie dispose de suffisamment de lait et des nutriments nécessaires pour répondre aux besoins de son enfant. En revanche le stress est un facteur inhibant la production de lait maternel. Or la plupart des femmes allaitantes sont en situation de stress intense. En effet, elles craignent de ne pas avoir assez de lait pour nourrir leur enfant du fait de leur propre manque de nourriture et redoutent en conséquence que leur enfant devienne malnutri, malade et ne meure. De plus, l’absence de leur mari et les nombreuses responsabilités qui leur incombent ajoutent des inquiétudes aux mères qui ont parfois l’impression de ne pas être capables d’assumer et se sentent parfois dépassées par les difficultés. S’ajoutant à ces difficultés, les femmes ont peu de recours lorsqu’elles recherchent des conseils ou du soutien lors de l’allaitement. En effet, les agents de centres de santé sont peu instruits dans ce domaine, et il en est de même pour les matrones, les femmes âgées ou les marabouts alors que ce sont vers eux que se tournent les femmes. Les marabouts implorent Dieu pour que les femmes n’aient plus de problèmes d’allaitement ; lorsqu’elles souffrent de douleurs ou d’infections, ils les réfèrent vers les structures médicales ; en revanche lorsqu’elles manquent de lait, ils leur conseillent de manger de la bouillie et davantage d’aliments, car selon eux le Coran n’a pas de versets spécifiques à ce problème et les prières ne peuvent ainsi pas être d’un grand secours. Les difficultés d’allaitement et le manque de lait des mères étant fréquents, beaucoup de mères introduisent de la nourriture complémentaire avant 6 mois (30%). Cependant la majorité des mamans attendent que l’enfant soit plus âgé (65,6% après 6 mois) ; la plupart commençant à donner de la bouillie à l’enfant entre 7 et 9 mois. Certaines mères choisissent de donner directement le plat familial car elles ne disposent pas des aliments nécessaires à la fabrication de la bouillie. En effet, se procurer certaines denrées sur les marchés à un prix raisonnable est un véritable défi pour la plupart des mères accentué par l’ignorance des besoins nutritionnels des enfants. Ainsi les bouillies les plus communément préparées sont à base de farine de mil + eau + sucre (+ huile ou beurre) (46%) ou de farine de mil + lait + eau + sucre (+ huile ou beurre) (15%). L’huile utilisée est l’huile de vache. Certaines mères utilisent du riz écrasé, d’autres de la farine de maïs ; une minorité ajoute de l’arachide, de l’huile d’arachide ou des haricots. Les fruits sont considérés comme un aliment de luxe et sont uniquement mangés par les pères dans de rares occasions. Les bébés ne bénéficient ainsi pas de ces apports en vitamines.

Age d'introduction des aliments

30,60%

65,60%

3,80%

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

Avant 6 mois 6 mois Après 6 mois

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Le plat familial, principalement composé de boule de céréale avec une sauce de condiments ou de lait est également donné à l’enfant à un très jeune âge et parfois directement, sans période de transition avec des aliments semi- liquides. Les enfants montrent souvent des difficultés à avaler car ces aliments sont solides, et difficilement ingérables pour des enfants n’ayant pas encore de dents. De nombreuses mères cherchent à nourrir leurs enfants avec du lait artificiel car elles sont convaincues que ce lait est ce dont leurs enfants ont besoin. Elles demandent ainsi à leur mari de leur envoyer du lait en poudre afin de pouvoir donner le biberon à l’enfant. Sevrage Parmi les femmes enquêtées, plus de 40% ont déjà sevré leur enfant, ainsi seuls ces enfants sont pris en compte dans les statistiques sur le sevrage. Le sevrage est ici considéré comme le moment où la mère a totalement cessé de donner le lait maternel à l’enfant. L’OMS recommande aux mères de poursuivre l’allaitement jusqu’à ce que l’enfant atteigne 24 mois. Jusqu’à cet âge le lait maternel combiné à une alimentation complémentaire répond parfaitement aux besoins nutritionnels de l’enfant. Or la plupart des mères sèvrent leur enfant lorsque celui- ci est âgé de 17 ou 18 mois ; 17 mois pour les garçons et 18 mois pour les filles. Le sevrage à 17 mois des garçons doit leur permettre de devenir intelligent et de réussir à l’école. Les filles arrêtent un mois plus tard car d’après les mères, les fillettes n’ont pas spécialement besoin d’être intelligentes. Cette notion d’intelligence n’est pas mentionnée par les mères comme étant la cause du sevrage mais est induite dans la réponse « âge de l’enfant » comme cela a été indiqué lors des groupes de discussion. Lorsqu’une femme commence une nouvelle grossesse elle stoppe systématiquement l’allaitement par peur que le lait deviennent mauvais et que l’enfant allaitant devienne malade et meure. Cependant peu de femmes sont concernées par cet arrêt car bien souvent elles sont enceintes après que l’enfant a déjà été sevré. Comme il apparaît nettement dans le graphique ci-dessous, la majorité des mamans adoptent un sevrage brutal ; c'est-à-dire qu’elles cessent d’allaiter du jour au lendemain. Une cérémonie avec le marabout est organisée ce jour là. Les femmes du village et de la famille se réunissent et partagent un repas ou un thé et des beignets si la famille n’a pas les moyens de fournir davantage de nourriture. Le marabout inscrit des versets du Coran sur l’ardoise, verse de l’eau sur les écritures et verse cette eau dans une assiette en la mélangeant à la nourriture (maïs, mil pillé…) et la mère nourrit l’enfant indiquant qu’il peut dorénavant cesser de téter.

Cause du sevrage

0,0%

7,0%

2,3%

1,2%

8,2%

84,7%

0,0% 20,0% 40,0% 60,0% 80,0% 100,0%

Age de l'enfant

Volonté que l'enfant soit intelligent

Nouvelle grossesse

Maladie de la mère

Maladie de l'enfant

Autre

Age du sevrage

0,0%11,8%

88,2%

0%10%20%30%40%50%60%70%80%90%

100%

Moins de 24 mois 24 mois Plus de 24 mois

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Certains marabouts refusent d’implorer Dieu si l’enfant n’est pas âgé de 24 mois car le Coran recommande aux mères de continuer à allaiter jusqu’à ce que l’enfant ait atteint 2 ans. D’autres marabouts ignorent ce qui est stipulé dans le livre islamique et acceptent ainsi de bénir l’enfant malgré son jeune âge. Suite à cette cérémonie, les femmes induisent leurs seins de son ou de natron afin de montrer une couleur jaunâtre à l’enfant. Certaines femmes choisissent de déposer des excréments d’animaux sur leur poitrine, notamment les femmes nomades. Lorsque l’enfant aperçoit ainsi le sein de sa mère, il prend peur et refuse de téter. De plus certaines femmes de la famille lancent de l’eau au visage de l’enfant afin de lui signifier qu’il ne peut plus recevoir de lait maternel. Dans 21% des cas les mères ont choisi de se séparer de leur enfant et de le confier à sa grand-mère pendant plusieurs jours (de 3 à 7 jours en général), surtout lorsque les enfants ont tendance à pleurer et à réclamer le sein. Cependant la majorité des mamans restent avec leur enfant même après le sevrage. Le sevrage brutal peut être perçu comme agressif par l’enfant et celui-ci peut se sentir rejeté et non aimé par sa mère. La plupart des femmes reconnaissent que suite au sevrage les enfants filles ou garçons refusent fréquemment de se nourrir, souffrent de diarrhées et/ou de vomissements et ont tendance à perdre du poids. Beaucoup deviennent malnutris à ce moment là. Le sevrage est un passage délicat dans la vie d’un enfant. En effet, à travers l’allaitement, l’enfant va non seulement recevoir les nutriments dont il a besoin mais il va également percevoir l’amour de sa mère. Or un enfant a besoin de se sentir aimé pour pouvoir grandir et se développer correctement. Le sevrage brutal prive l’enfant de sa source d’affection, d’autant plus lorsque le sevrage s’accompagne d’une séparation entre la mère et l’enfant. Le manque d’amour perçu et la souffrance qu’il engendre chez l’enfant s’expriment souvent par des troubles alimentaires tels que le refus de s’alimenter ou les vomissements provoqués intentionnellement de manière inconsciente. Ces réactions normales du jeune enfant peuvent provoquer des maladies et des cas de malnutrition tels qu’ils peuvent entrainer la mort.

5. Connaissances sur l’allaitement Lors de l’enquête, les connaissances des mères vis-à-vis de l’allaitement et des pratiques recommandées par les agents de santé ont été évaluées. Plus précisément, ont été considérés : les connaissances des mères sur le temps indiqué pour commencer l’allaitement après la naissance, l’utilisation du colostrum, l’alimentation des bébés de moins de 6 mois, l’allaitement à la demande, l’allaitement la nuit, l’âge d’introduction de la nourriture supplémentaire, l’âge et le type de sevrage.

