Etude sur les conventions reglementees finexsi 17022014

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Droits de propriété exclusifs de FINEXSI – 17 février 2014 Didier Bazin, FINEXSI, Associé Christophe Lambert, FINEXSI, Associé Guillaume de Raigniac, FINEXSI, Directeur de mission Ismail Cheikh Lahlou, FINEXSI FINEXSI est un cabinet d’audit, d’expertise et de conseil financier constitué de professionnels expérimentés qui accompagnent les entreprises (cotées ou non) et les fonds d’investissement dans la résolution de situations complexes : Evaluation, Audit & Transactions, Litiges. Conventions réglementées : Panorama de la pratique des émetteurs en 2013 et recommandations de l’AMF

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Droits de propriété exclusifs de FINEXSI – 17 février 2014

Didier Bazin, FINEXSI, Associé

Christophe Lambert, FINEXSI, Associé

Guillaume de Raigniac, FINEXSI, Directeur de missio n

Ismail Cheikh Lahlou, FINEXSI

FINEXSI est un cabinet d’audit, d’expertise et de c onseil financier constitué de professionnels expérimentés qui accom pagnent les entreprises (cotées ou non) et les fonds d’investis sement dans la résolution de situations complexes : Evaluation, A udit & Transactions, Litiges.

Conventions réglementées : Panorama de la pratique des émetteurs en 2013 et recommandations de l’AMF

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Executive Summary

Droits de propriété exclusifs de FINEXSI – 17 février 2014

Quels constats peut-on tirer de l’analyse de la pra tique des émetteurs en matière de conventions réglementées ?

� Notre étude a porté sur l’analyse des documents de référence publiés en 2013 par les émetteurs du SBF 120, il en ressort un constat d’hétérogénéité des pratiques qui résultent de la complexité du dispositif législatif et de son manque d’adaptation à l’évolution des environnements propres à la taille et aux enjeux des groupes cotés.

� On constate que nombreux sont les émetteurs à faire preuve de prudence dans la qualification de la nature des conventions conclues, ce qui les conduit à traiter des conventions qui pourraient être qualifiées de courantes en conventions réglementées pour une plus grande sécurité juridique.

o Ainsi 26% des émetteurs ont qualifié des conventions de management fees en conventions réglementées.

� Il en résulte une inflation du nombre de conventions détaillées dans les rapports spéciaux présentés aux assemblées générales, avec le risque d’un manque de lisibilité et de pertinence pour l’actionnaire.

o Près de 30% des conventions réglementées publiées en 2013 portent sur des conventions nouvellement conclues

En quoi les recommandations de l’AMF s’inscrivent-t -elles dans les problèmes rencontrés par les émetteurs dans le cadr e de cette pratique ?

� L’AMF a publié le 2 juillet 2012, un ensemble de 33 propositions au sein de la recommandation n°2012-05, parmi lesquelles 15 concernent le vote des conventions réglementées. L’essentiel de ces propositions a vocation à renforcer la transparence pour l’actionnaire et simplifier la procédure.

� Il faut relever que la proposition la plus marquante, qui s’inscrit dans une démarche de renforcement de la transparence, consiste à demander au législateur une modification du code de commerce afin de rendre obligatoire la motivation par le conseil d’administration de sa décision d’autoriser une convention réglementée, comblant ainsi un vide juridique.

� De même, l’AMF a proposé une mesure de simplification de la procédure en prônant l’exclusion du champ d’application les conventions conclues avec des filiales détenues à 100%.

� C’est ainsi que la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises reprend ces deux propositions, qui devraient entrer en vigueur, par voie d’ordonnance, au cours de l’année 2014.

Comment ces recommandations ont-elles été accueilli es par les émetteurs dans leur publication en 2013 ?

� Notre analyse montre que les recommandations formulées par l’AMF ont été pour l’instant peu suivies par les émetteurs, ce qui ne nous paraît pas surprenant compte tenu de leurs caractères encore récents.

� En particulier, la recommandation relative à la mise en place d’une charte interne (proposition n°20) au sein de l’entreprise relative à la qualification d’une convention n’a été suivie que par 3 émetteurs (Bolloré, Bouygues et Legrand).

� De même, le principe de motivation des conventions réglementées (proposition n°24) soumises à l’approbation des actionnaires n’a été suivi que par 2 émetteurs (Bouygues et Altran). Bien que l’intérêt d’une telle proposition apparaît assez évident au plan de la transparence pour l’actionnaire, son application pratique pose certaines difficultés (niveau de détail des justifications, pertinence de l’information lorsque l’intérêt va de soi).

� Enfin, la désignation d’un expert indépendant (proposition n°25) pour les conventions réglementées qui sont susceptibles d’avoir un impact significatif sur le bilan ou les résultats de l’émetteur, n’a été appliquée par aucun émetteur à ce jour. A la lumière de contentieux récents impliquant des émetteurs de premier plan, il nous semble que cette proposition va dans le sens d’une plus grande sécurité juridique, en particulier dans les situations où les conventions sont conclues au sein d’un groupe avec un actionnariat présentant un bloc de droit de vote minoritaire.

Finalement quels enseignements tirer de la pratique des conventions réglementées ?

� La recommandation formulée par l’AMF présente l’intérêt de rappeler que la procédure des conventions réglementées est un sujet sensible pour les émetteurs et les actionnaires. La recommandation s’inscrit pleinement dans une démarche de renforcement de la transparence, et à notre avis d’une plus grande sécurité juridique.

� Les propositions de l’AMF vont également dans le sens d’une simplification de la procédure, car celle-ci reste à ce jour complexe à mettre en œuvre ou mal appréhendée par les émetteurs. En ce sens, la proposition récente de loi inspirée d’une proposition de l’AMF permettra d’alléger la procédure pour une part importante du périmètre des conventions conclues au sein d’un groupe.

