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LA MOBILITÉDES SENIORSBesoins de déplacements

liés au vieillissement de la population

La mobilitédes seniors

Besoins de déplacements liésau vieillissement de la population

Octobre 2009

Les générations du baby-boom arri-vent à l’âge de la retraite. Ce phé-

nomène, lié à l’allongement de l’espé-rance de vie, conduit au vieillissementde la population. Faut-il s’en réjouir ous’en alarmer? Les deux, sans doute,selon que l’on s’intéresse au finan-cement des retraites ou à la manneéconomique qu’apportent avec euxles seniors aisés dans les régions qu’ilsaffectionnent. L’erreur serait en toutcas de ne pas tenir compte du phéno-mène, ou de le considérer comme unaspect mineur de l’évolution de notresociété. A l’heure où la crise – ou plu-tôt les multiples facettes de la crise –concentre toutes les attentions, levieillissement pourrait devenir un non-sujet, traité au mieux par le biais dufinancement de la dépendance ou dumarché des sonotones. Pourtant, lesbesoins des aînés et leur mobilitéinfluenceront l’organisation des acti-vités économiques et sociales : sys-tème de soins, adaptation des loge-ments, rythmes de vie, servicespublics... Il est indispensable de seposer aujourd’hui les bonnes questions,de réfléchir aux solutions les mieuxadaptées et les plus équitables.

Les premières classes d’âge du baby-boom ont connu et accompagné lesbouleversements majeurs de notrepays, depuis l’après-guerre: dévelop-pement de la société de consomma-tion, civilisation de l’automobile, travailféminin, périurbanisation, mais aussimondialisation, crises économiques,

désindustrialisation, automatisation,chômage… A 20 ans, certains rêvaientde changer le monde. Tous l’ont vuchanger; pas forcément dans le sensqu’ils souhaitaient.Les grands-parents d’aujourd’hui,

qui ont grandi dans une Franceencore très rurale, où les postes télé-phoniques se comptaient sur lesdoigts d’une main, communiquent àprésent par SMS avec leurs petits-enfants. Ceux qui ont connu les pre-miers postes télé noir et blanc, lesmagnétoscopes qui pesaient 10 kiloset les cinémas où l’on diffusait desactualités avant la séance, fréquen-tent les multiplexes ou utilisent lavideo on demand (VOD) pour profi-ter de leur home cinema. Ceux dontles parents venaient de découvrir leplaisir des congés payés ont vu ledéveloppement de l’industrie dutourisme, leurs horizons se sontélargis grâce à l’automobile, auTGV, et à la démocratisation del’aviation.Pour ces générations, l’avancée en

âge n’implique plus forcément lerepli sur soi, le renoncement auxplaisirs de la vie, le rétrécissementen attendant la fin. Cela ne signifiepas pour autant que les seniorssoient égoïstes, décidés à profiterjusqu’au bout. Au contraire, ils sontsouvent très conscients des excèsd’une société qu’ils ont vue évoluer,et portent un regard lucide sur leurmode de vie. C’est le privilège del’âge, de l’expérience.Dans ce contexte, la probléma-

tique des déplacements renvoie à

trois axes majeurs : favoriser uneutilisation maîtrisée de l’automo-bile et, le cas échéant, une transitionvers d’autres types de transportsmieux adaptés à leurs besoins ; per-mettre à tous, valides ou moinsvalides, la possibilité de se déplacerlibrement le plus longtemps possi-ble, à un coût acceptable pour l’indi-vidu comme pour la société ; enfin,garantir la sécurité des piétons âgésen leur assurant des cheminementsaiséset confortables. Sur cesquestions,les collectivités territoriales sont enpremière ligne. Communes et inter-communalités pour l’action sociale,départements pour l’action sanitaireet sociale, régions dans l’organisa-tion du système de soins et acteurmajeur des politiques territoriales.Etre retraité ne constitue pas une

identité sociale, et le mode de vied’un couple de sexagénaires enpleine forme n’a rien à voir aveccelui d’une femme seule de 92 ans.Il est indispensable de garder à l’es-prit la diversité des besoins et desprofils, afin d’éviter de traiter lesaînés comme une « minorité visi-ble » ou du seul point de vue de ladépendance, qui ne toucheaujourd’hui qu’un quart des plus de85 ans. Cette prise en compte desbesoins est nécessaire au niveau del’offre de transport, autant du pointde vue de l’organisation des servicesque de leur nature. Répondre à lademande des seniors, c’est rendre letransport plus accessible et plusattractif. C’est aussi élaborer desréponses adaptées aux contextes

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Résumé

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exigeants que sont les zones ruralesou périurbaines.Aujourd’hui, les transporteurs

considèrent encore la clientèle âgéecomme une catégorie captive.Pourtant les premiers signes d’unchangement des comportementssont déjà perceptibles : baisse dunombre de cartes Senior à la SNCF,recul de 10% de la fréquentation desplus de 60 ans à la RATP. L’effettramway (qui fait que sur certainsréseaux, les meilleurs clients destrams sont les retraités, lesquelsvoyagent souvent à tarif réduit !) nedoit pas cacher la forêt des automo-bilistes invétérés. Il est naturel depréférer le tram, sûr, régulier etconfortable, à un bus que l’on attendtoujours trop longtemps, et où l’oncraint les secousses au démarrage etau freinage. Il est encore plus naturelde préférer sa voiture, que l’onn’attend jamais et qui constitue lemoyen de déplacement souvent leplus commode et le plus sécurisantpour les personnes âgées.Pour autant, la conduite des plus

de 80 ans n’est pas sans poser pro-blèmes et questions. Faut-il instau-rer des contrôles médicaux? Revoirl’ensemble de la voirie et des pan-neaux de signalisation? Commentsécuriser les tourne-à-gauche? Et lesronds-points ? Quelles actions decommunication à destination desconducteurs âgés ? Et des autresusagers de la voirie?