Type de sevrage

1%

21% 78%

Sevrage progressif

Sevrage brusque avecséparation de la mère etde l'enfant

Sevrage brusque sansséparation de la mèreet de l'enfant

Evaluation des Pratiques de soins materno infantiles

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Les réponses des mamans indiquent qu’une grande majorité ignore totalement les pratiques adéquates, ce qui est cohérent compte tenu du fait que les personnes qui pourraient leur donner des conseils n’ont pas eux-mêmes reçus de formation appropriée. De plus les rares femmes qui ont répondu autre chose que « Ne sait pas » ont des connaissances erronées dans la plupart des cas. Ainsi 25% des mères pensent que les enfants doivent recevoir des liquides en plus du lait maternel, 18% des mamans pensent que le sevrage doit se faire à 17 ou 18 mois et de manière brusque (10% des réponses). En revanche presque toutes les mamans ayant répondu autre chose que « Ne sait pas » pensent que l’enfant doit recevoir le colostrum et qu’il doit être allaité le jour comme la nuit. Les réponses sont plus mitigées quant à l’allaitement à la demande, même si majoritairement les femmes pensent que les enfants devraient pouvoir téter quand ils le veulent.

6. Alimentation Lors de la réalisation des questionnaire, il a été demandé aux mères le nombre de repas pris la veille par l’enfant toujours allaité, le nombre de repas pris la veille par l’enfant non allaité et le nombre de repas pris la veille par la mère elle-même. Ainsi 45,1% des enfants allaités ont mangé deux fois et 33,8% trois fois. Seuls 16,9% des enfants ont reçu quatre ou plus de quatre repas la veille. Les enfants non allaités ont obtenu deux repas dans 31,8% et trois repas dans 55,3% des cas. Une minorité d’entre eux n’a été nourri qu’une seule fois : 2,4%. Les mères quant à elles ont mangé deux fois (48,6%) ou trois fois (42,4%). Seul 6,2% des mères n’ont pris qu’un seul repas. L’évaluation a été conduite juste après la fête de Tabasci, qui a lieu 70 jours après la fin du Ramadan. A cette occasion, les musulmans sacrifient des moutons et mangent en grandes quantités. De plus des parties de la viande sont séchées afin de pouvoir être mangées pendant plusieurs jours après la célébration. Pour cette raison il apparaît qu’une majorité des femmes a mangé des repas équilibrés composés d’aliments constructeurs (de source animale : viande, lait, œufs, poissons…), énergétiques (céréales,

Pourcentage de mères ne connaissant pas les pratiqu es d'allaitement recommandées

80,90%

71,90%

71,40%

75,70%

67,60%

53,80%

49,50%

87,60%

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%

Début de l'allaitement moins d'une heure après la naissance

Colostrum donné à l'enfant

Allaitement exclusif jusqu'à 6 mois

Allaitement à la demande

Allaitement la nuit

Introduction de l'alimentation complémentaire à 6 mois

Allaitement jusqu'à deux ans

Sevrage progressif

Pourcentage de mères ayant mangé des aliments constructeurs, énergétiques et protecteurs la

veille

Non43% Oui

57%

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tubercules, huile, sucre) et protecteurs (fruits et légumes). Alors que ces chiffres ne semblent pas refléter la réalité des familles le reste de l’année. En effet, se nourrir est une problématique quotidienne de la plupart des familles du Kanem, et beaucoup de personnes sont obligées de jeûner par faute de moyens financiers pour se procurer suffisamment d’aliments. De plus pendant la période de soudure, les aliments se trouvent en quantité insuffisantes sur les marchés et à des prix exorbitants. D’après les discussions réalisées les femmes ignorent la composition d’un repas équilibré. Elles ne savent ainsi pas que les fruits et les légumes sont indispensables à l’organisme et ne cherchent pas à s’en procurer. Lorsque les femmes expriment avoir mangé des aliments protecteurs, elles font allusion à la sauce de la boule qui est cuisinée à partir de condiments et notamment à partir de tomates séchées. Mais les légumes frais sont rarement ingurgités, sauf parfois les haricots rouges mélangées à du sucre et de l’huile mangés lors des petits déjeuners. Ainsi l’alimentation des femmes apparaît insuffisante en qualité, même si en cette période de l’année les quantités suffisent à apaiser la faim. Les petits enfants quant à eux auraient besoin d’être nourris en petites quantités mais plusieurs fois dans la journée (au moins 3 ou 4 fois), ce qui est rarement le cas. Et à l’égal de leur mère, la qualité des mets ne correspond pas aux besoins nutritionnels. De plus les enfants sont nourris à partir du plat familial. Lorsqu’ils sont tout petits (moins de 1 an), ce sont les mères qui placent la nourriture dans leur bouche, mais à partir de 1 an (ou 2 ans, cela dépend des familles), les enfants doivent se débrouiller seuls. Or si les frères et sœurs plus âgés mangent plus vite et en plus grande quantité, le risque que le plus jeune enfant ne puisse pas s’alimenter suffisamment est élevé. Les repas ont lieu au même endroit et souvent aux mêmes horaires, ce qui favorise la prise de repère pour les jeunes enfants. Dans les familles interrogées, les repas se déroulent de façon similaire : Les femmes âgées mangent avec les petits enfants filles. Les pères mangent avec les petits garçons s’ils sont présents. En cas d’absence, les petits garçons mangent avec leurs sœurs. Les pères peuvent également manger avec leur propre père. Les belles filles mangent entre elles ou seules si elles sont seules. Les tout petits sont nourris par leur mère, mais à partir de un ou deux ans ils se débrouillent seuls. Dans tous les cas manger seul est considéré comme une honte. Lorsqu’un enfant refuse de manger, les mères essaient de lui proposer d’autres aliments, mais bien souvent elles n’ont rien d’autre à offrir. Certaines choisissent alors de laisser l’enfant tranquille et d’attendre qu’il veuille bien manger, d’autres préfèrent le « gaver » pour éviter qu’il ne perde du poids.

7. Pratiques d’hygiène Afin d’évaluer les pratiques d’hygiène, les enquêteurs ont observé les habitats des familles au cours des entretiens et ont posé des questions aux mères sur le lavage des mains, l’utilisation de savon ou autre, la fréquence des bains des enfants, l’eau utilisée pour boire ainsi que le lieu utilisé pour uriner ou déféquer. Ainsi il apparaît que la plupart des habitations et concessions sont propres (52,9%) et moyennement satisfaisante (37,6%). Les mères passent beaucoup d’heures tous les matins à mettre en ordre et nettoyer leur concession, mais le sable et les vents fréquents rendent cette tâche ardue avec un besoin sans cesse renouvelé. Malgré ces obstacles, les femmes s’évertuent à conserver un foyer propre et accueillant. Cette rigueur leur a été inculquée dès le plus jeune âge à travers les prêches à l’école coranique et est fréquemment rappelée lors des recommandations émises par les Imams. L’accès à l’eau étant compliqué pour la plupart des femmes à l’extérieur de Mao, chacune tente d’économiser cette énergie et ne pas la gaspiller. En effet les femmes doivent quotidiennement aller puiser

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l’eau ou se déplacer vers la pompe située au centre du village afin de remplir les bidons qui serviront tout au long de la journée. La ville de Mao est desservie par un réseau d’eau alimenté par le château d’eau de Mao et chaque famille a accès à un robinet dans sa concession, ce qui facilite les tâches quotidiennes. La quasi-totalité des mères interrogées se lavent les mains avant et après avoir mangé (99,5%), avant de prier (85,7%), mais seulement la moitié d’entre elles le font avant de cuisiner. Les jeunes enfants sont considérés comme trop jeunes pour qu’on leur lave les mains alors même qu’ils sont capables de se nourrir seuls. De plus, environ 40% des enfants n’ont les mains lavées ni avant, ni après avoir mangé. Ces pratiques associées au fait que plus de 90% des familles utilisent uniquement l’eau pour se laver les mains entrainent la contamination des aliments et favorisent les infections, notamment les parasites intestinaux. De plus les jeunes enfants ayant la coutume de mettre les objets ou les mains dans la bouche pour jouer ou tout simplement découvrir les objets accentuent les risques d’infections. Seules 15% des mères utilisent du savon et pas de manière systématique. Le non recours au savon ou détergent peut s’expliquer par le coût rédhibitoire de cet objet considéré comme un luxe. Cependant les villageois pourraient également se servir des cendres, du natron ou encore du sable ou de l’argile, habitude qui n’est pas développée dans les villages visités. Le bain est considéré comme une étape indispensable au début et à la fin de la journée. Au cours de l’enquête, la température extérieure s’est rafraichie et les mamans ont diminué la fréquence des bains, mais plus de la moitié des enfants sont tout de même lavés plusieurs fois par jour, et 36% une fois par jour. Rares sont les enfants qui sont nettoyés moins souvent. Dès leur plus jeune âge les enfants sont habitués à cette pratique et les mères accordent beaucoup d’importance à la propreté ; malgré cela les enfants semblent souvent sales car ils jouent toute la journée dans le sable et sont alors couverts de poussière des pieds à la tête. La moitié des mères enquêtées boivent directement l’eau de la pompe et 45% l’eau du puits, seules les femmes de Mao ont accès à l’eau du robinet. Aucune femme ne boit l’eau du ouadi ou de l’eau stagnante. En revanche les difficultés d’accès à l’eau ont été mentionnées par toutes les mères. En effet aller chercher l’eau tous les jours est une tâche difficile, et abreuver les animaux encore plus, car il faut puiser l’eau du puits du ouadi tous les matins pour tout le cheptel et cette tâche, incombant aux enfants, est manuelle et éreintante.