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Sommaire

1. Un dispositif réglementaire complexe nécessitant de s mesures de simplification et de clarification qui justifie la recommandation n°2012-05 de l’AMF ............................................. ............................................................................. 4

2. Quelle est la pratique actuelle des émetteurs en ma tière de conventions réglementées ? .................................... ..................................................................... 6

3. Analyse des difficultés posées par certaines catégo ries de convention : l’intégration fiscale, les management fees, les con ventions de trésorerie ....... 10

3.1. Convention d’intégration fiscale ................................................................... 10

3.2. Convention de Management fees ................................................................ 11

3.3. Convention de trésorerie ............................................................................. 11

4. L’étude des publications des émetteurs en 2013 mont re que les propositions de l’AMF sur les conventions réglement ées ont été peu appliquées à ce jour .............................. ................................................................. 14

4.1. La mise en place d’une charte interne (proposition n°20) ............................ 14

4.2. La motivation de la décision du conseil d’administration d’autoriser une convention réglementée (proposition n°24) ........................................................... 15

4.3. La désignation d’un expert indépendant en cas de convention réglementée susceptible d’avoir un impact très significatif (proposition n°25) ........................... 16

5. Rappel pratique sur les règles et la procédure de d éclassification d’une convention réglementée ............................ ............................................................ 18

6. Conclusion ........................................ ............................................................... 20

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1. Un dispositif réglementaire complexe nécessitant des mesures de simplification et de clarification qui j ustifie la recommandation n°2012-05 de l’AMF

Le législateur français n’a cessé de faire évoluer la réglementation dans la pratique des conventions réglementées par souci de transparence et de prévention d’éventuels conflits d’intérêts. Le dispositif législatif qui remonte à la loi sur les sociétés commerciales de 1867 a été considérablement renforcé par des lois successives, tant dans sa portée juridique, que dans ses contraintes pratiques : élargissement du périmètre des conventions réglementées, introduction de la procédure de contrôle à 2 «niveaux» (autorisation préalable du conseil d’administration, puis contrôle par le commissaire aux comptes), extension de son application aux engagements pris au bénéfice des mandataires sociaux dans les sociétés dont les titres sont admis sur un marché réglementé, création de nouvelles obligations en matière de communication des conventions courantes (ce dernier dispositif finalement abrogé par la loi du 17 mai 2011).

Peu de formes juridiques de société échappent finalement au dispositif des conventions réglementées, et les contraintes pratiques qui résultent d’une application stricte du dispositif et de la complexité croissante des relations d’affaires au sein d’organisations toujours plus élaborées sont parfois lourdes d’implications administratives (en particulier pour les directions juridiques et financières). Il en est de même pour le commissaire aux comptes, dont les rapports spéciaux présentés à l’assemblée des actionnaires n’ont cessé d’être alourdis au cours de la dernière décennie de telle sorte qu’il devient aujourd’hui difficile d’en avoir une lecture utile pour l’actionnaire.

La Compagnie nationale des Commissaires aux comptes a publié en juin 2011 une note d’information relative au rapport spécial sur les conventions et engagements réglementés afin d’aider les commissaires aux comptes dans un environnement réglementaire complexe et en constante évolution. C’est dans ce contexte et dans l’objectif de protection de droits des actionnaires que l’AMF a décidé en mai 2011 de confier à un groupe de travail constitué de différents acteurs du marché une réflexion ayant pour objectif de formuler des propositions sur plusieurs thèmes portant sur les assemblées générales d’actionnaires de sociétés cotées, et notamment sur le vote des conventions réglementées.

Cette réflexion a conduit l’AMF à publier le 2 juillet 2012 un ensemble de 33 propositions au sein de la « recommandation n° 2012-05 ».

Sur les 33 propositions ainsi formulées par le groupe de travail, 15 concernent le vote des conventions réglementées, ce qui démontre bien la place importante qu’occupe cette thématique pour les acteurs du marché. Parmi ces propositions, certaines ont clairement une vocation de simplification (proposition d’exclure du champ d’application des conventions réglementées les conventions conclues entre une société cotée et ses filiales détenues directement ou indirectement à 100%), et d’autres proposent des solutions qui visent une meilleure transparence dans l’application du dispositif légal (charte interne, motivation de l’intérêt, expertise indépendante).

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Présentation schématique par regroupement des propo sitions de l’AMF sur le dispositif des conventions réglementées

Améliorer le référentiel techniqueRenforcer la transparence et la pratique des

émetteursSimplifier la procédure

Prop 19 : Actualiser l'étude de la CNCC datant de 1990 sur les conventions intragroupe. Ce document permet d’aider les dirigeants à apprécier notamment ce que recouvre la notion de « convention courante conclue à des conditions normales ».

Prop 20 : Mettre en place, au sein des entreprises, une charte interne pour qualifier une convention et la soumettre à la procédure des conventions réglementées. Cette charte définirait les critères retenus par une entreprise, en adaptant le guide de la CNCC à sa propre situation, en accord avec ses commissaires aux comptes ; Soumettre cette charte à l’approbation du conseil de la société et la rendre publique.

Prop 21, 22 et 23 : Propositions qui prônent l'exclusion du champ d'application du régime des conventions réglementées, les conventions conclues avec des filiales détenues à 100%, la redéfinition de la notion de "personne indirectement intéressée" et enfin la publication dans le document de référence de toute convention signée avec une filiale et concernant un dirigeant de la société mère cotée.