L’arrêt de la conduite automobileest trop souvent synonyme de mortsociale pour les personnes âgées. Il

est important d’anticiper ce moment,et de leur permettre d’accéder aisé-ment à d’autres modes de déplace-ment. Le recours aux transportscollectifs ne peut se faire sans unminimum de préparation. Le trans-port accompagné, aujourd’hui assurépar les professionnels des services à lapersonne, connaît un développementcontinu. Quant aux cheminementspiétons, il est indispensable de lessécuriser, en améliorant notablementla qualité d’usage des espaces publics.Ces questions ne touchent pas uni-

quement l’organisation des trans-ports publics, mais elles concernentles services publics dans leur ensem-ble, et de manière transversale. Levieillissement dans les espacespériurbains, par exemple, ne peutêtre appréhendé et pris en chargepar la seule action sociale ; la «civili-sation» de l’espace public ne pro-cède pas uniquement des compé-tences de la voirie ; quant aux dépla-cements, ils constituent la frontièrecommune entre les services detransports, l’action sanitaire etsociale, la vie culturelle. Penser à lamobilité des seniors et à leur placedans la collectivité suppose de pas-ser d’une logique industrielle à unelogique de services, d’envisager denouvelles formes d’organisation deces services, en co-production parexemple entre les services munici-paux, la population d’un quartier etune entreprise ou une associationdélégataire. La Fondation internetnouvelle génération a proposé unesérie de scénarios mêlant réseaux

sociaux, action intergénérationnelleet multimédia, qui donnent une idéede ce que pourraient être cesdémarches servicielles. Les modèlessont multiples, variables en fonctiondes besoins et des contextes locaux,mais restent à valider. Certaines ini-tiatives semblent prometteuses.Du côté du Predit, de la Fondation

de France, de l’OMS, de l’ONU, del’Union européenne, des pouvoirspublics locaux et nationaux… lesréflexions mûrissent et les expéri-

mentations sont encouragées. Lemouvement est engagé mais les obs-tacles demeurent, qu’ils soient struc-turels ou fonctionnels. Dans un essairécent, le sociologue suisse VincentKaufmann inventait la «motilité», lamobilité socio-psycho-économico-spatiale. Cette mobilité au sens large,cette capacité à s’adapter à unnouvel environnement ou à uncontexte en évolution, cette motilitéest indispensable pour construire lamobilité durable.

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La mobilité des seniors est liée à l’âge, à l’état de santé et au niveau de vie. Elle dépendsurtout de leur place dans la société.

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ane

Résumé 4Introduction 8Le vieillissement, un phénomène social 11Le vieillissement, et après ? 14

Evolution démographique 14L’âge, un critère obsolète? 17Conséquences du vieillissement : système des retraites,activité des seniors, place dans la société 18

Systèmes de soins 23Contraintes budgétaires croissantes 23Déserts médicaux 24Dépendance : les départements en première ligne 25

Revenus : des disparités croissantes 27Des seniors dans le mouvement 29Des représentations sociales en mutation 29Parcours résidentiel et développement territorial 33Des consommateurs avertis 37Mobilité quotidienne 39Choix modaux 45

Conduire… encore et toujours 45La marche, au quotidien 48Transports publics : changer de logiciel 50

Marketing et communication 52Information et outils multimédia 53Politique commerciale : le tarif, mais pas seulement 53

Espace public : une course d’obstacles 55De l’offre de transport au service de mobilité 59Le transport accompagné 61A la recherche d’un modèle économique 64Les effets de la crise 67Entrer dans l’économie carbone 68Territoire, coproduction et numérique 70Conclusion 73Pour aller plus loin 75

Méthodologie. Cette étude est le fruit d’un travail mené à partir de documentation diverse : rapports,études, ouvrages d’édition, colloques et séminaires. Elle intègre également une série d’entretienstéléphoniques ou en vis-à-vis menés avec des experts, opérateurs et acteurs liés au domaine du vieil-lissement. Les références figurent en fin de document.

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Sommaire

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Le vieillissement de la populationconstitue une évolution majeure

des sociétés contemporaines. Ilrésulte à la fois de l’allongement del’espérance de vie (vieillissement parle haut) et de l’avancée en âge desgénérations du baby-boom. EnFrance, du fait des progrès de lamédecine et l’amélioration desconditions de vie, l’espérance de vieest de 83,8 ans chez les femmes et76,9 ans chez les hommes. Elledevrait atteindre 89 et 83,8 ans en2050. Parallèlement, même si le tauxde fécondité en France (1,9) se main-tient à un niveau relativement élevépar rapport à la moyenne euro-péenne (1,6 pour EU27, selonEurostat), la réduction du nombredes naissances intervenue au milieudes années 1970 affaiblit mathéma-tiquement la proportion des jeunes.La première grille de lecture du

vieillissement est celle de la démogra-phie : l’Insee évalue à 22,3 millions lenombre de +60 ans en 2050 (scénariocentral) contre 14 millions en 2010(respectivement 32% et 22,7% dutotal). A partir de là, il semble biendélicat d’établir des tendances géné-rales pour une catégorie de popula-tion aussi large. D’ailleurs, le seuil de60 ans peut-il être encore considérécomme le début de la vieillesse? Lesstatisticiens ont coutume de différen-cier la classe d’âge des 60-64 ans, etcertains fixent le seuil de la vieillesse à75 ans, âge à partir duquel augmente

sensiblement la prévalence des mala-dies et handicaps.

Le vieillissement est un phéno-mène à la fois continu et disparate.Pour la plupart d’entre nous, passer lecap de la soixantaine, avoir 65 oumême 70 ans n’entraîne aucunemodification dans les habitudes devie. Les caps sont plutôt liés au départdes enfants du foyer, à la retraite, à ladisparition du conjoint ou de per-sonnes proches. L’âge en lui-mêmen’est pas déterminant: on peut sesentir usé à 35 ans et plein d’enthou-siasme à 70. Les jeunes retraitésd’aujourd’hui sont considérés commeune génération pivot. Ils gardent leurspetits-enfants régulièrement ou demanière occasionnelle; et beaucoupd’entre eux veillent également surleurs parents. Ils sont aussi de plus enplus engagés dans le secteur asso-ciatif… et la politique. Certes, la mobi-lité des retraités régresse du fait del’arrêt des trajets domicile-travail ;mais elle ne disparaît pas pourautant, et ses motifs se diversifient.S’interroger sur le vieillissement de

la population française conduit enfait à se poser nombre de questionsliées à l’organisation de l’ensemblede la société : pérennité du systèmede retraite, emploi des seniors, priseen charge du grand âge et de ladépendance, organisation des soinsau sein des établissements spéciali-sés et en dehors. Au-delà des poli-tiques vieillesse proprement dites, laquestion ouvre sur l’offre de servicespublics et leur organisation.Il est également nécessaire de

Introduction

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considérer nos modes de vie. Onn’est pas vieux aujourd’hui commeon l’était il y a 30 ans, ni comme onle sera dans 30 ans. Nos choix rési-dentiels, nos destinations de

vacances ou nos habitudes deconsommation ont changé. La criseéconomique et sociale que nous tra-versons, les défis environnementauxvont encore les faire évoluer.

