Eugène Ysaÿe (em francês)

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COMMUNICATION DE MONSIEUR CLAUDE KEVERS-PASCALIS

Eugne Ysaye

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Communication de Monsieur Constantion Chariot Sance du 6 fvrier 2004

Un Gargantua du violon dans une ville tout sa mesure Les sjours dEugne Ysaye Nancy, 1896-1908La gense dun gnieCest un Oliver Twist qui nat Lige le 16 juillet 1858. Troisime enfant dune famille de quatre, trs modeste, Eugne Ysaye volue durant ses premires annes dans un environnement familial aux fondements musicaux vidents. La famille sinstalle dans la Cit ardente, rue Sainte-Marguerite, dans une misre digne. Nicolas Ysaye, le pre, au caractre ombrageux, est tailleur la journe et musicien le soir. En 1865, il devient aux prix defforts considrables, chef de lorchestre du Thtre Royal de Mons... Largent ne coule pas ots dans cette famille nombreuse ! Pour le petit Eugne, apprendre le violon quatre ans avec un pre caractriel nest pas chose facile. Coups de trique, griffes et brimades sont frquents. Ds lge de six ans, lenfant joue le soir et le samedi, lglise et aux ftes populaires, sous lintransigeante frule de son pre. Pourtant, malgr un caractre pouvantable, Eugne considrera toujours, pour la vie entire, son pre comme son vritable matre ! Curieuse relation damour, exclusive et violente, de reconnaissance et de frustrations affectives, dincomprhensions et de permissivit, que celle qui, tard encore, liera Eugne son pre...

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Violoneux et mnestrel, Nicolas rve pour ses ls dune vie plus sereine et plus brillante que la sienne. En 1865, sept ans, Eugne entre au conservatoire de Lige, dans la classe de Dsir Heynberg (qui a form Csar Franck et Marsick, et qui sera professeur au conservatoire de Paris o il formera Enesco et Thibaud) qui crit dans le carnet de notes de llve Ysaye a de grandes dispositions mais ne travaille pas sufsamment. Par son ducation, Eugne a un caractre rebelle, au temprament provocateur. Exclu du conservatoire pour incapacit notoire 11 ans, et surtout pour insolence envers son professeur, qui dteste son pre Nicolas, Eugne continue animer les bals avec Nicolas et Joseph, son frre an. Devenu chef de lOrchestre Royal de Lige, Nicolas Ysaye doit partir pour une longue tourne aux USA et transmet Eugne et Joseph la lourde responsabilit de nourrir la famille (un quatrime enfant, Tho, est n en 1865). Les soucis nanciers, harassants, sont quotidiens ! Eugne a perdu sa mre 10 ans. La famille part en tourne sur les routes de Belgique, dAllemagne, de France et de Suisse, ce qui permet Eugne dacqurir un vaste rpertoire et la curiosit insatiable du dbutant autodidacte. Le pre Ysaye hsite entre ses deux ls, Joseph et Eugne, sur la question de savoir lequel des deux doit embrasser la Carrire. Joseph est plus srieux, mais moins dou ; le jeune Eugne a une immense originalit, une personnalit musicale brillante, certes, mais est beaucoup moins contrlable. Il faut reconnatre, sa dcharge, que son apprentissage du violon sest fait dans une ambiance et un milieu qui ne pouvaient pas tre sans inuence sur le dveloppement de sa personnalit dhomme et dartiste ! Ds 1872, 14 ans, Eugne travaille comme un acharn, dans une cave, et sa virtuosit en devient de plus en plus tourdissante. Le choix de Nicolas est fait, dsormais : cest Eugne quil faudra pousser et non Joseph, qui abandonne le violon, aidera son pre et formera musicalement le petit Tho, cadet de la famille, qui opte pour le piano.

La Voie des MatresPar le plus pur des hasards, de ceux qui font et dfont lexistence, Henri Vieuxtemps, sjournant Lige, et passant devant la maison des Ysaye, entend par la fentre du soupirail de limmeuble son 5me concerto jou de main de matre. Vieuxtemps dsire rencontrer son interprte, sonne la porte, et est accueilli par Nicolas auprs dEugne qui a alors

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14 ans. Vieuxtemps prendra le jeune violoniste sous son aile en faisant rinscrire le jeune garon au Conservatoire de Lige. Eugne entre alors dans la classe de Rodolphe Massart. Trs vite, au Conservatoire, Eugne devient un vrai phnomne aux yeux de ses collgues. En 1873, il obtient un premier prix et la mdaille dor de violon. Cette conscration lui ouvre de nouveaux horizons. Vieuxtemps simpose alors ses yeux comme un matre absolu. Cest cette poque quEugne connat ses premiers grands succs dans le Monde. Il se rend Bruxelles, capitale intellectuelle bouillonnante, pour y suivre, les cours de Vieuxtemps au Conservatoire Royal de Musique. Malheureusement, ds la premire anne, le matre est frapp dune paralysie de la main. Eugne sera alors repris pendant deux ans dans la classe de Wieniawsky. Guri, Vieuxtemps invite Eugne le suivre Paris pour y suivre ses cours. Nous sommes en 1876. Eugne a dix-huit ans.

Paris !Ville de gnie pour les artistes. Berlioz est mort en 1869, Csar Franck (1822-1890), encore dans lombre, y prpare la renaissance de la musique franaise. Bizet, Duparc, Lalo, Faur, Massen et Saint-Saens y travaillent galement. En 1871 Saint-Sans y a fond la Socit Nationale de Musique. Ce nationalisme musical a gnr une haine rciproque entre Wagner et Paris (qui la immdiatement rejet avec son Tannhuser), alors que viennent dtre annexes la Prusse lAlsace et la Lorraine ! Eugne, install Montmartre, suit les cours de Vieuxtemps ; cest lpoque du french cancan, des lles et de labsinthe. Vieuxtemps dcouvre en Eugne un vritable ls spirituel ; ensemble, ils font du quatuor, mais la paralysie du matre reprend ; il ne sera plus, alors, que pdagogue. Jusqu sa mort, Henri Vieuxtemps est pour Eugne Ysaye un deuxime pre ; lui glissant de temps autre un billet de cent francs dans sa veste, le vieux matre attnue un tant soit peu les difcults matrielles chroniques du jeune prodige. Venu Paris tout jeune encore, aprs avoir jou chez Vieuxtemps avec Anton Rubinstein (adul par lEurope entire et qui apprcie beaucoup le jeu du jeune Belge), Ysaye se lie immdiatement avec Csar Franck qui lui fait dcouvrir tout ce que lcole franaise de musique contient de talents et de gnies. Il rencontre Lalo, Chabrier, dIndy, Faur, Chausson,