Prop 24 :Motiver la décision du conseil d'administration d’autorisation des conventions réglementées en justifiant de l’intérêt de cette convention pour la société et des conditions financières qui y sont attachées. Ces motifs seraient repris dans le procès verbal de la séance et portés à la connaissance des commissaires aux comptes lors de la notification de la convention.

Prop 26 à 33 : Ensemble de propositions relatives à l'amélioration de la définition et de la mise en application des conventions réglementées et notamment du rapport spécial du commissaire aux comptes, au sein d'une société cotée.

Prop 25 : Inciter le conseil d’administration à nommer un expert indépendant lorsque la conclusion d’une convention réglementée est susceptible d’avoir un impact très significatif sur le bilan ou les résultats de la société et/ou du groupe ; Mentionner l’expertise indépendante demandée par le conseil d'administration dans le rapport spécial et la rendre publique sous réserve, le cas échéant, des éléments pouvant porter atteinte au secret des affaires.

Propositions analysées dans le cadre de cette étude

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2. Quelle est la pratique actuelle des émetteurs en matière de conventions réglementées ?

L’application des lois encadrant la définition et les contraintes de forme relatives aux conventions réglementées posent régulièrement aux entreprises et à leurs directions juridique et financière des problèmes pratiques.

En particulier, la question de la qualification d’une convention « libre », c’est-à-dire du caractère « courant » et conclue à des « conditions normales », par opposition à une convention dite « réglementée », est en tant que telle une difficulté d’application importante, notamment dans les groupes. Car si le caractère « courant », peut s’apprécier par référence à l’activité habituelle de la société (c’est-à-dire qui s’inscrit pleinement dans l’objet social) et à son caractère plus ou moins significatif, le caractère de « conditions normales » pose régulièrement des questions pratiques dans l’appréciation des conditions de marché (c’est-à-dire des conditions qui ne seraient pas plus avantageuses que celles qui auraient été consenties à un tiers) qui sont le principal sous-jacent d’une justification de conditions normales au sens de la loi.

C’est la raison pour laquelle en cas de doute sur ces conditions, les sociétés optent parfois sans conviction mais pour plus de sécurité juridique à un traitement en convention réglementée, conduisant ainsi à l’inflation qu’on connait du nombre de conventions, nécessairement reprises par le commissaire aux comptes dans son rapport spécial (conventions poursuivies, conventions conclues au cours de l’exercice et autorisées préalablement, conventions non autorisées préalablement le cas échéant…).

Ainsi, des conventions réglementées significatives correspondant à l’esprit de la loi se trouvent parfois ainsi « noyées » parmi d’autres conventions qui auraient pu être qualifiées de courantes, l’information de l’actionnaire donnée par le rapport spécial perdant alors en clarté et en pertinence.

Face à cette inflation d’informations, un projet de loi1 récent propose d’ailleurs d’exclure du champ des conventions réglementées les conventions conclues entre une société cotée et ses filiales détenues directement ou indirectement à 100%. En effet, dans ce cas, la protection de l’actionnaire minoritaire, l’un des fondements de la mise en place de la procédure des conventions réglementées, est sans objet.

Il nous est apparu utile d’étudier l’application par les sociétés cotées du dispositif des conventions réglementées selon 2 axes d’analyse : (i) la qualification des conventions par les sociétés cotées, pour mettre en évidence les pratiques et en tirer certains enseignements, et (ii) replacer cette pratique dans le contexte des propositions formulées par l’AMF et faire le suivi de sa première application par les émetteurs (application recommandée pour les assemblées générales se tenant après le 1er janvier 2013).

Ce sujet de la qualification des conventions réglementées par les émetteurs présente d’autant plus d’intérêt qu’au cours des dernières années, on a vu naître des contentieux entre actionnaires avec des enjeux financiers importants qui portaient tant sur la qualification d’opérations en tant que conventions réglementées, que sur le respect des obligations légales de forme en la matière (autorisation préalable, publication d’une information suffisante, traitement par le commissaire

1 La loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises reprend cette

proposition, qui devrait entrer en vigueur, par voie d’ordonnance, au cours de l’année 2014

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aux comptes dans son rapport spécial). Les enjeux juridiques et financiers peuvent en effet être considérables pour un émetteur en cas de nullité des opérations conclues.

Notre étude a porté sur les entreprises cotées sur le SBF 120, dont le siège social est situé en France, soit 112 émetteurs sur les 1202. Sur ces bases, au regard des rapports spéciaux des commissaires aux comptes figurant dans les documents de référence des émetteurs, nous avons effectué une revue de la nature des conventions qualifiées de réglementées en tenant compte à la fois des conventions nouvelles et des conventions anciennes.

Les données quantitatives générales ressortant de l’analyse de l’information réglementée publiée par ces 112 émetteurs peuvent être résumées de la manière suivante :

- 786 conventions réglementées ont été recensées dont 219 nouvelles conventions au titre de l’année 2012 et 567 conventions anciennes ;

- le nombre moyen de conventions réglementées par émetteur est donc de 7 avec un nombre maximum de 26 ;

- 15 émetteurs ne présentent aucune convention réglementée.

Pour faciliter l’analyse, nous avons classé les conventions réglementées en trois catégories distinctes3 :

- Les conventions conclues avec les dirigeants : cette catégorie regroupe les engagements pris au bénéfice des dirigeants, à savoir principalement les conventions visant les rémunérations, indemnités, avantages dus à raison de la cessation ou du changement des fonctions des dirigeants (golden parachutes, compléments de retraite, indemnités de licenciement et de non concurrence, traitement des options de souscription ou d’achat d’actions exerçables au moment du départ…).