Vieillesse, retraites et santéHervé Le Bras, démographe, Ecole des hautes études en sciences sociales

Le traitement des questions liées à la vieillesse souffre d’une erreur fondamentale enFrance : la confusion entre le problème des retraites et la santé.

Côté retraites, on ne peut plus passer à côté de la question. Il va falloir modifier le sys-tème, pour des raisons économiques évidentes. Entre 1806 et 1946, l’espérance de vie à65 ans était restée stable, aux alentours de 10 ans. C’est sur ces bases qu’a été bâti notresystème de retraites. Aujourd’hui, l’espérance de vie à 65 ans atteint 18 ans. De plus, letaux d’activité féminine est passé de 50% après la guerre à 80% aujourd’hui. Et lesfemmes continuent à vivre plus longtemps que les hommes…

Aujourd’hui, la France se caractérise par une entrée très tardive dans la vie active (21 ansen moyenne), principalement du fait que la formation se concentre au début de la vie.Développer et renforcer la formation continue permettrait de commencer à travailler plustôt, et surtout de rester «dans la course». On voit trop de quinquagénaires vieillis du pointde vue des compétences professionnelles, faute d’avoir bénéficié d’une formation conti-nue réellement efficace. Cela contribuerait sans doute à résoudre la question de l’âge dedépart en retraite, qui s’établit en France à 58 ans, et faire en sorte que les gens puissentréellement partir plus tard, puisqu’ils prennent leur retraite à 63 ans en moyenne.

En matière de santé, en revanche, le vieillissement n’aura pas les conséquences terri-bles que certains prévoient. D’abord, parce que l’espérance de vie sans incapacité aug-mente à un rythme légèrement plus soutenu que l’espérance de vie tout court. On vitdonc de plus en plus vieux mais aussi de moins en moins malades. L’augmentation desdépenses de santé est davantage due à l’amélioration des conditions de vie et à ladémocratisation des soins. On s’occupe beaucoup mieux des personnes âgées qu’avant,du fait d’une prise de conscience croissante des besoins spécifiques de cette catégoriede population. De plus, certains traitements comme l’angioplastie ont permis de réduireconsidérablement le nombre de décès dus à des maladies cardio-vasculaires. Cela a uncoût, tout comme l’augmentation des affections longue durée (ALD), remboursées à100% par l’assurance-maladie et très liées à l’âge. Mais la finalité de tout cela est l’amé-lioration de l’état de santé général de la population. Cela a aussi des conséquences posi-tives sur l’économie, à commencer par le secteur médical et para-médical. Mais lespersonnes âgées qui restent plus longtemps en bonne santé sont également desconsommateurs de biens et de services.

éclairage

Le vieillissement,un phénomènesocial

Le vieillissement est d’abord la conséquence du baby-boom d’après-guerre. En 2030,les plus de 60 ans représenteront 30% de la population française.

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3RF

Ce chapitre a pour objet de dresserun état des lieux : projections

démographiques, évolutions sociales,répercussions possibles et probablesdu vieillissement de la population. Ils’agit avant tout de considérer lasituation actuelle et ses consé-quences globales. A l’heure où noustraversons une crise multiforme,systémique et sociétale, il serait vainde s’interroger sur les effets du vieil-lissement en terme de mobilité sanstenter de poser au moins un certainnombre de questions sur ce que seranotre futur. A quoi bon chercher àrépondre aux besoins de dépla-cements d’une catégorie de la popu-lation si l’on ignore son mode de vie,ses motivations sociales, la nature deses interactions avec le reste du sys-tème socio-économique dans lequelelle évolue? De la même manièreque les déplacements des actifs nese résument pas au classique domi-cile-travail, ceux des aînés ne sontpas limités au domicile-hôpital. Cequi n’est pas vrai aujourd’hui le seraencore moins demain.En ce début de XXIe siècle, le

retraité-type nepasse pas ses journéesà cultiver son potager ou à préparerdes gâteaux pour ses petits-enfants.Nombreux sont ceux et celles quivoyagent, se cultivent, commencentune nouvelle activité ou s’engagentau sein d’une association, d’un partipolitique…

Comme le reste de la société, lesaînés devront faire face aux défisenvironnementaux, et devront sansdoute opérer de nouveaux arbi-

trages entre mobilité et choix rési-dentiel. Comme tout le monde, ilsdevront apprivoiser les nouveauxéquilibres du monde de demain. Pourcertains analystes, le vieillissementest synonyme de clivage au sein de lapopulation. Les seniors seraientconservateurs, repliés sur eux-mêmeset prêts à sacrifier le bien-être desgénérations futures pour garder leursavantages et maintenir leur confort.Des arguments qui alimentent desdébats très microcosmiques sur leverrouillage du pouvoir par la généra-tion 68… Pourtant, les réflexions nemanquent pas non plus pour appuyerla thèse opposée. Les modes de vie etles mentalités ne cessent d’évoluer.Et lemouvement s’accélère. Les inter-rogations de ce début de millénairereprennent des thèmes anciens, etréussissent parfois la synthèse entrecourants contestataires et valeurstraditionnelles : la sensibilité à l’envi-ronnement prend la forme du retourà un mode de vie plus simple, avec larecherche des astuces de grands-mères pour entretenir la maison ourecycler certains objets, l’aspiration àune forme de société plus solidaire,plus équitable, le retour à l’enracine-ment local… Le discours écologiquene touche pas seulement les jeunesurbains. Après les familles de cadres,les consommateurs de bio sont trèslargement des retraités. La participa-tion des jeunes retraités à des asso-ciations d’entraide, aussi bien dansl’aide aux devoirs que dans le conseilà la création d’entreprise, l’alphabéti-sation ou l’assistance aux plus dému-

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Le vieillissement, un phénomène social

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nis démontre une volonté d’agirconcrètement pour leurs semblables.

