evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

251
CONSEIL SUPERIEUR DU SERVICE PUBLIC FERROVIAIRE EVALUATION DE LA REFORME DU SECTEUR DU TRANSPORT FERROVIAIRE Rapport du groupe présidé par Jean-Jacques Filleul Président du CSSPF, député de l’Indre-et-Loire Rapporteur général Philippe Mühlstein Rapporteurs Philippe Domergue Claude Louvot Bernard Portel Rapport présenté en novembre 2001 La Documentation française

Transcript of evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Page 1: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

CONSEIL SUPERIEUR DU SERVICE PUBLIC FERROVIAIRE

EVALUATION DE LA REFORME

DU SECTEUR DU TRANSPORT FERROVIAIRE

Rapport du groupe présidé parJean-Jacques Filleul

Président du CSSPF, député de l’Indre-et-Loire

Rapporteur généralPhilippe Mühlstein

RapporteursPhilippe Domergue

Claude LouvotBernard Portel

Rapport présenté en novembre 2001

La Documentation française

Page 2: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

En application de la loi du 11 mars 1957 (article 41) et du code de la propriété intellectuelle du1er juillet 1992, toute reproduction partielle ou totale à usage collectif de la présente publicationest strictement interdite sans l’autorisation expresse de l’éditeur. Il est rappelé à cet égard quel’usage abusif et collectif de la photocopie met en danger l’équilibre économique des circuits dulivre.

© La Documentation française, Paris 2002ISBN 2-11-005208-2

Page 3: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Sommaire

Composition du groupe de travail du CSSPF« évaluation de la réforme ferroviaire» . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

Préambule. Le contexte et les objectifs de la réformeferroviaire de 1997 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

Le contexte interne de la réforme de 1997 :une triple crise du système ferroviaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11Des modalités de réflexion et d’élaboration marquéespar un sentiment d’urgence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14D’ambitieux objectifs internes au mode ferroviaireet une dynamique propre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18L’évaluation par le CSSPF. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20

Chapitre I. La réforme et la situation économiqueet financière du système ferroviaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

Les effets immédiats de la réforme en 1997. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26Le résultat net global du système ferroviaire s’améliore de 1997 à 2000 . . . 27La dette du système ferroviaire (SNCF+RFF) paraît se stabiliserprogressivement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30Les relations financières triangulaires entre l’État, RFF et la SNCFapparaissent complexes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33Les concours de l’État et des collectivités publiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37Les principaux enseignements de la période 1996-2000 . . . . . . . . . . . . . . . 38

Chapitre II. La réforme et le développementdu mode ferroviaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41

Un consensus en faveur du mode ferroviaire et des trafics en hausse . . . . . . 43Les dettes des deux établissements publics ne permettent pasle développement du transport ferroviaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44Les besoins de développement et les mécanismes de limitationde l’endettement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46La réforme n’a pas réglé le problème du développement futur du transportferroviaire en France . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47Conclusion : un financement problématique du développement . . . . . . . . . 48

Sommaire 3

Page 4: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Chapitre III. La réforme et l’efficacité économiquedu système ferroviaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51

L’efficacité globale du système ferroviaire de 1996 à 2000 . . . . . . . . . . . . . 53Les effets de la réforme sur l’efficacité du système ferroviaire . . . . . . . . . . . . 54Conclusion : un bilan discutable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60

Chapitre IV. La réforme et la sécurité des circulationsferroviaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63

La sécurité constitue une spécificité forte du système ferroviaire. . . . . . . . . . 65Un premier bilan depuis la réforme de 1997 : la stabilité . . . . . . . . . . . . . . . 66L’organisation du système ferroviaire français et la sécurité . . . . . . . . . . . . . 67Conclusion : une séparation artificielle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71

Chapitre V. La réforme et les régulations du systèmeferroviaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73

Les principaux textes concernant les régulations en France. . . . . . . . . . . . . . 75Les régulations avant la réforme de 1997 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76Les régulations après la réforme de 1997 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79Les régulations et l’Europe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81Conclusion : un bilan négatif. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83

Chapitre VI. La réforme et la construction européenne 85

L’Europe, un espace adapté pour le développement des chemins de fer. . . . 87La réforme et les directives de 1991-1995 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87Le « paquet ferroviaire » de 2001 et l’avis no 3 du CSSPF . . . . . . . . . . . . . . . 89La réforme et la préparation de la transposition du « paquet ferroviaire »de 2001 au regard de l’avis no 5 du CSSPF. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91Les orientations futures de la politique commune des transports à traversle « Livre blanc » de la Commission du 12 septembre 2001 . . . . . . . . . . . . . 95Conclusion : un bilan insatisfaisant et de nouvelles menacespour le système public ferroviaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100

Chapitre VII. La réforme et la régionalisationdes services voyageurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103

De la loi d’orientation pour l’aménagement et le développementdu territoire (LOADT) à la loi relative à la solidarité et au renouvellementurbains (SRU) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105

4 Sommaire

Page 5: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Le bilan de l’expérimentation de la régionalisation des SRV . . . . . . . . . . . . . 106La loi SRU et son projet de décret d’application au regard de l’avis no 1du CSSPF . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107Les évolutions retenues pour l’Île-de-France par la loi SRU . . . . . . . . . . . . . . 111Les risques de la proposition de règlement européen sur les exigencesde service public de voyageurs au regard de l’avis no 4 du CSSPF . . . . . . . . . 112Conclusion : une expérimentation satisfaisante, une dynamiquequi s’amplifie, mais un avenir rendu incertain par la propositionde règlement européen « OSP » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116

Chapitre VIII. La réforme et les relations sociales . . . . . . . 119

L’accompagnement social de la réforme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121Le ressenti actuel du personnel du système ferroviaire . . . . . . . . . . . . . . . . . 123La réalité de la conflictualité sociale à la SNCF . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129Des effets de la réforme sur les relations sociales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130

Chapitre IX. La réforme et la protectionde l’environnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139

Les atouts écologiques du train . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141Maîtriser les nuisances : agir sur l’ensemble du système. . . . . . . . . . . . . . . . 143

Chapitre X. La réforme et l’innovation technologique . 147

Les conditions de réussite des grandes innovations ferroviaires . . . . . . . . . . 149Le processus d’innovation et la nécessité d’une « réflexion/système » . . . . . . 150La présence du rail français en Europe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152

Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153

Annexes du rapport d’évaluation de la réformedu secteur du transport ferroviaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159

Liste alphabétique des personnalités auditionnéespar le CSSPF ou son président . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 243

Décret de création du CSSPF . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 249

Sommaire 5

Page 6: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 7: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Composition du groupede travail du CSSPF« évaluation de la réformeferroviaire»

Jean-Jacques Filleul, président du CSSPF, député de l’Indre-et-Loire, président dugroupe de travail

* * *

Michel Aymeric, sous-directeur des transports ferroviaires, représentant Hubert duMesnil, directeur des transports terrestres, ministère de l’Équipement, des Transportset du Logement

Henri Célié, bureau de la Fédération syndicale des cheminots SUD-Rail

Philippe Citroën, directeur de la stratégie, suppléant de Louis Gallois, président duCA, SNCF

Jean-Paul Decourcelles, suppléant de Didier Le Reste, secrétaire général de la Fédéra-tion syndicale des cheminots CGT

François Gerbaud, sénateur de l’Indre

Joseph Giordano, représentant CGC du personnel, RFF

André Laumin, suppléant de Jean Sivardière, président de la Fédération nationale desusagers des transports (FNAUT)

Michel Matheu, chef du service « énergie, environnement, agriculture, tertiaire »,représentant Jean-Michel Charpin, commissaire général au Plan

Luc Rémont, chef du bureau « transport et urbanisme », représentant Jean-PierreJouyet, directeur du Trésor, ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie

Jean-Pierre Ribière, président de l’Association des utilisateurs du transport de fret(AUTF)

Jean-Louis Rohou, directeur des relations institutionnelles et territoriales, suppléantde Claude Martinand, président du CA, RFF

Éric Thouzeau, branche « cheminots » de la Fédération générale des transports et del’équipement FGTE-CFDT

Composition du groupe de travail du CSSPF « évaluation de la réforme ferroviaire» 7

Page 8: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 9: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Préambule

Le contexteet les objectifsde la réforme

ferroviaire de 1997

Page 10: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 11: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

La réforme ferroviaire découle de la mise en application de la loi no 97-135 du 13 février1997 « portant création de l’établissement public “Réseau ferré de France” en vue durenouveau du transport ferroviaire ». Son évaluation nécessite au préalable de revisitersuccinctement trois aspects :– le contexte dans lequel la nécessité d’une réforme ferroviaire est apparu. Il s’agissaitd’un contexte de crise interne au mode ferroviaire, affectant des aspects sociaux, éco-nomiques et psychologiques. Il convient de mentionner au passage qu’en externe laSNCF se trouvait et se trouve encore confrontée à une situation concurrentielle trèsdéfavorable, face à un secteur routier qui n’est pas soumis aux mêmes règles sociales etn’intègre pas de la même façon ses coûts d’insécurité (accidents) et ses impacts surl’environnement ;– les modalités d’élaboration de la réforme et les critères retenus dans la réflexionpréalable. Ces modalités se caractérisent par une certaine rapidité découlant d’un sen-timent d’urgence de la part des acteurs ;– les objectifs de la réforme, telles qu’ils apparaissent à travers les propos tenus parses auteurs ou les rapports publiés en amont de sa mise en œuvre. Ces objectifs parais-sent ambitieux, mais le fait même de n’avoir proposé que des solutions internes au sys-tème ferroviaire, sans envisager de réforme plus générale de la politique des transports,montre aussi leurs limites.

Chacun des dix chapitres du rapport d’évaluation se centre donc sur un objectif, directou indirect, de la réforme, ou sur un aspect particulier de sa dynamique. Ce rapports’alimente notamment des nombreuses auditions auxquelles le CSSPF a procédé, desfaits portés à sa connaissance et des documents dont il a pu disposer.

Le rapport d’évaluation du CSSPF est axé sur la confrontation des objectifs affichés parla réforme de 1997 avec ses résultats factuels et aussi avec la dynamique, déjà large-ment concrétisée, dont elle est porteuse. Cette analyse permet, d’une part, de mettreen évidence les conséquences positives ou négatives de la réforme, et, d’autre part, demener une réflexion objective sur les chances ou les risques qu’elle est susceptiblede comporter au regard de son ambition centrale : « le renouveau du transportferroviaire ».

Le contexte interne de la réforme de 1997 :une triple crise du système ferroviaire

Une crise sociale interne

La grève des cheminots de novembre-décembre 1995, une des plus suivies que la SNCFait connue au cours de son histoire, avait pris place dans un contexte marqué, d’unepart, par le rejet du projet de contrat de plan État/SNCF 1996-2000 par une grandemajorité des syndicats (CGT, CFDT, FO, CFTC, FMC), et, d’autre part, par la menace deremise en cause de la retraite des cheminots.

Sans s’appesantir sur ce projet de contrat de plan finalement abandonné, il faut men-tionner que, s’il ne réglait notamment pas les questions d’endettement de la SNCF, du

Le contexte et les objectifs de la réforme ferroviaire de 1997 11

Page 12: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

fait d’engagements trop partiels, il se plaçait cependant dans un cadre qui maintenait àla SNCF son caractère d’entreprise intégrée.

Malgré le succès de la grève aux yeux des syndicats, qui ont salué le retrait du projet decontrat de plan et le maintien du système de retraite, ce conflit avait laissé le corpssocial cheminot dans un désarroi nourri d’interrogations quant à l’avenir de la SNCF etdu transport ferroviaire. Il a aussi mis en évidence l’échec du dialogue social dansl’entreprise, en dépit de ses formes institutionnelles très développées. La demande nonsatisfaite d’une reprise par l’État de ses responsabilités en matière notamment definancement des infrastructures et d’équilibre des missions de service public rempliespar la SNCF, le sentiment général d’une paupérisation sans issue de l’outil ferroviaire (àl’exception du TGV), l’absence de projet stratégique commun État-SNCF et, au-delà,l’absence d’une vision globale ambitieuse en termes de politique des transports, mar-quaient très fortement les esprits dans le sens d’un perte de confiance des cheminots,autant envers leurs dirigeants qu’envers l’État tutélaire.

À cela s’est ajoutée l’inquiétude quant aux intentions des instances européennes pourle secteur ferroviaire qui, à travers le Livre blanc de la commission de 1996 : « Une stra-tégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires », laissaient penser que lamise en concurrence des entreprises publiques historiques tenait lieu d’alpha etd’oméga de la politique ferroviaire européenne. Cette inquiétude se nourrissait aussides propos que ce document consacrait, page 44, aux « aspects sociaux » : « La Com-mission est consciente du fait que, pour redevenir compétitifs, les chemins de fer pour-raient avoir à réduire sensiblement leurs effectifs. [...] Il faut que soient adoptées despolitiques du personnel prévoyant de vastes programmes de recyclage pour lesemployés licenciés et dotés de ressources suffisantes. »

Enfin, il faut mentionner que cette crise sociale interne a aussi servi de révélateur à unecrise plus globale qui la rendait possible : en décembre 1995, s’est de fait exprimé unmouvement social de plus grande ampleur au sein duquel, pour reprendre les analysesdes sociologues, la grève des cheminots a pris pour partie l’aspect d’une « grève parprocuration ».

Une crise financière de la SNCF

Les données correspondantes sont détaillées dans le rapport au CSSPF sur la situationéconomique et financière du système ferroviaire français du 12/09/2001, et les princi-pales sont reprises dans le chapitre I du présent rapport. Notons simplement que lepoids des charges financières pesant sur la SNCF était devenu tel qu’il était évident pourtous les acteurs qu’aucune mesure relevant de la seule gestion interne n’était plus sus-ceptible de permettre à la SNCF de revenir à l’équilibre et à la viabilité.

La SNCF se trouvait, en effet, à la fin de 1995, lestée d’une dette considérable (224 mil-liards de francs, y compris 31 milliards au service annexe d’amortissement de la dette,le SAAD), soumise à un déficit record (-16,6 milliards), dû à la fois aux charges financiè-res associées (-11,3 milliards de résultat financier) et au tassement de ses recettes detrafic (39,5 milliards, en baisse de 4 % par rapport à 1994), déficit sans espoir derésorption, quels que puissent être ses efforts propres.

12 Préambule

Page 13: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Il convient cependant de préciser que cette impasse financière avait été construite pourla plus grande partie au cours de la période du second contrat de plan État/SNCF, de1990 à 1994, sous l’effet de deux causes principales.

Premièrement, il s’agit du désintérêt de l’État pour les infrastructures ferroviaires, qu’ila laissées totalement à la charge de la SNCF depuis le premier TGV Sud-Est, à la seuleexception de la prise en charge de 30 % du coût des infrastructures du TGV Atlantique.À cet égard, la SNCF, établissement public, s’est trouvée plus mal traitée que les ancien-nes compagnies privées antérieures à la nationalisation de 1937, qui avaient, quant àelles, bénéficié d’infrastructures payées par l’État ainsi que de prêts bonifiés pourl’exploitation. Les dirigeants de la SNCF, qui ont vu légitimement dans la constructiond’un important réseau TGV le moyen de donner une nouvelle jeunesse au mode ferro-viaire, ont accepté que la SNCF prenne à sa charge le surcroît d’endettement consécutifà un tel développement.

Deuxièmement, la SNCF a mené une politique commerciale à contre-temps à l’occasionde la mise en service, par ailleurs calamiteuse, du logiciel de réservation SOCRATE pourles voyageurs en 1993. Ce logiciel avait, en effet, servi de vecteur à une politique demarge (maximisation des recettes par train) qui a coïncidé, pour le transport ferroviairede voyageurs, avec les effets d’une récession économique et d’une crise conjoncturelle(attentats de 1992) dont les concurrents du train ont pu, quant à eux, sortir plus rapi-dement. À partir de 1994, cette politique de marge a commencé heureusement à êtreabandonnée au profit d’une politique de volume (maximisation du taux d’occupationdes trains), couronnée depuis par le succès commercial.

Une « crise de confiance » vis-à-vis de la SNCF

À la crise de confiance des Français envers leur chemin de fer due aux erreurs commer-ciales accompagnant la mise en service difficile du logiciel SOCRATE, en voie de résorp-tion en 1995, s’ajoutait une crise plus profonde et ancienne.

Sous un premier aspect, elle concernait les élus locaux, nombreux à estimer qu’ils nedisposaient pas d’un interlocuteur à leur écoute avec la SNCF. D’un côté, en effet, laculture traditionnelle de la SNCF, peu tournée naturellement vers les contacts avec le« monde extérieur », conduisait ses représentants à adopter parfois une attitude detechniciens sûrs de leur fait, jugée méprisante par les représentants des collectivitéslocales. En outre, les collectivités étaient tentées de réclamer à la SNCF des investisse-ments d’infrastructures, gages de meilleurs services, sans être pour autant responsabi-lisées pour les financements correspondants.

Sous un second aspect, les services tutélaires de l’État, ministère chargé des Transportset ministère chargé des Finances, éprouvaient plus qu’une certaine méfiance pour laSNCF.

Côté ministère chargé des Transports, la faiblesse des moyens de la sous-direction deschemins de fer à la direction des transports terrestres (DTT) ne lui permettait pas deprocéder aux contre-expertises qu’elle aurait pu mener sur les projets de développe-ment proposés par les services de la SNCF. Certes, des instances ad hoc avaient étémises en place pour examiner les projets les plus importants (TGV), essentiellementsous l’égide du Conseil général des ponts et chaussées, mais la tutelle directe de la

Le contexte et les objectifs de la réforme ferroviaire de 1997 13

Page 14: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

SNCF doutait en permanence de la sincérité des bilans et des prévisions de trafic éma-nant d’une SNCF juge et partie, et beaucoup mieux dotée qu’elle en compétences tech-niques et économiques. Notons en parallèle que la direction des routes du mêmeministère n’éprouvait pas les mêmes réticences à l’égard de projets d’investissementsroutiers et autoroutiers traditionnellement beaucoup plus importants en volume...

Côté ministère chargé des Finances, prévalait et prévaut malheureusement toujours,ainsi que les auditions menées par le CSSPF ont permis de le constater, le sentiment quela SNCF est un « puits à subventions » sans fond. Selon Bercy, il convient donc, autantque faire se peut, de comprimer les dépenses ferroviaires et les contributions de l’État,dont les dirigeants de la SNCF, soumis à la pression de syndicats puissants, sont toujourssuspectés de détourner tout ou partie vers des augmentations de masse salariale pours’assurer d’une certaine paix sociale..., exigence constante de tous les gouvernements.

Enfin, dans le contexte d’une vague idéologique exaltant l’initiative privée, apparue enFrance durant les années 1980, de nombreux médias « grand public » n’ont pas man-qué de stigmatiser l’inefficacité et le nombre des services publics nationalisés. La réité-ration de tels messages n’a pas été sans effet sur la confiance des Français dans leurétablissement public ferroviaire, ainsi que sur la confiance des cheminots eux-mêmes.

Des modalités de réflexion et d’élaborationmarquées par un sentiment d’urgence

Ainsi, la triple crise qui vient d’être évoquée a justifié la nécessité absolue de réformesstructurelles. La démission et le remplacement du président de la SNCF, avant même lafin du conflit social, a symbolisé l’entrée dans une nouvelle période. Peu après, la mobi-lisation du gouvernement a été affichée par l’annonce de M. Pons, ministre chargé desTransports à l’époque, selon laquelle, durant quelques temps, il « piloterait » lui-mêmela SNCF, en négociant en direct avec les organisations syndicales, court-circuitant defacto sa direction.

Pour préparer ces réformes structurelles, le gouvernement a décidé, en janvier 1996,suivant la demande des syndicats reprise dans une proposition de M. Matteoli, média-teur lors du conflit social, d’organiser un « débat national » sur l’avenir du transportferroviaire. Il a confié à un groupe de cinq personnes (quatre hauts fonctionnaires del’État et un directeur à EDF) le soin d’établir un rapport introductif à ce débat. Dès le29 février 1996, M. Martinand, qui présidait ce groupe, après avoir auditionné desreprésentants des élus, des syndicats, des usagers, des professionnels du transport etdes experts, remettait son rapport à M. Pons, ministre de l’Équipement, du Logement,des Transports et du Tourisme, et à Mme Idrac, secrétaire d’État aux Transports. Ledébat s’est déroulé au cours des mois de mars et d’avril 1996 au sein des conseils régio-naux et des conseils économiques et sociaux régionaux, et ses contributions ont ali-menté les avis adoptés par le Conseil économique et social (séances des 23 et 24 avril1996) et le Conseil national des transports, que le gouvernement avait égalementsaisis.

14 Préambule

Page 15: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

À l’issue de ce débat, le gouvernement a annoncé, dès le 11 juin 1996 devantl’Assemblée nationale et dès le 25 juin 1996 devant le Sénat, une réforme de l’organisa-tion des chemins de fer. Elle reposait sur la création d’un « nouvel établissementpublic » à compter du 1er janvier 1997, auquel seraient transférées la propriété desinfrastructures ferroviaires et la dette portée par la SNCF pour les financer, afin de ladésendetter. Le montant de la dette à transférer a été d’abord fixé, en partie conven-tionnellement, à 125 milliards de francs. Outre ce désendettement, le gouvernement aannoncé que la réforme clarifierait les responsabilités concernant les infrastructuresferroviaires et maintiendrait « l’unicité de la SNCF » et le statut de ses agents.

Cette réforme a également prévu le lancement à titre expérimental, dans six régionsvolontaires, du transfert à celles-ci de l’organisation des services régionaux de voya-geurs, avant une généralisation envisagée ultérieurement.

Les grands principes de la réforme ont été confirmés à la SNCF par une lettre du Premierministre du 27 juin 1996 et une lettre du ministre chargé des Transports du 3 juillet1996. Dans le respect du cadre ainsi fixé, la SNCF s’est engagée de son côté à élaborerun projet industriel avant la fin de 1996, dont les grands objectifs figurent dans laréponse du président de la SNCF au Premier ministre du 8 octobre 1996 (cf. annexe 1).

La grève de fin 1995, dont un des principaux mots d’ordre avait été le retrait du précé-dent projet de contrat de plan État/SNCF, avait convaincu le gouvernement de ne pas sehasarder à en envisager un nouveau, en dépit du fait que la passation d’un tel contratsoit prévue, à l’époque et aujourd’hui encore, par l’article 24-1 de la loi d’orientationdes transports intérieurs (LOTI). Si un contrat de plan était ainsi jugé désormais « ina-dapté », il n’en demeurait pas moins nécessaire de garantir, notamment à la demanded’organisations syndicales, un certain nombre de concours de l’État à la SNCF, notam-ment celui concernant la caisse de retraite des cheminots. Le gouvernement a doncsubstitué à la notion de contrat de plan celle de « pacte de modernisation », censéedonner un cadre plus solennel aux engagements pris par le gouvernement et la SNCF.

Ce pacte apparaît comme un ensemble quelque peu hétéroclite, constitué pour la cir-constance au moyen de documents de statuts divers (cf. annexe 1) :– note de présentation du 18 novembre 1996 du pacte de modernisation, signée desquatre ministres concernés et du président de la SNCF ;– discours du ministre de l’Équipement, du Logement, des Transports et du Tourismeet du secrétaire d’État aux Transports devant l’Assemblée nationale, le 11 juin 1996 ;– discours du ministre de l’Équipement, du Logement, des Transports et du Tourismeet du secrétaire d’État aux Transports devant le Sénat le 25 juin 1996 ;– lettre du Premier ministre au président de la SNCF du 27 juin 1996 ;– lettre du ministre de l’Équipement, du Logement, des Transports et du Tourisme auprésident de la SNCF du 3 juillet 1996, accompagnée de la copie de la lettre du ministrede l’Équipement, du Logement, des Transports et du Tourisme et du secrétaire d’Étataux Transports aux organisations syndicales de la SNCF du 19 juin 1996 ;– lettre du président de la SNCF au Premier ministre du 8 octobre 1996.

Le gouvernement a déposé au Sénat, le 16 octobre 1996, un premier projet de loi cor-respondant aux annonces faites en juin précédent. Mais, dès le commencement dudébat à la Haute Assemblée, il a été jugé préférable de différer l’examen de ce projet. Àl’origine de ce report figure la lettre du 4 novembre 1996 au ministre chargé des Trans-ports, qui émane du sénateur Gerbaud, rapporteur du projet de loi au Sénat, selon

Le contexte et les objectifs de la réforme ferroviaire de 1997 15

Page 16: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

laquelle : « [...] il existe encore aujourd’hui [...] certains problèmes qui peuvent, à tortou à raison, être susceptible de créer des zones d’ombre dans ce débat capital. [...] Jevous demande s’il ne serait pas possible, dans un souci de recherche d’une plus grandeprécision, de reporter l’examen de ce projet de loi. Je pense qu’un délai supplémentaireserait utile pour dissiper les inquiétudes, à mes yeux infondées, que peut provoquer leprojet. » M. Pons a fait savoir par un communiqué de presse, daté du même jour, que« à la suite d’une étroite concertation avec François Gerbaud, [il avait] proposé au Pre-mier ministre, qui l’a accepté, de reporter l’examen du projet de loi qui devait être sou-mis au Sénat à partir du 14 novembre ».

Cependant, dès le 6 novembre 1996, le Premier ministre a confié par lettre à M. Marti-nand, directeur des affaires économiques et internationales au ministère chargé desTransports, une mission de « préfiguration » de la création du nouvel EPIC, dont le nomdevait alors être « Réseau ferré national/RFN ». La mission consistait à « examinerl’ensemble des problèmes pratiques lié à la création de “Réseau ferré national”, notam-ment en termes de personnels et de moyens de fonctionnement, et de faire toute pro-position utile en la matière au Gouvernement [...] travailler sur les modalités desrelations futures entre la SNCF et RFN, qui devront s’établir sur une base contractuelle,dont la forme et le contenu doivent être précisés » ; et M. Juppé ajoutait : « Vous pour-rez bien entendu formuler toute proposition ou suggestion qui vous semblera denature à conforter le succès de la réforme et le bon démarrage de “Réseau ferré natio-nal”. Vous serez notamment associé à la préparation des textes réglementaires quidevront être pris en application de la loi. »

Par lettres du 8 novembre 1996, le ministre et la secrétaire d’État chargés des Trans-ports ont informé les organisations syndicales de la SNCF du report de l’examen du pro-jet de loi, afin de mettre ce délai à profit pour répondre aux inquiétudes qu’il suscitait etpréciser le bouclage financier du dispositif et le contenu des décrets d’application. Enoutre, cette lettre informait les syndicats de la mission de préfiguration confiée àM. Martinand.

Par ailleurs, le cabinet « Coopers et Lybrand » avait été chargé par la direction destransports terrestres d’un audit des comptes de l’infrastructure de la SNCF, afin notam-ment de fixer les principes de répartition des actifs de l’infrastructure entre la SNCF etRFN et d’estimer les charges de fonctionnement de l’infrastructure. Il s’agissaitd’appréhender le montant à verser par RFN à la SNCF au titre de la future « conventionde gestion du réseau », les montants correspondants portant sur une estimation autitre de l’exercice 1996.

Le 21 janvier 1997 au Sénat, puis le 4 février 1997, à l’Assemblée nationale, le projet deloi a été présenté de nouveau au Parlement après déclaration d’urgence par le gouverne-ment, et donc débattu lors d’une seule lecture dans chaque assemblée. Les quelquesmodifications apportées concernaient notamment le montant de la dette des infrastruc-tures transférées de la SNCF au nouvel EPIC, porté de 125 à 134,2 milliards de francs.

Adoptée par le Sénat le 24 janvier 1997, puis par l’Assemblée nationale le 7 février1997, la loi « portant création de l’établissement public “Réseau ferré de France” envue du renouveau du transport ferroviaire » a été promulguée par le président de laRépublique le 13 février 1997.

16 Préambule

Page 17: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

La chronique historique qui précède montre le caractère serré du calendrier suivipour débattre de l’avenir du transport ferroviaire et élaborer une réforme qui a modifiéprofondément son organisation en France. Le gouvernement, avant même le débatparlementaire, a fait conduire les réflexions qui concernaient la mise en place opéra-tionnelle de l’organisation envisagée. Quant au débat national qui a précédé, sa duréetotale de quatre à cinq mois est à comparer avec la durée du débat mené chez nos voi-sins allemands, qui n’étaient certes pas confrontés à une telle crise, pour réfléchir à leurpropre réforme ferroviaire. Ce débat a duré environ quatre ans et a permis de recueillir,à plusieurs reprises, l’expression de très nombreux acteurs de la société. Ce délai a sur-tout permis au débat de bénéficier de l’éclairage d’études préalables très approfondies.

Ces circonstances conduisent à constater que le gouvernement français a voulu donnerune réponse dans l’urgence à un ensemble de questions très complexes.

Quant aux dirigeants de la SNCF, ils ont accepté la séparation entre l’infrastructure etl’exploitation ferroviaire en espérant que l’établissement public serait ainsi libéré dufardeau de sa dette.

Le président de la SNCF nommé après la grève de 1995, M. Le Floch-Prigent, auditionnépar le CSSPF, a estimé très tôt que la plupart des cheminots n’avaient pas une claireappréhension de la situation de l’entreprise ni, plus généralement, de celle du secteurdu transport ferroviaire dans l’ensemble de l’économie française. Il a donc voulu, dès ledébut de 1996, élaborer et faire partager, là aussi dans l’urgence, un « constat » surcette situation. Ce « constat » peignait un tableau très noir (cf. le chapitre 8 du présentrapport), montrant de manière insistante que le prolongement des tendances passéesrendrait problématique la survie même de la SNCF à brève échéance.

Ainsi conçu, il rejoignait cependant clairement le ton général du rapport préliminaire etdu débat public mentionnés ci-dessus. Le « constat » contribuait ainsi, auprès des che-minots, à légitimer l’action urgente voulue par le gouvernement.

Enfin, les trois principaux décrets d’application de la loi du 13 février 1997 (décrets surles missions et les statuts de RFF, sur la constitution de son patrimoine initial et sur lesredevances d’utilisation du réseau) ont été signés très rapidement, le 5 mai 1997. Rap-pelons que peu auparavant, le président de la République avait annoncé, au journaltélévisé de 20 heures du 21 avril 1997, la dissolution de l’Assemblée nationale et laconvocation d’élections législatives anticipées, dont le premier tour aurait lieu le 25 mai1997 et le second tour, le 1er juin 1997. Les quinze administrateurs de RFF ont éténommés, quant à eux, par décret du 10 mai 1997, ce qui a permis à RFF de commencerà fonctionner de façon effective avant la fin du même mois.

La date et la cadence de publication de ces décrets étaient-ils liés uniquement à ladétermination d’agir très vite ou exprimaient-ils la crainte du gouvernement qu’unchangement de majorité parlementaire ne modifiât les orientations prises ? Le courtdébat parlementaire avait, en effet, mis en évidence le désaccord formel de l’opposi-tion avec le projet de réforme du gouvernement, à l’exception toutefois de son voletsur la régionalisation. La réforme ferroviaire de 1997 n’était donc pas neutre du pointde vue idéologique.

Trois organisations syndicales représentant plus de 70 % des cheminots aux électionsprofessionnelles de 1996 (CGT, CFDT, SUD Rail) avaient également manifesté leuropposition à ce qu’elles considéraient comme l’amorce d’un « démantèlement » de la

Le contexte et les objectifs de la réforme ferroviaire de 1997 17

Page 18: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

SNCF. Les autres organisations syndicales (FMC devenue depuis UNSA-Cheminots,CFE-CGC, CGT-FO, CFTC, FGAAC) avaient alors approuvé la réforme ou en avaientaccepté le principe au nom de l’urgence de sortir la SNCF de la crise (cf. le chapitre VIIIdu présent rapport).

D’ambitieux objectifs internes au modeferroviaire et une dynamique propre

L’objectif central affiché par la réforme de février 1997 est « de promouvoir le transportferroviaire en France dans une logique de développement durable », dans le cadre de lapolitique globale des transports de l’État. Les principaux objectifs, rapidement exami-nés ci-après, découlent des déclarations du gouvernement au Parlement en juin 1996,ainsi que des auditions des auteurs de la réforme conduites par le CSSPF.

Assainir la situation financière du secteur

Assainir la situation financière du secteur par la création de RFF qui porte pour lecompte de l’État l’essentiel de la dette ferroviaire, liée à l’infrastructure, la SNCF étantdès lors soulagée de cette dette. Ce dispositif apparaît sous-tendu à la fois par lavolonté d’afficher des comptes de la SNCF voisins de l’équilibre, et par le souci très fortque la dette transférée ne puisse être prise en compte comme dette publique de laFrance au regard des critères de Maastricht sur la participation à la monnaie unique.

Le gouvernement suivant, issu des élections législatives de juin 1997, a totalement faitsienne cette préoccupation, constamment présente dans les propos et les actions duministère chargé des Finances. Il n’est cependant pas certain que ce critère de dettepublique, ne devant pas dépasser théoriquement 60 % du PIB, eût alors constitué unargument irréfragable, ainsi que le développe le chapitre premier du présent rapport.

Clarifier les responsabilités de l’État

Clarifier les responsabilités de l’État dont RFF est désigné comme « le bras séculier » entant que gestionnaire et maître d’ouvrage de l’infrastructure ferroviaire. Par l’intermé-diaire de RFF, l’État autorise désormais les programmes d’investissements d’infrastruc-tures, apporte son concours financier à leur mise en œuvre et définit les conditionsgénérales d’accès au réseau, RFF rémunérant sa gestion par la SNCF et percevant despéages pour son utilisation. L’État est également chargé de définir la consistance duservice public et d’en assumer les charges, comme cela était déjà théoriquement le casdans le cadre de l’organisation précédente.

18 Préambule

Page 19: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Clarifier les responsabilités de la SNCF

Clarifier les responsabilités de la SNCF à qui il revient de :– maîtriser ses coûts, d’atteindre l’équilibre financier et de stabiliser la dette qui luireste ;– reconquérir des parts de marché voyageurs et fret en adaptant et en modernisant lesservices qu’elle propose ;– mobiliser et remotiver son personnel autour d’un objectif de redressement matérialisépar la mise en œuvre d’un « projet industriel » (cf. le chapitre VIII du présent rapport).

Préserver « l’unicité de la SNCF »

Préserver « l’unicité de la SNCF », par la mise en place d’une organisation originale quicharge la SNCF à la fois des missions de transporteur ferroviaire et des missions de ges-tionnaire délégué d’infrastructures pour le compte de RFF. L’originalité de ce systèmeen Europe ne fait guère de doute, puisqu’il revient à procéder à une séparation institu-tionnelle (les deux établissements sont juridiquement bien distincts), sans séparationorganique (le personnel chargé de l’infrastructure n’est pas rattaché à l’organigrammede l’établissement gestionnaire et propriétaire de l’infrastructure). Il est destiné avanttout, à l’évidence, à répondre aux inquiétudes manifestées par les syndicats cheminotsquant à la désintégration de leur entreprise et à les rassurer quant au maintien desgaranties liées à leur statut.

Procéder à la régionalisation du transport ferroviaire

La régionalisation (cf. le chapitre VII du présent rapport), intégrée à la réforme de 1997,en constitue une pièce essentielle, bien qu’il s’agisse d’une problématique qui aurait puêtre traitée indépendamment des précédentes. Elle établit cependant une forme decohérence avec la volonté de clarification des responsabilités, ici celles des élus régio-naux, en les associant à la dynamique de la réforme en tant qu’éléments d’une « misesous tension » de la SNCF. Elle doit permettre l’expression des besoins au plus près de lademande des usagers, manifestant ainsi la prise en compte des souhaits antérieurs desélus, mentionnés ci-avant, d’être des interlocuteurs de plein droit concernant la consis-tance des services régionaux de voyageurs.

Procéder à une réforme « euro-compatible »

Procéder à une réforme « euro-compatible », aussi bien sur le moment qu’avec les ten-dances envisagées ou les intentions prêtées à la Commission européenne. La premièreeuro-compatibilité recherchée, comme le premier objectif le précise, était en fait defaire en sorte que la dette du système ferroviaire demeurât « non Maastrichtienne ».Pour Mme Idrac, auditionnée par le CSSPF, cette recherche de compatibilité n’était pas lapréoccupation première du législateur, qui était de résoudre une crise aiguë du sys-tème. Selon l’ancienne secrétaire d’État aux Transports, c’est cette crise qui a justifié en

Le contexte et les objectifs de la réforme ferroviaire de 1997 19

Page 20: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

premier lieu le contenu de la réforme, y compris le fait que la France ne se contente pasd’une transposition a minima de la directive 91/440 en vigueur à l’époque, comme celaavait été, semble-t-il, envisagé avant le conflit social de la fin 1995.

Il n’en demeure pas moins que la réforme est allée au-delà des exigences européennes,qui se limitaient à rendre obligatoire la séparation comptable entre la gestion desinfrastructures et celle des services ferroviaires. Il est intéressant de noter que la mêmedirective 91/440 demandait aussi aux États d’assainir financièrement leurs systèmesferroviaires, ce que la France n’a pas fait, contrairement à d’autres États de l’Unioneuropéenne, ainsi que l’a établi le rapport au CSSPF sur la situation économique etfinancière du système ferroviaire français. Il n’en est que plus étonnant que la réformede 1997 ait voulu aller au-delà de ce qui était imposé en matière institutionnelle, aumotif que les instances européennes l’exigeraient de toutes façons tôt ou tard.

La réforme de 1997 constitue la déclinaison nationale d’une vague de réformes ferro-viaires qui a touché tous les États européens. Ces réformes s’inscrivent dans une dyna-mique de directives qui élargissent continûment, par un système de « cliquets » assezhabituel à la Commission, l’ouverture des réseaux ferroviaires à la concurrence intra-modale. De fait, comme le développe le chapitre VI du présent rapport, les réseaux his-toriques de chemin de fer dépensent une énergie considérable, depuis plusieursannées, pour tenter de suivre l’application de réformes imposées par la Commissioneuropéenne.

L’évaluation par le CSSPF

Pour nombre d’artisans de la réforme de 1997, la question primordiale à poser pourl’évaluation devrait être celle-ci : « Que serait devenue la SNCF si rien n’avait été fait ? ».La réponse semble évidente : la SNCF pouvait difficilement survivre longtemps ainsi. Enfait, poser la question sous cette forme, et ne poser que celle-là, revient à postuler qu’iln’y avait pas d’autre réforme possible que celle qui a été conduite en 1997.

Le CSSPF estime, au contraire, que s’être focalisé à l’excès sur la crise et les moyens d’ensortir au plus vite, en 1996, n’a pas permis d’approfondir le débat et les analysescomme il eût été nécessaire. C’est, en effet, une logique de court terme, justifiée par lanécessité de sortir la SNCF d’une spirale d’endettement potentiellement mortelle et derésoudre une grave crise sociale, qui a conduit à la réforme de 1997.

La « réforme de la réforme » mise en œuvre par le gouvernement en 1998 a donnéquelques années de visibilité au système ferroviaire par d’importantes dotationsannuelles en capital à RFF et par le transfert d’une partie de la dette de la SNCF au ser-vice annexe d’amortissement créé en 1991 (cf. le premier chapitre du présent rapport).La création du CSSPF a permis de mettre ce délai à profit pour mener une réflexion plussereine, ainsi que le précise l’article 7 de son décret constitutif qui lui demande de pro-duire « une évaluation de la réforme (...), notamment en ce qui concerne la situationéconomique et financière du secteur, l’unicité du service public et les rapportssociaux ».

20 Préambule

Page 21: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Le CSSPF entend donc à présent considérer toutes les questions relatives au développe-ment du mode ferroviaire, traitées ou non par la réforme de 1997, et réfléchir aux diffi-cultés nouvelles qu’elle a introduites, tout en dégageant ses éléments positifs.

La création de RFF a été présentée par la loi comme le moyen de prendre en chargesimultanément des questions dont le traitement pérenne aurait pu exiger des réponsesdistinctes : portage et apurement de la dette passée de l’infrastructure ferroviaire,financement des nouvelles infrastructures, modernisation et entretien courant duréseau existant, clarification des responsabilités de chaque acteur...

L’évaluation de la réforme par le CSSPF examine si un défi d’une telle ampleur est ounon, après plus de quatre années de fonctionnement de l’organisation ferroviaire issuede la réforme de février 1997, en passe d’être relevé.

Dans des recommandations ultérieures, le CSSPF utilisera les éléments du présent rap-port d’évaluation pour fonder de nouvelles propositions visant à promouvoir le modeferroviaire. Ces propositions devront traduire une volonté de rééquilibrage entre, d’unepart, la logique de court terme, focalisée sur les comptes de la SNCF, qui a prévalu dansla réforme de 1997 et, d’autre part, une logique politique de long terme.

Cette seconde logique devra répondre aux exigences de service public et de mise enœuvre d’une véritable politique des transports durable et multimodale, où le rail doitprendre toute la place que ses avantages socio-économiques lui confèrent, aux yeuxdes citoyens comme du gouvernement.

Le contexte et les objectifs de la réforme ferroviaire de 1997 21

Page 22: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 23: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Chapitre I

La réforme et la situationéconomique et financière

du système ferroviaire

Page 24: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 25: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Le présent constat s’appuie directement sur le rapport relatif à la situation économiqueet financière du système ferroviaire français présenté le 12 septembre 2001 au CSSPFpar un groupe de travail interne. Ce rapport permet notamment de disposer, à partir de1997, de comptes globaux (SNCF+RFF) couvrant l’ensemble du système ferroviaire etcomparables à ceux de la SNCF jusqu’en 1996. Ces comptes ont été construits en appli-quant les règles classiques d’une consolidation, sans en avoir le caractère juridique.

La crise financière de la SNCF était avérée à la fin de 1996 :– résultat net : -15,2 GF (1 GF = 1 Giga-francs = 1 milliard de francs) ;– dette : 208 GF, plus 28,6 GF logés au SAAD 1 ;– situation nette proche de zéro.

Le résultat net 1991 était équilibré et la dette hors SAAD était de 79 GF au 1er janvier1991. Les principales causes de cette dégradation étaient :– la baisse de l’excédent brut d’exploitation (EBE) dans un contexte de croissance faibledu PIB (1 % par an en moyenne) et de situation concurrentielle insuffisamment régulée ;– le financement par ressources propres d’un important programme d’investissementssans rentabilité à moyen terme.

Avec une augmentation continuelle de la dette de l’ordre de 20 GF/an, la SNCF nepouvait plus échapper seule à cette spirale financière.

La réforme de 1997 ne s’est pas limitée au traitement de cette crise financière. Elle acréé un nouvel Établissement public industriel et commercial (EPIC), RFF, gestionnairede l’infrastructure ferroviaire. Elle a simultanément bouleversé les comptes de la SNCF.Ses effets immédiats sont décrits infra.

Le constat porte ensuite sur la comparaison des exercices 2000 et 1996, dernière annéeavant la réforme. Il aborde successivement :– le compte de résultat ;– la dette ;– les relations financières triangulaires État-RFF-SNCF ;– les concours de l’État et des collectivités publiques.

Un diagnostic d’ensemble conclut ces analyses.

Différents tableaux figurant en annexes fournissent les chiffres de référence sur lapériode 1996-2000 et les années encadrantes :– annexes 2 et 3 : compte de résultat du système ferroviaire (SNCF+RFF) ;– annexe 4 : compte de résultat de la SNCF ;– annexe 5 : compte de résultat de RFF ;– annexe 6 : comptes de résultat (SNCF+RFF) 1996 et 2000 à périmètre constant ;– annexe 7 : investissements du système ferroviaire ;– annexe 8 : dette du système ferroviaire ;– annexe 9 : redevances d’infrastructure ;

La réforme et la situation économique et financière du système ferroviaire 25

1. Le SAAD (service annexe d’amortissement de la dette ferroviaire) a été créé le 1er janvier 1991 en y transférant 38 GFd’emprunts de la SNCF, correspondant au déficit cumulé de la SNCF à cette date. L’État s’engage à apporter durablementau SAAD un concours annuel de 3,8 GF 1989 pour couvrir les intérêts et rembourser progressivement le capital. Ce mon-tage s’est substitué au concours exceptionnel de même montant versé au compte de résultat de la SNCF jusqu’en 1990inclus. La SNCF y ajoute une contribution annuelle de 100 MF 1989. Le SAAD est juridiquement rattaché à la SNCF, mais ilest doté d’une comptabilité distincte.

Page 26: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

– annexe 10 et 11 : trafics de la SNCF ;– annexes 12 et 13 : concours de l’État et des collectivités publiques.

Les chiffres pour 2001 proviennent de l’état prévisionnel initial des recettes et desdépenses de RFF et du compte prévisionnel révisé de la SNCF en mai 2000.

Les effets immédiats de la réforme en 1997

La création de RFF au 1er janvier 1997 s’est traduite comptablement par des transfertsde produits, de charges et d’éléments du bilan de la SNCF, mais n’a pas modifié le résul-tat d’ensemble :

Résultat net (en GF) 1996 1997

SNCFRFF

-15,2-

-1,0-14,1

SNCF+RFF -15,2 -15,1

La dette globale, y compris SAAD, a continué à s’accroître de 236,6 GF au 31 décembre1996 à 249,6 GF au 31 décembre 1997.

Le nouveau montage comptable et financier accompagnant le changement institution-nel a eu les impacts suivants sur le compte de la SNCF :

-12,5 GF Transfert à RFF de la contribution de l’État aux charges d’infrastructures

16,8 GF Rémunération par RFF de la gestion déléguée de l’infrastructure

-0,3 GF Produits hors trafic attribués à RFF

-6,0 GF Redevances d’infrastructure versées à RFF

0,1 GF Contribution de l’État aux service régionaux de voyageurs (SRV) (premièreexpérimentation de la régionalisation)

-1,9 GF Impact sur l’excédent brut d’exploitation (EBE)

5,2 GF Amortissements nets des installations d’infrastructures

9,1 GF Produits financiers sur la créance RFF (134,2 GF de dette transférée)

1,9 GF Réduction de charges financières grâce au transfert de 28,3 GF de au SAAD le1/01/1997

+14,3 GF Impact sur le résultat courant SNCF

Hormis les impacts relatifs au SAAD (1,9 GF) et aux SRV (0,1 GF), ces sommes trouventleur contrepartie (-12,3 GF) dans les comptes de RFF. La contribution de l’État aux char-ges d’infrastructure baisse de 0,7 GF (11,8 GF au lieu de 12,5). Les emprunts nouveauxlancés en 1997 et les provisions pour risques de change de fin 1997 ajoutent à RFF 1 GFde charges financières aux 9,1 GF d’intérêt sur la dette héritée de la SNCF.

26 Chapitre I

Page 27: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Au total, le premier compte de résultat de RFF est en déficit de 14,1 GF. Il se présentecomme suit :

Compte de résultat RFF de l’exercice 1997 (milliards de francs – GF)

Redevances d’infrastructureÉlectricité de tractionAutres produitsContribution aux chargesd’infrastructure

6,02,50,4

11,8

Gestion de l’infrastructure*Électricité de tractionAutres charges

-16,8-2,5-0,3

Produits d’exploitation courante 20,7 Charges d’exploitation courante -19,6

Excédent brut d’exploitation 1,1 * Rémunération de la SNCF en tant que gestionnaired’infrastructure délégué (GID)

Amortissements et provisions nets -5,3

Résultat d’exploitation -4,2

Résultat financier -10,1

Résultat courant -14,3

Résultat exceptionnel 0,2

Résultat net -14,1

Une dotation en capital de l’État de 8 GF, inscrite au bilan, limite l’impact sur la situa-tion financière de RFF. Elle est financée par des recettes de privatisations d’entreprisespubliques, hors budget général.

L’ensemble des autres concours de l’État et des collectivités publiques au système fer-roviaire sont en baisse de 0,5 GF.

Le résultat net global du système ferroviaires’améliore de 1997 à 2000

En distinguant SNCF et RFF, les résultats nets par exercice montrent une améliorationcontinue jusqu’en 2000 :

Résultats netsen GF 1996 1997 1998 1999 2000

2001(prév.

05/2001)

SNCF -15,2 -1,0 -0,7 -0,6 +0,4 -1,1

RFF / -14,1 -13,7 -10,3 -11,1 -10,8

SNCF + RFF -15,2 -15,1 -14,4 -10,9 -10,7 -11,9

Le résultat net global du système ferroviaire (SNCF +RFF) est de -10,7 GF en 2000, enamélioration de 4,5 GF par rapport à 1996 (-15,2 GF).

La réforme et la situation économique et financière du système ferroviaire 27

Page 28: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Le compte 2000 de la SNCF est équilibré (+0,4 GF), mais celui de RFF marque un fortdéficit (-11,1 GF), directement lié à l’importance de sa dette.

Le résultat net global est prévu à -11,9 GF en 2001, en baisse de 1,2 GF par rapport à2000. La SNCF avait initialement prévu un résultat de -0,2 GF, révisé en baisse à -1,1 GFpour partie du fait des mouvements sociaux de mars et avril 2001. Une baisse sensibledu trafic et des recettes fret par rapport à 2000 est notamment attendue.

L’analyse des principales causes de variations 2000/1996 à périmètre constant 1 estrésumée dans le tableau ci-après, en impacts sur le résultat :

Variations compte 2000 (SNCF+RFF) / compte 1996 (SNCF)(milliards de francs – GF)

Excédent brut d’exploitation : +3,62000 : 11,61996 : 8,0

+9,2 produits du trafic (+23 %)+0,5 autres produits externes (+7 %)+0,4 effet filialisation SERNAM-6,9 charges (+11 %) 1

+0,4 État et collectivités 2

Amortissements et provisions nets : +0,62000 : -10,71996 : -11,3

+1,5 allongement des durées d’amortissement-0,7 amortissements nets à méthode stable-0,2 provisions nettes et autres

Résultat d’exploitation +4,22000 : 0,91996 : -3,3

Résultat financier : +1,42000 : -11,51996 : -12,9

+2,9 rechargement SAAD 1997 et 1999+2,3 dotations en capital RFF-0,4 abandon des intérêts intercalaires sur laconstruction des lignes nouvelles-3,4 variations hors nouveaux apports de l’État

Résultat courant +5,62000 : -10,61996 : -16,2

Résultat exceptionnel : -1,12000 : -0,11996 : 1,0

Résultat net : +4,52000 : -10,71996 : -15,2

1. Charges hors production immobilisée, c’est-à-dire charges consacrées à l’exploitation courante proprementdite. Cette notion permet, d’autre part, de neutraliser les fortes variations de méthode de comptabilisation rela-tives aux travaux SNCF pour investissements RFF, qui rendent non comparables d’une année sur l’autre les agré-gats de produits et de charges. Les impôts et taxes sont en outre isolés.2. Concours (1,1) – impôts (0,7), non compris un redressement fiscal de 0,6 GF sur taxe professionnelle affé-rente aux exercices 1997 à 1998, comptabilisé en charges exceptionnelles 2000.

28 Chapitre I

1. Compte 2000 pro-forma 1999 retraité de l’impact de la filialisation du SERNAM au 1/02/2000, comme précisé enannexe 6. Le compte 2000 pro-forma 1999 présente les résultats 2000 selon les mêmes règles comptables qu’en 1999,notamment pour les SRV Île-de-France et le TER. Les produits et charges du SERNAM sont rétablis en plein exercice, sur lesbase de 1999. La comparaison avec 1996 est alors significative.

Page 29: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Deux facteurs spécifiques ont amélioré très sensiblement les résultats :1) les actions de l’État sur la dette du système ferroviaire (28,6 GF ont été transférés auSAAD le 1/01/1997, puis 4 GF le 1/01/1999 ; 42,5 GF de dotations en capital ont étéaccordés à RFF de 1997 à 2000) procurent en 2000 une économie de 5,2 GF de chargesfinancières. Cet impact a été estimé sur la base d’un taux d’intérêt moyen des empruntsde 6 %, en tenant compte des intérêts cumulés et du mécanisme financier complémen-taire du transfert vers le SAAD au 1er janvier 1999, qui allège de 556 millions de francs(MF) les charges financières de la SNCF jusqu’à fin 2002 ;2) les changements de règles comptables ont un effet net de +1,1 GF : +1,5 GF au titrede l’allègement en 1999 des durées d’amortissement de la plupart des infrastructures(+1,250 GF pour RFF) et de certains matériels roulants (+0,250 GF pour la SNCF), -0,4GF en raison de l’abandon en 1997 de l’immobilisation des intérêts intercalaires relatifsà la construction de lignes nouvelles.

Le gain d’EBE (+3,6 GF) provient essentiellement de la SNCF, à hauteur de 3,1 GF avecdes compléments de 0,1 GF pour RFF et 0,4 GF pour l’État 1. La variation globale d’EBEde 3,6 GF se décompose, sur la base de la réalité des taux externes au système, en SNCF(+3,1 GF), RFF (+0,1 GF) et État (+0,4 GF).

La forte hausse de 23 % des produits du trafic SNCF s’accompagne d’une évolutionrelativement modérée des charges (+11 %) dont 2 % sont dus aux dépenses supplé-mentaires générées par la réduction du temps de travail à 35 h, estimées à 1,5 GF en2000 par la SNCF. Ces éléments expliquent l’essentiel de l’amélioration de l’EBE.

Exprimée en UKE/agent 2 et hors SERNAM, la productivité physique de la SNCF s’estaccrue de 15 % de 1996 à 2000, et de 27 % en uke/heure réelle de travail.

Hors effet (-1,5 GF) de l’allongement des durées comptables, les amortissements etprovisions nets se seraient accrus de 0,9 GF.

Hors impact (+5,2 GF) des actions de l’État sur la dette, et à méthodes comptables sta-bles (-0,4 GF), le résultat financier se serait dégradé de 3,4 GF par rapport à 1996.

La dette du système ferroviaire (RFF+SNCF, hors SAAD) était de 194 GF au 31 décembre2000, mais elle aurait atteint 282 GF sans les nouveaux apports de l’État (88 GF dont 13GF de cumul d’intérêts). Elle était de 208 GF au 31 décembre 1996.

Toujours en isolant les facteurs spécifiques « externes » qui ont allégé les amortisse-ments et les charges financières, le résultat courant « intrinsèque » du système ferro-viaire serait en 2000 de -16,9 GF, c’est-à-dire à un niveau encore plus bas qu’en 1996(-16,2 GF).

L’EBE s’est accru nettement (+3,6 GF) mais les amortissements et surtout les chargesfinancières ont continué à s’alourdir fortement et à dégrader le résultat (-4,3 GF).

La réforme et la situation économique et financière du système ferroviaire 29

1. Ces chiffres sont obtenus directement à partir des flux de produits et des charges des comptes de la SNCF et de RFF, enexcluant facturations réciproques et concours de l’État et des collectivités. Ils différent sensiblement des mesures officiel-les d’EBE en comptabilité qui incluent les facturations réciproques entre les deux établissements : ainsi une majoration de1 GF des redevances d’infrastructure se traduit directement par une hausse de 1 GF de l’EBE de RFF et une baisse de 1 GFde l’EBE SNCF. RFF ne peut dégager structurellement qu’un EBE « économique » faible.

2. UKE = unité kilométrique équivalente, mesure pondérée du volume du trafic retenue dans les derniers contrats deplan entre la SNCF et l’État ; les VK et les TK sont décomptés par sous-activités et pondérés par les produits moyens.

Page 30: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Le poids de la dette reste au sens propre insupportable, même si les dotations encapital de l’État et les transferts au SAAD ont apporté une première aide indispensableet permis de présenter des résultats en amélioration de 1996 à 2000.

La dette du système ferroviaire (SNCF+RFF)paraît se stabiliser progressivement

Historique et situation actuelle

L’évolution de la dette du système ferroviaire depuis 1989 est décrite par le graphiqueci-dessous.

La courbe du haut correspond au total, y compris SAAD, à partir de sa création le1/1/1991. Cette dette totale s’accroît de 106 GF au 31/12/1989 à 237 GF au 31/12/1996puis à 253 GF au 31/12/2000.

La courbe du bas correspond à la dette du système ferroviaire au sens strict, celle quiapparaît dans les comptes de la SNCF, puis de la SNCF et de RFF à partir du 1/1/1997.

Les décrochements successifs correspondent aux transferts au SAAD :– de 38 GF le 1/1/1991 ;– de 28,6 GF le 1/1/1997 ;– de 4 GF le 1/1/1999.

30 Chapitre I

Dette du système ferroviaire 1989-2001 (en milliards de francs)

Page 31: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Entre le 1er janvier 1991 et le 31 décembre 1996, la dette SNCF a augmenté fortement,de 79 GF à 208 GF, ce qui correspond à une hausse moyenne annuelle proche de 22 GF.

Pour la période qui suit, le tableau ci-dessous fournit des données complètes :

Det

ten

ette

(GF)

31/1

2/19

96

01/0

1/19

97

31/1

2/19

97

31/1

2/19

98

31/1

2/19

99

31/1

2/20

00

31/1

2/20

01(p

révi

sio

n)

RFF / 134,2 143,6 147,3 148,0 151,5 153,0

SNCF 208,0 45,2 50,0 50,7 47,9 42,6 46,4

SNCF +RFF 208,0 179,4 193,6 198,0 195,9 194,1 199,4

SAAD 28,6 57,2 56,0 55,2 58,7 58,6 58,6

TOTAL 236,6 236,6 249,6 253,2 254,6 252,7 258,0

La dette totale (SNCF + RFF + SAAD) était de 237 GF, fin 1996. Elle a encore augmentésensiblement (+13 GF) au cours de l’exercice 1997, puis elle s’est stabilisée autour de253 GF de 1998 à 2000. La prévision au 31/12/2001 est de 258 GF, en hausse de 5 GFpar rapport à fin 2000.

La dette propre au système ferroviaire (RFF +SNCF) a bénéficié des transferts au SAAD,ainsi que des dotations en capital versées par l’État à RFF (8 GF en 1997, 10 GF en 1998,12,5 GF en 1999, 12 GF en 2000, et 12 GF au budget 2001).

L’accroissement de l’EBE (+3,6 GF) et le passage des programmes d’investissementspar un point bas en 1999 et 2000 ont réduit aussi les besoins de financement.

Le montant de la dette nette (RFF +SNCF) au 31/12/2000 est de 194,1 GF, prati-quement identique à celui constaté le 31/12/1997. La partition est de 151,5 GF pourRFF et 42,6 pour la SNCF. Une remontée à 199,4 GF est prévue au 31/12/2001.

Le système ferroviaire reste lesté d’une dette de près de 200 GF pour un chiffred’affaires externe de 70 GF et un cash flow global de 1 GF.

La capacité d’autofinancement de RFF est négative (environ -6 GF), situation anormalepuisqu’elle signifie que RFF a dû emprunter sur les marchés pour financer sa part dansles investissements d’infrastructure et qu’il est incapable de rembourser sa dette.

La capacité d’autofinancement de la SNCF approche de 7 GF en 1999 et 2000. Ceniveau est insuffisant au regard d’une dette de l’ordre de 45 GF, et le ratio dette/CAFdépasse 6 pour la SNCF.

Le problème de la dette reste entier.

Évolution prévisible à moyen terme

Déjà essentiel, le problème de la dette devient crucial quand on prend en compte lesobjectifs de développement fixés au chemin de fer par les pouvoirs publics et la dyna-mique propre du système ferroviaire. Ces objectifs, et les prévisions d’investissements à

La réforme et la situation économique et financière du système ferroviaire 31

Page 32: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

moyen et long terme qui en découlent, sont décrits au chapitre II du présent rapport.Les montants globaux d’investissements constatés de 1991 à 2000 et les programmesCIES 1 de 2001 à 2004 sont récapitulés en annexe 7.

De 2000 à 2004, en raison notamment des contrats de plan État-régions et de la cons-truction de la LGV-Est, les investissements totaux du système ferroviaire (RFF+SNCF),tous financements confondus, augmenteraient de 16,3 GF à 37,1 GF.

Pour RFF, le montant total des investissements s’accroîtrait fortement, de 9,8 GF à 22GF, mais grâce à l’application de l’article 4 du décret 97-444 du 5 mai 1997 relatif à sesmissions 2, la part de financement sur fonds propres varierait peu, de 7,7 GF à 8,5 GF.Dans ces conditions, sur la base d’une stabilité ou d’une légère hausse des principauxagrégats de son compte de résultat, et du maintien d’une dotation en capital annuellede l’État de 12 GF, RFF pourrait réaliser les investissements prévus d’ici 2004 et stabili-ser sa dette à 153 GF. Parallèlement, État et collectivités verseraient à RFF des subven-tions en forte hausse de 2,1 GF en 2000 à 13,5 GF en 2004.

Le montant global des investissements de la SNCF, tous financement confondus, aug-mente aussi très nettement de 6,5 GF en 2000 à 15,1 GF en 2004, avec une hausse sen-sible des subventions de 1,6 GF à 5,6 GF. Contrairement à RFF, la part de financementsur ressources propres s’accroîtrait, de 4,9 GF à 9,5 GF.

Le besoin de financement supplémentaire pour la SNCF d’ici 2004 ne pourra être cou-vert que partiellement par une augmentation de la capacité d’autofinancement, quiatteignait 7 GF en 2000, mais devrait baisser en dessous de 6 GF en 2001. La dette au31 décembre 2000 de la SNCF était de 42,6 GF. Son maintien en dessous de 50 GF en2004, point haut en investissement, pourrait nécessiter des mesures spécifiques (ces-sions d’actifs, subventions complémentaires...).

Des projections indicatives des besoins d’investissements à horizon 2020 ont, d’autrepart, été effectuées avec RFF et la SNCF, en cohérence avec les schémas de service detransport de voyageurs et de marchandises approuvées en 2001 par l’État. Commeindiqué au chapitre II du présent rapport, les estimations sont de 20 GF par an pour RFFet de 11 GF par an pour la SNCF, chiffres cohérents avec les montants moyens program-més de 2001 à 2004, et sensiblement inférieurs à ceux des principaux chemins de fereuropéens.

Ces projections à moyen et long terme montrent clairement que :– il n’est en aucun cas envisageable que la dette actuelle du système ferroviaire(194,1 GF à fin 2000 +58,6 GF au SAAD) puisse être remboursée, même partielle-ment, par les deux EPIC concernés ;– l’attribution par l’État à RFF d’un concours de l’ordre de 12 GF, sous forme d’unedotation en capital ou autre, et l’application stricte de l’article 4 sur le financement desinvestissements, constituent des mesures minimales indispensables pour éviter unenouvelle dérive de la dette de cet établissement ;

32 Chapitre I

1. Comité des investissements à caractère économique et social.

2. Cet article précise notamment que l’État, une collectivité locale ou un organisme public ne peuvent demander uninvestissement sur le réseau ferré national sans apporter « un concours financier propre à éviter toute conséquencenégative sur les comptes de RFF sur la période d’amortissement de cet investissement ».

Page 33: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

– l’augmentation de la capacité d’autofinancement de la SNCF nécessite, au-delà deses efforts internes, une garantie sur le niveau des concours de l’État et des montantsde facturations de RFF ; elle ne suffira pas cependant à couvrir les besoins d’investisse-ments à moyen terme, voire à long terme.

De plus, la localisation de cette dette dans les comptes du système ferroviaire conduit àafficher des résultats très négatifs qui conditionnent l’image du secteur auprès dupublic et relativisent fortement la motivation des cheminots à s’investir dans une ges-tion économique plus rigoureuse, d’autant plus que l’État revoit en permanence lesrègles du jeu.

L’extraction des comptes du secteur ferroviaire de la plus grande partie de sa dette estune question centrale qui ne peut plus être éludée.

Les relations financières triangulaires entrel’État, RFF et la SNCF apparaissent complexes

Le compte de RFF, créé en 1997, s’est organisé sur la base de facturations financièresentre SNCF et RFF, internes au système ferroviaire. Il permet de regrouper les principauxagrégats de charges et de produits relatifs à l’infrastructure et son articulation avec lecompte de la SNCF est simple dans le principe. Le montage d’ensemble apporte à l’Étatune clarification au niveau global.

La pratique s’avère cependant plus difficile et plus complexe, en raison de la positionface à face de RFF et de la SNCF sur leurs facturations réciproques et des ajustementsque l’État apporte à leur montant lors de l’arrêté des budgets annuels, en faisant jouersimultanément le niveau de ses concours aux deux établissements.

Pour l’essentiel :– RFF n’a qu’un seul client : la SNCF, qui se voit facturer des redevances d’infrastructure ;– RFF n’a qu’un seul fournisseur : la SNCF, qui assure l’exploitation et la maintenancede l’infrastructure, et la plus grande partie de la maîtrise d’ouvrage déléguée et des tra-vaux de réalisation des investissements.

L’enjeu commun de l’articulation entre les deux établissements introduit par la réformeest d’améliorer l’efficacité du système ferroviaire. Ce positionnement vise à les mettreen tension dans la recherche des gains de productivité compatibles avec le haut niveaude sécurité exigé, tant dans la gestion, l’entretien du réseau et son utilisation optimumpar la SNCF, que dans les coûts des investissements à mettre en œuvre afin de satisfaireles besoins pour RFF. Tout cela même si, au premier degré, tout franc pour l’un estun franc en moins pour l’autre au sein d’une relation obligée qui, d’un strict pointde vue comptable, est à somme nulle pour l’ensemble du système.

Les deux plus importantes facturations en montant ont été jusqu’à présent les plus sim-ples à effectuer, car il s’agit d’un montant annuel forfaitaire fixé lors de l’élaboration dubudget, par exemple pour l’exercice 2000 :– 17164 MF de rémunération du gestionnaire d’infrastructure délégué (SNCF) ;– 10248 MF de redevances d’infrastructure.

La réforme et la situation économique et financière du système ferroviaire 33

Page 34: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

De fait, et faute d’accord entre les deux établissements publics sur l’évolution annuelledu montant de la rémunération annuelle du gestionnaire d’infrastructure délégué,c’est l’État qui la fixe. De même, les propositions de barèmes sont établies par RFF,après concertation avec la SNCF, mais dans le cadre d’un montant global de redevancesà payer par la SNCF fixé par l’État.