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Debussy, Bordes,... Bayreuth est cr en 1876 ; cest une onde de choc dans toute lEurope. Wagner submerge lEurope entire ; sa musique est hae ou adule. Cela nimpressionne gure Ysaye qui considrera la musique, sa vie durant, comme un langage universel, quelle quelle soit, sans arrire-pense. Wagner, Saint-Sans, Csar Franck, Bach, Beethoven, Mendelssohn, Mozart, Couperin seront ses matres, ainsi que Vieuxtemps, Wieniawski et Joachim, pour le violon, ou de grands interprtes, comme le pianiste Rubinstein. A Paris, Vieuxtemps dsire quEugne perfectionne son ducation intellectuelle ; il lui fait suivre des cours de langue, dhistoire, de gographie, et le rend coutumier de la visite des muses. Dans les salons parisiens, Eugne rencontre Thodore Lindenlaub, journaliste cultiv et n pianiste, qui deviendra vite un de ses meilleurs amis, et aussi son premier mentor. Dans une grande dtresse matrielle, Eugne sinstalle dnitivement Paris, avec Lindenlaub. Dcrochant, par ncessit, une place temporaire de soliste au Casino dOstende, Ysaye est repr par Benjamin Bilse, impresario et directeur artistique du Konzerthaus de Berlin. Il y est immdiatement engag en qualit de konzertmeister. Avec cette place bien paye, Eugne est labri des soucis nanciers, mais recule le moment daborder sa carrire de virtuose international pour laquelle il se sait taill. Avec son ami Lindenlaub, mut comme correspondant du journal Le Temps, il part Berlin, capitale en pleine expansion, un peu terre--terre, musicalement, dira Ysaye... Nous sommes en 1879.

Les mandres de la gloire BerlinA Berlin, Ysaye rencontre Joseph Joachim, clbre virtuose, directeur de lAcadmie de Musique, et fondateur dun quatuor fameux. Ebloui par le jeu fantastique du jeune Ysaye, Joachim le prsente Clara Schumann, alors ge de soixante et un ans, mre de huit enfants, qui a men aux cts de Robert une existence passionne, destructrice mme, qui conduisit Schumann, fou, aux portes de la mort. En parallle, Clara a men une carrire de pianiste virtuose europenne, jusquen Russie, et enseigne aux conservatoires de Francfort et de Berlin. Cette rencontre avec la muse du matre aura sur Eugne, on sen doute, une grande inuence ; les vibrants encouragements de Clara rassureront Eugne, inquiet de son destin, en le plaant au carrefour de

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lancien et du moderne... tel un passeur de mmoire, hritier dune tradition, le dernier Romantique, comme titra Maxime Benot-Jeannin, biographe de Eugne Ysaye [1]. Eugne chappe de justesse la conscription, grce au geste gnreux de son frre Joseph. A deux doigts dtre broy par la machine militaire, Eugne repart pour Berlin, le coeur lger. En 1881, Vieuxtemps meurt en Algrie ; cette nouvelle accable terriblement Eugne. Il a perdu son pre spirituel. Tho, le jeune frre dEugne, vient dobtenir son premier prix de piano Lige et le rejoint Berlin. Il y suivra, aux frais dEugne, les cours de piano de Kullak, professeur renomm. Les deux frres se lieront damiti avec un autre exil volontaire, Jules Laforgue, pote engag au palais imprial pour y donner des cours de franais. Formant une vritable bande de quatre larrons en foire, Eugne, Tho, Laforgue et Lindenlaub cumeront les bars de Berlin, tard aprs les concerts. Au contact des deux intellectuels, le jeune Ligeois se dgrossit et acquiert lentement une vraie culture gnrale. Grce Laforgue, Eugne joue devant lImpratrice. Le succs d Ysaye Berlin va grandissant. Il y rencontre Camille Saint-Sans ; il y retrouve Rubinstein[2] avec lequel il avait jou Paris, chez Vieuxtemps. Ayant eu pour Ysaye une brve, mais fertile amiti dans les annes prcdentes, fort du ciment que constitue entre eux ladmiration de Vieuxtemps, Rubinstein invite Eugne en tourne en Norvge et le pousse quitter le confort du Konzerthaus de Bilse Berlin ! Tourne triomphale en Scandinavie ! Encourag par ce succs et les soutiens que sont pour lui, Berlin, Clara Schumann et Camille Saint-Sans, Eugne rintgre cependant le Konzerthaus. Devant sortir son pre dune dche momentane, il fait vivre, de Berlin, toute sa famille : son frre Tho qui vit son crochet, sa soeur Marie, comdienne de revue Anvers, et Nicolas, son pre. Mais Eugne dprime Berlin ; suit une grande priode de mlancolie de laquelle natra ses premiers apptits cratifs de compositeur. Bilse propose Eugne de participer avec lui la cration de lOrchestre Philharmonique de Berlin ; ses cachets sont alors revus la hausse. Ysaye reoit ensuite de Rubinstein une invitation une tourne en Russie, en 1882. Lindenlaub est de la partie. Ysaye a 24 ans. Commence alors une puisante tourne dans les provinces russes, aprs lavoir commence Saint-Ptersbourg. De retour Berlin, aurol de succs, Ysaye est invit Zurich. Il y rencontre Franz Liszt. Il est impressionn par sa redoutable nergie. Liszt a 71 ans ! Il y retrouve

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galement Saint-Sans qui presse Ysaye de revenir en France, Paris. La nouvelle musique franaise en gestation a, en effet, besoin dinterprtes qui ne craignent pas la modernit. Abandonnant Berlin, son confort nancier et les succs faciles, Ysaye est conscient quil commet peut-tre la plus grave erreur de sa vie ! Apprenant la nouvelle de la dmission de son ls, Nicolas, le pre commandeur dEugne, entre dans une rage folle, travers une lettre laquelle Ysaye rpond : Pour vivre, jai besoin de mappartenir, de ntre sous aucun joug. Il me faut courir, courir toujours sans jamais marrter, le mme soleil mendort, dautres cieux me raniment ; conduire moi-mme le char de ma vie mest un charme et comme je tche de le conduire dans les chemins o il y a joie, gaiet, art, bonheur, je suis accabl quand la souffrance des autres my poursuit car elle engendre la mienne, et la tristesse, chez moi, amortit toute action de progrs. Voil le credo dun grand artiste.

ParisEn 1883, quand Ysaye sinstalle Paris, il plonge littralement dans un bain bouillonnant de culture. Mais il a galement repris rendez-vous avec la misre. Il ne sait que faire ; il reprend contact, naturellement, avec Saint-Sans, mais celuici ne le retient pas longtemps dans son sillage. Eugne dcide donc de repartir la rencontre de Csar Franck, n Ligeois, comme lui. Franck voit immdiatement en Ysaye le futur interprte de son oeuvre. Et Ysaye jouera prcisment ce rle dterminant auprs des amis franckistes. Dans les soires, chez le musicien, Ysaye domine le cnacle artistique de son impressionnante carrure et ctoie Henri Duparc, Vincent dIndy, Chabrier, Lalo, Faur, Chausson et Debussy. A cette poque, une grande querelle oppose en France les partisans de Wagner et les nationalistes franais de la musique, sous la conduite de Saint-Sans. Admirateurs profonds de loeuvre wagnrienne, Franck et ses disciples, dont Ysaye et Debussy, russissent afrmer leur propre personnalit. Une deuxime tourne en Russie appelle alors Eugne ; son retour, il fait une tape Arlon, o sjournent son pre et son frre Joseph, alors au service militaire. Lors dun dner, il tombe amoureux de Louise, lle du commandant de la garnison. Le pre de Louise entend marier sa lle un homme stable, et pas un artiste courant aprs la gloire et la clbrit... sans un sou.