Ce premier chapitre va poser lesdéterminants du futur. Si le voletdémographique est le plus déve-loppé, les trois autres points consti-

tuent autant d’éléments fonda-mentaux à prendre en compte pourapprécier la situation : système desoin, prise en charge de la dépen-dance et niveau de vie des personnesâgées conditionnent la réflexion.

Eviter la ségrégationExtrait de la conclusion du rapport Laroque (1962), qui rend compte des travaux de la«Commission d’étude des problèmes de la vieillesse». Ce rapport a abouti notammentà la création du minimum vieillesse. Pierre Laroque fut l’un des fondateurs de laSécurité sociale, après la guerre.

L’essentiel est sans doute d’assurer l’adaptation la meilleure possible des personnesâgées à la société française de demain et d’adapter aussi cette société à la présence etaux caractères physiques et psychiques d’une masse croissante de personnes âgées.

La commission à cet égard condamne de la manière la plus formelle toute solution quiconduirait de quelque manière que ce soit à une ségrégation des personnes âgées. Sansdoute ne peut-il être question d’empêcher celles d’entre elles qui le désirent de se reti-rer du monde. Mais la commission estime que dans l’intérêt de l’économie et de lasociété du pays, comme dans l’intérêt de l’équilibre physique et psychique des per-sonnes âgées, tous les efforts doivent tendre à maintenir celles-ci dans leur milieu, dansleur milieu économique comme dans leur milieu social.

Ce maintien, dans la société traditionnelle d’autrefois, se trouvait assuré de lui-mêmeà travers le groupe familial, où chacun voyait sa place définie en fonction de son âge etde ces aptitudes, et où une évolution progressive et constante assurait l’adaptationconstante des rapports entre les individus comme des activités exercées. La famillemoderne n’étant plus en mesure, dans la généralité des cas, de remplir cette fonction,et la cohabitation des personnes âgées avec des éléments plus jeunes étant d’ailleursrarement souhaitable, il faut que le résultat cherché soit obtenu par d’autres méthodesmettant en œuvre les structures économiques comme l’organisation des rapportshumains dans la société moderne.(Introduction et conclusion du rapport consultables sur www.infodoc.inserm.fr)

éclairage

Le vieillissement, un phénomène social

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Evolution démographique

Par le haut: augmentation de ladurée de vie + classes nombreuses dubaby-boom.•22,3 millions de +60 ans en 2050

(scénario central de l’Insee) contre 14millions en 2010 (respectivement 32%et 22,7% du total).•Augmentation très soutenue de la

proportion des +60 ans jusqu’en 2035

(dernière année du baby-boom 1975,début de fortemortalité pour les 1945).•En 2030, les +60 ans seraient 19,7

millions (près de 30% de la populationtotale).

Par le bas: baisse relative des -20 ans•Les moins de 20 ans passent de

15,1 millions en 2005 à 15,3 millionsen 2050mais la population totale croîtde 60 à 70 millions de personnes.

Le vieillissement, et après ?

La population française vieillit. Un phénomène qui s’explique parl’allongement de l’espérance de vie d’une part, et par l’avancée enâge des générations du baby-boom d’autre part, qui augmententla part relative des +60 ans dans la population totale.

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France 2005

-2 500 -2 000 -1 500 -1 000 -500 0 500 1 000 1 500 2 000 2 500

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40-44

50-54

60-64

70-74

80-84

90-94

100+

Hommes Femmes

Pyramide des âges de la France métropolitaine en 2005

Source

:INSEE

Fortes disparités régionalesSelon l’Insee, l’âge moyen passera de39 ans en 2005 à 42,6 ans en 2030.Une situation très contrastée selon lesdifférentes régions françaises: de 46,5ans en Limousin à 39,2 en Ile-de-France en passant par 42,3 ans enPicardie. La part des +60 ans irait de36% en Limousin à 22,5% en Ile-de-France. L’effet du vieillissement natu-rel de la population est renforcé parles migrations dans certaines régions,qui perdraient leurs jeunes, tandis queles régions les plus attractives conti-nueraient de voir affluer à la fois actifs

et retraités (Languedoc-Roussillon,Midi-Pyrénées, Paca, Rhône-Alpes etPays de la Loire).

Europe : la France dans la moyenneSelon Eurostat, la population euro-

péenne (27) va passer de 495 à 520millions d’individus d’ici 2035, pourdécliner ensuite à 505 millions en2060. A cette date, l’âge moyen serade 47,9 ans (contre 40,4 ans en 2008);et la part des +65 ans atteindra 30%dela population totale. Cette proportiondevrait s’établir à 23,5% en 2030, avecdes pointes à plus de 27% et 26% pour

Projection 2000-2030 de l’évolution de la proportion des 60 ans et plusselon les départements

Source

:Pop

ulationet

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nir,n°

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is,INSEE

de 15,5 à 19,5de 12,5 à 15,4de 10,5 à 12,4de 8,0 à 10,4de 3,7 à 7,9

Points supplémentairesdu pourcentage des 60 ans

ou plus 2030/2000

l’Allemagne et l’Italie, à l’opposé des16 ou 18% attendus pour l’Irlande ouChypre. La population française comp-terait alors 68 millions d’habitants.