Les redevances d’infrastructures

Un arrêté ministériel du 30 décembre 1997 a fixé, sur proposition de RFF, le premierbarème de redevances par catégorie de ligne distinguant droits d’accès, de réservationet de circulation. Le taux d’augmentation des redevances ainsi que les prévisions d’aug-mentation de trafic sont arrêtés à l’occasion de l’approbation du budget des deux éta-blissements, mais le décret de fixation du tarif n’est généralement paru qu’en coursd’exercice ou à exercice échu.

Exercice 1997 1998 1999 2000 2001

Date d’arrêté 30/12/1997 30/12/1997 8/07/1999 10/01/2001 11/07/2001

Montant en MF 6008 6205 9965 10250 11136

La forte majoration de 1999 (+3,8 GF) répondait notamment au respect de certains cri-tères européens pour éviter que la dette de RFF ne puisse être incluse dans la dette del’État.

Pour éviter de dégrader brutalement les comptes de la SNCF, celle-ci a reçu en 1999 descompensations sous diverses formes, sur décision de l’État.

Rémunération du gestionnaire d’infra. délégué +0,6 GF

Contribution TER +1,0 GF

Contribution exceptionnelle dégressive +0,8 GF

Transfert de 4 GF au SAAD +0,8 GFsur résultat financier 1

3,2 GF

1. 244 MF d’intérêts +556 MF au titre d’un mécanisme spécifique qui devrait cesser fin 2002 ; par lettre du20 août 2001, l’État a décidé de prolonger partiellement ce mécanisme, à hauteur de 250 MF en 2003, 200 MFen 2004 et 150 MF en 2005.

Hors 0,2 GF de hausse en volume 1999/1998 à tarif 1998, l’augmentation tarifaire étaitde 3,6 GF, dont 3,2 GF compensés, ce qui laissait à la charge de la SNCF 0,4 GF en 1999.Toutefois :– la rémunération du GID, malgré cette hausse de 0,6 GF, reste encore inférieure auxbesoins exprimés par la SNCF ;– la contribution TER supplémentaire de 1,0 GF ne suffisait pas à équilibrer le compteTER (résultat 1999 : -0,5 GF) et elle devra être complétée pour assurer un transfertfinancièrement neutre à l’ensemble des régions au 1/1/2002 ;– la contribution exceptionnelle s’est réduite à 0,4 GF en 2000 puis zéro en 2001 ;

34 Chapitre I

Page 35: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

– l’impact du transfert au SAAD sera ramené à 0,5 GF environ en 2003, somme infé-rieure à la valorisation de l’augmentation des volumes de circulations prévue entre1999 et 2003 par la hausse 1999 du tarif des redevances.

En conclusion, si l’État a bien attribué 3,4 GF supplémentaires à la SNCF à cette occasionen 1999, il reste qu’en 2003 la SNCF subira en totalité les fortes hausses de péages 1999.

Une autre augmentation spécifique aura lieu en 2001. Une décision conjointe duministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, et du ministre de l’Équipement,des Transports et du Logement a fixé, le 28 novembre 2000, les montants de redevancessupplémentaires à payer par la SNCF à RFF au titre du TGV Méditerranée (en MF 1999) :– en 2001 : +577 MF ;– en 2002 : +1059 MF ;– puis hausse régulière jusqu’à 1454 MF en 2008.

La décision ministérielle s’est appuyée sur le rapport de juin 2000 d’une mission spéci-fique sur les redevances d’infrastructure du TGV Méditerranée, conduite par cinq hautsfonctionnaires. Leurs difficultés à obtenir de la SNCF et de RFF des données fiables pourélaborer des bilans économiques sont signalées tout au long du rapport.

Concernant la structure de la tarification, on peut constater en annexe 9 les montantsauxquels elle conduit par activité SNCF, par exemple pour l’exercice 2000 :

GL (trains de grandes lignes) 5 192 MFdont 4 180 MF TGV et1 012 MF autres trains

TER (trains express régionaux) 884 MF

IdF (trains d’Île-de-France) 3 081 MF

Fret 1 093 MF

Total 10 250 MF

Le montant pour l’Île-de-France est proche du coût complet conformément au compteIdF déjà existant avant la création de RFF. La majoration de 3,6 GF de 1999 a concernéen quasi-totalité l’activité GL-TGV, la seule à présenter une capacité contributive impor-tante. Ce choix a été accepté par la SNCF. Les autres activités subissent des redevancesnettement plus modérées.

Pour les TGV, les redevances d’infrastructure représentent maintenant 25 % des recet-tes de trafic, et le bilan économique de certaines relations, notamment Province/Pro-vince, est déficitaire. Il apparaît cependant que :– le système de facturation détaillé des redevances d’infrastructure jusqu’au niveauélémentaire n’est toujours pas opérationnel en 2001 ;– la gestion segmentée de l’offre par les activités SNCF (relations GL, produits fret...) neprend pas encore en compte les redevances d’infrastructure. Cette pratique est prévueprogressivement par l’activité « grandes lignes » à partir de 2002, mais elle est suscep-tible de freiner certains développements de dessertes dont l’impact économique pourla SNCF deviendrait négatif, alors qu’il est positif pour le système ferroviaire dans sonensemble. Ce type de situation se rencontre dès que les redevances sont nettementsupérieures au coût marginal, hors zones et tranches horaires réellement saturées.

La réforme et la situation économique et financière du système ferroviaire 35

Page 36: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

En résumé, les redevances d’infrastructure ne jouent pas encore un rôle écono-mique actif et apparaissent aujourd’hui surtout comme un élément d’ajustementpar l’État des résultats de RFF et de la SNCF.

Les décisions annoncées par une lettre du 20 août 2001 des ministres de tutelle au prési-dent de la SNCF, dans le cadre de la préparation de la loi de finances, confirment ce cons-tat : les péages grandes lignes sont à nouveau majorés de 517 MF, voire de 118 MFsupplémentaires si une économie du même montant ne peut pas être dégagée sur laconvention de gestion de l’infrastructure. Il s’agit manifestement d’ajustements budgé-taires, en contrepartie des montants en hausse accordés aux nouvelles autorités organi-satrices du TER dans le cadre de la généralisation de la régionalisation au 1er janvier 2002,et qui reviendront à la SNCF, jusque-là rémunérée en dessous de ses coûts. La baisse de620 MF à 260 MF de la contribution aux transports combinés, décidée dans la cadre de cemême budget 2002, contredit la politique de rééquilibrage rail-route affirmée chaquejour par le ministre des Transports et confirme cette approche budgétaire.

Le principe de base pour l’État est, semble-t-il, de maintenir la SNCF à un niveauglobal de contributions et rémunérations nettes (État + RFF) constant. Enl’absence de contrat de plan État-SNCF, ce principe budgétaire est appliqué aucoup par coup par l’État avec un pragmatisme souvent déroutant.

Le phénomène est analogue pour RFF. Les augmentations de redevances d’infras-tructure s’accompagnent de baisses de la contribution d’infrastructure versée par l’Étatmais généralement d’un montant plus faible. L’excédent brut d’exploitation de RFFs’est ainsi accru, sur décision de l’État, de 3 GF entre 1997 et 2000.

On peut s’interroger sur la responsabilisation de RFF ou de la SNCF qui résulte de cespratiques. Celle-ci perçoit les majorations de péages comme un prélèvement autori-taire sur sa capacité à se financer et à assurer son développement. On peut aussi sedemander si de telles pratiques seraient admissibles si d’autres entreprises ferroviairesopéraient en France.

Les enjeux de fond relatifs aux péages sont cependant réels et seront encore plusimportants à terme. RFF souhaite recentrer plus fortement la tarification d’usage del’infrastructure sur les coûts, mais la capacité contributive des différents trafics ferro-viaires de la SNCF et d’éventuels nouveaux entrants dans quelques années reste un fac-teur déterminant. Il est surtout indispensable que ce sujet soit traité dans le cadred’une réelle harmonisation des conditions de concurrence avec les autres modes, pre-nant en compte coûts des infrastructures, coûts externes, taxes et subventions.

Autres facturations internes

Au-delà d’un débat par nature difficile sur le montant annuel de la rémunération dugestionnaire d’infrastructure (17168 MF en 2000), plusieurs facturations donnent lieuà des divergences récurrentes.

Les travaux d’investissements de la SNCF pour RFF (6132 MF), facturés projet parprojet avec le décompte détaillé des moyens employés, demandent des procédures etdes systèmes d’information lourds, dont la mise au point n’est pas encore achevée. Cesfacturations complexes sont une source de litiges permanents :– RFF a une position débitrice de plusieurs GF en permanence sur son compte courantavec la SNCF, au titre de factures non présentées ou non approuvées ;

36 Chapitre I

Page 37: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

– une lettre du 10 septembre 2000, cosignée des directeurs du Trésor, du Budget etdes transports terrestres a demandé aux présidents de RFF et de la SNCF d’aboutir rapi-dement à une situation normalisée, après réserves émises par les commissaires auxcomptes de RFF.

Le partage du patrimoine lui-même est très difficile car l’application des textes d’ori-gine est souvent délicate. Les différends sont soumis à la Commission nationale derépartition des actifs créée par décret no 97-445 du 5 mai 1997, et qui s’est réunie pourla première fois en mai 1999. Entre cette date et octobre 2001, elle a rendu des avisconcernant 33 sites dont 31 ont fait l’objet de décisions interministérielles d’attributionde biens à l’un ou à l’autre des deux établissements publics.

La SNCF a déposé des recours contentieux à l’encontre de huit de ces décisions devantle tribunal administratif de Paris. Elle estime qu’à la vitesse actuelle de traitement del’ensemble des désaccords sur le partage du patrimoine, la question ne serait pasréglée avant plusieurs dizaines d’années.

Les désaccords sur la répartition des actifs sont la cause essentielle de la divergencesur les produits hors trafic reversés à RFF par la SNCF. RFF comptabilise en produits sapropre estimation (415 MF) alors que la SNCF ne décompte que 185 MF. RFF provi-sionne la différence de 230 MF.

En résumé, les relations financières entre ces deux établissements publics quesont la SNCF et RFF ont un caractère très particulier. Leur face à face ne convergepas naturellement vers un accord sur les prix ou les montants en valeur et les dis-cussions se prolongent excessivement.

Cette situation génère des coûts de transaction importants. Les débats ne cessentsouvent qu’avec l’intervention de l’État mais resurgissent fréquemment. La doubleexpertise RFF/SNCF qui en résulte améliore probablement la clarté et la qualité des déci-sions dans certains cas, mais au prix souvent d’une dépense d’énergie inefficace et deretards dans l’engagement des actions.

Le rôle de pilotage de l’État est essentiel, notamment pour fixer des objectifs aux deuxEPIC, pour arbitrer le montant des facturations réciproques les plus importantes etpour réguler les concours publics attribués à chacun.

Les concours de l’État et des collectivitéspubliques

Sur la base des chiffres fournis par la direction du Budget de l’État, deux documents ontété élaborés :– le premier (cf. annexe 12) regroupe les concours par grande destination, en fonctionde leur objet. Sur la base des montants de l’exercice 2000, il fait une distinction entre :les contributions à l’exploitation et aux investissements du système ferroviaire, soit31,9 GF ; les concours qui relèvent de l’apurement du passé, soit 34,2 GF (déséquilibredémographique pour les retraites, dette générée par les investissements d’infrastruc-ture jusqu’en 1996) ;

La réforme et la situation économique et financière du système ferroviaire 37

Page 38: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

– le second (cf. annexe 13) couvre les exercices 1996 à 2001. Il distingue État et collec-tivités publiques et sa présentation permet un recoupement avec les données compta-bles SNCF et RFF, sous réserve de légers décalages de méthode ou de date dans lesarrêtés annuels.

Le total général des concours augmente de 54,6 GF en 1996 à 66,1 GF en 2000, maisune nette distinction doit être faite entre :– les montants relatifs à l’apurement du passé, qui s’accroissent de 23 GF à 34,2 GF.L’attribution d’une dotation annuelle en capital à RFF (12 GF en 2000), hors budgetgénéral de l’État, explique cette forte hausse ;– les concours à l’exploitation et à l’investissement, qui sont pratiquement stables :31,6 GF en 1996, 31,9 GF en 2000. Les variations sur chaque ligne sont souvent faibleset se compensent. Deux écarts plus sensibles sont à noter : la contribution de l’État auxservices régionaux de voyageurs augmente de 4,2 GF à 6,0 GF avec l’expérimentationde la régionalisation en 1997, puis la revalorisation décidée en 1999 à titre de compen-sation de la forte hausse globale des redevance d’infrastructure payées par la SNCF 1 ;la contribution aux charges d’infrastructure attribuée à RFF en 2000 est de 10,7 GF aulieu des 12,6 GF versés à la SNCF en 1996.

Les compensations de 3,2 GF accordées à la SNCF en 1999 pour compenser la hausse de3,6 GF des redevances d’infrastructure hors effet volume ont peu impacté le budget del’État. Les écarts constatés par rapport à 1998 se limitent à 0,5 GF :– contribution TER-SRV : +0,7 GF ;– « contribution d’infrastructure » SNCF : +0,8 GF (en fait compensation dégressive) ;– contribution d’infrastructure RFF : -1,0 GF.

Les autres éléments de compensation à la SNCF ne touchent pas le budget de l’État.L’augmentation de 0,6 GF de la rémunération du gestionnaire d’infrastructure accroîtles charges de RFF. Les impacts financiers (0,8 GF) du transfert de 4 GF de dette de laSNCF au SAAD sont absorbés à concours de l’État au SAAD constant (4,4 GF).

Hors budget général, la dotation en capital à RFF a cependant été portée de 10 GF en1998 à 12,5 GF en 1999. Les dotations en capital à RFF (42,5 GF cumulés à fin 2000) etles transferts de dette au SAAD (32,6 GF) sont les deux actions de l’État qui ont apportéla contribution la plus nette au redressement des comptes du système ferroviairedepuis 1996. Elles génèrent une amélioration de 5,2 GF sur le résultat financier(SNCF+RFF) 2000, comme indiqué supra dans le présent chapitre.

Les principaux enseignements de la période1996-2000

Les résultatsGrâce à l’accroissement de plus de 5 % par an des produits du trafic et aux contribu-tions nouvelles de l’État, le résultat net du système ferroviaire s’est redressé (+4,5 GF)

38 Chapitre I

1. Ces contributions seront accordées directement aux régions à partir du 1er janvier 2002, et complétées par l’État pourassurer à celles-ci la neutralité financière du transfert de responsabilité.

Page 39: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

mais il est encore fortement déficitaire (-10,7 GF en 2000). Cette amélioration reste àconfirmer : le résultat net 2001 est prévu de -11,9 GF, et la croissance forte du traficn’est pas garantie à terme.

La dette (RFF +SNCF) s’est relativement stabilisée depuis fin 1997 autour de 195 GF,mais l’ordre de grandeur est le même qu’au 31/12/1996 (208 GF), malgré les apports del’État. Si l’on inclut le SAAD, la dette totale est en hausse de 237 GF fin 1996 à 253 GFfin 2000 et 258 GF prévus fin 2001.

Avec des résultats proches de l’équilibre grâce à la réforme, une compétitivitéretrouvée sur ses différents marchés, une nouvelle dynamique contractuelle avec lesyndicat des transports d’Île-de-France et les régions sur les transports de la vie quoti-dienne, la position de la SNCF est plus solide qu’en 1996. Elle garde cependant unestructure financière fragile car sa dette (42,6 GF, fin 2000) reste nettement trop élevéeen regard de sa capacité d’autofinancement et de ses besoins d’investissements.

RFF subit de son côté une dette considérable (151,5 GF à fin 2000). Le résultat financierqui en résulte (-10,5 GF) représente à lui seul la totalité du déficit de l’ensemble du sys-tème ferroviaire (-10,7 GF).

L’affichage permanent d’un tel déficit relativise fortement toute recherche decomportement d’entreprise et de rigueur économique. C’est évident pour RFF,mais c’est vrai aussi pour la SNCF qui voit en permanence ses résultats ajustés par lebiais de ses facturations avec RFF, alors que, pour financer de manière saine ses inves-tissements, elle devrait dégager des résultats nettement positifs.

La localisation hors du système de la plus grande partie de la dette ferroviaire estla question financière la plus déterminante. Elle n’est pas nouvelle, mais l’exa-men effectué ici le confirme clairement.

La politique de rééquilibrage rail/route engagée par le gouvernement se traduit dansles prévisions d’investissement à moyen terme de RFF et de la SNCF par une très forteaugmentation des montants actuels (37 GF en 2004 pour 16,3 GF en 2000). À longterme, elle nécessite plus de 30 GF/an en moyenne.

L’importance des besoins de financement futurs rend illusoire tout rembourse-ment, même partiel, de la dette existante par le système ferroviaire lui-même.

Articulation comptable et financière entre l’État,RFF et la SNCF

La réforme de 1997 a confié à RFF la maîtrise d’ouvrage des infrastructures ferroviaires,et lui a donné un statut d’Établissement public industriel et commercial (EPIC), avec uncompte de résultat et un bilan, approuvés chaque année par des commissaires auxcomptes.

Les moyens d’exploitation propres à RFF comportent environ 300 personnes et 300 MFde consommations intermédiaires, qui recouvrent pour l’essentiel des prestationsd’études. Le compte de résultat RFF, dans sa partie exploitation courante, est constituépour l’essentiel, en produits (23 GF) comme en charges (19 GF), de facturations avec laSNCF.

La réforme et la situation économique et financière du système ferroviaire 39

Page 40: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Le débat sur ces facturations est souvent très difficile car il met face à face deuxétablissements publics dont les intérêts financiers immédiats sont exactementopposés. Il en est de même pour les travaux d’investissements que réalise la SNCF pourRFF. Les procédures et les systèmes d’informations qui leur servent de supports sontnettement plus coûteux que s’il s’agissait d’écritures non comptables et de relationsinternes à une organisation.

L’État est conduit à arbitrer, souvent à compenser en ajustant tel ou tel concours. Lesdécisions sont prises généralement lors de l’arrêté final des budgets annuels, et sou-vent perçues comme subies par les deux EPIC, en l’absence de logique claire. Ces prati-ques ne contribuent pas à la lisibilité de leurs résultats et à leur responsabilisationéconomique.

Concernant RFF, l’État décide de tous les agrégats importants de son compte de résul-tat (rémunération du GID, redevances d’infrastructures, concours, dotation en capital)et approuve son programme d’investissements. Les marges d’action de RFF sur sesrésultats comptables sont très réduites.

Plus fondamentalement, il était nécessaire de renforcer le rôle de l’État en matièred’infrastructures ferroviaires. Le positionnement de RFF en tant qu’établissementpublic intermédiaire conduit à un jeu d’acteurs spécifique, différent de celui qui résul-terait d’une responsabilité directe de l’État.

40 Chapitre I

Page 41: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Chapitre II

La réformeet le développementdu mode ferroviaire

Page 42: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 43: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Un consensus en faveur du mode ferroviaireet des trafics en hausse

Le développement du système ferroviaire fait l’objet d’un fort consensus tanten France qu’en Europe. Les titres des principaux textes concernant le secteur entémoignent :– directive 91/440 « relative au développement de chemins de fer communautaires » ;– « Livre blanc » de la Commission européenne de 1996, Une stratégie pour revitaliserles chemins de fer communautaires ;– loi de 1997 créant RFF « en vue du renouveau du transport ferroviaire ».

Les premiers états généraux du fret ferroviaire organisés par le CSSPF, les 11 et12 décembre 2000, qui ont rassemblé douze ministres européens et 650 participants,ont aussi clairement marqué ce consensus, dans le sillage de l’objectif minimal de dou-blement du trafic ferroviaire à l’horizon 2010 fixé par le gouvernement.

Le vote de la « loi Voynet » d’orientation pour l’aménagement et le développementdurable du territoire marque aussi la priorité au développement du mode ferroviaire.Les débats et les prises de position sur les schémas de services collectifs se sont polari-sés sur les orientations des deux schémas de transport, avec un accord général sur desobjectifs ambitieux de développement ferroviaire. Les décisions prises, dans le mêmetemps, dans les contrats de plan État-régions 2000-2006 (CPER) traduisent aussi l’inté-rêt de tous les acteurs pour le mode ferroviaire à travers un triplement des engage-ments globaux et un décuplement des engagements de l’État par rapport aux contrats1994-1998 prolongés jusqu’en 1999. À noter toutefois qu’il y a rééquilibrage mais paspriorité au rail à proprement parler. En effet, dans les CPER, les engagements prévuspour la route représentent 73 % des engagements globaux et 78 % des engagementsde l’État.

Tous les grands pays européens fixent des objectifs de service très ambitieux à leur sys-tème ferroviaire.

Enfin, le « Livre blanc » de la Commission européenne du 12 septembre 2001, La poli-tique européenne des transports à l’horizon 2010 : l’heure des choix, est sans équi-voque sur la nécessité d’un développement du mode ferroviaire pour rééquilibrer en safaveur un système de transport européen déjà malade de la thrombose des embouteil-lages routiers et de la saturation aérienne, du drame majeur des accidents, del’asphyxie par la pollution et de la destruction de l’environnement par l’émission de gazà effet de serre.

Le chemin de fer apporte justement à la collectivité des avantages socio-écono-miques et environnementaux décisifs en matière de décongestion du système detransport européen, de sécurité, d’absence de pollution atmosphérique et d’émissionde gaz à effet de serre, d’économie d’espace utilisé, ainsi que le précisent ci-après leschapitres IV et IX du présent rapport.

L’objectif final est le développement du trafic ferroviaire et donc les services offerts tantau plan quantitatif que qualitatif. Le développement des infrastructures n’est pasun but en soi.

La réforme et le développement du mode ferroviaire 43

Page 44: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Les trafics ferroviaires ont retrouvé la croissance après une tendance au déclin (cf.annexe 10). Cependant, le trafic fret, après une croissance de 48,3 GTK en 1996 à 55,4GTK en 2000 (+15 %), a reculé de 8 % pour les huit premiers mois de 2001, et la SNCF aannoncé que « l’objectif de 100 GTK, maintenu, serait plus difficile à atteindre dès2010 ».

Les dettes des deux établissements publicsne permettent pas le développementdu transport ferroviaire

Le rapport au CSSPF sur la situation économique et financière du système ferroviairefrançais a bien mis en lumière la baisse des investissements au cours des années1990 (cf. annexe 14). Après une « bosse » en 1997 due au TGV Méditerranée, les inves-tissements du système ferroviaire (RFF +SNCF) atteignent leur point bas en 2000 avecun montant de 16,3 milliards de francs (GF) se décomposant en 12,6 GF de finance-ment des deux établissements et 3,7 GF de subventions, soit 22,7 %. La décompositionentre les deux établissements donne 9,8 GF pour RFF (subventions : 21,4 %) et 6,5 GFpour la SNCF (subventions : 24,6 %). Ce point bas est à comparer à la pointe de cons-truction simultanée de trois lignes à grande vitesse en 1992 (28,1 GF dont 4,1 GF desubventions, soit 14,2 %).

Ce n’est pas seulement la traduction de la fin d’un cycle, mais déjà la consé-quence du poids de la dette du système ferroviaire. Loin d’être résorbée par laréforme, en dépit des dotations successives de l’État et contrairement à l’objectifd’assainissement financier de la directive 91/440, la dette tout compris a continué àcroître de 236,6 GF au 31/12/1996 à 252,7 GF au 31/12/2000 (RFF : 151,5 GF +SNCF :43,6 GF +service annexe d’amortissement de la dette, SAAD : 58,6 GF).

La principale consigne de gestion des deux EPIC est la stabilisation de leur dette,ce qui a conduit à ne pas utiliser le creux de l’investissement en 2000, entre TGV Médi-terranée et TGV Est, pour assurer le développement ultérieur. Les conséquences sontdéjà sensibles sur l’exploitation du système ferroviaire :– retard dans le remplacement du parc des locomotives, pour le fret, dont la moyenned’âge atteint 27 ans pour le parc électrique et 34 ans pour le parc diesel, avec certainesséries à plus de 50 ans ; l’avis no 2 du CSSPF sur le développement du fret ferroviaire du5 juillet 2000 en a dénoncé les conséquences importantes sur la détérioration de laqualité du service du fret depuis 1997, notamment 11 000 trains « calés » 1 en 1999(dont 2 600 par manque de locomotives) entraînant l’exaspération des chargeurs,aggravée par les conflits sociaux, qui, dès l’inflexion de la conjoncture se sont détour-nés du rail, ce qui risque de compromettre l’objectif de doublement fixé par le gouver-nement, comme indiqué ci-dessus ;

44 Chapitre II

1. Trains dont l’acheminement a été ralenti ou différé pour divers motifs dont les principaux sont le manque d’enginsmoteur ou/et de conducteurs.

Page 45: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

– retard irrémédiable, de plus de trois ans, des études et donc des réalisations des con-trats de plan État-régions (CPER) 2000-2006. Les études d’avant-projet devaient, selonla circulaire du Premier ministre du 31 juillet 1998, être prêtes à la signature des con-trats. L’engagement de ces études – mais non leur achèvement – ont été promis parune lettre commune RFF/SNCF du 4 avril 2000 au ministre des Transports pour 2003. Ceretard est dû, entre autres, à l’absence de banque de projets préétudiés, à l’insuffisancede la mobilisation de la SNCF et des moyens qu’elle a affectés pour définir les projets deservice (dossiers d’initialisation). Il est vrai que RFF a refusé de financer des études surles projets avant qu’ils n’aient été retenus fermement dans les CPER et que les étudesn’ont pu être étalées dans le temps. Un certain rattrapage est en cours, grâce au recru-tement d’une centaine d’agents en 2000 à la direction de l’ingénierie de la SNCF, maisla mobilisation des moyens à RFF et dans les régions SNCF prend du temps et certainsspécialistes seront en nombre insuffisant. Enfin, l’État et les régions ont décalé pourl’après-2003 les études d’avant-projet correspondant à 10 % du montant total des pro-jets. Le CIES 1 du 25 juillet 2000 s’est ému de la situation et a demandé que « RFF pré-sente au prochain CIES la compatibilité de ses perspectives d’investissements avec lesengagements du 12e Plan ». RFF a programmé les dépenses des CPER pour la période2001-2004 dans son dossier CIES du printemps 2001. Compte tenu des retards accu-mulés dans les études et dans les mises en œuvre des projets, on peut légitimement sedemander si le taux de réalisation global des volets ferroviaires des CPER dépassera50 %.

Ainsi, c’est tout le développement du TER et du fret, par désaturation et améliorationde la qualité du service, qui est gravement remis en cause et ceci au moment straté-gique où se mettent en œuvre la régionalisation et le réseau transeuropéen de fretferroviaire (RTEFF).

Les opérations concernant les pôles multimodaux voyageurs et fret, véritables nœudsdu système de transport, risquent aussi d’être touchés.

Le surendettement du système ferroviaire est à mettre en relation avec l’adoption« d’un rythme plus mesuré », selon les propos du président de RFF, pour le développe-ment du réseau TGV et ce, en dépit d’un cofinancement désormais accepté par les col-lectivités locales : multiplication et étalement des études, phasage systématique... Lecas du TGV Rhin-Rhône en est l’illustration. Alors que les collectivités ont offert de dis-cuter de leur participation financière au projet, RFF a souhaité limiter la première décla-ration d’utilité publique à une partie seulement des 190 km de la branche Est, au pointque les élus alsaciens ont évoqués un « ersatz de TGV » et le sénateur Haenel un « pro-jet dénaturé » 2. Le secrétaire général de l’association Trans-Europe TGVRhin-Rhône-Méditerranée, M. Zettel, auditionné par le groupe de travail « Évaluation »du CSSPF, a regretté que RFF ne manifeste pas le même dynamisme que la direction desroutes pour développer le mode ferroviaire en coopération avec la SNCF. Il y a là pour-tant la première distorsion de concurrence avec la route, identifiée par le CSSPF dansses avis no 2 sur le fret et no 6 sur les schémas de service.

La réforme et le développement du mode ferroviaire 45

1. Comité interministériel pour les investissements à caractère économique et social.

2. Finalement, la DUP a bien porté sur l’ensemble des 190 km du projet.

Page 46: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Les besoins de développement et lesmécanismes de limitation de l’endettement

En ce qui concerne RFF, qui supporte la plus grande partie des investissements, ceuxconcernant l’infrastructure, c’est l’article 4 du décret « relatif aux missions et au statutde RFF » du 5 mai 1997 qui assure le contrôle des investissements.

Cet article stipule que « RFF ne peut accepter un projet d’investissement sur le réseauferré national, inscrit à un programme à la demande de l’État, d’une collectivité localeou d’un organisme public local ou national, que s’il fait l’objet de la part des deman-deurs d’un concours financier propre à éviter toute conséquence négative sur lescomptes de RFF sur la période d’amortissement de cet investissement ».

Un tel mécanisme présente l’avantage d’un financement « sain » et responsabledes projets, puisqu’il ne détériore pas les comptes de RFF par une nouvelle dette dedéveloppement alors qu’il supporte déjà l’ancienne dette qui était portée par la SNCF etl’effet « boule de neige » des charges financières liées à celle-ci. Il est à noter que laSNCF disposait d’un article similaire dans ses contrats de plan 1985-1989 (article 28) et1990-1994 (article 26), mais cette disposition n’a jamais eu la même force réglemen-taire que l’article 4 introduit dans un décret.

Un mécanisme équivalent à l’article 4 ne s’applique pas pour les investissements de laSNCF (matériels roulants et leurs ateliers, gares, installations fixes), ni pour les projetsrelevant du seul périmètre SNCF, ni pour les projets cofinancés avec RFF. Dans ce der-nier cas, fréquent dans le cadre des CPER, le risque est grand de voir ignorer par les pou-voirs publics la part d’investissements de la SNCF, mais aussi les répercussionsnégatives éventuelles sur son compte de résultat.

En ce qui concerne la SNCF, la contrainte de non réendettement joue directementpar le biais du contrôle des tutelles et aussi par l’autolimitation, la SNCF ayantfait sien l’objectif de maîtrise de sa dette. On le constate dans le cas des locomotivesélectriques « fret » dont la commande, finalement formellement autorisée par le CIESde juillet 2001, ne sera lancée 1 qu’à la condition de ne pas entraîner de dette supplé-mentaire. La pression du ministère chargé des Finances est forte pour que la SNCF cèdedes actifs non liés directement à l’exploitation. C’est le cas pour la société hydro-élec-trique du Midi (SHEM), qui fournit environ 30 % de l’électricité de traction de la SNCF.

En ce qui concerne RFF, seule une partie de ses investissements relève du « déve-loppement de son activité contribuant à l’amélioration de ses résultats finan-ciers » et donc de l’article 4. Selon les documents du CIES 2001, ces investissementsne représentent que 49,8 % pour les dépenses 2000 et 49,6 % pour le budget 2001.

Les autres investissements de RFF participent au « maintien du réseau dans les stan-dards de service, sans contribution mesurable à l’amélioration des résultats financiersde RFF ». Ces investissements ne sont pas ou sont mal couverts par le mécanisme del’article 4. Il s’agit :

46 Chapitre II

1. Le conseil d’administration (CA) de la SNCF du 20 juin 2001 avait levé l’option d’un marché précédent pour 180 loco-motives dans l’attente de cette autorisation, et le CA SNCF du 26 septembre a approuvé la commande de 120 locomoti-ves du même type, dans un nouveau marché de 200.

Page 47: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

– des investissements de régénération et de sécurité, couverts normalement en partiepar l’amortissement ; ces investissements sont assumés par RFF pour assurer « les per-formances offertes par le réseau et les niveaux d’équipement de sécurité qu’il com-porte sur ses différentes lignes » selon les caractéristiques principales fixées par leministre chargé des Transports, en vertu de l’article 2 du décret relatif aux missions deRFF ;– de tous les autres investissements et notamment ceux liés à la qualité de serviceofferte à la clientèle ;– mais aussi du préfinancement des études d’avant-projet sommaires ferroviaires àproposer aux pouvoirs publics, notamment dans le cadre des CPER ou des programmespluriannuels européens dont le RTEFF ; certains CPER actuels prévoient des provisionsen ce sens pour les futurs contrats, après 2006.

Le président de la SNCF dénonce un sous-investissement pour toutes ces opérations,dont les conséquences, en péages ou économies d’exploitation pour RFF, sont difficilesà valoriser à court terme. C’est le cas des investissements de RFF en matière de sécuritédes circulations ou de suppression de passages à niveau (PN), en baisse sensible depuis1997 (cf. le chapitre IV du présent rapport). C’est aussi le cas des investissements de RFFdans les gares. Le président de la SNCF déplore, par exemple, l’absence d’améliorationdes quais longitudinaux de la gare de Paris-Lyon, qui « jurent » avec les quais transver-saux rénovés lors du lancement du TGV Méditerranée car faisant partie du périmètreSNCF. Dans ce cas, le service du client n’est pas pris en compte du fait de la sépa-ration entre exploitation et infrastructure introduite par la réforme de 1997.

Il ne faudrait pas cependant qu’un débat ne portant que sur le partage des finance-ments, en application de l’article 4, exonère de se poser la question principale des choixentre les différents projets possibles selon l’intérêt socio-économique de ceux-ci pour lacollectivité, comme devrait y conduire l’application de l’article 14 de la loi d’orientationdes transports intérieurs (LOTI).

La réforme n’a pas réglé le problèmedu développement futur du transportferroviaire en France

L’année 2001 a vu en même temps l’inauguration du plus gros projet ferroviaired’Europe avec le TGV Méditerranée et la stabilisation de la dette des deux établisse-ments public RFF et SNCF. Ce qui peut apparaître comme une situation remar-quable cache, en 2000, le plus faible montant d’investissement ferroviaire depuistrès longtemps. Les besoins en investissements à venir croîtront pourtant de façonconsidérable en cinq ans, pour atteindre un niveau record en 2004 (37,1 GF, soit plusde deux fois le montant de 2000 ; cf. annexe 14), en raison de la conjugaison :– du TGV Est ;– des CPER 2000/2006 ;– des achats de matériels roulants : locomotives fret, rames TGV, matériels TER dans lecadre de la régionalisation et matériel transilien dans le cadre de la contractualisation.

La réforme et le développement du mode ferroviaire 47

Page 48: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Pour RFF, cette croissance représente plus qu’un doublement en cinq ans de ses inves-tissements, soit 22 GF en 2004 contre 9,8 GF en 2000, ce qui nécessitera une multiplica-tion par plus de 6 des subventions (de 2,1 à 13,5 GF) dans le cadre de l’article 4 dudécret sur ses missions.

Pour la SNCF, cela représente également plus qu’un doublement, de 6,5 à 15,1 GF, etun peu plus qu’un triplement pour les subventions aux investissements, de 1,6 à 5,6 GF.

L’augmentation très forte des subventions publiques (de 3,7 à 19,1 GF) introduitune condition exogène de réalisation de ce programme de développement. Lesengagements et annonces publics (TGV Est, CPER) pourront-ils être tenus ?

À plus long terme, l’analyse des choix et des orientations retenus dans les projets deschémas multimodaux de services collectifs de transports voyageurs et de marchandi-ses adoptés par le gouvernement, qui devraient être publiés par décret à l’automne2001, aboutit à la projection suivante des besoins d’investissements de RFF pour lapériode 2001-2020, tous financements confondus (en GF 2001).

Lyon-Turin 45 GF

Autres LGV 125 GF

CPER 3 x 30 GF = 90 GF

Réseau classique hors CPER 25 GF

Sécurité, qualité de service, divers 25 GF

Régénération 4,5 GF x 20 90 GF

Soit 400 GFou 20 GF/an

Ce chiffre peut sembler considérable mais il résulte de la nécessité de concrétiser desprojets longtemps différés. Quoi qu’il en soit, ce rythme est sans commune mesureavec les dernières annonces ministérielles : 120 GF d’investissement d’infrastructure en10 ans soit 12 GF/an (cf. conférence de presse du ministre chargé des Transports du8 février 1999). Pourtant, il reste modeste en comparaison des rythmes annoncés àl’étranger, pour des croissances équivalentes ou moins fortes des trafics (cf. annexe15). Le rythme de 20 GF/an apparaît en fait comme une évaluation basse des besoins.

Côté SNCF, le besoin indicatif en investissement s’établit à 238 GF sur la même période,soit un peu plus de 11 GF par an.

Ces besoins vont nécessiter des financements importants des pouvoirs publics et dusystème ferroviaire. Il est légitime de se demander s’ils seront assurés.

Conclusion : un financement problématiquedu développement

La réforme de 1997 a apporté, dans la gestion des investissements ferroviaires, desmécanismes sains pour éviter une nouvelle augmentation de la dette (article 4 du

48 Chapitre II

Page 49: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

décret sur les missions de RFF). Leur impact reste cependant limité à une partie(aujourd’hui la moitié) des investissements de RFF et ne concernent pas ceux de laSNCF.

Ces mécanismes ont responsabilisé l’État et les régions dans le financement du déve-loppement du système ferroviaire. L’article 4 est très exigeant pour les pouvoirs publics,et des principes équivalents doivent prévaloir pour la SNCF de façon a éviter tout réen-dettement du système ferroviaire.

Alors que la demande sociale est très forte en faveur du développement prioritaire dusystème ferroviaire et que les besoins d’investissement sont fortement croissants, ilfaut que l’effort de l’État et des régions augmente considérablement et ne se relâcheplus ensuite.

Il reste à imaginer le modèle ferroviaire dans le contexte d’une activité en expansion.

Le problème du financement des investissements est crucial. Comment légitimer puismobiliser des montants importants de subventions publiques de l’État, de l’Europe etdes collectivités locales ?

Seule peut permettre d’y aboutir, conformément à l’avis no 6 du CSSPF sur les sché-mas de service et à son rapport sur la situation économique et financière du systèmeferroviaire français, la prise en compte complète et à un niveau significatif desavantages socio-économiques et environnementaux de chaque mode.

Cette prise en compte recouvre notamment :– des choix multimodaux fondés réellement sur des bilans socio-économiques, cequi ne correspondrait qu’à l’application de la LOTI de 1982 ;– des financements également multimodaux, comme le préconise le dernier « Livreblanc » de la Commission européenne et surtout comme le pratiquent ou le pratique-ront bientôt plusieurs pays d’Europe ;– des procédures transparentes accompagnées de débat public et de contrôledémocratique.

La réforme et le développement du mode ferroviaire 49

Page 50: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 51: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Chapitre III

La réforme et l’efficacitééconomique du système

ferroviaire

Page 52: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 53: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Depuis 1996, dernier exercice avant la réforme du système ferroviaire, le trafic ferro-viaire s’est développé et la productivité globale a nettement augmenté.

Il n’est pas possible d’isoler au sein de ces évolutions globales un impact mesurable dela réforme ni même de distinguer précisément ce qui provient des efforts propres de laSNCF et ce qui résulte d’une conjoncture économique porteuse. En revanche, plusieursenseignements peuvent être tirés de l’analyse des processus nouveaux générés par lacréation de RFF.

L’efficacité globale du système ferroviairede 1996 à 2000

Trois constats majeurs peuvent être faits sur la période 1996-2000 (cf. rapport auCSSPF de 09/2001 sur la situation économique et financière du système ferroviaire fran-çais et annexe 16 du présent rapport) :– le trafic a augmenté de 17 % pour les voyageurs et de 15 % pour le fret ; les recettestotales de trafic, hors SERNAM, se sont accrues de 9,2 GF (+23 %) ;– la productivité physique de la SNCF, exprimée en UKE par agent et mesurée horsSERNAM, s’est accrue de 15 % ; le volume d’UKE s’accroît de 16,6 % et les effectifsmoyens de personnel sont en légère hausse de 1,4 % ; du fait de la réduction du tempsde travail à 35 h en 2000, le nombre d’UKE par heure de travail augmente de 24 % ;– l’excédent brut d’exploitation (EBE) du système ferroviaire (SNCF+RFF) s’est accru, àméthodes comptables comparables, de 8 GF en 1996 à 11,6 GF en 2000 ; le gain propreau système est de 3,2 GF, la variation des apports de l’État et des collectivités netted’impôts étant de (+0,4 GF). Cette amélioration d’EBE provient de la seule SNCF, RFFne dégageant structurellement qu’un EBE minime hors des facturations entre les deuxétablissements.

Ces quelques chiffres suffisent à montrer que l’efficacité d’ensemble du système fer-roviaire a progressé de façon nette. Les actions de la SNCF ont permis d’amplifier lesimpacts de la croissance économique générale (PIB +12 %).

La croissance du trafic ferroviaire ne s’est pas toujours accompagnée d’une améliora-tion de la qualité de service rendue au client. Ainsi la régularité s’est dégradée pour tou-tes les activités, surtout pour le fret : 23,1 % de trains en retard 1 en 2000 contre 16,9 %en 1996. L’insuffisance de moyens a généré aussi une forte augmentation des trainsfret « calés » 2 en 2000, malgré les mesures d’urgence prises par la SNCF. Les représen-tants des chargeurs à divers titres (AUTF, chambres de commerce et d’industrie) et ceuxdes usagers voyageurs (FNAUT) sont intervenus fréquemment au cours des réunionsdu CSSPF pour s’inquiéter de la mauvaise qualité du transport de fret ferroviaire. Cesquestions portent notamment sur le transport combiné, dont l’offre actuellement peu

La réforme et l’efficacité économique du système ferroviaire 53

1. Retards de plus de 14 minutes à l’arrivée dans les triages, mesurés sur un ensemble de trains désignés.

2. Trains dont l’acheminement a été ralenti ou différé pour divers motifs dont les principaux sont le manque d’enginsmoteurs ou/et de conducteurs.

Page 54: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

compétitive avec la route freine son accroissement, pourtant indispensable au dévelop-pement durable.

Les effets de la réforme sur l’efficacitédu système ferroviaire

Les effets directement identifiables de la réforme sur la productivité du système ferro-viaire sont les suivants :– le volume de trafic n’a pas augmenté à ce titre ;– le budget de fonctionnement prévu par RFF pour 2001 est de 221 MF : 134 MF decharges de personnel pour un effectif moyen de 290 agents, et 87 MF de consomma-tions intermédiaires ;– l’impact sur la productivité globale est légèrement négatif, de l’ordre de 3 pour mille,en rapportant ces 221 MF aux charges d’exploitation courante du système ferroviaire(83 GF prévus en 2001 pour le total SNCF+RFF. Cf. rapport au CSSPF de 09/2001 sur lasituation économique et financière du système ferroviaire français).

Les questions sont en fait plus complexes :– quels sont les gains d’efficacité apportés par l’exercice d’une maîtrised’ouvrage distincte de la SNCF sur l’infrastructure ?– quelles sont les charges supplémentaires générées par cette nouvelle organisa-tion, comprenant non seulement les moyens propres de RFF mais aussi les moyensconsacrés par la SNCF à son interface avec RFF ?

Il n’est pas possible de répondre de façon chiffrée à ces questions, car la mesure de per-formance dans la gestion de l’infrastructure est multiforme, forcément partielle, et ellenécessite un examen à long terme en raison de la durée de vie des installations.

L’identification des coûts de transactions entre les deux monopoles publics estelle-même très délicate. Au-delà des temps passés par le personnel SNCF et des systè-mes d’information développés pour facturer et renseigner RFF, l’énergie consacrée parl’encadrement du domaine infrastructure de la SNCF aux procédures demandées parRFF apparaît importante. À défaut d’approche globale et chiffrée, l’examen des proces-sus relatifs à l’infrastructure, avec analyse de quelques exemples, permet d’identifier lesavantages et les inconvénients de la nouvelle organisation.

Le processus des investissements

L’article 3 du décret no 97-444 du 5 mai 1997 relatif aux missions de RFF indique claire-ment : « RFF est le maître d’ouvrage des opérations d’investissement sur le réseau ferrénational » ; et il accorde à la SNCF un rôle consultatif, alors qu’elle assurait jusqu’en1996 l’ensemble des responsabilités.

Après un constat de l’application de la réforme aux principales composantes du proces-sus investissements, un point plus détaillé est effectué sur les avantages et inconvé-nients de la séparation maîtrise d’ouvrage/maîtrise d’œuvre entre les deux EPIC. Il

54 Chapitre III

Page 55: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

s’appuie notamment sur les témoignages très nombreux qui ont été apportés au CSSPFsur ce sujet.

L’application de la réforme

La séparation de principe des responsabilités entre RFF et la SNCF a du s’adapter à laréalité fonctionnelle des rôles et des compétences de chacun :– la finalité d’un investissement d’infrastructure est le service qu’il permet derendre à la clientèle ; seules les activités de transport de la SNCF peuvent actuellementdéfinir avec pertinence des projets de dessertes et prévoir en cohérence les augmenta-tions de trafic et de recettes attendues ;– la plupart des projets comportant un volet infrastructure s’accompagnentd’investissements plus ou moins importants sur le matériel roulant et sur les ins-tallations fixes qui restent de la responsabilité directe de la SNCF (gares, pôles d’échan-ges, équipements d’exploitation, ateliers) ;– la validation technique d’un projet d’infrastructure passe obligatoirement parun examen approfondi de l’ensemble des conditions d’exploitation futures,notamment les interactions entre activités, les possibilités effectives de traitement descirculations en gare, la gestion des situations perturbées prévisibles. Seul l’exploitantferroviaire peut remplir cette mission ;– la décision doit donc s’appuyer sur un bilan socio-économique intégrantl’ensemble des paramètres et un dossier technique probant ; l’optimisation dumontant des péages perçus motive certes RFF, mais ce critère est beaucoup trop réduc-teur pour jouer dans la décision d’ensemble ; en revanche, il est nécessaire pour identi-fier les impacts financiers pour chaque acteur.

La maîtrise d’ouvrage des investissements est confiée à RFF, mais le processus esten réalité très itératif avec la SNCF et celle-ci continue à jouer un rôle majeur,même si le décret ne parle que de sa « consultation ». Les ambiguïtés de positionne-ment des deux établissements sont plus ou moins bien vécues de part et d’autre et necontribuent pas à une efficacité maximale.

Une vision très formelle du rôle de chacun a même failli conduire à exclure la SNCF de lasignature des conventions cadres régionales pour définir les conditions de réalisation etde financement des projets retenus dans les contrats de plan État-régions (CPER) au titredu XIIe Plan. Cette situation s’est finalement produite dans quatre régions. La construc-tion ou l’aménagement d’une infrastructure ne doit pas faire oublier l’objectif réeldes régions, qui est d’améliorer les services de transport. L’État a lui-même retenucette logique pour l’établissement des schémas de services collectifs de transport.

L’ambition naturelle de RFF est d’assumer sa fonction de maître d’ouvrage de façonplus complète et plus autonome, en intégrant, par exemple, les prévisions de trafic etde dessertes comme l’ont revendiqué certains de ses dirigeants, mais aussi le représen-tant de son personnel au CSSPF. La direction de l’ingénierie SNCF, appui majeur de RFFpour les études techniques, est ainsi incitée à développer des compétences sur les des-sertes, les prévisions de trafic et les bilans socio-économiques en faisant appel si néces-saire à la sous-traitance externe. Finalement la direction de l’ingénierie setransformerait en cabinet d’études contournant le rôle essentiel des activités de trans-port de la SNCF. Est-ce le bon processus ? La SNCF confirme que les dessertes et les pré-visions de trafic associés relèvent bien de son rôle de transporteur.

La réforme et l’efficacité économique du système ferroviaire 55

Page 56: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Les témoignages de ces difficultés d’articulation sont nombreux. Ainsi les réservesimportantes de la SNCF sur le dossier d’instruction mixte à l’échelon central (IMEC) desquatre grands projets inscrits au contrat de plan de la région PACA illustrent concrète-ment la plupart des analyses avancées ci-dessus (cf. annexe 17).

En fait, l’imbrication des rôles est telle qu’elle nécessite un mode de fonctionne-ment très coopératif, qui n’est pas toujours facilité par le formalisme contractuelqui s’est mis en place entre RFF et la SNCF. L’enjeu commun est important : faire faceaux études puis à la réalisation d’investissements d’infrastructure prévus en très forteaugmentation : 22 GF en 2004 pour 9,8 GF en 2000, selon les propositions de RFF auCIES de printemps 2000, incluant notamment la réalisation des contrats de planÉtat-régions.

La séparation maîtrise d’ouvrage (MOA) /maîtrise d’œuvre (MOE)entre les deux établissements publics

La séparation MOA/MOE a été formalisée à la SNCF en 1995. C’est une exigence nor-male du management pour une entreprise gérant des projets, au même titre que laséparation entre l’ordonnateur des dépenses et le contrôleur financier (cf. l’audition deM. Schaer, directeur de l’Ingénierie SNCF). Son application, dans le cadre de la réforme,apporte théoriquement :– des avantages : approche fonctionnelle plus ouverte, multiplication des variantesétudiées, maîtrise des coûts due à la mise en concurrence, meilleur reporting desdépenses, assurance qualité et qualité formelle des dossiers, transparence plus grandepour les élus et les usagers ;– des inconvénients : formalisme et lourdeur de la contractualisation, manque desouplesse et de réactivité, difficulté à prendre en compte le système ferroviaire existantet ses contraintes, allongement des délais, lourdeur du reporting, coûts de transaction.

Les avantages de la double expertise sont mis en avant par la FNAUT et par M. Gallois,président de la SNCF, qui reconnaît un rôle important à RFF dans la définition d’un iti-néraire court de jonction TGV Atlantique/Sud Est via Orly en lieu et place du projet ini-tial de barreau à travers l’Essonne, coûteux et difficilement réalisable. Des responsablesde la SNCF avaient, semble-t-il, émis une proposition de ce type des années auparavant,mais ils n’avaient pas été entendus.

En contrepoint, M. Zettel, secrétaire général de l’association Trans-Europe TGV Rhin-Rhône-Méditerranée, évoque « la tentative de remise en cause par RFF, sous couvertd’optimisation, des caractéristiques techniques de la branche Est [du TGV Rhin-Rhône]et de ses performances, définies pourtant par un cahier des charges approuvé en 1994par le gouvernement, pour en réduire le coût. Des études ont été commandées à ceteffet à l’extérieur de la SNCF, dont les cahiers des charges n’ont même pas été présen-tés aux régions, alors que celles-ci cofinançaient ces études dans le cadre de la conven-tion de financement des études préparatoires à la DUP de la branche Est. Par ailleurs,RFF ayant pris pour postulat la mixité fret et voyageurs de la future branche Sud du TGVRhin-Rhône, les gains de temps de parcours affichés pour les liaisons voyageurs ont étécalculés sur la base d’une vitesse commerciale de 320 km/h, alors même que cettevitesse, en raison des contraintes d’exploitation induites par la mixité des trafics, estincompatible avec celle-ci, ce que RFF a dû admettre par la suite ».

56 Chapitre III

Page 57: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

M. Michel, délégué régional de RFF estime que la double expertise de RFF et de la SNCFsur un même projet auprès des élus peut favoriser sa promotion ; mais plusieurs décla-rations de personnes auditionnées par le CSSPF évoquent a contrario des attitudes deRFF auprès des élus franchement critiques vis-à-vis de la SNCF (TGV Lyon-Turin, TGVRhin-Rhône, pendulaire...).

M. Messulam, directeur régional de la SNCF, pense que l’organisation qui prévautdepuis la réforme peut permettre à certains dossiers de bénéficier d’une gestion plusdynamique alors que M. Thouzeau, au nom de la CFDT, évoque le manque de réactivitéentraîné par la réforme. M. Martel, directeur des opérations à RFF, insiste sur les consé-quences bénéfiques de la réforme sur la réduction des coûts d’infrastructure.

M. Couvert estime que « l’optimisation tourne souvent au perfectionnisme ». Il craintque ce ne soit au détriment des délais. Il évoque les tensions permanentes et les risquescourus sur le TGV Méditerranée, comme le confirme son interview dans le journal LesInfos d’informations internes de la SNCF : « Le planning était trop tendu ? Sans douteet, j’allais dire, comme toujours ! Mais cette situation, que nous avions déjà connuepour de précédentes LGV, a été aggravée par la création de RFF en 1997 et par la redis-cussion que son arrivée a engendrée sur certains dossiers déjà lancés par la SNCF. Ima-ginez qu’on débattait encore à la fin de 1997 de l’opportunité d’accroître la capacitéd’accès à la gare de Marseille et d’y construire un nouveau poste d’aiguillage ! »

M. Messulam attire l’attention sur les limites de la séparation MOA/MOE pour les projetstouchant au réseau en exploitation. Parmi de nombreux exemples, il indique : « Le coût réeld’installation d’un poste d’aiguillage en cours d’exploitation ferroviaire peut atteindre troisfois le coût théorique “sur étagère” de ce même poste. Ceci renvoie à la question du mon-tant des surcoûts acceptables, et de savoir qui de la SNCF ou de RFF va payer. »

Le formalisme et la lourdeur des contrats qui les lient pour l’instruction et la réalisationdes investissements sont évoqués tant par la SNCF que par RFF. La construction d’unnouveau système de gestion et de facturation par projet a provoqué de grandes diffi-cultés. Il est vrai qu’elle a été engagée dans le cadre d’une refonte générale du systèmecomptable de la SNCF que M. Gallois justifie ainsi : « On ne pouvait pas interpréterconvenablement les comptes de la SNCF avant 1996, parce qu’on n’avait pas affaire àune véritable comptabilité d’entreprise. »

Ainsi, M. Le Reste (CGT) trouve que « la réforme a bâti une “usine à gaz” et conduit à labureaucratisation du système ferroviaire, avec d’importants coûts supplémentairesgénérés ». M. Dianoux, au nom de Sud-Rail, évoque une « bureaucratie colossale », ens’appuyant sur son propre vécu professionnel à la fonction équipement. Il a le sentimentque la présentation extérieure des études est devenue plus importante que le fond.

La fonction de commanditaire-payeur de RFF, selon le terme employé par son prési-dent, prend une ampleur encore plus forte au stade de la réalisation des investisse-ments par la SNCF. En pratique, plusieurs milliards de francs de travaux réalisés par laSNCF ne sont pas payés par RFF pour cause de factures non présentées ou non confor-mes. Cet en-cours est relativement permanent et il détériore la trésorerie de la SNCF.

Beaucoup critiquent les coûts de transactions dus à la duplication des moyens, à labureaucratie, au temps passé et à l’énergie dépensée jusqu’à l’usure (M. Gallois), auxcontrôles tatillons. M. Giordano, représentant au CSSPF du personnel de RFF estime enpartie vraie cette appréciation sur le niveau de détail des contrôles et il l’explique par lefait que RFF a des comptes à rendre.

La réforme et l’efficacité économique du système ferroviaire 57

Page 58: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Pour M. Couvert : « La loi sur la maîtrise d’ouvrage publique (MOP) n’est concrètementapplicable que pour les grandes opérations. Or les investissements ferroviaires recou-vrent aussi des milliers de petites opérations. Une application intégriste de la loi MOPcrée donc des coûts de transactions très élevés (...). Un directeur d’opération déléguéde RFF doit viser toutes les factures, et tout marché de plus de 250 000 francs doit êtresoumis à RFF, ce qu’on peut estimer un peu délirant. »

M. Messulam met en avant la dérive des délais et la multiplication des avis que renforceencore l’allongement des procédures administratives. M. Aubin, pour la CFTC, constatela lenteur de l’instruction des projets. La FNAUT évoque une période de rodage.

Il apparaît que la séparation MOA/MOE peut difficilement être efficace dans unsystème ferroviaire partagé entre « deux établissements publics dont les intérêtsfinanciers immédiats sont exactement opposés », comme l’exprime le rapport duCSSPF sur la situation économique et financière du système ferroviaire français. Si,comme le dit le président de la SNCF, la SNCF et RFF sont d’accord sur les grandes orien-tations stratégiques pour le développement ferroviaire, il n’en est pas de même sur laconduite des projets d’investissements, selon le directeur délégué exploitation de laSNCF.

En effet, la relation entre MOA et MOE reste une question classique de techniquede management des projets, distincte de la question plus spécifique de la relationentre gestionnaire d’infrastructure et entreprise de service ferroviaire, avec une néces-saire dépendance du premier par rapport aux besoins du second.

La circulaire « Seligman » du 28 décembre 2000 a théoriquement clarifié les rôles de laSNCF et de RFF dans la conduite des études et mis en évidence les processus complexesde mise au point des projets avec tous les acteurs concernés aux niveaux national,régional et local. Elle a aussi confirmé clairement que la SNCF assure le pilotage des étu-des de dessertes et des prévisions de trafic. Cependant, RFF n’applique qu’en partie cesdirectives, ce qui peut conduire la SNCF à refuser des conventions d’études contraires àla circulaire, de façon à protéger ses intérêts en termes d’exploitation ultérieure des ins-tallations d’infrastructure nouvelles. La rigueur professionnelle de la SNCF sur ce pointest quelquefois mal comprise par les autres acteurs, qui souhaitent ne pas voir rejetertrop rapidement certaines solutions pour des raisons techniques. Ainsi, les étudesd’aménagement de l’axe Bordeaux-Narbonne n’ont pu démarrer qu’avec six mois deretard.

Les collectivités apprécient généralement de pouvoir s’adresser à l’un et à l’autre desdeux EPIC, quitte à le regretter quand une controverse entre RFF et la SNCF se durcit etse prolonge exagérément sur certains aspects d’un projet. Pour la FNAUT, c’est juste-ment un des intérêts majeurs de la réforme de faire émerger des enjeux importantspour la société et les utilisateurs au grand jour alors qu’avant la SNCF en décidait sou-vent seule, en interne et sans aucune concertation.

Conclusions sur l’efficacité du processus d’investissements

L’analyse conduit à un bilan contrasté fondé sur quatre constats principaux, deux posi-tifs et deux négatifs :– une amélioration de la pertinence des investissements ou une réduction descoûts à fonctionnalités identiques sont obtenues dans certains cas grâce à l’avis de

58 Chapitre III

Page 59: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

RFF et à l’étude plus exhaustive par la SNCF de nombreuses variantes sur demande deRFF ;– la possibilité avec RFF d’avoir recours à une autre expertise que celle de laSNCF, perçue souvent comme un monopole technocratique dont les avis étaient sansappel, est aussi un avantage pour certains élus. Cette problématique a cependant fon-damentalement changé pour le TER. Les régions deviennent autorités organisatrices, etla SNCF devient leur opérateur selon un schéma comparable à celui des services régio-naux de voyageurs en Île-de-France ;– des coûts de transaction supplémentaires résultent de la séparation complexedes rôles entre RFF et SNCF qui ne se résume pas à une distinction maîtrised’ouvrage/maîtrise d’œuvre. La formalisation comptable de facturation des presta-tions ferroviaires renforce la lourdeur des procédures. Il est très difficile de chiffrer cescoûts de transaction, hormis l’identification des dépenses de fonctionnement de RFF.L’augmentation des coûts à la SNCF est réelle, mais seul un audit approfondi permettraitd’en cerner l’ordre de grandeur. Le président de la SNCF a clairement mentionné que lesprocédures en place depuis 1997 « usaient » littéralement les cadres de la SNCF ;– l’allongement des délais d’instruction des dossiers pénalise l’avancement desprojets. L’étude de variantes supplémentaires à la demande de RFF et la complexitémême des procédures d’articulation RFF/SNCF demandent du temps. Au moment oùles volumes d’investissement s’accroissent fortement, cette situation accentue lesretards de mise en œuvre, notamment pour les contrats de plan État-région. Il est vraique les obligations légales et réglementaires de débats et de consultations de toutes lescollectivités, associations et organismes d’État concernés par un projet se sont alour-dies ces dernières années et entraînent aussi des délais supplémentaires qui peuventêtre importants. La réforme y a ajouté les délais spécifiques à l’articulation RFF/SNCF.

La réforme a apporté des améliorations sur la qualité de la concertation et desdécisions relatives à certains projets d’investissement, mais au prix d’importantscoûts de transaction et d’un allongement des délais d’instruction pour tous lesprojets.

La convention de gestion de l’infrastructure

La « convention entre RFF et la SNCF pour la gestion du trafic et des circulations sur leréseau ferré national et l’entretien de ce réseau » a pour objet de fixer notamment :– les conditions d’exécution des missions confiées par RFF à la SNCF ;– les conditions de rémunération de la SNCF ;– les objectifs à atteindre par la SNCF ;– les modalités de contrôle de l’exécution.

La facturation s’effectue sur la base d’un forfait global annuel budgété, 16 546 MF en2001. S’y ajoutent 719 MF au titre d’une convention spécifique de gestion du patri-moine, isolée à partir de 1999.

Les enjeux de cette convention sont importants : c’est le premier poste de dépensesde RFF, et elle représente l’emploi d’un tiers des cheminots. C’est aussi la traductiond’un aspect original de la réforme ferroviaire française : RFF délègue à la SNCF la ges-tion et la maintenance du réseau, pour garantir la qualité et la sécurité de la circulationdes trains.

La réforme et l’efficacité économique du système ferroviaire 59

Page 60: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Un avenant annuel définit notamment le montant forfaitaire de rémunération et lesmodalités d’application des règles qui le sous-tendent. L’avenant no 2 d’avril 2000 etl’avenant no 3 de juillet 2001 précisent en particulier que la modulation des rémunéra-tions en fonction du respect des objectifs de performance fixés (article 17 de la conven-tion) ne sera pas, à titre transitoire, mise en œuvre en 2000 et 2001. La définition desfamilles géographiques et des fonctionnalités qui structurent la fourniture d’indica-teurs de performance et de qualité de service par la SNCF n’est clairement fixée qu’en2001. RFF estime que les informations fournies par la SNCF restent très insuffisantes,même si des progrès existent.

Trois ou quatre ans après l’engagement de la réforme, ces constats montrent que lepouvoir d’orientation de RFF en matière d’entretien du réseau et d’exploitationreste faible. La convention de gestion n’a pas joué le rôle actif attendu.

Les redevances d’infrastructure

Les aspects économiques et financiers des redevances d’infrastructures sont analysésau chapitre I du présent rapport. Les éléments qui concernent plus directement l’effica-cité de ce processus État-RFF-SNCF sont repris ci-après.

La SNCF n’a pas encore pris en compte les redevances d’infrastructure détaillées pourdéterminer sa politique d’offre. Cependant le niveau atteint par les péages rend lesmarges négatives sur de nombreuses relations, y compris TGV. En toute logique écono-mique, la SNCF devrait réduire son offre sur ces relations, ce qui irait à l’encontre de sapolitique de volume soutenue par les pouvoirs publics.

La facturation des redevances relève d’un forfait global annuel arbitré par l’État,et décliné par la SNCF à titre indicatif pour établir des comptes d’activité. Des barèmesde prix sont fixés par décret, souvent à exercice échu, et la facture ne résulte pas de leurapplication aux sillons et aux trains-km demandé par la SNCF. Les redevancesd’infrastructure apparaissent avant tout comme une variable d’ajustement parl’État des résultats de la SNCF et de RFF.

En principe, à partir de 2002, le système de facturation forfaitaire globale devrait céderla place à une facturation détaillée, reposant sur les barèmes fixés par arrêtés et sur lesunités d’œuvre réellement consommées. Les outils informatiques nécessaires se met-tent en place, mais ils auront probablement besoin d’une période de rodage.

Aucun gain d’efficacité ne peut être retenu au titre des redevances d’infrastruc-tures, même si le dispositif partiel actuel est censé préparer la facturation future deredevances à d’éventuels nouveaux entrants, dans le cadre des directives de la Commu-nauté européenne.

Conclusion : un bilan discutable

De 1996 à 2000, grâce à une forte croissance des trafics, le système ferroviaire a accrunettement sa productivité.

60 Chapitre III

Page 61: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

La réforme de 1997 n’a pas influé de façon tangible sur ces gains d’efficacité, sauf àconsidérer que le rééquilibrage de ses comptes pourrait avoir redonné à la SNCF uneplus grande volonté d’entreprendre.

La création de RFF a rendu plus claire, dans le principe, la séparation infrastruc-ture/transporteur, mais la SNCF reste le maître d’œuvre pour l’infrastructure, et sesactivités de transport élaborent les projets de service qui initient et justifient le dévelop-pement d’infrastructures nouvelles.

En terme de pertinence de projets d’investissements ou d’économies sur les coûts desprojets, des gains ponctuels résultent du rôle de RFF. En regard, les coûts de transac-tions supplémentaires sont systématiques et importants.

Entre les gains possibles résultant d’une « double expertise » par RFF et les coûtssupplémentaires correspondants, le bilan chiffré est impossible à établir. Laréforme a surtout modifié le processus relatif aux investissements d’infrastructure. Sonimpact sur l’efficacité globale du système ferroviaire entre 1997 et 2001 est discutable.À court et moyen terme, celle-ci dépend essentiellement des activités de transport de laSNCF.

La réforme et l’efficacité économique du système ferroviaire 61

Page 62: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 63: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Chapitre IV

La réforme et la sécuritédes circulations

ferroviaires

Page 64: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 65: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

La sécurité constitue une spécificité fortedu système ferroviaire

L’exposé des motifs de l’avis no 3 du CSSPF sur le « paquet ferroviaire » européenévoque les spécificités du système ferroviaire :– des spécificités économiques : une activité à faible rentabilité ;– des spécificités d’exploitation : des réseaux et des services intégrés ;– des spécificités de sécurité : un impératif permanent ;– des spécificités du contexte concurrentiel : l’absence d’harmonisation entre modesde transport aux plans social, environnemental et économique.