Hygiène des mains des mères

49,5%

44,8%

3,8%

0,5%

99,5%

99,5%

85,7%

54,8%

0% 20% 40% 60% 80% 100%

120%

Avant de cuisiner

Avant de manger

Après avoir mangé

Après avoir défequé ou uriné

Avant de prier

Après avoir nettoyé un enfant

Après avoir touché quelque chose desale

Autre

Hygiène des mains de l'enfant

6,7%

41,0%

0,5%

1,9%

60,5%

61,0%

28,1%

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70%

Avant de manger

Après avoir mangé

Après avoir défequé ou uriné

Après avoir touché quelque chose desale

En rentrant à la maison

Autre

L'enfant est considéré comme tropjeune pour qu'on lui lave les mains

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Sur les 210 personnes interrogées, seule 1 femme a l’habitude de filtrer avec du tissu l’eau collectée avant de la boire. Ce non recours au filtrage ou à la purification de l’eau entraine sans aucun doute des infections intestinales nombreuses chez les enfants et les adultes, sources de diarrhées, vomissements et pouvant causer la malnutrition des plus petits. Et ce d’autant plus que l’eau est donnée aux bébés dès leur naissance. Concernant les dispositifs sanitaires, la plupart des femmes enquêtées (92,9%) ont l’habitude de se rendre dans la nature pour effectuer leurs besoins. Beaucoup choisissent également d’uriner à l’air libre derrière leur concession (44,8%). Ces coutumes favorisent la propagation des maladies, d’autant plus que quantités de mouches prospèrent dans la zone. Les familles pourraient facilement construire des latrines, ou même un trou couvert derrière leur concession, car l’espace ne manque pas, mais cette pratique n’est pas dans leurs habitudes et beaucoup préfèrent se déplacer dans la brousse alentour.

8. Pratiques de soins infantiles Les pratiques de soins évaluées ont inclu l’utilisation de moustiquaires, le lieu de repos pour les enfants ainsi que les connaissances et les traitements des maladies les plus communes. Il en résulte que les ¾ des enfants de moins de cinq ans dorment avec leur mère la nuit et 25% avec leurs frères et sœurs. Ce sont souvent les plus jeunes enfants, notamment ceux qui sont allaités qui se reposent à côté de leur maman. Cette pratique est d’autant plus ancrée que les maris sont absents la majeure partie du temps. En revanche les moustiquaires sont uniquement utilisées pendant la saison des pluies, lorsqu’il y a de nombreux moustiques. La période d’enquête couvrant la saison sèche, personne n’a mentionné se servir de cet outil de prévention du paludisme. Certes les risques sont réduits pendant cette saison, mais ils n’en demeurent pas pour autant nuls. Pratiques d’allaitement pendant la maladie Lorsque les jeunes enfants sont malades, près des ¾ des mères diminuent les quantités de lait maternel données. Les enfants refusent souvent de téter et les mamans pensent qu’il vaut mieux réduire les liquides et les aliments ingérés afin d’éviter que l’enfant ne devienne davantage malade. Cette pratique est contraire à ce que les femmes devraient faire. En effet les enfants qui souffrent de diarrhées ou de vomissements et reçoivent peu de liquides peuvent rapidement se retrouver déshydratés et perdre l’énergie nécessaire pour lutter contre les infections. Traitement des maladies

Allaitement pendant la maladie

21,80%

0,08%

77,40%

0% 20% 40% 60% 80% 100%

Moins qued'habitude

Autant qued'habitude

Plus qued'habitude

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Lorsque les enfants souffrent de diarrhées, peu de mères se rendent dans un centre de santé (29,5%). La plupart d’entre elles choisissent de soigner elles mêmes leur enfant à domicile (78,1%). Si le traitement ne fonctionne pas alors les mères se tournent vers les marabouts et les guérisseurs traditionnels (36,2%). Peu de mères reconnaissent lors des entretiens avoir recours aux marabouts alors que cette tendance se distingue nettement lors des

discussions de groupe et des entretiens avec les marabouts eux-mêmes. D’après les enquêteurs, certaines mères n’auraient pas osé reconnaître leurs pratiques car elles associaient l’enquêteur avec un personnel médical et avaient peur de se sentir jugées. Lorsque les mères soignent leurs enfants à la maison, 59,7% d’entre elles lui donnent des tisanes de fenugrec (ayant des vertus positives en cas de dysenterie comme mentionné précédemment). Une grande partie des mamans a également recours à l’automédication (57,9%). Celles-ci se rendent auprès des « Dr Choukour2 » sur les marchés ou dans leurs villages lorsque ceux-ci se déplacent à dos de cheval. En général les femmes achètent des comprimés de flagyl pour donner à leurs enfants. Nombreuses sont les mères qui font avaler de l’eau avec du natron à leur enfant. Le natron se trouve en grandes quantités au Tchad. C’est un minéral composé de carbonate de sodium hydraté et d'éléments d'une roche comprenant du carbonate de sodium et du bicarbonate de sodium, cette alliance permettant d'obtenir le bicarbonate de soude. Le natron était déjà utilisé dans l'Egypte antique et servait de savon pour le corps et pour la momification grâce à ses propriétés d'agent de conservation. Le natron était également utilisé à cette époque pour blanchir le linge, préparer le cuir ou conserver les viandes. En y ajoutant du sable, on pouvait également fabriquer du verre. Le natron permet également de calmer les maux d'estomac, l’eczéma, les boutons de fièvre, les maux de gorge, les piqures d’insecte, etc. Outre le recours au natron, les mères donnent fréquemment des cuillers d’huile de vache aux enfants ainsi que des soupes pour calmer les diarrhées.

Très peu de femmes achètent des sachets d’ORS (sels de réhydratation oraux) et encore moins de mères le fabriquent à domicile. Parmi les femmes qui ont recours aux

guérisseurs traditionnels en cas de diarrhées, 93,5% pratiquent l’extraction des « fausses » dents. En effet, les « fausses dents », également

appelées

2 Les « Dr Choukour » sont des commerçants de médicaments sur les marchés et dans les villages. Ils vendent toutes sortes de produits médicaux et pratiquent les injections.

Traitement de la diarrhée

1,0%

4,3%

8,6%

29,5%

36,2%

78,1%

0% 20% 40% 60% 80% 100%

Rien

Traitement traditionnel à domicile

Visite d'un marabout

Visite d'un guérisseur traditionnel

Visite d'un personnel médical(infirmier/Médecin)

L'enfant n'a jamais eu la diarrhée

Traitement du guérisseur traditionnel

0,0%

2,6%

37,7%

67,5%

93,5%

0% 20% 40% 60% 80% 100%

Brûlure de l'anus ou du ventre

Scarification

Ablation de la luette

Extraction de dents

Autre

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« mauvaises » dents sont considérées comme une anomalie et une maladie en soi. Ces dents correspondent aux canines. Les GT sentent en disposant leur doigt au fond de la gorge que l’enfant souffre de « luette ». Avoir de la luette est également considéré comme une maladie. Le GT utilise alors ses outils insalubres (cf Photos ci dessous ) pour pratiquer les deux interventions.

