Etude_Quels responsables pour payer la dépollution des sols

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Sites et sols pollués : quels responsables pour payer la dépollution ? Exemple du Superfund aux Etats-Unis et étude comparative avec l’Union Européenne Enseignant : Monsieur BONTEMS Date : 7 mars 2012 Réalisé par : Julie CATHALA Marion PRAUD

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Etude réalisée avec une collègue dans le cadre d'un séminaire d'économie de l'environnement.

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Sites et sols pollués : quels responsables pour payer la

dépollution ?

Exemple du Superfund aux Etats-Unis et étude comparative

avec l’Union Européenne

Enseignant : Monsieur BONTEMS

Date : 7 mars 2012

Réalisé par : Julie CATHALA

Marion PRAUD

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Introduction

La pollution des sols par des substances chimiques toxiques ou par d’autres polluants a de lourdes

conséquences à plusieurs niveaux. Elle affecte la santé des riverains qui sont en contact avec les sols,

l’eau ou l’air contaminés par la libération des composés toxiques volatils contenus dans le sol. Elle

impacte également l’environnement qu’elle a souillé. Enfin, les sols pollués ont des conséquences en

termes d’urbanisme. Aux Etats-Unis, la catastrophe de Love Canal a entraîné la destruction de tout

un quartier, des substances toxiques ayant commencé à remonter dans les bâtiments depuis le sol,

pollué par presque une centaine de produits chimiques qui avait été enterrée là1. Il est ainsi

primordial de prévenir ces pollutions mais, en l’absence de réglementation, les industries ont pollué

à loisir et ont laissé parfois derrière elles des sites gravement affectés. Comment traiter ce problème

et qui peut-être tenu responsable et donc, reconnu comme légitime pour le nettoyage de ces sites ?

Que se passe-t-il si aucun responsable ne peut être identifié ?

Avant de s'intéresser à l'initiative américaine connue sous le nom de Superfund, nous allons rappeler

dans une première partie les éléments fondamentaux de cette réflexion. Ensuite, nous détaillerons et

analyserons le modèle américain et enfin, dans une troisième partie, nous parlerons d'autres

modèles, notamment européens, dans une optique de comparaison.

1 Source : Love Canal Declared Clean, EndingToxicHorror, The New York Times

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I. Partie introductive : les origines du modèle du Superfund

Le marché fonctionnant seul est censé, selon certains économistes, atteindre un équilibre optimal.

Or, en termes de pollution, le marché en génère souvent plus que ce qu'il serait socialement

souhaitable. Une information manquante est donc le coût de cette pollution, qui doit, en l'absence

d'autres mécanismes, être supporté par la société. Le coût d'un bien ne prend en effet en compte

que le coût de production et non pas le coût pour la société. Qui doit alors supporter ce coût ? Qui

doit être responsable du nettoyage de la pollution laissée parle marché ?

L'Etat peut intervenir à deux titres dans la société :

- s'il y a un service ou un bien public à fournir

- s'il faut corriger une externalité négative ou bien encourager une externalité positive

En termes de pollution, il s’agit bien d’une externalité négative qu’il faut corriger. Les industries et

entreprises profitent en général de cette externalisation de coût et ne le répercutent pas sur le prix

de leurs produits. Se posent alors deux questions. Tout d’abord, comment calculer le coût de cette

pollution ? Ensuite, qui doit le supporter ?

Nous ne détaillerons pas ici les méthodes de calcul qui permettent de chiffrer l’impact de l’activité

économique sur l’environnement mais préciserons simplement que ce coût de la pollution se définit

en général par rapport à un niveau optimal de pollution pour la société. Ce coût représenterait donc

la valeur d’une unité de pollution supplémentaire par rapport à ce niveau optimal. Mais, ce dernier

étant difficile à évaluer, il est alors tout aussi difficile de fixer un prix à cette pollution et nous nous

concentrerons donc sur la question du paiement. Elle peut se décomposer en deux volets : qui paye

et comment. Une fois le prix de la pollution fixé, il faut déterminer la façon dont il sera payé et donc,

par qui. Concernant le sujet des sols pollués, ce phénomène répond mieux à un système de taxe

plutôt qu’à un système de marché de droits à polluer car les sources de pollution sont très diverses,

diffuses et difficilement quantifiables. Calculer une quantité de gaz à effet de serre émise et convertir

toutes les mesures en une unité (la tonne équivalent CO2) est un processus moins contraignant que

de chercher à évaluer, grâce à une même unité, les impacts variés que peuvent avoir sur

l’environnement ou l’être humain, une grande variété de produits chimiques ou dangereux.