Le texte de l’avis adopté le 4 octobre 2000 par le CSSPF présente ainsi les spécificités desécurité :« Le transport ferroviaire est avec l’avion le mode de transport le plus sûr. Cela est dû aufait que la sécurité est à la fois la conséquence et une exigence de la technique ferro-viaire et bien sûr un impératif commercial vis-à-vis des voyageurs et des chargeurs :– la sécurité comme conséquence de la technique ferroviaire : le système ferro-viaire se caractérise par une forte intégration entre l’infrastructure et le mobile. Cettetechnique du transport guidé par rails, conjuguée à la programmation des circulations,constitue la base la plus solide de la sécurité du mode ferroviaire ;– la sécurité comme exigence de la technique : la sécurité repose aussi beaucoupsur les hommes et les femmes qui font le chemin de fer car tous les métiers du rail ycompris les métiers commerciaux sont astreints à des fonctions de sécurité. La forma-tion, l’habilitation et les conditions sociales du personnel constituent un élément fortde la sécurité au travers du facteur humain. La sécurité est, en effet, une exigence forted’une technique qui ne peut fonctionner dans « l’à-peu-près » : le respect des horaireset des consignes à tous les niveaux est intrinsèquement lié à la sécurité. Cela plaided’ailleurs en faveur du caractère intégré du mode ferroviaire ;– la sécurité comme impératif commercial pour les clients et comme objectif per-manent pour les entreprises du secteur ferroviaire : c’est un argument de vente pri-mordial et un élément de la qualité de vie de nos concitoyens qu’on ne peut négliger,d’autant plus que la route, principal concurrent du rail, a du mal à réduire le nombred’accidents. Ainsi, la mise en concurrence, en multipliant les acteurs, relevant par sur-croît d’organismes différents et rivaux, ne peut que fragiliser un système dont le carac-tère intégré est le meilleur garant de la sécurité ;– la sécurité comme exigence collective : la gestion de la sécurité du système intégrépar un responsable unique, également chargé du service opérationnel, donne l’assu-rance aux autorités d’une maîtrise globale et d’une responsabilité identifiée sur le sys-tème ferroviaire. »

La sécurité du système ferroviaire repose sur les techniques de guidage roue-rail et surla programmation des circulations, mais n’est pas intrinsèque à ces techniques : l’acti-vité ferroviaire reste une activité à risque.

Elle exige par conséquent :– des normes strictes codifiées dans un document (référentiel) ;– des matériels roulants, infrastructures et équipements de sécurité, garantissant lerespect de ces normes ;

La réforme et la sécurité des circulations ferroviaires 65

Page 66: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

– des personnels qualifiés assurant la gestion opérationnelle (avec formation initiale etcontinue, habilitation...) ;– une organisation rigoureuse ;– un système de contrôle permanent.

De plus, la sécurité nécessite la capacité à rendre le système ferroviaire cohérent auniveau de sa conception et de son adaptation permanente.

Le statut des cheminots trouve ainsi sa justification dans :– la stabilité nécessaire des personnels astreints à la gestion d’un système complexe ;– la protection de la capacité des agents à utiliser leur libre arbitre pour le respectrigoureux de la sécurité ;– l’utilisation particulière des hommes (horaires décalés, astreintes, continuité de ser-vice, travail solitaire...) et les conditions sociales qui en résultent.

Le système de sécurité est en constante adaptation et toute adaptation en ce domaineest source de risques supplémentaires :– avancées technologiques dans toutes les composantes du système et dans leursinterfaces (contrôles/commandes, radio sol-train...) ;– internationalisation croissante du trafic ;– contexte institutionnel européen en permanente évolution, particulièrement désta-bilisante dans des métiers où un minimum de sérénité doit prévaloir ;– harmonisation européenne.

Un premier bilan depuis la réforme de 1997 :la stabilité

Au vu des rapports sécurité établis chaque année par la SNCF, aucun changement per-ceptible n’apparaît depuis la réforme de 1997 pour les principaux indicateurs de lasécurité du système ferroviaire, qu’il s’agisse :– des événements « critiques » contraires à la sécurité, accidents ou quasi-accidentssurvenus sur voies principales ou engageant le gabarit de celles-ci qui ont atteint oucompromis la sécurité des personnes se trouvant dans le train : collisions entre deuxtrains ; collisions train/obstacle ; collisions train/manœuvre ; collisions aux passages àniveau (PN), pour lesquelles d’ailleurs la responsabilité est routière dans plus de 97 %des cas ; déraillements de trains ;– ou des indicateurs plus ciblés par cause : nombre de franchissements de carrés(signaux ferroviaires d’arrêt absolu) ; collisions contre un heurtoir ; nez à nez avec colli-sion ; réceptions sur voie occupée ; rattrapages ou pénétrations intempestives en can-ton occupé ; prises en écharpe ; dérives sur voie principale ; incidents contraires à lasécurité (pour cet indicateur, la définition a changé en 1997, ce qui augmente lenombre d’incidents, mais la tendance n’est pas modifiée si l’on se réfère à l’anciennedéfinition).

Il faut bien entendu conserver à l’esprit que la sécurité est un domaine soumis aux aléaset où, par ailleurs, les changements de tendance peuvent être lents à se faire jour.

66 Chapitre IV

Page 67: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

En ce qui concerne les investissements consacrés à la sécurité (cf. annexes 18 et 19), onassiste à une baisse sensible des dépenses du système ferroviaire qui prolonge,d’ailleurs, une décroissance observée depuis le niveau record atteint en 1993 et 1994en raison du programme KVB (contrôle de vitesse par balises) lancé en 1989. Hors KVB,la baisse est continue depuis 1989.

Depuis la réforme et hors KVB, les dépenses de RFF sont passées de 1 GF (milliard defrancs) en 1997 à 0,5 GF en 2000 tandis que celles de la SNCF ont crû de 0,2 GF à 0,3 GF.Concernant les passages à niveau, les dépenses qui relèvent de RFF sont aussi en baissesensible de 99 MF (millions de francs) en 1997 à 22 MF en 2000, mais la tendance est àla baisse continue depuis les 306 MF de 1987.

Enfin, concernant la maintenance du réseau, les investissements de régénération sontaussi en légère baisse (de 4 345 MF en 1999 à 4 240 MF au budget 2001). Ces baissesont eu lieu malgré la reconnaissance d’un retard antérieur, qui avait d’ailleurs motivél’élaboration d’un programme prioritaire de remise à niveau du réseau de 2 GF (entre-tien et investissement), dans la première phase du projet industriel de la SNCF (pro-gramme réalisé environ à 55 % entre 1997 et 1999).

L’organisation du système ferroviairefrançais et la sécurité

La séparation institutionnelle du système ferroviaire français entre la SNCF et RFFa conservé une gestion opérationnelle unique au sein de la SNCF, au nom de lasécurité.

L’article 1er de la loi du 13 février 1997 créant RFF stipule en effet : « Compte tenu desimpératifs de sécurité et de continuité du service public, la gestion du trafic et des circu-lations sur le réseau ferré national ainsi que le fonctionnement et l’entretien des instal-lations techniques et de sécurité de ce réseau sont assurés par la Société nationale deschemins de fer français pour le compte et selon les objectifs et principes de gestiondéfinis par Réseau ferré de France. Il la rémunère à cet effet. »

L’article 6 du décret relatif aux missions et aux statuts de RFF précise : « Afin d’assurer lasécurité des personnes et des circulations, RFF confie à la SNCF une mission de maîtrised’œuvre pour les opérations sur le réseau en exploitation. »

Enfin le nouveau décret du 30 mars 2000 relatif à la sécurité du réseau ferré nationalréaffirme le rôle essentiel de la SNCF en matière de sécurité :– préparation par la SNCF du dossier préliminaire de sécurité qui, pour tout nouveausystème de transport ou modification d’un système existant, formalise, précise et jus-tifie les objectifs de sécurité retenus ainsi que les moyens de les atteindre, les moyensde preuve et les moyens de les maintenir dans le temps ;– démonstration, au moyen d’un dossier de sécurité, du respect des exigences essen-tielles et des dispositions du dossier préliminaire de sécurité ;– élaboration du règlement de sécurité de l’exploitation du réseau ferré national, rôlecentral de la SNCF vis-à-vis des autres exploitants dans le respect des règles de sécurité,notamment en cas de manquements graves (allant jusqu’à l’arrêt de circulations).

La réforme et la sécurité des circulations ferroviaires 67

Page 68: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Par ailleurs, afin d’accompagner les évolutions du transport ferroviaire, tant en Francequ’au sein de l’Union européenne, le ministre chargé des Transports a décidé la créa-tion d’un bureau de la sécurité des transports ferroviaires en charge des missions deréglementation, de délivrance d’autorisation d’exploitation des nouveaux systèmes etde contrôle de l’évolution du niveau de sécurité.

En pratique, la SNCF continue d’être en première ligne en ce qui concerne la sécu-rité des circulations mais les moyens correspondants dépendent désormais deRFF. Pour le président de la SNCF, présentant son projet industriel, la sécurité continued’être « la base de sa mission ». M. Le Reste estime, au nom de la CGT-SNCF, ceci : « Lecaractère d’entreprise intégrée de la SNCF avait marqué toute son histoire et permis degarantir les fondamentaux de la production ferroviaire que sont la fiabilité, la régularitéet la sécurité des circulations, et il est évident pour chacun que RFF n’a rien arrangé. »

Selon les documents de la société allemande des chemins de fer (DBAG) : « La responsa-bilité globale pour la sécurité de l’exploitation ne peut être prise que si les composantesrelatives à la sécurité de la voie et des véhicules peuvent être contrôlées et optimiséespar une seule main. Le meilleur niveau de sécurité garanti par le rail en comparaisonavec la voiture ou l’avion est obtenu, entre autres, grâce à l’harmonisation optimaleentre les installations de signalisation se trouvant sur les voies et sur les véhicules. Cetensemble a été développé sur la base d’années d’expériences d’exploitation dans untravail coordonné en parallèle pour les véhicules et l’infrastructure. »

De même la LITRA (service suisse d’information des transports publics) affirme dans sa« charte pour des chemins de fer prospères » de janvier 2001 : « Les facteurs essentielsde succès des chemins de fer (sécurité, ponctualité, correspondance, coûts) découlentde l’étroite harmonie entre le domaine du transport et celui de l’infrastructure.Cette responsabilité doit demeurer dans une seule main. »

Selon le président de la SNCF : « Le maintien d’une articulation très étroite entre quatreéléments est absolument indispensable à tout système ferroviaire : la maintenance et laplanification des travaux ; le graphique de circulation des trains ; la sécurité des circula-tions ; la gestion des situations perturbées. Cette articulation est indispensable pour lafiabilité, la disponibilité et la qualité de l’exploitation ferroviaire et surtout pour la sécu-rité des circulations. »

Le rapport partiel du groupe de travail « Sécurité » du CSSPF n’estime pas souhai-table, au plan de la sécurité, d’aller plus loin dans la séparation telle qu’elle estorganisée par la loi de 1997. Dans son audition par le CSSPF, le président de RFF,« partage ce point de vue, car cela marche bien ainsi, et en matière de sécurité, la stabi-lité des organisations, et la bonne définition des responsabilités de chaque acteur, sontdes impératifs catégoriques ». Il en est de même de la Fédération nationale des usagersdes transports (FNAUT), selon laquelle « la gestion du système de sécurité et de l’infras-tructure doit être mise dans les mêmes mains et confiée à la SNCF afin de permettre leretour d’expérience. Il nous paraît donc impératif de ne pas aller plus loin dans la sépa-ration des missions actuellement déléguées à la SNCF par la réforme et garantissantson caractère intégré ».

Compte tenu du maintien du niveau global apparent de la sécurité, les seuls facteursde risque dans une telle organisation peuvent provenir de la multiplicité des acteurs

68 Chapitre IV

Page 69: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

du système, ainsi que de la politique de dépenses d’exploitation et d’investisse-ments en matière de sécurité mais aussi de maintenance du réseau.

Les nouveaux entrants potentiels autorisés par le droit européen se multiplient eneffet : regroupements internationaux, transport combiné international et, au 15 mars2003, transport de fret international sur le Réseau transeuropéen de fret ferroviaire(RTEFF) et sur ses itinéraires d’accès et terminaux, puis sur tout le réseau au 15 mars2008. D’autres pourraient s’y ajouter par :– la proposition de règlement actuellement en discussion sur les exigences de servicepublic de voyageurs, qui concerne tous les transports de voyageurs, des TER aux TGV, etsur laquelle le CSSPF a voté l’avis no 4 du 15 novembre 2000 ;– le deuxième « paquet ferroviaire » que la Commission européenne a annoncé pourfin 2001 dans son « Livre blanc » du 12 septembre 2001, qui envisage l’ouverture pro-gressive du marché aux transports internationaux de voyageurs.

Les auditions du groupe de travail « Sécurité » du CSSPF ont montré en effet que la pro-babilité des incidents et accidents augmentait avec la croissance du nombre desacteurs. Le cas extrême de la Grande-Bretagne doit nous alerter sur les conséquencesnégatives d’une « fragmentation » du système ferroviaire. Déjà, dans les années 1840,sur la section Paris/Asnières parcourue par les trains de trois compagnies distinctes, lesaccidents donnaient lieu à une « guérilla permanente » entre les compagnies, selonM. Ribeill, historien des chemins de fer français, auditionné par le CSSPF. M. Fournier,ancien président de la SNCF, considère que « la multiplicité des opérateurs engendredes problèmes de coordination qui peuvent avoir des répercussions négatives enmatière de sécurité ». C’est d’ailleurs pour lui une des raisons légitimes pour « ne pasexclure le recours à une autre voie [que celle de la concurrence] qui est celle de la coo-pération entre les divers réseaux européens, si l’on veut enrayer le déclin du transportferroviaire ».

Les remarques qui précèdent se vérifient surtout pour le trafic international, qui devraitse développer en raison des atouts du chemin de fer sur les longues distances. D’ail-leurs, dans le cas de circulations interopérables, la responsabilité des États en matièrede sécurité peut les conduire à des conflits si les exigences de sécurité sont trop sensi-blement différentes. Les agents (mécaniciens, agents de formation des trains, agentsde reconnaissance des matériels, etc.) doivent respecter un nombre plus important denormes de divers pays en attendant la mise en œuvre progressive de l’interopérabilité.Celle-ci pourrait d’ailleurs diminuer les performances des convois, comme c’est, parexemple, le cas avec les règles communes d’interpénétration entre la France, la Bel-gique et le Luxembourg, instituées entre les trois exploitants principaux, SNCF, SNCB etCFL : perte de charge, de longueur et de vitesse pour les trains, comme la montré lavisite à Metz du groupe de travail « Sécurité » du CSSPF.

Lors de son audition M. Gernigon, expert en signalisation ferroviaire, a mis en gardecontre les modifications des systèmes de sécurité que pourrait apporter le processusd’interopérabilité : en effet, les référentiels de sécurité sont si étroitement liés aux tech-niques employées que toute évolution, dans ce domaine très sensible, pourrait entraî-ner des conséquences difficilement maîtrisables. Selon le président de la SNCF, larecherche de l’intéropérabilité sera « un travail très long et très compliqué, qui nepourra être que très progressif, selon un processus d’harmonisation lente, parce qu’àl’évidence la SNCF, pas plus qu’un autre, n’acceptera sur tel ou tel point de renoncer à

La réforme et la sécurité des circulations ferroviaires 69

Page 70: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

des règles de sécurité ». Sans renoncer à la sécurité, tous les réseaux devront toutefoistendre vers une harmonisation nécessaire à l’émergence d’un vrai chemin de fer euro-péen, en premier lieu sur le RTEFF.

En ce qui concerne les dépenses de sécurité et de maintenance du réseau, elles relè-vent majoritairement de RFF tant pour l’exploitation (convention de gestion) que pourl’investissement. Elles ont des conséquences, à plus ou moins long terme, sur les condi-tions de sécurité. Elles peuvent faire l’objet de divergences de vue avec l’exploitantSNCF et M. Andlauer (CFDT-SNCF) rappelle à ce propos « la démission de M. Mignauw,ancien directeur général délégué exploitation de la SNCF, après une controverse avecRFF sur la conception de la sécurité des circulations », lors de l’installation du contrôlede vitesse sur une partie du RER A. De son côté, M. Giordano (CGC-RFF) « estime qu’enl’occurrence, la position de RFF ne portait pas atteinte à la sécurité, mais posait la ques-tion de savoir s’il valait mieux investir là où peu de circulations étaient en jeu et pas plu-tôt là où passaient plus de circulations ».

Le président de la SNCF « affirme avec force que nul n’obligera jamais la SNCF à faire cir-culer des trains sur la base de solutions techniques qu’elle n’aurait pas faites siennes,dont elle penserait qu’elles sont risquées pour l’exploitation ferroviaire ». Il regrette queRFF réduise ses investissements dès lors qu’ils pèsent sans contrepartie sur son endette-ment (cf. le chapitre II du présent rapport). Les installations de sécurité et les passages àniveaux relèvent de cette catégorie et les dépenses correspondantes de RFF ont effective-ment baissé de moitié, soit -500 MF, en seulement quatre années comme on l’a vu (cf.annexes 18 et 19). M. Le Reste (CGT-SNCF) estime que le personnel de la fonction infras-tructure reste très attaché à l’esprit de sécurité mais se trouve « pressuré ».

Des discussions ont eu lieu dans le groupe de travail « Sécurité » du CSSPF, tant sur laréduction des dépenses d’investissement que sur l’introduction des critères économi-ques dans l’évaluation des projets concernant la sécurité. À Mme Questiaux deman-dant : « Que penser de l’approche britannique de la sécurité qui intègre unecomposante économique ? », le représentant de RFF a répondu que « cette approchen’est pas totalement absurde » et a demandé à son tour « s’il faut aller très au-delà dece qu’on fait, au risque de renchérir le coût ferroviaire et paradoxalement d’opérer untransfert de trafic vers la route dont la sécurité est bien moindre ». Mme Questiaux aconsidéré que « l’approche britannique n’est pas acceptable vis-à-vis de l’opinionpublique » et a fait remarquer « qu’à la suite de l’accident de Paddington, Railtrack, quiavançait cet argument, a dû faire marche arrière ».

Après que le représentant de RFF ait effectué un parallèle entre la sécurité des circula-tions ferroviaires et celle du transport routier de voyageurs par autocars, Mme Questiauxa réfuté une telle comparaison : « On ne peut pas dire qu’avec un peu moins de sécuritéferroviaire, on reste toujours meilleur que la route. Le discours britannique est dange-reux, car, au travers d’une approche qui se veut claire et pragmatique, il pourraitemporter l’adhésion de ceux qui veulent réduire le coût du ferroviaire. » L’accident deHatfield, en Grande-Bretagne, a d’ailleurs montré les conséquences néfastes d’uneprise en considération excessive du critère économique dans les questions de sécurité,quand la sécurité n’est plus une référence absolue de l’exploitation du réseau.M. Falempin (FO-SNCF), dans son audition devant le CSSPF, déplore lui aussi que « lasécurité repose de plus en plus sur des critères marchands et non sur son efficacitéintrinsèque et les méthodes indispensables pour en réaliser le bouclage ».

70 Chapitre IV

Page 71: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Conclusion : une séparation artificielle

Si le niveau global apparent de sécurité n’a pas baissé depuis la réforme de 1997,c’est que la SNCF en reste responsable au jour le jour et conserve la sécuritécomme un objectif absolu et permanent. En cas d’urgence, elle dépense même surses propres fonds dans des domaines où pourtant la loi confie conventionnellement laresponsabilité à RFF. La séparation SNCF/RFF est ici particulièrement artificielle.

De surcroît, la transition des systèmes de sécurité nationaux vers un système de sécuritéeuropéen visant à l’interopérabilité sera longue, difficile et coûteuse. Avant quen’émerge le système intéropérable nécessaire, cette phase sera très délicate pour lespersonnels et les techniques. Il ne paraît guère judicieux d’empiler les difficultés enmatière de sécurité en ajoutant à celles, inévitables, induites par la recherche de l’inte-ropérabilité, celles, évitables, issues des systèmes ferroviaires nationaux.

La réforme et la sécurité des circulations ferroviaires 71

Page 72: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 73: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Chapitre V

La réformeet les régulations

du système ferroviaire

Page 74: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 75: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Appliquée à de nombreux secteurs (télécommunications, électricité,...), la notion derégulation peut être définie, selon la formule de M. Bauby, directeur de l’observatoireélectricité et sociétés d’EDF, comme « l’ajustement, conformément à une règle ou àune norme, d’une pluralité d’actions et de leurs effets ». Elle recouvre donc la régle-mentation, le contrôle et leurs nécessaires adaptations ; elle ne saurait relever en aucuncas d’un seul acteur car elle ne peut être issue que de processus multiples de confronta-tions, d’où l’emploi du pluriel « les régulations » dans ce chapitre.

Il convient de considérer qu’il existe un service public de transport qui se déclinenotamment en missions de service public pour le mode ferroviaire, d’où la nécessité demener un raisonnement multimodal.

Enfin, il existe désormais trois niveaux essentiels de décisions. Naguère, seul le niveauÉtat était décisif, mais on assiste depuis quelques années à l’émergence du niveaueuropéen dans le cadre de l’Union européenne et à celle du niveau régional pour letransport régional de voyageurs.

Après le rappel des principaux textes qui ont jalonné l’histoire du système ferroviaire,nous aborderons successivement la régulation avant la réforme de 1997, la régulationet la réforme de 1997, la régulation et l’Europe, avant de conclure.

Les principaux textes concernantles régulations en France

Il est significatif de constater que s’il existe un code de l’aviation civile et un code de lamarine marchande, les transports terrestres n’en sont pas dotés, même s’il y a un codede la route et un code de la voirie routière. C’est assurément l’expression et la traduc-tion du poids des relais et de l’efficacité des lobbies dans les secteurs concernés. Cepen-dant la direction des transports terrestres du ministère chargé des Transports vient delancer le chantier de la codification du droit des transports terrestres. Cette réalisationdoit constituer un des facteurs de la prise en compte concrète de la multimodalité.

Pour le système ferroviaire, les textes ou événements majeurs sont les suivants :– la loi du 11 juin 1842 sur les clés de financement des infrastructures ferroviaires ;– la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer ;– la nationalisation des chemins de fer en 1937 et la création le 1er janvier 1938 pour 45ans d’une entreprise nationale, société d’économie mixte dénommée SNCF apparte-nant pour 51 % à l’État et 49 % aux anciennes compagnies privées en situation de fail-lite car leurs dettes cumulées atteignaient dans les années 30 le montant du budget dela nation ;– la loi du 3 octobre 1940 relative au régime du travail des agents de chemin de fer dela SNCF ;– le décret du 22 mars 1942, dont les dispositions en matière de police des chemins defer demeurent valables ;– l’ordonnance du 7 janvier 1959 modifiée relative à l’organisation des transports devoyageurs dans la région parisienne ;

La réforme et les régulations du système ferroviaire 75

Page 76: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

– la loi du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs (LOTI) qui est letexte de base qui définit l’organisation générale des transports en France. Elleprécise qui organise les transports, elle fixe les grands objectifs et définit les statuts dela SNCF, établissement public à caractère industriel et commercial à partir du 1er janvier1983 ;– le cahier des charges de la SNCF du 13 septembre 1983, modifié en 1994 et 1999 ;– la loi du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement duterritoire (LOADT) qui a posé le principe d’une expérimentation préalable au vote d’uneloi qui porterait régionalisation des transports collectifs d’intérêt régional ;– la loi du 13 février 1997 portant création de l’établissement public « Réseau ferré deFrance » et les décrets d’application du 5 mai 1997 ;– le décret du 23 décembre 1998 relatif à l’utilisation pour certains transports interna-tionaux de l’infrastructure du réseau ferré national et portant transposition des directi-ves au Conseil des Communautés européennes 91/440 du 29 juillet 1991, 95/18 et95/19 du 19 juin 1995 ;– la loi du 25 juin 1999 d’orientation pour l’aménagement et le développementdurable du territoire (LOADDT) ;– le décret du 30 mars 2000 relatif à la sécurité du réseau ferré national ;– la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU)qui prévoit le transfert aux régions, sauf l’Île-de-France et la Corse, de la compétenceexercée par l’État en matière de services régionaux de voyageurs de la SNCF à compterdu 1er janvier 2002.

À ces textes relatifs à l’organisation des transports, il convient d’ajouter les dispositionslégislatives ou réglementaires imposant à la SNCF des réductions tarifaires de caractèresocial donnant lieu à remboursement, notamment :– les abonnements pour élèves, étudiants et apprentis qui apparurent dès 1865 ;– les lois des 29 octobre 1921, 22 mars 1924 et 24 décembre 1940 concernant lesfamilles nombreuses, les réformés et pensionnés de guerre, les cartes hebdomadairesde travail ;– la loi du 2 août 1949 pour les économiquement faibles ;– la loi du 1er août 1950 pour les retraités, pensionnés, veuves et orphelins de guerre ;– les billets populaires de congé annuel remboursés depuis 1951.

Les régulations avant la réforme de 1997

L’analyse de ces textes montre que la régulation n’a pas été une préoccupation majeurede l’État et que sa première vraie prise de conscience depuis 1938 s’est traduite par laLOTI qui demeure le seul texte d’envergure portant sur les transports.

Il n’est donc pas surprenant que les questions relatives au rôle de l’État, à l’existence etau soutien du chemin de fer au service de la nation se posent depuis 160 ans presquedans les mêmes termes.

Alors qu’en 1830-1840, le modèle étatique était illustré par la Prusse et la Belgique etque le modèle ultralibéral était retenu par la Grande-Bretagne et les États-Unis, laFrance optait, après un très long débat, pour un système d’économie mixte par la loi de

76 Chapitre V

Page 77: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

1842. Concernant les péages d’infrastructures, la tradition libérale du libre accès a étédominante sous le concept du « libre parcours » en France. C’est la LOTI qui a mis fin àce libre accès en accordant un monopole exclusif sur les voies ferrées.

Sur l’intégration opérateur/gestionnaire d’infrastructure, le modèle français est issu dumodèle routier pour lequel le corps des Ponts et Chaussées prônait l’intégration entreexploitation et infrastructures. Le modèle s’est généralisé, malgré la centralisation quil’accompagnait, afin d’éviter les conflits incessant à propos des sillons, de l’accès auxgares, aux cours de gares... L’intégration a par ailleurs facilité la naissance d’une corpo-ration cheminote.

Deux visions s’opposent aujourd’hui :– celle du monopole ferroviaire intégré, fondée sur l’efficacité et la sécurité du trans-port guidé reposant sur une unité d’organisation, visant à l’aménagement du territoireet à la satisfaction d’un droit au transport pour tous les citoyens ;– celle du système concurrentiel intramodal, faisant référence à la satisfaction du clientet davantage tourné vers l’automatisation des systèmes et la banalisation de la maind’œuvre pour diminuer les coûts.

Les enjeux des régulations

L’existence de missions de service public impose de vérifier que le cahier des charges estrespecté. C’est le rôle de l’administration de contrôle des chemins de fer au ministèrechargé des Transports qui doit l’exercer aux plans domanial, technique, commercial, desécurité, financier et social. Selon M. Ribeill, historien et sociologue, directeur de recher-ches à l’École nationale des ponts et chaussées (ENPC), « les contrôles ont tous été à peuprès inefficaces et souvent dénoncés par les parlementaires. Le contrôle a porté notam-ment sur les accidents ferroviaires et a toujours abouti à mettre “le lampiste” en accusa-tion. Le contrôle équivaut alors à un système de protection des compagnies, destiné à lescouvrir, en stigmatisant les failles humaines et, d’une manière générale, il y a des effetspervers si le contrôle devient de connivence ».

Cette situation ne se perpétuera-t-elle pas tant que ceux qui contrôlent ont les mêmesorigines et les mêmes intérêts que ceux qu’ils contrôlent ?

Concernant les régulations elles-mêmes, M. Ribeill estime que les solutions relèventd’une politique de transports globale, donc du ministère chargé des Transports. Or, ceministère a toujours mené, sous la pression des lobbies, des politiques monomodalessans donner suite notamment aux importantes préconisations du rapport Carrère de1992. Il estime indispensable une réelle approche multimodale avec une harmonisationdes contrôles et des sanctions, partie intégrante de l’harmonisation des conditions deconcurrence. Il estime qu’un régulateur modal, tel que le préconise M. Bergougnouxdans son rapport au Commissariat du Plan, ne répond pas aux enjeux.

La régulation implique le développement conjoint d’une action publique efficace etd’une évaluation multicritère, appuyées sur une pluralité d’expertises permettant ladélibération collective, la négociation et la médiation.

Pour cela, il faut favoriser l’expression et la diversité des situations, des besoins, desaspirations, des intérêts. L’existence de contre-pouvoirs n’est donc pas, comme c’est le

La réforme et les régulations du système ferroviaire 77

Page 78: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

cas dans la culture politique française dominante, une entrave à l’exercice du pouvoirde toute institution mais au contraire une condition essentielle de son efficacité.

L’absence de tradition consumériste en France donne « bonne conscience » et entre-tient le cercle vicieux dans lequel s’inscrit la régulation. Une des orientations fonda-mentales consiste à ne pas rester figé sur la défense des formes anciennes del’intervention publique en la déployant qualitativement et quantitativement pour luipermettre d’exercer pleinement mais exclusivement ses responsabilités de régulation.

Il ne s’agit donc pas de plaider pour un désengagement de l’instance publique, mais aucontraire de viser à un engagement de l’État plus ciblé, plus stratégique, plus efficace,ne s’égarant pas en une boulimie d’interventions de détail, factuelles ou d’opportunité.

La régulation publique ne se résume pas à la mise en œuvre du droit commun de laconcurrence. Elle concerne à la fois la réglementation, les objectifs publics sectoriels outransversaux, la surveillance de la concurrence, l’équité d’accès à l’infrastructure, lesrelations évolutives entre missions de service public et opérateurs, la tarification du ser-vice public, la répartition de la rente et le financement des missions, l’évaluation del’efficacité économique et sociale du système y compris la régulation elle-même.

L’ensemble de ces fonctions ne relève pas d’une responsabilité unique mais de l’emboî-tement de plusieurs instances à responsabilités complémentaires quant à leurs fonc-tions et à leur champ territorial (régional, national et européen).

Les responsabilités théoriques

La définition claire et transparente des missions ainsi que leur financement relèvent desautorités organisatrices. La réglementation et les politiques publiques et sectoriellesrelèvent des pouvoirs publics (lois, règlements, décisions). La tarification du servicepublic relève des politiques sociales de l’État.

Les conditions de la concurrence relèvent du droit de la concurrence, donc du Conseilde la concurrence, à ceci près que le domaine social ne figure pas parmi ses missionsalors que la possibilité de dumping social est à même de fausser l’équité des conditionsconcurrentielles.

Les régulations avant 1997

L’État a assuré son rôle en matière de politique sociale fondée sur une politique tarifaireadaptée et un système de péréquation. Il a joué son rôle social au sein de la SNCF enassumant une part des conséquences financières du statut des cheminots. Il a, à partirde 1985, assumé ses responsabilités en matière de missions de service public en insti-tuant des relations contractuelles avec la SNCF traduites par un contrat de plan.

En revanche, la définition de la consistance du réseau ferroviaire et des dessertes étaitbeaucoup plus précise au XIXe siècle et au début du XXe siècle. À partir de la création dela SNCF en 1938 et jusqu’en 1983, l’État abandonne ses prérogatives et n’assume plusses responsabilités, hormis en temps de guerre, puisqu’il dispose de son « administra-tion ferroviaire ». Celle-ci fait donc avec ses moyens et ses souhaits dans le silence de

78 Chapitre V

Page 79: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

l’État. On peut dire qu’elle a fait ce qu’elle a estimé devoir faire et non pas ce qu’elledevait faire.

En matière d’investissements notamment, la SNCF a dû assumer, seule, le coût colossaldes nouvelles infrastructures exceptés 30 % de celles du TGV – Atlantique et 10 % decelles du TGV Méditerranée. La situation financière dramatique de 1995, qui constituaun des facteurs générateurs de la réforme de 1997, est le fruit de cette incohérence quiconsiste à faire assumer par d’autres ses propres décisions. L’État ne pouvait ignorerque son refus d’assumer ses décisions ou ses non-décisions conduisait son administra-tion ferroviaire dans l’impasse.

De manière plus générale, le face à face entre l’État régulateur et la SNCF opérateur,s’est traduit par un déséquilibre structurel habituel qui a débouché sur la capture durégulateur par l’opérateur. Ainsi la faible sous-direction des transports ferroviaires de ladirection des transports terrestres, à comparer avec les surpuissantes direction des rou-tes et direction générale de l’aviation civile, n’a pu endiguer, faute de moyens, ce phé-nomène. Dans le même temps, le ministère chargé des Finances, agissant sur sonadministration ferroviaire, continue d’utiliser les dotations d’investissements de laSNCF comme une variable d’ajustement du budget de l’État.

À partir de 1985, le contrat de plan entre l’État et la SNCF, prévu par l’article 24 de laLOTI et l’article 29 du décret du 13 septembre 1983 approuvant le cahier des chargesde l’entreprise, a permis, grâce à une clarification tardive mais réelle de leurs rapports,de différer le moment des « grandes » décisions. Toutefois, l’intérêt de ce contrat estprimordial notamment pour ce qui relève du budget de fonctionnement de la SNCF. Lepremier contrat de plan portait sur la période 1985-1989, le deuxième portait sur lapériode 1990-1994. Pendant cette période, l’État n’a pas toujours honoré les engage-ments qu’il avait pris. Le troisième contrat de plan fut abandonné en 1995, ce queregrette vivement l’ancien président de la SNCF, M. Fournier, qui estime ce documentessentiel car la SNCF est une entreprise publique chargée de missions de service publicdont la définition ne lui appartient pas.

Malheureusement, à partir de 1995, le système est revenu à la situation d’avant 1985.

Les régulations après la réforme de 1997

Dans son livre Le train, l’Europe et le service public de 1993, M. Fournier écrivait : « Jene saurais trop insister sur l’intérêt qu’il y a à situer les rapports entre la direction de laSNCF et les pouvoirs publics dans le cadre d’un contrat clairement négocié pour unepériode de temps suffisante. C’est la condition indispensable à l’exercice par l’entre-prise d’une réelle autonomie de gestion. »

La réforme était l’occasion d’ôter à la SNCF le rôle de régulateur qu’elle exerçait defacto, par carence de l’État, dès lors que cette mission serait confiée au pouvoir poli-tique élu, donc aux citoyens et que les décisions importantes feraient l’objet de débatset d’évaluations publiques.

Or, la réforme de 1997 est restée totalement muette sur le sujet des relations État/SNCFet particulièrement au sujet du contrat de plan (cf. l’audition de M. Fournier par le

La réforme et les régulations du système ferroviaire 79

Page 80: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

CSSPF). Pire, elle a consacré l’abandon des responsabilités de l’État en substituant defacto la captation du régulateur par le propriétaire des infrastructures à la captation durégulateur par l’opérateur en vigueur depuis 1938.

En fait, la réforme s’est traduite par l’abandon de toute notion contractuelle entre laSNCF et l’État. Certes, les contrats de plan 1985-1989 et particulièrement celui de1990-1994 sont apparus comme des échecs ; probablement étaient-ils perfectibles.Mais ils apparaissaient aux yeux de certains comme trop contraignants pour unÉtat en peine de tenir ses engagements.

Cette situation est inquiétante, car il n’y a plus d’obstacle aux agissements du ministèrechargé des Finances dans un contexte où le ministre de tutelle, quel qu’il soit, n’ajamais été en mesure de s’opposer à cette dérive « technocratique ». Ainsi la promessefaite en 1996 par le ministre chargé des Transports, auteur de la réforme, selon laquelle« l’État ne reprendrait pas d’une main ce qu’il donne de l’autre » n’a pas résisté autemps malgré une période de croissance inespérée à l’époque.

L’élément clairement positif de la réforme ressortit des dispositions relatives à la régio-nalisation ainsi libellées : « Les régions concernées par l’expérimentation prévue au pré-sent article sont autorités organisatrices des services régionaux de voyageurs de laSNCF. Chacune des régions reçoit chaque année, directement de l’État, une compensa-tion forfaitaire des charges transférées à la date d’entrée en vigueur de l’expérimenta-tion. La consistance, les conditions de fonctionnement et de financement de cesservices ainsi que leur évolution sont fixées par une convention passée entre la région etla SNCF... ».

Les sept régions expérimentales sont Rhône-Alpes, Alsace, Nord-Pas-de-Calais, Centre,Pays de Loire, PACA et Limousin. Le dispositif est prolongé jusqu’au 31 décembre 2001par la LOADDT du 25 juin 1999. La loi SRU du 13 décembre 2000 transfère aux régions,sauf l’Île-de-France et la Corse, la compétence exercée par l’État à compter du 1er jan-vier 2002.

Toutefois, « en l’absence de dispositions législatives précises applicables pendant ladurée de l’expérimentation, c’est donc dans les stipulations des conventions signéesentre la SNCF et chacune des régions, d’une part, et dans celles signées entre l’État etles régions, d’autre part, qu’il faut rechercher le sens et la valeur que chacun des parte-naires donne à la notion d’autorité organisatrice ».

La régionalisation apparaît comme une chance pour le rail car elle fait émerger un nou-vel acteur de la régulation du transport ferroviaire, d’une part, et parce que les régionsn’accepteront pas, sans mot dire, d’être « pillées » par le ministère chargé des Finances,d’autre part.

La réforme de 1997 a apparemment apporté une clarification des rôles :– à l’État, la responsabilité de définir les grands choix en matière d’infrastructure et deles assumer financièrement, avec les collectivités publiques ;– à RFF, la responsabilité de l’aménagement, du développement, de la cohérence et dela mise en valeur du réseau ferré national ;– à la SNCF, la responsabilité de gestionnaire de l’infrastructure délégué et d’opérateurferroviaire national.

80 Chapitre V

Page 81: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Cependant, le constat est rude pour cette réforme en matière de régulation, car elle :– n’a pas remédié à la carence de l’État ;– a transféré de facto la régulation à RFF qui ne peut, ni plus ni moins que la SNCF, enassumer la fonction ;– a abandonné le contrat de plan ;– n’a pas esquissé la moindre approche d’une régulation multimodale indispensable,sauf à considérer tous les discours, textes législatifs et réglementaires comme pure-ment incantatoires, d’une part, et à laisser durablement les lobbies être les vrais centresde décisions, d’autre part.

En dehors de l’État, tuteur public défaillant, il n’existe pas d’instance spécialisée derégulation des transports. Les régions, autorités organisatrices nouvelles, constituent leseul jalon positif d’une construction jamais réellement entreprise.

Les régulations et l’Europe

Nous venons de distinguer un niveau complémentaire de régulations introduit par larégionalisation. Concernant l’Europe, la parution au Journal officiel de la Communautéeuropéenne (JOCE) du 15 mars 2001 du « paquet ferroviaire » précise ou confirme lesdispositions à prendre en matière de régulations. Ce « paquet ferroviaire » se composede trois directives :– la directive 2001/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2001modifiant la directive 91/440/CEE du Conseil relative au développement des chemins defer communautaires ;– la directive 2001/13/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2001 modi-fiant la directive 93/18/CE au Conseil concernant les licences des entreprises ferroviaires ;– la directive 2001/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2001concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire, la tarification del’infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité.

La directive 2001/12/CE

Relative au développement de chemins de fer communautaires, elle dispose dans sonarticle 7 que, « sans préjudice des réglementations communautaire et nationale relativesà la politique de la concurrence et des institutions compétentes en la matière, l’orga-nisme réglementaire créé conformément à l’article 30 de la directive 2001/14/CE ou toutautre organisme disposant du même degré d’indépendance, contrôle la concurrence surles marchés des services ferroviaires y compris le marché du fret ferroviaire... ».

La directive 2001/13/CE

Relative aux licences des entreprises ferroviaires, elle dispose dans son article 3 que« chaque État membre désigne l’organisme responsable de la délivrance des licenceset de l’exécution des obligations découlant de la présente directive. Les licences sont

La réforme et les régulations du système ferroviaire 81

Page 82: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

délivrées par un organisme qui n’effectue lui-même aucune prestation de services detransport ferroviaire et qui est indépendant des organismes ou des entreprises qui fontdes prestations de cette nature ».

La directive 2001/14/CE

L’article 30 dispose dans son alinéa 1 que « les États membres instituent un organismede contrôle. Cet organisme, est indépendant des gestionnaires d’infrastructure, desorganismes de tarification, des organismes de répartition et des candidats sur le planorganisationnel, juridique, décisionnel... ». Cet organisme fonctionne conformémentaux principes énoncés au présent article, les fonctions de recours et de contrôle pou-vant être attribuées à des organismes séparés.

L’alinéa 2 dispose qu’un candidat peut saisir cet organisme dès lors qu’il estime êtrevictime d’un traitement inéquitable, d’une discrimination, ou de tout autre préjudice,notamment pour introduire un recours contre les décisions prises par le gestionnaire del’infrastructure ou, le cas échéant, par l’entreprise ferroviaire en ce qui concerne :– le document de référence du réseau ;– les critères contenus dans ce document ;– la procédure de répartition et ses résultats ;– le système de tarification ;– le niveau ou la structure des redevances d’utilisation de l’infrastructure qu’il est oupourrait être tenu d’acquitter ;– le certificat de sécurité, l’application et le contrôle des normes et règles de sécurité.

M. Vinois, chef de l’unité « Politique ferroviaire et transport combiné » de la directiongénérale du transport et de l’énergie de la Commission européenne (DG TREN) aestimé, lors de son audition par le CSSPF, que « la directive 2001/14/CE est la plus fon-damentale du dispositif » et qu’elle « impose la désignation d’une autorité de régula-tion indépendante à la fois du GI et des EF. Il s’agit d’une instance de recours des EFvis-à-vis d’autres EF ou du GI dans un État et elle s’appuie sur le document de référencedu réseau ».

Aujourd’hui, à travers l’élaboration de directives puis leur transposition ou l’applicationdirecte des règlements, l’Union européenne est en mesure de modifier en profondeurles règles du jeu dans l’ensemble des États membres. Celle-ci est initiatrice et formalisa-trice de décisions dont la mise en œuvre et l’évaluation sont renvoyées au niveau natio-nal. Il est donc nécessaire de prendre en compte le fait que le Parlement européen et leConseil dans leurs fonctions de décision, la Commission dans ses fonctions d’initiativeet d’interprétation et la Cour de justice dans ses fonctions de contrôle exercent déjà unrôle de régulation. Il convient de procéder rapidement aux clarifications nécessaires etde préciser, sur la base du principe de subsidiarité, ce qui relève d’une régulation euro-péenne, sur quelles bases et avec quels organes.

Seules des confrontations pluralistes sont susceptibles de régénérer les rapports régu-lateur/opérateur, de refonder le service public, de légitimer l’action publique en met-tant en œuvre la convergence de tous les acteurs concernés (opérateurs, régulateurs,élus, utilisateurs, personnels,...) par l’émergence d’organisations, de régulations etd’évaluations des services publics adaptées et novatrices.

82 Chapitre V

Page 83: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Il est toutefois regrettable que le « Livre blanc » du 12 septembre 2001 de la Commis-sion des Communautés européennes, intitulé La politique européenne des transports àl’horizon 2010 : l’heure des choix, soit peu novateur à cet égard.

Selon M. Barrère, professeur de sciences économiques à l’université de Reims, ce « Livreblanc » maintient le secteur des transports à un statut de réceptacle en aval de toutesles contradictions entre développement économique, développement social et protec-tion de l’environnement, et propose donc des choix médiocres. Tant que la place destransports et son développement soutenable ne seront pas posés en amont parl’Europe et les États membres, il n’y aura pas de vraie politique des transports. Elledemeurera une simple variable d’ajustement des politiques économiques et financièresen panne d’imagination et peu soucieuses de transparence.

Conclusion : un bilan négatif

L’État avait atténué sa carence historique depuis la création de la SNCF en promulguanten 1982 la LOTI, puis en mettant en œuvre un contrat de plan État-SNCF qui a permisd’introduire du sens et de la clarté dans ses rapports avec la SNCF. La réforme de 1997 amis fin à cette période, l’État renouant avec ses errements antérieurs. Certes, il a à peuprès stabilisé la dette globale du système ferroviaire, mais, ce faisant, il est encore trèsloin d’avoir assumé ses responsabilités dans le désendettement du système ferroviairedécidé par le Conseil des ministres européens dès 1991. Certes, il a mis sur les rails larégionalisation qui constitue une chance pour le développement du chemin de fer.Mais en renonçant à maintenir des relations contractuelles avec la SNCF, il n’a pasrenoncé à son « interventionnisme de l’ombre ». M. Le Floch-Prigent a précisé, lors deson audition par le CSSPF que « une entreprise, c’est un pouvoir de décision clair, et laSNCF doit être dirigée par son président ou par son ministre de tutelle, mais pas par lesdeux. Par ailleurs, la forteresse “Bercy” dirigeait de fait depuis cinq ans une entrepriseen faillite et avait, de ce fait, perdu toute crédibilité pour s’exprimer à ce sujet ».

La réforme de 1997 est donc largement négative au regard des régulations puisqu’ellea conduit l’État à retomber dans ses travers centralisateurs et interventionnistes, d’unepart, et à abandonner une fois encore son rôle de régulateur, d’autre part.

Il est souhaitable que la loi sur les nouvelles régulations économiques annoncée le27 septembre 1999 par le Premier ministre mette fin à ces pratiques archaïques.

Le rapport du Commissariat général du Plan intitulé Services publics en réseau : pers-pectives de concurrence et nouvelles régulations (rapport du « groupe Bergougnoux »)confirme cette appréciation et indique que :– les nouveaux mécanismes de régulation devront répondre de manière cohérente etsur la durée à plusieurs ordres de préoccupations dont certains axes pourraient consti-tuer le cahier des charges d’une régulation idéale : permettre la bonne exécution desmissions de service public définies par le législateur et la mise en œuvre au niveaunational ou local des stratégies d’intérêt général sans pour autant remettre en cause lebon fonctionnement des mécanismes concurrentiels ; concourir à l’émergence d’unmarché européen intégré, concurrentiel, transparent et suffisamment bien structuré ;

La réforme et les régulations du système ferroviaire 83

Page 84: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

– pour être crédibles, les nouveaux mécanismes de régulation doivent offrir toutegarantie a priori de transparence et d’impartialité ;– les instances de régulation, assistées de conseils, devront rendre compte de leuraction devant le Parlement ;– la régulation devra disposer de méthodes et d’instruments adaptés.

Les nouvelles règles du jeu nécessitent donc une évolution en profondeur des pratiquesde l’État actionnaire.

Selon le CSSPF, une des premières missions régulatrices de l’État et de l’Europeconsiste à établir des conditions de concurrence équitables entre les modes. Celanécessite une harmonisation par le haut de ces conditions dans les domaines fiscal,environnemental, social et de la sécurité.

Après avoir donné la priorité absolue à la concurrence dans ses documents précédents,la Commission européenne, sans revenir sur cette priorité selon elle, affiche dans son« Livre blanc » du 12 septembre 2001 la nécessité de cette harmonisation.

Enfin, la régulation essentielle, qui contient toutes les autres, est celle que consti-tuerait une politique des transports volontariste. Celle-ci ne peut prendre corps quesi le secteur des transports cesse d’être considéré en aval des autres politiques,c’est-à-dire comme le lieu de prise en charge des contradictions non résolues entre lespolitiques économique, sociale et environnementale. Le rôle de variable d’ajuste-ment conféré de fait au transport obère fortement l’efficacité des toutes lesrégulations de plus bas niveau qui pourraient être introduites.

84 Chapitre V

Page 85: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Chapitre VI

La réformeet la construction

européenne

Page 86: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 87: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

L’Europe, un espace adapté pourle développement des chemins de fer

La géographie de l’Europe est particulièrement adaptée au chemin de fer dans lamesure où la population et l’activité économique se concentrent dans les grandeszones urbaines à des distances moyennes les unes des autres, formant parfois de vérita-bles régions urbaines, notamment dans ce qu’on appelle la « banane bleue » qui reliel’Angleterre, la Belgique et le Randstad néerlandais, la Ruhr, le Bade-Wurtemberg, leplateau suisse et la plaine du Pô.

Compte tenu de cet aménagement du territoire européen et de la recherche d’un déve-loppement durable avec moins de congestion, moins d’accidents, moins de pollutionet moins d’émissions de gaz à effet de serre, le chemin de fer est appelé à une plusgrande place en Europe. C’est le souci de la Commission européenne dans son « Livreblanc », La politique européenne des transports à l’horizon 2010 : l’heure des choix, du12 septembre 2001, souci qui rejoint celui de la plupart des États membres qui ont éla-boré des planifications à moyen et long terme en ce sens. On trouvera en annexe 15 unrésumé des objectifs de trafic et des efforts d’investissement des principaux paysd’Europe de l’Ouest.

Le renouveau du chemin de fer, marqué notamment par le développement des traficsvoyageurs à grande vitesse et des trafics fret point à point se fera en grande partie àl’échelle européenne. Il exige des entreprises l’efficacité économique et commerciale etun effort drastique d’intéropérabilité. Il exige aussi des décideurs politiques un nouveaucadre de politique des transports marqué par l’harmonisation des conditions d’exploita-tion, pas seulement dans le mode ferroviaire mais entre tous les modes, tant sur le plansocial que sur le plan de l’environnement, de la fluidité des trafics et de leur sécurité.

En France, aujourd’hui, la part des trafics ferroviaires internationaux est de 50 % pourle fret et de 20 % pour les voyageurs à longue distance.

La réforme et les directives de 1991-1995

Après la condamnation du Conseil par la Cour de justice européenne en 1985 pourcarence de mise en œuvre de la politique des transports pourtant prévue par le traité deRome, la Commission européenne n’a fait aboutir une première directive ferroviairequ’en juillet 1991.

La directive 91-440 se donnait pour objectifs :– une première phase de libéralisation limitée aux regroupements internationaux(accès dans les pays des entreprises du regroupement et transit entre ces pays) et trans-port combiné international dans ce but ;– une obligation de séparation comptable entre gestionnaire d’infrastructure (GI) etentreprise ferroviaire (EF) ;– l’autonomie de gestion des entreprises du secteur ;– l’assainissement financier de celles-ci.

La réforme et la construction européenne 87

Page 88: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Deux directives « filles » de 1995 précisaient les conditions d’obtention des licencesnécessaires à l’accès aux réseaux (directive 95/18) et les conditions de répartition descapacités et de perception des redevances à payer aux GI par les EF pour l’utilisation del’infrastructure (directive 95/19).

Aujourd’hui, en matière d’ouverture du marché ferroviaire français, aucune entrepriseferroviaire et aucun regroupement international ne font circuler de trains, et la direc-tion des transports terrestres comme RFF confirment qu’aucune demande officielle neleur est parvenue. Cependant le dispositif juridique existe en France pour permettre lacirculation de nouveaux entrants conformément à la directive 91/440 et aux directives95/18 et 95/19 ; le décret du 23 décembre 1998 reprend strictement les dispositionsdes trois directives.

En ce qui concerne l’obligation de séparation comptable entre GI et EF, la France a lar-gement dépassé cet objectif puisqu’elle a créé, à travers RFF, un GI institutionnellementindépendant de la SNCF et ceci même si RFF délègue à la SNCF, de par la loi de 1997,une grande partie des missions du GI tout en restant le maître d’ouvrage général,depuis l’entretien et l’exploitation jusqu’au choix des investissements d’infrastructure.Cette délégation repose sur des arguments de sécurité et de continuité de service sur leréseau en exploitation (cf. le chapitre IV du présent rapport).

M. du Mesnil, directeur des transport terrestres au ministère chargé des Transports,rappelle « qu’il y avait à l’époque un rejet des préconisations européennes en matièreferroviaire et donc, qu’en l’absence de la crise sociale de fin 1995, la France aurait cer-tainement transposé la directive a minima. Ce n’est donc pas par zèle européen que leGouvernement est allé au-delà de la directive, mais parce que, pour traiter cette crise, ilfallait clarifier les choses et par conséquent créer RFF ».

Selon M. Le Reste (CGT), « un débat national sur l’avenir de la SNCF a été organisé, et jenote que seule l’ancienne majorité politique a conclu qu’il fallait procéder à la partitionde la SNCF et créer un nouvel EPIC pour les infrastructures, allant au-delà des directiveseuropéennes : ni le CNT, ni le CES, ni les CESR, ni d’autres n’ont proposé une telle solu-tion au cours du débat ».

Si la France a été plus loin que la séparation comptable, elle n’a pas, pour autant, satis-fait aux deux derniers objectifs de la directive 91/440.

En matière d’autonomie de gestion, le chapitre I du présent rapport montre que l’organi-sation en place est largement artificielle et que le ministère chargé des Finances déter-mine les grands flux financiers des deux entreprises, allant parfois jusqu’à s’immiscerdans des décisions qui devraient relever uniquement de celles-ci. L’exemple de l’autorisa-tion d’acheter des locomotives modernes pour le développement du fret, par ailleursdemandé par le gouvernement, est presque caricatural puisque c’est le nombre mensuelde locomotives à livrer qui est déterminé par le ministère des Finances (six et non huitcomme le souhaiterait la SNCF) et réajusté chaque année. Aucun progrès vers l’auto-nomie ne peut être constaté ; bien au contraire, en l’absence de contrats de plan, pour-tant prévus par la loi d’orientation des transports intérieurs, LOTI, et en raison du nondésendettement des deux EPIC, toute décision stratégique remonte aux tutelles.

L’assainissement financier n’a pas été non plus réalisé et la dette du système ferroviaire(SNCF +RFF +SAAD) a continué à croître de 236,6 GF fin 1996, à 252,7 GF fin 2000,malgré des apports de l’État à hauteur de 54,5 GF à RFF. Selon Mme Idrac, secrétaire

88 Chapitre VI

Page 89: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

d’État aux Transports lors de la mise au point de la réforme de 1997, « le gouvernementen place début 1997 a testé différents scénarios de désendettement ; il a finalementfait le plus qu’il pouvait tout en sachant qu’il faudrait évidemment continuer à mettrede l’argent dans le système ensuite ».

Pour M. Le Reste, « la dette demeure dans le système ferroviaire, dont l’équation finan-cière reste très déséquilibrée ».

Pour M. Falempin (FO), « le constat est donc d’une dramatique simplicité. La réformen’a pas résolu le poids financier de la dette d’origine de la SNCF, elle en a juste changéla ligne budgétaire en l’appelant péage RFF au lieu de frais financiers. La SNCF seretrouve donc dans la même situation qu’en 1997 ».

Aujourd’hui un large consensus s’est établi en faveur d’un désendettement très signifi-catif et rapide du système ferroviaire français, préconisé de façon réitérée par le CSSPF.Le ministre chargé des Transports a lui-même évoqué un désendettement de 80 à 90milliards de francs. Malgré l’importance de la dette de RFF, il faudra aussi veiller àdésendetter la SNCF de façon à la mettre à même de pouvoir financer des investisse-ments en hausse.

La proposition de règlement européen relatif aux aides accordées pour la coordinationdes transports par chemin de fer, par route et par voie navigable du 26 juillet 2000, déjàadoptée en première lecture par le Parlement européen, devrait d’ailleurs inciter àdésendetter significativement le rail, et en premier lieu la SNCF. En effet, ce texte vientpréciser les articles du traité de la Communauté traitant des aides (article 87 à vocationgénérale, article 73 propre au domaine du transport). Il va limiter les aides accordéespour la coordination des transports, d’une part, à l’infrastructure et, d’autre part, autransport de fret pour compenser, dans ce dernier cas, les « coûts spécifiques externeset d’infrastructure non couverts ».

Par ailleurs les compensations pour servitudes inhérentes à la notion de service public sonttraitées par le règlement 1191/69 modifié en 1991 et, quand elle sera adoptée, par la pro-position de règlement, publié en même temps que la proposition sur les aides, sur les exi-gences de service public de transport de voyageurs (cf. chapitre VII, régionalisation). Plusde dix ans après la publication de la directive 91/440 qui demandait aux États de désendet-ter leurs entreprises ferroviaires, il sera donc de plus en plus difficile de justifier une aidefinancière à la SNCF pour la désendetter, en montrant que « cette aide n’altère pas lesconditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun ».

Le « paquet ferroviaire » de 2001 et l’avisno 3 du CSSPF

Le « paquet ferroviaire » de 2001 comprend trois directives proposées en juillet 1998par la Commission et adoptées définitivement le 26 février 2001 :– directive 2001/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2001 modi-fiant la directive 91/440/CEE du Conseil relative au développement de chemins de fercommunautaires ;– directive 2001/13/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2001 modi-fiant la directive 95/18/CE du Conseil concernant les licences des entreprises ferroviaires ;

La réforme et la construction européenne 89

Page 90: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

– directive 2001/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2001 concer-nant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire, la tarification de l’infras-tructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité.

Le « paquet ferroviaire » a fait l’objet d’une position commune du Conseil des ministresdu 28 mars 2000 sur les bases de l’accord politique du 10 décembre 1999 qui acceptait,sur proposition de la France, de restreindre l’ouverture à la concurrence au transportinternational de fret sur le seul réseau transeuropéen de fret ferroviaire (RTEFF) et sesparcours terminaux en insistant sur la nécessité d’admettre la coopération au mêmetitre que la concurrence et de résorber les goulets d’étranglement pour permettre ledéveloppement du trafic.

Le Parlement européen, dans sa résolution législative du 5 juillet 2000, proposait uneouverture totale à la concurrence du trafic fret et une première étape d’ouverture dutrafic voyageurs international. Le CSSPF s’est autosaisi du sujet.

Sur la base des spécificités de l’activité ferroviaire [spécificité économique : l’activitéest à faible rentabilité et la concurrence ne peut que conduire à « l’écrémage » desmeilleurs trafics et non au développement de l’ensemble du secteur ; spécificitéd’exploitation : l’activité est le produit de réseaux et de services complètementintégrés et les expériences de désintégration sont soit des échecs (Grande-Bretagne),soit peu probantes, compte tenu de la faible densité des trafics (Suède) ; spécificité desécurité (cf. le chapitre IV du présent rapport) ; spécificité du contexte concurrentielqui se caractérise par l’absence totale d’harmonisation des conditions de concurrence audétriment du chemin de fer], le CSSPF a voté l’avis no 3 du 14 octobre 2000 pour rejetertoute conciliation avec les positions du Parlement européen (recommandation 5) :– non ouverture totale du trafic ferroviaire fret et refus d’une première étape d’ouver-ture du trafic voyageurs (recommandation 1) ;– maintien des possibilités d’exemption permettant aux États qui ont établi un orga-nisme de contrôle des chemins de fer de confier aux entreprises ferroviaires les fonc-tions essentielles : préparation et décision des délivrances des licences, décisiond’attribution des capacités, décision en matière de tarification (recommandation 4).

Deux autres recommandations conditionnaient l’acceptation d’une conciliation :– « création d’un système européen d’observation des transports, non limité auferroviaire, mais multimodal », système d’expertise partagé et non confié unique-ment à la Commission européenne et très ouvert à tous les acteurs concernés : Conseil,Commission, Parlement, secteur ferroviaire et autres modes de transport, représen-tants des salariés et des usagers (recommandation 3) ;– « moratoire de cinq ans à compter de la mise en vigueur du “paquet ferro-viaire” sur toute nouvelle modification de l’organisation ferroviaire », période àutiliser très activement pour permettre : à l’Observatoire européen ci-dessus d’effec-tuer un bilan approfondi de l’application et des résultats des textes européens envigueur ; aux entreprises du secteur ferroviaire d’engager des réformes en profondeurpour renforcer leur efficacité ; aux États membres d’achever l’assainissement des entre-prises ; aux instances européennes d’achever l’harmonisation par le haut des condi-tions d’exploitation sociales, environnementales et fiscales des différents modes detransports (recommandation 2).

Les autres recommandations de l’avis no 3 du CSSPF portaient sur :– l’approbation du RTEFF et la nécessité d’un véritable « plan Marshall » pour le financeravec une augmentation des financements correspondants et des taux de cofinancement

90 Chapitre VI

Page 91: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

européen (jusqu’à 20 %) avec un suivi étroit dans chaque pays par un Observatoire natio-nal (recommandation 6) ;– l’approbation du principe de tarification des infrastructures au coût marginal et lerejet de l’amendement du Parlement prévoyant l’objectif de long terme de couverturedes coûts qui risque de contrecarrer le développement des chemins de fer (recomman-dation 7) ;– la nécessité « d’associer les entreprises ferroviaires aux mécanismes d’attribution dessillons sur plusieurs réseaux, tout spécialement sur le RTEFF », cette coopération entreEF et GI (ou organismes) étant le « gage du développement de sillons internationauxperformants » (recommandation 8) ;– l’approbation de « la création d’un système de compensation aux EF des coûts envi-ronnementaux, des accidents et des coûts d’infrastructures non couverts dans lesautres modes » (recommandation 9).

Finalement la négociation politique entre le Conseil et le Parlement européen a abouti àune conciliation entre eux :– permettant le libre accès, quel que soit le régime d’exploitation (concurrence ou coo-pération), sur le RTEFF au 15 mars 2003 et sur tout le réseau cinq ans plus tard, mais lesparcours terminaux permettent déjà un accès quasiment total ;– écartant l’ouverture pour le trafic international voyageurs, mais le Parlement aobtenu que la Commission présente une proposition dans ce domaine dès la fin 2001 ;– demandant à la Commission (et non à un observatoire) de présenter un rapport dansles deux ans (15 mars 2005) ;– écartant les entreprises ferroviaires (EF) des fonctions essentielles, sans exceptionpossible ; une quatrième fonction essentielle ayant été ajoutée à la demande du Parle-ment, « le contrôle des obligations de service public reprises pour la fourniture de cer-tains services ».

En matière de tarification, les principes restent ambigus (« coûts directement imputa-bles ») et laissent une très grande latitude pour le niveau de redevance (possibilitésdiverses de réductions ou de majorations et possibilité de tarification au coût com-plet...). La tarification peut tenir compte des coûts environnementaux mais seulementsi les autres modes les supportent aussi. Les États membres peuvent instaurer un sys-tème de compensation des coûts environnementaux et des coûts d’infrastructure noncouverts dans les autres modes.

La réforme et la préparation dela transposition du « paquet ferroviaire »de 2001 au regard de l’avis no 5 du CSSPF

L’organisation du système ferroviaire européen

Le nouveau « paquet ferroviaire » de 2001 accroît très sensiblement le nombre desentités pouvant jouer un rôle dans le système ferroviaire de chaque pays. Ceci résultede l’ouverture de l’accès du réseau aux EF assurant du transport international de fret.

La réforme et la construction européenne 91

Page 92: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

C’est aussi la conséquence de la séparation des fonctions assurant la marche concrètedu système ferroviaire au quotidien, même si, au moins en partie, les organismes assu-rant ces fonctions peuvent être confondus. Enfin tout État membre peut autoriser lanouvelle catégorie des « candidats », à demander des sillons parce qu’ils sont intéres-sés par le secteur du transport sans être, eux-mêmes, entreprises ferroviaires (autoritéspubliques, chargeurs, transitaires et opérateurs de transports combinés).

L’accentuation sensible de la séparation des fonctions que l’EF ne peut plus assurercaractérise l’organisation du système ferroviaire résultant du nouveau paquet ferroviaire.

La séparation exigée d’avec le GI n’est toujours que comptable mais elle est ren-forcée puisqu’elle va jusqu’à la publication de bilans séparés. Par ailleurs, une sépara-tion interne à l’EF apparaît puisqu’il est demandé d’établir aussi des comptes derésultats et de bilans séparés pour l’activité fret. L’objectif est de pouvoir vérifier l’inter-diction de tout flux financier des activités voyageurs vers l’activité fret, dont les trans-ports internationaux sont libéralisés, et assurer ainsi une concurrence transparente,sans péréquation possible à l’intérieur des EF.

La nouvelle organisation du système ferroviaire distingue ainsi :– quatre fonctions essentielles qui ne peuvent plus être confiées à des EF, et ceci« d’une manière probante », reprises à l’annexe II de la directive 2001/12/CE : première-ment, « préparation et adoption des décisions concernant la délivrance de licences auxentreprises ferroviaires, y compris l’octroi de licences individuelles ». La directive2001/13/CE « durcit » les conditions de délivrance des licences mais désormais « la vali-dité de la licence [délivrée dans un État membre] s’étend à l’ensemble du territoire de laCommunauté ». Cette fonction est déjà actuellement, en France, assurée par l’État quivient de délivrer sa licence à la SNCF en juillet 2001 ; deuxièmement, « adoption desdécisions concernant la répartition des sillons, y compris la définition et l’évaluation dela disponibilité, ainsi que l’attribution de sillons individuels ». Cette fonction, confor-mément à la position commune du Conseil et à l’accord politique de conciliation, necomprend pas la préparation des décisions ; troisièmement, « adoption des décisionsconcernant la tarification de l’infrastructure ». Là encore, cette fonction ne comprendpas la préparation. D’après la directive 2001/14/CE, « les États membres mettent enplace un cadre pour la tarification ». Des règles de tarification sont établies soit parl’État, soit par le GI. La détermination de la redevance incombe au GI ou à l’organismede tarification, qui recouvrent la redevance ou en délèguent la charge à une EF ; enfin,quatrièmement, « contrôle du respect des obligations de service public requises pour lafourniture de certains services ». Ces obligations figurent dans les contrats de servicepublic signés dans le cadre du règlement 1191/69 (modifié en 1991), puis figurerontquand elle sera définitivement adoptée, dans la proposition « OSP » déjà votée en pre-mière lecture par la Commission chargée des transports du Parlement européen (cf. lechapitre VII du présent rapport) ;– un organisme de sécurité qui délivre les certificats aux entreprises ferroviaires pourl’utilisation du réseau de chaque État membre, d’une part, et aux matériels roulants,d’autre part. Cet organisme, qui fixe les normes et règles de sécurité, doit aussi êtreindépendant des EF (article 7 de la directive 2001/12/CE et article 32 de la directive2001/14/CE) ;– enfin, un organisme de contrôle qui joue le rôle de régulateur du système ferro-viaire, qui lui, doit être indépendant de tous les autres acteurs de ce système (article 30de la directive 2001/14/CE et article 10 de la directive 2001/12/CE). « Les fonctions de

92 Chapitre VI

Page 93: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

recours et de contrôle de cet organisme peuvent être attribuées à deux organismesséparés ». Toute EF (ou candidat) peut saisir l’organisme de recours en ce qui concerne :le document de référence du réseau contenant les caractéristiques du réseau et lesconditions d’accès, les principes de tarifications et les tarifs, les principes et critères derépartition et les critères spécifiques contenus dans ce document (directive 2001/14/CE,article 3 et annexe I) ; la procédure de répartition et ses résultats (directive 2001/14/CEchapitre III) ; le système de tarification, le niveau et la structure des redevances (direc-tive 2001/14/CE, chapitre II) ; le certificat de sécurité, les normes et règles de sécuritérelevant de l’organisme de sécurité (voir ci-dessus) ; la concurrence sur le marché deservices ferroviaires (directive 2001/12/CE, art. 40, point 7).