Comme présenté dans les graphiques ci-dessus, près de la moitié des enfants concernés par l’enquête ont subi ces interventions. Parfois cela a été fait à titre préventif dès le plus jeune âge des enfants. Les GT n’hésitent pas à extraire les « fausses » dents des bébés qui n’ont pas encore sorti de dents ; parfois cela est fait le jour du baptême, mais cette pratique tend à s’atténuer. Les outils utilisés sont toujours insalubres et ces interventions provoquent de nombreuses complications chez les enfants : infections, hémorragies, incapacité de téter ou de se nourrir, malnutrition et dans le pire des cas la mort. Une mère ayant déjà perdu deux enfants à cause de ces interventions nous a assuré soigner de la même façon son troisième enfant car la gravité des maladies risquait de le tuer et que le seul traitement possible était les interventions du GT. Ainsi les parents remarquent principalement le danger des maladies et non les dangers de ces traitements. En général les mères font tout ce qui est en leur pouvoir pour apporter des soins à leurs enfants mais les pratiques traditionnelles les conduisent à nuire à leurs enfants plutôt qu’à les aider. D’après les mamans, les extractions de dents sont pratiquées principalement pour guérir la malnutrition (retard de croissance, perte de poids, manque d’appétit) : 81,7% puis dans un deuxième temps pour soigner la diarrhée et le vomissement (respectivement 65,6% et 61,3%). La luette est quant à elle coupée en premier lieu pour lutter contre le vomissement (85,7%) puis la malnutrition (575%) et enfin la diarrhée (57,1%). Les tradipraticiens semblent ignorer que leurs actes sont dangereux pour la santé des enfants. D’après les informations obtenues lors des entretiens, aucun n’a entendu parler d’enfants malades ou morts suite à leur intervention. Au contraire, ils sont convaincus du bien fondé et de l’utilité de leur action. D’après eux seules ces pratiques peuvent sauver les enfants. Lorsque les enfants souffrent de diarrhées, près d’un tiers des tradipraticiens pratiquent la scarification du ventre. En effet, les GT ont recours à la scarification en cas de ballonnement. Certains GT pratiquent même une sorte de « saignée » : « La GT dispose une corne de bœuf sur la partie douloureuse, absorbe l’aire en aspirant par le trou à l’extrémité de la corne. Lorsque tout l’air a disparu, la GT bouche le trou avec une veine de bœuf séchée mâchée dans sa bouche. Ensuite elle fait une incision dans la partie gonflée, replace la corne et aspire le sang, qu’elle verse ensuite par terre. Cette pratique est répétée deux ou trois fois. »

Pourcentage d'enfants ayant subis une extraction de dents

Non55%

Oui45%

Pourcentage d'enfants ayant subies l'ablation de la luette

Non60%

Oui40%

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Lorsqu’une personne souffre d’infection des yeux, le GT pratique une incision et verse le sang dans les yeux du malade. Lorsque quelqu’un a un ventre ballonné, le GT peut également chauffer une aiguille dans le feu et poser l’aiguille au-dessus, au-dessous et sur les côtés du nombril. Lorsqu’un enfant souffre d’hémorroïdes, le GT pratique une scarification en disposant la corne de bœuf sur les reins, juste au dessus de l’anus ou en brûlant cette partie du corps de l’enfant. Le tableau suivant décrit les différents types de soins traditionnels ainsi que leurs objectifs : SOIN TRADITIONNEL OBJECTIF Brûlure de la poitrine Soigner la toux Brûlure du ventre Soigner le ballonnement ou la constipation Brûlure du dos (+ pique avec une aiguille et fil attaché dans le dos)

Soigner la constipation

Brûlure de l’anus Soigner les diarrhées et les hémorroïdes Brûlure au niveau du cordon en forme de patte d’oiseau

Soigner les diarrhées

Brûlure des reins Soigner les hémorroïdes Scarification Soigner les œdèmes Brûlure de la fontanelle Soigner la maigreur (lorsque l’enfant est trop

maigre, les mères disent que son cerveau est tombé donc il faut brûler l’endroit par lequel le cerveau est sorti)

Ablation de la luette Soigner le vomissement, la diarrhée, la malnutrition Extraction des « mauvaises » dents Soigner ou prévenir la diarrhée, la malnutrition et

parfois le vomissement Afin de soigner les maux des enfants, les mères ont également recours à quelques recettes ancestrales: En cas de rougeole les enfants sont soignés avec du jus d’oignons pillés versé dans leurs yeux. En cas d’hémorroïdes, des fruits du savonnier sont sucés. En cas de rhume, l’enfant est soigné avec de la citronnelle bouillie. En cas de maux d’oreille, du papier est brûlé, mélangé à de la cendre avec de l’huile et versé dans l’oreille de l’enfant.

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PHOTOS DES OBJETS ET SOINS DES GUERISSEURS TRADITIO NNELS

Objets utilisés pour l’ablation de la luette et l’e xtraction de dents

Corne de bœuf servant pour les saignées Brûlure en forme de patte d’oiseau

Brûlure en forme de patte d’oiseau Scarification s

Brûlures Scarifications

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La malnutrition Au cours des entretiens, les hommes comme les femmes ont évoqué de nombreuses causes à la malnutrition, telles que : - L’oiseau (chant entendu par la mère pendant la nuit) - Les diarrhées - Les maladies - Le manque de lait des mamans - Le manque de nourriture - La mauvaise qualité des aliments - Les maladies de la mère transmises à l’enfant à travers l’allaitement - Le manque de pâturage entrainant le manque de lait des animaux - Les problèmes d’hygiène - La luette - Les mauvaises dents - Les manques de soins des mères - Le sevrage brusque et précoce

La malnutrition appelée Kilikili ou kenatchi en gorane et kanembou, ce qui signifie famine ou enfant chétif, est également nommée « wolié », ce qui veut dire « l’enfant n’est pas bien pris en charge ». En effet les mères dont les enfants souffrent de malnutrition sont jugées comme étant de mauvaises mères par les autres femmes et sont accusées de mal s’occuper de leurs enfants. Malgré ces critiques de la communauté, les femmes cherchent à faire de leur mieux pour soigner leurs enfants. Malheureusement il existe peu de traitements actuellement dans la zone. Un seul CNT est ouvert et souffre de fréquentes ruptures de stocks ; les CNA sont mal approvisionnés, tout comme les CNS qui eux n’accueillent qu’un nombre très restreint d’enfants (20 enfants maximum par CNS). Dans ces conditions, il est compréhensible que les mères cherchent à soigner leurs petits par d’autres moyens comme le montre le graphique ci-dessous. Parmi les enfants concernés par une perte de poids ou un retard de croissance, 40% ont été soignés par les guérisseurs traditionnels et ces derniers ont pratiqué majoritairement l’extraction des dents (91,8%) et l’ablation de la luette (78,8%). Selon les discussions avec le superviseur du CNT et les animateurs du CNT et CNA tous les enfants ou presque admis dans le programme ont d’abord été « soignés » par un guérisseur traditionnel, que ce soit pour une extraction de dents, une ablation de la luette, une scarification ou des brûlures.

Traitement de la malnutrition

2,4%

0,0%

2,4%

0,5%

14,8%

17,6%

40,0%

50,0%

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60%

L'enfant n'a jamais été malnourri

La maman ne sait pas que l'enfant est malnourri

Rien

Traitement traditionnel à domicile

Visite du marabout

Visite du guérisseur traditionnel

Visite d'un personnel médical (infirmier/médecin)

Autre

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Lorsque les mères ont choisies d’avoir recours à des remèdes traditionnels à domicile, près de 30% ont nourri leur enfant avec de la bouillie enrichie (davantage d’huile et de sucre) ; 50% lui ont administré de la tisane et 38% ont eu recours à l’automédication en se rendant auprès du « Dr Choukour ». Fièvre Lorsque les enfants souffrent de fièvre, la majorité des mamans les soignent directement à domicile (87,1%), notamment en induisant et massant la totalité du corps du malade avec du baume au menthol ou à l’eucalyptus (40%), et en donnant du paracétamol ou de l’aspirine achetés au Dr Choukour (75%). Seules 4,3% des mères lavent ou épongent leur enfant afin de faire diminuer la fièvre. Très peu de mamans se rendent dans les centres de santé (7,6%) et aucune n’a recours aux guérisseurs traditionnels comme le met en évidence le graphique ci-dessous.