Un phénomène mondialPlus largement, le vieillissement de

la population est un phénomènemondial. Selon l’ONU, dans les paysdéveloppés, le nombre de personnesde plus de 60 ans devrait presquedoubler, de 245 millions en 2005 à406 millions en 2050, et celui desmoins de 60 devrait se réduire (de971 millions en 2005 à 839 millionsen 2050). Ces chiffres reposent surl'hypothèse que les taux de fertilitécontinueront à décliner dans les paysen développement, affirme le rapport.Dans les pays les moins développés,le rapport prévoit que la fertilitédevrait descendre de 2,75 enfantspar femme de 2005-2010 à 2,05 en2045-2050. Dans le groupe des paysles moins avancés, cette réductionsera encore plus abrupte, de 4,63enfants à 2,50 enfants. En matièred’espérance de vie, l'écart avec lespays moins développés reste trèsimportant. Si la moyenne atteint75 ans en Europe et dans lesAmériques, elle ne dépasse pas 51ans pour l'Afrique. Un Japonais surcinq aura plus de 75 ans en 2025.C’est d’ailleurs le Japon qui détient lerecord du monde en matière d’espé-rance de vie féminine (85,8 ans) ;mais le nombre de centenaires pour1000 habitants est plus élevé enFrance métropolitaine (1 pour 3000contre 1 pour 3500). En Chine, le

nombre de seniors va passer de 150à 275 millions d'ici une génération.

Jusqu’à quand?La longévité continue de progresser

plus ou moins vite selon les pays.L’homme pourrait vivre jusqu’à 130ou 140 ans… Certains chercheurs ontrécemment réussi à «rajeunir» descellules humaines, ouvrant la voie àl’inversion du processus! Les nano-technologies et les biotech devraientpermettre d’autres progrès, voired’améliorer les capacités humaines,ouvrant la voie à l’«homme aug-menté». On l’imagine – ou on l’espère,du moins – nos sociétés ne feront pasl’économie d’un débat éthique avantde s’engager dans ces directions.Toutefois, rien n’indique que ces

progrès, s’ils se réalisent effective-ment, profitent à tous. Les défis poséspar la sécurité alimentaire, la maîtrisede l’eau potable, de l’énergie ou desmatières premières font peser delourdes incertitudes sur l’avenir del’humanité. La survenue d’une crisesanitaire de grande ampleur sembleégalement de plus en plus probable.Même si l’épidémie de grippe A n’apas été la catastrophe annoncée, cer-tains experts chiffraient à 25000 lenombre de décès en France. Et cen’est pas parce que le virus H1N1s’est révélé moins dangereux queprévu que tout danger est écarté,l’hypothèse d’une nouvelle épidémien’est pas à écarter. Il suffit de se rap-peler que la grippe espagnole avaitfait 30 à 50 millions de victimes enEurope en 1918. Certains observateurs

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Le vieillissement, un phénomène social

relèvent également que l’homme n’ajamais été autant exposé aux polluantset toxiques de toutes natures, ce quine manquera pas d’avoir des consé-quences sur la santé. Seuls 10% desproduits chimiques nouveaux sonttestés pour leur innocuité. Les ana-lyses de sang ou d’urine faites sur unindividu lambdarévèleraient laprésencede polluants ou de métaux lourds,avec des quantités souvent supé-rieures aux seuils fixés par l’OMS(démonstration faite en 2004 par leWWF).

L’âge, un critèreobsolète?

L’allongement de la durée de la vies’est accompagné d’une amélio-ration générale de l’état de santé.L’âge où surviennent les incapacitésrecule, la médecine progresse, laprévention se généralise, même si levieillissement s’accompagne depathologies spécifiques. Grâce à lascience, après l’homme réparé, ons’apprête à connaître l’hommetransformé (prothèses intelligentes,capteurs…), et pourquoi pas demainl’homme augmenté (pas seulementpour le meilleur). D’ores et déjà,acides aminés et antioxydants sontutilisés comme suppléments alimen-taires pour redonner du tonus auxpersonnes âgées ou fatiguées.La modification de la structure des

emplois, le progrès technologique etles acquis sociaux ont égalementprofondément modifié les conditionsde travail, même si l’écart d’espé-

rance de vie entre ouvriers et cadressubsiste.Avec l’augmentation du niveau

scolaire général, l’entrée dans la vieactive se fait de plus en plus tard.L’âge du mariage, ou de la décohabi-tation avec les parents, ainsi que dela maternité (30 ans) reculent.Si certains dénoncent la dictature

du jeunisme, force est de constaterque l’âge n’est plus l’unique déter-minant dans le mode de vie. On peutrefaire sa vie à 70 ans, commencer leroller à 50. Toutefois, et c’est parti-culièrement vrai dans le cas de laFrance, les plus de 55 ans restent lar-gement exclus du monde du travail :leur taux d’emploi atteint 37,6% enFrance, contre 42,5% en moyenneeuropéenne.La courbe ci-après illustre l’accrois-

sement de l’espérance de vie sansincapacité. Graphique extrait du livre«Les quatre mystères de la populationfrançaise», du démographe Hervé LeBras (Odile Jacob, 2007).

On peut s’interroger sur la perti-nence du seuil de 60 ans, généra-lement fixé en France pour marquerl’entrée dans la vieillesse. Il est bienentendu lié à l’âge légal de la retraite,qui devrait vraisemblablement évo-luer dans les années à venir. En 2050,sachant que la durée de vie en bonnesanté s’accroît elle aussi, et que dansun contexte de vieillissement de lapopulation, les gens devront travaillerplus longtemps avant de faire valoirleurs droits à la retraite, voire cumulerretraite et activité afin de garantirleur revenu.

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Le vieillissement, un phénomène social

L’Insee distingue déjà les catégories60-64 ans des plus de 65 ans. Et leseuil de 65 ans est retenu parEurostat. Il va de soi que l’ampleur duvieillissement n’est plus la mêmeselon que l’on considère la part desplus de 60 ans ou celle des plus de 65ans. En 2030, les plus de 65 ans repré-senteraient 23 % de la population(contre 16,7% en 2010). Les plus de75 ans 12% (contre 8,8% en 2010).

Conséquencesdu vieillissementL’un des effets majeur du vieillisse-

ment sera demodifier l’équilibre entre

actifs et inactifs. En France, la propor-tion de personnes âgées (65 et +) parrapport aux actifs passerait de 25% en2010 à 39% en 2030 (Eurostat). Cechiffre constitue un indicateur enmatière d’équilibre du régime desretraites, mais aussi à l’égard du sys-tème de soins, puisque la prévalencedes pathologies augmente avec l’âge.Ajoutons à cela la prise en charge de ladépendance. (Ces points seront déve-loppés plus loin).