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Un poste de professeur de violon est pourvoir au Conservatoire Royal de Musique de Bruxelles. De longues ngociations sentament avec Gevaerts, alors directeur (il le sera de 1870 1908, sa mort). Finalement, Ysaye accepte le poste, la plus grande joie de son pre et de son beau-pre. Le mariage a lieu le 28 septembre 1886. Pour leurs noces, Csar Franck dpose dans la corbeille des maris la Sonate en la majeur pour piano et violon quil ddie Eugne Ysaye, sans savoir encore que ce dernier portera la gloire de Franck un niveau jamais atteint.

BruxellesLa capitale de la Belgique est, ds avant 1870, un vritable laboratoire o slaborent les thories les plus avances dans les domaines artistiques et sociaux. Fuyant le Second Empire, une srie de grands artistes et intellectuels sy installent. Se met sur pied un axe Bruxelles - Paris qui sera, pour les cinquante annes venir, lpine dorsale de la vie artistique en Europe occidentale. A Bruxelles, Ysaye rencontre Octave Maus, avocat et mcne, avec lequel il collaborera, avec Edmond Picard et Emile Verhaeren, lhebdomadaire LArt Moderne. Prenant en charge ses fonctions de professeur, Ysaye nacceptera, la premire anne, que deux lves sur les quinze qui se prsentent. Une tourne lappelle en France ; pdagogue intransigeant, il fait natre des vocations, encourage toujours les personnalits sans jamais les dtruire, mais peut aussi dmentir des vocations nes de trop de prsomption ou de trop peu de dispositions. Encore aux prises avec des ennuis nanciers, soit parce quil rgle les dettes de sa famille, soit parce quil a une srieuse propension la prodigalit, Ysaye collabore cependant titre bnvole la cration et lanimation du Cercle des XX, fond par Octave Maus et vingt artistes que lon appelle les Vingtistes. Ce groupement sera la cour vritable de la vie artistique moderne de lavant-garde Bruxelles, ds 1884. Antenne bruxelloise de la vie artistique parisienne, ce groupe expose dans les salles du Muse des Beaux-Arts, y tient chaque dbut danne un salon, o sont invits les plus brillants confrenciers du moment. On y admire les sculptures de Rodin ou de Claudel, on y entend Mallarm, Verlaine, Verhaeren, etc... Pendant plus de trente ans, cest un dl de gnies qui passe par l ! En peinture : Gauguin, Seurat, Van Gogh, Monet, Toulouse-Lautrec, Rops, Rassenfosse,... En musique : Franck, Faur, Chausson, Debussy, Tchakowsky,... En littrature : Verlaine, Rimbaud,

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Mallarm,... Mais le Cercle des XX doit faire face la mesquinerie, la jalousie et lobscurantisme des ofciels, de la presse conservatrice, qui font tout pour les abattre. Ysaye sera un pilier de ce cercle artistique, en tant quhomme et en tant quinterprte. Lorsquil interprtera la Sonate de Franck dont il est le ddicataire, un moment de magie habitera les salles du Muse des Beaux-Arts (Les accents dchirants de la Sonate sous les hauts plafonds de la salle perdue dans lobscurit, mettent les auditeurs dans un tat de rceptivit totale qui leur rvle enn tout ce que cette musique apporte dtrange et de nouveau. Une confession impudique coute dans la nuit[3]).

Le rmamentSuit alors pendant plus de vingt ans une impressionnante srie de tournes, aux Etats-Unis, en Russie, en Autriche, en Angleterre et en France. Toutes ces tournes de concerts indiquent, par le choix de la programmation, une grande audace et une formidable vitalit de lartiste. En Angleterre, Ysaye joue avec le pianiste catalan Isaac Albeniz, qui trs vite sera un ami intime. En novembre 1890 meurt Csar Franck. Le succs d Ysaye est alors son fate, lui qui est dpositaire de la musique pour violon du grand matre. En 1891, il rencontre le jeune compositeur belge Guillaume Lekeu, pour lequel Ysaye nourrira une amiti sincre et structurante. Ysaye soutiendra beaucoup Lekeu aprs que celui-ci eut obtenu seulement le Second Prix de Rome, ce qui le dmoralisera normment. Lekeu mourra prmaturment, emport 24 ans par la tuberculose, laissant derrire lui une oeuvre courte et pourtant tellement prometteuse. A noter que le Prix de Rome, lpoque, nest pas spcialement une conscration. A part Debussy, ni Franck, ni Ysaye et combien dautres ne lauront pas ! En gnral, la n du 19me sicle, le Prix de Rome rcompense malheureusement les mdiocres... Cest dans les annes 1893-94 quYsaye se liera galement avec un homme, qui deviendra son lve, et plus tard son second violon dans le Quatuor Ysaye : Mathieu Crickboom. 1893 est aussi lanne de la dissolution du Cercle des XX qui, pour chapper lerreur dun acadmisme sui generis, se rebaptise La Libre Esthtique, dont les ambitions seront plus littraires. Ysaye sinvestit toujours autant dans la direction musicale des Concerts de la Libre Esthtique ; cette scne bruxelloise, nourrissant des changes avec la plupart des scnes musicales franaises, verra dler les plus grands musiciens, compositeurs et interprtes du temps. Ysaye lui-mme se programmera