9. Relations mère- enfant Les relations mère- enfant ont été évaluées à travers l’observation, les questionnaires ainsi que les entretiens individuels ou de groupe. Les critères retenus sont liés à l’attitude de la mère vis-à-vis des pleurs de l’enfant, les activités parent- enfant, les responsabilités des mères vis-à-vis des petits. Lorsqu’ils sont petits (de 0 à 2 ou 3 ans environ), les enfants restent auprès de leur mère la plupart du temps, sauf lorsque la mère s’absente. Le portage dans le dos est peu pratiqué dans cette zone du pays et

Traitement du guérisseur traditionnel en cas de malnutrition

2,3%

32,9%

2,3%

78,8%

91,8%

0% 20% 40% 60% 80% 100%

Brûlure de l'anus ou du ventre

Scarification

Ablation de la luette

Extraction de dents

Autre

Traitement de la fièvre

2,4%

1,4%

0,0%

6,2%

7,6%

87,1%

0% 20% 40% 60% 80% 100%

Rien

Traitement traditionnel à domicile

Visite d'un marabout

Visite d'un guérisseur traditionnel

Visite d'un personnel médical(infirmier/Médecin)

L'enfant n'a jamais eu de fièvre

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la plupart des femmes laissent leur enfant à la maison, soit avec un adulte (33,3%), soit avec un enfant plus âgé (29,5%). Seules 41% des femmes emmènent leur enfant avec elle, principalement lorsqu’elles s’en vont loin, par exemple dans un autre village pour une cérémonie ou dans un centre de santé. Une infime minorité des mamans laissent leur enfant seul à la maison (0,5%). Cependant cette habitude de laisser les enfants allaitant en cas d’absence entrave la possibilité de pratiquer l’allaitement à la demande, avec les conséquences explicitées précédemment. De plus les personnes s’occupant du bébé n’ont pas forcément les ressources pour s’occuper de lui adéquatement, surtout lorsque le bébé est gardé par une sœur très jeune également. D’une manière générale, les mamans observées se sentent proches de leur bébé et se montrent tendres envers lui : baisers, caresses, regards. Peu d’échanges verbaux ont été remarqués mais d’après les mamans, celles-ci parlent avec leur bébé « comment tu vas ? », « qu’est ce que tu veux ? » alors même qu’elles sont convaincues que les enfants n’ont pas la capacité de comprendre tant qu’ils ne parlent pas eux-mêmes. Lorsque le jeune enfant se met à pleurer, la plupart des mamans offrent directement le sein, sans regarder l’enfant ou sans essayer de comprendre les raisons des pleurs. La majorité des femmes essaie également de le calmer en le berçant. Toutefois, il a été observé des mères, notamment dans le CNA, qui paraissaient indifférentes aux pleurs de leurs enfants, comme si elles ne les entendaient ou remarquaient pas. La plupart des mamans pensent que les enfants pleurent uniquement lorsqu’ils ont faim ou qu’ils sont malades ; ce qui dénote un manque de connaissances des signes d’expression et des besoins des enfants. En effet, les bébés pleurent pour quantités de raisons physiques certes (faim, chaud/froid, douleur, fatigue, saleté, sur-stimulation, coliques…) mais également psychologiques (insécurité, stress, colère, peur, solitude, ennui, frustration, besoin de tendresse….) Certaines mères ont ainsi tendance à interpréter de façon erronée les pleurs de leur enfant et à y réagir sans toutefois répondre aux besoins réels de leur enfant.

Toutefois, les mères concernées par l’enquête se sont montrées concernées et affectées par les réactions de leur enfant, même si comprendre leur bébé s’avère parfois difficile. Lorsque les enfants sont tout petits, les mamans passent du temps à s’occuper d’eux. Ainsi elles leur donnent un ou deux bains par jour, parfois accompagné d’un massage avant le bain. Dans certains villages toutes les mères ont cette coutume ; dans d’autres villages aucune mère ne le pratique. Les mamans qui ont cette habitude utilisent des crèmes et massent le corps de leur enfant dans sa totalité, sans technique particulière. Le massage est plutôt doux et se poursuit jusqu’à ce l’enfant soit capable de se masser lui-même. (L’âge varie en fonction des familles de 2 à 5 ans, et cette activité perdure plus tard car beaucoup d’hommes et de femmes se massent personnellement en utilisant des baumes, et particulièrement en cas de fièvres). La plupart des femmes admettent jouer avec leur enfant quand ils sont petits. Les jeux consistent principalement à donner un objet à l’enfant et le récupérer. Quelques rares pères s’amusent à « secouer » leur enfant sur leurs cuisses ou à faire semblant de le lancer en l’air. Mais globalement les pères ne

Réactions aux pleurs

0,0%

0,5%

1,0%

1,0%

81,0%

75,7%

0% 20% 40% 60% 80% 100%

Vous le frappez

Vous le laissez pleurer

Vous tentez de le calmer

Vous le nourrissez

Vous laissez un autre adulte oufrère/soeur s'occuper de lui

Autre

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s’occupent pas des enfants en bas âge, comme exprimé par certains papas « on ne s’intéresse aux enfants que lorsqu’ils sont capables de marcher, de parler et qu’on est à peu près sûr qu’ils vont vivre ». Chanter des chansons ou raconter des histoires est très peu réalisé. D’après les femmes âgées, ce sont des coutumes qui se sont perdues. Lorsqu’elles mêmes étaient enfants, leurs mères avaient ces habitudes, mais elles ont quasiment disparu aujourd’hui, d’après certaines parce que les Imams interdisent de raconter des histoires profanes. Cependant certaines grands-mères continuent à raconter l’histoire de leur famille, de leur ville, de leur pays aux enfants, ces histoires sont toujours réalistes et impliquent des personnes réelles (pas d’histoires imaginaires). Quant aux chansons, les enfants entre eux chantent souvent, mais pas les mères, ni les grands mères avec leurs enfants et petits enfants. Ainsi la majeure partie des activités pratiquées par les mères avec les jeunes enfants sont des activités de « première nécessité » : le laver, le nourrir, le bercer pour qu’il dorme. Peu d’activités de stimulation des tout petits ont été observées et les mères ne connaissent pas l’importance de la stimulation car pour elles les enfants n’ont pas la capacité de comprendre ce qui se passe autour d’eux.

S’occuper des enfants est une responsabilité qui incombe presque exclusivement à la maman (100%) ; 35% des pères sont nommés comme personne en charge de l’enfant de moins de cinq, en plus de la mère. Mais les responsabilités du père sont presque exclusivement matérielles : pourvoir les enfants en nourriture, habillement, médicaments… Les pères servent de support aux mamans et les encouragent à envoyer les enfants au centre de santé et auprès des guérisseurs traditionnels. En effet les GT n’acceptent de pratiquer les interventions qu’en présence du père ou d’un homme de la famille. Seules 11% des grands-mères ont été désignées comme co responsables des enfants. En effet, les belles mères et belles filles vivent séparément dans les villages et se voient fréquemment, mais les grands-mères n’ont pas la charge de l’éducation des enfants en tant que tel. Elles auraient plutôt tendance à être les grands-mères « gâteaux ». Lorsque les enfants grandissent et sont capables de marcher tout seuls, ils passent alors leur journée auprès des autres enfants du village à jouer. Dans la ville de Mao, certains enfants sont inscrits en maternelle à partir de l’âge de 3 ans et ensuite à l’école primaire ainsi qu’à l’école coranique. En revanche peu de villages ont des écoles primaires ou coraniques et la grande majorité des enfants n’est pas scolarisé. Ainsi dès qu’ils sont en âge de se promener, les enfants se retrouvent en groupe et inventent des jeux, fabriquent des jouets (cf. photo ci contre). Ils reviennent à la maison pour les repas puis repartent avec leurs camarades. Lorsqu’ils ont 5 ou 6 ans, les enfants commencent à aller dans le ouadi ou en brousse ramasser

Activités mère- enfant

5,7%

11,9%

0,0%

41,9%

100,0%

94,3%

0% 20% 40% 60% 80% 100% 120%

Donne le bain

Joue avec lui

Raconte des histoires

Chante des chansons

Fait des massages

Ne fait rien

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du bois, abreuver les animaux, ramasser de la paille, chercher les animaux égarés. Vers 7 ou 8 ans, ils sont chargés de fabriquer des briques dans le ouadi et apprennent des plus grands ou de leur père s’il est présent, comment s’occuper des animaux, construire une maison, labourer et cultiver les champs pendant la saison pluvieuse ; les filles apprennent de leur mère comment s’occuper des tâches ménagères. A partir du moment où les enfants commencent à sortir de la maison ou de la concession, les mères ne s’occupent plus d’eux pendant la journée. Certaines continuent les bains et les massages le matin et/ou le soir, mais aucune autre activité n’est réalisée, sauf lorsque les enfants sont malades. Lorsque les enfants font des bêtises, ils sont systématiquement grondés. Certains pères, mères ou grands parents expliquent aux enfants pourquoi ils ne doivent pas faire telle ou telle chose mais d’une manière générale les enfants sont « chicotés » dès qu’ils font quelque chose d’inadapté ou dès qu’ils dérangent. Les adultes peuvent chicoter avec la main, avec un fouet, avec une chaussure ou tout autre objet. Cette habitude est fréquente et a été remarquée tous les jours lors de l’enquête. Les enfants commencent à être chicotés vers l’âge de 5 ou 6 ans ; avant ils sont surtout réprimandés oralement. D’après les hommes comme les femmes l’éducation doit commencer à la maison et dès le plus jeune âge de l’enfant. Celui-ci doit apprendre à obéir. En effet l’obéissance est le critère principal caractérisant un « bon » enfant et à l’opposé, un « mauvais » enfant est un enfant qui ne fait pas ce qui lui est demandé de faire, il se montre désobéissant. Le respect est également une notion très importante, respect des plus âgés, mais également des plus jeunes.