Toutefois, si aucun de ces mécanismes évoqués n’est mis en place, c’est la société, via le paiement

d’impôts par la suite affectés par le gouvernement à la correction de certaines externalités

(dépollution de sols notamment) qui paie le plus souvent. Pour éviter ce phénomène, le concept de

pollueur-payeur a fait son apparition dans les années 70 au sein de l’OCDE afin d’attribuer ces coûts

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aux parties qui en sont responsables2. Il est depuis devenu la base de nombreuses politiques

environnementales, notamment de l’Union Européenne (Directive 2004/35/CE) mais aussi en France

où, intégré dans le Code de l’Environnement, il indique que « les frais résultant des mesures de

prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le

pollueur »3. Le Superfund aux Etats-Unis repose, partiellement seulement, sur ce principe de

pollueur-payeur car d’une part, son fonctionnement a subi un changement important qui a changé

cela, d’autre part, la notion même de pollueur-payeur continue de faire débat.

2 Source : actu-environnement, dictionnaire environnement

3 Source : article L 110-1 du Code de l’Environnement, légifrance.fr

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II. Le fonctionnement du Superfund : du droit à l’environnement à un droit à polluer

Le Superfund est le nom usuel d’une loi du gouvernement fédéral américain, adoptée en 1980, le

Comprehensive Environmental Response, Compensation and LiabilityAct. Le fonds monétaire instauré

par cette même loi est lui aussi connu sous le nom de Superfund. Ce programme de l’état américain a

été créé suite à la découverte de sites pollués aux Etats-Unis dans les années 1970 (dont celui de

Love Canal) et il avait à l’origine pour but principal de nettoyer les « sites orphelins ». On appelle

« sites orphelins », les sites et sols pollués pour lesquels aucun responsable n’est connu ou lorsque

celui ci n’est pas en mesure d’assumer (pour des raisons financières en général) le nettoyage des

sites. Ces sites ne sont pas les seuls présents sur la liste établie par l’EPA (Environmental Protection

Agency4), la National Priority List, qui regroupe, selon un mode de classement par dangerosité (le

Hazard Ranking System) les sites à nettoyer en priorité. L’EPA est en effet l’organisme chargé, par le

biais de la loi de 1980, d’identifier les responsables de pollutions. Il peut également les poursuivre en

justice pour les obliger à payer ou, dans le cas de « sites orphelins », l’EPA peut nettoyer elle-même

les sites, notamment grâce aux financements du fonds monétaire.

On peut distinguer deux grandes phases dans l’histoire du Superfund : de 1980 à 1995 puis de 1995 à

nos jours. Le mode de financement du programme a en effet subi un changement important en 1995

qui a affecté sa capacité d’action.

1. Le Superfund de 1980 à 1995

Entre 1980 et 1995, le Superfund était principalement alimenté par une taxe qui permettait de

récolter environ 1,5 milliard de dollars chaque année5. Cette taxe concernait les industries

génératrices de pollutions et permettait au Superfund d’agir rapidement pour dépolluer les sites,

sans attendre de traduire les responsables en justice. Il a été estimé qu’environ 70% des remises en

état effectuées l’ont été par les industries qui avaient pollué le site en premier lieu6.

Cette taxe, appelée « Superfund tax » était en réalité constituée de plusieurs taxes, trois s’appliquant

sur les produits et une sur le revenu, présentées dans le tableau suivant7 :

4Agence de Protection de l’Environnement aux Etats-Unis

5Source :Reinstatement of Superfund Tax Proposed in Congress, Presumed in President Obama’s Budget, Meline

MacCurdy, Marten Law 6 Source :Superfund, article, New York Times, Timothy Ivy

7 Sources : Reinstatement of Superfund Tax Proposed in Congress, Presumed in President Obama’s Budget,

Meline MacCurdy, Marten Law et 2012 Budget, Tax Proposals, Tax Policy Center

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Nom de la taxe Champ d’application et montant

« the petroleum tax »

Taxe sur le pétrole

Elle s’applique aux raffineries domestiques et est basée sur la

quantité de pétrole brut achetée.