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lors de ces concerts, et sa renomme europenne sen trouvera fortement renforce. Ses contacts dans le milieu musical, sa relle vocation pdagogique, et son enthousiasme pour les compositions nouvelles, faisant de lui un vritable coach de la plupart des compositeurs de sa gnration, posent question. On dirait qu Ysaye prouve une sorte de compensation faire natre chez les autres ce quil ne peut encore tirer de lui. En lui, le compositeur na pas encore rattrap linterprte ; mais, passionn, il veut pousser cette musique merveilleuse, nouvelle, symboliste, tellement en rupture avec tout ce qui sest fait prcdemment. A Paris, chez Ernest Chausson[4], Ysaye se rapproche toujours plus de Debussy. Une vive sympathie nat immdiatement entre les deux hommes. Captiv par la personnalit de Debussy, Ysaye lui commande un quatuor. Debussy lui apporte Bruxelles, en 1893, le manuscrit de loeuvre quil lui ddie ; laccueil dYsaye est fervent. A partir de ce jour, y compris le manuscrit de Pellas et Mlisande, toutes les oeuvres de Debussy passent entre ses mains. Ysaye cre cette poque le quatuor Ysaye avec Crickboom, Van Hout et Jacob ; ce quatuor lance rellement la musique de Debussy Paris. Un festival Debussy est galement prvu par La Libre Esthtique Bruxelles, en 1894, qui recevra un accueil trs modr du public. Mais ce faisant, Ysaye safrme comme un partisan du modernisme et de lavant-garde musicale. Le 21 janvier 1894, Guillaume Lekeu meurt de la tuberculose. En observant la vie que mne Ysaye, il faut tre une vraie force de la nature pour rsister cette vie dartiste passionne ! Le 19me sicle est un vritable cimetire de sensibilits artistiques... A 36 ans, en 1894, Ysaye entame sa premire tourne en Amrique. Pour le couple Ysaye, qui a dj trois enfants, la priode des difcults matrielles est rvolue. Ysaye sest fait construire une maison bourgeoise, cossue, situe Avenue Brugmann Bruxelles. Ysaye sembourgeoise mais noublie jamais de cultiver passionnment son art. Les tournes aux Etats-Unis et en Russie lui font rencontrer un public excellent, rceptif, n et cultiv. Ysaye est au znith. Par la cration de la Socit de Concerts Symphoniques laquelle il donna son nom sous lappellation de Concerts Ysaye, le virtuose largit son rpertoire, quil trouve trop exclusivement li la musique de chambre. Cet orchestre, qui runit quatre-vingt musiciens, se produit au Cirque Royal de Bruxelles, presque exclusivement. La rencontre dYsaye avec Raoul Pugno sera dcisive ; dans ce pianiste extraordinaire, interprte brillant et sensible, Ysaye reconnat un alter ego. Avec Pugno, Ysaye constituera le plus grand duo violon - piano de lavant premire guerre mondiale qui rcoltera sur les deux continents de retentissants triomphes. Pugno, de six ans lan dYsaye, est un pianiste

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clbrissime, form au conservatoire de Paris, et qui sest produit ds lge de six ans. Une grande sympathie nat entre ces deux mastodontes de la musique, de corpulence semblable, et anims dune grande amiti, soude par lamour commun de la musique et de... la bonne table ! Cest cette poque quEugne Ysaye devient conseiller musical et matre de chapelle de la Reine Elisabeth de Belgique, trouvant aussi le temps dcrire ses premires oeuvres. En 1897, ananti par la charge de travail et submerg par lagenda de ses tournes, Eugne Ysaye se voit contraint de dmissionner du conservatoire de musique de Bruxelles qui lui fait des misres, cause de ses trop nombreuses absences... Un grand artiste na pas tre lesclave dune place xe, dira-t-il. A la n du sicle, Ysaye est au sommet de son art. Il nen redescendra plus. Sa maturation sest faite lentement. Des bals de villages la Salle Pleyel, de la cave de la rue Sainte-Marguerite Lige, aux immenses scnes de concert amricaines, quarante ans se sont couls sous le pont fragile du gnie. Ysaye est invit partout, le monde entier le rclame. Mme Rodin linvite donner concert dans son atelier. La fortune est au rendez-vous. Cest cette culminance, dans sa carrire, quil convient de rapporter les sjours artistiques dYsaye dans la capitale lorraine. De 1896 1908, Nancy sera pour Ysaye un havre de culture et de rafnement, dont il apprciera louverture, la chaleur, sans ngliger la gastronomie...

Les amitis nanciennes, le creusetA Nancy, les nouvelles charges directoriales du breton Guy Ropartz, nomm directeur du Conservatoire de Musique de Nancy en 1894, semblent avoir dcupl le potentiel musical de la ville. Ds la n du sicle, dans cette ville universitaire toute proche de la frontire allemande et qui parat se souvenir des fastes du 18me sicle, un foyer dart franais est en pleine expansion. Un petit cnacle damis que des afnits de penses de got et dart avaient rapprochs[5] et auquel Maurice Barrs donne le nom pittoresque de Crafougnot, regroupe autour du clbre crivain (et dput de Nancy[6]) des potes et des artistes de tous horizons tels Henri Aim, Ren dAvril, Emile Gall, Georges Garnier, Charles Gurin, Emile Hinzelin, Charles Keller, Camille Martin, Victor Prouv, Lon Tonnelier et Gaston Vallin. Guy Ropartz, musicien brillant et compositeur de talent, ne tarde pas apporter au Crafougnot son esprit, son talent et ses efforts.

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Plus tard, le peintre Victor Prouv, dans une lettre Guy Ropartz, voquera avec enthousiasme lpoque blouissante du Crafougnot : Vous souvenez-vous de cette petite salle de la rue des Dominicains o, autour des tables, serrs coude coude, et envelopps de fume bleue, chacun de nous, en amboyante ardeur, exprimait ses espoirs... Que dides furent changes, que dvocations utopiques illuminrent les cerveaux ! Que de thses discutes avec passion ! Et quelles que furent les divergences dopinions, extrmes et opposes, combien laccord et lharmonie rgnrent toujours ! Nous tions les croyants sincres dun culte libre, sans dogmatique...[7] Aprs un concert, la salle Poirel, il ntait pas rare que lon invitt linterprte ou le compositeur se retrouver au centre de ce cercle qui se referma plus dune fois autour de Vincent dIndy, Albric Magnard, Ysaye et Pugno, ceux pour lesquels vous luttiez, poursuit Prouv, ceux que la foule ne comprenait pas encore... Ctait lge dor. Nancy est alors, au tournant du sicle, on le voit, une vritable capitale culturelle franaise en pleine bullition. Cest tout lArt Nouveau nancien qui est alors en train de prendre forme ! Des cendres du Crafougnot natra une deuxime acadmie damis des arts, connue sous le nom de Couarail ; Guy Ropartz, en musicien averti et reconnu, y prendra, nouveau, une part active, entretenant avec La Libre Esthtique de Bruxelles des rapports troits. Ce cnacle nancien, sous la prsidence dhonneur de Maurice Barrs et dAlfred Mzires, dirig par Georges Garnier et organis par lactif secrtaire perptuel Marcel Knecht, est priodiquement frquent par des potes, des peintres, des musiciens et des sculpteurs. Emile Krantz, Maurice Paquy, Auguste Stoffel et le critique dart Ren dAvril y illustrent lloquence et la posie ; la musique est incarne par Guy Ropartz, Albric Magnard, et des interprtes tels Claire Croiza (soprano), le quatuor des frres Ren et Fernand Pollain, Marcel Monier et Charles David, ainsi que par Pierre Bretagne et Germaine Adrien au piano ; la peinture par Victor Prouv ; lartisanat dart par Daum, les frres Mougin, Emile Gall et Paul Herbst. Lamiti qui unira Ropartz et lex-dput de la ville de Nancy, Maurice Barrs, nest certes pas sans effet sur le Couarail, partageant en commun un mme amour immodr de la musique. Cest vritablement sous limpulsion de Guy Ropartz que Nancy devient, cette poque, un des plus grands centres musicaux franais rayonnant sur toute lEurope, et en troite symbiose avec Bruxelles ; en tmoignent les nombreux changes pistolaires entre Albric Magnard et Octave Maus, entre Ropartz et Ysaye. Toute sa carrire durant, Guy Ropartz mit toujours prot ses fonctions de chef dorchestre et de directeur de conservatoire pour

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faire connatre louvre de ses amis[8]. Sous limpulsion de Ropartz, non seulement Nancy est un ple dattraction pour les grands interprtes de lpoque, mais elle soctroie aussi le privilge de nombreuses premires auditions et donne le jour une solide gnration de compositeurs : Fernand Lamy, Pierre Bretagne, Louis Thirion, Pierre-Octave Ferroud, etc...