En France, le recours se situe aujourd’hui au niveau du ministère chargé des Transportsde par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU) pour les sillonsconcernant les services régionaux de voyageurs SRV et de par le décret de décembre1998 de transposition des directives de 1991 à 1995.

La fonction de contrôle recouvre une mission plus générale sur les quatre domainesconcernant la concurrence, la tarification, la répartition et la sécurité, avec davantagede recul.

Par ailleurs, en ce qui concerne les services à fournir aux EF, la directive 2001/14/CE sti-pule que le GI (ou le « fournisseur de l’infrastructure principale ») « fait tout effort raison-nable pour faciliter la fourniture » des prestations minimales et l’accès par le réseau auxinfrastructures de services (par exemple, le système d’alimentation électrique pour lecourant de traction ou les gares de triages) et aux services. Si le GI fournit l’un des servicescomplémentaires (par exemple, le courant de traction ou la fourniture de combustible), ildoit les fournir à tout EF. Enfin le GI n’est pas tenu de fournir les prestations connexes quipeuvent être demandées au GI ou à d’autres fournisseurs (par exemple, l’accès au réseaude télécommunications), selon la directive 2001/14/CE, article 5 et son annexe II.

La répartition des capacités du réseau ferroviaire

Le CSSPF s’est autosaisi des questions concernant la répartition des capacités du réseauferroviaire et a voté l’avis no 5 du 16 mai 2001 sur ce thème.

Le CSSPF considère que le développement légitime des différents types de services fer-roviaires ne doit pas être limité par la capacité des infrastructures ferroviaires. Comptetenu du développement voulu des divers services ferroviaires (doublement du trafic fretà l’horizon 2010, régionalisation, politique de volume pour les voyageurs, projets TGV),le CSSPF recommande une politique massive d’investissements en infrastructures pourmettre fin à la pénurie actuelle, et un processus systématique d’anticipation des déve-loppements d’infrastructures (planification à vingt ans, programmation à dix ans, réali-sation complète des CPER). Pour le court terme, le CSSPF préconise une optimisationdes capacités par des mesures concernant l’exploitation aussi bien que des mesuresd’investissement urgentes. Par ailleurs, le CSSPF préconise la poursuite active des politi-ques de recherche et de développement et notamment du système européen ERTMS(European Rail Traffic Management System).

En ce qui concerne la répartition optimale des capacités, le CSSPF considère que lescapacités constituent un bien public et doivent être réparties de façon à satisfaire les

La réforme et la construction européenne 93

Page 94: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

besoins des usagers dans les conditions économiques, sociales et environnementalesles plus avantageuses pour la collectivité, comme l’exige la LOTI pour le choix des inves-tissements. D’ailleurs l’article 13-3 de la directive 2001/14 stipule que « les droits etobligations respectives du GI et des candidats en ce qui concerne la répartition descapacités sont définis par voie de contrat ou par la législation ». Il préconise une ges-tion prévisionnelle de la capacité par grands axes de trafic. Une telle gestion doitdéboucher sur une affectation des capacités suffisamment différenciées par tranchehoraire et par type de sillon (vitesse, arrêts).

Dans le nouveau « paquet ferroviaire », la fonction essentielle d’adoption des décisionsconcernant la répartition des sillons constitue le point le plus sensible de l’organisationferroviaire de chacun des systèmes ferroviaires européens. L’avis no 5 du CSSPF rappelleque « l’organisme de répartition des capacités (ORC), quel qu’il soit, doit être indépen-dant de l’EF sur le plan juridique, organisationnel et décisionnel, la possibilité de main-tenir au sein de l’EF les fonctions essentielles, à condition d’établir un organisme decontrôle des chemins de fer, ayant été rejetée lors de la conciliation ».

Les directives du « paquet ferroviaire » interdisent donc à la SNCF d’être l’ORC, alorsqu’elle a conservé jusqu’à présent l’unité de ses rôles, d’exploitant et de gestionnaired’infrastructure délégué. Selon l’avis no 5 du CSSPF, « La remise en cause, même pro-gressive, de cet aspect fondamental, pourrait avoir des conséquences pour l’efficacitéet la sécurité du système, et des répercussions sociales très importantes pour l’entre-prise et la collectivité (...). Il convient de noter que la préparation des décisions concer-nant la répartition ne figure pas parmi les fonctions essentielles, alors que cettepréparation figure expressément comme fonction essentielle en ce qui concerne l’attri-bution des licences. »

Le texte issu de la conciliation laisse donc une marge étroite de possibilités portant,d’une part, sur la frontière des missions entre l’exploitant principal et l’ORC et l’affecta-tion des horairistes correspondants, d’autre part, sur la détermination de l’ORC.

Selon l’avis no 5 du CSSPF : « Pour trancher ces deux débats très liés, plusieurs critèresd’appréciation doivent être pris en compte et notamment :– l’efficacité du système ferroviaire qui repose sur la robustesse du graphique horaire,la réactivité vis-à-vis des clients, l’impératif de sécurité et la coordination étroite entreles quatre fonctions d’élaboration du graphique de circulation, de gestion opération-nelle des circulations, de planification et de gestion des travaux, de sécurité ;– la validité juridique à moyen terme de la transposition vis-à-vis des instanceseuropéennes ;– le respect du caractère non marchand de la répartition ;– l’impartialité vis-à-vis de tous les acteurs concernés, EF ou GI ;– le respect de conditions sociales, environnementales et de sécurité équivalentes parles EF candidates, afin de préserver la qualité du service ;– la complexité du dispositif ;– la stabilité de l’organisation ferroviaire à plus long terme. »

En ce qui concerne la frontière des missions entre l’exploitant principal et l’ORC : « Lapremière solution consiste à transférer à l’ORC l’ensemble des horairistes de la SNCF. »Si cette solution assure une meilleure solidité juridique du système, c’est au prix d’uneremise en cause de l’unité du système ferroviaire français. « La deuxième solutionconsiste à ne transférer de la SNCF à l’ORC que les horairistes nationaux ou une partie

94 Chapitre VI

Page 95: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

d’entre eux. (...) Le fait de placer le curseur de la séparation à un autre niveau situe lacoupure entre horairistes nationaux et régionaux et crée ainsi une rupture dans lachaîne même de production des horaires (...). La troisième solution consiste à doterl’ORC d’une structure propre d’experts (horairistes) capables notamment d’orienter,d’apprécier et de contrôler le travail de préparation qui continuerait d’être délégué auxhorairistes nationaux et régionaux de la SNCF. Le choix définitif et l’attribution des sil-lons seraient assumés par l’ORC... Cette dernière solution satisfaisante pour l’efficacitédu système ferroviaire, nécessite toutefois de garantir une étanchéité organique com-plète et probante entre les activités d’EF et les horairistes. »

Quant à la détermination de l’organisme de répartition des capacités (ORC), l’avis no 5du CSSPF estime que « compte tenu de la création en France d’un GI séparé institution-nellement de l’EF, une transposition conforme à la directive actuelle pourrait consisterà désigner RFF comme répartiteur. Le deuxième paragraphe de l’article 14 de la nou-velle directive no 2001/14 concernant la répartition des capacités offre une autre solu-tion à travers la création d’un organisme de répartition spécialisé (...). La création d’unorganisme de répartition indépendant de l’EF et du GI, qui pourrait être un organismegouvernemental, garantirait une plus grande impartialité et un meilleur respect ducaractère non marchand de la répartition. Il pourrait fonctionner dans le cadre d’uneréforme plus vaste du système institutionnel actuel, avec un rapprochement des deuxétablissements SNCF et RFF renforçant l’unité du système ferroviaire français, éventuel-lement dans la même holding, comme en Allemagne ou en Italie (...) ».

En tout état de cause, la transposition doit tenir compte d’autres considérationsque la répartition des capacités, qui feront l’objet de recommandations du CSSPF.

Les orientations futures de la politiquecommune des transports à travers le « Livreblanc » de la Commission du 12 septembre2001

La réforme de 1997 et son évolution ultérieure dans la « réforme de la réforme » de1998 va être confrontée aux orientations futures de la politique commune des trans-ports (PCT) telle qu’elle se dessine dans le « Livre blanc » de la Commission européennedu 12 septembre 2001 intitulé La politique européenne des transports à l’horizon2010 : l’heure des choix.

Pour la Commission, le transport est un « élément capital dans le fonctionnement deséconomies modernes » qui imposent une croissance toujours plus forte des trafics aumeilleur prix et à la meilleure qualité : le transport constitue ainsi toujours lavariable d’ajustement de l’économie. Si la Commission évalue l’activité de transportsà 1000 milliards d’euros et 10 % du PIB européen, elle oublie de mettre en regard lemontant des coûts externes qui s’élèvent, selon la dernière étude de synthèse sur lesujet reprise par la Commission elle-même, à 10 % du PIB. Le développement durablen’est encore pour la Commission qu’un des deux impératifs « extérieur » au transportavec l’élargissement aux pays candidats.

La réforme et la construction européenne 95

Page 96: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Le maître-mot du premier « Livre blanc » de 1992 était l’ouverture du marché du trans-port et, « à l’exception du secteur ferroviaire, cet objectif a globalement été atteint ». LaCommission reconnaît que « la réussite de l’ouverture des marchés du transport ne peutfaire oublier que la réalisation du marché intérieur rend difficilement acceptable les dis-torsions de concurrence en raison d’un manque d’harmonisation fiscale et sociale ».Effectivement, jusqu’ici, la Commission a totalement ignoré que la libéralisation, désor-mais presque achevée, devait, selon les enseignements de la science économique,s’accompagner ou même être précédée d’une harmonisation des conditions de concur-rence sur tous les plans, économique, fiscal, social et environnemental.

D’où les « difficultés majeures » qu’elle constate aujourd’hui :– croissance inégale des différents modes aboutissant aux faibles part de marchéactuelles du rail (8 % pour le fret et 6 % pour les voyageurs), « illustration d’une meil-leure adaptation de certains d’entre eux » mais « également, le reflet du manque deprise en compte de l’ensemble des coûts externes dans le prix du transport et dumanque de respect de certaines réglementations sociales et de sécurité – notammentdans le transport routier » ;– « congestion sur certains grands axes routiers [10 % du réseau] et ferroviaires, [20 %du réseau], à l’intérieur des villes ou encore dans les aéroports » ;– « nuisances vis-à-vis de l’environnement ou de la santé des citoyens, sans oublier lelourd tribut de l’insécurité sur les routes ».

La congestion reste, pour la Commission, la première urgence car elle touche directe-ment à l’économie du marché unique, objet premier de la Communauté. Le développe-ment durable a été introduit par le traité d’Amsterdam, et le Conseil européen deGöteborg a placé le rééquilibrage entre modes de transport au cœur de cet objectif.L’urgence n’est pas la même et cet objectif ne pourra pas être atteint dans les dix pro-chaines années, mais « les mesures présentées dans le “Livre blanc” constituent toute-fois une première étape essentielle vers un système de transport durable que l’on peutespérer atteindre d’ici trente ans ».

La Commission a élaboré, non pas des prévisions mais des « illustrations quantitatives »de quatre scénarios et, dans la conclusion du « Livre blanc », elle entend produire en2002 une communication pour préciser la quantification des objectifs annoncés.

Comme l’élargissement va avoir un impact non négligeable sur la demande de mobi-lité, « il implique plus d’efforts pour réaliser le découplage progressif entre croissancedes transports et croissance économique et un rééquilibrage modal souhaités par leConseil européen de Göteborg. »

Écartant l’approche tendancielle, la Commission retient le scénario qu’elle a soumis auConseil européen de Göteborg, qui préconise un rééquilibrage modal comprenant troisvolets de mesures :– tarification accrue du transport routier ;– mesures « pour augmenter l’efficacité des autres modes » ;– et surtout « investissement ciblés sur le réseau transeuropéen », qui seul diffé-rencie vraiment le scénario choisi et apparaît clairement comme l’élément décisif durééquilibrage : ceci relativise beaucoup les impacts que la Commission peut attendredes deux premiers volets.

96 Chapitre VI

Page 97: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Malgré l’absence de démonstration probante, la Commission affirme que « grâce à lamise en œuvre des soixante mesures du “Livre blanc”, c’est en fait à un découplagesignificatif entre la croissance de la mobilité et celle de l’économie, auquel on assiste-rait avant 2010, sans toutefois qu’il soit nécessaire de restreindre la mobilité des per-sonnes et des biens ».

La Commission est cependant particulièrement prudente sur la réussite del’objectif qu’elle affiche : « L’objectif de rééquilibrage du transport, qui n’a jamais puencore être atteint, suppose non seulement la mise en œuvre, au titre de la politiquecommune des transports, du programme ambitieux de mesures envisagées d’ici 2010par le “Livre blanc”, mais aussi que des mesures cohérentes soient prises dans le cadred’autres politiques, au niveau national ou local. » La Commission cite les politiques :– économique, avec une certaine remise en cause du modèle de « production à fluxtendus et du stock roulant », mais sans en tirer de conclusions ;– d’urbanisme et d’aménagement du territoire ;– sociale et de l’éducation (horaires des activités) ;– de transport urbain (principal enjeu pour l’effet de serre) ;– budgétaire et fiscale « si l’on veut mener de pair une véritable internalisation descoûts externes » ;– de concurrence, « qui devrait assurer, particulièrement dans le secteur ferroviaire,que l’ouverture du marché ne soit pas freinée par les compagnies dominantes déjà pré-sentes sur le marché » ;– de recherche.

La Commission insiste encore sur le fait que tout ne dépend pas d’elle : « Il fautêtre clair qu’un certain nombre de mesures identifiées par le “Livre blanc” (...) passentpar des choix nationaux ou régionaux plus que par des mesures prises au niveau com-munautaire, comme la place de la voiture individuelle, l’amélioration de la qualité duservice public ou l’obligation de transporter des marchandises par train au lieu de laroute. »

Les analyses et orientations de la Commission relativisent particulièrementl’opportunité des objectifs de la réforme ferroviaire européenne. L’investissementreste le principal levier d’action du développement des chemins de fer, avec l’harmoni-sation des conditions de concurrence. Les exemples de réussite mis en avant par laCommission sont d’ailleurs particulièrement révélateurs :– le TGV Bruxelles-Marseille direct est la réussite de deux entreprises intégrées travail-lant en coopération ;– le succès du fret ferroviaire américain est celui d’entreprises intégrées avec des inter-pénétrations limitées.

Pour M. Ed Burkhardt, président de WISCONSIN-Central, élu « entrepreneur ferroviairede l’année 1999 », le modèle de l’Union européenne n’a aucun avenir : « L’Amérique duNord et du Sud, le Japon et la Nouvelle-Zélande ont préféré des chemins de fer intégrésverticalement avec l’infrastructure dans les mains des opérateurs. Le modèle européende séparation entre infrastructure et exploitation s’est diffusé dans quelques paysd’Asie et d’Afrique, mais je prédis qu’il est en fin de carrière, en premier lieu parce queles résultats ont été toujours mauvais. Le modèle peut persister quelques temps dansl’Union européenne parce que l’engagement politique en faveur de cette structure esttrès fort. »

La réforme et la construction européenne 97

Page 98: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Lors de la réunion à Prague, en mai 2000, de la CEMT (Conférence européenne desministres chargés des Transports) sur le thème de la réforme ferroviaire, le ministreaméricain a souligné que « le succès des réformes américaines venait pour une largepart du fait que les exploitants étaient propriétaires des infrastructures ». L’associationdes chemins de fer américains parle d’ailleurs de la « folie de l’accès forcé au réseau ».Mme de Palacio a, à l’inverse, fait savoir que l’Union européenne avait l’intention de cen-trer son action sur la réalisation d’un « système de transport intégré », dans lequel lesservices ferroviaires seraient clairement séparés de la gestion des infrastructures.

Le « Livre blanc » prévoit une soixantaine de mesures, datées pour les deux tiers d’entreelles, qui constituent un inventaire assez diversifié. On peut y distinguer les mesuresconcernant :– la « revitalisation du chemin de fer » ;– les autres modes de transport et l’intermodalité ;– les investissements dont la suppression des goulets d’étranglement ;– la réforme de la tarification des infrastructures ;– les droits et devoirs des usagers ;– l’élargissement et la place de la Communauté dans le système mondial des transports.

Au titre de la revitalisation des chemins de fer, la Commission prévoit, d’ici à fin 2001,un nouveau paquet ferroviaire comprenant :– l’ouverture des marchés nationaux des marchandises au cabotage ;– l’ouverture progressive des transports internationaux de voyageurs, promise au Par-lement européen lors de la conciliation de novembre 2000 ;– la mise à jour des directives d’intéropérabilité pour tous les réseaux ferroviaires ;– une directive sur la qualité des services ferroviaires et les conditions de dédommage-ment en cas de retard ou de manquement aux obligations de service ;– en 2002, une directive de sécurité et un règlement créant une agence européenne desécurité et d’intéropérabilité ;– de nouvelles infrastructures, dont des lignes de ceintures à priorité fret (sans date) ;– un accord volontaire de réduction du bruit et des pollutions (sans date).

Est donc clairement affichée la poursuite immédiate de la libéralisation, loin du mora-toire préconisé par le CSSPF dans son avis no 3 et sans lien avec l’harmonisation desconditions de concurrence.

L’intérêt de la Commission pour la sécurité confirme l’importance de celle-ci dans laséparation des fonctions ferroviaires : l’activité ferroviaire reste une activité à risque. Onne peut se contenter de légiférer sur chaque composante de la sécurité (systèmes tech-niques, normes, différents acteurs concernés...), il faut assurer la cohérence del’ensemble à la conception et dans son adaptation permanente. L’approche ne peutpas être seulement juridique mais doit associer très étroitement les acteurs de la profes-sion ferroviaire. Enfin, on peut redouter ce que recouvre « la restructuration des com-pagnies, en tenant compte des aspects sociaux et des conditions de travail » en relisantle « Livre blanc » de 1996 : « Il faut que soient adoptées des politiques du personnelprévoyant de vastes programmes de recyclage pour les employés licenciés, et dotés deressources suffisantes... »

En ce qui concerne les autres modes et l’intermodalité, le renforcement de la qualité dusecteur routier va dans le bon sens (clauses minimales dans les contrats avec révisiondes tarifs avec les charges, renforcement des contrôles, responsabilisation des

98 Chapitre VI

Page 99: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

employeurs). La maîtrise de la croissance du transport aérien cherche en réalité à aug-menter les capacités au sol et dans le ciel, tandis que la négociation de la taxation dukérosène est prévue d’ici à 2004, quoique la Commissaire se soit déclarée favorable àcelle-ci en 2010 devant la commission transport du Parlement européen le 10 octobre2001...

L’adaptation du système maritime et fluvial tend à développer le cabotage (autoroutesde la mer), à renforcer la sécurité maritime et à améliorer les conditions techniques, fis-cales, de travail et d’exploitation.

En matière d’intermodalité, le « Livre blanc » propose d’ici à 2003 une aide au démar-rage d’exploitations multipliée par 6, (de 5,3 M€ dans le programme PACTE à 30 M€

par an dans le programme « Marco Polo »). Il propose aussi de développer le pro-gramme d’intégration du fret et la standardisation des unités de transport. Ces mesu-res répondent à certaines préconisations de l’avis no 2 sur le développement du fret duCSSPF.

La planification des investissements ne fait l’objet que d’une révision limitée en 2001pour résorber les goulets d’étranglement. Les sept projets ajoutés à la « liste d’Essen »de 1994 comprennent cinq projets ferroviaires dont la liaison TGV/transport combinéEst européenne Paris-Stuttgart-Vienne (pour laquelle la France attend un cofinance-ment européen de 2,1 GF) et une traversée ferroviaire fret à grande capacité à traversles Pyrénées, mais pas le maillon clé européen du TGV Rhin-Rhône. La révision plusimportante du réseau transeuropéen de transport (RTE-T), prévue en 2004, s’annoncemoins favorable pour le rail (concurrence des pays candidats, autoroutes de la mer,capacités aéroportuaires).

Il est proposé de porter le taux de cofinancement maximal à 20 % pour les projets fer-roviaires transfrontaliers traversant des barrières naturelles ou pour les goulets d’étran-glement aux frontières avec les pays candidats à l’adhésion. Il est également envisagé, àl’instar du modèle suisse, d’introduire la possibilité « d’affecter les revenus issus de latarification d’itinéraires concurrents à la réalisation de nouvelles infrastructures, enparticulier ferroviaires ». Cette mesure satisfait aux recommandations du CSSPF dansses avis sur le fret et sur les schémas de service, mais elle devra être approuvée par lesministres chargés des Finances.

Enfin, une mesure envisage d’harmoniser les normes minimales de sécurité des tunnels.

Afin d’établir la vérité des coûts pour l’usager, la Commission propose, d’une part, unedirective cadre en 2002 concernant la tarification de l’usage des infrastructures, y com-pris les coûts externes, et, d’autre part, une taxation unique pour le carburant profes-sionnel routier tenant compte du coût de l’effet de serre, ce qui correspond là encoreaux vœux du CSSPF.

En ce qui concerne les droits des usagers, il est prévu de compléter, en 2001, les droitsdes passagers aériens et de présenter un règlement sur les contrats aériens, puisd’étendre d’ici à 2004 les mesures communautaires aux autres modes. Enfin, sans pré-voir de date, le « Livre blanc » propose de préciser les principes généraux devant régirles services d’intérêt économique général (SIEG) tels qu’ils sont définis dans la récentecommunication européenne sur le sujet. Le CSSPF, dans son avis no 4 sur le projet derèglement OSP, avait considéré comme urgent d’aller dans ce sens, mais il préconisaitde modifier à cet effet le traité de la Communauté. Parallèlement, le « Livre blanc » veut

La réforme et la construction européenne 99

Page 100: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

durcir et harmoniser les règles de sécurité routière (vitesse, alcool, drogue, ceintures àbord des autocars) avec l’objectif de réduire de moitié le nombre de tués d’ici à 2010.

Concernant l’élargissement de l’Union, le « Livre blanc » fixe un objectif de maintien dela part de marché élevée du rail (35 %) pour les pays candidats ; il évoque cependantle financement privé après avoir reconnu ses limites dans l’Union, ce qui est con-tradictoire. Il faudra veiller à ce que les perspectives financières 2007/2013 compor-tent une partie « transport » suffisamment importante pour faire face aux besoins deces pays en même temps qu’à ceux de l’Union actuelle à quinze pays.

La Commission propose enfin d’affirmer l’identité de l’Union européenne à travers lesystème de navigation par satellites GALILEO à l’horizon 2008 et une participationdirecte de l’Union à toutes les organisation mondiales de transport.

Le « Livre blanc » comporte beaucoup de bonnes intentions dans maints domaines, avecparfois des infléchissements qui répondent à des recommandations réitérées du CSSPF :financement multimodal des investissements, augmentation des possibilités de cofinan-cements européens, tarification des infrastructures internalisant les coûts externes, taxa-tion unique des carburants, début d’harmonisation et contrôle du secteur routier...

Pour autant, la plupart des mesures traduisant l’harmonisation des conditions deconcurrence fiscales, sociales ou environnementales sont d’horizon éloigné (par-fois plus que ne le prétend le « Livre blanc », comme pour la taxation du kérosène) etsoumis au vote à l’unanimité des ministres chargés des Finances (Conseil ECOFIN). Parcontre, le « Livre blanc » propose immédiatement de nouvelles mesures de libérali-sation, alors même qu’il reconnaît que la revitalisation du chemin de fer dépendd’abord des investissements et de l’harmonisation avec les autres modes. Il serait doncsouhaitable de rattraper d’abord le retard important en matière d’investissement etd’harmonisation et de faire un bilan approfondi et contradictoire du paquet ferroviairede 1991-1995, ainsi que du « paquet ferroviaire » de 2001 qui doit être transposé en2003.

Conclusion : un bilan insatisfaisant et denouvelles menaces pour le système publicferroviaire

Même si la réforme ferroviaire de 1997 n’a pas eu pour objectif premier la mise enconformité avec le premier paquet ferroviaire de 1991-1995, elle a eu pour contraintede s’inscrire dans la logique de son respect.

La réforme de 1997 a cependant dépassé les dispositions de la directive 91/440en matière de séparation entre activité d’entreprise ferroviaire et activité de ges-tionnaire d’infrastructure, en retenant une séparation institutionnelle en deux éta-blissements publics à caractère industriel et commercial, l’EPIC SNCF et l’EPIC RFF. Elles’est mise en conformité stricte en ce qui concerne l’ouverture du marché aux regrou-pements internationaux et au transport combiné international, sans qu’aucun trainn’ait demandé à circuler jusqu’ici sous le régime de la concurrence autorisée.

100 Chapitre VI

Page 101: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Par contre, en ce qui concerne l’assainissement financier et l’autonomie de gestion,aucun progrès n’est constaté. Bien au contraire, la dette globale du système ferroviaire(y compris le service annexe d’amortissement) augmente de 237 à 258 milliards defrancs environ de début 1997 à fin 2001, puisque la France a privilégié le respect strictdu critère « dette de l’État » du traité de Maastricht, alors même que le traité permet-tait une application dynamique de ce critère (montrer que la dette de l’État baissaitpour se rapprocher de façon probante du seuil fixé).

Certes, l’État a infléchi la vitesse de croissance de la dette ferroviaire en apportant dansle système des dotations en capital à hauteur de 54,5 GF de 1997 à fin 2001 et en insti-tuant un dispositif vertueux de cofinancement des investissements d’infrastructure parleurs demandeurs, de façon à ne pas détériorer les comptes de RFF (article 4 du décretrelatif aux missions de RFF), même si ce dispositif ne joue que très progressivement.

Cet endettement massif a un impact important sur le développement du système qui aété freiné, au moment même où le gouvernement et la SNCF s’assignaient des objectifsambitieux de croissance du fret ferroviaire et où le transport ferroviaire de voyageursaugmentait rapidement sous l’impulsion d’une politique de volume pour les grandeslignes, et de l’expérimentation de la régionalisation pour les TER.

Cet endettement a aussi contribué à la régression constatée en matière d’autonomie degestion des deux établissements. Le jeu compliqué et artificiel des échanges financiersentre l’État, la SNCF et RFF a été orchestré par le ministère chargé des Finances qui arenforcé son emprise sur les deux entreprises en matière d’investissements.

On peut ainsi conclure que, sur les différents objectifs, la réforme de 1997 a transforméartificiellement l’économie fragile du système ferroviaire et n’a pas aidé son développe-ment, malgré l’objectif de « renouveau » affiché dans le titre de la loi française et de« développement des chemins de fer communautaires » dans le titre de la directive91/440. Les bons résultats de trafic sur la période sont dus à la bonne conjoncture éco-nomique et aux actions de la SNCF, qui se heurtent à la limite des moyens mobilisables.Les résultats à venir ont cependant été en partie hypothéqués.

De plus, au regard des évolutions européennes codécidées par le Parlement euro-péen et par le Conseil, la réforme de 1997 est fragile. La menace est très forte pourla régionalisation, décidée définitivement par la loi SRU (cf. le chapitre VII du présentrapport). Le nouveau paquet ferroviaire de 2001 remet aussi partiellement en causel’organisation de 1997.

Par ailleurs la libéralisation renforcée proposée immédiatement pour le transport defret et progressivement pour le trafic international voyageurs dans le prochain« paquet ferroviaire » prévu fin 2001, bouscule aussi le système ferroviaire français. Lalibéralisation continue d’avancer plus vite que la nécessaire harmonisation desconditions de concurrence.

Parmi les soixante mesures annoncées par le « Livre blanc » de septembre 2001, cellesqui organisent la libéralisation sont « faciles » à faire adopter en codécision et à lamajorité qualifiée, tandis que les mesures organisant l’harmonisation des conditions deconcurrence sont « difficiles » à faire adopter car elles ont des répercussions financièresdirectes et, à ce titre, relèvent de l’unanimité. Elles se heurtent aux difficultés des réfor-mes fiscales et des réformes touchant aux avantages des autres modes de transports, etceci pas uniquement en France, du fait de la nécessité d’harmonisation entre tous les

La réforme et la construction européenne 101

Page 102: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

pays qui résulte de l’ouverture du marché unique. La libéralisation joue donc double-ment contre le développement du chemin de fer : elle s’opère sans harmonisation desconditions de concurrence entre les modes, ce qui est contraire aux préconisations dela théorie économique, et elle rend plus difficile cette harmonisation dans le marchéouvert de l’ensemble des pays de l’Union européenne.

Comme Janus, le « Livre blanc » offre un double visage : de bonnes intentions affichéesdifficiles à mettre en œuvre, des actions de libéralisation sans harmonisation préalablequi peuvent être réalisées rapidement.

102 Chapitre VI

Page 103: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Chapitre VII

La réformeet la régionalisation

des services voyageurs

Page 104: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 105: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

De la loi d’orientation pour l’aménagementet le développement du territoire (LOADT)à la loi relative à la solidarité etau renouvellement urbains (SRU)

Les services régionaux de voyageurs (SRV) qui contribuent à l’aménagement du terri-toire et au droit au transport relèvent d’une mission de service public. Ils font l’objetd’une contribution publique rémunérant le service rendu à la collectivité. Longtemps ilsont relevé de l’État. Après l’expérimentation d’une première convention avec la SNCFen région Nord-Pas-de-Calais à partir de 1978, dans le cadre des schémas régionaux detransport de 1974, les SRV font l’objet depuis la loi d’orientation des transports inté-rieurs (LOTI) de 1982 de conventions facultatives entre les régions et la SNCF ; dans lamajorité des cas, les régions ont limité leur rôle à la responsabilité décisionnelle etfinancière des modifications, à la marge, des services définis en référence. Ces conven-tions se sont rapidement développées et ont conduit au lancement en 1987 du systèmeTER (transport express régional).

À la suite du rapport du sénateur Haenel de 1994, la loi d’orientation pour l’aménage-ment et le développement du territoire (LOADT) de février 1995 a prévu une décentrali-sation des SRV sur les régions, après une expérimentation. Son article 67 stipule que,« afin d’assurer la mise en œuvre de la politique nationale d’aménagement et de déve-loppement du territoire, une loi définira, après une phase d’expérimentation qui débu-tera un an au plus après l’adoption de la présente loi, les modalités d’organisation et definancement des transports collectifs d’intérêt régional et les conditions dans lesquellesces tâches seront attribuées aux régions, dans le respect de l’égalité des charges impo-sées au citoyen ainsi que de l’égalité des aides apportées par l’État aux régions. Sousréserve de l’expérimentation, cette loi devra prendre en compte le développementcoordonné de tous les modes de transport et assurer la concertation entre toutes lesautorités organisatrices de transports ».

Six régions se sont portées candidates et sont devenues autorités organisatrices en1997 : Nord-Pas-de-Calais, Rhône-Alpes, Provences-Alpes-Côte-d’Azur, Centre-Pays-de-la-Loire et Alsace. La région Limousin les a rejointes en 1999.

La loi portant création de l’établissement public RFF en vue du renouveau du transportferroviaire de février 1997 complète, en son article 15, les dispositions de l’article 67 :« Les régions concernées par l’expérimentation prévue au présent article sont autoritésorganisatrices des services régionaux de voyageurs de la Société nationale des cheminsde fer français. La délimitation de ces services est fixée conjointement par l’État et larégion. Chacune des régions reçoit chaque année, directement de l’État, une compen-sation forfaitaire des charges transférées à la date d’entrée en vigueur de l’expérimen-tation. La consistance, les conditions de fonctionnement et de financement de cesservices ainsi que leur évolution sont fixées par une convention passée entre la région etla Société nationale des chemins de fer français. L’expérimentation sera close le31 décembre 1999. Elle pourra toutefois prendre fin, pour chaque région participante,dès la clôture de l’exercice au cours duquel ladite région aura, avant le 1er juin, exprimésa volonté d’y mettre fin ».

La réforme et la régionalisation des services voyageurs 105

Page 106: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

La loi d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire(LOADDT) de juin 1999 (article 21) prolonge l’expérimentation jusqu’au 31 décembre2001 au plus tard : « Pour préparer dans les meilleures conditions la loi prévue au pre-mier alinéa, les dispositions prévues au troisième alinéa continuent à s’appliquerjusqu’au 31 décembre 2001 au plus tard. »

La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) définit les modalitésd’organisation et de financement des SRV et les conditions dans lesquelles ces tâchesseront attribuées aux régions au 1er janvier 2002 de façon définitive et en même tempspour toutes les régions.

Une très large majorité s’exprime pour soutenir les décisions de régionalisation prisespar les lois LOADT et SRU. Les points de vue critiques ne visent pas le principe de larégionalisation, mais le risque de mise en cause de l’unité de la SNCF, des péréquationset des conditions sociales des cheminots, la concomitance de cette régionalisation etde la réforme de la SNCF contribuant à alimenter ces craintes.

Le bilan de l’expérimentationde la régionalisation des SRV

Depuis le début des années 1990, l’intérêt des collectivités territoriales au financementdes services d’intérêt régional a cru très sensiblement comme en témoignent les finan-cements correspondants qui sont passés de 42 millions de francs (MF) en 1990 à 410MF en 1996, à la veille de la régionalisation.

Le trafic n’a pas suivi de 1992 à 1994, en raison notamment de la faiblesse de la crois-sance économique et d’une série d’attentats qui ont contribué à réduire les déplace-ments. Le trafic a crû ensuite de façon continue, après le point bas de la crise sociale de1995. L’expérimentation de la régionalisation amplifie ensuite la croissance dans lessept régions expérimentales, pour lesquelles on peut d’ailleurs noter que leur traficavait paru résister sur la première période.

On peut remarquer que le trafic des treize autres régions suit avec deux années deretard : le dynamisme des premières régions a entraîné l’émulation des autres qui ontanticipé leur entrée dans le processus de régionalisation (cf. annexe 20).

Si le trafic croît, c’est en raison d’une amélioration quantitative de l’offre (cf. annexe21) aussi bien que qualitative, par renouvellement des matériels roulants. Les montantsdes conventions signées au 03/08/01 par les régions pour des matériels neufs s’établit à11,7 GF dont 7,5 GF dans les sept régions expérimentales, et les commandes devraients’accroître de 5 à 6 GF en 2002 : matériel ZTER, autorail à grande capacité AGC... (cf.annexe 22), sans compter les investissements de rénovation de matériel (plus de 500MF). Les recettes ont suivi au même rythme que les trafics (cf. annexe 23).

L’expérimentation de la régionalisation a donc marqué une nouvelle étape dans ledéveloppement du TER et la différence entre les sept régions expérimentales et lestreize régions non expérimentales est sensible même si 2000 voit s’estomper les diffé-rences du fait de l’anticipation déjà citée.

106 Chapitre VII

Page 107: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Un très large consensus s’exprime pour reconnaître le succès de l’expérimenta-tion, dont le bilan chiffré est présenté dans le tableau ci-après.

Bilan de l’expérimentation de la régionalisation

TER y comprisles express d’intérêt

régional(Rail +Route)

Offre TER(millions de trains. km

ou de cars km)Trafic TER

(milliards de VK)Recettes TER 1

(milliards de F HT)

1996 2000 % 1996 2000 % 1996 2000 %

Sept régionsexpérimentales

66,6 77,7 +16,6 3,8 4,6 +21,6 2,0 2,5 +20,7

Treize autres régions 80,2 87,4 +8,9 3,5 4,0 +13,4 1,9 2,1 +13,0

Total vingt régions 146,8 165,0 +12,4 7,3 8,5 +17,6 3,9 4,6 +17,0

Source : SNCF1 Y compris compensations pour tarifs sociaux

Nota : la suite du texte fait référence aux recommandations des avis no 1(8/03/2000) et no 4 (15/11/2000) du CSSPF, mais la lecture en est possible en igno-rant ces références.

La loi SRU et son projet de décretd’application au regard de l’avis no 1du CSSPF

La loi no 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellementurbains (SRU) définit dans la section 5 de son volet déplacements (titre III) les nouvellesdispositions relatives aux transports collectifs d’intérêt régional, transférés aux régions.

Le CSSPF a voté, le 8 mars 2000, son avis no 1 sur le projet de loi SRU en élargissant sesrecommandations à l’ensemble du projet dans la mesure où la loi vise, pour la premièrefois, à la cohérence entre urbanisme et déplacements.

L’analyse se concentre ici sur la partie régionalisation de la loi et s’appuie aussi sur le pro-jet de décret qui précise les conditions de transfert des compétences aux régions. En effetl’avis no 1 du CSSPF avait regretté un « renvoi trop systématique à des décrets ultérieurssur des points délicats, notamment sur l’application concrète de la régionalisation dutransport de voyageurs ». Un point évoque succinctement les évolutions propres àl’Île-de-France, reprises dans la section 3 du même volet déplacement de la loi SRU.

La loi SRU comporte trois types de dispositions :– les modifications de la LOTI (articles 21, 22 et 16) ;– les modifications du code général des collectivités territoriales : sont concernées laplupart des mesures financières mais pas l’effort en faveur des gares ;– les dispositions ne figurant que dans la loi SRU.

La réforme et la régionalisation des services voyageurs 107

Page 108: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

La date du transfert définitif de compétences en matière de SRV est le 1er janvier 2002(article 124) et ne peut être anticipée par certaines régions comme le préconisait l’avisno 1 (recommandation 18) pour prévenir le « risque de rupture dans la dynamiqueactuelle du processus ». A posteriori, une anticipation aurait peut-être été difficile enl’absence de comptes SNCF de référence attestés (les comptes SRV de la SNCF pour2000 ont été attestés par un audit externe et approuvés par les vingt régions en juin2001) et aurait peut-être accentué le ressenti d’une différence de traitement par lesrégions non expérimentales.

Sont transférés aux régions, d’après l’art. 124 de la loi et l’art. 1 du projet de décret :– les services ferroviaires régionaux de voyageurs, conventionnés en 2000 ;– les services routiers de substitution conventionnés en 2000 ;– les express d’intérêt régional non conventionnés, en service en 2000 et figurant aucompte attesté SNCF de l’exercice 2000 ;– les services régionaux mis en œuvre par la SNCF en 2000 sans convention et figurantau compte attesté SNCF 2000.

Un arrêté déterminera les services transférés au 1er janvier 2002 pour chaque région.

La région décide du contenu du service public des SRV : dessertes, tarification, qualitéde service, information de l’usager, en cohérence avec le système ferroviaire et le sys-tème tarifaire nationaux (article 124) comme le CSSPF le préconisait (recommandationno 19). L’État est le garant de la cohérence du système ferroviaire et la SNCF assure celledes services intérieurs sur le réseau ferré national (article 126), les tarifs sociaux natio-naux s’appliquant aux SRV. Cependant le contenu du service public est décidé par larégion et, pour les services « demandés » par la région à la SNCF, c’est la convention quidéfinit les engagements respectifs de la région et de la SNCF (article 129). La « concer-tation » souhaitée entre la région et la SNCF à la recommandation 22 dépendra de laqualité des relations nouées. De plus, l’État n’est pas partie prenante aux conventionsavec les régions limitrophes françaises ou étrangères et le principe de la liberté tarifairedes régions n’est pas « encadré » autrement que par le respect du cahier des charges dela SNCF (projet de décret, article 8).

En matière tarifaire, aucune initiative n’est prise ni promue à l’occasion de la régionali-sation en faveur de « règles nationales » s’appliquant à tous les transports collectifspour garantir une égalité de traitement des citoyens sur tout le territoire et donc un« réel droit au transport » (recommandation 2). Une exception concerne le principed’une « réduction tarifaire d’au moins 50 % ou sous toute autre forme d’une aide équi-valente » pour les personnes à ressources inférieures à un plafond dans les aires decompétences des AO urbaines. Cette réduction pourrait jouer pour les SRV desservantles agglomérations dans le cadre de coopérations tarifaires. La loi ne comprend pasdavantage d’initiative en faveur de tarifications combinées entre les différents moyensde transport, auxquelles auraient contribué les différentes autorités organisatrices(recommandation 15).

Les services transférés sur route sont inclus dans la convention signée par la SNCF qui estdonc chargée de la « continuité du service », comme le demandait la recommandation20 et ceci quelles que soient les demandes faites de les assurer de façon indépendante.

Concernant le développement de services périurbains, la recommandation 4 préconi-sait que la possibilité de créer un syndicat mixte entre les AO concernées s’accompagne

108 Chapitre VII

Page 109: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

d’une définition juridique du périurbain. La loi n’a pas retenu cette proposition ni cellede faire coïncider le périmètre de l’aire urbaine de compétence du syndicat mixte surcelui du schéma de cohérence territoriales ou SCT (recommandation 14).

En matière d’infrastructure ferroviaire, la loi stipule que « le ministre chargé des trans-ports traite les litiges relatifs à l’attribution des sillons ferroviaires » (article 19) et, pardéfaut, écarte l’idée d’autorité régionale de régulation au profit de la gestion nationaleactuelle des sillons ; la loi répond ainsi à la recommandation 21 du CSSPF. La « concer-tation » sur l’attribution des sillons, souhaitée par certains, n’est pas non plus retenue.

La loi ne traite pas des questions relatives à l’infrastructure ferroviaire et au rôle de RFF,contrairement à ce que demandait la recommandation 5 sur :– la gestion des circulations ferroviaires : règles d’arbitrage entre trafics ;– le rôle de RFF : capacité et qualité des infrastructures fournies par RFF garanties dansle cadre des relations contractuelles région/SNCF et choix conséquent des investisse-ments par RFF ;– les modalités de financement de nouvelles infrastructures.

La transparence et la neutralité financière du transfert aux régions des servicesrégionaux constituent un enjeu fort de cette nouvelle étape de la décentralisation.

L’article 125 définit la compensation des charges des services transférés de l’État auxrégions, intégrée dans la dotation générale de décentralisation ; elle est constituée :– du montant de la contribution pour l’exploitation des services transférés ;– du montant de la dotation complémentaire nécessaire au renouvellement du parcmatériel roulant affecté aux services transférés ;– du montant de la dotation correspondant à la compensation des tarifs sociaux misen œuvre à la demande de l’État.

En plus de l’indexation de la dotation générale de décentralisation, des clauses de révi-sion exceptionnelles sont prévues :– en 2003, pour les incidences des nouvelles règles comptables de la SNCF ;– pour compenser intégralement toute disposition législative ou réglementaire ayantune incidence sur les charges (dont les modifications de redevances d’infrastructurecomme le demandait la recommandation 5) ;– pour toute modification des tarifs sociaux décidée par l’État ;– pour toute modification des dessertes d’intérêt national, liée à une infrastructurenouvelle ou à une opération de modernisation ayant fait l’objet d’une approbationministérielle, et nécessitant des dessertes régionales supplémentaires.

Il faut noter cependant que toutes ces compensations et révisions ne concernent queles services transférés au 01/01/2002 et non les services créés par les régions (sauf encas de modification de dessertes nationales) : le développement de nouveaux servicesse fait sous la seule responsabilité des régions et supporte entièrement les modifica-tions de l’environnement économique et juridique. La loi n’a pas retenu l’idée d’unfond de développement des transports collectifs alimenté par une part de la taxe inté-rieure sur le produits pétroliers (recommandation 1), ni l’idée que les compensationspermettent le développement (recommandation 23).

Enfin, comme le proposait la recommandation 24, « l’État contribue à l’effort demodernisation des gares à vocation régionale dans le cadre d’un programme d’inves-tissement d’une durée de cinq ans à compter du transfert ». Cet effort est donc non

La réforme et la régionalisation des services voyageurs 109

Page 110: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

pérenne et ne figure ni dans les modifications de la LOTI, ni dans celle du code généraldes collectivités territoriales.

La loi de finances 2002 prévoit une contribution aux services régionaux de 1 500 mil-lions d’euros (9,9 GF) en 2002, en hausse nette de 364 M€ (2,4 GF) par rapport aux 7,5GF de 2001. Elle se décompose comme suit :

Contribution pour l’exploitation 6 859 MF

Compensation des tarifs sociaux 1 179 MF

Dotation pour le matériel roulant 1 351 MF

Compensation de la hausse des péages 422 MF

Compensation des nouvelles dessertes en Rhône-Alpeset PACA liées au TGV Méditerranée

70 MF

Total 9 881 MF

Rien n’est prévu à ce jour pour les gares en dehors des financements par l’État inclusdans les CPER, relativement faibles. Il a été convenu avec les régions qu’un programme« Gares » serait élaboré après un état des lieux dans chacune d’entre elles.

Ces montants très importants sont calés sur les comptes attestés des SRV (y compris lesexpress d’intérêt régional) de la SNCF en 2000. Ils apurent les déficits résiduels, tout entraduisant mieux les comptes de ces services.

Au plan financier, les régions discutent encore de :– la valeur moyenne nationale du « véhicule ferroviaire » (actuellement : 11 MF pourun autorail et 7,5 MF pour une voiture tractée) qui sert de base à la dotation complé-mentaire nécessaire au renouvellement du parc ;– l’impact de la taxe professionnelle assise sur la valeur d’achat des matériels et qui, dece fait, croît beaucoup dès qu’on remplace un matériel ancien par un matériel neuf ;– le montant des investissements de la SNCF en matériels roulants, qu’elles voudraientau moins au niveau des amortissements, ce qui est déjà le cas.

Globalement, les régions estiment encore à 153 M€, soit 1 milliard de francs, l’insuffi-sance de compensation, également répartie entre les deux premiers motifs.

La SNCF estime qu’elle devrait se voir rembourser la charge de la trésorerie des comptesSRV qu’elle pourrait devoir assumer pendant la période transitoire dans la mesure oùles conventions avec les régions risquent de ne pas être toutes signées au 31 décembre2001, en raison d’un calendrier très tendu et de la publications tardive des textes régle-mentaires d’application. La SNCF craint aussi de supporter en partie l’actualisation descomptes, notamment en ce qui concerne les tarifs sociaux et la maintenance des maté-riels (les charges peuvent varier beaucoup dans le temps alors que les comptes attestés2000 reflètent les charges de l’année 2000 et non des charges moyennes).

De plus, la SNCF fait remarquer qu’elle devra supporter les coûts du développementdes ateliers nécessaires à l’entretien de parcs régionaux de matériels roulants en forteaugmentation.

Enfin, la SNCF supporte aussi, au titre de l’ajustement des relations financières entrel’État, la SNCF et RFF décidé par l’État à cette occasion, une augmentation spécifique

110 Chapitre VII

Page 111: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

des péages des grandes lignes de 96,81 M€ [635 MF] et une réduction de la subventionaux transports combinés de 54,70 M€ [359 MF].

La loi SRU développe la concertation, les consultations et les procédures d’informationà tous échelons entre tous les acteurs concernés :– création possible de comités de lignes (article 135) dont le CSSPF recommandait lapromotion grâce à des incitations (recommandation 3 ;– consultation des départements et communes concernées pour toute création ou sup-pression de desserte par SRV ou par un service national ou international (article 135) ;– consultation des comités départementaux et régionaux (CDT et CRT) sur l’organisa-tion des transports ferroviaires inscrits au plan régional des transports (article 136) ;– création possible d’un comité régional des partenaires du transport public (article 124) ;– consultation des régions concernées sur la consistance des services SNCF autres queSRV (article 135) ;– information des régions par l’État et RFF sur toute modification de la consistance oudes caractéristiques du réseau ferré national et sur les projets d’infrastructure correspon-dants (article 131). Ces dispositions recoupent mais pas totalement la recommandation6 du de l’avis no 1 du CSSPF qui demandait que « toute autorité organisatrice de trans-port qui souhaite modifier les conditions, les modalités ou la consistance des services detransports de sa compétence consulte au préalable les autres AO concernées » ;– consultation et avis des régions pour tout projet de modifications de fixation desredevances d’infrastructure (article 132) ;– Comité national de suivi de la décentralisation des services voyageurs d’intérêt régio-nal (article 137), dont les syndicats et les usagers sont cependant exclus ;– rapport du Gouvernement au Parlement au 1er janvier 2007 « portant bilan de cetransfert de compétences établi sur la base d’une évaluation conjointe diligentée parl’État et les régions » (article 139).

Les évolutions retenues pour l’Île-de-Francepar la loi SRU

Des évolutions ont été aussi prévues par la loi SRU pour les services régionaux de transporten Île-de-France. Elles ne relèvent, à proprement parler, ni de la réforme de 1997, ni de larégionalisation, puisque cette région n’est toujours pas autorité organisatrice comme enprovince, mais ces évolutions participent au même mouvement de responsabilisation dessociétés de transport (SNCF, RATP) et des collectivités locales qu’en province.

La loi SRU prévoit l’entrée de la région Île-de-France dans l’établissement public auto-rité organisatrice des transports publics en Île-de-France, le syndicat des transports enÎle-de-France (STIF) qui remplace le syndicat des transport parisiens (STP). La région,déjà cofinanceur des investissements, devient ainsi codécideur et cofinanceur des servi-ces de transports publics franciliens, mais sans devenir majoritaire dans le STIF où l’Étatgarde 50 % des voix : sur 34 voix au conseil d’administration du STIF, l’État a 17 voix, larégion 5, le Conseil de Paris 5, et les 7 autres départements franciliens, une voix chacun.

L’évolution en Île-de-France est donc loin d’être équivalente à la « régionalisation »,effective dans les autres régions françaises. Pour certains, ce n’est qu’une première

La réforme et la régionalisation des services voyageurs 111

Page 112: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

étape vers le même modèle que celui des vingt autres régions métropolitaines. Parcontre, la nouvelle contractualisation, déjà convenue avec les transporteurs RATP etSNCF, est du même type que celle qui se met en place avec les régions de province.

Les risques de la proposition de règlementeuropéen sur les exigences de service publicde voyageurs au regard de l’avis no 4du CSSPF

L’avis no 4 du CSSPF

Avant même que la loi SRU ne soit votée, elle était menacée par la proposition de règle-ment européen relatif à l’action des États membres en matière d’exigences de servicepublic et à l’attribution de contrats de service public de transport de voyageurs,adoptée le 26/07/2000 par la Commission européenne (appelée, dans ce rapport, pro-position ou projet « OSP » pour « obligations de services publics »). L’avis no 1 du CSSPFsur la loi SRU avait recommandé « la plus grande vigilance » sur cette proposition« dont les incidences sur cette loi pourraient aller jusqu’à mettre en causes les disposi-tions relatives aux transports collectifs et, en tous cas, risquent d’être préjudiciables auservice public de transport ».

L’exposé des motifs de l’avis no 4 indique :« 1) la proposition de la Commission confirme le rôle essentiel du service public là où lemarché n’est pas en mesure d’assurer un niveau de service de transport suffisant et jus-tifie les aides financières correspondantes. Cette reconnaissance nécessiterait d’êtreconfirmée, et la politique des services d’intérêt général devrait être développée dans lestraités, de façon à pouvoir en tirer toutes les conséquences sous forme de règlementset de directives adéquats, cela sur le même plan que la politique de la concurrence. Ilfaut, comme le rappelle la Commission, que le service public puisse se développer et semoderniser de façon à contribuer de façon la plus efficace possible aux objectifs com-munautaires de développement durable dans ses trois composantes : développementéconomique ; amélioration de l’environnement et réduction des nuisances ; solidaritéaccrue avec les territoires ou les citoyens défavorisés ;2) dans sa proposition de règlement, la Commission propose comme modèle la concur-rence régulée, fondée sur le renouvellement périodique, par appel d’offres, de droitsexclusifs. Mais les expériences citées ne sont décrites que partiellement et surtout neconcernent que des lignes d’autobus. Ce modèle est aujourd’hui minoritaire en Europedans le secteur ferroviaire. Il ne concerne que la Suède et le Royaume-Uni et quelquesexpériences en Allemagne (5 % de l’activité régionale seulement), en Italie et au Portugal.C’est au Royaume-Uni qu’il est le plus répandu, la franchise étant le modèle unique. »

Par ailleurs, l’étude du CSSPF, « Bilan de la réforme des chemins de fer britanniques »de septembre 2001, montre que :– le succès commercial est très relatif : si l’action des nouveaux opérateurs a renou-velé initialement une mauvaise image du chemin de fer, la croissance des trafics avait

112 Chapitre VII

Page 113: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

débuté avant la privatisation et traduit un contexte favorable de croissance écono-mique, de congestion des autres modes, et de politique de prix élevé des carburants... ;– la qualité de service s’est vite dégradée : la moitié des clients sont mécontents durapport qualité/prix, et plus des deux tiers de la population souhaitent une « renationa-lisation » ;– l’augmentation des contributions publiques, dont la réduction constituait lapriorité no 1 de la réforme, constitue un échec complet (subventions annuelles auxexploitants multipliées par deux, subventionnement non prévu de Railtrack, plan mas-sif d’investissements de 672 GF) ;– enfin la sécurité constitue un terrible échec qui laisse le réseau en déliquescence enraison des graves insuffisances de gestion et d’entretien.

Selon cette étude, l’échec du modèle britannique provient essentiellement :– d’une « fragmentation » excessive du système ;– de la séparation roue/rail ;– d’un fonctionnement alourdi et complexe, diluant les responsabilités ;– d’une absence complète de vision stratégique, contraire à l’intérêt général ;– de l’incongruité de confier la responsabilité de l’infrastructure à un monopole privé.

« Le modèle de la franchise britannique proposé par la Commission pour le transportferroviaire est donc loin d’avoir fait la preuve de son efficacité tant au plan économiqueque des besoins des clients et des intérêts des salariés. »

La faillite de Railtrack et sa mise sous tutelle publique est l’aboutissement de l’échecd’un modèle sans issue, pourtant promu par la Commission européenne ; la LITRA(association suisse des transports publics) évoque un « modèle dépassé ».

« 3) La régionalisation des services régionaux de voyageurs se traduit par un régime departenariat public entre autorités compétentes, opérateurs et acteurs concernés,régime qui a fait ses preuves et révèle un potentiel de dynamisme réel mais ignoré parla Commission dans sa proposition. [...]

4) Le principe de subsidiarité doit aussi s’appliquer pour satisfaire, au plus près du voya-geur, le besoin fondamental de déplacement. La proposition de règlement a l’ambitiond’uniformiser des situations extrêmement différentes : trafics internationaux, natio-naux, interrégionaux, régionaux, périurbains ou urbains, de tous les modes terrestresdes quinze pays de l’Union européenne, quelles que soient leur culture de gestion,régie directe ou concession, avec ou sans appels d’offres. Ceci semble illusoire et peutapparaître comme un détournement des orientations européennes, parmi lesquellesfigure le principe de subsidiarité, introduit par le traité de Maastricht. (...) On peut aussiconstater la disproportion entre les besoins du service public ferroviaire et la taille dumarché émergent des opérateurs concernés dans les pays qui souhaitent généraliser lerecours aux appels d’offres dans le secteur ferroviaire... »

En conséquence, le CSSPF, dans son avis no 4, a adopté les deux recommandations prin-cipales suivantes :« 1) le CSSPF demande qu’un cadre juridique européen solide voit le jour enmatière de service d’intérêt général à l’occasion de la révision du traité, pourqu’un contrepoids soit fait à l’omnipotence du droit de la concurrence. L’article 16du traité devrait faire l’objet d’un développement adéquat à travers un titre spécialisédu traité, permettant l’élaboration de textes dérivés orientés vers l’établissement d’un

La réforme et la régionalisation des services voyageurs 113

Page 114: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

service public de qualité. Les services de transports collectifs devraient en faire partie, ycompris le fret ferroviaire qui participe, en tant que service d’intérêt général, à l’aména-gement du territoire, au désengorgement des axes routiers, à la sécurité des transportset à la protection de l’environnement, et par là même au développement durable ;2) le CSSPF recommande que le transport ferroviaire de voyageurs, qu’il soitinternational, national, régional ou du type tram/train, soit totalement exclu del’application de la proposition de règlement. Le CSSPF considère cependant que cecin’empêche pas la mise en œuvre de systèmes d’exploitation plus souples dans des castrès particuliers (trafics locaux ou transfrontaliers), qui pourraient être gérés sous lerégime de la coexploitation avec la SNCF. En effet, le CSSPF considère que l’applicationau transport ferroviaire de cette proposition n’est pas compatible avec le développe-ment d’un service public de transport adapté aux besoins de la collectivité et du déve-loppement durable, en raison de : a) l’absence complète de preuve de l’efficacité, pourle citoyen européen, des services rendus sous le régime de la concurrence régulée, dansle ferroviaire ; b) la preuve de l’efficacité pour le citoyen européen et de l’intérêt pourles salariés des services rendus sous le régime du partenariat et la preuve des possibili-tés très dynamiques d’amélioration permanente offertes sous ce régime par l’associa-tion des acteurs locaux concernés, au plus près des besoins ; c) l’efficacité reconnue parles autorités compétentes, qui pratiquent le modèle du partenariat et notamment parl’Association des régions de France (ARF), laquelle ne souhaite pas voir modifié le cadrejuridique de la loi SRU ; d) le principe de subsidiarité, qui est donc clairement revendi-qué et stipule que lorsqu’un objectif peut être atteint par une autorité d’un rangdonné, il n’y a pas lieu de légiférer à un rang supérieur ; e) la disproportion entre, d’unepart, les exigences des citoyens et des régions en matière de service public, et, d’autrepart, l’étroitesse du marché émergent des entreprises du secteur, tant en nombrequ’en marge commerciale, du moins si un contrôle strict s’exerce sur les contrats deservice public. »

« Par ailleurs, dans le cadre de la mise en œuvre de la politique globale des transports etafin de garantir dans l’intérêt des usagers un haut niveau de sécurité, un développe-ment équilibré des territoires et le respect des principes du service public, le CSSPF sou-tient que l’État doit assurer la cohérence d’ensemble des services ferroviaires sur leréseau ferré national.

Dans le même esprit, le CSSPF recommande au gouvernement de préciser le cadre juri-dique de la mise en œuvre des tram/trains, notamment en matière d’autorité compé-tente, et de défendre l’exclusion de ce type innovant de transport de l’application de cetexte, au même titre que le reste du ferroviaire en raison du caractère intégré de lapartie ferroviaire classique et de la partie transport urbain. «

L’analyse de la première lecture de la proposition « OSP »en commission du Parlement européen

La proposition « OSP » vient d’être adoptée en première lecture le 14 novembre 2001,avec de très nombreux amendements, par le Parlement européen. Ce vote n’est certesque la première étape d’une longue procédure de codécision (position communedu Conseil, deuxième lecture du Parlement, avis de la Commission, deuxième position

114 Chapitre VII

Page 115: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

du Conseil, Comité de conciliation puis troisième lecture du Parlement et du Conseil,avec des possibilités de rejet ou d’adoption à chaque étape) mais il est révélateur.

De plus, le texte pourrait se durcir en revenant vers des positions plus proches dutexte initial de la Commission.

Le proposition « OSP » s’appliquerait seulement aux services de transport de courte dis-tance. Les trafics régionaux et « transilien » devraient donc obligatoirement fairel’objet d’appels d’offres, contrairement à la recommandation 2 du CSSPF dans sonavis no 4, ceci sans aucune exemption possible au titre de leur intégration aux autresservices ferroviaires, contrairement à la recommandation 3.

Les critères de qualité exigés dans les appels d’offre ont fait l’objet de nombreux ajoutsrecouvrant la recommandation 4. La durée maximale des contrats passerait à quinzeans (au lieu de cinq dans le texte initial) comme le demandait la recommandation 5,mais sans possibilité de modulation en fonction des durées d’amortissements des actifsengagés. La possibilité pour l’opérateur de se voir imposée une part de sous-traitanceserait supprimée de même que la limitation de la part de marché de l’opérateur ferro-viaire, comme le recommandait le CSSPF (recommandations 7 et 8). La faculté derépondre aux appels d’offres sans s’établir dans l’État membre serait supprimée,comme le demandait la recommandation 11.

À défaut de la création d’un Observatoire européen des transports indépendants, unrapport sur l’application du règlement serait présenté dans les cinq ans après son adop-tion, conformément à la recommandation 13.

Enfin, si le droit à la gestion directe sans appels d’offres était reconnu aux autoritéscompétentes, un principe de réciprocité serait introduit, interdisant à un opérateur derépondre aux appels d’offres à l’étranger dès qu’il possède un seul droit d’exploitationsans appels d’offres dans son pays et ce même durant la transition. Cependant, il fau-drait alors que ce principe de réciprocité obtienne une validité juridique en droit euro-péen, ce qu’il n’a pas aujourd’hui. Si le projet « OSP » devait garder cette dernièreclause et si celle-ci était validée, la SNCF ne pourrait plus répondre aux appels d’offres àl’étranger, sauf au travers de filiales à moins de 20 % de participation.

Dans ces conditions, l’application de la proposition « OSP » pourrait aboutir logique-ment, avec une conjonction des deux effets :– à la baisse des conditions sociales d’emploi ;– à l’affaiblissement structurel des entreprises publiques, contrairement à l’article 295du traité qui stipule que celui-ci « ne préjuge en rien le régime de la propriété dans lesÉtats membres ».

En effet, toute entreprise répondant à un appel d’offres serait poussée, compte tenu dela concurrence, à utiliser le personnel dans les conditions minimales de chaque pays.M. Fournier, ancien président de la SNCF, estime que le danger du dumping social estbien réel : il y aura effectivement des répercussions sur les conditions sociales à l’intro-duction de la concurrence. Cela lui semble en particulier à craindre en ce qui concernela sécurité des circulations. Pour la même raison, les propositions des entreprises publi-ques historiques seraient plus chères dans les appels d’offres dans leur pays d’origine, àcause du statut plus favorable de leur personnel.

On pourrait ainsi assister au double mécanisme suivant :– la SNCF perdrait des appels d’offres en France contre les entreprises privées utilisantle personnel aux conditions minimales du code du travail français ;

La réforme et la régionalisation des services voyageurs 115

Page 116: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

– la même SNCF utiliserait ses compétences techniques à l’étranger pour gagner desappels d’offres grâce à l’utilisation de personnels « nationaux ».

L’entreprise publique SNCF pourrait voir son activité diminuer progressivement enFrance, mais la prolongerait à l’étranger sous statut privé, par l’intermédiaire d’unefiliale. La SNCF disposant de moins de marge de manœuvre qu’une entreprise privée(endettement, absence d’autonomie par rapport à une tutelle très présente), perdraitprogressivement sa substance en décroissant plus vite en France qu’elle ne croîtrait àl’étranger.

Pour harmoniser les conditions de concurrence, il faudrait donc étendre, en France,le statut SNCF à tous les exploitants ferroviaires, conformément à la recommanda-tion 9 de l’avis no 4 du CSSPF.

En ce qui concerne les dispositifs permettant d’éviter le dumping social, M. Bauby, de ladirection de la stratégie d’EDF, indique que la nouvelle loi « Électricité » ne précise pasque tout le personnel relève du statut du personnel des industries électriques et gaziè-res, car cela figure dans la loi de nationalisation de 1946. Selon M. Bauby, le bonremède au dumping social consisterait à mettre au point une véritable Convention col-lective de branche. Il confirme que le conseil de la concurrence n’a effectivement paspour rôle de veiller à l’aspect social, pourtant fondamental en ce qui concerne lesconditions de concurrence.

M. Izard, directeur SNCF des ressources humaines, a indiqué qu’il examine avec ses ser-vices le compromis qui a été trouvé dans le cadre de l’ouverture du marché de l’électri-cité en France, qui n’a pas son équivalent dans le secteur ferroviaire.

Conclusion : une expérimentationsatisfaisante, une dynamique qui s’amplifie,mais un avenir rendu incertain par laproposition de règlement européen « OSP »

La régionalisation des services régionaux de voyageurs s’engage de façon satisfaisante :elle sera effective en 2002 après la signature des vingt conventions régions-SNCF. C’estle résultat d’une appropriation constante et continue par les régions d’un service essen-tiel de la vie quotidienne de leurs citoyens qui constitue aujourd’hui la plus « visible »des missions régionales et représente entre 10 et 20 % de leur budget.

La loi SRU et son projet de décret d’application viennent consolider l’expérimentationengagée en 1997 par la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement duterritoire.

La contribution annoncée par l’État dans le projet de loi de finances 2002, près de dixmilliards de francs par an, est en augmentation significative. Toutefois, elle s’accom-pagne d’un effort propre de la SNCF imposé par l’État sous forme d’une augmentationspécifique des péages grandes lignes et d’une diminution de la subvention au transportcombiné, qui se traduisent par une détérioration des comptes grandes lignes et fret de

116 Chapitre VII

Page 117: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

la SNCF. L’engagement des régions est aussi très important, notamment au niveau desinvestissements en matériel roulant. Les derniers ajustements concerneront la dotationpour le matériel et la taxe professionnelle assise sur ce matériel et les charges que pour-raient supporter la SNCF avant la signature des conventions.

En Île-de-France, l’entrée de la région dans le syndicat des transports d’Île-de-France estlogique mais laisse l’État aux commandes, contrairement aux vingt autres régionsmétropolitaines.

Cette nouvelle étape de la décentralisation est cependant, dès à présent, menacée parla proposition de règlement européen relatif à l’action des États membres en matièred’exigence de service public et à l’attribution de contrats de service public de transportde voyageurs (proposition « OSP »), adoptée en première lecture par le Parlement euro-péen le 14 novembre 2001.

En effet, la proposition « OSP » pourrait rendre obligatoire, pour le transport ferroviairerégional, le régime de la « concurrence régulée », c’est-à-dire l’attribution par appeld’offre, comme en Grande-Bretagne, de contrats de services publics pour chaquerégion, modèle qui n’est pas souhaité par l’Association des régions de France (ARF).

Si le règlement « OSP » définitivement adopté retenait cette proposition, la loiSRU serait remise en cause au moment du renouvellement dans cinq ans desconventions régions-SNCF (2002-2007). Ceci rend impératif d’harmoniser les condi-tions de travail dans le secteur ferroviaire, en France (statut du personnel des entrepri-ses ferroviaires) et en Europe.

Les instances européennes imposent avec la proposition « OSP » un nouveau régimed’exploitation sans argument probant. L’Assemblée nationale a voté, à une très largemajorité de tous bords, une résolution s’opposant à cette proposition, notammentpour le ferroviaire.