- Les conventions conclues entre entités ayant un dirigeant ou administrateur commun : dans cette catégorie on retrouvera les conventions conclues au sein d’un groupe ayant par nature un caractère réglementé (abandon de créance, emprunts sans intérêts…), des conventions qualifiées de réglementées compte tenu de leurs modalités (convention d’intégration fiscale) et même des conventions intragroupes qu’il aurait été envisageable de qualifier de courantes par nature (convention de management fees, conventions de trésorerie notamment).

- Les conventions avec les actionnaires ou un administrateur représentant un actionnaire : on retrouvera dans cette catégorie les pactes ou protocoles conclus avec un actionnaire de l’émetteur (ex : pacte d’actionnaire sur un projet d’investissement), ou les conventions conclues avec un administrateur représentant un actionnaire au titre de prestations de conseil. Sur ces bases, la synthèse de notre étude est la suivante :

2 Les huit émetteurs ayant leur siège social hors de France n’ont pas été étudiés

3 Cette classification étant recommandée par l’AMF

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Sur la base de notre étude, nous constatons que les conventions conclues avec les dirigeants est la catégorie la plus riche, puisqu’elle concerne jusqu’à 63% des émetteurs analysés. Ce constat résulte sans aucun doute de l’obligation fixée par l’article L. 225-42 du Code de commerce de présenter les avantages dus ou susceptibles de l’être à raison de la cessation ou du changement des fonctions ou postérieurement à celles-ci (éléments de rémunération, indemnités, avantage, compléments de rémunération, compléments de retraite ; options de souscription ou d’achat d’actions exerçables au moment du départ ou postérieurement). Ce constat n’est pas étonnant tant le sujet est sensible et le dispositif de contrôle introduit par l’article L. 225-42 du Code de commerce large.

La seconde catégorie regroupe des conventions de prestations qui concernent 49% des émetteurs. Ces conventions sont évidemment de nature très variées (convention de sous-location de locaux, conventions de mécénat, conventions de mise à disposition de bureaux, convention de gestion des opérations de marché, participations à des frais d’étude, prestations de services dans le cadre de la gestion du risque de change...). Nous observons que certaines conventions comme les conventions de management fees (26% des émetteurs) ou les conventions de trésoreries (20%) qui sont présumées constituer des conventions courantes ont été qualifiées de réglementées par plus de 20% des émetteurs. Il est possible que dans certains cas les modalités de ces conventions aient conduit les émetteurs à les qualifier néanmoins de conventions réglementées, sans que l’on puisse écarter que dans d’autres cas cette qualification ait été simplement motivée par le souci de prudence juridique.

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Plus rarement, les émetteurs ont qualifié de réglementées des conventions d’intégration fiscale, ces conventions ayant rarement des modalités les rendant susceptibles de nécessiter la mise en œuvre de la procédure des conventions réglementées, comme nous le verrons ci-après. Les conventions d’abandon de créances, devant obligatoirement être qualifiées de conventions réglementées, 6 abandons accordés par les émetteurs sur l’exercice 2012 pour 4 % des émetteurs ont été portés à l’attention des actionnaires dans le rapport spécial des commissaires aux comptes. Il faut enfin relever que 9 émetteurs ont qualifié de réglementées des conventions de conseil, assistance... réalisées par un administrateur au profit de l’émetteur.

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3. Analyse des difficultés posées par certaines catégories de convention : l’intégration fiscale, l es management fees, les conventions de trésorerie

3.1. Convention d’intégration fiscale

Les groupes mettent en place très fréquemment une convention d’intégration fiscale. Cette convention formalise les principales modalités de fonctionnement de ce régime fiscal. Selon la CNCC, « compte tenu de la variété des conventions d’intégration fiscale, leur caractère courant ou réglementé est à examiner au cas par cas4 ». La CNCC ne précise cependant pas quels sont les critères à analyser pour classer une telle convention en convention courante ou réglementée, ce qui reste la principale difficulté de ce type de convention. Les modalités de répartition de l’impôt au sein du groupe intégré (il en existe sept possibles), les conséquences des sorties de groupe (et notamment le dédommagement des filiales déficitaires) peuvent être des clauses contractuelles à analyser pour qualifier la convention de réglementée ou de courante. Cependant, il faut rappeler que toute clause de répartition de l’impôt entrainant, pour les filiales intégrées, des charges d’impôt supérieures à celles qu’elles auraient supportées en l’absence d’intégration, est considérée comme illicite. Cette disposition vient ainsi déjà protéger les actionnaires minoritaires d’une filiale d’un groupe intégrée (titulaires de 5% au maximum de son capital). En pratique, sur la base de l’analyse réalisée, sur les 112 émetteurs, 10 % ont qualifié de réglementées des conventions d’intégration fiscale, soit un nombre relativement faible. Au regard de la revue des informations sur les principales modalités de ces conventions, publiées dans les rapports spéciaux des émetteurs étudiés, il faut relever que pour 10 conventions sur les 12 identifiées lors de notre étude (soit 10% des émetteurs), rien n’est indiqué sur les modalités de répartition de l’impôt ou sur les conséquences liées à la sortie du groupe fiscal. Le plus souvent, seuls le périmètre de l’intégration, la date d’entrée en vigueur et le montant des économies générées sont présentés. Ainsi, il est difficile d’apprécier la motivation qui a conduit au classement de ces conventions en conventions réglementées. Seules deux conventions précisent les modalités de répartition de l’impôt :

- l’une présenterait les caractéristiques d’une convention courante, l’intégration fiscale étant neutre pour les sociétés intégrées ;

- en revanche, l’autre prévoit des modalités particulières de répartition de l’économie d’impôt réalisée sur les dividendes, modalités pouvant expliquer la classification de cette convention en convention réglementée.