10. Relations familiales Dans les questionnaires il a été demandé aux mamans d’évaluer la qualité de leurs relations familiales ainsi que de noter l’existence de violences physiques. Les mamans ont presque unanimement répondu que l’ambiance était bonne dans leur foyer. Et en effet lors des visites, il a semblé que les atmosphères étaient paisibles, les hommes et les femmes étaient souriants et accueillants. Cependant les couples apprennent très tôt à taire ce qui se passe au sein de leur foyer car cela relève de la sphère privée et il est considéré comme honteux d’exprimer ses difficultés, notamment à des personnes étrangères à la famille. Lors des groupes de discussions, les hommes ont néanmoins reconnu qu’il y avait parfois des tensions au sein de couples. Et les tensions débutent souvent par les reproches des femmes vis-à-vis de leur mari sur le manque de travail, manque de moyens matériels et financiers, et plus particulièrement le manque de nourriture. En effet, les femmes sont inquiètes de ne pas pouvoir nourrir suffisamment leurs enfants et se montrent en colère envers leur mari car souvent ils sont incapables d’apporter les vivres dont tous auraient besoin. Les hommes se sentent coupables de ne pas pouvoir répondre aux attentes de leurs épouses et les conflits surgissent. L’absence des hommes entretient ces rancœurs notamment pendant les mois où les femmes sont seules. De plus, il est difficile pour les maris de se sentir éloignés et impuissants face à leurs responsabilités. Ces frustrations engendrent des ressentiments qui peuvent parfois déboucher sur de la violence. Toutefois il apparaît que ces brutalités sont rares et peu fréquentes. Les tensions sont toutefois plus nombreuses entre les coépouses ; en effet celles-ci tendent à se disputer à cause des enfants ou parce qu’une des femmes reçoit plus de biens de la part du mari. Et ces mésententes peuvent engendrer des violences comme cela a été mentionné précédemment, entrainant même le besoin d’avoir recours à un agent de santé. Lorsque des femmes ou des couples se disputent, tout le village se réunit, ou les principaux acteurs si le village est trop grand (chef de village, Imam, marabout, hommes et femmes âgés), et chacun des partis peut expliquer sa version de l’incident. Ensuite les personnes influentes discutent entre elles de l’attitude à adopter et donnent des conseils à chaque personne impliquée dans le conflit afin que le problème se résolve et surtout ne se reproduise plus. Les conflits familiaux sont réglés au niveau communautaire et rarement au niveau individuel. L’esprit communautaire est très ancré et offre un rempart et un soutien à tous les membres.

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11. Santé mentale de la mère Afin d’évaluer l’état psychologique des mamans, diverses questions liées au niveau d’angoisse, de dépression, de troubles psychosomatiques au cours des 30 derniers jours ont été posées, mais comme mentionné dans les limites de l’évaluation les réponses exprimées ne permettent pas une analyse statistique juste. En effet, les mères ont préféré taire leurs véritables ressentis car « se mettre à nu » devant un homme, étranger de surcroit, n’est pas acceptable. Toutefois à travers les entretiens individuels et les groupes de discussion, il a été possible de mettre en avant quelques caractéristiques : La majorité des femmes souffrent de troubles physiques : plus de 65% des mamans interrogées. Ces troubles, principalement des douleurs de tête, de ventre et de dos peuvent être causées par des maladies ou la faim mais peuvent également être la manifestation physique de douleurs psychiques (troubles psychosomatiques). En effet la plupart des mamans sont inquiètes et stressées par leur condition de vie, notamment le manque de nourriture, les nombreuses maladies, les grossesses, les décès… Or il est connu que le stress peut s’exprimer par des palpitations, des maux de ventre, des maux de tête ou de dos, qui sont les symptômes les plus souvent cités par les mères. Cependant les femmes ayant difficilement accès aux soins, ces troubles peuvent également être l’expression de véritables maladies et il n’est pas possible ici de pouvoir faire la distinction entre les causes physiques et les causes psychologiques, d’autant plus que ces facteurs sont souvent fortement imbriqués. 20% des mamans interrogées expriment avoir une mauvaise qualité de sommeil, notamment à cause de difficultés d’endormissement et de réveils fréquents. Souvent leurs douleurs physiques les empêchent de trouver le sommeil, d’autres fois les pleurs des enfants les tiennent éveillées et parfois les mère « pensent trop » et ne peuvent se reposer. Elles racontent avoir des pensées récurrentes principalement au sujet de la nourriture et de la maladie. Ces inquiétudes les gardent en éveil et les mères ressassent cela perpétuellement en se couchant. Ces préoccupations atteignent principalement les jeunes mamans ; en effet les femmes âgées « connaissent la vie », savent que le quotidien est difficile et qu’il est trop tard pour changer quoi que ce soit. Aucune femme n’a reconnu faire de cauchemars. Lors de la réalisation des questionnaires, 70% des femmes ont expliqué avoir eu peu ou pas d’appétit au cours des 30 derniers jours, en dehors du fait qu’elles avaient suffisamment à manger ou pas. Certaines mamans ne connaissent pas la raison de ce manque d’appétit et ne peuvent pas l’expliquer ; d’autres se sentent malades ou fatiguées et n’ont pas envie de manger ; d’autres enfin sont lassées de se nourrir tous les jours des mêmes aliments et perdent la motivation de se sustenter. Au niveau psychique, le manque d’appétit peut être interprété comme un signe de déprime ou de dépression. Même si les femmes ne sont pas accoutumées à réfléchir sur leurs ressentis et beaucoup n’ont pas exprimé de lien entre leur manque d’appétit et leurs angoisses, leur manque de motivation pour se nourrir pourrait être interprété comme étant le symptôme physique des tensions et inquiétudes ressenties intérieurement. La malnutrition peut également entrainer une perte d’appétit et beaucoup de femmes vues en entretien semblaient très mince, même si cela peut être difficile à évaluer à travers des habits larges. Il est cependant possible qu’un début de malnutrition puisse être à l’origine de la perte d’appétit chez certaines mamans. Les troubles psychologiques exprimés par les mamans au cours des entretiens et des discussions sont principalement axés autour de l’anxiété, la tristesse et parfois la solitude. Outre l’inquiétude liée au manque de nourriture, les femmes et plus particulièrement les femmes enceintes ont peur pendant la période de gestation. Elles angoissent en pensant à l’accouchement et la probabilité qu’elles puissent mourir, elles redoutent également de souffrir atrocement et/ou que leur enfant ne survive pas. Cette angoisse très forte a été partagée par les femmes lors des groupes de discussions et avec les matrones lors des entretiens. Beaucoup de femmes se sentent tristes à cause de décès parmi leurs proches, même si la mort fait partie du quotidien des familles, en effet, de nombreux enfants décèdent en bas âge et les maladies sont nombreuses et causant fréquemment la disparition de jeunes et d’adultes. La solitude en tant que telle ne semble pas peser énormément sur les femmes. En revanche, les responsabilités qui leur incombent du fait de l’absence de leur mari peuvent parfois leur sembler difficiles. Mais ce sentiment de responsabilité s’est amoindri depuis 2006, date de mise en place des antennes

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téléphoniques permettant aux femmes de garder un contact hebdomadaire avec leurs maris, quelle que soit la distance. Cet outil de communication favorise les échanges et le soutien que les hommes peuvent apporter à leurs épouses, même si au quotidien ce sont toujours les femmes qui doivent se charger de toutes les activités. Peu de femmes semblent souffrir de dépression à proprement parler. Les personnels des centres de santé relatent le cas de quelques femmes par an présentant ce trouble, mais étant peu familiers avec les expressions de la souffrance psychique, il n’est pas certain qu’ils soient réellement capables de les identifier. Cependant lors des entretiens et des discussions certaines personnes ont partagé que des hommes et des femmes perdaient parfois la tête à cause des inquiétudes. Certains sont devenus complètement « fous » ; d’autres ont récupéré leur esprit après quelques temps. Tous ont été confiés au marabout car l’expression de la folie est un signe de possession par Satan. Les principaux évènements ayant eu lieu au cours des six mois précédant l’enquête et pouvant potentiellement conduire à un traumatisme psychique sont liés au décès ou au départ d’un proche. La faim n’a jamais été mentionnée comme un « choc » par les mamans, en effet avoir faim n’est pas un évènement en soi, c’est une habitude pour la plupart des personnes de la zone. Les maladies ont été également peu mentionnées, et il apparaît clairement dans le graphique ci-dessous que la plupart des femmes n’ont pas connu d’évènement particulièrement douloureux au cours du semestre écoulé (74,3%).