La loi SRU prévoit un suivi national de la régionalisation par un Comité national et unrapport par le gouvernement avant le 1er janvier 2007, c’est-à-dire avant l’expirationdes premières conventions régions-SNCF. Avant que ne soit adoptée définitivement laproposition « OSP », il faudra renforcer ce dispositif de suivi et susciter un vrai débatpublic en France et en Europe, sur la base de bilans exhaustifs et contradictoireset des enjeux d’une harmonisation européenne. Le CSSPF a terminé son avis no 4 surla proposition « OSP » par une telle recommandation.

Lors du débat à l’Assemblée nationale le 27 juin 2001, le président du CSSPF a proposé,et le ministre chargé des Transports a accepté, que le CSSPF organise des états géné-raux de la régionalisation dès 2003, sur le modèle des premiers états généraux du fretferroviaire qui ont rencontré un grand succès, fin 2000. Ce pourrait être une premièreétape dans ce débat qui concerne la régionalisation mais aussi plus généralement ladéfense et la mise en œuvre effective, sur un pied d’égalité avec la concurrence, des ser-vices d’intérêt général dans l’Union européenne.

La réforme et la régionalisation des services voyageurs 117

Page 118: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 119: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Chapitre VIII

La réformeet les relations sociales

Page 120: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 121: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Le décret du 19 mars 1999 qui a créé le CSSPF lui donne mission d’évaluer la réforme de1997 « notamment en ce qui concerne (...) les rapports sociaux ». Les préoccupationsrelatives aux relations et au climat sociaux à la SNCF ont été très présentes à l’esprit desauteurs de la réforme et ils lui ont donné de grandes ambitions en matière de mobilisa-tion et de remotivation du personnel de la SNCF.

Le « facteur social » a fortement conditionné les tenants et aboutissants de la réforme :c’est une crise sociale de grande ampleur qui, notamment, a fondé les décisions de laconcevoir et de la mettre en œuvre rapidement.

La première partie de ce chapitre revient sur la préparation de la réforme et sa présenta-tion aux cheminots, par les représentants de l’État et par les dirigeants de la SNCF.

La seconde partie synthétise les auditions conduites par le CSSPF auprès des représen-tants syndicaux des personnels de la SNCF et de RFF et auprès de leurs dirigeants. Cesauditions permettent de connaître le ressenti des personnels et d’évaluer commentl’organisation qui prévaut depuis 1997 a influé, de façon non négligeable, sur le climatsocial dans le système ferroviaire.

La troisième partie complète la seconde en portant un éclairage sur la réalité de la con-flictualité sociale à la SNCF et son évolution.

Enfin, une quatrième partie s’appuie sur les éléments précédents et d’autres, issus éga-lement des auditions, pour tenter une analyse dynamique des conséquences socialesde la réforme.

L’accompagnement social de la réforme

Durant la période comprise entre le conflit social de fin 1995 et le vote de la réforme parle Parlement en février 1997, l’accompagnement social a fait l’objet d’une attentionparticulière, tant de la part du gouvernement que de la nouvelle équipe de direction dela SNCF. Le pilotage direct des relations sociales à la SNCF par le ministre chargé desTransports, immédiatement après la grève, a facilité la cohérence de cet accompagne-ment qui visait à recueillir le plus d’adhésion possible des cheminots à cette réforme.

L’action du gouvernement

Comme le rappelle le préambule du présent rapport, le gouvernement avait soigneuse-ment encadré le débat national qui a précédé la présentation de la réforme. Lors de sonaudition par le CSSPF, M. Le Reste, secrétaire général de la CGT-cheminots, s’est étonnédu dispositif de séparation choisi par le gouvernement, alors que le débat nationaln’avait pas « conclu à la nécessité de procéder à la partition de la SNCF et de créer unnouvel EPIC pour les infrastructures, allant au-delà des directives européenne : ni le CNT(Conseil national des transports), ni le CES (Conseil économique et social), ni les CESR(conseils économiques et sociaux régionaux), ni d’autres n’ont proposé une telle solu-tion au cours du débat ».

La réforme et les relations sociales 121

Page 122: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Lors de l’annonce des principes retenus, c’est pour répondre aux inquiétudes suscitéesdans le corps social que M. Pons a effectué devant le Parlement la déclaration maintesfois rappelée depuis par les organisations syndicales : « En tout état de cause, le niveaude tarification devra tenir compte de la capacité contributive de la SNCF comme trans-porteur ferroviaire : il est évidemment exclu – ce qui serait absurde – de reprendred’une main à la SNCF sous forme de péage, ce qu’on lui donne de l’autre sous forme dedésendettement. » (Extrait du discours au Sénat du 25 juin 1996)

Le ministre chargé des Transports a reçu à plusieurs reprises les organisations syndica-les tout au long de la période précédant le vote de la loi. Selon des participants, leministre aurait présenté la réforme retenue comme « solution de la dernière chance »pour sauver la SNCF. À quelques interlocuteurs, il aurait exposé que des éléments plusradicaux du gouvernement pourraient considérer un refus total de la propositioncomme une opportunité pour procéder à une réforme de plus grande ampleur, suscep-tible de démanteler la SNCF et de remettre en cause, pour tout ou partie, son caractèrepublic.

Pour les rassurer quant à la situation financière difficile dans laquelle la réforme laissaitle système ferroviaire, il aurait évoqué un désendettement ultérieur par l’ouverture ducapital ou la privatisation d’autres grandes entreprise publiques (Air France, FranceTélécom, EDF-GDF). Ces arguments, qui complétaient ceux, fondamentaux, du main-tien du statut et du système de retraite des cheminots, ont pesé dans l’appréciation desorganisations syndicales (cf. infra).

Plusieurs fédérations syndicales ont soutenu ou accepté une réforme qui permettait àleurs yeux d’éviter le pire et d’apporter enfin une solution à l’endettement de la SNCF.

L’action des dirigeants de la SNCF et l’opinion initialedes syndicats

À la SNCF, le nouveau président, M. Le Floch-Prigent, a fait établir, durant les premiersmois de 1996, un « constat » interne sur la situation de l’entreprise et sur ses perspecti-ves, afin de faire partager une vision commune.

Ce « constat », conçu et présenté avec célérité aux organisations syndicales, laissait peude place à la discussion et revêtait un caractère pessimiste. Le choix des indicateurs etdes références, la façon même de les présenter graphiquement et les hypothèses choi-sies pour prolonger les tendances des années passées, conduisaient à conclure dure-ment que la SNCF courait à sa perte.

À titre d’exemple, une comparaison peu amène pour les cheminots mettait en évidencela mauvaise productivité de l’entreprise en rapprochant son évolution de celles despays voisins. Certains réseaux avaient certes connu une croissance de leur productivitéplus forte que la SNCF les dernières années, mais la représentation en indice (base 100en 1984) occultait que ceux-ci partaient d’un niveau beaucoup plus bas et qu’en valeurabsolue la productivité des cheminots français étaient encore la plus élevée parmi lesréseaux comparables. Ceux qui font mieux (Pays-Bas, Espagne, Suède) sont beaucoupplus modestes, tant par la longueur de lignes exploitées que par le maillage du réseauet le trafic, ce qui orientait la comparaison.

122 Chapitre VIII

Page 123: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Ce chapitre revient plus loin sur cette question de la productivité de la SNCF, souventévoquée à propos du système ferroviaire national.

Lors de son audition par le CSSPF, M. Martinand, président de RFF, est revenu sur le senti-ment que lui a donné la présentation qui a été faite de la réforme de 1997 aux agents dela SNCF : « Au moment de la présentation de loi de réforme ferroviaire, on a dit aux che-minots qu’il ne se passerait rien, que la SNCF disposerait d’un carnet de chèques qu’elleutiliserait et que RFF signerait tous les chèques, mais la réalité n’est pas si simple. Laréforme a procédé à un montage financier qui a des conséquences concrètes. »

Il semble effectivement que la tentation ait été grande, à la SNCF, de vouloir avant toutrassurer les cheminots quant au « maintien de l’unité de la SNCF », en insistant sur lareprise par RFF d’une grande partie de la dette de la SNCF et en tendant à laisser croire,volens nolens, que RFF serait une sorte de « coquille vide » ou une « structure de can-tonnement » de la dette d’infrastructures de la SNCF. Cette impression était favoriséepar le fait que, dans le cadre des négociations du projet de contrat de plan 1996-2000finalement abandonné, la SNCF avait proposé la mise en place d’une telle structure,dont la dette aurait été gagée sur son patrimoine, solution que le gouvernement avaitrejetée.

Il est évident, comme l’a indiqué M. Martinand, qu’un propriétaire et maître d’ouvragedes infrastructures est tout autre chose qu’une « structure de cantonnement » ! Leministre chargé des Transports l’avait d’ailleurs bien précisé au Sénat dès le 25 juin 1996.

Trois organisations syndicales (CGT, CFDT, SUD Rail), représentant environ 70 % desvoix aux élections professionnelles précédentes, ont été d’emblée hostiles au projet deréforme. Ceci s’est manifesté notamment par deux délibérations au comité centrald’entreprise de la SNCF, les 4 juillet et 25 septembre 1996, ainsi que lors du conseild’administration extraordinaire de la SNCF du 3 octobre 1996 qui a autorisé le paraphe,par son président, du « pacte de modernisation » (cf. annexe 1), trois représentants dupersonnel sur cinq ayant voté « contre », les deux autres s’étant abstenus. Selon leurexpression de l’époque, la « casse » de la SNCF a principalement motivé leur désaccord.

Quant aux autres syndicats, leur attitude a été favorable à la réforme ou mitigée, axéesur le caractère positif du désendettement de la SNCF et du maintien du statut descheminots.

Le ressenti actuel du personnel du systèmeferroviaire

L’opinion des organisations syndicales

Le groupe de travail « Évaluation » du CSSPF a auditionné des représentants de tous lessyndicats représentatifs des personnels des deux établissements publics SNCF et RFF.Des extraits des ces auditions qui concernent plus particulièrement le domaine socialsont repris ci-après, dans l’ordre où elles ont eu lieu.

La réforme et les relations sociales 123

Page 124: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

M. Le Reste, au nom de la CGT, estime discutable que la réforme de 1997 ait entérinél’option selon laquelle le caractère de monopole naturel du système ferroviaire nedevait plus être conféré qu’à la seule infrastructure, ce qui lui paraît : « une fausse justi-fication pour ouvrir les services à la concurrence ». Selon lui, la réforme a conduit à la« bureaucratisation du système ferroviaire », la création de RFF lui paraît « sans justifi-cation économique et surtout inefficace » et la réforme bride le développement de laSNCF en lui faisant subir, par des augmentations de péages, les « tensions financières »de RFF. Il est convaincu que « la réforme de 1997 se solde par une diminution de l’effi-cacité technique et organisationnelle du système ferroviaire », du fait notamment desdissensions qu’elle y a introduites, qui se traduisent concrètement par de nombreuxdysfonctionnements, « facteurs d’inquiétudes voire d’exaspération, de démotivation etde démobilisation des agents de la SNCF ». Parmi ces dysfonctionnements, il relève enpremier lieu « des interventions répétées de RFF dans les régions et au plan local, quiconduisent les cheminots à ressentir une véritable dépossession et une atteinte à leurscompétences et à leur culture ».

M. Andlauer, secrétaire général de la branche cheminots FGTE-CFDT, estime que l’expé-rience renforce le point de vue initial de la CFDT sur la réforme, à savoir que « en scin-dant la dette, l’État ne règle rien en réalité », que « l’abandon du contrat de planÉtat/SNCF permet simplement d’éviter les sujets qui fâchent mais renvoie la résolutiondes problèmes à plus tard », et enfin que « la scission du système ferroviaire en deuxétablissements RFF et SNCF prépare l’ouverture de l’exploitation ferroviaire à la concur-rence ». Il déplore que la réforme s’accompagne d’une « opacité comptable » concer-nant les rapports du système ferroviaire avec l’État. Il estime que les tensions entre lesdeux établissements publics augmentent avec le temps et s’inscrit en faux contre l’ana-lyse « triviale » qui les attribue aux personnalités des deux présidents, alors que, selonlui, « les problèmes sont en réalité dus à la nature même de la réforme de 1997, quiconduit les états-majors des deux établissements à s’opposer en permanence ». Ilappuie son analyse en relevant plusieurs sujets de frictions entre les deux établisse-ments publics, qu’il attribue au fait que la réforme de 1997 a placé leurs relationsmutuelles dans le cadre de « rapports marchands » et non pas de contribution com-mune à la fourniture d’un service.

M. Dianoux, du bureau national de SUD-Rail, évoque « le considérable gaspillaged’énergie, notamment parmi les cadres de haut niveau, pour alimenter le reportinglourd qu’il a fallu mettre en place entre la SNCF et RFF comme maître d’ouvrage,énergie qui n’est donc pas utilisée à développer le mode ferroviaire ». Il constate enparallèle que « les compétences fortes en ingénierie qui étaient présentes à la SNCFsont déconsidérées et affaiblies par les remises en cause systématiques de RFF » etajoute que, plus généralement, l’ingénierie publique s’en trouve elle-même affaibliecar « RFF pousse à ce que les études d’ingénierie soient menées par des cabinets privéset oblige à cette fin la SNCF à céder des données industrielles et des savoir-faire. Laréforme de 1997 a donc pour conséquences des transfert gratuits de compétence dusecteur public au secteur privé et cela sur ordre ». Il s’étonne de la profondeur dumalaise social à la SNCF, notamment parmi les cadres du domaine « infrastructure »,qui reçoivent « de plein fouet les conséquences concrètes de la réforme ». Il constateenfin que les positions de SUD-Rail à la SNCF progressent au même rythme que l’oppo-sition à la réforme, les organisations syndicales qui ont soutenu la réforme se trouvantselon lui « en difficulté avec leur base ».

124 Chapitre VIII

Page 125: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

M. Falempin, pour FO, insiste sur le manque de moyens dans lequel la réforme a laisséle système ferroviaire, d’où l’insuffisante qualité du service dans un contexte de haussede la demande. Il reconnaît à la réforme l’avantage d’avoir sorti une grande partie de ladette des comptes de la SNCF, ce qui permet un affichage externe plus satisfaisant,mais il considère qu’il s’agit d’un « habillage ». Selon FO, « la loi Pons a, de fait, placéRFF, propriétaire de l’infrastructure, en position dominante. Cette dominations’exprime en particulier par l’évolution des péages qui n’ont cessé d’augmenter depuisla création de RFF. RFF en arrive ainsi à “siphonner” les quelques marges que la SNCFpeut dégager, en grande partie par les efforts de productivité des cheminots. Ainsi, lesrésultats de la politique de volume se trouvent annihilés par les ponctions de RFF ». Ilconsidère que « pour les cheminots, la réforme constitue le premier pas vers le déman-tèlement de leur entreprise » et fait état de leur inquiétude croissante concernant leursconditions matérielles, en évoquant une politique de « rigueur salariale », l’entretieninsuffisant du réseau et consécutivement les risques pour la sécurité des circulations.

M. Aubin, au nom de la CFTC, estime que « cette réforme était la moins mauvaise pos-sible vu les conditions et le contexte qui prévalaient ». Pour la CFTC, elle a permis dedésendetter la SNCF, de satisfaire la Commission européenne et de ne pas « séparervraiment » l’infrastructure de l’exploitation grâce au système permettant à la SNCF dedemeurer gestionnaire d’infrastructures délégué de RFF. Selon lui, « le fait même queM. Gayssot ait combattu la réforme lorsqu’il était dans l’opposition parlementaire etqu’ensuite il l’ait maintenue en l’état tout en l’améliorant, constitue la preuve que cettesolution s’imposait, sans alternative. » Il estime que la réforme de 1997 a notammenteu pour effet positif d’éviter des fermetures de lignes, mais il ne croit pas qu’elle aitamélioré le fonctionnement du système ferroviaire, du fait de la « bureaucratisation »qu’elle a introduite. La CFTC estime que, si la réintégration du système ferroviaire fran-çais lui conférerait un meilleur fonctionnement, elle ne serait pas « défendable »vis-à-vis des instances européennes. Globalement, la CFTC réitère l’avis favorable à laréforme qu’elle avait formulé en 1997.

M. Giordano, représentant CGC du personnel de RFF, revendique surtout que RFFaccomplisse toutes les missions que la loi de février 1997 et ses décrets lui confient.Rappelant que la SNCF doit procéder à la maintenance du réseau « sous les directivesde RFF », il ajoute que « de ce fait, RFF n’a pas pour seule mission de gérer une dette etn’a pas a accepter d’être relégué au simple rang d’organisme de cantonnement ». Ildéclare : « RFF prend des risques [sur les investissements] car il fait un pari sur les hypo-thèses de trafic et je trouve anormal que RFF s’engage seul à partir de prévisions de tra-fic faites par la SNCF, ce qui pose le problème de la capacité pour RFF d’établir un jourses propres prévisions de trafic. » Il estime que RFF « a accéléré un processus de profes-sionnalisation de la maîtrise d’ouvrage ferroviaire », a « mis les dossiers en qualité »,« ne fait pas preuve d’excès de rigueur et ne se montre pas tatillon, mais s’entoure sim-plement des précautions justifiées par ses engagements financiers ». Justifiant les posi-tions de RFF dans plusieurs cas concrets de controverses avec la SNCF, il estime que l’onpeut évoquer un échec de la réforme en matière d’entretien du réseau car « la SNCF nejoue pas le jeu ». Il relate que le personnel de RFF a été « beaucoup choqué » que laSNCF ait, à ses yeux, fait payer à RFF la mise en place de la réduction du temps de travailpour son personnel « infrastructure ». Il affirme avec fermeté que « RFF doit devenirtotalement maître de ses dépenses et de ses recettes », ce qui nécessite selon lui unecontractualisation entre les deux établissements sur les coûts de production pour

La réforme et les relations sociales 125

Page 126: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

l’infrastructure, « le montant de la convention de gestion ne devant pas être en corréla-tion avec les coûts de production de la SNCF ». Il estime aussi que RFF doit avoir lesmoyens de procéder par lui-même en matière d’attribution des sillons, « composanteessentielle des recettes de RFF ». Selon lui, « l’objectif de RFF est d’accroître ses recettesde péages et on ne saurait le lui reprocher. La concurrence intramodale peut y contri-buer, même si elle ne constitue pas un but en soi. » En définitive, il porte une apprécia-tion très positive sur la réforme de 1997, qui a « sauvé le mode ferroviaire en France »,notamment parce qu’elle a apporté une « pluriexpertise sur les projets ferroviaires ». Ilinsiste sur la volonté de son personnel que « RFF exerce de plus en plus de prérogati-ves » et, tout en admettant la nécessité d’un organisme de contrôle extérieur, il estimeque « une grande partie des fonctions de régulation [du mode ferroviaire] relève deRFF ».

M. Tournebœuf, au nom de l’UNSA-cheminots, « considère que cette réforme, avec sesimperfections, a permis d’éviter le désastre auquel était promise la SNCF ». Selon lui, laréforme de 1997 a permis de clarifier le débat en sortant la responsabilité des infras-tructures du périmètre de la SNCF et « de rendre lisibles les causes des déficits qui sontsurtout liées aux infrastructures ». Il est défavorable à tout « retour en arrière » quiferait à nouveau peser cette responsabilité sur la SNCF. Il signale cependant deux sériesde problèmes à régler : ceux qui concernent l’apurement de la dette passée et ceux quisont liés « au fonctionnement des deux EPIC et à la gestion des conflits entre eux ». Surce point, il préconise le remplacement du « pacte de modernisation » de 1996, qu’iljuge obsolète, par un « pacte de progrès » entre l’État, la SNCF et RFF, qui permettraitnotamment de traiter ces conflits, qui portent entre autres sur des questions sociales(les « 35 heures »). Il considère que le système du gestionnaire délégué d’infrastructu-res permet à la SNCF de rester une entreprise intégrée et s’oppose à ce que RFFreprenne tous les moyens associés, ce qui le mettrait « dans la situation de la SNCFd’avant 1997 ». Il pense que « face aux visées libérales, RFF peut servir d’outil pour évi-ter d’aller au-delà dans l’éclatement de la SNCF ».

M. Trousset, au nom du syndicat CFE-CGC de la SNCF, prend acte des répercussionssociales de la réforme traduites par les mots d’ordre syndicaux qui demandent l’abro-gation de RFF. Approuvant le « rôle de modérateur des investissements d’infrastructu-res » conféré à RFF, il « estime cependant nécessaire la mise en œuvre d’une politiquecommune et de réelles synergies entre les deux EPIC, qui ne sont pas atteintes (...) cartrop de litiges existent actuellement ». Il estime exagérée l’insistance de certains sur lestransferts de compétences qu’imposerait RFF à la SNCF et pense que l’organisation envigueur depuis 1997 fait que « les méthodes tendent à se rapprocher de celles envigueur dans le secteur privé », ce qui ne lui paraît pas à même de créer des conflitssociaux « si les compétences de la SNCF sont préservées et si les personnels sont bientraités ». Il admet la mise en concurrence de la SNCF sur les travaux d’infrastructures,car la SNCF elle-même faisait souvent appel auparavant à la sous-traitance. Rappelantque la CFE-CGC avait été favorable à la réforme de 1997, qui constituait pour elle « unebonne réponse » dans un contexte de crise aiguë où il fallait « sauver la SNCF de lacatastrophe », il exprime à présent une position plus mitigée : « On peut sans doutetrouver une organisation plus efficace. »

M. Birkel, au nom de la FGAAC, rappelle que son organisation syndicale avait initiale-ment émis un avis favorable à la réforme de 1997, confiante dans les assurances dugouvernement « sur l’unicité de la SNCF, la pérennité du statut », tout en mentionnant

126 Chapitre VIII

Page 127: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

alors certains risques. Aujourd’hui, « la FGAAC estime que l’unicité de la SNCF, que laréforme prétendait préserver, est menacée », d’une part, par les incertitudes qui pèsentsur tout ou partie du personnel du domaine « infrastructure » de la SNCF, notammentles horairistes, et, d’autre part, par le projet de « gestion par activités » de la SNCF, quitend à remettre en cause la polyvalence du personnel de conduite. Il estime maintenantque « les chances présentées par la réforme sont contrebalancées par les risques » etque « les assurances [du gouvernement à l’époque] ne sont plus garanties ». Ce chan-gement d’opinion de la FGAAC sur la réforme de 1997 traduit aussi « un renouvelle-ment important » de ses instances dirigeantes survenu depuis. Confirmant que laFGAAC est par principe favorable tant à la régionalisation ferroviaire qu’à l’ouvertureeuropéenne du mode ferroviaire, il manifeste cependant l’inquiétude des agents deconduite qui résulte notamment de la grande disparité des salaires, des conditions detravail et des statuts entre les conducteurs des différents États.

Du vaste recueil d’éléments auquel a procédé le CSSPF et dont la synthèse ci-dessus nerend que partiellement compte, il ressort que :– les organisations syndicales de la SNCF qui étaient d’emblée défavorables à laréforme en 1997 ont radicalisé leur opposition première (CGT, CFDT, SUD-Rail) ;– deux organisations plutôt favorables initialement sont devenues soit défavorable(FGAAC), soit très défavorable (FO) ;– trois organisations SNCF restent favorables au principe de la réforme (UNSA-chemi-nots, CGC-SNCF, CFTC) ; la CGC-RFF est favorable à la réforme.

À la SNCF, la représentativité aux élections professionnelles des organisations syndica-les manifestant une opposition nette à la réforme est donc passée d’environ 70 % àenviron 80 %. Le fait que, depuis quatre ans qu’existe RFF, son abrogation soit devenueun mot d’ordre fréquent dans les tracts syndicaux en constitue une illustration.

L’opinion des dirigeants de la SNCF

Dans le cadre de la réforme de 1997, la direction de la SNCF a mis en œuvre un « projetindustriel », à la demande explicite du gouvernement par les lettres du Premier ministreet du ministre chargé des Transports au président de la SNCF de juin et juillet 1996 (cf.annexe 1). Ce « projet industriel » s’est voulu l’outil de management interne privilégiépour « remettre en mouvement l’entreprise » et redonner des perspectives favorablesaux cheminots. Il a donné lieu à quantité d’initiatives, centrales et locales, pour amélio-rer l’efficacité et la qualité de la production de l’entreprise. Celles-ci font l’objet debilans périodiques de la part de la SNCF et ne sont pas évoquées ici dans la mesure où,si le principe du « projet industriel » relève de la réforme de 1997, sa déclinaison pra-tique relève du management interne à la SNCF.

Dans le cadre de l’évaluation, il convient toutefois de noter qu’en dépit des actionsengagées, auxquelles il a donné une forte visibilité interne, cet outil ne paraît pasrépondre pleinement aux espoirs mis en lui lors du lancement de la réforme,c’est-à-dire « mobiliser et remotiver » le personnel de la SNCF.

En revanche, la hausse des trafics que la SNCF connaît depuis quelques années a ététrès positivement vécue, sans pouvoir être attribuée à la réforme de 1997. M. Izard,directeur des ressources humaines de la SNCF, auditionné par le CSSPF, estime que,

La réforme et les relations sociales 127

Page 128: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

dans la période de 1997 à 2000, le développement par la SNCF d’une politique devolume a été très largement soutenu dans l’entreprise par le corps social. Selon lui, « leretour à l’équilibre économique apparaît sans doute comme une des vertus majeuresde la réforme de 1997 ».

L’accord sur la réduction du temps de travail (RTT) à la SNCF, signé par les deux syndi-cats les plus représentatifs (CGT et CFDT) et s’appuyant sur le développement des tra-fics dû notamment à cette politique de volume, a permis un accroissement sensible desembauches sur la période récente :– en 1998 : 6696 embauches pour 6653 départs ;– en 1999 : 7352 embauches pour 6884 départs ;– en 2000 : 9807 embauches pour 6788 départs.

Cet accroissement rompt avec la tendance de la première partie de la décennie 1990,où les départs annuels étaient de l’ordre de 7000 pour des embauches comprises entre1500 et 3000 agents. Aux termes de l’accord sur la RTT, il doit au total être procédé à26 000 embauches au statut en trois ans, de 1999 à 2001, pour environ 19 500départs.

Il n’en demeure pas moins que le personnel déplore une vive tension sur les moyensmatériels et humains et réclame des embauches supplémentaires. Cette tension se tra-duit concrètement par les difficultés de la SNCF en matière de qualité du service et se litdans les statistiques. De 1996 à 2000, le trafic voyageur total a crû de 16,9 %, celui dufret de 14,6 % et les effectifs moyens à disposition n’ont augmenté dans le mêmetemps, toutes choses égales par ailleurs, que de 1,4 %, ce qui atteste de la productivitéréalisée, évoquée infra.

Par ailleurs, M. Izard confirme les craintes des cheminots à propos des évolutions ducontexte institutionnel européen (risques de dumping social liés à l’arrivée possible denouveaux entrants sur le réseau ferroviaire français) et à propos des difficultés de par-tage des missions entre RFF et la SNCF.

M. Gallois, président de la SNCF, auditionné par le CSSPF, fait état de points positifsconcernant la réforme de 1997, qui a permis selon lui à l’entreprise qu’il dirige :– de trouver des repères économiques et de repartir à la conquête du trafic ;– d’instaurer une double expertise sur les projets ferroviaires, RFF apportant des idéesnouvelles ;– d’améliorer, par la clarification, la qualité de ses comptes ;– de conserver une gestion opérationnelle intégrée de l’infrastructure.

Cependant, il mentionne aussi des points qu’il qualifie de « difficiles » à propos del’organisation découlant de la réforme, points qui concernent surtout le domainesocial. Confirmant le ressenti de toutes les organisations syndicales de la SNCF, ildéplore « la création d’un appareil bureaucratique très lourd du fait de la duplicationdes instructions de dossiers entre les deux établissements, de leurs renvois et retourssuccessifs, qui traduisent une lutte sur les prérogatives et l’existence d’expertises diver-gentes et contradictoires ». Il estime que « cela représente de l’énergie gaspillée enpure perte pour le mode ferroviaire et contribue à maintenir un climat de méfiance etde “râlerie” continuelles entre RFF et la SNCF ». Outre les pertes de temps très impor-tantes ainsi créées et l’empêchement de l’avancement des projets, il insiste surtout surle fait que « cela use littéralement l’encadrement de la SNCF », et constitue des coûts de

128 Chapitre VIII

Page 129: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

transaction significatifs quoique non mesurables, « car l’énergie dépensée par les hom-mes n’est pas chiffrable ».

La réalité de la conflictualité socialeà la SNCF

Lors de son audition, M. Izard a fourni les données suivantes concernant le nombre et larépartition des journées perdues pour grèves à la SNCF, par type de préavis.

Années Préavis locaux Préavis nationaux Total

1995 31 435 1 023 485 1 054 920

1996 33 499 61 368 94 867

1997 20 818 103 441 124 259

1998 34 051 146 380 180 431

1999 23 391 30 388 53 779

2000 36 532 48 562 85 094

M. Izard précise que, durant la première moitié des années 1990, la part de la SNCFdans les grèves en France a oscillé entre 12 % et 18 %, en nombre de journées. Ensuite,mis à part le « pic » très exceptionnel correspondant au conflit social de 1995, cettepart a eu tendance à baisser pour rejoindre un niveau voisin de 4 %, avant de remonteren 2000 à un taux non encore connu. Les valeurs absolues demeurent néanmoins assezhautes, comme le reconnaît M. Izard. On ne peut vraiment évoquer une tendance à labaisse de la conflictualité à la SNCF, d’autant que le nombre total de journées de grèvesdevrait atteindre 160 000 au titre de l’année 2001.

D’un point de vue d’ensemble, cette conflictualité sociale élevée doit être en toutelogique considérée comme une conséquence et non comme une cause. Il n’y a eneffet pas de fatalité à un fort taux de grève dans une entreprise quelle qu’elle soit, etl’expression de « gréviculture », volontiers utilisée à l’encontre des cheminots, ne con-tribue guère à éclairer le débat sur les causes profondes de cette situation. Elle résulted’un vaste ensemble de facteurs, parmi lesquels tous les acteurs concernés trouventune part de responsabilité sur laquelle il conviendrait de s’interroger sans tabou. Pourl’essentiel, ce travail, qui dépasse le cadre du présent rapport d’évaluation de laréforme ferroviaire, reste à faire.

Sans l’entreprendre, il faut mentionner cependant que le délai légal de cinq jours pourles préavis de grève ne paraît pas toujours complètement mis à profit pour tenter uneréelle négociation au fond. Il semble que, pour les mots d’ordre nationaux, les parte-naires sociaux considèrent que le déclenchement effectif d’une grève permet d’évaluerles rapports de force avant de négocier. M. Izard souligne néanmoins que seulementenviron 50 % des préavis déposés débouchent sur un mouvement social effectif, ce qui

La réforme et les relations sociales 129

Page 130: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

traduit, à ses yeux, les efforts menés par les partenaires sociaux pour éviter les confron-tations. Un programme prioritaire du « projet industriel » de la SNCF intitulé : « Renfor-cer les relations sociales à travers la prévention des conflits » est engagé et implique lesrégions et les établissements SNCF pour réduire de manière concertée la conflictualité.

Si l’on se place du point de vue des utilisateurs du train, qu’il s’agisse des voyageurs oudes chargeurs, il ne faut guère dissimuler que les nombreuses journées de grèves queconnaît la SNCF constituent pour elle un risque important. À l’égard des usagers destransports express régionaux (TER), les représentants des usagers rappellent souventque les grèves locales ont autant d’importance que les grèves nationales, dans lamesure où elles se traduisent directement par des suppressions de dessertes.

La fréquence des mouvements de grève à la SNCF est défavorable à son image dansl’opinion publique comme à ses résultats économiques. La lassitude, voire l’irritationgrandissante, qu’ils provoquent chez les usagers et les chargeurs mettent en jeu lapérennité même de ses activités, indépendamment de tout jugement sur leur légiti-mité. C’est en particulier le cas pour les chargeurs de fret, clientèle le plus souvent noncaptive malgré des organisations logistiques parfois lourdes, ce qui conduit le modeferroviaire à ne pas retrouver facilement un client qu’il a perdu pour fait de grève.

Enfin, cette conflictualité affaiblit la position de la SNCF, même lorsqu’elle est parfaite-ment fondée à revendiquer des aides de l’État, c’est-à-dire du contribuable, pourmettre en place ou maintenir certains services.

La réforme de 1997 n’a guère contribué à réduire la conflictualité sociale à la SNCF,comme elle en avait l’ambition, et la contestation de cette réforme s’introduit souventlors des conflits, de façon plus ou moins explicite, parmi les mots d’ordre officiels.

Des effets de la réforme sur les relationssociales

La SNCF et son personnel : un sentiment de dépossession

Les dirigeants de l’activité « infrastructure » de la SNCF, en particulier, sont conscientsdu ressenti de leur personnel, et parmi les objectifs de la « convention infrastructure »qu’ils ont organisée au début d’octobre 2001, on trouvait : « Fédérer et redonner lemoral ».

Il faut « redonner le moral », car les agents de la maintenance des installations fixes(ancienne fonction « équipement » de la SNCF), salariés de la SNCF, vivent mal que lecontenu et le sens de leurs tâches soient pilotés par RFF, instance externe dont ils sen-tent fortement le poids à la SNCF, sans possibilité de communiquer réellement avecelle, comme tout salarié doit pouvoir le faire avec sa hiérarchie. Il est également néces-saire de « fédérer », car les agents de l’ancienne « direction du transport », chargés dumouvement et de la sécurité des circulations et désormais pleinement rattachés à l’acti-vité « infrastructure », éprouvent des difficultés croissantes de positionnement et unsentiment d’exclusion. Ce ressenti s’explique par le fait que ces personnels restent

130 Chapitre VIII

Page 131: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

objectivement très proches de l’exploitation quotidienne sur le plan opérationnel, alorsqu’ils dépendent fonctionnellement d’une activité à dominante de maintenance desinstallations fixes, pour le compte et sous les directives de RFF.

De fait, la réforme de 1997 a mis en œuvre une organisation dans laquelle RFF pilote lapolitique d’investissement, d’entretien et d’exploitation des infrastructures,mais n’assume pas directement les conséquences sociales et managériales de sagestion et de ses décisions. Plus simplement, cela signifie que RFF peut créer des diffi-cultés sociales à la SNCF sans avoir à en prendre la responsabilité. La SNCF est donc sus-ceptible d’être confrontée à cet égard à des difficultés sociales plus difficiles à gérerpour elle.

Sur le plan managérial et social, les personnels du domaine « infrastructure » de laSNCF se trouvent soumis à un système hiérarchique de facto peu clair, où beaucoupd’entre eux tendent à considérer qu’ils travaillent avant tout pour RFF, ce qui posequestion sur les leviers dont disposent les dirigeants de la SNCF.

Une forme extrême de ces difficultés apparaît dans le cas de la direction de l’ingénierie(IG) de la SNCF, dont le principal client est RFF. Sous la menace d’être mise en concur-rence avec l’ingénierie privée, la direction IG s’attache surtout à recueillir l’approbationet les commandes de RFF pour maintenir son activité. Ce faisant, elle s’éloigne despréoccupations de l’exploitation ferroviaire, ainsi que le fait apparaître l’exemple desprojets des contrats de plan État/régions (CPER) décrit dans le chapitre III du présentrapport.

Illustration des nouvelles difficultés sociales introduites par la réforme de 1997 : le26 juin 2001 a eu lieu la première manifestation, devant le siège de RFF, d’agents SNCFrelevant de la fonction d’entretien de l’infrastructure. Cette manifestation a certes étémodeste (entre 200 et 300 personnes) mais elle pourrait en préfigurer d’autres, carl’organisation actuelle du système ferroviaire lui confère une certaine logique.

À la SNCF, l’infrastructure ferroviaire constituait un socle commun qui réunissait les dif-férents métiers et les différentes activités de la SNCF qui en partagent l’usage. Privéesde ce socle commun dont le pilotage a été placé à l’extérieur de l’entreprise, les activitéstendent naturellement à développer une certaine autonomie.

Le pilotage ou la gestion par activité (GPA) correspond à un principe de gestion mis enplace dans la plupart des grandes entreprises regroupant différentes activités, afin depiloter les actions et les moyens en fonction des clientèles. Du fait de l’organisation fer-roviaire actuelle, la GPA est considérée comme porteuse de risques par nombre de che-minots, que la direction de la SNCF ne parvient pas à convaincre.

Cette menace a été clairement traduite par le président de la SNCF, même s’il l’estimenon fondée : la GPA, devenue ensuite le projet « cap clients », aurait consisté à « tracerles pointillés » suivant lesquels il ne restera plus qu’à découper ultérieurement la SNCFen ses diverses activités. La dédicace des moyens techniques aux activités vient, dans lecontexte de la réforme, confirmer pour beaucoup la poursuite d’un processus d’éclate-ment de la SNCF commencé en 1997. Il semble que le pilotage par activité ne présente-rait pas de difficultés si aiguës au sein d’une entreprise intégrée. Ce processus avaitd’ailleurs commencé depuis une quinzaine d’années à la SNCF, en portant tout d’abordsur l’organisation du contrôle de gestion puis la mise en place de directions d’activités,sans faire naître de difficultés sociales particulières.

La réforme et les relations sociales 131

Page 132: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

La menace d’une « désarticulation » du corps ferroviaire n’aurait pas une tellecrédibilité si sa « colonne vertébrale » (l’infrastructure) n’avait pas été, aux yeuxdes cheminots, déjà séparée de ses « membres » (les activités de service). Il n’estpas fortuit que beaucoup établissent ce lien et que la direction de la SNCF éprouve desdifficultés à les rassurer.

Après la grève de mars-avril 2001, la direction de la SNCF a décidé une « pause » dans leprojet « cap clients » pour mener une réflexion approfondie avec les partenairessociaux sur les fondements de la production des services ferroviaires. Celle-ci a logique-ment fait apparaître la nécessité d’un dispositif plus intégré pour une meilleure effica-cité. Elle a notamment conduit la direction de la SNCF à envisager la création d’une« direction des opérations » rattachée directement au président, direction que de nom-breux cheminots considèrent, même si le montage en est objectivement éloigné,comme une reviviscence de l’ancienne « direction du transport », dont ils avaientdéploré la disparition lors de la constitution du domaine « infrastructure », en 1994.

Du fait de la dette portée par RFF, ses investissements sur ressources propres, et sa via-bilité même, sont fonctions des péages qu’il perçoit de la seule SNCF pour le moment.Concrètement, ces péages augmentent sans cesse, selon les arbitrages du ministèrechargé des Finances (cf. le chapitre I). Quelle que soit la façon de justifier ces augmenta-tions, ce sont bien les excédents d’exploitation des activités rentables de la SNCF qui setrouvent écrêtés, voire même totalement supprimés pour certains segments d’offre.

Selon une image souvent évoquée à la SNCF, du haut en bas de sa hiérarchie, les chemi-nots estiment que, « si la réforme de 1997 a tiré la SNCF du fond de la piscine où elle ris-quait de se noyer, c’est pour lui remettre la tête sous l’eau dès qu’elle fait mine de lasortir ». Ainsi, le sentiment qui prévaut parmi les salariés de la SNCF est qu’ils neprofiteront jamais des efforts de productivité qui leur sont demandés et qu’ils ontd’ailleurs accomplis (cf. ci après). Il y a lieu de s’interroger sur la concrétisation d’une desambitions affichées par la réforme de 1997, celle de redonner espoir et de mobiliser...

Le sentiment de dépossession manifesté par plusieurs représentants du personnel dela SNCF porte non seulement sur des aspects matériels et techniques mais aussi etmême surtout sur des aspects humains qui ne doivent pas être négligés.

Les cheminots ressentent fortement le risque de perte de nombreux métiers nobles, quifaisaient partie intégrante de leur longue histoire : construction de nouvelles infrastruc-tures et d’ouvrages, méthodes de surveillance et d’entretien des infrastructures, ins-truction des projets... La transposition prochaine du « paquet infrastructure »européen leur fait craindre d’être bientôt dépossédés aussi du tracé des horaires destrains, alors que le métier d’horairiste est au cœur de la mission traditionnelle de laSNCF. Un tracé robuste des horaires, tenant compte des aléas d’exploitation possibles,des divers contextes techniques, de la forte variabilité des trafics, ne peut le plus sou-vent pas résulter de la simple mise en œuvre d’un algorithme simple et aisément modé-lisable, comme semblent le croire parfois des responsables de RFF. Ce métier serapproche plutôt d’un « art », qui nécessite une connaissance intime, vécue, del’exploitation ferroviaire.

Les agents chargés de l’infrastructure à la SNCF possèdent des compétences pointueset exercent leur métier avec une conscience reconnue, comme on le leur a appris, enréférence à une expérience construite sur un siècle et demi et dans un contexte où

132 Chapitre VIII

Page 133: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

l’interactivité avec les contraintes d’exploitation et les retours d’expérience jouent unrôle fondamental. Depuis la réforme de 1997, leurs compétences sont contestées etparfois mises en cause par les personnels de RFF devant un public extérieur.

M. Decourcelles, représentant CGT du personnel SNCF au groupe de travail « évalua-tion », a déploré le mauvais effet de l’étalage des controverses entre la SNCF et RFF parleurs représentants respectifs, lors de réunions du Conseil national des transports.

En réponse à M. Michel, délégué régional « Bretagne-Pays-de-Loire » de RFF auditionnépar le CSSPF, qui a estimé que « les relations avec la SNCF sont fondées sur laconfiance » et que « dans l’ensemble, cela se passe plutôt bien », M. Thouzeau, repré-sentant la CFDT au CSSPF, a répondu que « cela ne correspond pas au ressenti des che-minots sur place ; ils ressentent parfois les interventions de RFF comme agressivesvis-à-vis d’eux ». Il a cité à ce propos le cas où un représentant de RFF « a déclaré devantles élus représentants des clients externes de la SNCF, que celle-ci pourrait fort bienbaisser ses prix et aussi davantage cofinancer les projets ». M. Thouzeau a estimé quel’on était fort loin d’une « parole d’une seule voix » entre les deux établissementspublics et que « en fait, RFF s’immisce publiquement dans la gestion de la SNCF en cequi concerne ses taux de maîtrise d’œuvre, taux que RFF trouve systématiquement tropélevés ».

Le cas du chantier du TGV Méditerranée, que RFF a dû prendre en main en cours en tantque maître d’ouvrage, permet d’expliciter la divergence de vécu des acteurs. M. Martel,directeur des opérations à RFF pour la LGV Méditerranée, auditionné par le CSSPF, amentionné que la question des reportings budgétaires du projet avait constitué unpoint difficile entre la SNCF et RFF car « la direction LN5 de la SNCF avait déjà réalisé unreporting pour le TGV Méditerranée mais, du fait de la séparation entre maîtrised’ouvrage et maîtrise d’œuvre survenue avec la réforme de 1997, RFF a exprimé denouvelles exigences et a demandé des corrections à la SNCF ». La séparation totaleentre les deux fonctions se justifie selon lui car « elle va dans le sens de l’histoire » et apermis d’ouvrir des créneaux de progrès. Parmi ceux-ci, outre la meilleure qualité dureporting, il cite un meilleur respect du critère du « mieux-disant » dans le choix, parRFF, des prestataires de services, le fait de faire primer les coûts et une meilleure préci-sion de la définition technique des ouvrages.

Ces propos reprennent évidemment les principes de base du rôle du maître d’ouvrage,quel que soit le domaine où il s’exerce. On pourrait cependant aussi en conclure que lapratique de maître d’ouvrage de la SNCF laissait à désirer ; c’est en tous cas bien ainsique les personnels concernés le comprennent et le vivent sur le terrain. Il leur est diffi-cile de ne pas interpréter l’action légitime de RFF sous forme d’un rappel à l’ordre pro-fessoral du genre : « Nous allons vous montrer ce qu’est une vraie maîtrise d’ouvrage etvous expliquer comment il convient de travailler... » Il est logique aussi qu’un nouveaumaître d’ouvrage, qui reprend un vaste chantier en cours et se trouve naturellementconfronté à des difficultés de positionnement, soit désireux de justifier son apport. Celapasse donc inévitablement, et pour le bon motif, par un réexamen de la plupart desdossiers techniques et l’imposition d’un double reporting considéré comme lourd etmal venu par des techniciens de la SNCF engagés totalement dans leur mission et sou-mis à une forte contrainte de temps.

M. Martel a été explicite à ce sujet : « La SNCF avait elle-même mené les études d’exécu-tion des ouvrages d’art du TGV Méditerranée et cela ne doit pas être renouvelé car la

La réforme et les relations sociales 133

Page 134: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

SNCF donne trop la priorité aux délais de réalisation alors qu’il ne faut pas hésiter àretarder un chantier tant qu’on ne dispose pas de cette définition technique précise,permettant de mieux prendre en compte, par exemple, les risques techniques ouclimatologiques. »

Un maître d’ouvrage ne pourrait se permettre d’autres propos, mais la contrainte fortede temps existe cependant et RFF le reconnaît. À propos du TGV-Méditerranée, dont lecaractère tendu de la mise en service ne fait guère de doute, des représentants syndi-caux n’hésitent pas à dire que les cheminots ont été conduits à « désobéir » aux repré-sentants de RFF pour parvenir à livrer la nouvelle infrastructure à l’exploitation avec unretard encore acceptable par la SNCF. Dans le journal La Provence du 9/10/2001, lesecrétaire régional des cheminots CGT de la région PACA, M. Bascunana, dénoncequant à lui « le comportement de RFF, qui a infligé sept mois de retard aux travaux de lagare Saint-Charles [Marseille] », en parallèle avec « le manque d’effectifs et de moyensmis par la SNCF ».

La relation qui précède ne vise pas à prendre position sur la controverse entre maîtred’ouvrage et maître d’ouvrage délégué dans le cas d’espèce. Elle met en évidence, surle plan humain et social, que les agents de la SNCF continuent pour la plupart de raison-ner en terme d’entreprise ferroviaire intégrée. Ils ont à cœur de minimiser les difficultésde leurs collègues et sont soucieux de prendre en compte l’exploitation, qu’ils estimenttoujours être partie intégrante de leur métier de cheminot. Peut-on leur en faire lereproche ? Et n’est-il pas logique a contrario qu’un maître d’ouvrage séparé de l’exploi-tation ne se sente pas tenu d’en porter les contraintes de la même manière ?

Lors de son audition par le CSSPF, le président de la SNCF s’est montré pleinementconscient de ces difficultés. Évoquant « les expressions diversifiées des deux établisse-ments sur le chemin de fer », M. Gallois a ajouté : « Chacun a son idée sur ce que l’autredevrait faire et fait la leçon à l’autre. Même s’il y a, au fond, unité stratégique entre eux,cela n’est pas sain vis-à-vis de l’extérieur. » L’existence de cette unité stratégiquesemble toutefois s’accompagner souvent de divergences importantes et publiques surune partie des options tactiques et sur la conduite concrète des opérations, ce qui nuitglobalement, en l’espèce, au climat social parmi ses personnels.

Les inquiétudes à propos des risques de dumping social portés par la réforme ferro-viaire se sont manifestées dès 1997 parmi les cheminots à propos de la régionalisationdes transports ferroviaires. Le projet de règlement de la Commission européenne surl’organisation du service public de transports de voyageurs (règlement OSP), évoquépar l’avis no 4 du CSSPF, a renforcé ces inquiétudes. En effet, l’éventualité d’une mise enconcurrence de la SNCF sur les dessertes régionales, ouvertement souhaitée par cer-tains conseils régionaux, fait craindre aux cheminots une éviction progressive de laSNCF résultant de l’intérêt que pourraient trouver les autorités organisatrices à faireappel au « moins-disant social » (cf. le chapitre VII du présent rapport).

L’inexistence de tout dispositif permettant de prémunir le mode ferroviaire contre lesrisques de dumping social a été déplorée à plusieurs reprises par presque toutes lesorganisations syndicales représentées au CSSPF. Leur crainte est que le mode ferroviairene soit engagé peu à peu, sous couvert de « revitalisation par la concurrence », dans unprocessus analogue à celui mis en œuvre depuis dix à vingt ans dans les modes detransports routiers ou maritimes. D’ailleurs, la Commission européenne a pris récem-ment conscience des conséquences d’une concurrence non régulée dans ces deux

134 Chapitre VIII

Page 135: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

modes, en termes sociaux, environnementaux et de sécurité. Il faut voir là l’unedes causes principales des réticences des cheminots vis-à-vis de la constructioneuropéenne.

Sans garde-fou législatif ou réglementaire contre un risque de dumping social, pasencore concrétisé mais très présent dans les esprits, un motif supplémentaire de con-flictualité sociale subsiste à la SNCF, dû à une incertitude sur le contexte institutionnel.

RFF et son personnel : une affirmation d’expertisenécessaire pour exister

Le personnel de RFF lui-même tend à réagir à un sentiment de dépossession congénital,puisque le système de 1997 l’oblige à faire appel au gestionnaire d’infrastructures délé-gué (GID) qu’est la SNCF.

Lors de son audition, M. Giordano, représentant CGC du personnel de RFF, a réponduau président Filleul, qui estimait que la revendication de RFF de procéder lui-même, enlieu et place de la SNCF, aux prévisions de trafic, méritait pour le moins débat, par lespropos suivants : « RFF ne veut pas être cantonné à un rôle de gestionnaire de dette,mais revendique toutes les prérogatives que lui a donné la loi de 1997. Dans la mesureoù est embauché à RFF du personnel en provenance du secteur privé, il est porteurd’une culture de la connaissance précise des comptes, de la maîtrise interne des coûtset des recettes. De ce fait, il apparaîtrait anormal à son personnel que RFF signe indéfi-niment des “chèques en blanc” à la SNCF dans un domaine aussi important pour l’équi-libre financier de ses investissements. Ceci pourrait effectivement, un jour, le conduire àrevendiquer l’entière responsabilité de l’établissement des prévisions de trafic. »

En général, le personnel de RFF a le sentiment, qui s’appuie sur l’effectivité du dis-positif de la réforme de 1997, de ne pas maîtriser la production sur laquelle il estjugé. Il ne peut gérer cette frustration qu’en revendiquant sans cesse des tâches effec-tuées à la SNCF, en dépréciant le travail des cheminots, en faisant courir le soupçon ouen instaurant un contrôle accru des tâches confiées au GID. Ainsi, il objective le senti-ment de dépossession ressenti par les cheminots à la SNCF.

M. Laumin, représentant de la Fédération nationale des usagers des transports (FNAUT)dans le groupe de travail « évaluation »du CSSPF, l’a d’ailleurs souligné : « Je suis trèsinquiet, en tant que personnalité extérieure au secteur ferroviaire, de l’état d’esprit despersonnels des deux établissements ferroviaires. En écoutant les représentants du per-sonnel de la SNCF, j’avais noté l’existence d’un fort sentiment de dépossession des che-minots par RFF, du fait de la situation qui résulte de la réforme de 1997. Or, écoutantmaintenant le représentant du personnel de RFF, c’est une forte volonté de prise depossession qui s’exprime, ce qui étaye et légitime le ressenti des cheminots. »

Le préambule du présent rapport ainsi que la première partie de ce chapitre évoquentdes propos volontiers accusateurs concernant la productivité des cheminots. Ceux-cin’ont pas cessé depuis la réforme ferroviaire et sont parfois relayés par RFF.

Le CSSPF a jugé utile d’examiner sommairement les faits à l’aide des éléments dont ildispose (cf. annexe 16). En ôtant le personnel et la production du Service national des

La réforme et les relations sociales 135

Page 136: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

messageries (SERNAM) sur la période observée, afin de rendre homogène toute lapériode avec les dernières années, qui ont vu sa filialisation, on constate que :– sur les quinze dernières années, de 1985 à 2000, la productivité de la SNCF mesuréeen unités kilométriques équivalentes de trafic par agent (UKE ; pour la définition decette unité, cf. annexe 16) a crû au total de 46 %, soit une croissance annuelle moyennede 2,6 %, ce qui la place a un niveau plus qu’honorable par rapport à l’ensemble dessecteurs économiques concurrentiels ;– sur les quatre dernières années, de 1996 à 2000, la productivité en UKE par agent a crûde 15 %, soit une croissance annuelle moyenne de 3,6 % qui peut être qualifiée deremarquable. Un calcul en UKE par heure de travail d’agent, tenant compte de l’effetproductivité induit par la réduction du temps de travail à 35 heures (la compensation dela baisse de la durée du travail par des embauches ayant été partielle, comme dans la plu-part des entreprises), mettrait en évidence une croissance annuelle encore supérieure.

Ces données, vérifiables, sont cohérentes avec la croissance du trafic (+17 % pour lesvoyageurs, +15 % pour le fret) et la stabilité des effectifs à disposition (+1,4 %) obser-vés sur la période de 1996 à 2000.

Dans le registre du ressenti des salariés de RFF par rapport à ceux de la SNCF, il convientaussi de mentionner l’important écart qui existe entre les avantages sociaux desuns et des autres. M. Giordano, s’exprimant en tant que représentant du personnel deRFF devant le CSSPF, n’a pas manqué de rappeler que la question des garanties socialesconstituait un aspect important aux yeux de ses mandants. Dans l’analyse des ques-tions sociales, il convient de noter que le maintien d’une forte différence statutairepeut contribuer à entretenir un sourd ressentiment, alimenté par une envie compré-hensible, entre les agents de RFF et ceux de la SNCF.

Outre le caractère contre-productif de ce ressentiment, qui paraît avéré d’après destémoignages d’agents de RFF et de la SNCF, il ne paraît pas justifié, en tout état decause, que des personnels appelés à travailler ensemble, pour un même but au servicedu système ferroviaire français, ne bénéficient pas des mêmes avantages sociaux.L’écart qui existe entre les agents des deux établissements publics à cet égard ne parti-cipe pas à « l’unicité du secteur ferroviaire ».

La réforme de 1997 et l’identité au travail : anatomied’une impasse

L’analyse des phénomènes collectifs doit se garder de toute personnalisation : les cau-ses des difficultés décrites ne résident pas dans la psychologie individuelle a priori de telou tel acteur du système ferroviaire, car les personnels de RFF ou de la SNCF sont desindividus comme les autres, représentatifs de la composition sociale de la société fran-çaise. En rejetant toute explication simpliste ou condescendante, c’est le contextehumain résultant directement de la réforme de 1997 et sa dynamique qu’ilconvient d’interroger.

Les plus récents travaux des chercheurs en psychologie du travail établissent quel’identité des êtres humains, au sens le plus total du terme, se construit aussi etmême surtout au travail. En effet, dans une organisation sociale bâtie autour du tra-vail, l’identité sociale renvoie en permanence en miroir l’identité professionnelle,

136 Chapitre VIII

Page 137: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

comme le montre le fort sentiment d’exclusion ressenti par les chômeurs, s’ajoutant àleurs difficultés matérielles.

Les éléments exposés ci avant montrent que l’identité même des agents chargés del’infrastructure à la SNCF – en tant qu’individus et pas seulement en tant que chemi-nots – se trouve atteinte par le dispositif introduit par la réforme de 1997. Par rapportaux principes fondateurs de leur métier et dans les conditions concrètes de leur travail,de plus en plus d’agents vivent des situations d’injonctions paradoxales. On sait que detelles situations sont très difficilement supportables.

Concernant RFF, il est également difficile d’imaginer que le personnel puisse modifiersignificativement son attitude. Pour construire leur propre identité (au plan institution-nel devant les élus et au plan technique devant l’opinion et devant leur propre hié-rarchie), pour exister et prouver leur apport comme acteurs dans le jeu ferroviaire, lesdirigeants et les salariés de RFF n’ont d’autre modalité que d’exprimer, de façon plus oumoins implicite, que la SNCF et ses salariés ne travaillent pas assez bien. Ceci confèreau dispositif issu de la réforme de 1997 et à sa dynamique humaine un caractèrehautement problématique sur le plan social, qui n’a sans doute pas été bien appré-hendé par ses concepteurs.

Au-delà des questions d’efficacité fonctionnelle et technique pour le mode ferroviairedes dispositions de la réforme de 1997 (cf. le chapitre III du présent rapport), il est cer-tain que de telles atteintes répétées à l’identité professionnelle ont des effets sur le cli-mat social.

Il ne semble pas que l’organisation qui découle de la réforme de 1997 puisse aboutir àl’apaisement de la conflictualité sociale dans le secteur.

Dans la mesure où les litiges entre RFF et la SNCF sont porteurs, au fond, de cette com-posante identitaire, les conflits dont tous les acteurs du système sont conscients nepeuvent que perdurer. Partant d’un registre symbolique, ces conflits sont susceptiblesd’avoir des conséquences individuelles (dépressions nerveuses) ou collectives parmi lesagents du domaine « infrastructure » de la SNCF.

Même si ces conséquences ne concernent en principe pas les autres domaines de laSNCF, qui demeurent affranchis de ces préoccupations, et même si l’essentiel de la con-flictualité sociale interne à la SNCF n’est guère tournée vers l’infrastructure et l’exis-tence de RFF, cet aspect intervient d’autant plus sur les relations sociales et le climatd’ensemble qu’un lien existe cependant. En effet, la conflictualité sociale à la SNCFest centrée sur la définition de ses moyens et l’équilibre précaire du système ferro-viaire tout entier entretient une pression sur les moyens humains, ressentie par le corpssocial comme une contrainte sur le développement harmonieux de la SNCF.

Un certain découragement du personnel est parfois évoqué par l’encadrement de laSNCF. Les modalités de fin des grèves de mars-avril 2001 ont mis en évidence l’exacer-bation d’une approche catégorielle qui révèle un certain démantèlement du liensocial interne, particulièrement délicat à gérer tant par la direction de la SNCF que parses organisations syndicales. Dans une institution comme la SNCF, où tout observateursait que le lien social était particulièrement fort, son reflux risque d’avoir de gravesconséquences. Le conflit institutionnel avec RFF vient s’ajouter aux inquiétudes sur lesrisques de dumping social liés à l’ouverture européenne et à la régionalisation. Il nourritla conflictualité sociale à la SNCF, même s’il n’en est pas la cause unique.

La réforme et les relations sociales 137

Page 138: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Dans le domaine particulier de l’infrastructure, le dispositif actuel ne paraît pas suscep-tible de tendre de lui-même vers un équilibre satisfaisant. Nous serions tentés de direque la situation aurait, de ce seul point de vue, été humainement plus saine si laréforme avait attribué à RFF une véritable responsabilité de gestionnaire d’infrastructu-res, en mesure d’assumer toutes les conséquences sociales et managériales correspon-dantes. Il aurait alors fallu muter à RFF les quelques 60 000 agents du domaine« infrastructure » de la SNCF, ce dont les auteurs de la réforme de 1997 ne voulaientpas, à juste titre. Les risques fonctionnels liés à la séparation totale de l’infrastructure etde l’exploitation se seraient alors rapidement concrétisés, comme la réforme britan-nique l’a illustré (cf. le rapport au CSSPF, « Bilan de la réforme des chemins de fer bri-tanniques », septembre 2001).

La réforme ferroviaire française de 1997, née pour partie d’une crise sociale préexis-tante, ne l’a visiblement pas résolue. Elle a en outre mis en place les ferments d’uneautre crise, celle-ci touchant à l’identité sociale et professionnelle de certains desacteurs.

138 Chapitre VIII

Page 139: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Chapitre IX

La réformeet la protection

de l’environnement

Page 140: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 141: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Les atouts environnementaux du train constituent un des fondements de son intérêt col-lectif et la première justification d’une volonté publique de rééquilibrage modal en safaveur. Ces avantages socio-économiques sont d’ailleurs cités dans la loi no 97-135 enca-drant la réforme de 1997 : « ... dans une logique de développement durable » dès sonarticle 1er ; « ... aux avantages qu’elles [les infrastructures ferroviaires] présentent en cequi concerne l’environnement, la sécurité et l’énergie » à l’article 13 ; « ... ses avantages[du transport ferroviaire] en ce qui concerne la sécurité et l’énergie » à l’article 14. Ilimporte donc de les préciser dans ce chapitre, qui n’évoque cependant pas la sécurité descirculations ferroviaires, déjà abordée au chapitre IV du présent rapport et faisant partiede ces avantages socio-économiques car elle concerne la protection de la vie humaine.

Le mode ferroviaire génère aussi, indéniablement, des nuisances environnementales.La réflexion du CSSPF porte sur le sens de la contribution de la réforme à leur réduction.

Les atouts écologiques du trainGlobalement, le train présente une efficacité énergétique deux à trois fois supé-rieure à celle du mode routier, tant pour le déplacement des voyageurs que pour letransport du fret, et plus de trois fois supérieure à celle de l’avion en trafic intérieur.Le tableau ci-après fournit la comparaison détaillée des efficacités énergétiques des dif-férents modes en France, en tenant compte des taux de remplissage réels de chacun(source : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, données 1997).

Efficacité énergétique du transport de voyageurs (en v. k par kep)

Mode ferroviaire Autres modes

Interurbain InterurbainTGVTrains rapides nationauxTrains express régionaux

65,752,732,6

AutocarsVoitures particulièresAvions trafic intérieur

54,139,019,6

Urbain Urbain

Trains Île-de-France 35,2Métro ParisAutobusVoitures particulières

48,138,718,6

Efficacité énergétique du transport de fret (en t. k par kep)

Mode ferroviaire Autres modes

Interurbain InterurbainTrains completsTrains de transport combiné

111,383,0

Voie d’eauPoids lourds charge utile 25 t.Tous camions c. u. > 3 t.

127,357,628,1

UrbainTous camions c. u. > 3 t.Toutes camionnettes c. u. < 3 t.

11,47,1

Nota : l’efficacité énergétique, exprimée en voyageurs. kilomètres par kilo équivalent pétrole pour les voyageurset en tonnes. kilomètres par kilo équivalent pétrole pour le fret, représente la distance en kilomètres pouvantêtre parcourue dans un mode par un voyageur (resp. par une tonne de fret) en consommant l’énergie contenuedans un kilo de pétrole. La conversion de la consommation des trains électriques (plus de 90 % du trafic SNCF,voyageurs et fret) en équivalent pétrole est faite selon l’équivalence à la production (1 kWh = 0,222 kep), quitient compte du rendement des centrales.

La réforme et la protection de l’environnement 141

Page 142: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

L’avantage énergétique du train peut aussi s’exprimer de façon globale en considérantque le mode ferroviaire assure, toutes distances confondues, environ 8 % des déplace-ments de voyageurs et environ 16 % des transports de fret, tout en consommant moinsde 4 % de l’énergie utilisée par les transports en France. De plus, le mode ferroviairerecèle encore d’importantes marges de progrès, grâce à l’accroissement possible de lacharge des trains. Par ailleurs, près de 30 % de l’électricité de traction nécessaire à laSNCF est d’origine purement hydro-électrique, grâce à sa filiale (à 99 %) de productiond’électricité (la SHEM : Société hydro-électrique du Midi), les 70 % restants, achetésauprès d’EDF, comportant aussi une part d’environ 15 % d’origine hydro-électrique.

L’efficacité énergétique, couplée à la prédominance de l’électricité comme sourced’énergie, se traduit directement en avantages pour le train en termes de pollutionatmosphérique, comme le montre le tableau suivant (source : Centre interprofession-nel technique d’étude de la pollution atmosphérique, série Coralie-France, 1997) :

Gaz polluants principauxQuantité totale

émise(millions de t.)

Part des transports(tous modes)

Part du modeferroviaire

Gaz carbonique (CO2)1

Monoxyde de carbone (CO)Composés organiques volatils 2

Oxydes d’azote (NOx)Dioxyde de soufre (SO2)

320,308,252,411,640,76

41,8 %48,6 %34,6 %55,0 %7,0 %

0,2 %< à 0,05 %< à 0,05 %

0,6 %< à 0,05 %

1. Total dont on a soustrait les « puits » de CO2, soit l’absorption par les forêts et les étendues d’eau2. Hormis le méthane

Ces données sont tout à fait démonstratives lorsqu’on les rapproche des parts de mar-ché ferroviaires rappelées ci avant. Le report de trafic de la route ou de l’avion versle train électrique serait ainsi de nature à diminuer sensiblement les émissionspolluantes, comme l’illustre le tableau ci-dessous (sources : UIC/INFRAS-IWW/SNCF).

Émissions de polluants évitées,en tonnes, par le report :

Gazcarbonique

Oxyde decarbone

Composésorg. volatils

Oxydesd’azote

– d’un milliard de voyageurs.kmde la voiture vers le train 106 860 3 720 620 550

– d’un milliard de voyageurs.kmde l’avion vers le train 201 560 1 270 100 990

– d’un milliard de tonnes.kmdu poids lourd vers le train 59 450 420 100 580

La mission interministérielle de lutte contre l’effet de serre, rattachée aux services duPremier ministre et dont le CSSPF a longuement auditionné le responsable, M. Mousel,a établi que la principale contrainte environnementale pour le futur est l’accroissementanthropique (d’origine humaine) de l’effet de serre, causé à environ 60 % par les émis-sions de gaz carbonique. La responsabilité forte des transports dans ces émissions rendproblématique le respect de l’engagement global de la France, qui consiste à maintenirses émissions de gaz à effet de serre, à l’horizon 2008-2012, au niveau de 1990,d’autant plus que le secteur des transports est celui où les émissions de gaz à effetde serre croissent le plus vite.

142 Chapitre IX

Page 143: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

À une dimension plus locale, l’opinion publique supporte de moins en moins la pollu-tion atmosphérique due à la circulation routière, dont les impacts sanitaires sont désor-mais avérés. Selon une étude récente de l’Organisation mondiale de la santé (OMS),publiée en septembre 2000 par la revue scientifique médicale britannique The Lancet,la pollution atmosphérique due aux transports serait, en France, directement res-ponsable chaque année de 17 600 décès prématurés (soit davantage que l’insé-curité routière), de 20 400 nouveaux cas de bronchite chronique, de 456 000 crisesd’asthme et de 13,7 millions de journées d’incapacité de travail, pour un coût écono-mique équivalant à 1,7 % du PIB.

Les Français réclament désormais une régulation forte des transports pour traiter lespoints de congestion routière dans les zones sensibles et urbanisées, afin que nombred’axes routiers et autoroutiers, en particulier ceux qui empruntent les vallées alpines etpyrénéennes, cessent d’être de véritables « couloirs à camions ».