Ainsi, si la pratique des émetteurs du SBF 120 montre que les conventions d’intégration fiscale sont le plus souvent qualifiées de conventions courantes, il est le plus souvent difficile d’identifier, quand ces conventions sont qualifiées de réglementées, la motivation de ce classement. En effet, rarement les clauses particulières de la convention pouvant avoir motivé cette qualification sont

4 Note d’information IX de la CNCC « Le rapport spécial du commissaire aux comptes sur les conventions

réglementées » page 40

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portées à la connaissance de l’actionnaire via le rapport spécial des commissaires aux comptes. Dans ce cas l’information apportée à l’actionnaire apparaît le plus souvent limitée.

3.2. Convention de Management fees

La convention de management fees, au sens large retenue dans la présente étude, est une convention usuelle dans les groupes de sociétés qui permet le plus souvent à certaines sociétés du groupe ou à la maison mère de refacturer aux autres filiales des prestations fonctionnelles (Direction générale, Direction financière, Service de recherche, Gestion administrative, commerciale, comptable ou juridique…).

Le prix de la prestation est le plus souvent déterminé sur la base des coûts de revient directs plus une marge raisonnable couvrant les coûts indirects supportés.

Les conventions de management fees, fréquemment mises en place au sein des groupes, devraient le plus souvent être qualifiées de conventions courantes. Ainsi, pour les frais communs du groupe, la CNCC estime que ces conventions sont présumées courantes5.

Notre étude montre cependant qu’au sein des sociétés cotées visées, ces conventions sont souvent qualifiées de conventions réglementées. Ainsi, sur les 112 émetteurs, 26 % des émetteurs ont qualifié des conventions de management fees de conventions réglementées. Ainsi, alors même que ces conventions sont présumées courantes, pour des raisons d’information des actionnaires, l’émetteur a fait le choix de qualifier ces conventions de conventions réglementées.

Concernant les informations communiquées aux actionnaires via le rapport spécial, si la nature de la convention et les montants encourus sur l’année 2012 en application de ces conventions sont le plus souvent présentés, les modalités de détermination du quantum des managements fees sont rarement indiquées.

Le projet de loi, devrait permettre d’alléger fortement le dispositif, dans la mesure où beaucoup de conventions de management fees sont conclues entre l’émetteur et ses filiales détenues directement ou indirectement à 100%.

3.3. Convention de trésorerie

Les conventions de trésorerie, au sein de notre étude recouvrent différentes natures de conventions :

- les prêts intragroupes ; - les avances en compte courant ; - la gestion centralisée de la trésorerie ou cash pooling.

5 Note d’information IX de la CNCC « Le rapport spécial du commissaire aux comptes sur les conventions

réglementées » page 38

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Le classement de ces conventions en conventions réglementées dépend le plus souvent des critères suivants6 :

- l’importance du montant prêté au regard de la situation des sociétés en présence et notamment la capacité de remboursement de la bénéficiaire du prêt ;

- l’appréciation du caractère normal ou non du taux de l’emprunt accordé. Le plus souvent la société en charge de la gestion de la trésorerie au sein du groupe obtiendra des conditions de financement plus favorables qu’une filiale isolée. Ainsi, la normalité du taux pratiqué devra s’apprécier au regard du taux obtenu par la société mère ou la société de cash pooling.

- une inégalité de traitement entre les filiales pour des emprunts avec des maturités similaires devrait entrainer la qualification de toutes les conventions en conventions réglementées.

- un prêt sans intérêt sera qualifié automatiquement de convention réglementée. C’est d’ailleurs la position de la CNCC : « Le contrat d’abandon de créance, qu’il y ait ou non clause de retour à meilleure fortune, constitue dans tous les cas une convention réglementée, le caractère habituel de ce type de transaction ne pouvant, en effet, en aucune manière être recherché. Il en sera de même des prêts sans intérêt entre sociétés d’un même groupe, ainsi que des subventions.7 »

Nous pouvons distinguer :

- les conventions de trésorerie qui regroupent à la fois les conventions de cash pooling, prêts intra-groupe, avances en compte courant ;

- les emprunts qui recouvrent les emprunts conclus par l’émetteur avec une banque ayant des administrateurs communs.

Notre étude montre qu’au sein des sociétés cotées étudiées, certaines de ces conventions sont qualifiées de conventions réglementées. Ainsi sur les 112 émetteurs :

- 20% des émetteurs ont qualifié des conventions de trésorerie de conventions réglementées ;

- 21 % des émetteurs ont qualifiés des conventions d’emprunts de conventions réglementées.

Sur les 20% des conventions de trésorerie (44 conventions de trésorerie), nous avons identifié 7 conventions de cash pooling qualifiées de conventions réglementées. Notre analyse des documents de référence 2012 montre que 86 émetteurs ont mis en place des conventions de cash pooling. Ainsi, les conventions de cash pooling sont majoritairement qualifiées de conventions courantes.

Concernant 37 autres conventions de trésorerie, elles sont constituées de prêts ou avances en compte courant. Le plus souvent les informations publiées dans le rapport spécial, bien que relativement détaillées sur les termes et modalités des prêts consentis, restent muettes sur les motivations qui ont conduit à la qualification en tant que convention réglementée.