Elle s’applique également aux importateurs de pétrole que ce

soit pour son stockage ou son utilisation. Elle est basée sur la

quantité produite de pétrole raffiné importée et sur le pétrole

produit localement utilisé ou exporté avant qu’il ne soit reçu

par une raffinerie.

Montant : 9,7 centimes de dollar par baril.

« the chemical feedstock tax »

Taxe sur les stocks de produits

chimiques

Elle concerne 42 substances chimiques et pétrochimiques

potentiellement dangereuses lorsqu’elles sont utilisées (hors

fabrication et pendant).

Montant : varie de 0,22 centimes à 4,87 dollars par tonne.

« the imported chemical

derivative tax »

Taxe sur les dérivés de produits

chimiques importés

Elle concerne les substances chimiques importées qui

contiennent ou utilisent une des 42 substances dangereuses

concernées par la taxe sur les stocks de produits chimiques.

Pas de montant connu.

« the environmental corporate

alternative minimum tax »

Taxe sur le revenu des entreprises

Elle s’applique à toutes les entreprises dont le revenu

minimum imposable dépasse 2 millions de dollars.

Montant : 0,12% du revenu.

Il est important de noter que peu d’éléments sont disponibles sur la façon dont ont été calculés les

montants et taux de ces taxes et qu’il est alors difficile de savoir à quoi elles correspondent

réellement et si elles sont le reflet de l’évaluation du coût d’un dommage environnemental.

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2. Le Superfund de 1995 à nos jours

En 1995, le Congrès américain décide de ne pas reconduire la taxe Superfund qui expire alors à la fin

de l’année. Cette décision prive ainsi le programme de sa première source de revenus. Depuis, le

Superfund fonctionne principalement grâce à une appropriation d’environ 1.2 milliards de dollars et

aux sommes qu’il parvient a récupérer auprès d’entreprises qui ont pollué des sites8. L’appropriation

représente une affectation d’une certaine somme depuis le budget de l’Etat fédéral vers le

Superfund. Le président Barack Obama milite pour la réinstauration de cette taxe pour rétablir le bon

fonctionnement du Superfund. Il a ainsi proposé de la réinscrire à partir de l’année fiscale 2012 pour

une durée en vigueur allant jusqu’au 31 décembre 2021, période qui devrait amener environ 20,8

milliards de dollars de financement9.

3. Les différentes sources de financement depuis 1980

Depuis l’arrêt de la taxe, le financement se fait principalement en utilisant les impôts des

contribuables. En effet, l’impôt sur le revenu aux Etats-Unis se paie au niveau fédéral, en sus de ceux

dus au niveau fédéré et parfois même, communal10. Le Superfund fonctionne donc sur une certaine

masse de ces impôts qui lui est redistribuée, signant ainsi le retour au principe de support du coût de

la pollution par la société. Cependant, cette contribution, bien que plus faible auparavant, a toujours

existé. On peut en effet distinguer cinq grandes sources de revenus depuis la mise en place du

programme en 1980 :

- La taxe Superfund, composée des quatre taxes décrites précédemment ;

- Les remboursements de la part d’industries responsables des coûts engagés par le Superfund

pour nettoyer un site ;

- Les amendes et pénalités ;

- Les intérêts, perçus sur les sommes du fonds placées en attendant d’être utilisées ;

- Et les appropriations du budget global.

La figure 1 ci-dessous présente les proportions de ces différentes sources entre les années 1991 et

1995 :

8Ibidem

92012 Budget, Tax Proposals, Tax Policy Center

10 Source : La fiscalité aux Etats-Unis, Direction de la législation fiscale, MINEFI

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7

Figure 1 : Sources de financement du Superfund entre 1991 et 1995 Source : Funds Management Division US. TreasuryDepartment.

11

Le contribuable américain a donc toujours participé, dans une certaine mesure, au financement du

Superfund. Mais, comme le montre la figure 1, cette participation représentait seulement, entre

1991 et 1995, 16,8% du montant total. 83,2% du financement, dont 65,9% provenant de la taxe

Superfund, était auto-assuré par le fonds. Aujourd’hui, cette part du contribuable a plus que doublé.