Ysaye et NancyOn laura compris, Nancy ne pouvait rester sans effet dattraction sur le plus clbre violoniste du temps. Les liens puissants liant Nancy Bruxelles et Bruxelles Paris, sur le plan artistique, faisaient de ces villes des haltes naturelles dans les prgrinations artistiques des gnies de cette n du 19me sicle. Aussi nest-ce pas fortuit de constater avec quelle frquence, et surtout avec quelle dlit, Eugne frquentera la Ville de Stanislas, en offrant au public nancien de si nombreuses raisons de lapprcier, au sommet de son art. En lespace de douze ans peine, ce ne sont pas moins de neuf concerts et deux rcitals quEugne Ysaye donnera Nancy, dans le cadre des Concerts du Conservatoire ! Si lon se remet lesprit lagenda stakhanoviste de Ysaye durant les annes 1895-1914, sillonnant lEurope de part en part, et enjambant lAtlantique en bateau, pour gagner lAmrique, lors dinterminables tournes, on prend alors la mesure de la vritable affection que tmoigne le virtuose pour la capitale lorraine. Ysaye na honor aucune autre ville de France dune telle assiduit de visites et surtout de concerts, hormis peut-tre Paris. Cest probablement dans la grande qualit des relations amicales et artistiques qui le lient la ville quil faut trouver la raison de cet attachement particulier de Ysaye Nancy. Ainsi, le dimanche 27 dcembre 1896, lors de son premier concert Nancy, en guise de cadeau de anailles la ville de Nancy, Ysaye programme-t-il, en premire audition mondiale, le clbrissime Pome pour violon et orchestre d Ernest Chausson.

La premire du Pome de ChaussonErnest Chausson a compos ce Pome pour Ysaye, Paris, de retour de Monte Carlo, entre le 25 avril et le 29 juin 1896. Ainsi, en quelques semaines, Chausson a-t-il crit un authentique chef-doeuvre pour le violon, anim par une muse aussi active quheureuse. Devenu vritable cheval de bataille de tous les grands violonistes, le Pome opus 25 a longtemps t considr comme une oeuvre de musique pure par les

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musicologues, reprenant leur compte le jugement que formulait Debussy, en 1913, dans le journal de la Socit Indpendante de Musique o, voquant le Pome de Chausson, il afrmait solennellement : La libert de sa forme nen contrarie jamais lharmonieuse proportion. Rien nest plus touchant de douceur rveuse que la n, lorsque la musique, laissant de ct toute description, toute anecdote, devient le sentiment mme qui en inspire lmotion. Ce sont des minutes trs rares dans loeuvre dun artiste. Ds le dpart, primait dans lesprit de Chausson lide de ddier au plus grand violoniste de son temps une oeuvre magistrale quYsaye lui-mme lui aurait commande. Le 7 juillet 1893 dj, Chausson crit au violoniste belge : Je travaille actuellement au Roi Arthus ; il est impossible que je tarde plus longtemps terminer ce drame commenc depuis plusieurs annes. Je ne vois donc gure le moyen de penser un concerto, qui est une bien grosse chose, difcile en diable, et si dlicate crire. Mais... un morceau seul pour violon et orchestre, cela devient plus possible. Jy ai song : ce serait un morceau dune forme trs libre, avec de nombreux passages o le violon jouerait seul[9]. Cest entre deux tournes, de retour Bruxelles, quYsaye rsout le problme de laudition publique du Pome de Chausson, que celui-ci vient de lui envoyer, peine termin, au mois daot 1896. Ysaye ne peut attendre doffrir au public ce morceau sublime et entend rendre hommage au compositeur par une excution la plus rapproche possible de la date de ddicace. Mais le temps lui manque. Il choisit alors, en accord avec Chausson, de proposer la premire audition dans le cadre de la toute prochaine saison 1896-1897. Ami de longue date de Guy Ropartz, issu, comme lui, de la bande Franck, Ysaye lui propose ds lors un concert au programme duquel le directeur du Conservatoire de Nancy accepte demble dinscrire le fameux Pome. Au programme de ce Quatrime Concert du Conservatoire du 27 dcembre 1896 quatre heures, saison 1896-1897, avec le concours de M. Eugne Ysaye, violoniste, professeur au Conservatoire de Bruxelles, en la salle Poirel, gure donc : - Symphonie en si mineur n 8 de Fr. Schubert - Concerto pour violon de E. Lalo - Lonore (en premire audition) de H. Duparc - Pome pour violon (en premire audition) de E. Chausson[10] - Ouverture de Fidelio de L. Van Beethoven. Le 25 dcembre 1896, deux jours avant le concert, Ysaye, son frre Tho, et les musiciens du quatuor sautent dans le train pour Nancy.

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Durant le voyage, Ysaye sisole dans un coin du compartiment et tudie nouveau la partition. Il ne peut se permettre la moindre erreur, le public de Nancy sera moins indulgent que tout autre ! Au conservatoire de la capitale lorraine, Ysaye et Marchot, le second violon[11], se retirent dans une classe o, aprs avoir dchiffr, ils jouent deux reprises le Pome pour violon et orchestre. La matine du 27, la rptition se fait avec Ropartz et ses musiciens. A quatre heures, la Salle Victor Poirel est comble ; le tout-Nancy est venu nombreux dcouvrir ce virtuose clbre en Europe et en Amrique. Cest par coeur, devant un public suspendu son archet, quYsaye interprta le Pome. Trois rappels salurent la cration de loeuvre nouvelle que le critique de La Lorraine artiste jugea toute de langueur et de passion et celui de lEst rpublicain dune orchestration la fois forte et sobre, deux mrites rares rencontrer runis prcisa-t-il. Cette rencontre dYsaye avec Nancy sera la premire dune longue srie. Ainsi, donnera-t-il concert, dans le cadre des Concerts du Conservatoire, la Salle Poirel, les 25 fvrier 1900, 23 dcembre 1900, 5 janvier 1902, 4 janvier 1903, 7 janvier 1906, 8 et 9 dcembre 1907, 22 et 23 novembre 1908. Pour chacun deux, concerts ou rcitals, les programmes ont t conservs[12]. Cest lincroyable varit de la programmation musicale, laudace des choix, linsouciance des alliances artistiques, au sein dun mme concert, que lon prend conscience de la libert absolue de lartiste, en parfaite communion avec Guy Ropartz. En juin 1899, le 10, prcisment, Ernest Chausson se tue dans un ridicule accident de vlo. Chausson disparat quarante quatre ans. Sa n est encore plus navrante que celle de Lekeu ; la mort dans toute son absurdit. Ysaye est constern et stupfait. Le 18 juin, devant le public londonien qui avait appris la mort du compositeur, Ysaye interprte, devant un parterre de plus de trois mille personnes, le Pome pour violon et orchestre. Il fait exploser le lyrisme de loeuvre. A travers le Pome, il pleure son ami disparu, en un long frisson plein dmouvant mystre, dintense et passionne douleur.[13] Sans doute Ysaye se souvint-il toujours de cette premire audition du Pome Nancy, souvenir auquel la mort si prmature et inopine de son ami compositeur dut apporter une saveur et un prix particuliers.