6 Note d’information IX de la CNCC « Le rapport spécial du commissaire aux comptes sur les conventions

réglementées » page 39 7 Note d’information IX de la CNCC « Le rapport spécial du commissaire aux comptes sur les conventions

réglementées » page 40

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Concernant la communication des taux d’intérêts retenus par les prêteurs dans le cadre de convention de trésorerie (cash pooling ou prêt ou avances en compte courant), on constate que la pratique des émetteurs est très variée :

- certains émetteurs donnent le montant du prêt, l’échéance, les modalités de remboursement sans donner le taux d’intérêt ;

- d’autres précisent le taux qui est le plus souvent un taux variable (Euribor, Libor, Eonia…) et la marge pratiquée (de +0,4 % à + 2,5 %) ;

- la référence à un taux de marché négocié par le groupe est parfois donnée dans le cadre de convention de cash pooling, mais la référence à ce taux de marché est parfois faite sans que le taux ne soit présenté ;

- des prêts accordés à des filiales peuvent être rémunérés par le prêteur à des taux différents, sans qu’un éclairage particulier soit donné au lecteur ;

- des émetteurs définissent les taux de rémunération des avances en fonction de la nature de l’avance (avance à terme fixe, prêts quotidiens) ou de son quantum.

Il ressort de notre étude que les modes de communication des émetteurs sur les taux d’intérêts pratiqués sont très diversifiés. Pour l’actionnaire, il est le plus souvent très difficile d’apprécier en quoi la convention n’a pas été conclue à des conditions normales.

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4. L’étude des publications des émetteurs en 2013 montre que les propositions de l’AMF sur les conventions réglementées ont été peu appliquées à ce jour

Au sein des 15 propositions relatives aux conventions réglementées formulées par le groupe de travail, nous avons examiné plus particulièrement 3 d’entre elles susceptibles d’avoir un impact concret sur l’information contenue dans le document de référence au titre de l’exercice 2012 :

� La proposition n°20 sur la mise en œuvre d’une charte interne relative à la qualification d’une convention ;

� La proposition n°24 relative à la motivation par le conseil d’administration de sa décision d’autoriser une convention réglementée ;

� La proposition n°25 sur l’incitation à la désignation d’un expert indépendant dans certains cas de figures.

4.1. La mise en place d’une charte interne (proposi tion n°20)

La première concerne la proposition n°20 relative à la mise en place d’une charte interne au sein de l’entreprise devant définir les critères permettant de qualifier une convention et le cas échéant de la soumettre à la procédure des conventions réglementées. L’AMF recommande que cette charte interne repose sur des critères de qualification repris du guide pratique émis par la compagnie nationale des commissaires aux comptes adaptés à la propre situation de l’émetteur, en accord avec ses commissaires aux comptes. L’AMF recommande enfin que cette charte interne soit rendue publique.

Sur un échantillon de 112 documents de référence publiés au 30 septembre 2013, seuls 3 émetteurs ont mentionné avoir pris en compte cette proposition.

Les groupes Bolloré et Bouygues sont les seuls émet teurs à avoir élaboré la charte interne et à l’avoir rendue publique à travers, soit leur document de référence, soit par une mise à disposition sur leur site internet.

Il est intéressant de noter que ces deux émetteurs ont adopté des approches très différentes pour définir la portée du champ de la charte interne.

Ainsi, le groupe Bolloré a fait le choix d’élaborer une charte interne qui propose de définir précisément la nature et les critères à retenir pour qualifier les conventions qui entrent par construction dans le champs de convention courante (refacturation de prestations administratives ou de gestion, intégration fiscale, cash pooling…), et propose même de quantifier certains seuils en-deçà desquels certaines opérations doivent être considérées comme des conventions courantes (cession-reclassement de titres de société au sein du groupe inférieure à 1,5m€, taux de rémunération des prêts/emprunts intragroupes avec un différentiel inférieur de 0,5% avec un taux de marché...). Par cette forme de charte interne précise et adaptée aux critères définis par la note d’information de la CNCC, le groupe Bolloré définit ainsi un cadre rigoureux dans lequel appliquer la procédure des conventions réglementées, tout en permettant une simplification de son application pour ses directions opérationnelles, juridique et financière.

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Le groupe Bouygues a fait pour sa part le choix d’orienter sa charte interne comme un rappel des exigences du dispositif légal en matière d’application des conventions réglementées, et en recommandant à ses directions juridiques métiers de mettre en œuvre, par prudence, une approche extensive dans l’appréciation du caractère réglementé d’une convention, en particulier pour les opérations intragroupes à caractère financier (convention de trésorerie, compte courant, prêt et abandon de créance…).

Le groupe Legrand précise enfin dans son document de référence 2012 qu’il a engagé une réflexion sur la mise en place d’une charte interne sur l’application de la procédure des conventions réglementées.

A l’exception de ces 3 émetteurs qui ont pris en compte à des degrés diverses la proposition de l’AMF, on peut s’étonner de la faible adhésion qu’a suscité cette proposition de l’AMF aux émetteurs. On peut néanmoins penser que l’alourdissement de la publication de l’information financière réglementée qu’engendre « mécaniquement » la mise en œuvre de cette proposition a freiné la promptitude des émetteurs à adopter une charte interne, malgré la sécurité juridique apportée par cette plus grande transparence et la simplification administrative qu’elle est susceptible d’offrir aux directions juridiques et financières.

4.2. La motivation de la décision du conseil d’admi nistration d’autoriser une convention réglementée (proposition n°24)

Poursuivant sa logique de renforcement de la transparence et de la qualité des échanges entre l’émetteur et ses actionnaires, l’AMF a suggéré une modification de la partie réglementaire du code de commerce afin de rendre obligatoire la motivation par le conseil d’administration de sa décision d’autoriser une convention réglementée. Cette motivation de la décision d’autoriser une convention réglementée correspond à l’objectif de la loi de prévenir les conflits d’intérêts. Au plan pratique, cette motivation est d’ailleurs régulièrement débattue en séance des conseils d’administration, mais pourtant la loi n’en fait aucune obligation de forme. La proposition de l’AMF s’inscrit donc dans l’objectif de combler un vide juridique.