Figure 2 : sources de financement du Superfund entre 1981 et 1995 puis entre 1995 et 200712

Les amendes et pénalités sont ici regroupées avec les remboursements des industries.

Le Superfund est donc passé d’un financement principalement à partir de taxes, basé sur le principe

de pollueur-payeur, à celui de victime-payeur puisque les appropriations, aujourd’hui majoritaires,

représentent les impôts perçus par le gouvernement fédéral. Se pose alors la question, qui fait par

ailleurs l’objet de nombreux débats et études aux Etats-Unis, de la suffisance de ce mode de

financement pour que le programme soit efficace. Mais, même s’il était prouvé que le Superfund

puisse atteindre ses objectifs sans percevoir de taxes, le principe s’en trouve entièrement modifié. Le

11

Source : CRS, Report for Congress, Superfund taxes or General Revenues, Future funding issues for the Superfund Program, février 2008 12

Ibid.

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système du pollueur-payeur n’est plus le fondement de la logique du Superfund. Toutefois, il est

important de noter que l’EPA ne peut pas utiliser le Superfund sans appropriations et que celles-ci

doivent être dépensées selon les recommandations du Congrès13. Pendant un certain nombre

d’années par exemple, le Congrès a souhaité qu’une partie soit transférée au département de la

Justice américaine afin de soutenir les actions que peut engager l’EPA pour poursuivre les entités

responsables de pollutions14. Un certain contrôle de la dépense des appropriations est opéré ce qui

apporte certaines garanties. Il manque cependant toujours une implication des parties polluantes et,

si l’EPA souhaite continuer de remettre les sites pollués en état, elle sera alors obligée, à un certain

point, d’utiliser ces appropriations à ces fins.

4. Les controverses autour du principe de pollueur-payeur

Les controverses et débats sur le principe pollueur-payeur peuvent expliquer la décision prise par le

Congrès en 1995 ainsi que la difficulté de rétablir cette taxe. En effet, toutes les entreprises étant

soumises à la même taxe, il n’est pas possible pas de faire la différence entre une entreprise qui

cherche à limiter son impact sur l’environnement et une autre, moins engagée. Ainsi, bonne élève ou

non, toutes les entreprises se voient obligées de payer une même taxe. En outre, elles paient une

taxe dont le montant sera par la suite affecté à la dépollution d’un site dont elles ne sont pas

responsables. Si l’on reprend la définition du principe pollueur-payeur, il apparaît clairement qu’il

s’agit d’imputer le coût de la pollution à l’entreprise qui l’a causée. Or, si certaines industries font

appel à des produits toxiques, ce n’est pas pour autant qu’elles ne respectent pas les normes qui

leurs sont imposées. Par ailleurs, la taxe s’appliquant sur le revenu imposable des sociétés n’indique

pas que seules les entreprises polluantes y sont soumises. Les entreprises ne participant en rien à la

pollution de sites se voient alors obligées de contribuer au financement de leurs remises en état.

Les sites orphelins accentuent d’autant plus ce problème. Sans responsable, le choix de l’entité

légitime relève davantage d’une décision politique plutôt qu’économique. La société doit-elle payer

pour bénéficier du service que lui rend un environnement propre ou les industries polluantes

doivent-elles supporter le coût de nettoyage de l’environnement qu’elles ont (hypothétiquement)

dégradé ? Il s’agit en fait de choisir entre consacrer le droit à l’environnement ou accorder le droit à

polluer. L’économie s’invite cependant dans ce débat, le contexte de crise récurrente dans lequel

évolue le monde depuis quelques années semblant suggérer qu’il est plus probable que, sans

réinstauration de la taxe Superfund, les moyens alloués à la remise en état des sites pollués

13

Source : Superfund Funding and Costs, Government Accountability Office 14

Ibid.

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diminuent. Une redéfinition du principe pollueur-payeur et de la taxe pourrait constituer une piste

pour remettre celle-ci en place et relancer l’activité du programme Superfund.