Les autres prestations nanciennesInterprte la renomme universelle, devant laquelle le mercantilisme de certains impresarii tait contraint de plier, Eugne Ysaye ne sabritait pas, comme tant dautres, derrire leurs exigences, ou la poursuite

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du maximum de recettes, pour carter de ses concerts les oeuvres non encore classes. Il considrait, au contraire, comme le premier de ses devoirs dinterprte, de les imposer au cours de ses tournes mondiales, de faire mme, sil en tait besoin, de leur inscription aux programmes la condition expresse de son concours - quitte les entourer ensuite de pages plus consensuelles, susceptibles de rassurer lauditoire. Le programme du concert du 27 dcembre 1896, comme tous les autres, en est la plus parfaite illustration. Le public nancien a toujours hautement apprci les prestations prodigieuses du Gargantua du violon ; suivant certains critiques du temps, cependant, sa haute stature, sa personnalit si imposante absorbaient tant lauditeur que, proccup surtout de lblouissante virtuosit de linterprte, on oubliait un peu, semble-t-il, loeuvre quil traduisait. Mais il faut immanquablement se rfrer la plume de Ren dAvril, critique musical bien connu de lpoque, qui runit ses articles dans lAnne Musicale, pour retrouver des commentaires extrmement prcieux et sentis relatant latmosphre des concerts auxquels participait Eugne Ysaye Nancy. Le concert du 25 fvrier 1900, par exemple ; Ysaye y interprte le concerto en mi M de J.-S. Bach, ainsi que la Symphonie Espagnole pour violon principal et orchestre dEdouard Lalo, (outre, en premire audition, la fantaisie en r M de Guy Ropartz et le Chant Funbre dAlbric Magnard !). Voici ce quen dit Ren dAvril : La Salle Poirel tait comble. Eugne Ysaye, retour de Londres, superbe de prestance, lhabituelle place du chef dorchestre, interprta noblement le noble Concerto en mi majeur de J.S. Bach ; vigoureux dans lAllegro, dlicat et tendre dans lAdagio, dune aisance admirable dans les difcults de lAllegro assai (...) La Symphonie espagnole de Lalo, si originale, si franaise, fut pour Ysaye loccasion dun nouveau triomphe (...). Le Chant funbre de M. Magnard semble fait pour rconcilier avec la musique de ce compositeur, dailleurs personnel, une partie des Nanciens, queffaroucha jadis certaine symphonie (...). Nanmoins, llgante Fantaisie en r majeur de Guy Ropartz ma sembl peut-tre plus belle encore dans les lignes, avec des accents plus humains, moins absolue sans doute darchitectonie, un peu dveloppe suivant les formules de la nouvelle dcoration (...). Jarrterais ici ce compte rendu si, pensant mes lecteurs, je nprouvais le besoin de vanter dans Ysaye, non plus cette fois la valeur de lartiste, mais lhomme au visage si ouvert, si cordial, lexcellent camarade de nos bons excutants de lorchestre qui, sous la baguette du chef dorchestre, au dernier rang des premiers violons, vint simplement, presque avec timidit, remplir sa partie dans lOuverture dEgmont.

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Ainsi Ysaye voulut-il prouver que si, dune part, le Conservatoire de Nancy se trouve fort att de sa venue comme violon principal, ds aujourdhui, cependant, faire partie de lexcellent orchestre dirig par M. Guy Ropartz est un honneur que peuvent briguer les talents les moins contestables, les plus universelles renommes.[14] Lors du concert du 4 janvier 1903, Eugne Ysaye interprta Nancy, la Salle Poirel, son Chant dHiver, Troisime pome pour violon et orchestre, en premire audition. Lisons ce quen dit, une fois encore, Ren dAvril : La prsence dEugne Ysaye, pour nos trennes, avait rempli la salle jusqu lcroulement. Eugne Ysaye nest point le virtuose uniquement soucieux de leffet produire, mais, avant tout, lartiste dsirant communiquer lmotion dart son auditoire, lme errante et retrouve des vieux matres revivant leurs oeuvres, lintime condent des compositeurs modernes qui rien de leur technique et de leur esthtique nest rest tranger. (...) Enn, si Eugne Ysaye, virtuose, fait valoir M. Eugne Ysaye, compositeur, cest quil juge utile de dmontrer combien sont, son esprit, familiers les dissonances ultra-modernes, les effets dorchestration recherchs et rares, tout le ct impressionnisme dj souponn dans Chausson et dans dIndy, pouss lextrme dans les oeuvres de Debussy. Le dfaut, non pas de loeuvre dYsaye, mais du genre lui-mme cest le manque de composition, lindni de la ligne, la sensation exacerbe par une sorte de nvrose dlicate remplaant non seulement la pense, mais lide mme.(...)La sonorit de lorchestre, dans ce Chant dHiver, fondue, ouate, discrte et tendre, fut dlicieuse. Ce nest point un hiver rauque, essouf et violent, tel que Wagner et pu nous lvoquer, cest lhiver intrieur derrire la vitre givre, avec les sons lointains et mystrieux du vent, le petit bruit des branchettes sches qui cassent, et la chaleur du foyer et des souvenirs.[15] Comme le critique Ren dAvril a bien cern la musique dEugne Ysaye, non sans sautoriser une critique sur la forme mme de la musique du matre et, partant, des compositeurs de ce dbut du 20me sicle ! Le pianiste Raoul Pugno, et Eugne Ysaye, solistes du concert du 8 dcembre 1907 (une oeuvre chacun et, ensemble, la sonate en sol mineur de Haendel) ont donn un rcital le lendemain avec Bach, Beethoven et Franck. Les mmes ont redonn un rcital le 23 novembre 1908 (Bach, Franck et Ropartz), le lendemain dun concert o Ysaye tait soliste. Ce fut la dernire prestation dYsaye Nancy. Comme on peut le constater, lactivit musicale du matre violoniste et compositeur dans la ville de Lorraine fut intense et soutenue. Les amitis lectives tisses au l des ans dans la capitale lorraine expliquent sans conteste cet attachement particulier. Un fait artistique corollaire de cette sympathie mrite dtre relev.

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Un vase en cadeauLe 14 octobre 1990, la clbre salle de ventes aux enchres Sothebys vendait Monaco un remarquable grand Vase parlant la libellule en verre dcor intercalaire, applications et ddicace dEmile Gall, dat de 1900, en forme de goutte bulbeuse long col cylindrique lgrement vas vers le haut. Linscription ddicatoire et la signature, en intaille, indiquaient Dans les suprmes symphonies, Cherchez la note humaine, allez ! Hugo au Matre Ysaye, Gall, 1900. Ce vase fut offert par Gall au grand violoniste belge, probablement loccasion du concert dYsaye Nancy le 25 fvrier 1900. Il atteste de lintimit artistique rgnant entre les artistes de Nancy autour dYsaye et pour lui.