Révision du système de retraitesD’une manière générale, le vieillisse-

ment et l’accroissement de la longéviténous conduiront à reconsidérer les sys-

Evolution de la proportion des personnes ayant moins de cinq ans à vivreselon la mortalité de l’époque de 1901 à 2004

La courbe ci-dessus illustre l’accroissement de l’espérance de vie sans incapacité. Extrait du livre«Les quatre mystères de la population française», du démographe H. Le Bras (Odile Jacob, 2007).

tèmes de pensions basés sur la réparti-tion. Quand, à la fin du XIXe siècle,Bismarck amis en place le premier sys-tèmede retraite européen, l’espérancede vie moyenne n’atteignait pas 50ans. Dans les années 1930, en France,elle était encore inférieure à 60 anspour atteindre 80 ans en 2000. En1944, le programme du Conseil natio-nal de résistance prévoyait de créer«une retraite permettant aux vieuxtravailleurs de finir dignement leursjours». La durée de cette retraite seraitbrève, et considérée comme un reposbienmérité, un sas avant le repos éter-nel. Aujourd’hui, un jeune retraité de60 ans peut compter vivre encore 25ou 30 ans, dont 15 bonnes années sansennui de santé majeur. Pour la plupart(et ils sont de plus en plus nombreuxdans ce cas), la vie active n’a pas été unengagement physique important. Lecorps n’est pas usé, l’esprit reste enéveil. On vit vieux sans être un vieillard.Depuis 1959 et l’allongement de 14 à16 ans de la scolarité obligatoire, l’en-trée dans la vie active n’a cessé dereculer, pour survenir aujourd’hui vers22 ans contre 18 ans en 1970. Sur unevie, le temps passé au travail s’estconsidérablement réduit.

Selon l’OCDE, en 1960, un hommepassait 50 ans au travail pour unedurée de vie moyenne de 68 ans ; en1995, on était passé à 38 ans de vieactive pour 76 ans d’existence.Déjà, entre 1982 et 1999, quand le

nombre d’actifs occupés augmentaiten France de 1,5 millions, le nombrede retraités augmentait de 3,2millions!Et le papy-boom n’avait pas encore

débuté. Dès 1990, le rapport Charpinpréconisait un allongement de ladurée des cotisations et une réductiondu montant des pensions. Les discus-sions sur le sujet vont reprendre à larentrée, et il est certain que les géné-rations à venir partiront à la retraite deplus en plus tard, et connaîtront destaux de remplacement moins satis-faisants que par le passé.L’âge de la retraite a reculé dans

tous les pays : 65 ans en Grande-Bretagne, Italie ou Espagne ; 67 ansen Allemagne ; en Suède, la cessa-tion d’activité peut intervenir entre61 et 70 ans ; en Finlande, les salariésqui souhaitent travailler jusqu’à 68ans bénéficient d’une surcote.

Développement des l’activitédes seniorsAu-delà des positions parfois carica-

turales adoptées par les partenairessociaux, cette question pourraitouvrir d’autres débats – ou plutôt lesrouvrir – notamment celui de laplace des personnes âgées dansnotre société.L’opinion a la mémoire courte, et

l’on a tendance à croire que le vieil-lissement est un phénomènenouveau.Pourtant, il y a 50 ans, la France sepenchait déjà sur « les problèmes dela vieillesse » dans des termes trèsvoisins à ceux d’aujourd’hui. Audébut des années 1960, le rapportLaroque préconisait ainsi de mieuxintégrer les personnes âgées à l’en-semble de la société. Déjà, les mai-sons de retraite à l’écart de toutescommodités y étaient considérées

0%1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990

5%

10%

comme ségrégatives et réservéesaux cas d’extrême dépendance. Al’inverse, « l’accent doit être mis, parpriorité, sur la nécessité d’intégrerles personnes âgées dans la société,tout en leur fournissant les moyensde continuer, le plus longtemps pos-sible, à mener une vie indépendantepar la construction de logementsadaptés, par la généralisation del'aide ménagère à domicile, par lacréation des services sociaux de

toute nature qui leur sont néces-saires, par l’organisation de leuroccupation et de leur loisirs». Le rap-port pointait également « la chargede plus en plus lourde» que faitpeser l’entretien des personnesâgées sur la population active, etaffirme que « la participation à l’ac-tivité des personnes âgées est nonseulement possible mais rentable.»Dans un contexte où le labeur usait

l’homme, il pouvait paraître naturel

A la recherche d’un complément de revenuValérie Gruau, fondatrice du site Seniorsavotreservice.com

«Je suis partie du constat suivant : d’une part, les seniors se trouvent trop souventexclus du monde du travail ; d’autre part, les services à la personne peinent à recruter.»A partir de là, il ne restait qu’à trouver le moyen que les deux mondes se rencontrent.C’est ce qu’a fait Valérie Gruau en créant son site internet de mise en relation sur cetteniche spécifique, seniorsavotreservice.com. Les offreurs de services ont tous plus de50 ans. Le site a d’abord été testé fin 2008, avant un lancement effectif début 2009.Après cinq mois d’existence, il totalise 4 000 inscrits. Valérie Gruau souhaitait se lancerdans une activité « socialement utile ». Favoriser le travail des seniors en est une.

Les employeurs, dans la grande majorité des particuliers, apprécient les seniors pourplusieurs raisons : motivation, expérience professionnelle et « vécue », adaptation, flexi-bilité, disponibilité, sérieux, confiance. La plupart des inscrits recherchent un complé-ment de revenus et s’accommodent fort bien du temps partiel imposé par l’activité deservices à la personne. Beaucoup d’inscrits ont encore des crédits immobiliers à payer,voire des enfants à charge…

La moitié des inscrits sont des hommes, et 40% d’entre eux résident en Ile-de-France.Cette implantation géographique peut s’expliquer par le fait que Valérie Gruau résideelle-même dans cette région, où elle mène principalement ses actions de communication.Les autres régions représentées sont, dans l’ordre, PACA, Rhône-Alpes, l’Aquitaine et leNord. Ces statistiques peuvent bien entendu évoluer rapidement en fonction de la montéeen puissance du site.