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III. Le modèle européen et application en France

1. Le principe de responsabilité environnementale en Europe

En Europe, la réparation des dommages causés à l’environnement est fondée sur le principe de

pollueur-payeur. La directive2004/35/CE établit un « cadre commun de responsabilité en vue de

prévenir et de réparer les dommages causés aux animaux, aux plantes, aux habitats naturels et aux

ressources en eau, ainsi que les dommages affectant les sols »15. Cette responsabilité s’applique

entre autre lorsqu’il y a eu négligence ou faute de l’exploitant. Cette directive vise à la fois à prévenir

et à réparer les dommages environnementaux.

Le principe de responsabilité s'applique aux dommages environnementaux et aux menaces

imminentes de tels dommages lorsqu'ils résultent d'activités professionnelles, dès lors qu'il est

possible d'établir un lien de causalité entre le dommage et l'activité en question.

Sur la prévention de dommages ou la réparation de ces dommages, l’autorité compétente désignée

par l’Etat peut soit obliger l’exploitant à agir soit prendre les mesures appropriées. Dans le cas d’un

site contaminé, la directive exige que les sols concernés soient décontaminés jusqu'à ce qu'il n'y ait

plus aucun risque grave d'incidence négative sur la santé humaine.

Cette autorité recouvre ensuite les coûts supportés auprès de l'exploitant responsable du dommage

ou de la menace imminente de dommage.

Concernant la dégradation de la qualité environnementale des sols, la Commission Européenne a

proposée en 2006 une stratégie commune aux Etats membres de gestion des sols contaminés par

des substances dangereuses. Ce projet de directive cadre sur la protection des sols n’a toujours pas

été voté et demeure toujours en discussion. Il indique que les Etats doivent dresser « un inventaire

des sites pollués par de telles substances lorsque la concentration de celles-ci crée un risque

important pour la santé humaine ou pour l'environnement, ainsi que des sites sur lesquels certaines

activités se sont déroulées dans le passé »16. Les Etats doivent ensuite procéder à une remise en état

des sites selon une stratégie nationale. Le rapport précise que lorsque « la personne responsable de

la pollution ne peut être identifiée, ne peut être tenue responsable en vertu de la législation

nationale ou communautaire, ou ne peut être astreinte à supporter les coûts de l’assainissement »,

l'État membre concerné doit prévoir un financement approprié pour remettre le site en état. Ainsi

15

Source : Responsabilité environnementale, Europa, synthèse de la législation de l’UE 16

Source : Stratégie thématique en faveur de la protection des sols, Europa, synthèse de la législation de l’UE

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dans le cas de sites orphelins, les États membres sont tenus de mettre en place des mécanismes de

financement spécifiques afin de garantir une source de revenus pour la dépollution des sites.

Enfin, une autorité compétente doit être désignée. Elle sera chargée d’obliger les exploitants à

réparer les dommages ou prendre en charge elle-même ces mesures si ces derniers ne sont pas

identifiés ou ne sont pas tenus de supporter les coûts.

En Europe, on compte en 2009, environ 250 000 sites pollués et ce nombre continue d’augmenter.

L’agence européenne de l’environnement estime le nombre de sites d’activités potentiellement

polluantes à environ 3 millions à travers l’Europe, qui nécessitent pour la plupart des actions de

remédiation. Sur les trente dernières années environ 80 000 sites ont été dépollués (données

disponibles).

Bien que la plupart des pays en Europe applique le principe de pollueur payeur dans la gestion des

sites pollués, la dépollution nécessite des sommes élevées de fonds publics, notamment du fait des

pollutions dites « historiques », où l’exploitant n’est pas connu.

La proportion de fonds publics utilisés pour dépolluer des sites va de 100% en République Tchèque,

en Macédoine et en Espagne à un minimum de 7% en France, où le financement provient majoritaire

du secteur privé17.

2. Le cas de la France

Il n’existe pas de législation spécifique concernant les sites et sols pollués en France. Leur gestion

relève de la législation sur les déchets et les installations classées pour la protection de

l’environnement (ICPE). Selon le principe du pollueur-payeur, l’exploitant puis le propriétaire d’un

site est responsable de la dépollution.