EnvoiAu sommet de sa gloire, la n de la premire dcennie du 20me sicle, Ysaye doute pourtant. Comme pour conjurer ses doutes, il se lance dans un cycle puisant de tournes. Il travaille darrache-pied, comme pour fondre dans le travail ses inquitudes, ses regrets et ses peines. Des problmes de sant sont autant de signaux dalarme. Ysaye nen a cure. Il travaille toujours plus et se repose lt, en bord de Meuse, Godinne, prs de Namur. Chaque t sy pressent prs de quatre-vingts lves. Ysaye devient de plus en plus cyclothymique. Il est un artiste toujours sur le l du rasoir, anxieux, vite dprim lide davoir t infrieur lui-mme. Excellent crivain introspectif, Ysaye nous livre ses sentiments dans ces quelques lignes magniques de vrit et dauthenticit : Plus la vie dartiste nomade court grands pas vers sa n, crit-il de Moscou en 1907, plus cette vie rete sa monotonie dans le mme miroir. Pourtant si la vie de lartiste rend peu prs toujours le mme son, tantt claironnant, tantt grle, ennuyeux et pauvre, lartiste change, voit plus clair, sent plus intensment, est moins prompt jouir de ses oeuvres, que davantage on sobserve, que le plaisir cesse presque entirement au prot de lexamen, de la rexion, du scalpel qui fouille... mais pure. Plus je joue, plus on maime, plus on macclame, plus je pense, plus je souffre, plus je voudrais atteindre cette perfection dont le sourire tend vers lartiste ses charmes qui svanouit aussitt linstant mme o lon croit la tenir, la possder, comme une amante longuement dsire et quon ne vit jamais face face. Cest toute la fragilit de lartiste dans sa difcile mission de mdiateur des mes, dans cet apostolat souffrant de lacte artistique authentiant lexistence quEugne Ysaye nous cone.

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Depuis sa dmission du Conservatoire de Bruxelles, Ysaye na plus demploi ofciel en Belgique. Ayant rencontr la reine Elisabeth, pouse du Roi Soldat de 1914-18, il en devient le professeur de violon et se voit dcerner par le Roi le titre honorique de Matre de la Chapelle Royale de Belgique. Plus tard, la reine lui conera la mission dorganiser un concours international de violon qui prendra son nom (Concours Eugne Ysaye et qui deviendra au dcs de la Reine, Concours Reine Elisabeth). Il arpente lEurope et lAmrique grand pas, soit comme soliste invit, soit en duo avec son vieil ami Pugno. Ses ennuis de sant se font de plus en plus pressants. Il ncoute pas son corps ; il est devenu, pourtant, gravement diabtique. Mais chez Ysaye, comme chez tout artiste, ladulation est un excellent remde contre lpuisement. En pleine guerre de 1914, Ysaye joue sur le front de lYser, aux cts de la Reine Elisabeth, quil rencontre frquemment dans sa villa de Knokke le Zoute. Ysaye sinstalle ensuite Londres et dcide dembarquer pour une nouvelle tourne en Amrique, ds lt 14. Commence alors une prouvante tourne de concerts. En 1918, il accepte la direction de lOrchestre Symphonique de Cincinnati, dans lOhio. Sa main droite est devenue tremblante lapproche de larchet. Ysaye est puis nerveusement. Mais les appointements de chef dorchestre, en Amrique, et la promesse de pouvoir poursuivre une carrire de virtuose le rassurent. Ysaye revient sur le Vieux Continent en 1919. A la n de sa vie, Ysaye est limit par sa personnalit forme dans la seconde moiti du 19me sicle, transitoire entre la pleine priode romantique et lavant-gardisme de la deuxime dcennie du 20me sicle. Le symbolisme du tournant du sicle na pas survcu la guerre. En 1923, il compose six sonates quil ddie six grands violonistes: Szigeti, Thibaud, Enesco, Kreisler, Crickboom et Quiroga. A soixante-six ans, repris par ses vieux dmons, il dsire remonter sur scne. Ses derniers concerts seront toujours dune blouissante virtuosit, mme si le style a dj un peu vieilli. A Paris, en 1927, il participe au centenaire de la mort de Beethoven en donnant un concert, dans la salle Gaveau, avec Clara Haskil au piano ; cest un immense succs. Un de ses derniers. Diabtique et puis, Eugne Ysaye entame alors une retraite bien mrite, entour de ses amis, de la Reine Elisabeth et de quelques lves qui se pressent auprs de lui pour en recevoir les conseils aviss. Lors dun dernier cours Georges Enesco, alors jeune violoniste, il lui dira,

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ce que les auditeurs retinrent alors comme un testament : La virtuosit sans musique est vaine. Toute note, tout son doivent vivre, chanter, exprimer la douleur ou la joie. Soyez peintre, mme dans les traits qui ne sont quune suite de notes qui chantent rapidement... De la musique avant toute chose ! Respirez pleins poumons. Nenfermez point votre violon en vous, dgagez-vous en lui et parlez parfois pour lui et pour la musique. Cest l le salut dun matre ancien et vnr de la musique un tenant brillant de la jeune gnration, montrant en quelques phrases la voie suivre, celle du sentiment gnreux, spontan et ouvert. A limage dYsaye, qui jamais naura usurp son nom de prophte. Tant que ses forces ne lont pas abandonn, il est rest sur la brche pour dfendre les causes en lesquelles il avait mis sa foi, et cette musique quil plaait dans lexistence au-dessus de tout... Et lhomme, gnreux, enthousiaste, dionysiaque - un vritable Bacchus musical - valait lartiste. Il a t le digne interprte dune charnire cruciale dans lhistoire de la musique. Il en a profondment senti et exprim le style, le sens vritable, souvent mconnu aujourdhui, trahi hier. A Nancy, en pleine gloire, Ysaye a pu laisser libre cours au torrent imptueux de passion non-conformiste quil avait pour la musique. Il y a rencontr des pairs, mobiliss autour de centres dintrts communs pour lart et la musique. Il y a rencontr aussi lesprit du lieu : celui dune ville lumineuse, are et libre. Ysaye trouva en elle la juste proportion de son chelle lui : celle dun Gargantua du violon dans une capitale culturelle tout sa mesure. Constantin Chariot, Premier Prix et Diplme Suprieur de te traversire du Conservatoire Royal de Musique de Bruxelles - Conservateur des Muses gaumais, Virton, Belgique - Prsident fondateur de lAssociation des Muses de la Grande Rgion - Membre associ correspondant de lAcadmie de Stanislas de Nancy

DiscussionA lissue de cette confrence, le Prsident Vicq voque le plaisir que nous avons eu daccueillir Monsieur Chariot, descendant dEugne Ysaye qui fut un violoniste de gnie lgal de Paganini. Il fut aussi Matre de chapelle de la famille royale belge et de la reine Elisabeth. La popularit et la faveur ne du succs qui tait le sien ne lont pas tenu dans lloignement des autres musiciens. Cest, l encore, une richesse supplmentaire.