À cet égard, il faut également noter qu’une infrastructure ferroviaire présente l’avan-tage, pour une même capacité, tant en nombre de passagers acheminé qu’en tonnagede fret transporté, de nécessiter deux à trois fois moins d’espace qu’une infrastructureroutière.

L’ensemble des avantages environnementaux du chemin de fer justifie leur prise encompte effective par la politique des transports, d’une part, au moyen de subventions àce mode dans l’attente de l’internalisation des coûts externes (cf. chapitre III), d’autrepart, en ce qui concerne les futurs choix d’investissements de transports.

Ces caractéristiques fondent la nécessité de développer le mode ferroviaire dans l’inté-rêt collectif, non pas pour multiplier les déplacements, mais pour obtenir un reportmodal significatif vers le rail. À cet égard, la réforme ferroviaire de 1997, selon qu’ellefacilite ou non le développement du chemin de fer en France (cf. chapitre II), a une res-ponsabilité éminente dans le domaine de la protection de l’environnement.

Une méthode efficace pour protéger l’environnement consiste à arbitrer lesinvestissements entre les différents modes de transport en considérant, avec lapriorité nécessaire, le critère de leurs impacts respectifs sur l’environnement. Laréforme ferroviaire de 1997, tout en mettant en exergue « la logique de développe-ment durable » dans la loi du 13/02/1997, s’est centrée sur le système ferroviaire et n’apas contribué à résoudre la question de l’arbitrage intermodal (cf. chapitre V), fonda-mentale pour construire une véritable politique de transports durables.

Maîtriser les nuisances : agir sur l’ensembledu système

En dépit des atouts qui viennent d’être rappelés, le mode ferroviaire n’est pas dénuéde nuisances environnementales. La principale d’entre elles est le bruit produit aupassage par les trains. Même si les nuisances sonores sont une caractéristique com-mune à l’ensemble des modes de transport motorisés, elles constituent le motif de trèsloin le plus souvent invoqué par les riverains potentiels pour s’opposer à la constructiond’une nouvelle infrastructure ferroviaire. Les riverains des lignes existantes deviennent

La réforme et la protection de l’environnement 143

Page 144: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

eux aussi de plus en plus exigeants en matière de diminution des nuisances sonores etvibratoires.

De ce fait, le développement du mode ferroviaire, dans l’intérêt collectif, requiert uneaction sans faille en vue de rechercher, par tous les moyens disponibles, à réduire lesnuisances sonores inévitablement associées à la circulation des trains. Or, le bruit dutrain prend naissance au contact de la roue et du rail, et ce n’est que pour des vitessessupérieures à 300 km/heure, pas encore pratiquées à ce jour, que le bruit aérodyna-mique deviendra prépondérant.

Une action totalement concertée est donc nécessaire, tant pour la recherche que pourles mesures d’exploitation courantes, entre les entités responsables du matériel roulant(état des tables de roulement de la roue, systèmes de freinage, politique de mainte-nance du matériel) et de l’infrastructure ferroviaire (état de surface du rail et politiqued’entretien, installation de dispositifs de protection tels que murs, merlons de terre,écrans...). En d’autres termes, la prise en charge de cette question importante concerneaussi bien, et ensemble, le gestionnaire d’infrastructures que l’entreprise ferroviaire.

Une divergence d’intérêts peut se manifester dès lors que les deux fonctions sont insti-tutionnellement séparées.

Ainsi la SNCF pourrait-elle être tentée de privilégier la construction de protectionscontre le bruit le long des infrastructures, dont les coûts sont imputés à RFF, plutôt qued’engager des dépenses pour remplacer plus rapidement sur ses wagons les systèmesde freinage à sabots de fonte par des systèmes à sabots en matériaux composites,moins bruyants, ou mieux encore, par des systèmes de freinage à disques, qui n’usentpas la table de roulement.

À l’inverse, RFF, soucieux de diminuer les coûts d’infrastructures, pourrait-il être tentéd’incriminer le bruit du matériel roulant de la SNCF, plutôt que d’adopter une politiquede maintenance plus coûteuse (meulage acoustique des rails) ou d’accroître la lon-gueur et la qualité des protections acoustiques le long des voies, qu’il s’agisse de lignesexistantes ou de nouvelles infrastructures.

Si l’une des deux composantes, infrastructures ou matériel, est moins bien traitée,c’est-à-dire si la recherche et les actions de progrès ne sont pas menées en totalesynergie, beaucoup plus de la moitié du gain possible en termes de nuisances acousti-ques est perdu, tant est étroite la liaison entre roue et rail à l’égard de la performanceacoustique globale du système, dans ce domaine comme dans d’autres relevant de latechnologie ferroviaire (cf. le chapitre suivant).

Ces éléments militent pour que les deux fonctions relatives à l’infrastructure et àl’exploitation ferroviaire soient supervisées par une instance de décision arbitrale suffi-samment proche des questions concrètes et complexes de la technique ferroviaire.Pour être en mesure de tenir en main les bilans coûts/avantage au nom de l’ensembledu système ferroviaire, une telle instance ne peut lui être complètement extérieure. Laréforme de 1997, qui n’a pas mesuré l’importance d’un tel dispositif, ne facilite pas, enl’état, la recherche de solutions optimisées d’un point de vue d’ensemble, ce qui risquede ralentir les progrès que l’intérêt collectif réclame.

Les questions environnementales qui ne concernent que l’infrastructure font aussil’objet de difficultés de prise en charge dans l’organisation ferroviaire issue de la

144 Chapitre IX

Page 145: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

réforme de 1997. Il en est ainsi, par exemple, de la maîtrise de la végétation sur les pla-tes-formes et talus ferroviaires (désherbage et débroussaillage) et de la végétalisationdes talus ou des aménagements qu’il serait pertinent de réaliser dans les emprises fer-roviaires, tant pour des raisons techniques de stabilité des plates-formes que pour desmotifs d’image du train auprès des riverains et de l’opinion.

Alors que les sociétés d’autoroutes communiquent abondamment sur les aménage-ments paysagers qu’elles réalisent en bordure des autoroutes, force est de constaterqu’à l’exception des grands projets comme le TGV Méditerranée, cette dimension estnégligée par le système ferroviaire. Certes, la convention de gestion de l’infrastructureferroviaire établie entre RFF et son gestionnaire d’infrastructures délégué prévoit, enson article 10, la possibilité de mettre en place et de suivre des indicateurs de respect del’environnement. Ceux-ci n’ayant pas, à la connaissance du CSSPF, été élaborés ni enté-rinés, ce dont la responsabilité incombe d’ailleurs autant à la SNCF qu’à RFF,aucun niveau explicite de qualité environnementale des emprises de RFF n’a été fixé.Cela conduit à l’absence de moyens budgétaires formalisés pour traiter les questionsenvironnementales, questions qui, il est vrai, sont à même de produire de nouveauxmotifs de controverses entre les deux établissements publics.

La politique environnementale concernant l’infrastructure est ainsi laissée à la « bonnevolonté » de la SNCF, lorsqu’elle décide de consacrer à des actions environnementalesune part de la rémunération forfaitaire qu’elle reçoit de RFF pour entretenir les infras-tructures. Bien entendu, la situation très contrainte de la SNCF pour tendre vers l’équi-libre de son compte de gestionnaire d’infrastructures délégué, la conduit à neconsacrer à de telles actions qu’une portion limitée, qui ne correspond pas aux inten-tions ambitieuses qu’elle affiche à travers ses rapports annuels et plans d’actions« Environnement ».

Pour autant, avant la réforme, la SNCF n’était pas au-dessus de tout reproche en lamatière, notamment en matière de conformité aux dispositions concernant les « installa-tions classées pour la protection de l’environnement » (loi de 1976) ainsi, sur un registredavantage patrimonial qu’environnemental, qu’en matière de pollution des sols.

Il n’y a donc ni « bon point » ni « mauvais point » environnemental à distribuer à l’unou l’autre des établissements. Il s’agit plutôt de mettre en évidence l’effet, ou l’absenced’effet, des critères de « bonne gestion » que fixe la réforme de 1997. Par essence, lesdépenses consacrées à la protection de l’environnement ne présentent pas de rentabi-lité financière. Elles sont donc éloignées de l’esprit de l’article 4 du décret 97-444 du5 mai 1997 relatif aux missions et au statut de RFF, qui marque fortement la pratiquede ses décideurs, même lorsqu’il ne s’agit pas de dépenses d’investissements « à lademande de l’État, d’une collectivité ou d’un organisme public local ou national ».

De fait, le système institutionnel issu de la réforme de 1997 dissuade les acteurs des’engager activement, au-delà des obligations résultant des dispositions législatives ouréglementaires en vigueur, pour la protection de l’environnement dans le domaine del’infrastructure.

Une responsabilité commune aux deux domaines des infrastructures et del’exploitation ferroviaire apparaît particulièrement nécessaire en matière de poli-tique environnementale, afin que des actions volontaristes et en synergie del’ensemble du système ferroviaire soient encouragées.

La réforme et la protection de l’environnement 145

Page 146: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 147: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Chapitre X

La réformeet l’innovationtechnologique

Page 148: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 149: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

L’étude de l’histoire des innovations technologiques démontre qu’une conditionnécessaire de leur réussite consiste à disposer d’une maîtrise et d’un pilotage communsdes différentes composantes des systèmes en jeu.

Le mode ferroviaire, mode de transport guidé, constitue un système technologique-ment fortement intégré où les deux composantes « infrastructure » et « matériel rou-lant » doivent être considérées ensemble. En particulier, les véhicules à grande vitesse,techniquement sophistiqués, ne peuvent à l’évidence permettre de réduire le temps detrajet que là où la voie est adaptée pour le transport à grande vitesse. De même, pourgarantir un haut niveau de confort, des mécanismes de roulement toujours plus perfor-mants peuvent être élaborés par les constructeurs de matériel roulant, mais leurs bien-faits ne peuvent être ressentis par les utilisateurs du train que si le véhicule et la voiesatisfont aux mêmes exigences.

Il apparaît que des offres par chemin de fer compétitives supposent un développementcontinu du système ferroviaire, développement conduit « d’un seul jet ». Les modes detransport concurrents développent très rapidement leurs technologies. Le mode ferro-viaire ne pourra faire face à cette concurrence dans l’innovation que si les tech-nologies se développent aussi vite dans l’infrastructure que dans les véhicules,en accord les unes avec les autres.

Les conditions de réussite des grandesinnovations ferroviaires

Le TGV a constitué sans doute la plus importante innovation technologique ferroviairedes dernières décennies en France, couronnée par le succès commercial. Il n’est pasexagéré de dire que le TGV a « réouvert l’avenir » du chemin de fer français, à unmoment où beaucoup d’experts estimaient, à tort, qu’il s’agissait d’une technique duXIXe siècle. Cette innovation repose sur un matériel roulant nouveau, spécialementconçu pour atteindre des performances commerciales élevées, et repose simultané-ment sur une voie ferrée dédiée à la grande vitesse permettant à ce matériel d’exprimerses performances dans des conditions de sécurité optimales.

M. Couvert, directeur général délégué « exploitation » de la SNCF, auditionné par leCSSPF, a déclaré : « Une question souvent posée est de savoir si, dans l’organisationactuelle du mode ferroviaire, il serait possible de réaliser le TGV. J’ai de sérieux doutes àce sujet. J’estime que les moyens qui ont été mobilisés à cette époque par la SNCF pourconcevoir et réaliser cette innovation ne le seraient pas aujourd’hui. »

M. Mignauw, ancien directeur général délégué « clientèle » puis « exploitation » de laSNCF, qui avait participé à la genèse du TGV, a tenu sur le même sujet, dans l’hebdoma-daire La vie du rail du 10/10/2001, les propos suivants : « Mais un projet comme celui-ciimplique une solidarité extraordinairement forte. Il a fallu mobiliser toutes les compo-santes au service du système, pour la performance, la sécurité et la maîtrise des coûts.Aujourd’hui, du fait de la séparation entre infrastructure et entreprise ferroviaire, onaurait beaucoup de mal à recréer la solidarité autour d’un tel projet. » Ce point devue mentionne, outre les conditions proprement techniques de réussite, la notion de

La réforme et l’innovation technologique 149

Page 150: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

« solidarité » qui renvoie au registre de la nécessaire proximité humaine pour uneéquipe de projet.

Selon les techniciens de la SNCF, le TGV n’aurait sans doute pas vu le jour si deuxentités séparées, comme c’est le cas aujourd’hui, avaient eu la charge du systèmeferroviaire dans les années 1970.

De même, dans un domaine extérieur au champ de la réforme ferroviaire, la RATPn’aurait pu procéder au saut technologique que représente le métro automatiqueMETEOR si elle n’avait tenu en main à la fois l’infrastructure et le matériel roulant, toutau long du processus de conception, d’élaboration et de test d’une telle innovation, quia été un succès commercial autant que technique.

Le processus d’innovation et la nécessitéd’une « réflexion/système »

Des innovations aussi considérables que le TGV ne se produisent qu’à une périodicitéde plusieurs décennies mais, dans l’intervalle, des opportunités de progrès peuvent etdoivent être étudiées continuellement. Ces études impliquent, elles aussi, une appré-hension globale, en totale synergie entre les composantes « matériel roulant » et« infrastructure ».

Lors de son audition, M. Couvert a mentionné que des débats difficiles avaient lieuentre la SNCF et RFF à propos de l’installation de la radio sol/train numérique et du sys-tème de signalisation embarqué ERTMS (European Railway Traffic Management Sys-tem). Il est logique que ce système donne l’occasion à la divergence d’intérêts entregestionnaire d’infrastructure et exploitant séparés de se manifester, puisque le coût desa mise en place représenterait plusieurs milliards de francs à la charge de la SNCF.Celle-ci, tout en souscrivant aux objectifs d’interopérabilité du système ferroviaire euro-péen dont elle attend des bénéfices à long terme, constate que, dans un premiertemps, les systèmes interopérables devront se juxtaposer aux systèmes nationaux.Selon les choix effectués, ils augmenteront soit le coût des matériels roulants, soit celuides infrastructures, sans bénéfice évident à court terme pour la SNCF, compte tenu dessystèmes fiables de transmission voie/machine dont elle dispose déjà.

De son côté, RFF se fait le promoteur de la mise en place d’un système dont les coûtsd’installation ne lui incomberont que pour une plus faible part.

Un traitement d’ensemble de ces difficultés ne contredirait en rien le respect de l’obli-gation, qui s’impose à tous les acteurs des systèmes ferroviaires européens, de recher-cher l’interopérabilité entre les différents réseaux, aussi bien pour l’infrastructure quepour le matériel roulant. Il est nécessaire cependant de ne pas sous-estimer le poids del’existant, en d’autre termes de ne pas abandonner l’intégration technique natio-nale sur le chemin de l’intégration européenne, ainsi qu’évoqué infra.

Un autre exemple de ce type de difficultés est fourni par la technologie pendulaire,promue par RFF et dont les coûts de mise en œuvre paraissent devoir être supportéspour l’essentiel par le propriétaire du matériel roulant. Toutefois, une analyse globale

150 Chapitre X

Page 151: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

en terme de système ferroviaire montre que, pour bénéficier de la totalité des gains detemps de parcours permis par des trains pendulaires, soit environ 10 % par rapport autemps de parcours de référence sans pendulation, des dépenses d’infrastructure sontaussi nécessaires. La réalisation de telles opérations nécessite donc une participationsignificative de l’État et des collectivités, comme c’est le cas pour le projetParis-Orléans-Limoges-Toulouse (POLT).

M. Couvert, lors de son audition, a insisté sur le fait que « il est actuellement nécessairede mettre en œuvre, pour le développement et l’innovation ferroviaires, des“réflexions/systèmes” qui permettent de faire prévaloir l’optimum ferroviaire global surles optima locaux. ». Ces propos confirment le constat effectué au chapitre précédentpour le cas particulier de l’environnement, à savoir que la réforme ferroviaire de 1997ne s’est pas préoccupée de conserver, ou de mettre en place, un dispositif permettantde faire prévaloir une approche globale.

L’expérience britannique (cf. l’étude réalisée à la demande du CSSPF : « Bilan de laréforme des chemins de fer britanniques » de septembre 2001) montre jusqu’où peutmener la dynamique de la séparation institutionnelle entre infrastructure et exploita-tion. En Grande-Bretagne, le manque de communication et de coordination qui s’estinstallé entre le gestionnaire de l’infrastructure (Railtrack) et les opérateurs ferroviairesa, par exemple, conduit à différer la livraison de matériels pour des raisons de compati-bilité avec les systèmes de signalisation qu’ils étaient susceptibles de perturber, provo-quant la mise en attente de réception, dans les garages des constructeurs, de plusieurscentaines de véhicules neufs.

Au-delà de cet exemple, bien entendu caricatural relativement au dispositif français, lacritique fondamentale de nombreux responsables et experts britanniques sur laréforme effectuée outre-Manche n’en demeure pas moins la séparation des deux fonc-tions. Lors d’un entretien avec le président du CSSPF en mai 2001, sir Alastair Morton,président de la SRA (Autorité stratégique ferroviaire) britannique, a déclaré que « Rail-track a élevé une barrière entre la roue et le rail ». M. Green, haut responsable de lacompagnie Virgin Trains, est encore plus explicite : « Les dommages [il dit littérale-ment : “la blessure”] sont venus de la fragmentation, non de la privatisation ; et toutparticulièrement de la séparation artificielle entre la roue et le rail. »

Après la mise sous tutelle administrative de Railtrack par la Haute Cour de Londres, le7 octobre 2001, il est significatif qu’une des leçons tirées de l’échec de la réforme bri-tannique pourrait, selon les renseignements dont dispose le CSSPF, consister à redon-ner aux compagnies exploitantes la responsabilité de tout ou partie de la gestion desinfrastructures. Certaines le revendiquent d’ailleurs explicitement depuis quelquetemps, à l’exception bien entendu des « fonctions essentielles » définies par les directi-ves du « paquet ferroviaire » européen (cf. chapitre VI du présent rapport).

Conscient des difficultés évoquées par M. Couvert, M. Martinand, président de RFF, aenvisagé, lors d’une intervention en séance plénière du CSSPF, l’éventualité de partici-per ultérieurement aux investissements de la SNCF, dans la mesure où ceux-ci seraient àmême de permettre à RFF des économies sur ses propres investissements d’infrastruc-tures. Il précisait et confirmait ainsi des propos antérieurs de M. Rohou, son suppléantdans le groupe de travail « évaluation » du CSSPF. Ces intentions paraissent toutefoisdifficiles à concrétiser, vu la nécessité de garantir le respect de l’article 6-1 de la direc-tive européenne 2001/12 du 26/02/2001, qui stipule que « les États membres prennent

La réforme et l’innovation technologique 151

Page 152: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

les mesures nécessaires pour assurer la tenue et la publication de comptes de profits etpertes séparés et de bilans séparés, d’une part, pour les activités relatives à la fourniturede services de transport par des entreprises ferroviaires et, d’autre part, pour celles rela-tives à la gestion de l’infrastructure ferroviaire. Les aides publiques versées à l’une deces deux activités ne peuvent pas être transférées à l’autre. Les comptes relatifs auxdeux activités sont tenus de façon à refléter cette interdiction ».

La présence du rail français en Europe

La nécessité d’une « innovation intégrée » est de plus en plus évidente avec l’avance-ment de l’européanisation du chemin de fer, dont le caractère indispensable pour assu-rer son avenir n’est pas à démontrer. Par exemple, l’intéropérabilité des matériels àgrande vitesse, de même que des systèmes de signalisation, exige qu’ils soient conçusdans toutes leurs composantes (matériel, voie, techniques de contrôle, sécurité) sous lamaîtrise d’entreprises intégrées. Dans un tel contexte, il est particulièrement impor-tant que le chemin de fer français parle d’une seule voix dans les instances euro-péennes qui traitent des spécifications pour la voie et le véhicule, afin qu’il soitécouté dans les discussions avec des partenaires européens dont beaucoup sont encoreintégrés.

La divergence des intérêts directs entre RFF et la SNCF ne permet pas ce discours unifié,ce qui affaiblit la position française auprès des diverses instances européennes, quellesque puissent être par ailleurs les performances opérationnelles des systèmes ferroviai-res développés en France. Le cas du système ERTMS évoqué précédemment en cons-titue une illustration.

À l’égard de l’innovation technologique, vitale pour le mode ferroviaire dans uncontexte de concurrence très vive avec les autres modes, la séparation entre l’infras-tructure et l’exploitation apparaît comme un handicap.

152 Chapitre X

Page 153: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Conclusion

Page 154: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 155: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Le 19 juin 1998, le ministre chargé des Transports lance la « réforme de la réforme » dusecteur du transport ferroviaire. Elle rompt avec une logique de déclin par une volontéde développement, une politique de l’emploi, des aides de l’État au désendettement,un engagement sur l’unicité du système ferroviaire,... Elle crée le Conseil supérieur duservice public ferroviaire, en particulier pour effectuer, « dans un délai de trois ans àcompter de sa création, une évaluation de la réforme du secteur du transport ferro-viaire, notamment en ce qui concerne la situation économique et financière du secteur,l’unicité du service public et les rapports sociaux » (décret du 19 mars 1999) et pour« proposer, s’il y a lieu, les évolutions nécessaires » (intervention du ministre chargé desTransports lors de la table ronde avec les syndicats SNCF du 19 juin 1998).

Les travaux du CSSPF confirment de sensibles évolutions vis-à-vis du mode ferroviairedans notre pays et en Europe. L’opinion prend la mesure de l’intérêt du rail au regarddes exigences de sécurité et de protection de l’environnement. Les services rendus auxcitoyens et l’adéquation des infrastructures aux besoins, objectifs majeurs de la poli-tique des transports, font prendre conscience de la nécessité d’une régulation active dusecteur. Dans ce cadre général, les travaux du CSSPF sur l’évaluation de la réforme fer-roviaire portent sur les thèmes fixés par le décret, rappelés ci avant.

Le volet financier de l’évaluation prend acte de l’allégement d’emblée de la detted’infrastructure portée jusqu’en 1996 par la SNCF et des charges financières inhéren-tes. En contrepartie, la plus grande partie de la dette et l’essentiel du déficit ont étéreportés sur RFF. La SNCF a retrouvé un compte de résultat proche de l’équilibre et lavolonté d’entreprendre. Elle a su profiter de la reprise économique grâce à une poli-tique de volume, et ses recettes de trafic se sont accrues de 23 % entre 1996 et 2000, àpérimètre comparable.

Après une hausse encore forte en 1997, la dette du système ferroviaire est quasimentstabilisée à partir de 1998 grâce aux aides supplémentaires de l’État (dotations en capi-tal à RFF, transferts au service annexe d’amortissement de la dette/SAAD) et à la haussedes trafics de la SNCF, mais aussi en raison de la baisse des investissements. Le méca-nisme vertueux de maîtrise de la dette de RFF, introduit par l’article 4 du décret relatif àses missions, oblige tout demandeur public d’un investissement d’infrastructure ferro-viaire à apporter « un concours financier propre à éviter toute conséquence négativesur les comptes de RFF sur la période d’amortissement de cet investissement ». Il nes’applique qu’aux nouveaux investissements de RFF, et ceux de la SNCF n’en bénéficientpas. Il a peu joué jusqu’à présent, mais ses effets vont s’amplifier.

Malgré ces dispositions, la dette d’ensemble du système ferroviaire s’élève encore à200 milliards de francs (GF) [30,5 milliards d’euros (G€)] fin 2001, déduction faite de 59GF [9 G€] localisés au SAAD, dont l’État assure le paiement des intérêts et les rembour-sements, jusqu’à extinction.

Le problème de la dette reste entier. Le système ferroviaire n’est pas capable de rem-bourser cette dette, encore moins d’assurer le développement de son activité et definancer les besoins d’investissements fortement croissants des dix ans qui viennent, del’ordre de 30 GF [6,6 G€] par an, pour mettre en œuvre la politique de rééquilibragerail-route voulue par les pouvoirs publics. Cette politique trouve déjà une traductionconcrète dans les contrats de Plan État-régions (XIIe Plan) et dans les schémas multimo-daux de services collectifs de transport.

Conclusion 155

Page 156: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

L’autre volet majeur de la réforme est la séparation institutionnelle entre ges-tionnaire d’infrastructure et entreprise ferroviaire. La réforme ferroviaire issue de laloi du 13 février 1997, qui va au-delà des directives européennes y compris les plusrécentes, a voulu que la modification structurelle apportée au système ferroviaire parla création de RFF ne remette pas en cause « l’unité de la SNCF ». En 1998, la « réformede la réforme » n’a pas modifié l’organisation mise en place un an auparavant et aaffirmé « l’unicité du service public ferroviaire ».

Mais qu’en est-il, quatre ans après la réforme de 1997, de l’unité et de l’efficacité dusystème ferroviaire français ? Telle est l’une des plus importantes questions aux-quelles le CSSPF s’est attaché à apporter un éclairage.

La SNCF reste responsable de la mise en œuvre de l’exploitation, de la maintenance etde la plus grande partie des investissements d’infrastructures ferroviaires, en tant quegestionnaire délégué. L’intégration de la sécurité et de l’exploitation des circulationsferroviaires a été maintenue à la SNCF, et avec elle le niveau de sécurité des circula-tions. Le « paquet ferroviaire » européen de 2001 impose déjà un calendrier d’ouver-ture à la concurrence du trafic fret international.

RFF, malgré le poids considérable de sa dette, affirme son rôle de maître d’ouvrage desinvestissements ferroviaires et d’interlocuteur des collectivités publiques, qui se heur-taient souvent à une SNCF jugée monolithique. Les demandes de dessertes et de servi-ces relèvent à la fois des autorités organisatrices pour les services régionaux devoyageurs, et de la SNCF elle-même pour ses services de grandes lignes et de fret. Leurconception et leur production sont assurées dans tous les cas par la SNCF, en amontdes besoins d’infrastructures. La répartition des rôles entre maîtrise d’ouvrage et maî-trise d’œuvre n’est pas claire dans les faits ; la SNCF et RFF ne s’expriment pas toujoursd’une même voix vis-à-vis des autorités organisatrices de transport, ce dont la collecti-vité risque de pâtir. Cette « double expertise » permet d’améliorer la qualité des pro-jets, mais l’expérience montre aussi que le processus consomme encore beaucoup detemps et d’énergie. Le vécu est difficile de part et d’autre, le climat social peut en êtreaffecté dans certains métiers.

Le pilotage par RFF de la maintenance et de l’exploitation de l’infrastructure n’a pas eud’effet jusqu’à présent. La rémunération de la SNCF par RFF au titre de la « conventionde gestion de l’infrastructure », qui s’élève à 17,3 GF [2,6 G€] en 2001, ainsi que lespéages d’infrastructure, sont des forfaits annuels conventionnels. Les péages passentde 6 GF [0,9 G€] en 1997 à 11,1 GF [1,7 G€] en 2001 et approcheront 13 GF [2 G€] en2002. Lesté d’une dette considérable, RFF est contraint de peser économiquement surson client et fournisseur pratiquement unique, la SNCF. Ce face-à-face, à somme nullepour le système ferroviaire, conduit à de fastidieux débats, jusqu’à ce que l’État lesarbitre.

RFF ne dispose pas d’une réelle autonomie et ne maîtrise aucun des agrégats impor-tants de son compte de résultat (rémunération de la SNCF, redevances, concours, dota-tions en capital). Il en est de même pour certains paramètres qui servent à ajusterannuellement les résultats de la SNCF, sans logique claire ni transparence. Ces prati-ques doivent évoluer vers une démarche contractuelle responsabilisante entre l’État etle système ferroviaire public.

156 Conclusion

Page 157: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Les relations sociales au sein de la SNCF sont toujours marquées par une forte conflic-tualité, unanimement regrettée. La tension sur les effectifs est souvent à l’origine decette situation. Toutefois, dans la période de l’évaluation, l’accord de 1999 sur la réduc-tion du temps de travail, signé majoritairement, caractérise un changement de rela-tions. Il marque un infléchissement significatif qui s’est traduit par 26 000 embauchesentre 1999 et 2001.

Les difficultés d’articulation de la SNCF avec RFF ont alimenté un sentiment de dépos-session des agents chargés de l’infrastructure et ont radicalisé les positions des organi-sations syndicales qui, par ailleurs, critiquent les pratiques de l’État et ont exprimé uneopposition quasi unanime sur le projet de gestion par activités de la SNCF. La grandemajorité d’entre elles, y compris en terme de représentativité, s’oppose à la séparationen deux entreprises du système ferroviaire et craint un découpage ultérieur de la SNCF.

La réforme a concrétisé l’expérimentation de la régionalisation des services TER. Lesuccès de cette expérimentation, majoritairement reconnu, conduit à sa généralisationle 1er janvier 2002, dans le cadre de la loi relative à la solidarité et au renouvellementurbains (SRU). À cette fin, la SNCF a adapté sa comptabilité pour fournir aux autoritésorganisatrices régionales des comptes attestés pour la contractualisation.

Il faut cependant noter que l’adoption de la proposition de règlement européen relatifaux obligations de service public dans les termes retenus récemment par le Parlementeuropéen, ou dans les termes initialement envisagés par la Commission, serait suscep-tible d’avoir des conséquences notables sur certaines des dispositions de la loi SRU rela-tives à la régionalisation ferroviaire.

Centrée sur l’organisation du système ferroviaire, la réforme de 1997 a laissé de côtéles questions fondamentales de politique des transports :– harmonisation par le haut des conditions de concurrence entre modes sur les planssocial, environnemental, fiscal et de sécurité ;– prise en compte des coûts externes dans les choix d’investissements ;– multimodalité ;– régulations et contrôles.

Cette carence est très préjudiciable au mode ferroviaire.

La régulation des chemins de fer avait progressé avec la loi d’orientation des trans-ports intérieurs (LOTI) de 1982, même si la SNCF continuait sur de nombreux plans à« s’autoréguler ». L’État a récemment renforcé ses moyens en matière de sécurité descirculations ferroviaires et annonce la mise en œuvre d’une véritable politique multimo-dale. Cependant, l’absence de démarche contractuelle globale avec l’État ne permetpas au système ferroviaire d’atteindre ses objectifs et fausse la mesure des performan-ces de RFF et de la SNCF.

Le système ferroviaire se caractérise par une forte intégration entre l’infrastructure et lemobile, indispensable à une sécurité de haut niveau. Le TGV aurait-il vu le jour avec uneorganisation éclatée entre infrastructure et exploitation ? Beaucoup s’interrogent à cesujet. L’organisation actuelle des missions entre RFF et la SNCF n’apparaît pas la plusadaptée pour l’innovation, pour la mise en œuvre de l’interopérabilité et pour lesactions de protection de l’environnement.

Conclusion 157

Page 158: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

La réforme de 1997 a créé a une double séparation dans le système ferroviaire :– la première, la plus importante, sépare la gestion des infrastructures de celle des ser-vices ferroviaires, au-delà de la séparation comptable imposée par les directives envigueur. La Commission européenne pousse certes dans ce sens, mais sans produired’expérience convaincante à ce jour. L’échec du modèle britannique, les choix quel’Allemagne vient de confirmer en faveur de l’intégration, les performances des che-mins de fer intégrés aux États-Unis et au Japon, conduisent à s’interroger sur l’organi-sation mise en place en France en 1997. Comme le montrent les travaux d’évaluation, lemaintien de l’exploitation des infrastructures à la SNCF a permis de conserver un hautniveau de sécurité et une bonne organisation des circulations. Le débat sur les projetsd’infrastructures s’est développé, mais les rôles respectifs de RFF et de la SNCF ne sontpas clairs. La séparation du système ferroviaire entre deux EPIC, sans intégration,a affecté son efficacité et n’a pas résolu positivement les problèmes rencontrés par leservice public ferroviaire ;– la deuxième séparation distingue la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre pour lesinfrastructures. Cette différenciation, qui relève d’un management classique au seindes grandes entreprises intégrées, est porteuse d’effets positifs. Dans le cas d’espèce,la loi de 1997 a transféré la maîtrise d’ouvrage à une entité (RFF) juridiquement distinctede celle (la SNCF) qui répond de la qualité d’ensemble devant les utilisateurs finaux desservices. Une telle organisation n’existe dans aucun autre secteur. Elle est ambiguëet coûteuse et prive le système ferroviaire d’une unité de management.

En 1998, la « réforme de la réforme » a enrayé la logique de déclin du mode ferroviaireet le gouvernement a engagé une politique de rééquilibrage rail-route qui doit se con-crétiser puis s’amplifier pour répondre aux besoins du développement durable. Dans lemême temps, le trafic ferroviaire s’est accru.

Ces éléments favorables n’occultent pas la persistance d’un endettement considérableet les dysfonctionnements de l’organisation décidée en février 1997. Ces problèmesmajeurs doivent être résolus dans le cadre d’une régulation active du secteur destransports, indispensable pour développer une politique ambitieuse au service despopulations, du développement durable et de l’aménagement du territoire.

158 Conclusion

Page 159: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Annexesdu rapport d’évaluation

de la réforme du secteurdu transport ferroviaire

Page 160: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

1 – Pacte de modernisation de la SNCF de 1996.

2 – Évolution 1994-2001 du compte de résultat du système ferroviaire.

3 – Graphique d’évolution 1994-2000 des résultats nets du système ferroviaire.

4 – Évolution 1994-2001 du compte de résultat de la SNCF.

5 – Évolution 1997-2001 du compte de résultat de RFF.

6 – Comparaison des comptes de résultat 1996 et 2000 du système ferroviaire àpérimètre constant.

7 – Évolution 1991-2004 des investissements du système ferroviaire en crédits depaiement.

8 – Évolution 1989-2001 de la dette du système ferroviaire.

9 – Évolution 1997-2001 des redevances d’infrastructure versées par la SNCF à RFF.

10 – Évolution 1985-2000 des trafics de la SNCF.

11 – Graphique d’évolution comparée 1985-2000 des trafics de la SNCF et duvolume du PIB.

12 – Concours publics (État et collectivités) au système ferroviaire en 2000.

13 – Évolution 1996-2001 des concours publics au système ferroviaire.

14 – Graphique d’évolution 1991-2004 des investissements du système ferroviaire.

15 – Comparaison des plans de développement ferroviaire en Europe.

16 – Évolution 1985-2000 des trafics, des effectifs et de la productivité de la SNCFà périmètre constant hors SERNAM.

17 – Lettre du président de la SNCF au directeur des transports terrestres du13 septembre 2001 relative aux dossiers d’instruction mixte à l’échelon centraldes projets d’infrastructures ferroviaires inscrits au contrat de plan État/régionPACA, accompagnée d’observations générales communes à l’ensemble desprojets.

18 – Graphique d’évolution 1997-2000 des investissements de sécurité hors KVBde RFF et de la SNCF.

19 – Graphique d’évolution 1987-2000 des investissements de sécurité du systèmeferroviaire.

20 – Graphique d’évolution 1992-2000 des trafics des services ferroviaires régionauxde voyageurs.

21 – Graphique d’évolution 1994-2000 des parcours totaux des TER et des EIR(express d’intérêt régional).

22 – Montants des investissements en matériel roulant neuf des collectivitésrégionales sur la base des conventions signées au 31/08/2001 (en MF).

23 – Graphique d’évolution 1992-2000 des recettes, y compris compensationsdes tarifs sociaux, des services ferroviaires régionaux de voyageurs.

160 Annexes

Page 161: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Annexe 1

Pacte de modernisation de la SNCF(1996)

• Note officielle de présentation du pacte de modernisation du 18 novembre 1996.

• Discours du ministre de l’Équipement, du Logement, des Transportset du Tourisme et du secrétaire d’État aux Transports devant l’Assemblée nationale,le 11 juin 1996.

• Discours du ministre de l’Équipement, du Logement, des Transportset du Tourisme et du secrétaire d’État aux Transports devant le Sénat,le 25 juin 1996.

• Lettre du Premier ministre au président de la SNCF du 27 juin 1996.

• Lettre du ministre de l’Équipement, du Logement, des Transports et du Tourismeau président de la SNCF du 3 juillet 1996, accompagnée de la copie de la lettredu Ministre de l’Équipement, du Logement, des Transports et du Tourismeet du secrétaire d’État aux Transports aux organisations syndicales de la SNCFdu 19 juin 1996.

• Lettre du président de la SNCF au Premier ministre du 8 octobre 1996.

Annexe 1 161

Page 162: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Note officielle de présentation du pactede modernisation du 18 novembre 1996

Le débat national sur l’avenir du transport ferroviaire, organisé par le gouvernement,au premier semestre 1996, a permis de dégager des convergences sur les causes de lacrise profonde que traverse la SNCF et sur les moyens à engager pour assurer le renou-veau du transport ferroviaire en France.

À l’issue de ce débat, le gouvernement a annoncé devant le Parlement une réformeambitieuse de l’organisation des chemins de fer reposant sur une solution française ori-ginale permettant de maintenir l’unité de la SNCF, de clarifier les responsabilités par letransfert dans un établissement public ad hoc des infrastructures ferroviaires, dedésendetter la SNCF à hauteur de 125 milliards de francs. Il a également annoncé queles mesures prises n’entraîneront aucune modification statutaire d’aucune sorte pourles agents de la SNCF. Cette réforme s’accompagne du lancement à titre expérimentaldans six régions volontaires du transfert aux régions de l’organisation des servicesrégionaux de voyageurs.

Les grands principes de cette réforme ont été confirmés à l’entreprise par une lettre du Pre-mier ministre du 27 juin 1996 et une lettre du ministre de l’Équipement, du Logement, desTransports et du Tourisme du 3 juillet 1996, qui sont incorporées au présent pacte.

La mise en œuvre des dispositions législatives nécessaires sera conduite à l’automne.Dans le même temps, et dans le respect du cadre fixé par le gouvernement à la SNCFdans la lettre du 27 juin, la SNCF élaborera, dans la concertation et dans la recherched’une implication de chacun, un projet industriel dont les grands objectifs figurentdans la réponse du président de la SNCF au Premier ministre, qui est également incor-porée au présent pacte.

Afin de donner un cadre solennel aux engagements pris par le gouvernement et laSNCF à la veille de cette double démarche, il a été décidé de conclure le présent pactede modernisation marquant leur accord sur les objectifs fixés.

Le gouvernement conduira la réforme des chemins de fer annoncée devant l’Assembléenationale et le Sénat, les 11 et 25 juin 1996, dans le respect des principes alors énoncéset confirmés dans les lettres du Premier ministre, du ministre de l’Équipement, du Loge-ment, des Transports et du Tourisme et du secrétaire d’État aux Transports.

À travers la création à compter du 1er janvier 1997 d’un nouvel établissement publicresponsable des infrastructures, cette réforme permettra d’alléger la SNCF de la chargede la partie de sa dette contractée pour le financement de la réalisation et de la gestionde l’infrastructure ferroviaire.

À l’issue de la réforme, les relations entre la SNCF et le nouvel établissement public res-ponsable des infrastructures seront précisées dans un cadre contractuel précisé par laloi à adopter et ses textes d’application.

La SNCF mènera à bien, avant la fin de l’année 1996, l’élaboration d’un projet industrielselon les orientations fixées par la lettre du Premier ministre du 27 juin 1996 et les objec-tifs précisés dans la lettre en réponse du président de la SNCF. Ce projet indiquera,conformément aux orientations précisées dans la lettre du président de la SNCF, les voies

162 Annexes

Page 163: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

et moyens du redressement de l’entreprise, de la reconquête de ses clients et de l’impli-cation de ses personnels en recherchant les conditions d’une mobilisation de chacun.

À l’issue de la réforme annoncée par le gouvernement, l’État continuera d’apporter desconcours financiers à la SNCF, soit au titre des missions de service public qui lui sontexplicitement confiées pour la mise en œuvre du droit au transport, soit en raison descharges particulières qu’elle supporte en matière de retraites.

Les concours alloués à la SNCF par l’État ou les collectivités locales au titre des missionsde service public se traduiront par des conventions conclues par la SNCF avec l’État oules collectivités intéressées.

Le concours alloué à la SNCF en raison des charges particulières supportées en matièrede retraites demeurera régi par les dispositions de l’article 30 de l’actuel cahier descharges de la SNCF et selon les principes retenus dans le contrat de plan 1990-1994pour assurer l’équilibre du compte.

Conformément à l’engagement pris à l’article 28 du contrat de plan 1990-1994, l’Étatcontinuera à assurer la charge de la dette transférée au service annexe d’amortissementde la dette créé le 1er janvier 1991.

Les documents ci-après joints font partie intégrante du présent « pacte de modernisation » :– discours du ministre de l’Équipement, du Logement, des Transports et du Tourismeet du secrétaire d’État aux Transports devant l’Assemblée nationale, le 11 juin 1996 ;– discours du ministre de l’Équipement, du Logement, des Transports et du Tourismeet du secrétaire d’État aux Transports devant le Sénat, le 25 juin 1996 ;– lettre du Premier ministre au président de la SNCF du 27 juin 1996 ;– lettre du ministre de l’Équipement, du Logement, des Transports et du Tourisme, du3 juillet 1996 ;– lettre du président de la SNCF au Premier ministre du 8 octobre 1996.

Fait à Paris, le 18 novembre 1996

Le ministre de l’Équipement, du Logement,des Transports et du Tourisme

Bernard Pons

Le ministre de l’Économieet des Finances

Jean Arthuis

Le secrétaire d’État aux Transports

Anne-Marie Idrac

Le ministre délégué au Budget,porte-parole du Gouvernement

Alain Lamassoure

Le président du conseil d’administration de la SNCF

Annexe 1 163

Page 164: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Discours du ministre de l’Équipement, du Logement,des Transports et du Tourisme et du secrétaire d’Étataux Transports devant l’Assemblée nationale,le 11 juin 1996

Allocution de Bernard Pons, ministre de l’Équipement,du Logement, des Transports et du Tourisme

Monsieur le président,Mesdames et Messieurs les députés,

La SNCF est une de nos plus grandes entreprises publiques. Rien de ce qui la concerne nevous laisse indifférents. Rien de ce qui la concerne ne laisse nos concitoyens indifférents.

Ils sont fiers de ses succès, par exemple lorsqu’elle continue à détenir le record dumonde de vitesse sur rail ou lorsque, avec notre industrie ferroviaire, elle participe à laconquête de marchés étrangers.

Ils sont attachés aux services qu’elle leur rend, dans leur vie quotidienne, dans leursdéplacements professionnels, touristiques ou familiaux.

Mais ils sont aussi préoccupés par sa situation qui, depuis plusieurs années, ne cesse dese dégrader.

Ce qui est vrai des Français l’est naturellement bien davantage encore des cheminots :– attachés à leur entreprise, où beaucoup d’entre eux ont succédé à leur père ;– fiers de leur métier ;– fortement solidaires les uns des autres, et ayant su développer une forte cultured’entreprise.

Or, aujourd’hui, les Français comme les cheminots s’interrogent sur l’avenir de laSNCF.

Du débat dont Mme Idrac rappelait, il y a quelques instants, les principales conclusions,il ressort que le chemin de fer conserve de solides atouts. Mais il a cessé, d’être le modede transport dominant.

Il est entré, en particulier pour les marchandises, depuis une vingtaine d’années dansune période de déclin, du fait de son manque de souplesse, des ruptures de charge etd’une qualité de service parfois insuffisante. Ainsi, malgré l’apparition de nouveauxproduits très prometteurs, au premier rang desquels je veux citer le transport combiné,la part du transport ferroviaire dans le transport de marchandises est passée, dansnotre pays, de 38,9 % en 1970 à 24 % en 1993.

164 Annexes

Page 165: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Dans le même temps, l’apparition du TGV a illustré les possibilités de renouveau. Demême, l’urbanisation accélérée, a souligné l’importance vitale, notamment en régionparisienne, de réseaux de transports collectifs de bonne qualité.

Cependant, même dans ce secteur des voyageurs, la SNCF a perdu des parts de mar-ché : en 1993, sa part s’établissait seulement à 8 % contre 11 % en 1970.

Ces évolutions ne sont d’ailleurs pas propres à la France. Mais elles se traduisentaujourd’hui à la SNCF par une crise économique et financière d’une ampleur sans pré-cédent : en 1995, cette entreprise a enregistré, je le rappelle, une perte nette de 16 mil-liards 500 millions de francs.

Ce résultat est certes le fruit d’un résultat financier négatif de 11 milliards 200 millionsde francs – qui traduit, j’y reviendrai, le poids de la dette, mais aussi d’un résultatd’exploitation lui-même très négatif, à hauteur de 5,4 milliards de francs.

Ce constat est aujourd’hui connu de tous ceux qui ont participé à la réflexion souhaitéeet provoquée par le Gouvernement. Il appelle, à l’évidence, des choix et des orienta-tions nouveaux.

La réforme qui a été décidée par le Premier ministre, Alain Juppé, s’inspire directementdes conclusions du débat national. C’est une réforme ambitieuse. Elle comporte deuxvolets essentiels tenant aux structures du chemin de fer :1. la clarification des responsabilités respectives de l’État et de la SNCF ;2. la régionalisation.

La conjugaison de ces deux volets permet de dessiner une solution française origi-nale pour assurer l’avenir du transport ferroviaire.

La clarification des responsabilités

D’une certaine manière, on a trop demandé jusqu’ici à la SNCF :– construire et financer un réseau de lignes nouvelles sans véritable équivalent à ce jourdans aucun pays du monde ;– s’équiper du matériel roulant nécessaire pour exploiter ces lignes nouvelles dans lesconditions optimales ;– assurer l’entretien et la maintenance du réseau classique ;– exécuter des missions de service public, définies par la puissance publique, et, à cetitre, compensées par des concours publics.

Le moment est venu de clarifier les responsabilités respectives de la puissance publiqueet de la SNCF.

C’est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, le Gouvernement a décidé de pro-poser au Parlement, avant la fin de cette année, la création par la loi d’un nouvel éta-blissement public qui devra être mis en place le 1er janvier 1997.

Ce nouvel établissement, dont l’État devra assurer, comme pour tout établissementpublic, la viabilité financière assumera, pour le passé comme pour l’avenir, la responsa-bilité de l’infrastructure.

Il lui appartiendra de porter les dettes contractées jusqu’ici par la SNCF pour financerles infrastructures, soit 125 milliards de francs.

Annexe 1 165

Page 166: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Il lui appartiendra d’assurer les investissements nécessaires sur le réseau classique et derémunérer la SNCF pour l’entretien et l’exploitation du réseau.

Il lui appartiendra également de réunir, sous le contrôle de l’État, les financementsnécessaires pour financer, demain, d’autres infrastructures nouvelles.

Il lui appartiendra enfin de percevoir les péages correspondant à l’utilisation par laSNCF des infrastructures ferroviaires mises à sa disposition par l’État.

Le niveau de la rémunération de la SNCF au titre de la gestion de l’infrastructure et celuides péages qu’elle acquittera au nouvel établissement public seront fixés à l’issue d’unaudit du compte d’infrastructure, qui va s’engager sans délai.

Le péage devra être fixé à un niveau correspondant à un juste équilibre entre le coûtglobal de l’infrastructure et la capacité contributive de la SNCF dans sa fonction detransporteur.

Une chose est d’ores et déjà certaine : contrairement à certaines informations paruesdans la presse, l’État ne reprendra évidemment pas à la SNCF d’une main, sous formede péage d’infrastructure, ce qu’il lui donne de l’autre en faisant prendre en charge sadette d’infrastructure par le nouvel établissement public que je viens d’évoquer.

Autre précision très importante. Je souligne que la SNCF demeurera une entrepriseunique et conservera la gestion de ses personnels sans changement statutaired’aucune sorte.

Ses missions seront doubles : transporteur et gestionnaire de l’infrastructure.

Comme transporteur, elle conservera bien sûr la responsabilité de définir les servicescommerciaux, tant en voyageurs qu’en fret, de définir également les tarifs commer-ciaux, d’ajuster en permanence l’offre commerciale et la grille tarifaire à l’évolution desbesoins de la clientèle, avec la souplesse qu’impose l’évolution du marché.

Elle continuera, bien sûr, à percevoir l’ensemble des recettes commerciales liées àl’exploitation ferroviaire, ainsi que les concours publics non liés à l’infrastructure.

Il est clair, Mesdames et Messieurs les députés, et je le souligne avec force, que tous lesconcours publics qui correspondent à des missions de service public ou à des tarifssociaux seront maintenus.

La SNCF conservera bien entendu la possibilité de proposer au nouvel établissementpublic des améliorations dans la politique de maintenance, au vu notamment des évo-lutions techniques.

Je veux rappeler solennellement devant vous que cette modification structurelle neremet pas en cause l’unité de la SNCF. Elle traduit la volonté de l’État de prendre pleine-ment ses responsabilités dans le domaine de l’infrastructure.

Elle doit permettre à l’entreprise et aux hommes qui la constituent de retrouver un hori-zon, une perspective et un espoir.

Aujourd’hui, en effet, le poids des charges financières est devenu tellement accablant,qu’aucune mesure relevant de la seule gestion interne n’est susceptible de permettre leretour à l’équilibre.

166 Annexes

Page 167: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Cet équilibre, c’est l’objectif essentiel que l’entreprise doit atteindre, dès lors qu’elle vaêtre débarrassée, pour le passé, de la dette financière contractée pour financer lesinfrastructures, et pour l’avenir surtout, de tout souci de cette nature.

Comme vous le voyez, Mesdames et Messieurs les députés, cette évolution structurelleest bien autre chose qu’une simple opération de restructuration financière. La réduire àune opération de transfert d’une partie – si large soit-elle – de la dette à un autre éta-blissement public reviendrait à ne pas en comprendre la signification profonde

La SNCF pourra désormais se consacrer à ce qui relève entièrement de sa responsabilitépropre : la politique commerciale et la maîtrise de ses charges d’exploitation.

Dans ce cadre nouveau, le Gouvernement a choisi de laisser un très large champ ouvertà la négociation collective à l’intérieur de l’entreprise.

Je suis convaincu, en effet, que sur ces bases nouvelles et clarifiées, le président de laSNCF, M. Le Floch Prigent et son équipe de direction, les organisations syndicales, lespersonnels, qu’il s’agisse de l’encadrement ou de l’ensemble des salariés, compren-dront qu’il leur appartient de définir ensemble, le chemin qui doit les conduire à demeilleurs résultats.

C’est tout l’objet du projet industriel qui sera négocié à l’intérieur de l’entreprise. Ils’agit de faire preuve de capacité d’adaptation. Il s’agit de se mobiliser au service desclients. Il s’agit de définir des objectifs commerciaux ambitieux. Il s’agit de mettre enplace les moyens nécessaires pour accroître les parts de marché du chemin de fer, tanten voyageurs qu’en fret, tout en veillant en permanence à la maîtrise des coûts.

Le défi doit être relevé. J’ai la conviction que les cheminots, forts de leur attachementau service du public, de leurs solides traditions professionnelles et conscients des atten-tes de la nation, mais aussi simplement des attentes de leurs clientèles, sauront trouverles voies de ce renouveau.

La régionalisation des services régionaux de voyageurs

L’autre grand pilier de la réforme que le Gouvernement engage pour la SNCF, c’est larégionalisation des services régionaux de voyageurs.

Depuis une quinzaine d’années, la SNCF et les collectivités régionales ont pris l’habi-tude de travailler ensemble. Les régions ont, en effet, conclu avec cette entreprise desconventions concernant la gestion des services régionaux de voyageurs, c’est-à-dire,pour l’essentiel, les trajets domicile-travail ou domicile-étude. De l’avis général, cesconventions ont amélioré le service et permis la modernisation d’une partie significa-tive du parc du matériel roulant régional.

Le moment est venu de franchir une nouvelle étape.

Après une longue concertation avec l’Association des présidents des conseils régio-naux, à laquelle la SNCF a naturellement participé de manière très active, le Gouverne-ment a décidé de lancer, dans les conditions prévues par l’article 67 de la loi du 4 février1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, une régio-nalisation plus ambitieuse que celle pratiquée jusqu’ici.

Annexe 1 167

Page 168: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

L’État va, en effet, transférer aux régions candidates à l’expérimentation, la part desconcours financiers qu’il versait jusqu’ici à la SNCF au titre des services régionaux devoyageurs.

Ces concours seront réactualisés sur la base des conclusions d’un audit indépendantqui ont été acceptées par toutes les parties concernées.

Il est donc bien clair que ce transfert de compétence se fera sans transfert de charges etdonc sans peser davantage sur la fiscalité régionale.

Désormais, ces régions assumeront pleinement la responsabilité de la définition desservices correspondant à ces liaisons. Elles auront la responsabilité de faire évoluerl’offre en l’ajustant au mieux aux besoins des populations.

En revanche, et je le souligne, le réseau d’infrastructure reste national. Il n’y adonc ni démembrement ni partition de la SNCF. Il s’agit – et c’est essentiel – de rap-procher le lieu de décision de l’utilisateur final.

L’expérience de la décentralisation a montré, depuis plus de quinze ans, dans d’autresdomaines de compétences, que ce type de transfert de responsabilités s’accompagned’un meilleur service au meilleur coût.

C’est le 1er janvier prochain que cette expérimentation va s’engager. Elle se déroulerasur deux à trois ans selon trois principes :– la transparence ;– la réversibilité ;– le transfert de compétence sans transfert de charge.

J’ai la conviction que la dynamique qui va ainsi se mettre en place se traduira rapide-ment par une amélioration du service rendu et du rapport qualité prix, qui est essentielpour l’usager contribuable.

D’autres régions voudront sans doute à leur tour s’engager dans ce nouveau système.Certaines sont déjà candidates et nous en avons pris acte.

Est-ce à dire pour autant, Mesdames et Messieurs les députés, que, lorsque les deuxgrandes réformes que je viens d’évoquer devant vous seront mises en place, tous lesproblèmes auxquels est confrontée aujourd’hui la SNCF, seront résolus ?

Assurément, non. Mais l’État, pour sa part, aura fait la part essentielle du chemin qui luirevient.

Il n’est pas dans la vocation de l’État de définir lui-même la politique commercialed’une entreprise publique. Il n’est pas dans sa vocation d’entrer dans le détail de la ges-tion des effectifs ou des personnels. Il n’est pas dans sa vocation de définir dans ledétail les meilleures conditions d’organisation du travail. Bref, il n’est pas dans sa voca-tion d’être un entrepreneur ferroviaire.

Ces sujets, essentiels à l’évidence pour l’avenir de la SNCF, il appartient en revanche à ladirection de l’entreprise, aux organisations syndicales, à toutes les catégories de per-sonnels de la SNCF, de s’en saisir.

Jusqu’à présent, on a cru que les contrats de plan pouvaient en traiter. Mais, l’expé-rience a montré que ces documents, qui avaient l’ambition de planifier pour une

168 Annexes

Page 169: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

période de cinq ans le détail de l’évolution, de la vie de l’entreprise, n’étaient en réalitéjamais appliqués.

La situation même dans laquelle se trouve aujourd’hui plongée la SNCF montre bienl’inadaptation et l’insuffisance d’un tel instrument. Les précédents contrats de planont, en effet, entretenu l’ambiguïté des relations entre l’État et la SNCF, bien plus qu’ilsn’ont contribué à les clarifier.

En outre, l’État ne peut prétendre dicter de l’extérieur à cette grande entreprise l’inté-gralité des moyens qu’elle doit mettre en œuvre pour assurer dans des conditions éco-nomiquement, financièrement et socialement équilibrées, le détail de ses missions.

Enfin, la vie même de la SNCF est rythmée par un ensemble d’événements qui n’obéis-sent pas au cycle quinquennal qui était celui des contrats de plan.

Je citerai par exemple :– l’expérience de la régionalisation qui va se dérouler sur trois ans ;– les investissements du réseau en Île-de-France, qui relèvent, pour l’essentiel, du con-trat de plan entre l’État et la région ;– enfin, le schéma directeur du réseau ferroviaire qui se situe à l’horizon 2015.

Les contrats de plan, tels que la SNCF les a pratiqués depuis 1985, ne correspondentplus aux réalités et aux besoins d’aujourd’hui.

Pour toutes ces raisons, que le débat national a bien fait ressortir, le Gouvernementconsidère que l’exercice traditionnel que constituait le contrat de plan a perdu sa raisond’être.

Le Gouvernement va confirmer dans les jours qui viennent au président de la SNCF lesdécisions que je viens de vous annoncer en matière de désendettement, de traitementde l’infrastructure et de régionalisation.

Il appellera aussi l’attention des dirigeants et des personnels de la SNCF sur les consé-quences qu’impose l’évolution de la concurrence. La concurrence se renforce :aujourd’hui intermodale, entre le rail, l’automobile, le camion, l’avion, la voie fluviale,elle sera demain d’une autre nature, comme le prévoient les textes communautairesdepuis 1991.

C’est à cette compétition-là – qui peut être une chance pour une SNCF rénovée – qu’ilfaut aujourd’hui se préparer.

Et je n’ignore pas qu’il s’agit d’une sorte de révolution culturelle. Mais les cheminotsdisposent, dans cette perspective, de très solides atouts :– un professionnalisme reconnu ;– un sens élevé du service ;– la maîtrise des nouvelles technologies que l’industrie ferroviaire française, sans doutela meilleure du monde, a su mettre au point en liaison étroite avec eux.

Le train, en outre, est bien adapté à certaines attentes de la société d’aujourd’hui. Il estéconome en énergie. Il est peu polluant. Il permet de relier, dans des conditions de rapi-dité et de sécurité sans égal, le cœur des villes au cœur des villes. Il permet mêmeaujourd’hui de relier entre elles les régions françaises et nos voisins européens en évi-tant Paris, grâce à l’interconnexion.

Annexe 1 169

Page 170: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Forte de ces atouts, l’entreprise doit identifier de nouveaux champs pour son dévelop-pement et, d’une certaine manière, réinventer le train à partir des attentes des voya-geurs et des chargeurs.

C’est pourquoi le Gouvernement a défini deux priorités fondamentales pour l’élabora-tion du projet industriel de la SNCF :– d’une part, la reconquête de la clientèle voyageurs et fret ;– d’autre part, le retour à un équilibre durable de chacune des activités de transport :fret, grandes lignes, SERNAM, services régionaux de voyageurs.

J’ai la conviction que le défi sera relevé. J’ai la conviction que le projet industriel auquelj’ai demandé au président de la SNCF et à son équipe de s’attacher, définira les voies etmoyens d’un dynamisme renouvelé.

Mesdames et Messieurs les députés, au terme de ce débat sur l’avenir du transport fer-roviaire, c’est une solution française originale que le Gouvernement a retenue.

Elle passe par une clarification des responsabilités de la puissance publique et de laSNCF, que beaucoup, de tous côtés, appelaient de leurs vœux. depuis très longtemps.

Parfaitement compatible avec les textes communautaires, elle tient compte égalementde l’expérience française de la décentralisation et de l’habitude de l’entreprise et desrégions de travailler ensemble, mais dans un cadre qui sera rénové et élargi.

Depuis trop longtemps, la SNCF va mal. Depuis trop longtemps, les cheminots sont pri-vés de perspective. Depuis trop longtemps, la confusion des responsabilités ferme laporte à toute possibilité réelle de redressement.

Le Gouvernement vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de créer lesconditions d’une nouvelle donne pour le transport ferroviaire, qui a toute sa place dansle développement de notre pays.

* * *

Discours de Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’Étataux Transports

Monsieur le président,Mesdames et Messieurs les députés,

Le moment est venu de tirer avec vous les conséquences du grand débat national sur letransport ferroviaire qui vient de se dérouler dans l’ensemble du pays.

Compte tenu de la place éminente du chemin de fer dans la politique des transports,compte tenu de l’attachement de tous les Français à la SNCF, compte tenu aussi del’ampleur des enjeux financiers et budgétaires en cause, certaines options à prendrerevêtent le caractère de véritables choix de société. C’est donc très logiquement au Par-lement, qui est le lieu des grands choix de la nation, que ce débat devait trouver saconclusion.

170 Annexes

Page 171: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Bemard Pons vous proposera les grandes lignes d’une solution française originale quenous avons bâtie ensemble pour assurer l’avenir du transport ferroviaire. Je souhaite-rais pour ma part, en introduction de ce débat, vous rappeler les principaux enjeux duproblème que nous avons à résoudre ensemble. Ils sont, me semble-t-il, au nombre dequatre

Le débat national

D’abord un enjeu de méthode. Pendant de trop nombreuses années, les Français, etdans une large mesure les cheminots, ont été tenus dans l’ignorance de la réalité descauses et de la réalité de la situation qui met aujourd’hui la SNCF, ne nous y tromponspas, Mesdames et Messieurs les députés, en grand danger.

Pendant de trop nombreuses années, on a préféré la fuite en avant dans l’endettementet les déficits au courage des adaptations nécessaires ; on a préféré le non-dit à la luci-dité et à la concertation, qui sont l’une et l’autre absolument indispensables pourmener à bien les réformes.

C’est pour rompre avec cette forme d’abandon de la SNCF à elle-même, alors qu’elleappartient à la nation toute entière, qu’il fallait ouvrir une large confrontation desidées. C’est pourquoi, sur la suggestion de Jean Matteoli, Bernard PONS et moi avonsproposé à Alain Juppé d’engager un débat national en préalable à l’élaboration d’unevéritable solution de redressement pour la SNCF.

Le principe de ce débat avait été souhaité par les cheminots eux-mêmes. Les parlemen-taires qui se sont penchés sur la situation de la SNCF – et je voudrais citer devant votreassemblée, notamment messieurs Cuq, Bussereau et Chollet – avaient eux-mêmes sou-ligné la nécessité d’une réflexion nationale. Vous avez été informés, Mesdames et Mes-sieurs les députés, de chacune des étapes de ce débat, que je rappellerai brièvement.

Le débat a été introduit par un rapport que Bernard Pons et moi-même avionsdemandé à un groupe d’experts présidé par Claude Martinand. Ce rapport a constituéune parfaite introduction pour un débat sans tabou, ni préjugé.

Celui-ci s’est ensuite déroulé au cours des mois de mars et avril au sein des conseilsrégionaux et des conseils économiques et sociaux régionaux. Leurs contributions ontalimenté les travaux du Conseil économique et social et du Conseil national des trans-ports que le Gouvernement avait saisis. Je tiens à saluer la qualité de l’ensemble de cesréflexions très constructives

Je ne doute pas pour ma part que la prise de conscience et les échanges élargis ainsiengagés soient en eux-mêmes porteurs de progrès pour l’avenir.

Le transport ferroviaire dans la politique des transports

Deuxième enjeu, replacer le rail dans la politique globale des transports, politique quenous devons résolument concevoir comme intermodale, c’est-à-dire faisant jouer àplein les complémentarités entre les modes de transport.

Je voudrais d’abord souligner que la crise du transport ferroviaire n’est pas propre à laFrance. À la vérité, tous les pays européens y sont confrontés et les mêmes phénomènesse retrouvent partout : baisse des trafics et des parts de marché, augmentation continuede l’endettement et des déficits nécessitant des concours publics de plus en plus élevés.

Annexe 1 171

Page 172: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

La France est certes le pays d’Europe où le ferroviaire garde encore en pourcentage dutrafic la place la plus importante par rapport aux autres modes. Et c’est heureux

Mais, Mesdames et Messieurs les députés, qui refuserait de considérer que les trans-ports sont d’abord au service du développement économique et social ? Or, que cons-tatons-nous ? La généralisation de la voiture individuelle a constitué l’une desconquêtes sociales majeures de l’après-guerre ; les programmes routiers et autorou-tiers ont été efficacement mis en œuvre pour répondre à l’attente des élus et des popu-lations de disposer d’une desserte fine et maillée du territoire ; les entreprisesindustrielles ont développé des formes d’organisation privilégiant la flexibilité de laproduction et la qualité du service ; l’avion s’est affirmé comme un mode de transportordinaire sur des destinations intérieures.

Ce sont ainsi les évolutions des modes de vie et des techniques qui ont bouleversé lemonde des transports. Le chemin de fer, quant à lui, est trop largement resté sur unschéma d’organisation mis en place à l’époque où il représentait le mode de transportdominant, supposé universel, exploité à ce titre dans une logique d’offre. Par logiqued’offre, j’entends un système dans lequel les services sont définis davantage sur la basede considérations techniques qu’en fonction de besoins de la clientèle.

Le chemin de fer européen, et la SNCF tout particulièrement, a su s’adapter aux évolu-tions techniques, comme le prouve par exemple la réussite remarquable du TGV. Il n’acependant pas suffisamment pris la mesure des évolutions nécessaires. Il s’est trop sou-vent réfugié dans une attitude défensive à l’égard des autres modes, spécialement de laroute qui est devenue le mode de transport dominant.

Je suis pour ma part convaincue, Mesdames et Messieurs les députés, qu’il eût mieuxvalu que le chemin de fer s’engage dans une coopération avec la route en jouant deleur complémentarité et de l’intermodalité. Le transport routier apporte à nos écono-mies la contribution d’efficacité et de création d’emplois que l’on sait. Je souhaite icisaluer le sens des responsabilités des partenaires du transport routier français qui sesont engagés dans une démarche de progrès exemplaire, qui doit courageusement sepoursuivre.

Certes, les atouts du chemin de fer en matière d’environnement ne sont peut-être passuffisamment pris en compte en Europe. Mais cet argument a trop souvent servi deprétexte au refus d’évoluer. Les observateurs les plus objectifs savent en effet que lefacteur déterminant de la concurrence entre les modes de transport porte au moinsautant sur le service que sur le prix. Il faut bien sur comprendre ici le mot service au senslarge : rapidité, fiabilité, ponctualité, fréquence, confort, correspondances.

Pour autant, faut-il le souligner, le chemin de fer n’est évidemment pas un mode detransport dépassé. Au contraire, et je souhaite l’affirmer avec force, le chemin de ferreste plus que jamais un mode de transport moderne. Le débat national a permis desouligner ses atouts, qui le rendent capable de satisfaire les besoins de ses clients touten apportant des avantages collectifs en matière d’environnement, de sécurité, de ser-vice public et d’aménagement du territoire.