En cas d'insolvabilité ou de défaillance du responsable du site, la dépollution est prise en charge par

l'État, avec un financement provenant de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Un

recours juridique est systématiquement requis contre le responsable, et des sanctions pénales ou

administratives peuvent être appliquées à l'encontre du pollueur.

17

Source : Agence Européenne de l’Environnement

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12

L’autorité compétente est l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie). Elle

dispose, depuis 1989, d’un rôle important pour l’exécution d’office des mesures préfectorales liées à

la remise en état des sites pollués. Elle se «substitue» donc au responsable d’un site pour la

réalisation des travaux de réhabilitation des sites et sols pollués.

Elle intervient dans les cas où :

les sommes recouvrées au titre de la consignation sont insuffisantes par rapport au montant

des travaux,

le recouvrement des sommes consignées n’a produit aucun effet,

l’entreprise exploitante est en liquidation judiciaire,

le responsable du site n’est pas identifié,

se présente une urgence technique.

L’intervention de l’ADEME est réalisée à la demande du préfet.

La TGAP a été mise en place en 1999, fusionnant les anciennes éco taxes prélevées entre 1992 et

1998 qui visaient à limiter les pollutions dans des secteurs précis (déchets, pollutions

atmosphériques, nuisances sonores et hydrocarbures).

Collectée par l’Etat via la direction des douanes et la DREAL, elle est reversée à l’ADEME. En 2011,

490,8 millions d’euros lui ont été affectés18, répartis sur les différentes activités de l’ADEME. Cela

représente 65% de ses ressources financières19.

Elle est due en fonction des seuils d’assujettissement qui sont fixés par les entreprises ayant l'une des

huit activités suivantes :

élimination et transfert de déchets

émission dans l'atmosphère de substances polluantes,

préparations lubrifiantes

préparations pour lessives, auxiliaires de lavage, produits adoucissants ou assouplissants

pour le linge,

matériaux d'extraction de toutes origines,

autorisation d'exploiter et exploitation d’ICPE,

émission d'imprimés papiers,

18

Source : Projet de loi de finances pour 2012 : Ecologie, développement et aménagement du territoire, Sénat 19

Source : Rapport d’activité et de performance de l’ADEME, 2009

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13

peintures, vernis, solvants, détergents, huiles minérales, pesticides, herbicides, fongicides

et autres produits chimiques pouvant représenter un risque significatif pour la santé et

l'environnement,

Le calcul de la taxe dépend par exemple du poids de substances émises dans le cas d’activités

émettrices de substances polluantes dans l’atmosphère. Elle est donc proportionnelle au degré de

pollution engendré et a pour objectif de dissuader les pratiques polluantes.

Suite aux dispositions du Grenelle de l'environnement, des taux réduits peuvent être appliqués pour

les redevables ayant un comportement vertueux au plan environnemental (exemple : faibles

émissions de NOX, ou lorsque les déchets sont acheminés par des modes de transports alternatifs à

la route.

Par ailleurs dans le cadre du Plan de Relance de l’économie présenté en février 2009, un effort

exceptionnel de 20 M€ d’aide complémentaire à l’ADEME a été versé afin d’aider la dépollution des

friches polluées urbaines.

En 2010, pour un total de crédits engagés par l’ADEME de 759,1 million d’euros, 27,4 concernent les

sites et sols pollués dont 9,22 sont des taxes hors Grenelle.

3. Autres approches européennes

Aux Pays-Bas 20

Il existe une loi sur la protection des sols qui prévoit un financement de l’Etat pour les opérations de

décontamination. Il existe également des fonds privés non officiels pour préfinancer les fonds alloués

dans le cadre de cette loi.

L’Etat a mis en place des plans de subvention incitant à la décontamination et qui dépendent des

résultats environnementaux, ainsi que des plans de prêt pour les entreprises en manque de liquidité.

20

Source : Approches internationales en matières d’évaluation des risques sur les sites pollués - Cas des Pays-Bas, BRGM, 2005

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14

Depuis 2000, les bénéfices fiscaux sont limités dans le temps afin d’accélérer la décontamination des

sols, et des crédits verts sont attribués aux entreprises qui adoptent des mesures de dépollution

supérieures au niveau imposé par la loi.

L’Etat donne également la possibilité de négocier des accords avec le secteur privé avec le soutien

financier du gouvernement.