La plupart des difficultés exprimées par les mères sont liées au manque de nourriture (81,4%), au manque d’argent (59,5%) et au manque de travail (41,0%). En effet le manque de nourriture entraine la malnutrition et les maladies associées ; le manque d’argent empêche les mamans de fournir des soins à leurs enfants et le manque de travail d’avoir l’argent nécessaire pour le bien-être de la famille. Seules 9,5% des femmes ont reconnu ne pas avoir de difficultés particulières, ce qui indique que la majorité des familles concernées par l’enquête sont dans le besoin.

Evènement traumatique

0,0%1,9%

0,0%

1,4%1,4%

1,9%2,9%

6,7%14,8%

74,3%

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80%

Non

Décès d'un procheDépart d'un proche

Faim

MaladieIncendie

ConflitVol

Perte de travail

Autre

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Malgré les nombreuses difficultés et les inquiétudes exprimées par les mères, ces dernières sont confiantes quant à leur avenir et celui de leurs enfants comme le montre le graphique ci dessous (24,8%). Beaucoup de mères ne pensent pas à l’avenir et sont surtout tournées vers le présent et leur quotidien (13,3%), un nombre élevé de femme ne sait pas comment pourrait être l’avenir de leur famille (34,3) et 10% des mères ont confiance en Dieu pour les prochains jours, semaines, mois. Peu de mamans reconnaissent être inquiètes (18,1%) alors que ce ressenti a été exprimé par tous les hommes et les femmes vus en entretiens individuels et en discussions de groupe. Les villageois ont souvent mentionné que l’avenir appartenait à Allah et que s’Il le souhaite leur vie sera meilleure. Les hommes comme les femmes croient que leur situation peut et va s’améliorer même si actuellement aucun signe tangible ne prouve cette croyance et d’autant moins que les récoltes de cette année ont été mauvaises et la période de soudure s’annonce particulièrement ardue à cause de la hausse des prix entre autres. Les jeunes comme les personnes âgées semblent optimistes et positifs quant à l’évolution de leurs conditions de vie.

12. Soutien communautaire Lors des entretiens, il a été demandé aux hommes et aux femmes ce qui les aidait à se sentir plus détendus et plus apaisés lorsqu’ils ressentaient des sentiments d’inquiétude ou de tristesse.

Difficultés de la mère

6,2%

0,0%

9,5%

3,8%

15,7%

28,6%

41,0%

59,5%

16,7%

81,4%

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90%

Manque d'argent

Manque de travail

Manque de nourriture

Manque d'eau

Problèmes médicaux dans la famille

Manque d'accès aux soins

Absence du mari

Tensions familiales

Autre

Pas de difficultés

Perception de l'avenir

0,0%

0,5%

10,0%

13,3%

24,8%

18,1%

34,3%

0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% 40%

Ne pense pas à l'avenir

Confiante/détendue

Inquiète

Apeurée

Ne sait pas

L'avenir appartient à Allah

Autre

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Les réponses ont été unanimes et parler avec quelqu’un apparaît nettement comme la première source de soutien (90%). En effet la communauté est un véritable pilier pour les villageois et lorsque quelqu’un se sent mal, il se tourne vers sa famille et ses amis pour « causer ». Certains parlent de ce qu’ils ressentent, d’autres non, mais être entouré aide à dépasser ses inquiétudes. Cependant, même si se sentir triste ou inquiet est acceptable, une personne ne doit pas trop se plaindre ou se laisser aller ; il a été répété à plusieurs reprises que la personne doit se ressaisir, se tourner vers Dieu, que tous connaissent les mêmes difficultés et qu’il est nécessaire de chercher des solutions plutôt que de se lamenter sur son sort. Les fêtes traditionnelles, jeux avec les enfants, partages de repas apparaissent également comme une source de support pour les personnes en souffrance psychique. Et les occasions de fêter ne manquent pas : naissances, baptêmes, sevrage, circoncisions, mariages, décès…. Hommes et femmes ont ainsi souvent l’opportunité de se retrouver ensemble, de rire, de chanter…

Dans la plupart des villes et villages il existe des groupements de femmes avec une présidente organisant des réunions et des activités pour les femmes comme précisé dans la description des acteurs clés de la communauté. Ces groupements permettent aux femmes de sentir qu’elles appartiennent à un groupe et de se sentir entourée. De plus cela leur apporte un soutien bénéfique tant pour les conseils reçus que pour les activités réalisées et le support émotionnel partagé. Les hommes aussi se retrouvent entre eux, de manière quotidienne, lors des prières à la mosquée. Ils profitent souvent de ces occasions pour s’asseoir ensemble, partager un thé et discuter. Ce temps passé ensemble quotidiennement apporte un soutien précieux aux hommes, d’autant plus que leur inactivité peut parfois être pesante. En effet, en dehors des labours pendant la saison des pluies et l’abreuvage des animaux le matin, les hommes ont peu à faire. Lorsque quelqu’un de la communauté est dans le besoin - construction d’une maison, nourriture - souvent les voisins ou autres membres de la famille se cotisent afin d’aider les familles les plus en difficulté. Personne n’est laissé de côté. Mais malheureusement les manques sont tels que parfois même si les villageois veulent s’entraider, ils ne peuvent pas le faire. Dans tous les cas la communauté joue un rôle primordial tant pour les hommes que pour les femmes et les enfants. Tous appartiennent à un groupe et ce groupe est bénéfique pour ceux qui en font partie.

Type de soutien

4,8%

5,2%

0,0%

1,0%

0,0%

31,0%

37,1%

34,3%

90,0%

0% 20% 40% 60% 80% 100%

Parler avec quelqu'un de la famille/Amie

Repas

Jeux avec les enfants

Fêtes traditionnelles

Religion

Aller dans un centre d'apprentissage

Alcool/Drogue

Autre

Rien

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V. Conclusions

Ainsi les résultats et l’analyse de l’enquête sur les pratiques de soins materno-infantiles permettent d’élaborer des conclusions relatives à chacun des objectifs spécifiques :

1. Evaluation des pratiques de soins des femmes enc eintes et allaitantes dans la zone de Mao et du sud du district de Mao - Mariages précoces : les femmes se marient en moyenne à l’âge de 15 ans - Nombreuses fausses couches : 1/3 des femmes enquêtées ont eu au moins une fausse couche - Nombreuses morts infantiles : 44% des mères interrogées ont perdu au moins un enfant - Manques de soins prénataux - Pas de tabous alimentaires mais 9/10 des mamans mangent moins que d’habitude pendant la

grossesse - La plupart des mères se sentent inquiètes, stressées et angoissées pendant la grossesse - Manque de soutien émotionnel pendant la grossesse - Plus de 90% des femmes ont eu des difficultés au cours de leur dernière grossesse - Seulement la moitié des femmes en difficultés ont reçu des soins médicaux pendant la grossesse - Seules 25% des femmes prennent le temps de se reposer à la fin de la grossesse, les autres ont

continué à pratiquer les travaux domestiques lourds - Plus de 66% des femmes ont eu des difficultés lors du dernier accouchement : rétentions de

placenta et accouchements de longue durée (plus de 48h) - La plupart des mères donnent naissance à domicile avec l’aide de matrones non formées - Beaucoup de femmes souffrent suite à leur dernier accouchement : douleurs de dos, douleurs

ventrales et vaginales fréquentes - Malgré les nombreux problèmes pendant l’accouchement, peu ont bénéficié de soutien médical - Peu de femmes ont bénéficiées de soins post nataux (27%) - La moitié des femmes ont moins mangé que d’habitude pendant la période post partum - D’après les mamans, 83% des bébés sont nés avec un petit poids de naissance - La plupart des femmes interrogées manquent de connaissances sur la grossesse

2. Evaluation des pratiques d’allaitement et de sev rage des enfants de 0 à 24 mois dans la zone de Mao et du sud du district de Mao - Le colostrum a été donné dans 97% des cas - Seulement la moitié des mères a débuté l’allaitement moins d’une heure après la naissance - 0% des mamans ont allaité exclusivement leur enfant de moins de 6 mois : toutes ont donné de

l’eau - Une femme sur deux pense qu’elle manque de lait - Toutes les femmes ont allaité leur enfant pendant la nuit - Seules 56% des mamans ont pratiqué l’allaitement à la demande - Plus de 82% des mères se plaignent de difficultés d’allaitement, particulièrement le manque de lait,

et les douleurs et infections du sein - Beaucoup de mamans sont stressées pendant la période d’allaitement car elles sont convaincues

que leur lait est insuffisant et que l’enfant va souffrir de la faim, or le stress est un facteur inhibant la production de lait maternel

- La majorité des mères a introduit la nourriture complémentaire entre 6 et 9 mois : bouillies non équilibrées ou directement plat familial inadapté à l’âge et la dentition des enfants