Le chemin de fer se révèle particulièrement performant sur de nombreux créneaux detransport, notamment les liaisons voyageurs sur grandes distances avec les TGV, lesdéplacements urbains et périurbains, où les usagers attendent beaucoup de lui, le trans-port de fret sur grande distance avec notamment le transport combiné. À cet égard,

172 Annexes

Page 173: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

l’ouverture des frontières européennes constitue une chance pour le chemin de fer carelle va lui ouvrir des champs d’expansion considérables, en particulier pour le fret en luipermettant d’accéder à des marchés où ses atouts trouvent bien à s’exprimer.

Le service public

Troisième enjeu, le service public. La question du service public est essentielle et sou-vent à l’origine d’incompréhensions. Je voudrais donc être très claire. Le gouvernementest attaché à la définition de la LOTI que je cite : « La satisfaction des besoins de l’usagerdans les conditions économiques et sociales les plus avantageuses pour la collectivité ».

Cette définition atteste bien que le service public, c’est le service du public. C’est-à-direque le service public ne peut se concevoir dans une pure logique d’offre. Il faut du restesans doute voir dans le fait que les clients ont trop souvent été négligés l’une des causesde désaffection pour le transport ferroviaire. Deux constats découlent des principesposés par la LOTI :– le service public n’est pas lié à un mode de transport ou, si vous préférez, aucunmode de transport n’est un service public en soi ;– il appartient à des autorités responsables de définir les missions de service public, etnon aux opérateurs eux-mêmes ; dans le respect, bien sûr, des principes traditionnelsfondateurs du service public : égalité d’accès et de traitement des usagers, continuité,adaptabilité.

Les enjeux financiers

Dernier enjeu enfin, la dimension financière et budgétaire. Elle ne peut être évacuée dufond à l’heure où, sous l’impulsion du président de la République et du Premierministre, le gouvernement engage courageusement, avec l’appui de sa majorité,l’effort de redressement budgétaire qu’attendent les contribuables. L’ampleur de lacrise, dont le traitement a été trop longtemps différé, apparaît dans les chiffres : lesrecettes commerciales de la SNCF de l’exercice 1995 se montent à 40 milliards defrancs, soit environ le montant des charges salariales. Les concours publics ou parapu-blics sont de l’ordre de 50 milliards de francs, dont 18,5, il est vrai, au titre des chargesde retraite. Le déficit s’élève à 16,6 milliards de francs tandis que l’endettement accu-mulé au 31 décembre 1995 atteint près de 200 milliards de francs. Compte tenu del’ampleur des sommes, nous devons être plus que jamais attentifs au meilleur usage, jedirais au meilleur investissement de l’argent public, dans une perspective d’avenir pourla SNCF.

Les conclusions du débat national

Venons-en aux principaux apports du débat national. Ils sont au nombre de quatre :– premièrement : une clarification des responsabilités respectives de l’État et de laSNCF est nécessaire, tout particulièrement sur l’infrastructure. Les participants audébat ont souligné que l’imbrication des responsabilités conduit à des confusions et,en conséquence, à une certaine déresponsabilisation des acteurs. La question del’infrastructure est au cœur de cette problématique ;– deuxièmement : un effort financier important doit être engagé afin de désendetterla SNCF et de la responsabiliser en créant les conditions d’une mobilisation autour d’unobjectif crédible de redressement ;

Annexe 1 173

Page 174: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

– troisièmement : si désendetter la SNCF est nécessaire, cela ne suffira pas à résoudretous les problèmes : sans changements internes appuyés, d’une part sur une prioritéaccordée au client et au service, d’autre part sur une véritable maîtrise des coûts, aucunredressement durable n’est possible. La reconquête des clients est bien au cœur duredressement du transport ferroviaire. Il faut redonner aux voyageurs, comme auxchargeurs, le goût de reprendre le train ;– quatrièmement : il faut franchir une étape nouvelle de la régionalisation des servi-ces régionaux de voyageurs. il s’agit d’un facteur de modernisation essentiel, tant pourla SNCF que pour ses clients et pour le service public.

Cette nouvelle étape dans un processus de coopération, déjà ancien et fructueux, entreles régions et la SNCF est prévue par la loi d’orientation pour l’aménagement et le déve-loppement du territoire. Elle doit permettre de rapprocher l’usager de la définition del’offre de transport et de définir, au plus près des besoins, les missions de service publicpour ces services qui sont ceux de la vie quotidienne.

Conclusion

C’est à partir de ces quatre éléments que nous avons, Bernard Pons et moi, proposé auPremier ministre d’adopter un projet de solution française originale et novatrice pourl’avenir du transport ferroviaire. La France pourra ainsi faire la preuve, non seulementqu’elle ne reste pas en marge du mouvement des réformes structurelles engagées dansde nombreux pays européens, mais également qu’il existe, dans ce domaine aussi, unevoie de modernisation respectueuse de nos spécificités et de nos valeurs.

Mais, il importe de bien mesurer les enjeux :– d’une part, les enjeux financiers, budgétaires en particulier : le redressement de laSNCF sera nécessairement long et coûteux ;– d’autre part, la nécessité d’une véritable rénovation interne accompagnant les mesu-res structurelles que l’État pourra décider.

Les cheminots, vous le savez comme moi, vivent l’attachement à leur métier et à leurentreprise avec une passion réelle et la fierté de ceux qui servent le public.

La SNCF ne se redressera ni sans les cheminots, ni contre eux. Ils sont et seront au con-traire les premiers acteurs de l’ambition qu’il nous appartient, tous ensemble, de don-ner aujourd’hui au transport ferroviaire.

Vous l’aurez compris, le gouvernement est prêt pour sa part à poser les bases nouvelleset confiantes de cette ambition.

Je vous remercie.

174 Annexes

Page 175: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Discours du ministre de l’Équipement, du Logement,des Transports et du Tourisme et du secrétaire d’Étataux Transports devant le Sénat, le 25 juin 1996

Allocution de M. Bernard Pons, ministre de l’Équipement,du Logement, des Transports et du Tourisme

Monsieur le président,Mesdames et Messieurs les sénateurs,

Le Sénat a marqué, ces dernières années, un intérêt tout particulier pour les questionsferroviaires.

Votre assemblée a, en effet, élaboré et adopté plusieurs rapports importants, qui ontfortement contribué à mieux faire connaître la réalité de la situation générale de laSNCF et à éclairer les voies de sa modernisation.

Je pense ici en particulier au rapport adopté par le Sénat en juin 1993 à la suite des tra-vaux de la commission d’enquête, présidée par M. Haenel et rapportée par M. Belot,que votre assemblée avait, je cite, « chargé d’examiner la situation financière de laSNCF, les conditions dans lesquelles cette société remplit ses missions de service public,les relations qu’elle entretient avec les collectivités locales et son rôle en matière d’amé-nagement du territoire ».

Je pense aussi au rapport, adopté à l’unanimité le 31 mars 1994 à la suite des travauxd’une commission à nouveau présidée par le sénateur Haenel et intitulé « régions/SNCF : vers un renouveau du service public ».

Je pense également au rapport d’information, adopté le 24 avril dernier par la déléga-tion du Sénat à l’Europe, à l’initiative du sénateur About et intitulé « L’Europe, unechance pour la SNCF ».

Je pense enfin, au rapport, élaboré ce mois-ci par le groupe RPR du Sénat, intitulé « LaSNCF demain. Des responsabilités partagées, mais assurées pour sauvegarder et déve-lopper le transport ferroviaires français ».

Ainsi, votre assemblée a participé, d’ores et déjà, très largement au grand débat natio-nal que le Gouvernement avait appelé, de ses vœux, à l’issue du conflit de la fin del’année dernière.

Elle a même, en quelque sorte, anticipé ce débat par des travaux qui n’ont en rienperdu leur actualité. et qui ont été, pour nous, des éléments de référence dansl’élaboration des décisions que le Gouvernement vient d’arrêter.

Vous savez, en outre, que l’un des volets essentiels de la réforme de la SNCF décidée parle Gouvernement concerne – et j’y reviendrai tout à l’heure – la régionalisation.

Annexe 1 175

Page 176: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Elle implique un rôle accru pour les collectivités territoriales, auxquelles le Sénat est, parvocation, traditionnellement très attentif.

Ces deux raisons confèrent, à mes yeux, un très grand intérêt à la discussion qui s’offreà nous aujourd’hui.

Votre assemblée, Mesdames et Messieurs les sénateurs, connaît trop bien la situationde la SNCF, en raison même des travaux qu’elle a menés et que je rappelais, il y a quel-ques instants, pour que j’y revienne longuement. Mme Idrac vient d’ailleurs sur ce pointde rappeler l’essentiel.

C’est pourquoi, sans plus attendre, je veux vous présenter les décisions que nous avonsarrêtées, sous l’autorité d’Alain Juppé, Premier ministre, afin de créer les conditionsd’un renouveau du transport ferroviaire dans notre pays.

La réforme qui a été décidée s’inspire très directement des conclusions du débat natio-nal. Mais vous y retrouverez aussi, je le crois, Mesdames et Messieurs les sénateurs, unécho très direct des principes qui ont animé, ces dernières années, vos réflexions en lamatière.

Cette réforme est ambitieuse. Elle porte sur deux volets essentiels, tenant aux structu-res du chemin de fer :1. la clarification des responsabilités de l’État et de la SNCF ;2. la régionalisation.

La conjugaison de ces deux volets permet de dessiner une solution française originalepour assurer l’avenir du transport ferroviaire.

La clarification des responsabilités

Le débat national a fait apparaître qu’on avait jusqu’ici demandé trop de choses à lafois à la SNCF :– construire et financer un réseau de lignes nouvelles, qui reste, à ce jour, sans véritableéquivalent dans aucun pays du monde ;– s’équiper du matériel roulant nécessaire pour exploiter ces lignes nouvelles dans lesconditions optimales ;– assurer l’entretien et la maintenance du réseau classique ;– enfin, exécuter des missions de service public, définies – d’ailleurs avec plus ou moinsde précision – par la puissance publique, et, à ce titre, compensées par des concourspublics.

C’est pourquoi le Gouvernement a considéré que le moment était venu de clarifierenfin les responsabilités respectives de la puissance publique et de la SNCF. C’est laraison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les sénateurs, le Gouvernement a décidéde proposer au Parlement, avant la fin de cette année, la création par la loi d’un nouvelétablissement public qui devra être mis en place le 1er janvier 1997.

Ce nouvel établissement reprendra les 125 milliards de francs de la dette que la SNCFavait contractée à ce jour pour financer les infrastructures et il recevra en contrepartieles actifs constituant l’infrastructures ferroviaire. Ces actifs n’auront pas vocation à êtrevendus pour rembourser la dette.

176 Annexes

Page 177: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Le nouvel établissement public n’est donc pas une structure de cantonnement de dettecomparable à celle mise en place ces dernières années dans d’autres secteurs. Mais ils’agit, au contraire, d’une entité destinée à assumer durablement la responsabilité duréseau ferroviaire, de son évolution et de son financement.

C’est à cet établissement public, en effet, qu’il appartiendra désormais de mobiliser lesfinancements nécessaires à la construction des futures lignes nouvelles.

Seuls les travaux qui vont s’engager pour la rédaction du projet de loi correspondantpermettront de répondre de manière précise à toutes les questions d’ordre juridique,technique ou financier, soulevées par la création des ce nouvel établissement. Mais,d’ores et déjà, plusieurs points essentiels sont acquis :1 – le réseau restera national dans le nouvel établissement public. Il appartiendra àl’État d’en définir la consistance et les caractéristiques à travers le schéma du réseauferroviaire, dont l’élaboration est prévue comme vous le savez, Mesdames et Messieursles sénateurs, par la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du ter-ritoire. Je vous confirme, Mesdames et Messieurs les sénateurs, que la préparation dece schéma s’effectue dans une perspective intermodale et que, comme j’ai eu l’occa-sion de le dire ici même à l’occasion du colloque organisé à l’initiative de M. Jean-Fran-çois Poncet sur l’application de la loi du 4 février 1995, sa publication interviendra en1997 ;2 – le niveau de rémunération de la SNCF par le nouvel établissement public pourl’entretien et la maintenance du réseau et celui, en sens inverse, des péages d’infras-tructure que la SNCF versera à cet établissement pour l’usage de l’infrastructure mise àsa disposition seront déterminés à l’issue d’un audit du compte d’infrastructure. Cetaudit sera confié, comme cela a été fait pour les services régionaux de voyageurs, à unconsultant indépendant. En tout état de cause, le niveau de tarification devra tenircompte de la capacité contributive de la SNCF comme transporteur ferroviaire : il estévidemment exclu – ce qui serait absurde – de reprendre d’une main à la SNCF sousforme de péage, ce qu’on lui donne de l’autre sous forme de désendettement ;3 – comme pour tout organisme de ce type, l’État apportera au nouvel établisse-ment public les concours financiers et les dotations en fonds propres à un niveau suf-fisant pour assurer sa viabilité financière ;4 – enfin, la loi de démocratisation du secteur public s’appliquera au nouvel établis-sement public, dont le conseil d’administration comprendra des représentants dessalariés et des usagers.

Ainsi, sans porter atteinte ni à l’unité de la SNCF, ni à ses missions de service publicni, bien sûr, au statut de ses personnels, cette réforme clarifie – et le Sénat l’avaitdemandé à plusieurs reprises – les responsabilités respectives de la puissance publiqueet de la SNCF.

Elle traduit en particulier la volonté de l’État de prendre pleinement ses responsabilités,pour le passé comme pour l’avenir, dans le domaine de l’infrastructure. Elle doit per-mettre également à l’entreprise et aux hommes qui la constituent de retrouver uneperspective et un espoir.

Aujourd’hui, en effet, le poids des charges financières était devenu tellement acca-blant, qu’aucune mesure relevant de la seule gestion interne n’était susceptible de per-mettre le retour à l’équilibre et à la viabilité.

Annexe 1 177

Page 178: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

La régionalisation

Le second pilier de la réforme que le Gouvernement engage pour la SNCF, c’est la régio-nalisation des services régionaux de voyageurs.

Depuis une quinzaine d’années, la SNCF et les collectivités régionales ont pris l’habi-tude de travailler ensemble. La quasi-totalité des régions a, en effet, conclu avec cetteentreprise des conventions concernant la gestion des services régionaux de voyageurs,c’est-à-dire, pour l’essentiel, les trajets domicile-travail ou domicile-étude.

De l’avis général, et le Sénat l’avait relevé dans ses travaux, ces conventions ont amé-lioré le service et permis la modernisation d’une partie significative du parc du matérielroulant régional.

Toutefois, des insuffisances sont également apparues dans l’application de certainesde ces conventions. En l’absence d’une comptabilité analytique interne à la SNCF suffi-samment complète et suffisamment transparente, les régions ont, dans certains cas, euquelques difficultés à établir un lien précis entre l’évolution des services et les factura-tions auxquelles elles donnaient lieu.

C’est pourquoi le Gouvernement a fait procéder, avant de lancer une régionalisationexpérimentale plus ambitieuse, dans les conditions prévues à l’article 67 de la loi du4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, àun audit indépendant et complet des services régionaux de voyageurs. Cet audit a étédéfini, financé et analysé, conjointement par l’État, l’association des présidents desconseils régionaux et la SNCF.

Ses conclusions, aujourd’hui connues et acceptées de toutes les parties concernées,nous permettent de décider de franchir, dès le 1er janvier prochain, une nouvelle étape,dans le cadre d’une expérimentation.

L’État va, en effet, transférer aux régions candidates à cette expérimentation la part desconcours financiers qu’il versait jusqu’ici à la SNCF au titre des services régionaux devoyageurs. Ces concours seront réactualisés sur la base des conclusions de l’auditauquel je viens de faire allusion.

Il est donc bien clair, et je sais que le Sénat y tient particulièrement, que ce transfert decompétence se fera sans transfert de charges et donc sans peser davantage sur la fisca-lité régionale.

Désormais, ces régions assumeront pleinement la responsabilité de la définition desservices correspondant à ces liaisons. Elles auront la responsabilité de faire évoluerl’offre en l’ajustant au mieux aux besoins des populations.

En revanche, et je le souligne, le réseau d’infrastructure reste national. Il n’y adonc, là non plus, ni démembrement, ni partition de la SNCF. Il s’agit bien, en revanche– et c’est essentiel – de rapprocher le lieu de décision de l’utilisateur final.

L’expérience de la décentralisation a en effet montré, depuis plus de quinze ans, dansd’autres domaines de compétences, que ce type de transfert de responsabilitéss’accompagne d’un meilleur service au meilleur coût.

Cette expérimentation se déroulera selon trois principes :– la transparence ;

178 Annexes

Page 179: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

– la réversibilité ;– le transfert de compétence sans transfert de charge.

J’ai la conviction que la dynamique qui va ainsi se mettre en place se traduira effective-ment par une amélioration du service rendu et du rapport qualité-prix, qui est essentielpour l’usager contribuable.

D’autres régions voudront sans doute à leur tour s’engager dans ce nouveau système.Certaines sont déjà candidates, et nous en avons pris acte.

Bien entendu, les relations entre la SNCF et les régions non concernées par l’expérimen-tation ne seront pas affectées. Elles continueront à se dérouler dans le cadre actuel.

Je connais, Mmes et MM. les sénateurs, l’attention scrupuleuse, et d’ailleurs parfaite-ment conforme à sa vocation, que porte votre assemblée à tout ce qui concerne la viedes collectivités territoriales.

C’est pourquoi je voudrais préciser un peu davantage le cadre d’expérimentation telque nous l’envisageons à compter de janvier prochain.

Le principe général est que le rôle et les engagements des trois partenaires, État,régions, SNCF, seront clairement définis dans deux conventions distinctes :– la première fixera les principes des relations entre la région et l’État ;– la seconde liera la région et la SNCF, et définira les services de transport assurés par laSNCF pour le compte de la région autorité organisatrice.

En termes de calendrier, l’expérimentation débutera le 1er janvier 1997 et durera aumaximum trois ans.

La convention région/SNCF sera fondée sur les principes suivants :– la région exercera pleinement sa responsabilité d’autorité organisatrice des trans-ports régionaux. Elle définira les dessertes, la qualité du service et l’information à l’usa-ger. Elle pourra mettre en place avec la SNCF des tarifs commerciaux spécifiques sur lesliaisons régionales. En revanche, le système actuel de tarification sociale défini auniveau national restera inchangé ;– la SNCF assurera le service défini par la région. Elle décidera des moyens à mettre enœuvre pour produire les services demandés par la région de manière optimale. Elleassistera et conseillera la région dans la définition des services ferroviaires régionaux.

Pendant l’expérimentation, de nouvelles relations de type contractuel seront tes-tées entre la région et la SNCF. Le système de conventionnement actuellement en placeconstituait une première étape dans les relations régions/SNCF. Mais il ne permettaitpas à la région de jouer pleinement son rôle : la région n’avait aucune visiond’ensemble sur les services. Elle ne prenait à sa charge que les aménagements de ser-vice par rapport à un service de référence figé artificiellement. Ce système n’incitaitdonc en fait ni la région ni la SNCF à faire évoluer réellement les services offerts auxvoyageur. Le nouveau cadre que nous allons mettre en place rendra désormais possibleune telle évolution.

L’objectif est aussi de responsabiliser la SNCF sur l’ensemble de ses coûts afin qu’ellepuisse présenter a priori à la région le prix du service commandé et non plus, commeaujourd’hui simplement facturer a posteriori les coûts constatés.

Annexe 1 179

Page 180: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Ainsi, la SNCF sera désormais conduite à exercer ses missions dans un cadre nouveau,identifiant plus clairement les responsabilités, de sorte que le contrat de plan, tel qu’ilétait conçu jusqu’à présent, n’a plus sa raison d’être.

Pour autant, comme pour toute entreprise publique, il importe que la SNCF ait connais-sance des priorités essentielles qui lui sont fixées par l’État au nom de la nation.

C’est pourquoi le Gouvernement va confirmer au président de la SNCF, par un courrierqui lui sera adressé dans les tout prochains jours, les décisions prises en matièred’infrastructure et de désendettement, ainsi que les conditions de l’expérimentation dutransfert aux régions de la compétence en matière de services régionaux de voyageurs.Ce courrier précisera également les orientations essentielles qui lui sont assignées etqu’il lui appartiendra de mettre en œuvre dans le cadre de son projet industriel. Cesorientations porteront à la fois sur les activités de la SNCF en tant que gestionnaire del’infrastructure, en tant que transporteur ferroviaire, mais aussi sur le groupe que con-trôle la SNCF.

Le Gouvernement a défini en particulier deux priorités fondamentales pour l’élabora-tion du projet industriel de la SNCF :– d’une part, la reconquête de la clientèle voyageurs et fret ;– d’autre part, le retour à un équilibre durable de chacune des activités de transport :fret, grandes lignes, SERNAM, services régionaux de voyageurs.

Nous inviterons le président de la SNCF à porter ce courrier à la connaissance du conseild’administration et du comité central d’entreprise afin que les représentants du per-sonnel soient bien informés.

C’est sur ces bases que le projet industriel interne sera ensuite élaboré en concertationavec les personnels.

Plusieurs questions qui relèvent de la responsabilité exclusive de l’entreprise y trouve-ront leur réponse, telles que l’établissement des budgets prévisionnels ou les condi-tions de gestion de la dette restant à la charge de la SNCF, à laquelle nous estimonsqu’elle est désormais en mesure de faire face.

Je suis, pour ma part, convaincu que cette réforme, qui se situe dans le prolongementdes conclusions du débat national, constitue une solution française originale, à mêmed’assurer un véritable renouveau au transport ferroviaire.

Dans un cadre de responsabilités clarifié, il appartient maintenant à la SNCF,c’est-à-dire à l’ensemble de ses agents. de se mobiliser pour assurer un redressementdurable de l’entreprise. Cette mobilisation doit s’engager dès à présent. Je fais à cetégard toute confiance aux cheminots, à leur compétence, à leur dévouement et à leursens des responsabilités.

* * *

180 Annexes

Page 181: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Discours de Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d’Étataux transports

Monsieur le président,Mesdames et Messieurs les sénateurs,

Nous voici aujourd’hui devant le Sénat, dont l’intérêt pour les questions de transportest bien connu – je me souviens du débat organisé à l’automne 1993 – et à qui revien-dra le privilège de conclure la grande réflexion sur le transport ferroviaire que le gouver-nement avait voulue, en préalable à l’élaboration d’une véritable solution deredressement pour la SNCF.

À vrai dire, c’est en bonne partie le Sénat qui avait depuis plusieurs années, à l’initiativenotamment de MM. Haenel et Belot, engagé ce débat. Et quant je dis conclure, il s’agitde la conclusion d’une étape essentielle certes, mais une étape seulement car l’avenirdu transport ferroviaire et de la SNCF est devant elle, et devant nous.

Compte tenu de la place éminente du chemin de fer dans la politique des transports,compte tenu de l’attachement de tous les Français à la SNCF, compte tenu aussi del’ampleur des enjeux financiers et budgétaires en cause, certaines options à prendrerevêtent, en effet, le caractère de véritables choix de société.

Nous sommes donc, comme nous l’avons été pendant toute la phase de préparation dela réforme, à l’écoute de vos analyses et de vos propositions. Il appartiendra à BernardPons de vous présenter dans quelques minutes les grandes lignes de la solution françaiseoriginale que nous avons bâtie ensemble pour assurer l’avenir du transport ferroviaire, àla suite du grand débat national qui vient de se dérouler dans l’ensemble du pays.

Je souhaiterais pour ma part, Mesdames et Messieurs les sénateurs, revenir sur les prin-cipales conclusions du débat national qui vient d’avoir lieu et rappeler à cette occasionles principales données du problème que nous avons à résoudre ensemble, en insistantsur les aspects de méthode.

Le débat national

Je voudrais en premier lieu vous remercier d’avoir souligné la nécessité qu’il y avait àouvrir ce débat. Les parlementaires qui se sont penchés sur la situation de la SNCF – et jevoudrais citer devant votre assemblée notamment Messieurs Haenel, Belot et About –avaient, en effet, souligné la nécessité d’une réflexion nationale.

Pendant de trop nombreuses années, les Français, et dans une large mesure les chemi-nots, ont été tenus dans l’ignorance de la réalité des causes et de la gravité de la situa-tion qui met aujourd’hui la SNCF, vous le savez bien, Mesdames et Messieurs lessénateurs, en grand danger.

Pendant de trop nombreuses années, on avait préféré la fuite en avant dans l’endette-ment et les déficits au courage des adaptations nécessaires ; on avait préféré le non-dità la lucidité et à la concertation, qui sont l’une et l’autre absolument indispensablespour mener à bien les réformes. On avait préféré le risque de l’enlisement à la prépara-tion constructive du XXIe siècle.

Annexe 1 181

Page 182: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

C’est pour rompre avec cette forme d’abandon de la SNCF à elle-même, alors qu’elleappartient à la nation toute entière, qu’il fallait ouvrir une large confrontation desidées. Il fallait, en effet, une prise de conscience collective pour traiter ce problème troplongtemps différé.

C’est pourquoi, sur la suggestion de Jean Matteoli, Bernard Pons et moi avons proposéà Alain Juppé d’engager ce grand débat national. Et nous l’avons voulu sans tabou, nipréjugé. Nous l’avons aussi voulu ouvert à tous et déconcentré sur tout le territoire.

Vous avez été informés, Mesdames et Messieurs les sénateurs, de chacune des étapes dece débat, que je rappellerai brièvement. Nous avons tout d’abord demandé un rapportintroductif à un groupe d’experts présidé par Claude Martinand. Puis le débat s’estdéroulé au cours des mois de mars et avril au sein des conseils régionaux et des conseilséconomiques et sociaux régionaux. Leurs contributions ont alimenté les travaux du Con-seil économique et social et du Conseil national des transports que le gouvernementavait saisis. Je tiens à saluer la qualité de l’ensemble de ces réflexions très constructives.

Ces échanges ont permis une prise de conscience collective et une diffusion d’un sujettrop souvent confiné jusqu’alors aux seuls milieux spécialisés. Il en est résulté unematuration des esprits, de tous les esprits, sans laquelle la solution que nous vous pro-posons n’aurait sans doute été ni concevable, ni acceptable. Il y a dans cette démarche,me semble-t-il, une exemplarité dont nous devons nous inspirer pour mener dansd’autres domaines la nécessaire réforme de l’État et du secteur public.

Les enjeux financiers

L’ampleur de la crise, dont le traitement a été trop Iongtemps différé, apparaît dans leschiffres. Les recettes commerciales de la SNCF de l’exercice 1995 se montent à 40 mil-liards de francs, soit moins que le montant des charges salariales. Les concours publicsou parapublics sont de l’ordre de 50 milliards de francs, dont 18,5, il est vrai, au titredes charges de retraite. Le déficit s’élève à 16,6 milliards de francs tandis que l’endette-ment accumulé au 31 décembre 1995 atteint près de 200 milliards de francs.

Ces enjeux financiers et budgétaires, qui frappent par leur importance, il convient deles garder à l’esprit à l’heure où, sous l’impulsion du président de la République et duPremier ministre, le gouvernement engage courageusement, avec l’appui de sa majo-rité, l’effort de redressement budgétaire qu’attendent les contribuables. L’ampleur dessommes en jeu appellent, de la part de tous, un esprit de responsabilité et une grandevigilance. Il conviendra, bien sûr, de payer le prix du passé, mais il faut surtout s’inscriredans une perspective d’avenir en veillant au meilleur investissement de l’argent publicdans le transport ferroviaire, en sachant le cas échéant faire des choix responsables. Làencore, les choix devront être éclairés par des débats préalables, concertés, expliqués,partagés dans toute la mesure du possible. C’est une exigence moderne et démocrate ;c’est aussi une condition d’efficacité.

Une crise européenne

Je voudrais souligner que la crise du transport ferroviaire n’est pas propre à la France. Àla vérité, tous les pays européens y sont confrontés et les mêmes phénomènes seretrouvent partout : baisse des trafics et des parts de marché, augmentation continuede l’endettement et des déficits nécessitant des concours publics de plus en plus élevés.

182 Annexes

Page 183: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

La France est certes, contrairement à certaines idées reçues, le pays d’Europe où le fer-roviaire garde encore en pourcentage du trafic la place la plus importante par rapportaux autres modes. Et c’est une chance.

Nous convenons tous, Mesdames et Messieurs les sénateurs, que la politique des trans-ports doit être résolument conçue dans un cadre intermodal. Et c’est bien uneapproche intermodale et par le service rendu que nous avons retenue pour l’élabora-tion des schémas d’infrastructure de transports prévu par la loi d’orientation pourl’aménagement et le développement du territoire, et qui feront l’objet de discussionsauxquelles vous serez associés.

Mais les transports sont d’abord au service du développement économique et social.Or, que constatons-nous ? Ce sont en fait les évolutions des modes de vie et des techni-ques qui ont bouleversé le monde des transports ; qu’il s’agisse de la généralisation dela voiture individuelle, symbole de liberté et de conquête sociale ; qu’il s’agisse des pro-grammes routiers et autoroutiers, mis en œuvre pour répondre à l’attente des élus etdes populations de disposer d’une bonne desserte du territoire ; qu’il s’agisse des for-mes d’organisation développées par les entreprises industrielles privilégiant la flexibi-lité de la production et la qualité du service ; ou qu’il s’agisse de l’avion, qui s’estaffirmé comme un mode de transport ordinaire sur des destinations intérieures.

Face à ces bouleversements, le chemin de fer est trop largement resté en Europe sur unschéma d’organisation mis en place à l’époque où il représentait le mode de transportdominant, supposé universel, exploité à ce titre dans une logique d’offre. Par logiqued’offre, j’entends un système dans lequel les services sont définis davantage sur la basede considérations techniques qu’en fonction de besoins de la clientèle.

Le chemin de fer européen, et la SNCF tout particulièrement, a su s’adapter aux évolu-tions techniques, comme le prouve par exemple la réussite remarquable du TGV. Il n’acependant pas suffisamment pris la mesure des évolutions nécessaires. Il s’est trop sou-vent réfugié dans une attitude défensive à l’égard des autres modes, spécialement de laroute qui est devenu le mode de transport dominant.

Il eût pourtant fallu, Mesdames et Messieurs les sénateurs, que le chemin de fers’engage dans une coopération avec la route en jouant de leur complémentarité et del’intermodalité. Les caractéristiques du chemin de fer lui imposent, en effet, d’adopterune attitude de partenariat avec le transport routier pour offrir un service « porte àporte ».

Certes, on peut considérer avec quelque raison que la structure des coûts des différentstransports ne reflète pas assez les atouts du chemin de fer en matière d’environnement.Les discussions européennes les plus récentes montrent la nécessité d’approfondir lestravaux d’experts sur cette question. Quoi qu’il en soit, cet argument a trop souventservi d’alibi. Les observateurs les plus objectifs savent, en effet, que le facteur détermi-nant de la concurrence entre les modes de transport porte au moins autant sur le ser-vice que sur le prix. Il faut bien sûr comprendre ici le mot service au sens large : rapidité,fiabilité, ponctualité, fréquence, confort, correspondances. C’est tout l’enjeu de la réo-rientation que le président Le Floch Prigent a engagée avec les premiers effets immé-diats et concrets qu’il vient d’annoncer.

Pour autant, le chemin de fer n’est évidemment pas un mode de transport dépassé. Aucontraire, et je souhaite l’affirmer avec force, le chemin de fer reste plus que jamais un

Annexe 1 183

Page 184: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

mode de transport moderne. Le débat national a permis de souligner ses atouts, qui lerendent capable de satisfaire les besoins de ses clients, ce qui est bien le premier enjeu,tout en apportant des avantages collectifs en matière d’environnement, de sécurité, deservice public et d’aménagement du territoire.

Le chemin de fer se révèle particulièrement performant sur de nombreux créneaux detransport. C’est le cas notamment des liaisons voyageurs sur grandes distances avec lesTGV, des déplacements urbains et périurbains, où les usagers attendent beaucoup delui, du transport de fret sur grande distance avec notamment le transport combiné. Àcet égard, l’ouverture des frontières européennes, comme l’affirme le sénateur Aboutdans son récent rapport, constitue bien une chance pour le chemin de fer car elle va luiouvrir des champs d’expansion considérables, en particulier pour le fret, en lui permet-tant d’accéder à des marchés où ses atouts trouvent bien à s’exprimer. La SNCF rénovéepourra s’y déployer avec les meilleurs atouts de succès.

Le service public

Enfin, je souhaiterais évoquer un dernier enjeu, celui du service public, auquel je saisvotre assemblée particulièrement attentive. La question du service public est essentielleet souvent à l’origine d’incompréhensions. Je voudrais donc être très claire, en souli-gnant la pertinence de la définition qui figure à l’article 1 de la LOTI : le service public detransport, c’est « la satisfaction des besoins de l’usager dans les conditions économi-ques et sociales les plus avantageuses pour la collectivité ».

Cette définition atteste bien que le service public, c’est le service du public. C’est-à-direque le service public ne peut se concevoir dans une pure logique d’offre. Il faut du reste,sans doute, voir dans le fait que les clients ont trop souvent été négligés l’une des cau-ses de désaffection pour le transport ferroviaire. Deux constats découlent des principesposés par la LOTI :– le service public n’est pas lié à un mode de transport ou, si vous préférez, aucunmode de transport n’est un service public en soi ;– il appartient à des autorités responsables de définir les missions de service public, etnon aux opérateurs eux-mêmes ; dans le respect, bien sûr, des principes traditionnelsfondateurs du service public : égalité d’accès et de traitement des usagers, continuité,adaptabilité.

Les conclusions du débat national

Le débat national a permis de bien cerner ces enjeux et de permettre une large prise deconscience. Il a également permis de faire ressortir quatre grandes conclusions, qui ontinspiré la solution que nous avons élaborée avec Bernard Pons :– première conclusion : une clarification des responsabilités respectives de l’État et dela SNCF est nécessaire, tout particulièrement sur l’infrastructure. La confusion des res-ponsabilités est source d’une certaine déresponsabilisation des acteurs. La question del’infrastructure est bien au cœur de cette problématique, et justifie que la clarificationsoit prioritairement recherchée à son niveau ;– deuxième conclusion : un effort financier important doit être engagé afin de désen-detter la SNCF et de la responsabiliser en créant les conditions d’une mobilisationautour d’un objectif crédible de redressement ;

184 Annexes

Page 185: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

– troisième conclusion : si désendetter la SNCF est nécessaire, cela ne suffira pas àrésoudre tous les problèmes : sans changements internes appuyés, d’une part sur unepriorité accordée au client et au service, d’autre part sur une véritable maîtrise descoûts, aucun redressement durable n’est possible. La reconquête des clients est bien aucœur du redressement du transport ferroviaire. Il faut redonner aux voyageurs, commeaux chargeurs, le goût de reprendre le train. Des performances nouvelles et mesurablesdevront être atteintes : les contribuables et les clients doivent « en avoir pour leurargent » et la mesure des progrès doit être transparente ;– quatrième conclusion : il faut franchir une étape nouvelle de la régionalisation desservices régionaux de voyageurs ; il s’agit d’un facteur de modernisation essentiel tantpour la SNCF que pour ses clients et pour le service public. Je sais à cet égard la part quecertains d’entre vous, en particulier le sénateur Haenel, ont joué dans la maturation decette réforme et je veux les saluer. Je me réjouis très sincèrement que le long processusqu’il a animé avec passion et compétence puisse devenir réalité, sur les bases mêmequ’il avait proposées et que nous avions longuement travaillées ensemble.

Cette nouvelle étape dans un processus de coopération, déjà ancien et fructueux, entreles régions et la SNCF est prévue par la loi d’orientation pour l’aménagement et le déve-loppement du territoire. Elle doit permettre de rapprocher l’usager de la définition del’offre de transport et de définir, au plus près des besoins, les missions de service publicpour ces services qui sont ceux de la vie quotidienne.

Conclusion

C’est à partir de ces conclusions que nous avons, Bernard Pons et moi, proposé au Pre-mier ministre d’adopter un projet de solution française originale et novatrice pourl’avenir du transport ferroviaire. Cette solution, que Bernard Pons vous présentera dansun instant, repose, vous le savez, sur deux piliers équilibrés :– une nouvelle organisation du chemin de fer en France permettant de traiter durable-ment le problème de l’infrastructure et de désendetter la SNCF de 125 milliards de francs ;– le lancement expérimental de la régionalisation.

À travers cette solution, la France fait la preuve, non seulement qu’elle ne reste pas enmarge du mouvement des réformes structurelles engagées dans de nombreux payseuropéens, mais également qu’il existe, dans ce domaine aussi, une voie de modernisa-tion respectueuse de nos spécificités et de nos valeurs.

Mais, il importe de bien mesurer les enjeux :– d’une part, les enjeux financiers, budgétaires en particulier : le redressement de laSNCF sera nécessairement long et coûteux ;– d’autre part, la nécessité d’une véritable rénovation interne accompagnant les mesu-res structurelles que l’État pourra décider.

Les cheminots, vous le savez comme moi, vivent l’attachement à leur métier et à leurentreprise avec une passion réelle et la fierté de ceux qui servent le public. La SNCF ne seredressera ni sans les cheminots, ni contre eux. Ils sont et seront au contraire lespremiers acteurs de l’ambition qu’il nous appartient, tous ensemble, de donneraujourd’hui au transport ferroviaire.

Vous l’aurez compris, Mesdames et Messieurs les sénateurs. le gouvernement est prêtpour sa part à poser avec vous les bases nouvelles et confiantes de cette ambition. Jevous remercie.

Annexe 1 185

Page 186: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Lettre du Premier ministre au président de la SNCFdu 27 juin 1996

Paris, le 27 juin 1996

Monsieur le président,

Un important débat national sur l’avenir de la SNCF vient de se conclure au Parlement.À la lumière de ses résultats, le gouvernement a décidé une réforme ambitieuse del’organisation du transport ferroviaire destinée à répondre à la crise profonde que tra-verse la SNCF. Cette réforme doit assurer le renouveau du chemin de fer et le redresse-ment durable de la SNCF, dans le cadre d’une solution française originale.

Elle s’inscrit dans le cadre d’une politique globale, qui doit permettre à chaque modede transport, et notamment au rail, de faire valoir pleinement ses atouts en termes deservice public, d’aménagement du territoire, de sécurité, de préservation de l’environ-nement et, bien évidemment, de la nécessaire efficacité économique.

Je souhaite vous confirmer le cadre et les modalités de cette réforme, ainsi que lesobjectifs que l’État fixe à la SNCF et sur lesquels je vous demande de mobiliserl’ensemble de l’entreprise.

La réforme décidée par le gouvernement s’organise autour de deux piliers :– la création au 1er janvier 1997 d’un établissement public industriel et commercial res-ponsable, pour le compte de l’État, de l’infrastructure ferroviaire et de son finance-ment. Cet établissement confiera la gestion de l’infrastructure à la SNCF ;– l’expérimentation de la régionalisation des services régionaux de voyageurs.

Dans le prolongement des conclusions du débat national, cette réforme importantemaintient l’unité de l’entreprise, chargée à la fois de l’exploitation ferroviaire et de lagestion de l’infrastructure, et n’entraîne aucune modification statutaire de quelquesorte que ce soit pour les agents de la SNCF. Elle clarifie les responsabilités entre l’Étatet la SNCF et allège les comptes de l’entreprise de la charge de la partie de sa dette liée àl’infrastructure. Les conditions d’exploitation du réseau ferré, telles qu’elles sont défi-nies par la loi d’orientation des transports intérieurs, ne seront pas modifiées à l’occa-sion de cette réforme, pas plus que les missions de service public de l’exploitantferroviaire donnant lieu à des compensations financières de l’État.

Le nouvel établissement public sera institué par une loi qui sera discutée au Parle-ment à l’automne. Il prendra en charge 125 milliards de francs de la dette de la SNCFet recevra en contrepartie l’infrastructure ferroviaire, y compris les actifs immobiliers etfonciers autres que ceux strictement dévolus à l’exploitation ferroviaire et au logementsocial. Il assumera la responsabilité du financement du réseau et percevra les redevan-ces pour son utilisation. La SNCF sera rémunérée pour la mission de gestion que luiconfiera le nouvel établissement public.

186 Annexes

Page 187: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Le réseau conservera bien entendu son caractère national. L’État en définira la consis-tance à travers le schéma du réseau ferroviaire, prévu par la loi d’orientation pourl’aménagement et le développement du territoire.

Un audit des recettes et des charges du compte d’infrastructure sera très prochaine-ment lancé afin de préparer la création du nouvel établissement public, de déterminerles principes de la rémunération de la SNCF pour la gestion de l’infrastructure et d’éclai-rer les conditions d’établissement des péages d’infrastructure. Le niveau de tarificationtiendra notamment compte de la capacité contributive de la SNCF comme transporteurferroviaire.

Parallèlement, l’expérimentation de la régionalisation des services régionaux devoyageurs sera engagée dans six régions volontaires à compter du 1er janvier1997. Une plus grande implication des régions dans l’organisation des transportsrégionaux de voyageurs constitue, en effet, un vecteur privilégié de modernisation duservice public dans le cadre des schémas régionaux de transport.

L’expérimentation durera trois ans et respectera trois principes : la transparence, laréversibilité, un transfert de compétences sans transfert de charges. Conformément auvœu des régions volontaires, la quote-part de la contribution financière que l’État ver-sait jusqu’à présent à la SNCF leur sera directement versée pendant la période expéri-mentale et sera réévaluée au niveau nécessaire pour leur permettre d’assumerpleinement leur responsabilité d’autorité organisatrice. Il appartiendra aux régions deconvenir par convention avec la SNCF des services à assurer. Les relations entre la SNCFet les régions non concernées par l’expérimentation ne seront pas modifiées.

L’État crée ainsi les conditions d’un redressement durable de la SNCF, sur desbases saines. Je souhaite donc que la SNCF s’engage résolument dans cette voie et éta-blisse avant la fin de l’année 1996 un projet industriel ambitieux. Je vous demande deveiller à ce que l’élaboration de ce projet se fasse dans le cadre d’un dialogue socialexemplaire et d’une concertation approfondie avec les cheminots.

Ce projet industriel devra conduire au rétablissement durable de l’équilibre des comp-tes de l’entreprise. Il devra donc permettre, grâce à la mobilisation de tous, de renverserdurablement les perspectives du trafic ferroviaire et de reconquérir la clientèle voya-geurs et fret. Le redressement passe aussi par une meilleure maîtrise des coûts d’exploi-tation et du capital investi.

La projet industriel devra être marqué par des réorientations profondes des stratégiesconduites jusqu’alors par l’entreprise, afin de mieux répondre aux besoins des clients etdes autorités organisatrices en termes de coûts comme de qualité de service. Lesinflexions nécessaires au rétablissement de la confiance des clients en l’entreprise et enses capacités devront apparaître rapidement.

Le projet industriel précisera les moyens engagés pour permettre le plus rapidementpossible le retour à un équilibre durable de chacune des activités de transport de laSNCF (fret, grandes lignes, services régionaux de voyageurs, SERNAM), qui devrontconcourir de manière croissante à la couverture des charges du réseau.

De même, pour les activités de gestion de l’infrastructure, le projet industriel devradéfinir les moyens d’une réduction progressive des charges d’entretien du réseau gérépar l’entreprise, tout en préservant la qualité et la sécurité de ce réseau.

Annexe 1 187

Page 188: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

D’une manière générale, le projet industriel opérera une clarification interne des diffé-rentes activités avec une identification des comptes correspondants.

Le projet industriel doit être l’occasion d’une réflexion sur l’évolution du périmètre dugroupe, tenant compte de la nécessité de mieux cerner les métiers de l’entreprise. Lesconséquences devront en être tirées en termes d’organisation et d’investissements.Afin de favoriser le développement de relations confiantes avec des partenaires, lesparticipations dans des activités non directement liées au transport ferroviaire devrontêtre isolées dans une holding spécifique. En cohérence avec ces orientations, toutes lespossibilités de valorisation du patrimoine de la SNCF devront être résolument et rapide-ment exploitées.

Le projet industriel devra préciser les moyens mis en œuvre pour permettre l’implica-tion et le plein épanouissement des personnels de la SNCF. Il devra rechercher, notam-ment à travers la déconcentration des responsabilités, les conditions d’unemobilisation de chacun. Il comportera des propositions pour améliorer l’efficacité dudialogue social interne. Le projet industriel fixera des échéances et fera l’objet d’enga-gements chiffrés. Il devra fixer des indicateurs de performance adaptés permettant unsuivi régulier des résultats obtenus.

Je vous demande de rendre compte régulièrement au gouvernement de l’élaborationdu projet industriel. Je vous invite à porter cette lettre à la connaissance du conseild’administration et du comité central d’entreprise.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le président, l’assurance de ma considérationdistinguée.

Alain Juppé

Monsieur Loïk Le Floch-PrigentPrésident du conseil d’administrationde la Société nationale des chemins de fer francais

188 Annexes

Page 189: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Lettres du ministre de l’Équipement, du Logement,des Transports et du Tourisme du 3 juillet 1996

Monsieur le président,

Je vous prie de bien vouloir trouver ci-joint copie de la lettre que Madame Idrac etmoi-même nous avons adressée récemment aux organisations syndicales de la SNCF,afin d’expliciter à leur intention l’esprit et le contenu des principes de la réforme devotre entreprise, tels que je les ai présentés à l’Assemblée nationale et au Sénat, les 11et 25 juin derniers.

Il m’a paru indispensable de porter officiellement à votre connaissance ce documentpour tout usage qui vous paraîtrait utile à l’intérieur de votre entreprise.

Je vous prie de croire, Monsieur le président, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

Bemard Pons

Monsieur Le Floch-PrigentPrésident de la SNCF

* * *

Monsieur le secrétaire général,

À l’occasion du débat sur l’avenir du transport ferroviaire qui s’est tenu le 11 juin der-nier à l’Assemblée nationale, le gouvernement a annoncé les mesures qu’il a arrêtéespour assurer un renouveau au chemin de fer. Nous avons été saisis depuis lors, notam-ment de la part d’organisations syndicales de la SNCF, d’un certain nombre d’interro-gations ou de demandes d’éclaircissements sur la réforme présentée.

Certaines de ces questions ne pourront être complètement traitées qu’à l’issue d’étu-des détaillées, notamment juridiques et comptables, qui ne pourront s’engagerqu’après le débat au Sénat, le 25 juin prochain. Nous avons cependant souhaité appor-ter dès maintenant les éléments de réponse suivants, qui portent sur les points les plusfondamentaux.

Annexe 1 189

Page 190: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Nous souhaitons en premier lieu confirmer de la manière la plus claire que la réformeque nous avons présentée maintient l’unité de l’entreprise, chargée à la fois de la ges-tion de l’infrastructure et de l’exploitation des services de transport ferroviaire, etqu’elle n’entraîne aucune modification statutaire d’aucune sorte pour les agents de laSNCF.

D’une manière générale, comme nous l’avons indiqué aux différentes organisationssyndicales lors de nos entretiens du 10 juin, nous entendons préserver les grands princi-pes qui régissent actuellement le transport ferroviaire. En particulier, le Gouvernementn’entend pas modifier, à l’occasion de la réforme, les conditions d’exploitation duréseau ferré telles qu’elles sont définies dans la LOTI.

Le nouvel établissement public sera institué par une loi qui sera soumise au Parlement àl’automne. Le nouvel établissement reprendra les 125 milliards de francs de la detteque la SNCF avait contractée à ce jour pour financer les infrastructures et recevra lesactifs constituant l’infrastructure ferroviaire. Ces actifs n’ont pas vocation à être venduspour rembourser la dette. Le nouvel établissement public n’est donc pas une structurede cantonnement de dette, mais une entité destinée à assumer durablement la respon-sabilité du réseau ferroviaire et de son financement.

Les travaux préparatoires qui vont s’engager pour la rédaction du projet de loi corres-pondant permettront d’apporter toutes les précisions utiles de nature juridique, tech-nique ou financière. Nous pouvons cependant d’ores et déjà vous garantir que la loi dedémocratisation du secteur public s’appliquera au nouvel établissement public et que,comme pour tout organisme de ce type, l’État lui apportera les concours financiers etles dotations en fonds propres à un niveau suffisant pour assurer sa viabilité financière.

Ainsi que nous l’avons déjà indiqué publiquement, le niveau de la rémunération de laSNCF par le nouvel établissement public pour la gestion de l’infrastructure et celui despéages d’infrastructure seront déterminés à l’issue d’un audit du compte d’infrastruc-ture qui sera confié, comme cela a été fait pour les services régionaux de voyageurs, aun consultant indépendant. Comme nous nous y sommes personnellement engagés, leniveau de tarification devra tenir compte de la capacité contributive de la SNCF commetransporteur ferroviaire : il est exclu de reprendre d’une main à la SNCF sous forme depéage ce qu’on lui donne de l’autre sous forme de désendettement.

Le réseau restera national dans le cadre du nouvel établissement public. Il appartiendraà l’État d’en définir la consistance et les caractéristiques à travers le schéma du réseauferroviaire, dont l’élaboration est prévue par la loi d’orientation pour l’aménagementet le développement du territoire. Sa préparation s’effectue dans une perspective inter-modale et sa publication interviendra en principe en 1997.

S’agissant de la régionalisation, nous vous rappelons que l’expérimentation s’engageradès le 1er janvier 1997 dans six régions volontaires en respectant trois principes : trans-parence, réversibilité, transfert de compétence sans transfert de charge. Cette expéri-mentation, qui s’accompagnera d’un relèvement des crédits affectés aux servicesrégionaux de voyageurs, a pour objet de donner à ces régions tous les moyens d’exer-cer, au plus près des besoins, la responsabilité d’autorité organisatrice. Les relationsentre la SNCF et les régions non concernées par l’expérimentation ne seront, bienentendu, pas affectées.

190 Annexes

Page 191: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Enfin, notre attention a été parfois appelée sur les conditions dans lesquelles les déci-sions prises seront formalisées. La SNCF sera désormais conduite à exercer ses missionsdans un cadre nouveau identifiant plus clairement les responsabilités, de sorte que lecontrat de plan, tel qu’il était conçu jusqu’à présent, n’a plus sa raison d’être. Pourautant, comme pour toute entreprise publique, il importe que la SNCF ait connaissancedes priorités essentielles qui lui sont fixées par l’État au nom de la nation.

C’est pourquoi le gouvernement va confirmer au président de la SNCF, dans un prochaincourrier, les décisions prises en matière d’infrastructure et de désendettement, ainsi queles conditions de l’expérimentation du transfert aux régions de la compétence en matièrede services régionaux de voyageurs. Ce courrier précisera également les orientationsessentielles qui sont assignées à la SNCF et qu’il lui appartiendra de mettre en œuvredans le cadre de son projet industriel. Ces orientations porteront sur les activités de ges-tionnaire de l’infrastructure et de transporteur ferroviaire, mais aussi sur le groupe.

Nous inviterons bien entendu le président de la SNCF à porter ce courrier à la connais-sance du conseil d’administration et du comité central d’entreprise. Nous ne verrionsque des avantages à ce qu’il nous indique en retour, après concertation, la manièredont l’entreprise entend donner suite à ces orientations.

Il est cependant indispensable que cet échange intervienne avant la fin du mois de juil-let afin que puissent s’engager dès la rentrée tant le processus législatif nécessaire à lacréation du nouvel établissement public responsable de l’infrastructure que l’élabora-tion concrète du projet industriel.

C’est en effet dans le cadre du projet industriel que devront être traitées les questionsqui relèvent de la responsabilité exclusive de l’entreprise, telles que l’établissement desbudgets prévisionnels ou les conditions de gestion de la dette restant à la charge de laSNCF, à laquelle nous estimons qu’elle est désormais en mesure de faire face. Le prési-dent de la SNCF les abordera donc dans le cadre des concertations qui doivent sedérouler au sein de l’entreprise.

Nous sommes pour notre part convaincus que cette réforme, qui se situe dans le prolon-gement des conclusions du débat national, constitue une solution française originale àmême d’assurer un véritable renouveau au transport ferroviaire. Dans un cadre de res-ponsabilités clarifié, il appartient maintenant à la SNCF, c’est-à-dire à l’ensemble de sesagents, de se mobiliser pour assurer un redressement durable de l’entreprise. Cettemobilisation doit s’engager dès à présent. Nous faisons à cet égard toute confiance auxcheminots, à leur compétence, à leur dévouement et à leur sens des responsabilités.

Espérant avoir ainsi apporté les éléments de clarification qui pourraient être souhaitéspar vos adhérents, nous vous prions d’agréer, Monsieur le secrétaire général, l’assu-rance de notre considération distinguée.

Bernard Pons Anne-Marie Idrac

Annexe 1 191

Page 192: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Lettre du président de la SNCF au Premier ministredu 8 octobre 1996

Monsieur le Premier ministre,

Par lettre en date du 27 juin 1996, vous avez bien voulu faire part à mon prédécesseurdes décisions que le gouvernement venait de prendre à l’issue du débat national surl’avenir du transport ferroviaire et lui indiquer quelles orientations l’État entend, enparallèle, assigner à la SNCF. Par lettre en date du 3 juillet, le ministre de l’Équipement,du Logement, des Transports et du Tourisme lui avait également adressé copie de lalettre qu’il avait, avec le secrétaire d’État aux Transports, adressée aux organisationssyndicales de la SNCF afin d’expliciter à leur intention l’esprit et le contenu de laréforme présentée à l’Assemblée nationale et au Sénat, les 11 et 25 juin 1996.

Mon prédécesseur avait élaboré et soumis, le 4 juillet 1996, au comité central d’entre-prise un projet de réponse à votre lettre précisant les engagements que la SNCF étaitprête à prendre en face des engagements de l’État. Des circonstances extérieures àl’entreprise n’ont pas permis que cette réponse vous soit adressée.

Ayant procédé à l’analyse de ce projet de réponse qui avait fait l’objet d’un travail col-lectif au sein de la direction de la SNCF, je ne vois pas d’élément qui me conduise à enremettre en cause l’essentiel. La continuité de l’action de l’entreprise en serait altéréesans que des arguments déterminants le justifient. Certains ajouts m’ont néanmoinsparu utiles et ont été insérés dans la présente réponse.

Par ailleurs, afin de leur conférer un cadre plus solennel, il est apparu opportun de conso-lider les engagements réciproques de l’État et de l’entreprise en leur donnant le caractèred’un véritable pacte de modernisation dont l’introduction soit cosignée par les autoritésgouvernementales et le président de la SNCF. Le pacte regroupe en un ensemble uniqueet cohérent les différents documents mentionnés dans cette introduction.

C’est dans le cadre que je viens de tracer que je vous prie de bien vouloir lire cette lettrequi correspond de la part de la SNCF – et de moi-même – à un engagement très fortdans le sens du renouveau de l’entreprise.

Les décisions prises par les pouvoirs publics et reprises dans le pacte de modernisationprennent en compte les problèmes de fond rencontrés et répondent par leur ampleuraux nombreuses préoccupations exprimées, de toutes parts, lors du débat national.Elles expriment une voie française originale en Europe

Ces décisions constituent une nouvelle donne pour notre entreprise et marquent unereconnaissance du rôle de la SNCF au service de l’environnement, de la sécurité, del’aménagement du territoire, du service public et de l’efficacité économique. Elles setraduisent par la mise en place par la nation d’un dispositif sans précédent au bénéficedu chemin de fer. L’entreprise et ses personnels sauront se montrer à la hauteur de laconfiance qui leur est ainsi témoignée. Les réformes annoncées apportent en effet, demanière incontestable, les garanties qu’ils attendaient sur le maintien de l’unité de

192 Annexes

Page 193: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

l’établissement public SNCF, à la fois exploitant ferroviaire et gestionnaire d’infrastruc-ture, dans la plénitude de ses missions. Elles apportent également l’assurance forte dumaintien du statut de ses personnels dans toutes ses composantes. Elles créent, enfin,les conditions d’une clarification qui était indispensable pour redonner au mode ferro-viaire toutes ses chances dans notre pays.

Dans le domaine des infrastructures, grâce à la création du nouvel établissement publicqui recevra les actifs constituant les infrastructures ferroviaires et prendra la responsa-bilité de leur financement, le mode ferroviaire se voit désormais traité selon des princi-pes semblables à ceux appliqués dans les autres modes : la collectivité prend en chargela responsabilité financière d’un réseau d’infrastructures dont elle entend assurer l’exis-tence et le développement, et fixe ensuite une tarification d’usage de ces infrastructu-res qui tient compte de la situation de marché dans laquelle se trouvent ceux quil’utilisent. Il appartiendra à l’État d’utiliser cet instrument, dans le cadre de sa politiqueglobale des transports, au bénéfice d’un développement harmonieux et complémen-taire des divers modes de transport individuels et collectifs.

Les nouveaux principes régissant les infrastructures sont fondamentaux car ils mettentfin à une situation de déséquilibre structurel à laquelle l’entreprise ne pouvait remédier.Leur application au passé et le désendettement qui en résultera soulagent l’entreprised’un fardeau financier qu’elle n’aurait pas été en mesure de porter. Leur mise en œuvrepour l’avenir évitera que cette dette ne se reconstitue. Vous avez indiqué qu’ils seraientmis en œuvre dès le 1er janvier 1997, à l’issue d’un audit. La SNCF apportera sonconcours à cet audit comme à l’ensemble des travaux nécessaires à la constitution dunouvel établissement public.

En matière de régionalisation, les décisions prises permettent la mise en œuvre effectivede l’expérimentation prévue à l’article 67 de la loi d’orientation pour l’aménagement etle développement du territoire dans des conditions transparentes et équitables. En effet,les enveloppes transférées aux régions expérimentales auront été préalablement rééva-luées de manière à permettre le financement équilibré de l’expérimentation.

La SNCF, exploitante des services conventionnés conformément aux articles 18 et 22 dela loi d’orientation des transports intérieurs, va désormais pouvoir, sur ces bases,s’engager résolument dans la négociation de conventions avec les régions volontairesafin de respecter le calendrier que vous avez énoncé. Avec les autres régions, elleapprofondira les relations tissées jusqu’alors, dans la perspective d’un élargissementprogressif du champ de l’expérimentation.

Les mesures annoncées nécessiteront, pour être mises en œuvre, l’adoption d’un projetde loi et de dispositions réglementaires complémentaires ainsi que la conclusiond’accords multiples entre la SNCF et ses divers interlocuteurs publics. Néanmoins, etgrâce aux éclairages apportés par les ministres lors des débats devant l’Assembléenationale et le Sénat, il est d’ores et déjà possible de mesurer l’incidence des nouveauxprincipes sur le fonctionnement de l’entreprise et les perspectives qui nous sont désor-mais ouvertes.

Par leur cohérence et leur ambition, les dispositions annoncées posent les fondementsd’un renouveau de l’activité ferroviaire et d’un redressement de l’entreprise. J’ai, parailleurs, bien noté que la réforme ne remettait pas en cause les autres missions duservice public donnant lieu à compensation de l’État. Des contrats spécifiques à ces

Annexe 1 193

Page 194: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

différentes missions devront être conclus entre les collectivités publiques concernées etla SNCF. Il appartient désormais à la SNCF et à tous ceux qui la composent, de se mobili-ser pour saisir la chance offerte et répondre dans son « projet industriel » aux orienta-tions qui lui sont assignées par la nation. La concertation sur ce « projet industriel » adébuté dans l’entreprise dès janvier. Sa rédaction devra être achevée avant la fin decette année. Je prends acte des orientations que vous souhaitez voir prises en comptedans le cadre de cet exercice.

Vous avez tout d’abord souhaité que ce projet définisse les voies et moyens d’unerelance des trafics ferroviaires. Une telle relance est conforme à la vocation naturelle del’entreprise qui est d’assurer un transport de volume et peut s’appuyer sur lesavoir-faire que nous avons accumulé dans le domaine ferroviaire.

Elle ne saurait cependant être obtenue en n’agissant que sur l’offre ; elle passera aussipar une réorientation profonde de nos mentalités et de nos organisations afin de faireréellement du client, voyageur ou chargeur, notre raison d’être. Elle impliquera enfinune transformation de notre attitude vis-à-vis des collectivités publiques afin de leurproposer, selon les principes du service public, le service de transport le mieux à mêmede répondre à leurs attentes.

Une évolution en ce sens a déjà été amorcée qui s’est traduite par les engagementsannoncés à nos clients, le 18 juin dernier. Elle devra être intégrée dans le projet indus-triel et inlassablement poursuivie.

Sur ces bases et conformément à votre attente, la SNCF se fixe pour premier objectif derevenir à l’équilibre d’ici à la fin 1998, dans la mesure où l’activité de gestion de l’infras-tructure sera effectivement rémunérée au niveau fixé par l’audit et où le montant glo-bal des redevances payées ne sera pas, d’ici là, relevé. Un tel objectif est certesambitieux mais accessible pour une SNCF allégée de l’intégralité de sa dette liée àl’infrastructure et conservant, après création du nouvel établissement public, les actifsfinanciers ayant vocation à être vendus.

Vous avez ensuite indiqué que le projet devrait permettre le redressement progressif dechacune de ses activités qui devront retrouver l’équilibre dans un délai rapide. Cetteseconde orientation peut d’ores et déjà être précisée afin de constituer un premiercadrage économique pour le « projet industriel ».

J’ai, en effet, clairement conscience qu’un objectif global d’équilibre de la SNCFdemeure limité et ne permet pas d’offrir toutes les garanties quant à la capacité de laSNCF et de ses activités à concourir de manière croissante à son développement et àcelui du réseau qu’elle utilise. C’est pourquoi le projet industriel se fixera deux autresobjectifs pour la période 1999-2000 : d’une part, contribuer de manière croissante à lacouverture des charges du réseau en dégageant, au sein de certaines activités, unecapacité contributive croissante et en permettant, de ce fait, un relèvement des rede-vances d’usage du réseau ; d’autre part, atteindre, pour chacune des activités principa-les, l’équilibre en 2000.

Ce dernier objectif qui ne peut d’ailleurs, s’agissant des services régionaux de voya-geurs, être atteint avant la généralisation de l’expérimentation en cours, prend encompte, de manière réaliste, le degré de difficulté dans lequel se situent aujourd’huinos activités fret et SERNAM. Il sera bien évidemment également lié à l’évolution dumarché des transports et à sa régulation.

194 Annexes

Page 195: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Vous avez également marqué votre souci d’une maîtrise des charges d’entretien duréseau. Le projet devra, en effet, tenir compte de la situation de monopole de la SNCFdans le domaine de la gestion de l’infrastructure et nous conduire à prendre, de ce fait,un engagement particulièrement ferme de performance vis-à-vis du nouvel établisse-ment public. Cet engagement portera en premier lieu sur les niveaux de qualité et desécurité que nous devons viser. En second lieu, je fixerai à l’entreprise pour objectif deréduire progressivement le coût auquel elle fournira, sur la base d’un besoin stable quedevra déterminer l’audit en cohérence avec les caractéristiques attendues du réseau, samission de gestion des infrastructures. Cette maîtrise des coûts devra bien entendu êtremesurée, ainsi que vous l’indiquez, à qualité et à sécurité du réseau constantes. Enfin, ilest clair que l’objectif de maîtrise des coûts ne pourra être complètement déterminéqu’à l’issue de l’audit.

Vous avez enfin souhaité que, conformément à l’attitude d’ouverture au partenariatqui doit caractériser la SNCF, le « projet industriel » permette de redéfinir au mieux lepérimètre du groupe. En cohérence avec cette démarche et avec le principe selon lequelles participations financières de la SNCF demeureront inscrites à son actif lors de lacréation de l’établissement public, toutes les possibilités de valorisation seront résolu-ment et rapidement exploitées. J’ai bien noté votre demande de regroupement de nosfiliales, ni liées au ferroviaire, ni à son service et ne concernant pas le logement social,dans une holding spécifique et ferai étudier dans les prochaines semaines les modalitésjuridiques et financières de ce montage.

Dans le domaine social, vous avez rappelé qu’il convenait de rechercher l’implication etle plein épanouissement des personnels. En effet, ainsi que l’ont affirmé les ministreslors des débats parlementaires, le « projet industriel » ne pourra se définir ni sans lescheminots, ni contre eux. C’est pourquoi j’entends, dans le cadre de ce projet, abordersans détours les conditions dans lesquelles le surcroît de richesse produite sera redistri-bué aux personnels, selon des principes de partage à déterminer, et pas seulement uti-lisé pour développer l’entreprise et le réseau, au travers des redevances versées.

De même, il me paraît essentiel, et conforme aux orientations générales du gouverne-ment, que ce projet soit marqué par une remise en cause des pratiques et des modes dedécision dans l’entreprise afin de ne pas privilégier systématiquement la réductiond’emplois par rapport aux autres formes possibles d’amélioration de nos marges. Jeveillerai notamment à ce que les attentes des autorités organisatrices qui réclament unrenforcement de la présence humaine puissent trouver, au plus vite, des réponses satis-faisantes. J’attacherai enfin une attention particulière au redéploiement des moyens auprofit des services opérationnels et, en particulier, de ceux en contact avec la clientèle.

Enfin, je suis, comme vous, attaché à ce que ce « projet industriel » constitue une illus-tration exemplaire de dialogue social. Son élaboration fera l’objet d’un large débat per-mettant une appréciation aussi commune que possible de la situation actuelle del’entreprise et des priorités qui s’en dégagent. Sa mise en œuvre devra fournir uneoccasion de renouveler le contenu et de renforcer l’efficacité du dialogue social.

Sur la base des orientations que l’État vient d’assigner à l’entreprise et dans le cadre queje viens de vous préciser, la SNCF, consciente du soutien que vient de lui apporter lanation, s’engage dès aujourd’hui dans la dernière étape d’élaboration de son « projetindustriel ». Ce projet donnera de premières impulsions et comportera des engagements

Annexe 1 195

Page 196: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

chiffrés, mais devra, surtout, marquer le début d’un processus continu d’évolution auservice de nos clients comme du service public.

Il contiendra, et c’est aussi indispensable au pilotage de l’entreprise, un certain nombred’indicateurs qui lui permettront – mais aussi à l’État – de s’assurer régulièrement denotre succès. Il sera, conformément à vos souhaits, élaboré au sein des activités et àpartir d’outils comptables et de gestion dont la transparence sera accrue.