En ce qui concerne l’aide aux personnes âgées, le recours à une main d’œuvre de plusde 50 ans est un gage de proximité générationnelle, et donc culturelle. Valérie Gruaus’en est aperçue grâce à l’assistance informatique: «Les gens âgés préfèrent être épauléspar des plus de 50 ans. Ils se sentent plus proches, ils parlent le même langage.»

éclairage

de laisser aux aînés un répit en fin devie. A présent, la tertiarisation del’économie a conduit à déconnectercapacités de travail et force phy-sique. A partir du moment où l’onprivilégie des compétences immaté-rielles, le critère de l’âge perd large-ment de sa pertinence pour mesurerl’employabilité des personnes. Et les(mauvaises) raisons invoquées pourjustifier le rejet des seniors dumonde du travail (perte de perfor-mances, inadaptation aux nouveauxprocess) servent trop souvent defaux-nez à la maîtrise des coûts sala-riaux (à poste égal, un salaire dejunior est moins important).Aujourd’hui, bien que l’âge de la

retraite soit fixé à 65 ans, l’âgemoyen de cessation d’activité est de57 ans. En France, le taux d’emploides seniors est l’un des plus faiblesd’Europe : 37,8% contre 42,5% enmoyenne. Le tutorat des jeunes enalternance par des seniors figure aunombre des pistes évoquées pouraméliorer les choses. Une partie deleur salaire serait pris en charge parles fonds de la formation profession-nelle. Mais le contexte de criseactuel risque d’accentuer encoreles phénomènes d’exclusion.Jeunes, seniors et femmes font partiedes plus exposés en cas de suppres-sions de postes. Conscients de leursfaibles chances de retrouver unemploi, de plus en plus de seniors(+50 ans exclus du travail ou jeunesretraités) créent leur propre acti-vité, se tournent vers le secteur desservices à la personne ou de l’éco-

nomie sociale et solidaire. Lessalons spécialisés «Emploi senior »se multiplient partout en France : lapremière édition de Recrut’seniors’est tenue au Cnit à La Défense, les23 et 24 juin 2009.

Quelle placedans la société?

Il est courant de distinguer, dans ungroupe social, les personnes âgéesdes adultes. Est-ce à dire qu’après60 ans, on n’est plus un adulte ?Alors que le marché des seniors sedéveloppe («Notre temps» est lemagazine le plus lu en France, unevoiture neuve sur deux est achetéepar une personne âgée de plus de50ans), les vieux restent désespéré-ment absents du paysage social. Leurfonction de consommateur les rat-tache au système, mais cela ne suffitpas pour les y réintégrer totalement.Comme en témoignent les messagespublicitaires placardés sur les mursde nos villes et à l’arrière de nos bus,les annonceurs considèrent que l’envi-ronnement urbain est le territoiredes jeunes actifs. Apparemment, ilsne sont pas les seuls. L’espace publicsemble réservé aux usagers les plusperformants. Tout y est rapide, effi-cace. Il faut savoir où l’on va et ceque l’on veut.Le retraité, considéré comme un

oisif, y perd sa légitimité, son droitde cité. Sa place serait dans les inter-stices. S’il circule aux heures debureau ou fréquente la supérette lesamedi après-midi, il s’expose à la

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réprobation des actifs qui, eux, n’ont«pas le choix». Dès l’instant qu’il acessé de produire de la richesse parson travail, le voici déqualifié. Laplace du vieux serait chez lui, dansson jardin ou devant la télé…Mais les choses changent, comme

l’explique le sociologue DominiqueArgoud dans un article publié par larevue Territoires (mai 2009) :« Jusqu’à présent, la vieillesse étaitvécue sur un mode fataliste et faisaitl’objet d’un effet repoussoir, laissantun espace de réflexion largementoccupé par les gérontologues.Aujourd’hui, de plus en plus dejeunes retraités sont dans unedémarche d’anticipation par rap-port à leur propre vieillissement. Ils

n’hésitent alors plus à s’impliquerdans les groupes de travail concer-nant l’avancée en âge et sont parfoispromoteurs de réponses d’un genrenouveau, en particulier dans ledomaine de l’habitat. »Selon un sondage TNS Sofres de

mai 2009, seuls 43% des plus de 65ans ont une bonne image des mai-sons de retraite. Les établissementsspécialisés évoluent pour donnerdavantage de liberté à leurs pension-naires. Mais le mouvement restelent et progressif, et les moyensfinanciers ne sont pas forcément aurendez-vous, ce qui affecte les recru-tements. On voit aussi apparaître denouvelles formules, qui permettentaux gens de continuer à vivre à leur

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Maisons autogérées et petites unités de vieRefusant l’idée de finir leurs jours dans une maison de vieux, mais désireuses de ne

pas être à la charge de leurs enfants, Thérèse Clerc et quelques amies ont imaginé, il ya une dizaine d’années, de mettre en place leur propre foyer pour personnes âgées. Unlieu atypique, baptisé Maison des Babayagas, modèle innovant de vie(illir) en commu-nauté. Il s’agit d’une maison autogérée, citoyenne, solidaire et écologique et qui serasituée au cœur de la ville de Montreuil, en petite couronne parisienne. Les 20 membresde la Maison des Babayagas comptent sur la culture plus que sur les soins médicauxpour rester en bonne santé. Ainsi la Maison des Babayagas intégrera une UNIversité duSAvoir des VIEux (UniSaVie) dont l’objectif est de collecter des connaissances sur latranche d’âge 80-100 ans pour apprendre à bien vieillir car, selon le mot de ThérèseClerc, «Vieillir vieux c’est bien, mais vieillir bien c’est mieux !»

En zones rurales, la mutualité sociale agricole a mis en place il y a 20 ans des petites uni-tés de vie, les Maisons d’accueil rurales pour personnes âgées (MARPA). L’essentiel despetites unités de vie se trouve dans les régions rurales, la France compte actuellement1200 structures de ce type. Un audit externe réalisé en 2005 par un cabinet indépendantmontre que les résidents des MARPA vivent plus longtemps (durée moyenne de séjourélevée par rapport à d’autres structures d’accueil) et que le projet de vie proposé aux rési-dents par les MARPA a un impact positif sur leur santé (physique, psychique et sociale).