Au Royaume-Uni 21

Il n’existe pas de fond spécifique du gouvernement mais un certain nombre de mécanismes de

financement.

Le ministère de l’environnement dispose d’un fond d’octroi de crédits pour les sites contaminés qui

s’applique lorsque les collectivités sont responsables des travaux et qu’elles ne peuvent recouvrir les

coûts auprès de l’exploitant.

L’association des partenaires anglais dispose d’un budget annuel pour le financement de travaux de

dépollution dans des zones nécessitant un redéveloppement économique. Il s’élève à 260 millions de

livres.

L’agence galloise de développement et son équivalent écossais disposent de fonds propres pour

assurer le redéveloppement de zones industrielles urbaines abandonnées et alloue une partie à la

dépollution des sites.

4. Approche comparative avec le Superfund

En France, il n’existe de pas de fond ad hoc pour la dépollution des sites orphelins. L’Etat intervient

et utilise les taxes prélevées sur certaines activités polluantes pratiquées par des entreprises. Aux

Etats-Unis l’Etat dispose d’un fond dédié qui peut constituer une entorse au principe de pollueur

payeur, mais qui a permis la réhabilitation et la réparation des dommages de nombreux sites.

Cependant l’accent n’est pas mis sur la prévention des dommages causés à l’environnement dans le

cas du Superfund, ce qui peut l’être un peu plus dans la mise en place de la TGAP. En effet, cette taxe

incitative a pour objectif la diminution des émissions polluantes dans l’environnement. De plus il

21

Source : Approches internationales en matières d’évaluation des risques sur les sites pollués - Cas du Royaume Uni, BRGM, 2005

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apparaît que l’innovation est stimulée dans les entreprises par la recherche de technologies moins

polluantes afin de se soustraire aux taxes22.

Le Superfund reste néanmoins transparent sur ses activités grâce aux informations délivrées par

l’USEPA. En effet, les citoyens peuvent suivre les opérations de dépollution et être informés de

l’avancée du projet. En France cette information est plus marginale. Une base de données (BASOL)

recense les sites identifiés comme prioritaires et contraints par l’administration d’engager des

travaux de dépollution. L’avancement des opérations n’est pas explicite.

22 Source : La fiscalité, l’innovation et l’environnement, OCDE, 2010

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16

Conclusion

Le Superfund est un modèle de programme pour la dépollution des sols mis en place aux Etats-Unis,

basé au départ sur le principe du pollueur-payeur. Aujourd’hui, son mode de fonctionnement se

rapproche davantage du principe de victime-payeur depuis que la taxe, due par les entreprises ayant

une activité polluante et qui finançait le programme à hauteur de presque 70%, a été supprimée.

Depuis plus de 15 ans, les différents présidents qui se sont succédés ont essayé de la réinstaurer,

tentative restée vaine jusqu’à ce jour.

Malgré les progrès certains accomplis grâce aux Superfund, le programme fait face à de vives

critiques : éparpillement politique et désaccords entre le niveau fédéral et les Etats ; délai de

nettoyage et de réhabilitation des terrains du fait de la longueur de la procédure ; sommes

dépensées dans les procédures juridiques ; échappatoires qui permettraient aux entreprises d’éviter

les sanctions ; une taxe injuste ; l’absence d’une loi préventive.

Toutes ces critiques amènent à une remise en cause du modèle Superfund et donc à envisager des

alternatives comme le principe des brownfields. Concept né au milieu des années 1990, les

brownfields sont des sites contaminés qui peuvent être réhabilités. Ce sont des opérations de plus

petite envergure que celles du Superfund qui sont gérées par les gouvernements locaux, de manière

décentralisée. L’opération n’est pas gérée par l’EPA et ne dépend pas de la loi CERCLA. L’EPA peut

collaborer avec les gouvernements locaux mais les fonds récoltés viennent généralement de sources

privées ce qui entraine une véritable collaboration autour de la dépollution des sols et de la

réhabilitation des terrains. À la réflexion sur la réinstauration de la taxe Superfund, et les éventuelles

modifications à lui apporter, s’ajoute alors la question de l’échelle pertinente (Etat fédéral ou fédéré ;

Etat central ou région) pour mener à bien ces opérations de dépollution.