- La majorité des enfants ont été sevrés avant 24 mois (à 17 ou 18 mois) - Tous les enfants ont été sevrés de manière brutale avec ou sans séparation avec la mère - Les connaissances des mères sont très faibles quant aux pratiques d’allaitement et de sevrage

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3. Evaluation des soins psychosociaux apportés à l’ enfant dans la zone de Mao et du sud du district de Mao - Les mères semblent proches et tendres avec les jeunes enfants ; elles font de leur mieux pour

s’occuper d’eux - Manque de connaissances des mamans sur les besoins de l’enfant - Les mères pratiquent quelques activités de « jeux » et de massages avec les tout petits mais dès

que les enfants atteignent deux ou trois ans, les mères cessent de s’occuper d’eux car ils passent leurs journées à l’extérieur avec d’autres enfants

- Peu d’histoires ou de chansons sont chantées aux enfants leur permettant de développer leur imagination

- Les pères s’impliquent peu ou pas dans la relation avec les jeunes enfants - Il n’existe pas d’activités récréatives mises en place avec les enfants (jeux libres uniquement) - L’éducation des enfants est stricte et inculque respect et obéissance mais les parents ont recours

quasi systématiquement au chicotage pour corriger les enfants

4. Evaluation des soins psychosociaux et de la sant é mentale des femmes dans la zone de Mao et du sud du district de Mao - Beaucoup de femmes sont seules et doivent faire face à de nombreuses responsabilités pendant

l’absence de leur mari - La plupart des mères présentent des troubles d’angoisse (inquiétude, stress pendant la grossesse

et l’allaitement ainsi que lorsque la famille manque de nourriture ; nombreuses responsabilités des femmes devant faire face à l’absence de leurs maris)

- Les mères se sentent souvent tristes à cause des nombreux décès dans leur entourage familial - La plupart des femmes manquent d’appétit - Beaucoup de mamans souffrent de douleurs physiques pouvant être causées par des douleurs

psychiques (plaintes psychosomatiques) - Peu de mères relatent des évènements traumatiques au cours des 6 derniers mois mais

pratiquement toutes connaissent de nombreuses difficultés : manque de nourriture, manque de travail, manque d’argent…

- Malgré les difficultés et les inquiétudes, les mères sont plutôt confiantes et positives quant à leur avenir et celui de leurs enfants

- Le soutien communautaire est très développé et est source d’appui pour la plupart des femmes

5. Identification des facteurs potentiels de risque s de malnutrition liés aux pratiques de soins materno- infantiles dans la zone de Mao et du sud d u district de Mao - Les femmes ont tendance à diminuer l’allaitement en cas de maladies - Beaucoup de mères choisissent l’automédication pour soigner leurs enfants (recours aux « Dr

Choukour ») - Un nombre important de femmes a recours aux guérisseurs traditionnels en cas de diarrhées,

vomissements, malnutrition… - Les pratiques néfastes des guérisseurs traditionnels sont largement répandues : ablation de la

luette, extraction de dents, scarifications, brûlures… - Les soins dans les centres de santé sont pratiqués en dernier recours - Les rumeurs accusent les mères dont les enfants souffrent de malnutrition d’avoir mal pris soin

d’eux, ce qui favorise le mal-être et la culpabilité des mamans

Evaluation des Pratiques de soins materno infantiles

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- Les pratiques de soins pendant la grossesse ainsi que les pratiques d’allaitement sont inadaptées et peuvent causer la malnutrition comme détaillé précédemment

- Les pratiques d’hygiène favorisent la propagation des infections : non utilisation de latrines, non utilisation de détergent ou savon pour le lavage des mains, eau bue sans filtration…

6. Identification des déterminants potentiels de ri sques de malnutrition liés aux facteurs psychosociaux dans la zone de Mao et du sud du dist rict de Mao

- Les mères manquent de connaissances sur les besoins des enfants et ne peuvent ainsi pas

toujours leur apporter le soutien dont ils ont besoin - La plupart des mères se sentent angoissées, ce qui se répercute sur le ressenti des enfants ; et les

bébés peuvent perdre l’appétit lorsqu’ils se sentent stressés - Les inquiétudes des mères sont importantes pendant la grossesse ce qui a des conséquences

néfastes sur le déroulement de leur gestation - La plupart des mères se sentent stressées ce qui peut avoir une incidence négative sur leur

production de lait maternel - Les mères sont seules pour élever leurs enfants (soit parce que les pères sont absents, soit parce

que les pères ne s’occupent pas des petits)

7. Identification des personnes ressources au sein de la communauté

- Les chefs de village ou de quartier et ou de nomades - Les Imams - Les marabouts - Les présidentes des groupements de femmes - Les agents de santé - Les personnes âgées (hommes ou femmes) - Les matrones

VI. Recommandations D’après les conclusions ci-dessus et afin de contribuer à une meilleure prise en charge des problématiques nutritionnelles à Mao et dans le sud du district de Mao grâce à une meilleure connaissance des pratiques de soins pouvant causer et/ou aggraver le statut nutritionnel des femmes et des enfants, il peut être recommandé de travailler sur différents axes :

1. La grossesse � Sensibilisation sur les grossesses de jeune âge

- Besoins : o Réduction des grossesses précoces et des complications que cela entraine sur le plan

médical : fistules, accouchements de longue durée, douleurs extrêmes… et sur le plan émotionnel : immaturité des mères face aux besoins de leurs enfants

- Activités :

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o Groupes de discussions dans les villages avec les hommes et les femmes formés pour devenir relais communautaires pour qu’ils puissent ensuite à leur tour sensibiliser les villageois

� Suivi des femmes enceintes :

- Besoins : o Suivi médical par du personnel formé o Suivi émotionnel des mères afin de diminuer les nombreuses angoisses et peurs pendant

la période de grossesse o Amélioration des connaissances sur les besoins de la femme enceinte et le développement

du fœtus - Activités

o Formation et supervision des matrones et des personnels de santé par une sage femme et par une psychologue

o Accompagnement et soutien émotionnel des mères par des activités de groupes lors des visites pré et post natales dans les centres de santé en collaboration entre l’équipe ACF et les agents de santé

o Sensibilisation des femmes à travers les relais communautaires sur les pratiques à observer pendant la grossesse

2. L’allaitement

- Besoins : o Amélioration des connaissances des matrones, des personnels de santé et des personnes

influentes sur les pratiques d’allaitement et le suivi des femmes allaitantes o Amélioration des connaissances et des pratiques des femmes allaitantes o Soutien émotionnel des mères pendant la période d’allaitement

- Activités:

o Formation des matrones, personnels de santé et personnes influentes sur les pratiques d’allaitement

o Accompagnement et soutien émotionnel des femmes par des activités de groupe liées à l’allaitement, le sevrage et l’alimentation des enfants

3. Les pratiques de soins

- Besoins : o Amélioration des connaissances et des pratiques des hommes et des femmes sur les

besoins des enfants o Amélioration de la prévention et de la prise en charge des enfants en cas de maladie

- Activités:

o Formation des matrones, des personnels des centres de santé et des personnes influentes sur les besoins de l’enfant et les soins adéquats

o Groupes de discussions et sessions de sensibilisation avec les hommes et les femmes dans les villages relatives aux besoins de l’enfant et aux soins adéquats à apporter en prévention et traitement des maladies.

4. La santé mentale

- Besoins : o Diminution du stress et des angoisses des mères

- Activités:

Evaluation des Pratiques de soins materno infantiles

Mao et sud du district de Mao- Kanem- Tchad Décembre 2008

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o Accompagnement des mères pendant les périodes de stress et particulièrement les femmes enceintes et allaitantes à travers un soutien communautaire

Méthodologie : � Les activités à mettre en place devraient être réalisées dans les mêmes villages d’intervention que ceux sélectionnés par les programmes de nutrition et de sécurité alimentaire afin d’améliorer l’impact et d’avoir une approche multisectorielle. � Approche communautaire avec implication de la communauté dans la définition, identification et mise en œuvre du programme. � Programme d’amélioration et renforcement des connaissances et des pratiques basé sur trois axes : au niveau des personnels des centres de santé, au niveau des accoucheuses traditionnelles et au niveau des groupements communautaires. � Une équipe ACF composée d’hommes et de femmes doit être recrutée et formée afin de travailler dans les villages et prendre le temps de former et d’accompagner des relais communautaires incluant les personnes influentes. Par exemple : mise en place d’activités hebdomadaires pendant plusieurs mois dans les mêmes villages avec les mêmes personnes afin que les relais communautaires soient eux-mêmes capables de continuer les activités. � Les messages sur les pratiques de soins de la femme enceinte et allaitante, les pratiques d’allaitement et les pratiques de soins infantiles doivent être largement diffusés dans la zone grâce à l’utilisation des médias : pièces de théâtre, émissions et spots promotionnels à la radio.