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Pour Monsieur Burgard, la premire excution, en 1896, du pome de Chausson est lie Nancy et bien sr la salle Poirel. Monsieur Burgard signale quun critique parisien aurait reconnu dans cette oeuvre un certain air de la srnade du pav chante par Eugne Buffet et quil aimerait savoir ce quil en est. Il ny aura malheureusement pas de rponse. Madame Stutzmann rappelle le coup de coeur quont pu avoir de nombreux violonistes aprs avoir entendu les six sonates dIsaye, si difciles jouer. Ces violonistes considrent ces sonates comme lun des sommets de la musique o lon retrouve, au-del de la virtuosit, la profondeur dans lexpression dune oeuvre qui a t prsente, Nancy, il y a un peu plus dun sicle maintenant. Grce des interprtes comme Eugne Ysaye, lcole ligeoise du violon a rayonn dans toute lEurope. Il convient de se souvenir que le nom dYsaye est encore bien prsent Nancy. Lorsquil venait jouer Nancy, Ysaye a certainement rencontr Emile Gall. Il est certain quils taient en correspondance. Monsieur Le Tacon cite alors ces quelques mots de Victor Hugo, inscrits sur les parois dun vase ddicac Eugne Ysaye : Cherchez la note humaine. Allez ! Au Matre Ysaye. Pour Monsieur Le Tacon, Gall a repris cette mme ddicace sur un autre vase destin Raoul Cugno : Cherchez la note humaine, allez dans les suprmes symphonies, Victor Hugo lartiste dactualit Raoul Cugno. Monsieur Chariot aimerait que la correspondance dEugne Ysaye, qui est dpose toute entire la bibliothque royale de Bruxelles, puisse tre un jour tudie et publie, et ce, dautant plus quEugne Ysaye avait des dons dcrivain. Lintervention de Monsieur Lanher nous rappelle le plaisir que nous a laiss notre sortie culturelle de 1998 en Pays Gaumais, dont la visite du Muse Gaumais, fort intressante, fut commente par Monsieur Chariot Monsieur Larcan se souvient des concerts la Salle Poirel o se sont produits Paul Thibaut ou Georges Ionesco. Bien sr, ctait mieux interprt lorsquYsaye tait au violon dans des oeuvres de Chausson. A propos de la sonate de Csar Franck, Monsieur Rivail souhaiterait savoir si Csar Franck et Marcel Proust, qui sont contemporains, ont pu se rencontrer ? Apparemment, oui. Pour notre plaisir, le mot de la n appartient Madame Keller-Didier qui regrette labsence de notre confrre Jacques Delivr qui aurait pu croquer quelques attitudes de notre confrencier.

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BibliographieBENOIT - JEANNIN Maxime, Ysaye, Le Dernier Romantique ou le Sacre du Violon, Le Cri, Bruxelles, 1989 YSAYE Antoine, Eugne Ysaye, Sa vie - Son oeuvre - Son inuence, daprs les documents recueillis par son ls, LEcran du Monde, Les Deux Sirnes, Bruxelles, Paris, 1957 DJEMIL Enyss, Guy Ropartz ou la recherche dune vocation, Loeuvre littraire du Matre et ses rsonances musicales, Imprimerie Jean Vilaire, Le Mans, 1967. GUT Serge et PISTONE Danile, La musique de chambre en France, de 1870 1918, Paris, Honor Champion, 1985. GALLOIS Jean, Ernest Chausson, Fayard, Paris, 1994. dAVRIL Ren, LAnne Musicale Nancy, Nancy, A. Dupont-Metzner, Saisons 1900 1903. MAGNARD Albric, Correspondance (1888-1914), runie et annote par Claire VLACH, Paris, Publications de la Socit franaise de Musicologie, 1997. Catalogue de vente de Sothebys Monaco ; vente du 14 octobre 1999. Programmes des Concerts du Conservatoire de Nancy, annes 1896 1908.

Notes[1] Maxime BENOIT-JEANIN, Ysaye, Le dernier Romantique ou le Sacre du Violon, Le Cri, Bruxelles, 1989. [2] Anton Grigorievitch RUBINSTEIN (1829-1894), fondateur des conservatoires de Saint-Ptersbourg et de Moscou, pianiste et pdagogue. Par Blumenfeld, Horowitz a hrit de son style. Rubinstein fut pour Ysaye un autre matre, de vingt neuf ans son an, gnreux et blouissant. Il fut le premier pianiste interprte, avec Liszt, introduire la fougue romantique dans son jeu. Ses compositions ont aujourdhui sombr dans loubli. [3] M. BENOIT - JEANNIN, Op. Cit., p. 98. [4] Ernest CHAUSSON (1855-1899), compositeur n Paris, auteur du Roi Arthus, de Mlodies dont la Chanson perptuelle.

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[5] Lettre de Victor Prouv Guy Ropartz du 2 juin 1913, in Souvenir de la Soire donne en lhonneur du matre Guy Ropartz par le Couarail, Acadmie Lorraine, p. 29 cite dans DJEMIL Enyss, Guy Ropartz, 1967. [6] Maurice Barrs a t lu dput de Nancy en 1889. Il est alors lextrme gauche. Il publie en 1893 laudacieux Ennemi des Lois. Battu aux lection cette mme anne, il dirigera La Cocarde, voluera vers lextrme droite et sera lu dput de Paris le 6 mai 1906, anne de son lection lAcadmie Franaise. [7] Lettre de Victor Prouv Guy Ropartz, 2 juin 1913, Ibidem. [8] En 1919, Guy Ropartz sera nomm directeur du Conservatoire de Strasbourg o il sera charg de la rnovation culturelle franaise, aprs le retour de lAlsace la France. Les responsabilits furent normes puisque, depuis cinquante annes, les alsaciens navaient entendu que trs peu de musique franaise. Un travail en profondeur tait donc ncessaire. [9] Lettre de Chausson Eugne Ysaye du 7 juillet 1893, publie par Michel STOCKHEM in Revue belge de Musicologie, vol XLII (1988), p. 254. [10] Au verso du programme, on peut lire : Termin au mois daot 1896, le Pome de M. E. Chausson, encore indit, est excut pour la premire fois aujourdhui... [11] Crickboom a t nomm, entre temps, professeur au conservatoire de Barcelone ; il est remplac par Alfred Marchot qui occupera le second violon, tout en tant professeur au conservatoire de Bruxelles. [12] Lauteur remercie chaleureusement son confrre et ami Michel BURGARD, musicologue, Prsident de lAcadmie de Stanislas, pour son aide prcieuse dans la recherche des sources musicologiques lui ayant permis la rdaction du prsent article. [13] LArt Moderne, 2 juillet 1899. [14] Ren dAVRIL, LAnne Musicale, 1900, p. 27 et sq. [15] Ren dAvril, Op. cit., 1903, p. 69 et sq.