Le ministre de l’Équipement, du Logement, des Transports et du Tourisme, le ministrede l’Économie et des Finances, et le secrétaire d’État aux Transports seront régulière-ment informés de l’avancement de ce projet et de l’évolution des indicateurs retenus.Ils pourront ainsi mesurer les progrès réalisés au sein de l’entreprise mais également leseffets de la politique globale des transports qui sera mise en œuvre en France et enEurope.

J’appelle, sur ce dernier point, votre attention quant aux conséquences qu’entraîneraitimmanquablement une modification des règles actuelles d’accès au réseau sur la réus-site du « projet industriel » et le redressement de la SNCF. Bien qu’allégée d’une partieimportante de ses charges, l’entreprise ne se trouve pas dans une situation financièretelle qu’elle puisse, sans dommages importants, affronter une évolution significativedu cadre communautaire actuel.

Le comité central d’entreprise a été consulté sur ce texte, conformément à votredemande. À l’occasion de cette consultation, plusieurs interrogations ont été formu-lées sur la politique qu’entend mener l’État en matière de complémentarité et d’assai-nissement des conditions de concurrence entre les différents modes de transport et surles missions de service public confiées à la SNCF. Les décisions en la matière appartien-nent bien sûr à l’État, mais la SNCF compte être une force de proposition sur ces sujets.Elle croit aux capacités du mode ferroviaire de répondre aux besoins de la collectivité.

Je note, en outre, que l’introduction du pacte de modernisation entre l’État et la SNCFconfirme que les règles applicables en matière de retraite ne sont pas modifiées par laréforme et que les dispositions de l’article 30 du cahier des charges de la SNCF qui por-tent sur ce sujet continuent à s’appliquer. Le même document précise en outre quel’État continuera d’assumer la charge de la dette transférée au service annexe d’amor-tissement de la dette.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Premier ministre, l’assurance de ma très haute consi-dération. et de mes sentiments les meilleurs.

Louis Gallois

196 Annexes

Page 197: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Annexe 2

Évolution 1994-2001 du comptede résultat du système ferroviaire

Annexe 2 197

Page 198: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

198 Annexes

SNC

F19

94SN

CF

1995

SNC

F19

96SN

CF+

RFF

1997

SNC

F+R

FF19

97p

rofo

rma

1998

SNC

F+R

FF19

98SN

CF+

RFF

1999

SNC

F+R

FF20

00p

rofo

rma

1999

SNC

F+R

FF20

00SN

CF+

RFF

2001

pré

visi

on

(en

mill

iard

sde

fran

cs)

Prod

uits

dutr

afic

40,3

38,7

40,9

43,1

43,6

45,7

46,7

47,1

52,0

53,3

Com

pens

atio

nspo

urré

duct

ions

tari

fair

es7,

16,

87,

37,

37,

37,

67,

67,

810

,710

,9

Ver

sem

ents

État

etco

llect

ivit

és18

,220

,219

,718

,818

,819

,320

,320

,312

,211

,4

Prod

ucti

onim

mob

ilisé

e/st

ocké

e1

6,0

6,6

6,5

16,3

8,5

8,5

9,6

10,2

10,2

9,8

Aut

res

prod

uits

6,6

6,5

6,7

7,4

7,1

7,3

7,3

8,1

8,4

7,7

Pro

du

its

d’e

xplo

itat

ion

cou

ran

te78

,378

,781

,192

,985

,488

,491

,493

,593

,593

,1

Con

som

mat

ions

inte

rméd

iair

es-2

4,6

-26,

2-2

5,2

-36,

5-2

9,2

-29,

5-3

0,1

-30,

0-3

0,0

-30,

1

Cha

rges

depe

rson

nel

-43,

9-4

3,8

-44,

4-4

4,7

-44,

7-4

5,3

-46,

0-4

7,7

-48,

4-4

8,7

Impô

tset

taxe

s-2

,8-3

,2-3

,5-3

,9-3

,9-4

,0-4

,0-4

,2-4

,2-4

,2

Ch

arg

esd

’exp

loit

atio

nco

ura

nte

-71,

3-7

3,3

-73,

1-8

5,1

-77,

8-7

8,8

-80,

1-8

1,9

-82,

6-8

3,0

Excé

den

tb

rut

d’e

xplo

itat

ion

7,0

5,4

8,0

7,8

7,6

9,6

11,3

11,6

10,9

10,1

Am

orti

ssem

ents

/pro

visi

ons

nets

-8,1

-10,

8-1

1,3

-10,

8-1

0,6

-11,

7-1

0,6

-10,

7-1

0,2

-10,

6

Résu

ltat

d’ex

ploi

tati

on-1

,1-5

,4-3

,3-3

,0-3

,0-2

,10,

70,

90,

7-0

,5

Résu

ltat

finan

cier

-8,5

-11,

3-1

2,9

-12,

0-1

1,8

-11,

4-1

0,5

-11,

5-1

1,5

-11,

7

Rés

ult

atco

ura

nt

-9,6

-16,

7-1

6,2

-15,

0-1

4,8

-13,

5-9

,8-1

0,6

-10,

8-1

2,2

Résu

ltat

exce

ptio

nnel

1,4

0,1

1,0

-0,1

-0,3

-0,9

-1,1

-0,1

0,1

0,3

Rés

ult

atn

et-8

,2-1

6,6

-15,

2-1

5,1

-15,

1-1

4,4

-10,

9-1

0,7

-10,

7-1

1,9

(1).

Yco

mpr

istr

avau

xSN

CF

pour

inve

stis

sem

ents

RFF

àpa

rtir

de19

97

Page 199: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Annexe 3

Graphique d’évolution 1994-2000des résultats nets du systèmeferroviaire (en milliards de francs)

Annexe 3 199

Page 200: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 201: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Annexe 4

Évolution 1994-2001 du comptede résultat de la SNCF

Annexe 4 201

Page 202: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

202 Annexes

1994

1995

1996

1997

1997

pro

form

a19

9819

9819

9920

00p

rofo

rma

1999

2000

pu

blié

2001

bu

dg

etré

visé

(en

mill

ions

defr

ancs

)

PRO

DU

ITS

DU

TRA

FIC

4107

939

479

4172

343

117

4363

345

670

4667

347

090

5201

653

308

CO

MPE

NSA

TIO

NS

POU

RRÉ

DU

CTI

ON

STA

RIFA

IRES

712

46

801

730

67

294

729

47

636

761

57

847

1073

810

863

VER

SEM

ENTS

ÉTA

TET

CO

LLEC

TIV

ITÉS

1820

220

165

1975

27

033

703

37

454

945

79

636

153

189

1

RÉM

UN

ERA

TIO

ND

UG

IPA

RRF

F16

800

1680

016

600

1719

717

168

1716

817

265

DIV

ERS

FAC

TURE

RFF

TRA

VA

UX

POU

RRF

F(IN

VES

TISS

EMEN

TS)

1275

74

997

553

56

095

613

26

132

539

1

PRO

DU

CTI

ON

IMM

OBI

LISÉ

EET

STO

CKÉ

E6

020

658

26

471

349

53

495

299

13

443

362

13

621

437

2

AU

TRES

PRO

DU

ITS

584

95

655

587

77

029

676

07

159

699

67

779

806

77

460

PRO

DU

ITS

D’E

XPL

OIT

ATI

ON

CO

URA

NTE

7827

478

682

8112

997

525

9001

293

045

9747

699

273

9927

399

551

CO

NSO

MM

ATI

ON

SIN

TERM

EDIA

IRES

dont

2463

426

240

2522

242

247

3488

135

369

3977

139

566

3956

641

009

RED

EVA

NC

ESD

’INFR

AST

RUC

TURE

RFF

600

86

008

620

59

965

1025

010

250

1113

6

ÉLEC

TRIC

ITÉ

DE

TRA

CTI

ON

245

32

340

242

62

433

243

32

482

247

52

097

209

72

224

CH

ARG

ESD

EPE

RSO

NN

EL43

887

4384

744

427

4472

944

729

4533

346

013

4764

848

303

4858

5

IMPO

TS,T

AX

ES,E

TV

ERSE

MEN

TSA

SSIM

ILES

275

33

218

349

03

857

385

74

024

398

94

228

422

84

238

CH

ARG

ESD

’EX

PLO

ITA

TIO

NC

OU

RAN

TE71

274

7330

573

139

9083

383

467

8472

689

773

9144

292

097

9383

1

EXC

ÉDEN

TBR

UT

D’E

XPL

OIT

ATI

ON

700

05

377

799

06

692

654

58

319

770

37

831

717

65

720

AM

ORT

ISSE

MEN

TSET

PRO

VIS

ION

SN

ETS

-808

2-1

078

0-1

129

9-5

610

-546

3-6

356

-607

2-5

946

-550

1-5

737

RÉSU

LTA

TD

’EX

PLO

ITA

TIO

N-1

082

-540

3-3

309

108

21

082

196

31

631

188

51

675

-17

RÉSU

LTA

TFI

NA

NC

IER

-846

6-1

127

4-1

289

3-1

925

-171

9-1

505

-106

6-1

015

-101

5-1

045

RÉSU

LTA

TC

OU

RAN

T-9

548

-16

677

-16

202

-843

-637

458

565

870

660

-106

2

RÉSU

LTA

TEX

CEP

TIO

NN

EL1

364

941

029

-116

-322

-110

7-1

133

-423

-215

0

RÉSU

LTA

TN

ET-8

184

-16

583

-15

173

-959

-959

-649

-568

446

444

-106

2

Page 203: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Annexe 5

Évolution 1997-2001 du comptede résultat de RFF (en millions de francs)

1997 1998 1999 2000 2001prévision

Redevances d’infrastructure (yc RCE et PC) 6 008 6 208 9 962 10 248 11 168

Électricité 2 465 2 453 2 510 878 980

Production immobilisée 0 13 79 478 35

Autres produits 378 419 491 529 599

Contribution aux charges d’infrastructure 11 819 11 820 10 809 10 728 10 535

Produits d’exploitation courante 20 670 20 913 23 851 22 861 23 317

Rémunération du gestionnaire d’infrastructure 16 800 16 600 17 197 17 164 17 297

Électricité 2 465 2 453 2 510 878 980

Charges de personnel 5 28 42 60 134

Impôts et taxes 63 48 59 58 59

Autres charges 252 454 330 728 259

Charges d’exploitation courante 19 585 19 583 20 138 18 888 18 729

Excédent brut d’exploitation (EBE) 1 085 1 330 3 713 3 973 4 588

Amortissements et provisions nets 5 318 5 533 4 913 5 337 5 525

Résultat d’exploitation -4 233 -4 203 -1 200 -1 364 -937

Résultat financier -10 070 -9 865 -9 429 -10 479 -10 600

Résultat courant -14 303 -14 068 -10 629 -11 843 -11 537

Plus values de cession d’actifs 64 165 162 247 355

Charges exceptionnelles nettes 0 13 155 -35

Reprises sur subvention d’investissement 140 200 259 406 393

Résultat exceptionnel 204 352 266 688 748

Résultat net -14 099 -13 716 -10 363 -11 155 -10 789

Annexe 5 203

Page 204: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 205: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Annexe 6

Comparaison des comptes derésultat 1996 et 2000 du systèmeferroviaire à périmètre constant(en milliards de francs)

SNCF1996

SNCF+RFF2000

pro forma1999

SERNAMEcarts1999/

2000 (1)

Effet surl’EBE 2000

de lafilialisation

duSERNAM (1)

SNCF+RFF2000

pro forma1996

Écarts2000/1996

Valeur %

Produits du trafic 40,9 47,1 3,0 50,1 9,2 22,5

Compensations pourréductions tarifaires 7,3 7,8 7,8 0,5 6,8

Versements Étatet collectivités 19,7 20,3 20,3 0,6 3

Productionimmobilisée/stockée 6,5 10,2 10,2 3,7 56,9

Autres produits 6,7 8,1 -0,9 7,2 0,5 7,5

Produits d’exploitationcourante 81,1 93,5 2,1 95,6 14,5 17,9

Consommationsintermédiaires 25,2 30,0 2,4 32,4 5,2 20,6

Charges de personnel 44,4 47,7 0,1 47,8 3,4 7,6

Impôts et taxes 3,5 4,2 4,2 0,7 28,6

Charges d’exploitationcourante 73,1 81,9 2,5 84,4 11,3 15,4

Excédent brutd’exploitation 8,0 11,6 -0,4 0,4 11,6 3,6

Amortissements/provisions nets -11,3 -10,7 -10,7 0,6

Résultat d’exploitation -3,3 0,9 0,9 4,2

Résultat financier -12,9 -11,5 -11,5 1,4

Résultat courant -16,2 -10,6 -10,6 5,6

Résultat exceptionnel 1,0 -0,1 -0,1 -1,1

Résultat net -15,2 -10,7 -10,7 4,5

(1). Les produits et charges 2000 relatifs au SERNAM sont portés au niveau constaté en 1999, dernier exercicecomplet où cette activité était incluse dans la SNCF. Le solde de -0,4 GF des écarts de 1999/2000 met en évidencele gain sur EBE SNCF de 0,4 GF généré par la privatisation du SERNAM au 1/2/2000 dont la prise en compte per-met de retrouver le résultat 2000. Il faut rappeler que la SNCF a par ailleurs passé, fin 1999, une provision excep-tionnelle de 1,4 GF au titre de la filialisation du SERNAM.

Annexe 6 205

Page 206: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 207: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Annexe 7

Évolution 1991-2004des investissements du systèmeferroviaire en crédits de paiement

Annexe 7 207

Page 208: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

208 Annexes

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

*20

02*

2003

*20

04*

(en

mill

ions

defr

ancs

)

Infr

astr

uct

ure

,to

us

fin

ance

men

tsco

nfo

nd

us

1761

117

364

1385

610

378

979

812

198

1329

912

676

1040

29

789

1080

513

942

1897

921

974

dont

ress

ourc

espr

opre

s15

522

1412

410

264

815

77

710

938

910

976

1024

68

450

774

37

240

745

08

061

844

6

dont

subv

enti

ons

208

93

240

359

22

221

208

82

809

232

32

430

195

22

046

356

56

492

1091

813

528

Mat

érie

lro

ula

nt

etau

tres

,to

us

fin

ance

men

tsco

nfo

nd

us

896

210

765

1037

49

000

849

38

535

851

37

902

657

86

528

906

311

716

1394

315

086

dont

ress

ourc

espr

opre

s7

771

993

79

787

824

37

308

726

36

259

535

64

528

494

36

600

783

48

327

954

5

dont

subv

enti

on1

191

828

587

757

118

51

272

225

42

546

205

01

585

246

33

882

561

65

541

Tota

l,to

us

fin

ance

men

tsco

nfo

nd

us

2657

328

129

2423

019

378

1829

120

733

2181

220

075

1698

016

317

1986

825

658

3292

237

060

dont

ress

ourc

espr

opre

s23

293

2406

120

051

1640

015

018

1665

217

235

1560

212

978

1268

613

840

1528

416

388

1799

1

dont

subv

enti

ons

328

04

068

417

92

978

327

34

081

457

74

976

400

23

631

602

810

374

1653

419

069

RFF

àpa

rtir

de19

97po

urle

sin

vest

isse

men

tsd’

infr

astr

uctu

re.

*Pr

évis

ions

des

doss

iers

CIE

SRF

Fet

SNC

Fdu

prin

tem

ps20

01.

Page 209: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Annexe 8

Évolution 1989-2001 de la dettedu système ferroviaire (en milliardsde francs)

Dette SNCF + SAAD 1989-1996

31/12/89 31/12/90 31/12/91(1) 1/1/92 31/12/93 31/12/94 31/12/95 31/12/96

SNCF 106,3 117,3 100,3 125,1 150,1 170,8 192,8 208,0

SAAD - - 36,5 35,5 34,4 32,9 30,9 28,6

SNCF+ SAAD 106,3 117,3 136,8 160,6 184,5 203,7 223,7 236,6

(1). Transfert au 1/1/91de 38 GF de la SNCF au SAAD.

Dette SNCF + RFF + SAAD 1996 -2001

31/12/96 1/1/97(1) 31/12/97 31/12/98 31/12/99

(2) 31/12/00 31/12/01Prévision

SNCF 208,0 45,2 50,0 50,7 47,9 42,6 46,4

RFF - 134,2 143,6 147,3 148,0 151,5 153,0

SNCF + RFF 208,0 179,4 193,6 198,0 195,9 194,1 199,4

SAAD 28,6 57,2 56,0 55,2 58,7 58,6 58,6

TOTAL 236,6 236,6 249,6 253,2 254,6 252,7 258,0

Les montants indiqués ci-dessus représentent l’ensemble des moyens de financements nets à long terme et àcourt terme. Pour la SNCF, c’est la notion utilisée actuellement dans les documents soumis au CIES. Pour RFF, onajoute au montant CIES la dette nette à court terme.(1). Transfert au 1/1/1997 de 134,2 GF de la SNCF à RFF et de 28,6 GF de la SNCF au SAAD.(2). Transfert au 1/1/1999 de 4 GF de la SNCF au SAAD.

Annexe 8 209

Page 210: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 211: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Annexe 9

Évolution 1997-2001des redevances d’infrastructureversées par la SNCF à RFF (en millionsde francs)

1997 1998 1999 2000 2001*

TOTAL SNCF : 6 008 6 205 9 965 10 250 11 136

dont grandes lignes (GL) 1 544 1 613 5 043 5 192

trains express régionaux (TER) 604 618 852 884

trains Île-de-France (IdF) 2 840 2 931 2 999 3 081

fret 1 020 1 043 1 071 1 093

* Prévision révisée Source : SNCF

Annexe 9 211

Page 212: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 213: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Annexe 10

Évolution 1985-2000 des traficsde la SNCF

Annexe 10 213

Page 214: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

214 Annexes

Vo

yag

eurs

Gvk

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

*Pr

évis

ion

IDF

19,

079,

229,

269,

549,

789,

979,

9510

,06

9,85

9,48

8,48

8,87

9,02

9,31

9,62

--

IDF

–no

uvel

leen

quêt

eC

arte

oran

ge9,

089,

689,

34**

TER

28,

087,

867,

768,

218,

197,

957,

797,

637,

547,

386,

767,

257,

477,

638,

018,

538,

84

GL

344

,76

42,5

442

,65

45,1

846

,06

45,8

244

,56

44,5

441

,22

42,0

740

,32

43,6

545

,34

47,5

249

,13

51,6

653

,38

dont

TGV

8,72

8,93

9,81

10,4

911

,51

14,9

217

,87

18,9

618

,93

20,5

121

,43

24,7

927

,58

29,9

832

,36

34,7

5

dont

TGV

nati

onau

xEu

rost

ar4

Thal

ys

8,72

8,93

9,81

10,4

911

,51

14,9

217

,87

18,9

618

,93

20,4

50,

0620

,54

0,89

23,0

21,

430,

35

25,1

51,

770,

67

27,1

21,

880,

98

29,1

52,

171,

04

31,2

02,

371,

18

dont

TRN

336

,04

33,6

132

,84

34,6

934

,55

30,9

026

,69

25,5

822

,29

21,5

618

,89

18,8

617

,76

17,5

416

,77

16,9

1

Sous

-tot

alRP

552

,84

50,4

050

,41

53,3

954

,25

53,7

752

,35

52,1

748

,76

49,4

547

,08

50,9

052

,81

55,1

557

,14

60,1

9

Tota

lvo

yag

eurs

61,9

159

,62

59,6

762

,93

64,0

363

,74

62,3

062

,23

58,6

158

,93

55,5

659

,77

61,8

364

,46

66,7

669

,87

Tota

lvo

yag

eurs

(ave

cn

ou

velle

enq

uêt

eca

rte

ora

ng

ep

ou

rld

F)66

,22

69,8

771

,56

1.Sé

rie

hom

ogèn

equ

itie

ntco

mpt

ede

l’ext

ensi

onde

laRT

l’ens

embl

ede

laré

gion

pari

sien

neen

1991

.So

urce

:SN

CF

2.Su

ite

aux

chan

gem

ents

deca

tégo

ries

stat

isti

ques

en19

93,l

asé

rie

aét

ére

cons

titu

éesu

rle

san

nées

anté

rieu

res

(raj

out

des

EIR)

.3.

Suit

eau

xch

ange

men

tsde

caté

gori

esst

atis

tiqu

esen

1993

,la

séri

ea

été

reco

nsti

tuée

sur

les

anné

esan

téri

eure

s(r

etra

itde

sEI

R).

4.Le

svk

parc

ouru

sda

nsle

tunn

elso

usla

Man

che,

non

pris

enco

mpt

ean

téri

eure

men

t,so

ntin

clus

pour

moi

tié

depu

is19

99(0

,17

Gvk

en19

99).

5.RP

:rés

eau

prin

cipa

l=G

L+TE

R**

IdF

:pér

imèt

re20

01no

nco

mpa

rabl

celu

ide

2000

.

Mar

chan

dis

es(h

ors

SER

NA

Met

affr

ètem

ents

rou

tier

s)

Gtk

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

*Pr

évis

ion

Inté

rieu

r32

,41

30,3

530

,14

30,2

330

,18

28,9

928

,67

27,3

424

,71

25,6

924

,63

24,9

126

,39

26,0

726

,09

27,5

2

Inte

rnat

iona

l21

,82

19,7

919

,64

20,4

421

,38

20,6

920

,73

20,8

718

,91

21,4

521

,94

23,4

026

,24

26,5

926

,03

27,8

3

Tota

lfre

t54

,23

50,1

449

,78

50,6

751

,56

49,6

849

,40

48,2

143

,62

47,1

446

,56

48,3

152

,63

52,6

652

,12

55,3

555

,50

dont

com

biné

conv

enti

onne

l6,

7147

,52

6,77

43,3

76,

7843

,00

7,17

43,5

07,

4344

,13

7,29

42,3

97,

7441

,66

8,30

39,9

18,

3935

,23

10,1

237

,02

10,9

835

,58

12,2

436

,07

13,8

838

,75

13,4

539

,22

13,3

038

,82

13,7

741

,58

(*)

Sour

cede

sch

iffr

espr

évis

ionn

els

:dém

arch

ebu

dgét

aire

révi

sée

–C

Adu

23m

ai20

01.

Sour

ce:

SNC

F

Page 215: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Annexe 11

Graphique d’évolution comparée1985-2000 des trafics de la SNCFet du volume du PIB (base 100 en 1985)

Annexe 11 215

Page 216: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 217: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Annexe12

Concours publics – Étatet collectivités – au systèmeferroviaire en 2000 (en milliards de francs)

En compensation de prestations

Services régionaux de voyageurs 6,4dont contribution État 6,0dont contribution collectivités 0,4

Île-de-France 6,9dont versement transport STP 4,9dont collectivités locales 0,6dont indemnité compensatrice 1,4

Total 13,3

En compensations liées à des politiques de l’État

En faveur des tarifs sociaux et de la presse 3,0En faveur des emplois jeunes 0,1

Total 3,1

Au titre de l’harmonisation environnementale entre modes de transport

Transport combiné 0,5

Pour le matériel roulant

Subventions d’investissements des collectivités 1,1

Pour l’infrastructure

Contribution de l’État aux charges d’infrastructure 11,3

Subventions d’investissements y compris gares 2,5dont l’État 1,5dont les collectivités 1,0

Total 13,8

Total général 31,9

Hors exploitation et investissements du système ferroviaire, il faut ajouter,au titre de l’apurement du passé :

Dette générée par les investissements d’infrastructure financésjusqu’en 1996 par la SNCF à la place de l’État 16,4

dont SAAD 4,4dont dotation en capital RFF 12,0

Contribution de l’État au déséquilibre démographiquedu régime de retraite (modernisation/productivité) 14,0

Compensations démographiques entre régimes de retraites 3,8

Total 34,2

Annexe12 217

Page 218: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 219: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Annexe 13

Évolution 1996-2001 des concourspublics au système ferroviaire (en milliardsde francs)

1996 1997 1998 1999 2000 2001*

Réductions tarifaires 3,5 3,4 3,3 3,6 3,0 2,9dont tarifs sociaux TER et GL 1,8 1,8 1,8 1,8 1,8 1,8dont tarifs sociaux Défense 1,5 1,4 1,3 1,5 1,0 0,9dont tarifs sociaux IDF 0,1 0,1 0,1 0,1 0,1 0,1dont presse 0,1 0,1 0,1 0,1 0,1 0,1

Services régionaux de voyageurs SNCF 4,2 4,8 5,2 5,9 6,0 6,0dont part versée à la SNCF 4,2 2,2 2,2 3,0 3,0 3,0dont part versée aux régions 2,7 3,0 3,0 3,0 3,0

Indemnité compensatrice SNCF Île-de-France 1,1 0,8 0,6 0,7 1,4 1,2Transport combiné SNCF 0,3 0,2 0,2 0,2 0,5 0,5Contribution aux charges d’infrastructure 12,6 11,6 11,8 11,6 11,3 10,5

dont part RFF 11,8 10,8 10,7 10,5dont part SNCF 12,6 11,6 0,8 0,6

Subvention emplois jeunes SNCF 0,1 0,1 0,1 0,1TOTAL ÉTAT pour l’exploitation 21,7 20,9 21,2 22,1 22,3 21,2Subventions d’investissement ferroviaire 1,1 1,2 1,6 1,4 1,5 1,8

dont réseau Île-de-France 0,4 0,4 0,6 0,1 0,0dont réseau principal 0,7 0,8 1,0 1,3 1,5

TOTAL ÉTAT pour l’exploitation et l’investissement 22,8 22,1 22,8 23,5 23,8 23,0Service annexe de la dette de la SNCF 4,4 4,4 4,4 4,4 4,4 4,4

dont part consacrée aux frais financiers 2,3 3,9 3,5 4,3 4,3 4,2dont part consacrée au capital 2,2 0,6 0,9 0,2 0,2 0,3

Dotation en capital RFF 8,0 10,0 12,5 12,0 12,0Contribution au régime de retraite SNCF 13,7 13,9 14,0 13,8 14,0 14,3TOTAL ÉTAT 41,0 48,5 51,3 54,2 54,2 53,8

AUTRES ORGANISMES PUBLICSSTP/STIF à partir du versement transport 4,8 4,6 5,0 5,4 4,9 4,6STP/STIF 0,5 0,4 0,3 0,4 0,6 1,2SRV – contribution des collectivités à l’exploitation 0,4 0,4 0,4 0,4 0,4 0,4

TOTAL COLLECTIVITÉS pour l’exploitation 5,8 5,5 5,7 6,2 6,0 6,2Subventions d’investissement des collectivités 3,0 3,4 2,9 2,6 2,1 4,2TOTAL COLLECTIVITÉS pour l’exploitationet l’investissement

8,8 8,9 8,6 8,8 8,1 10,4

Régimes de retraite (compensations interrégimes) 4,8 4,7 4,6 4,5 3,8 3,3TOTAL AUTRES COLLECTIVITÉS 13,6 13,6 13,2 13,3 11,9 13,7

TOTAL GÉNÉRAL pour l’exploitation 27,5 26,4 26,9 28,3 28,3 27,4TOTAL GÉNÉRAL pour l’exploitationet l’investissement

31,6 31,0 31,4 32,3 31,9 33,4

TOTAL GÉNÉRAL 54,6 62,1 64,5 67,5 66,1 67,5* Réalisé de 1996 à 2000 / budget pour 2001

Annexe 13 219

Page 220: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 221: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Annexe 14

Graphique d’évolution 1991-2004des investissements du systèmeferroviaire (en millions de francs)

Annexe 14 221

Source : SNCF/SI/SB

Page 222: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 223: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Annexe 15

Comparaison des plansde développement ferroviaireen Europe

Annexe 15 223

Page 224: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

224 Annexes

Pays

Réf

éren

ced

ep

lan

ific

atio

nO

bje

ctif

sd

ese

rvic

e(%

ann

uel

mo

yen

)et

par

td

em

arch

é(P

DM

)

Infr

astr

uct

ure

sR

yth

me

mo

yen

enm

illia

rds

de

fran

cs(G

F)G

F/an

MF/

km2

F/h

ab%

PIB

MF/

kmd

elig

nes

UK

Plan

tran

spor

t20

10(7

/00)

ASt

rate

gic

Age

nda

bySR

A1/

3/20

01ci

tépa

rsi

rA

.Mor

ton

(6/0

1)

Voy

.+50

%su

rdi

xan

sso

it+

4,1

%an

dont

inte

rcit

y+

80%

(+6,

1%

)fr

et:+

80%

ou+

15G

TK(+

6,1

%)

63G

L=

668

GF

dont

307

publ

icpo

ur20

01-2

010

670,

281

124

0,77

3,98

DPr

ogra

mm

eD

B5/

2001

2001

/200

5D

oubl

emen

tdu

traf

icfe

rrov

iair

een

2015

:+4,

7%

par

an

263,

7G

Fpo

ur20

01/2

005

dont

156,

8in

fra

53do

nt32

0,15

0,09

644

389

0,42

0,25

1,39

0,84

IPl

angé

néra

ldes

tran

spor

ts20

01/2

010

de1/

2001

Voy

.:+

37à

+60

%su

r19

98/2

010

soit

+2,

3,7

%pa

ran

selo

nPI

BPD

Mde

10,6

à12

,5%

tonn

es:9

118

%su

r19

98/2

010

soit

+5,

6,2

%pa

ran

selo

nPI

BPD

Mde

3,3

à5,

6%

62G

E=

406,

7G

Fpo

ur20

01-2

010

410,

1471

20,

502,

56

EPl

and’

infr

astr

uctu

res

2000

/200

7V

oy.:

de24

64M

en20

07do

nt26

enin

teru

rbai

nPD

Min

teru

rbai

nde

11à

28%

751

GF

x33

%fe

rrov

iair

e=

248

GF

pour

2000

/200

635

0,07

888

0,75

2,84

CH

Fina

ncem

ent

del’i

nfra

stru

ctur

ede

str

ansp

orts

publ

ics

(mes

sage

du26

/6/9

6)

29,4

GFS

x4,

28=

125,

8G

F(1

997/

2017

)6,

3(1

)0,

241

396

0,60

1,99

BPl

and’

inve

stis

sem

ent

ferr

ovia

ire

2001

/201

2an

nexé

auco

ntra

tde

gest

ion

du30

/3/0

1

16,1

GE

=10

5,6

GF

644

GFB

(+10

GFB

)8,

80,

2086

30,

542,

58

Fran

ceC

onfé

renc

ede

pres

sedu

min

istr

edu

8/2/

99po

urle

sin

fras

truc

ture

s.Pr

ojet

desc

hém

asde

serv

ice

10/2

000

Scén

ario

mul

tim

odal

volo

ntar

iste

MV

voy.

de51

GV

K(1

996)

à85

(202

0)so

it+

2,2

%/a

nPD

M:d

e16

à15

%fr

etde

48G

TK(9

6)à

100

(10)

et15

0(2

0)so

it5,

4%

et4,

9%

etPD

Mde

18à

32%

120

GF

(200

0/20

10)

ycgr

osen

tret

ien

120,

0220

30,

140,

38

(1).

Poin

teà

10G

F/an

pend

ant

huit

ans.

Page 225: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Annexe 16

Évolution 1985-2000 des trafics,des effectifs et de la productivitéde la SNCF à périmètre constanthors SERNAM

An

née

s

Vo

yag

eurs

(mill

iard

sd

eV

K)

Fret

wag

on

s(m

illia

rds

de

TKt)

Effe

ctif

sm

oye

ns

1

Effe

ctif

sm

oye

ns

2

Traf

icéq

uiv

.3

(mill

iard

sd

’UK

E)

Pro

du

ctiv

ité

1

(mill

iers

d’U

KE/

agen

t)

Pro

du

ctiv

ité

2

(mill

iers

d’U

KE/

agen

t)

1985 62,07 54,22 232 250 120,4 518,41986 59,86 50,15 224 100 115,9 517,21987 59,97 49,79 214 130 115,4 538,91988 63,29 50,67 205 610 120,3 585,11989 64,18 51,56 199 220 122,5 614,91990 63,74 49,68 195 430 120,8 618,11991 62,30 49,40 192 180 196 700 118,4 616,1 601,91992 62,98 48,21 191 540 117,2 611,91993 58,43 43,62 185 800 109,3 588,31994 58,93 47,14 179 650 110,2 613,41995 55,56 46,56 175 320 104,0 593,21996 59,77 48,31 172 490 111,1 644,11997 61,83 52,63 170 420 115,9 680,11998 64,46 52,66 171 130 119,2 696,51999 66,59 52,11 170 420 122,7 720,02000 69,87 55,35 174 850 129,5 740,6

Évolutionsraccord en 1991 raccord en 1991

1985 -2000 12,6 % 2,1 % -26,4 % 7,6 % 46,2 %moy. /an 0,8 % 0,1 % -2,0 % 0,5 % 2,6 %1996 -2000 16,9 % 14,6 % 1,4 % 16,6 % 15,0 %moy. /an 4,0 % 3,5 % 0,3 % 3,9 % 3,6 %1. Effectifs du cadre permanent en équivalent temps plein +contractuels à temps plein seulement.2. = (1) + contractuels à temps partiel décomptés en équivalent agent à temps plein, décompte en effectifsmoyens de gestion à partir de 1999.3. UKE = unités kilométriques équivalentes selon la référence 1995. Les unités kilométriques équivalentes cor-respondent à une mesure pondérée des différents types de trafics de la SNCF, mise au point pour les dernierscontrats de plan État/SNCF ; les VK et les TK sont décomptés par sous-activité et pondérés par les produitsmoyens dans chaque sous-activité, sachant qu’un VK en seconde classe est conventionnellement compté pourune UKE.

Annexe 16 225

Page 226: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 227: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Annexe 17

Lettre du président de la SNCFau directeur des transports terrestresdu 13 septembre 2001 (relativeaux dossiers d’instruction mixte à l’échelon centraldes projets d’infrastructures ferroviaires inscritsau contrat de plan État/région PACA, accompagnéed’observations générales communes à l’ensembledes projets)

Monsieur Hubert du MesnilDirecteur des transports terrestres

Ministère de l’Équipement,des Transports et du Logement

Paris, le 13 septembre 2001

Monsieur le directeur,

Par lettre du 9 août, vous avez demandé l’avis de la SNCF sur les dossiers d’instructionmixte à l’échelon central des quatre grands projets d’infrastructure ferroviaire inscritsau contrat de plan État-région de Provence-Alpes-Côte d’Azur : modernisationAix-Marseille, capacité Marseille-Aubagne-Toulon, capacité Cannes-Nice et réouverture(avec électrification) de Cannes-Grasse.

Je tiens en premier lieu à vous confirmer que la SNCF est très attachée à la réalisationrapide de ces projets qui conditionnent le développement des activités de transport fer-roviaire sur la région PACA, que ce soit pour l’activité TER bien évidemment, mais aussiles rotations grandes lignes et fret.

Au-delà des investissements d’infrastructures nécessaires sur domaine RFF, ces opéra-tions constituent avant tout des projets de services ferroviaires qu’il convient d’aborderet de traiter aussi sous chacun de leurs autres aspects : gares et pôles d’échanges, équi-pements d’exploitation, matériel roulant. Ces points sont bien abordés sur le plan duprincipe, mais sans que les dossiers ne chiffrent les investissements nécessaires sur ledomaine SNCF.

Annexe 17 227

Page 228: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Or, ces investissements sont indispensables à la réussite des projets et à l’établissementdes bilans socio-économiques. Par ailleurs, il est indispensable que la mise en place desdessertes projetées ne conduise pas à une dégradation de la fiabilité des conditionsd’exploitation. Vous trouverez en annexe les observations de la SNCF qui, pour l’essen-tiel, portent sur ces points.

La publication de ces dossiers revêt une importance certaine car les grandes orienta-tions qui y figurent ne manqueront pas de constituer une référence pour les phasesultérieures de définition et d’instruction. C’est pourquoi la SNCF, mais aussi vraisembla-blement les collectivités territoriales, qui auront l’une et les autres à assumer dans ladurée de lourdes responsabilités financières, ne peuvent exprimer une totale adhésionà ces projets sans avoir préalablement pu expertiser et approuver l’évolution des traficsespérés et les conditions de leur exploitation

Il importe qu’une partie significative de ces incertitudes soit levée avant l’élaborationdes dossiers de DUP et que toutes les assurances soient acquises, rapidement et en toutétat de cause avant la fin des avant-projets sommaires, quant à l’exploitabilité opéra-tionnelle des services proposés.

Je vous prie de croire, Monsieur le directeur, à l’assurance de ma considérationdistinguée.

Louis Gallois

* * *

Observations générales communes à l’ensembledes projets

Étude de trafic

Les prévisions de trafic et les bilans économiques du transporteur constituent des élé-ments essentiels des dossiers aux yeux de la SNCF. Les prévisions de trafic sont en effetindispensables pour déterminer l’offre commerciale et le parc de matériel roulantnécessaire à l’exploitation. Elles permettent en outre d’évaluer les recettes et les char-ges futures de l’entreprise ferroviaire ainsi que les subventions d’exploitation des col-lectivités territoriales pour les dessertes TER.

Contrairement à la directive de la DTT du 28 décembre 2000 (circulaire Seligman), laSNCF n’a pu conduire les études de prévisions de trafics ni même avoir connaissance deshypothèses retenues. Il ne lui est donc pas possible de se prononcer sur leur validité.

228 Annexes

Page 229: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

D’ores et déjà, certaines propositions comme l’autorisation d’accès de trains grandeslignes aux voyageurs régionaux (cette mesure, évoquée au chapitre 4.3 du dossier Mar-seille-Aubagne, suppose l’utilisation des TGV par les titulaires d’abonnement régio-naux) ou des arrêts supplémentaires de trains grandes lignes ne paraissent pas devoirêtre acceptées.

Par ailleurs, certaines dessertes TER devraient conduire à des allongements de temps deparcours de plusieurs minutes pour les trains grandes lignes (en particulier pour ceuxqui n’ont pas d’arrêt entre Marseille et Toulon ou entre Cannes et Nice) et au réaména-gement des horaires pour les trains de fret. S’il n’est pas possible d’éviter ces inconvé-nients et leurs conséquences en termes de trafic et de recettes, la SNCF ne sauraitdonner son accord sans une prise en charge des pertes financières correspondantes.

Il est indispensable de prendre en compte les besoins et les perspectives de développe-ment des activités fret et grandes lignes.

Bilans socio-économiques et montants des projets

Les bilans socio-économiques sont limités au seul périmètre de l’infrastructure. Ils netiennent pas compte des investissements de l’entreprise ferroviaire nécessaires àl’exploitation du projet : matériel roulant, aménagements de gares (téléaffichage,signalétique, bâtiments voyageurs, pôles d’échanges, contrôles d’accès...), et installa-tions fixes d’entretien du matériel roulant, Or, compte tenu de l’augmentation trèsimportante des dessertes qui fondent ces projets, les investissements sur ces pointsseront très importants.

Les quatre bilans étant appelés à être examinés simultanément, il paraît nécessaired’adopter une présentation et une méthodologie cohérentes (les bilans socio-économi-ques présentés sont établis sur trente ans dans un cas et cinquante ans dans l’autre).

Par ailleurs, pour ceux qui comportent des éléments concernant l’entreprise ferroviaire,ils ont été établis sans études détaillées de la SNCF et ne sauraient l’engager sur lesmontants de dépenses supplémentaires à la charge des collectivités.

Pour mener à bien une analyse complète de l’impact sur le transporteur de ces projets,il serait nécessaire d’avoir à disposition les schémas de desserte sur l’ensemble de lajournée et dans les deux sens. Les dossiers ne contiennent généralement qu’une des-cription des heures de pointes et que dans le sens de la pointe.

Enfin, ils ne comportent aucune hypothèse sur les péages d’infrastructure. Ceux-ci sontcertes théoriquement 1 sans influence sur le bilan socio-économique global. Mais ils neseront pas sans conséquences sur le bilan du transporteur et donc sur les montants àfacturer à la collectivité et, in fine, sur le niveau de la desserte.

Influence sur la circulation ferroviaire et les nœuds

En complément des études par axe qui restent à approfondir, notamment pour s’assu-rer que les projets prennent en compte également le développement des trains grandeslignes et fret, il convient d’examiner les contraintes supplémentaires qui seront créées

Annexe 17 229

1. Cela suppose que le comportement du transporteur n’est pas modifié par le niveau de péage, ce qui sera faux dans lefutur.

Page 230: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

au niveau des complexes ferroviaires de Marseille Saint-Charles et de Nice et leur capa-cité à absorber les accroissements de dessertes envisagés. L’étude de ces nœuds cons-titue un préalable indispensable à toute validation sur ces projets de dessertes.

Les quatre études touchant le même axe méditerranéen, il convient enfin de s’assurerqu’elles sont cohérentes entre elles, celles du secteur marseillais pouvant interférer surcelles du secteur azuréen, et réciproquement. Enfin, la réalisation simultanée de tra-vaux de cette importance sur un axe déjà très chargé pourrait imposer des détenteshoraires, voire des interruptions de circulation, incompatibles avec les temps de par-cours actuels, générant ainsi des pertes de trafic et de recettes pour la SNCF qu’il fau-drait prendre en compte dans le projet.

Les dessertes proposées tendent à saturer les sections de lignes concernées. La SNCFsouligne la nécessité de réaliser des études de robustesse avant de valider définitive-ment les dessertes. Par ailleurs, les circulations, et la préservation des capacités dedéveloppement fret et grandes lignes constituent une des dimensions de la nécessitéd’une étude d’exploitation globale (TER, grandes lignes, fret, infra) qu’il est maintenantnécessaire de mener rapidement afin de consolider les propositions de desserte TER.

Installations de traction électrique

Il convient de s’assurer que la puissance des installations de traction électrique existan-tes sera suffisante pour faire face aux augmentations de trafic envisagées (sous peinede dégradation inacceptable des temps de parcours).

Réalisations des projets et maintenance ultérieure

Les coûts des travaux, leur réalisation sur des voies exploitées, leur durée, les contrain-tes logistiques, ne pourront être définis qu’au terme des phases d’avant-projet. Ilconviendra alors que la SNCF soit consultée en temps utile pour valider ces différentspoints.

La réalisation de ces projets engendrera des coûts d’entretien supplémentaires pour laSNCF (prise en qualité de gestionnaire délégué de l’infrastructure) qui ne peuvent êtreappréhendés avec précision ; de ce fait, la SNCF ne saurait être engagée, même tacite-ment, dans le cadre de la présente procédure. Ces surcoûts devront être intégrés à laconvention de gestion SNCF/RFF. Il est donc indispensable que la SNCF soit en mesurede se prononcer le plus en amont possible sur les hypothèses de calcul et les surcoûtspris en compte dans les bilans.

Consistance des dossiers

Certaines imperfections des dossiers (schémas incomplets ou mal positionnés, fautesde frappe...) sont explicables par les délais tendus imposés pour leur confection.

230 Annexes

Page 231: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Annexe 18

Graphique d’évolution 1997-2000des investissements de sécuritéhors KVB de RFF et de la SNCF(en millions de francs)

Annexe 18 231

Source : rapports sécurité SNCF

Page 232: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 233: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Annexe 19

Graphique d’évolution 1987-2000des investissements de sécurité dusystème ferroviaire (en millions de francs)

Annexe 19 233

Source : rapports sécurité SNCF

Page 234: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 235: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Annexe 20

Graphique d’évolution 1992-2000des trafics des services ferroviairesrégionaux de voyageurs (en milliardsde voyageurs-kilomètres)

Annexe 20 235

Source : SNCF

Page 236: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 237: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Annexe 21

Graphique d’évolution 1994-2000des parcours totaux des TER etdes EIR/express d’intérêt régional(en milliards de trains ou de cars kilomètres)

Annexe 21 237

Source : SNCF

Page 238: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 239: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Annexe 22

Montants des investissementsen matériel roulant neufdes collectivités régionalessur la base des conventions signéesau 31/08/2001 (en millions de francs)

ALSACE 366

AQUITAINE 414

AUVERGNE 414

BASSE-NORMANDIE 646

BOURGOGNE 155

BRETAGNE 138

CENTRE 1 455

CHAMPAGNE-ARDENNES 179

FRANCHE-COMTÉ 55

HAUTE-NORMANDIE 74

LANGUEDOC-ROUSSILLON 204

LIMOUSIN 167

LORRAINE 451

MIDI-PYRÉNÉES 333

NORD-PAS-DE-CALAIS 1 190

PAYS DE LA LOIRE 416

PICARDIE 946

POITOU-CHARENTE 139

PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR 1 979

RHÔNE-ALPES 1 965

TOTAL 11 686

Annexe 22 239

Page 240: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 241: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Annexe 23

Graphique d’évolution 1992-2000des recettes, y compriscompensations des tarifs sociaux,des services ferroviaires régionaux devoyageurs (en milliards de francs HT)

Annexe 23 241

Source : SNCF

Page 242: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire
Page 243: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Liste alphabétiquedes personnalités auditionnéespar le CSSPF ou son président

Théo Allemann, directeur général de HUPAC SA (Route roulante), Suisse.

Denis Andlauer, secrétaire général de la branche cheminots du syndicat FGTE-CFDTdes personnels de la SNCF.

Bernard Aubin, secrétaire général du syndicat CFTC des personnels de la SNCF.

Michel Aymeric, sous-directeur des transports ferroviaires au ministère de l’Équipe-ment, des Transports et du Logement.

Jean-Paul Bailly, président de la RATP.

Pierre Bauby, directeur de l’observatoire « Électricité et sociétés » à la direction de lastratégie d’EDF.

Jean Bergougnoux, ancien président de la SNCF, chargé d’un rapport sur la régulationdes services publics en réseau pour le Commissariat général du Plan.

Louis Besson, secrétaire d’État au Logement, auteur d’un rapport sur les traverséesalpines (1993).

Louis Birkel, secrétaire national du syndicat FGAAC des agents de conduite de la SNCF.

Olivier Blanc, Business Planning Manager, Thameslink Rail Ltd, Grande-Bretagne.

Anne Bolliet, conseillère technique auprès du ministre chargé des Transports.

Patrice Boudet, syndicat CGT des personnels de la SNCF.

Michel Bouvard, député de la Savoie.

Alain Briffod, chef de la mission de contrôle économique et financier des transports auministère de l’Économie, des Finances et de l’industrie.

Jean-Claude Brunier, président de la société TAB, responsable transport de l’AFCI(Association française des chambres de commerce et d’industrie).

Henri Célie, membre du Bureau national du syndicat SUD-Rail des personnels de laSNCF.

Patrick Charpentier, directeur de la stratégie et du développement à la direction dufret de la SNCF.

Bernard Château, directeur de ENERDATA SA.

Liste alphabétique des personnalités auditionnées par le CSSPF ou son président 243

Page 244: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Jacques Chauvineau, membre du Conseil économique et social, ancien directeur del’action régionale de la SNCF.

Philippe Citroën, directeur de la stratégie de la SNCF.

Michel Coster, directeur commercial et des affaires internationales de la société Cham-pagne-Céréales.

Jacques Couvert, directeur général délégué exploitation de la SNCF.

Philippe Crist, direction de l’environnement de l’OCDE.

Denys Dartigues, directeur Île-de-France à la SNCF.

Olivier Debains, directeur financier de RFF.

Jean-François Debat, conseiller technique auprès du secrétaire d’État au Logement.

Alain Declercq, directeur de la région SNCF de Strasbourg.

Nelle Dell Ambrogio, directeur du projet Gothard-Alp-Transit, Suisse.

M. Denjan, directeur délégué adjoint du fret, région SNCF de Chambéry.

Pierre Desfray, chef du bureau « sécurité ferroviaire » à la direction des transports ter-restres au ministère de l’Équipement, des Transports et du Logement.

Francis Dianoux, membre du Bureau national du syndicat SUD-Rail des personnels dela SNCF.

Georges Di Lallo, dirigeant d’Usinor, président de la commission ferroviaire de l’AUTF(Association des utilisateurs de transport de fret), co-porte-parole du GIFF (Grouped’intérêts pour le fret ferroviaire).

Claire Dreyfus-Cloarec, directrice « Économie et finances » de la SNCF.

Dominique Dron, directrice de la cellule prospective et stratégie au ministère del’Aménagement du territoire et de l’Environnement.

Jacques Duron, secrétaire national du syndicat UNSA des personnels de la SNCF.

Michel Étienne, directeur de la sécurité de la SNCF.

Éric Falempin, secrétaire général du syndicat CGT-FO des personnels de la SNCF.

Denis Falguier, chargé de mission « Transports » à la DATAR.

Mme Ferner, secrétaire d’État chargée des Transports, Allemagne.

Éric Ferron, secrétaire fédéral du syndicat CGT des personnels de la SNCF.

Éric Fournier, vice-président du conseil régional Rhône-Alpes, chargé des transports.

Jacques Fournier, conseiller d’État, ancien président de la SNCF.

Joachim Fried, directeur de cabinet du président du directoire de la Deutsche Bahn AG,Allemagne.

Louis Gallois, président du conseil d’administration de la SNCF.

244

Page 245: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Laurent Galzy, sous-directeur à la direction du Budget au ministère de l’Économie, desFinances et de l’Industrie.

Jean-Louis Gayon, directeur Île-de-France-Normandie de la CNC (Compagnie nouvellede conteneurs).

Alain Gernigon, expert en signalisation ferroviaire.

Joseph Giordano, responsable du syndicat CGC des personnels de RFF.

René Girard, conseiller régional Rhône-Alpes.

Maurice Girault, chargé de mission du service économique et statistique, ministère del’Équipement, des Transports et du Logement.

Paul Girod de Langlade, préfet de Savoie.

Nicole Guilhaudin, conseillère régionale Rhône-Alpes.

Jean Guillot, directeur général adjoint du STIF (syndicat des transports d’Île-de-France).

Geoff Harrison-Mee, Corporate Rail Development Director, CONNEX, Grande-Bre-tagne.

Heinz Hilbrecht, directeur des transports terrestres à la direction de l’énergie et destransports (DG TREN) de la Commission européenne.

Anne-Marie Idrac, députée, ancienne secrétaire d’État aux Transports.

Pierre Izard, directeur des ressources humaines de la SNCF.

Nicolas Jachiet, chef du service des participations à la direction du Trésor au ministèrede l’Économie, des Finances et de l’Industrie.

Claude Jehan, syndicat FO des personnels de la SNCF.

Guy Jenoudet, chargé de mission affaires portuaires et fluviales à la direction fret de laSNCF.

Daniel Junker, syndicat CGT des personnels de la SNCF.

M. Kandels, chef du service des capacités, DB NETZ, Allemagne.

Jocelyne Kriner, directrice de l’établissement exploitation SNCF de Ville-neuve-Saint-Georges.

Jean-Marc Lacave, directeur général du port autonome du Havre.

François Lamoureux, directeur général de la direction général « Transports eténergie » (DG TREN) de la Commission européenne.

Olivier Lamy, société SIGMA-MAGEFI.

Daniel Lancien, adjoint du chef du département systèmes d’exploitation et sécurité,direction de l’infrastructure de la SNCF.

Jean-Pierre Lapaire, maire de Saint-Jean de Braye, délégué du GART (groupement desautorités responsables des transports).

Liste alphabétique des personnalités auditionnées par le CSSPF ou son président 245

Page 246: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

André Laumin, délégué de la Fédération nationale des associations d’usagers destransports (FNAUT).

Philippe Laumin, délégué régional Alsace et Lorraine de RFF.

Noël Lebel, secrétaire général de la mission Alpes au ministère de l’Équipement, desTransports et du Logement.

Patrick Lefevre, délégué SNCF pour le port du Havre.

Loïk Le Floch-Prigent, ancien président de la SNCF.

Gérard Lemaire, délégué général de l’Association des régions de France (ARF).

Didier Le Reste, secrétaire général du syndicat CGT des personnels de la SNCF.

Jean-Claude Lermusieaux, chargé de la répartition des capacités de la Société ferro-viaire belge (SNCB), Belgique.

Patrice Leroy, directeur délégué au Bassin parisien et au périurbain SNCF.

Jean Macaire, directeur de l’unité d’affaire transport intermodal et messagerie, direc-tion fret de la SNCF.

Olivier Marembaud, directeur du transport public régional et local SNCF.

Josselin Martel, directeur des opérations LGV Méditerranée, PACA et Langue-doc-Roussillon de RFF.

Claude Martinand, président du conseil d’administration de RFF.

Fabiola Mascardi, conseillère auprès de Mme de Palacio, vice-présidente de la Commis-sion européenne chargée des transports.

Hartmut Mehdorn, président du directoire de la Deutsche Bahn AG, Allemagne.

Roland Merloz, maire de Saint-Jean-de-Maurienne, conseiller général de Savoie.

Serge Mery, vice-président du conseil régional d’Île-de-France, chargé des transports.

Hubert du Mesnil, directeur des transports terrestres au ministère de l’Équipement,des Transports et du Logement.

Pierre Messulam, directeur régional SNCF de la région de Paris-Sud-Est.

Serge Michel, délégué régional Bretagne et Pays de la Loire de RFF.

Alain Morcheoine, directeur de l’air et des transports de l’ADEME (Agence de l’envi-ronnement et de la maîtrise de l’énergie).

Sir Alastair Morton, président de Strategic Rail Authority (SRA), ancien présidentd’Eurotunnel, Grande-Bretagne.

Michel Mousel, président de la mission interministérielle de l’effet de serre (MIES)auprès du Premier ministre.

Anna Ottavianelli, secrétaire générale de la Communauté des chemins de fer euro-péens (CCFE), Belgique.

Jean Philippe, directeur de la mission Lyon-Montmélian-Turin à la SNCF.

246

Page 247: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Claude Quinchon, chef du département circulation, direction déléguée produc-tion-méthodes, direction de l’infrastructure de la SNCF.

Georges Ribeill, historien et sociologue, directeur de recherche au LATTS (École natio-nale des ponts et chaussées).

Jean-Pierre Ribière, président de l’Association des utilisateurs des transports de fret(AUTF).

Jean-Michel Richard, directeur du réseau ferré à RFF.

Gérard Rigaud, chef du département transport à la direction fret de la SNCF.

Roger Rinchet, sénateur-maire de Montmélian.

Mathias Rinderknecht, fonctionnaire de l’Office fédéral des transports (OFT), Suisse.

Michel Rivoire, directeur général du GIP TransAlpes.

Michael Robson, National Planning Manager for Engineering Access, RAILTRACK,Grande-Bretagne.

Jean-Louis Rohou, directeur des relations institutionnelles et territoriales de RFF.

Francis Rol-Tanguy, directeur général délégué fret de la SNCF.

Gilles Savary, député européen.

Bernard Schaer, directeur de l’ingénierie de la SNCF.

Paul Scherrer, directeur technique du port autonome du Havre, directeur du projet« Port 2000 ».

Jean-Jacques Sereni, expert de la signalisation ferroviaire, retraité SNCF.

Klaus Soffner, responsable ferroviaire du ministère chargé des Transports du Land deBavière, Allemagne.

Piero Solca, directeur logistique et qualité de HUPAC SA, Suisse.

Rémy Souchon, directeur environnement de la société « Les 3 Suisses ».

Bernard Soulage, président de la commission transports au conseil régionalRhône-Alpes.

Marc Strauss, conseiller « Transports » à la représentation française auprès de l’Unioneuropéenne.

Sylvie Targa, administratrice déléguée de Fret Italia SNCF, Italie.

Peter Testoni, sous-directeur de l’Office fédéral des transports, Suisse.

Éric Tournebœuf, secrétaire général du syndicat UNSA-Cheminots des personnels dela SNCF.

Hervé de Tréglode, directeur de la stratégie de RFF.

Chris Trerise, Ressources Planning Manager, THAMESLINK RAIL Ltd, Grande-Bretagne.

Bernard Trousset, secrétaire national du syndicat CFE-CGC des personnel de la SNCF.

Liste alphabétique des personnalités auditionnées par le CSSPF ou son président 247

Page 248: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Patrick Truchot-Cottart, ancien délégué du syndicat CGC des personnels de la SNCF.

Jacques Ville, membre du Conseil général des ponts et chaussées, chargé d’une mis-sion d’audit sur la sécurité ferroviaire.

Christian Vilmart, chargé de mission au Commissariat général du Plan.

Benoît Vincent, syndicat CFDT des personnels de la SNCF.

Jean-Arnold Vinois, chef de l’unité « Transport ferroviaire et transport combiné » à ladirection générale transports et énergie (DG TREN) de la Commission européenne.

M. Weiss, responsable « Transports » au conseil régional d’Alsace.

Chris Welsh, délégué de EUROPEAN SHIPPER’S COUNCIL (association des chargeurseuropéens), Belgique.

Jean Wieland, délégué du Syndicat national des cadres supérieurs de la SNCF.

Tom Windsor, The Rail Regulator (Régulateur du système ferroviaire), Grande-Bretagne.

Adrien Zeller, président du conseil régional d’Alsace, délégué de l’Association desrégions de France (ARF).

Thierry Zettel, secrétaire général de l’Association Trans-Europe TGV Rhin-Rhône-Méditerranée.

248

Page 249: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Décret de création du CSSPF

4354 Journal officiel de la République française 23 mars 1999

Ministère de l’Équipement, des Transports et du Logement

Décret no 99-221 du 19 mars 1999relatif au Conseil supérieur du service

public ferroviaire

NOR : ECUT9900124D

Le Premier ministre,Sur le rapport du ministre de l’Équipe-ment, des Transports et du Logement,Vu la loi no 82-1153 du 30 décembre 1982modifiée d’orientation des transportsintérieurs ;Vu la loi no 97-135 du 13 février 1997 por-tant création de l’établissement public« Réseau ferré de France » en vue du re-nouveau du transport ferroviaire ;Vu le décret no 83-1025 du 28 novembre1983 concernant les relations entre l’ad-ministration et les usagers,

Décrète :

Art. 1er. – Il est institué un Conseil supé-rieur du service public ferroviaire placé au-près du ministre chargé des Transports

TITRE 1er

ATTRIBUTIONS DU CONSEIL

Art. 2. – Dans le cadre des orientations dela politique des transports fixées par leGouvernement, dans une optique d’amé-nagement du territoire et de développe-ment durable, le Conseil veille au dévelop-pement et à l’évolution équilibrée dusecteur ferroviaire, à l’unicité du servicepublic ferroviaire, à la cohérence dans lamise en œuvre de ces orientations par lesétablissements publics Réseau ferré de

France et Société nationale des cheminsde fer français, ainsi qu’au respect desmissions de service public de ces deuxétablissements.

Art. 3. – Il peut être consulté par le ministrechargé des Transports sur toute questionrelative à l’organisation et au fonctionne-ment du secteur ferroviaire et à l’accomplis-sement des missions respectives des deuxétablissements publics, ainsi que sur lesprojets de textes législatifs et réglementai-res et les projets de textes communautaires,relatifs au transport ferroviaire.Le Conseil adresse ses avis au ministre dansle délai d’un mois à compter de sa saisine.Toutefois, en cas d’urgence, le ministrepeut demander au Conseil de rendre sonavis dans un délai plus bref qu’il fixe aprèsconsultation du président.

Art. 4. – Le Conseil peut décider, à la ma-jorité de ses membres, de se saisir detoute question entrant dans son domainede compétence.Il peut, après en avoir informé le ministrechargé des Transports, rendre publics lesavis, observations et recommandationsqu’il émet dans le cadre du présent article.

Art. 5. – Le Conseil peut recueillir toutesles informations utiles à l’accomplisse-ment de ses missions.Il peut procéder, après en avoir informé leministre chargé des Transports, à touteaudition qu’il estime nécessaire au bonaccomplissement de ses missions.

Décret de création du CSSPF 249

Page 250: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

Art. 6. – Le Conseil établit un rapport an-nuel qui précise notamment les condi-tions dans lesquelles est assuré lefonctionnement du service public destransports ferroviaires. Il relate, en outre,les activités du Conseil et répertorie lesavis publics qu’il a émis au cours de l’exer-cice écoulé.Ce rapport est remis au Premier ministreet aux présidents de l’Assemblée natio-nale et du Sénat. Il est rendu public.

Art. 7. – Le Conseil effectuera, dans un dé-lai de trois ans à compter de sa création,une évaluation de la réforme du secteurdu transport ferroviaire, notamment ence qui concerne la situation économiqueet financière du secteur, l’unicité du ser-vice public et les rapports sociaux. Il éta-blira un bilan qui sera présenté auParlement et rendu public.

TITRE IICOMPOSITION DU CONSEIL

Art. 8. – Le Conseil supérieur du servicepublic ferroviaire comprend :– trois députés, désignés par le présidentde l’Assemblée nationale ;– trois sénateurs, désignés par le prési-dent du Sénat ;– deux conseillers régionaux ;– un conseiller général ;– un maire ;– le directeur des transports terrestres ouson représentant ;– le délégué à l’aménagement du territoireet à l’action régionale ou son représentant ;– le directeur du Trésor ou son représentant ;– le directeur du Budget ou son représen-tant ;– le commissaire au Plan ou son représen-tant ;– trois personnalités qualifiées dans ledomaine des transports, nommées par ar-rêté du ministre chargé des Transports ;– une personnalité qualifiée dans le do-maine des questions européennes,nommée par arrêté du ministre chargédes Affaires européennes ;

– le président du conseil d’administrationde la Société nationale des chemins de ferfrançais ;– le président du conseil d’administrationde Réseau ferré de France ;– onze représentants des salariés de laSNCF, nommés par arrêté du ministrechargé des Transports, sur propositiondes organisations syndicales les plus re-présentatives du personnel de cet établis-sement public, à raison d’un au minimumpar organisation représentative ;– un représentant des salariés de Réseauferré de France, nommé par arrêté du mi-nistre chargé des Transports, sur proposi-tion des organisations syndicales les plusreprésentatives du personnel ;– un représentant d’une association deconsommateurs nommé par arrêté du mi-nistre chargé de la Consommation ;– deux représentants des usagers, à raisond’un représentant des voyageurs et d’unreprésentant des chargeurs, nommés pararrêté du ministre chargé des Transports ;– un représentant des chambres de com-merce et d’industrie, nommé par arrêtédu ministre chargé du Commerce et del’Industrie. sur proposition de l’assembléedes chambres françaises de commerce etd’industrie.

Art. 9. – La durée du mandat des mem-bres du Conseil supérieur du service pu-blic ferroviaire est de trois ans. Le mandatest renouvelable.

Art. 10. – Les élus locaux sont nomméspar arrêté du ministre chargé des Trans-ports, sur proposition de leurs associa-tions représentatives respectives.

Art. 11. – Les personnalités qualifiées nepeuvent exercer des fonctions soit auprèsdu ministre chargé des Transports ou desétablissements relevant de celui-ci, soitauprès des établissements publics « Ré-seau ferré de France » et « Société natio-nale des chemins de fer français », ou deleurs groupes, ni conserver, ni prendre du-rant leurs fonctions au sein du Conseil par

250

Page 251: evaluation de la reforme du secteur du transport ferroviaire

elles-mêmes ou par personne interposée,des intérêts de nature à compromettreleur indépendance.

Art. 12. – Les membres du Conseil veillentà garantir la confidentialité des faits, in-formations ou documents dont ils ontconnaissance dans l’exercice ou à l’occa-sion de l’exercice de leurs fonctions ausein du Conseil.

Art. 13. – Le Conseil élit en son sein unprésident choisi parmi les membres parle-mentaires, pour une durée de trois ans.Les candidatures à la présidence du Con-seil doivent être déposées au secrétariatde celui-ci quinze jours avant la réunionconsacrée à l’élection. Toutefois, à l’occa-sion de la première installation du Con-seil, aucun délai n’est exigé

Art. 14. – Les membres du Conseil per-dent cette qualité en même temps que lesmandats au titre desquels ils ont été dési-gnés ou lorsqu’ils cessent de remplir lesconditions prévues à l’article 11 ci-dessus.En cas de vacance d’un siège la durée dela nouvelle nomination est limitée à lapériode restant à courir.

TITRE IIIFONCTIONNEMENT DU CONSEIL

Art. 15. – Le Conseil se réunit en séancesordinaires au moins trois fois par an, surconvocation de son président comportantl’ordre du jour de la séance. La convoca-tion est adressée quinze jours au moinsavant la date de sa réunion. En cas d’ur-gence, ce délai peut être réduit, mais nepeut être inférieur à quarante-huit heures.

Art. 16. – Lors de la première réunion des-tinée à l’élection de son président, le Con-seil est convoqué et présidé par le doyende ses membres parlementaires.

Art. 17. – Le Conseil délibère sur les affai-res de sa compétence. Il ne peut valable-ment délibérer que si dix-neuf de sesmembres en exercice sont présents. Si cequorum n’est pas atteint, le Conseil est

convoqué à nouveau dans un délai de dixjours et délibère alors à la majorité desmembres présents.En cas de partage des voix, le présidentdispose d’une voix prépondérante.Chaque réunion fait l’objet d’un pro-cès-verbal signé du président du Conseil.Le Conseil établit son règlement intérieur.

Art. 18. – Le Conseil dispose de moyensde fonctionnement et d’un secrétariat.Les dépenses proposées par le présidentdu Conseil sont ordonnancées par le mi-nistre chargé des Transports.

Art. 19. – Le ministre des Affaires étrangè-res, le ministre de l’Économie, des Finan-ces et de l’Industrie, le ministre del’Équipement, des Transports et du Loge-ment, la ministre de l’Aménagement duterritoire et de l’Environnement, le mi-nistre délégué chargé des Affaires euro-péennes et le secrétaire d’État au Budgetsont chargés, chacun en ce qui leconcerne, de l’exécution du présent dé-cret, qui sera publié au Journal officiel dela République française.

Fait à Paris, le 19 mars 1999.

Lionel Jospin

Par le Premier ministre :

Le ministre de l’Équipement,des Transports et du Logement,Jean-Claude Gayssot

Le ministre des Affaires étrangères,Hubert Védrine

Le ministre de l’Économie, des Financeset de l’Industrie,Dominique Strauss-Kahn

La ministre de l’Aménagementdu territoire et de l’Environnement,

Dominique Voynet

Le ministre délégué chargédes Affaires européennes,Pierre Moscovici

Le secrétaire d’État au Budget,Christian Sautter

Décret de création du CSSPF 251