Cette suggestion de l’AMF au législateur s’accompagne naturellement d’une recommandation aux émetteurs de faire inscrire au procès-verbal du conseil d’administration la motivation de la décision autorisant la conclusion de la convention réglementée, et de porter cette motivation à la connaissance des commissaires aux comptes (telle une application anticipée du changement souhaitée de la loi). Soulignons que la compagnie des commissaires aux comptes considère,

Nature de la convention Doctrine CNCC Charte BOLLOREConventions de prestations de Frais communs Organis ation générale, contrôle interne,

comptabil i té, informa tique, juridique, formation du

personnel, publici té, fra i s de recherche, loca tions

immobi l ières

Prestations d'ass i s tance administrative ou de

gestion

Cessions d'actifs Conventions coura ntes , pas de pla fond indiqué, prix

du marché obl igatoi re

Conventions coura ntes jusqu'à un plafond de 1,5

mi l l ion d'euros par opéra tion

Convention d'intégration fiscale Cas par cas Convention coura nte

Cession de titres NC Limite de 500 000 euros par opération ou s i ti tres

cotés , prix correspondant à une moyenne des

cotations des 20 dernières séances bours ières

Gestion de trésorerie Conventions de prêts , ava nces , cautionnements , cash

pooling, sont prés umés coura ntes

Coura nte dans la cadre d'une opération avec un

di fférentiel ma ximum de 0,5% car le taux de ma rché

Transfert de titres à un administrateur NC Tra nsfert entre la s ociété et l 'un de s es

administrateurs d'un nombre de ti tres égal à celui

fi xé pour l 'exercice des fonctions de mandatai re

socia l de la s ociété émettrice des titres transférés

Personnel détaché la factura tion des fra i s rela ti fs au personnel détaché

doi t interveni r à un prix fondé sur le coût de revient.

NC

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qu’en l’état actuel de la loi, les commissaires aux comptes n’ont aucune observation particulière à porter dans leur rapport dans l’hypothèse où la décision d’autorisation ne ferait pas l’objet d’une motivation formelle.

L’analyse que nous avons conduite sur un échantillon de 112 émetteurs pour les publications en 2013 montre une faible adhésion à une telle proposition. Seuls les groupes Bouygues (en ce compris TF1) et Altran ont fait le choix de rendre compte de la motivation d’autoriser telle ou telle convention réglementée, et d’en aviser leurs commissaires aux comptes qui ont dès lors repris dans leurs rapports spéciaux la motivation de l’autorisation de chaque convention réglementée, en plus d’en détailler la nature, l’objet et les modalités comme le prévoit la loi.

Au plan théorique, l’intérêt de cette proposition apparaît incontestable au regard de l’objectif de prévention des conflits d’intérêts et de transparence pour l’actionnaire. Au plan pratique, il faudra toutefois que les émetteurs veillent à diffuser une information pertinente sur ces motivations de telle sorte à ce que la compréhension des opérations présentées en tant que convention réglementée ne soit pas altérée. Cela sera probablement d’autant plus compliqué pour les émetteurs qui présentent certaines opérations en tant que conventions réglementées alors que celles-ci ont des caractéristiques de conventions courantes (ex : un prêt intragroupe entre une mère et sa fille portant intérêt à des conditions de marché peut être soumis à la procédure des conventions réglementées au regard de son caractère significatif, pour autant son intérêt apparaît être assez évident).

Ensuite, cela pose la question du degré de détail dans lequel cette motivation doit s’inscrire, car l’appréciation de l’intérêt pour la société de conclure une convention règlementée demeure une affaire de jugement, tout comme l’appréciation du critère des « conditions normales » d’une convention.

Le législateur devra trouver la juste mesure dans le principe de cette motivation afin que son application pratique par les émetteurs ne conduise pas à altérer son intérêt pour les actionnaires.

4.3. La désignation d’un expert indépendant en cas de convention réglementée susceptible d’avoir un impact très sign ificatif (proposition n°25)

A travers cette proposition, l’AMF incite le conseil d’administration à nommer un expert indépendant lorsque la conclusion d’une convention réglementée est susceptible d’avoir un impact très significatif sur le bilan ou les résultats de la société et/ou du groupe. Cette proposition de principe s’accompagne par ailleurs d’une recommandation de forme visant à ce que l’expertise indépendante soit mentionnée dans le rapport spécial des commissaires aux comptes et de la rendre publique, sous réserve des éléments susceptibles de porter atteinte au secret d’affaires.

Sur les publications des 112 émetteurs composant notre échantillon, nous n’avons pas identifié de cas d’application de cette proposition, malgré un nombre important de conventions réglementées dont l’impact sur les comptes pourrait justifier le principe de l’expertise indépendante.

Cette proposition apparaît judicieuse dès lors qu’elle concerne des cas particuliers. Elle apporterait d’ailleurs une plus grande sécurité juridique aux émetteurs. En particulier, le cas des

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opérations significatives conclues entre une Mère et une filiale (en particulier les opérations de nature financière), au sein de laquelle un bloc de droit de vote minoritaire est détenu par un actionnaire seul ou de concert, peut justifier le principe de désignation d’un expert indépendant.

Sur le plan pratique, cette proposition pose toutefois plusieurs difficultés. Tout d’abord sur l’articulation du rôle du commissaire aux comptes et de ses responsabilités en matière de convention réglementée et de celui de l’expert indépendant qui serait désigné. La compréhension d’une convention reposerait d’un côté sur les informations contenues dans le rapport du commissaire aux comptes, alors que la compréhension de son intérêt reposerait sur le rapport de l’expert indépendant. Il n’apparaît pas évident qu’une telle articulation soit lisible pour l’actionnaire, à plus forte raison dans une matière juridique qui comporte déjà un niveau de complexité certain (à tout le moins pour un épargnant non avisé…).

Ensuite sur la problématique de l’exception de diffusion du rapport d’expertise indépendante au motif de la protection du secret d’affaires. Les émetteurs sont, à juste titre, particulièrement vigilants à la protection du secret d’affaires, et on peut donc raisonnablement penser que le rapport d’expertise indépendante traite dans la grande majorité de sujets portant sur des informations confidentielles, justifiant ainsi sa non diffusion. Si elle est appliquée, cette proposition risque donc de se limiter à la mention par les émetteurs de l’existence d’un tel rapport d’expertise indépendante.

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5. Rappel pratique sur les règles et la procédure d e déclassification d’une convention réglementée

L’AMF, par la publication de ses recommandations, invite explicitement les directions juridiques des sociétés cotées à faire une revue des conventions qualifiées historiquement de réglementées au sein des groupes. En effet, la mise en place d’une charte interne (proposition n°20), devrait conduire ces directions à s’interroger de façon rétrospective sur les critères qui au sein du Groupe auraient été retenus pour qualifier une convention de réglementée. A cette occasion, il est possible que cette revue permette d’identifier des conventions qui auraient plutôt la nature de conventions courantes. Dans ce cadre les administrateurs des groupes cotés pourraient souhaiter reclasser ces conventions désormais considérées comme des conventions courantes.

De façon pratique, la procédure de déclassement d’une convention réglementée en convention courante, est la suivante8 :

1. un examen de la convention doit être réalisé par le conseil d’administration ou de surveillance. Cet examen a pour objet de s’assurer qu’au regard des critères utilisés par le groupe, cette convention est une convention courante et non une convention règlementée ;

2. cet organe délibérant peut alors décider de déclasser cette convention ; 3. le vote du déclassement intervient alors en réunion. L’ensemble des membres peuvent

participer au vote. En effet la décision du conseil n’est pas une autorisation, en conséquence, même les membres intéressés peuvent y participer ;

4. le conseil d’administration ou de surveillance en fera ensuite état dans son rapport de gestion permettant la diffusion de ce déclassement auprès des actionnaires de la société ;

5. il n’est pas nécessaire de prévoir une résolution permettant l’approbation par l’assemblée générale des actionnaires de ce déclassement. Le vote de l’assemblée sur le rapport de gestion entraîne l’acceptation des déclassements opérés par le conseil d’administration ;

6. la délibération par le conseil d’administration ou de surveillance sera portée à la connaissance du commissaire aux comptes au cours de l’exercice écoulé et jusqu’à l’établissement de son rapport spécial.

Dans ce cadre, l’impact du déclassement sur la mission du commissaire aux comptes, est le suivant :

• si l’information relative au déclassement de la convention ne figure pas dans le rapport de gestion ou dans tout autre document destiné aux actionnaires, le commissaire aux comptes signale le déclassement de la convention dans son rapport spécial ;

• si le commissaire aux comptes est en désaccord avec le déclassement, et qu’aucune des

modalités de la convention n'a été modifiée, il est possible de la considérer comme une convention réglementée qui s'est poursuivie. Cette position devrait être clairement mentionnée par le commissaire aux comptes dans son rapport spécial.

Compte tenu des propositions publiées par l’AMF en 2012, des déclassements de convention pourraient intervenir de façon significative en 2013. Cependant, l’excès de prudence juridique (justifié par certaines procédures judiciaires en cours) ou l’attitude des membres des

8 Note d’information IX de la CNCC « Le rapport spécial du commissaire aux comptes sur les conventions

réglementées » pages 88 et 113

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administrateurs qui pourraient avoir l’impression de se déjuger en déclassant une convention, pourraient fortement diminuer le nombre de procédures de déclassement. La solution plus pratique qui pourrait être envisagée par les groupes serait de laisser aller la convention jusqu’à son échéance, de ne pas la renouveler et de lui substituer une convention qui serait alors qualifiée de convention courante. Par ailleurs, comme nous l’avons vu une proposition de loi propose d’exclure les conventions réglementées conclues entre une société cotée et ses filiales détenues à 100%. Ainsi, des conventions qui auparavant étaient qualifiées de réglementées pourront être expressément exclues de la procédure contraignante des conventions réglementées. La loi sortirait ces conventions du champ d’application, il n’y aurait donc pas besoin de déqualification formelle de ces dernières par le conseil.

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6. Conclusion

Notre étude met clairement en évidence la grande hétérogénéité des pratiques au sein des émetteurs. Mais il apparaît aussi clairement que dans leur grande majorité, l’ensemble des émetteurs font preuve de prudence dans leur pratique de qualification des conventions, ce qui conduit certains d’entre eux, pour plus de sécurité, à qualifier de réglementées certaines conventions qui ont les caractéristiques apparentes de convention courante.

Les propositions publiées le 2 juillet 2012 par l’AMF restent à ce jour peu appliquées dans leur ensemble, ce qui peut s’expliquer par leur caractère relativement récent.

A notre avis, les propositions de l’AMF qui ont notamment vocation à proposer une simplification du traitement des conventions devraient rapidement faire l’objet d’une application par les émetteurs car elles permettront d’alléger certaines lourdeurs juridiques dans la tenue des assemblées générales.

En revanche, si les propositions visant à renforcer la transparence et à préciser notamment les motivations retenues pour la qualification des conventions apparaissent en théorie sécurisantes pour l’émetteur et légitime pour l’actionnaire, leur application concrète dans les publications pourrait requérir du temps compte tenu des difficultés pratiques qu’elles induisent et de la nécessité pour les organes de gouvernance des émetteur d’en appréhender toute la portée.