éclairage domicile : hébergement d’un étu-diant en échange de quelquesheures d’aide par semaine, coloca-tion entre seniors, logementssociaux intergénérationnels…De nombreuses études ont montré

les effets bénéfiques, en terme d’ur-banité, de qualité des relations entreles individus, de la présence simulta-née de plusieurs générations surl’espace public (voir page 56). Plus

largement, à l’heure où des thèmescomme le développement durable,le vivre ensemble, la mixité socialeou les relations de proximité mobi-lisent l’opinion, les relations intergé-nérationnelles ont toute leur place.C’est dans cette optique laCommission européenne envisagede faire de 2012 l’année européennedu vieillissement actif et des solidaritésintergénérationnelles.

Des contraintesbudgétaires croissantesL’actualité est venue nous le rappe-ler : le déficit de la sécurité sociale secreuse, et la tendance s’accélèresous l’effet de la crise. Moins de coti-sations, donc moins de ressources,pour des dépenses qui continuent decroître. Entre 2005 et 2009, le déficitde la branche vieillesse est passé de2 milliards à 7,7 milliards d’euros. Lacrise aura notamment pour consé-quence de précipiter à nouveau leFSV dans le rouge.

Dans ce contexte, l’heure est plusque jamais à la recherche d’économie.Le projet de loi Hôpital, santé et terri-toires a pour but de rationnaliser l’offrelocale. En matière gérontologique, latendance est à la spécialisation desmaisons de retraite dans l’accueil descas lourds et des sujets atteints de lamaladie d’Alzheimer. D’une manièregénérale, la priorité est donnée aumaintien à domicile, aussi longtempsque possible. Une option qui ne sedéfend pas uniquement pour desraisons économiques, mais qui cor-

Système de soins

«La France est, au monde, le pays où le nombre d’établissementsde soins publics et privés rapporté à la population est le plus élevé:1 pour 20000 habitants contre en moyenne 1 pour 40000 enEurope (1 pour 100000 en Suède)», peut-on lire dans le rapportétabli par le professeur Vallancien en 2006. Cette répartition desétablissements, justifiée par la proximité géographique, pourraitmême constituer un facteur de risque, notamment en matièred’activité chirurgicale. Cette densité hospitalière a aussi un coût.

respond aux aspirations des princi-paux intéressés et de leurs familles.Pour autant, ce maintien à domiciledoit s’effectuer dans les meilleuresconditions, afin de ne pas tourner àl’assignation à résidence. Pour cela, lacoordination entre soins hospitaliers,médecine de ville et secteur médico-social est primordiale. L’environ-nement des personnes âgées l’esttout autant : agencement de leurlogement, commodités de leurquartier (commerces, promenades,lieux de rencontres, offre culturelle),possibilités de déplacements. Il n’estplus besoin de démontrer l’impor-tance du moral pour la santé, et legoût de vivre passe par les relationssociales, les liens avec l’entourage, lefait d’être traité comme un individu àpart entière.Enfin, il est primordial de ne pas

surévaluer la relation vieillesse-santé.L’enquête ménages déplacementsmenée en 2006 sur l’aire urbaine deBelfort-Montbéliard a ainsi montréqu’à peine 6% des déplacements desplus de 60 ans ont pour motif desdémarches d’ordre médical.

Déserts médicaux

Selon le rapport 2006-2007 del’Observatoire national de la démogra-phie des professions de santé, lesmédecins généralistes libéraux sontinégalement répartis sur le territoire.La densité varie de 74 praticiens pour100 000 habitants en Seine-Saint-Denis à 134 pour 100000 habitantsdans les Pyrénées-Orientales. D’unemanière générale, les médecins omni-praticiens sont plus nombreux dans lesud de la France. Les densités sontsupérieures à 125 dans les Bouches-du-Rhône, les Alpes-Maritimes,l’Hérault, les Hautes-Alpes et lesPyrénées-Orientales. A contrario, lesdépartements où les densités sont lesplus faibles (moins de 80) se trouventdans le centre de la France et l’Île-de-France. D’autre part, l’âge des méde-cins constitue un bon indicateur de lapérennité de l’offre médicale depremier recours. La prise en comptede la part des généralistes libérauxâgés de 55 ans et plus fait apparaîtreque certains départements situés enbonne position, en termes de densité

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Soldes par branche du régime général et du FSVEn milliards d’euros 2005 2006 2007 2008 2009 (p)Malade -8,0 -5,9 -4,6 -4,4 -9,4Accidents du travail -0,4 -0,1 -0,5 0,2 -0,3Vieillesse -1,9 -1,9 -4,6 -5,6 -7,7Famille -1,3 -0,9 0,2 -0,3 -2,6Total régime général -11,6 -8,7 -9,5 -10,2 -20,1FSV -2,0 -1,3 0,2 0,8 -2,1Total régime général + FSV -13,6 -10,0 -9,3 -9,4 -22,2

Source ministère de la Santé

pourraient connaître une situationmoins favorable à terme (exemples del’Ariège, de la Creuse et de la Corrèze).Etant donné la durée des études demédecine, le relèvement du numerusclausus est une solution à moyenterme, qui ne saurait à elle seule remé-dier à l’attrait qu’exercent certainesrégions sur les professions médicales.Le retraité, considéré comme un

oisif, y perd sa légitimité, son droitde cité. Sa place serait dans les inter-stices. S’il circule aux heures debureau ou fréquente la supérette lesamedi après-midi, il s’expose à laréprobation des actifs qui, eux, n’ont«pas le choix». Dès l’instant qu’il acessé de produire de la richesse parson travail, le voici déqualifié. Laplace du vieux serait chez lui, dansson jardin ou devant la télé…Plus généralement, les médecins,

spécialistes ou non, rechignent deplus en plus à s’installer en milieurural, tout comme les autres profes-sionnels de santé. Pour les infirmierslibéraux, les écarts de densité varientde 1 à 8; pour les kinésithérapeutes,l’amplitude est de 1 à 4. Certains terri-toires facilitent l’installation de profes-sionnels de santé en fournissant ouaménageant des locaux, ou par le biaisd’allègement de charges (taxe profes-sionnelle). L’expérience des maisonsde soins, qui regroupent plusieurs pra-ticiens, rencontre aussi le succès.La réforme de la carte hospitalière

accroît encore le problème de l’accèsaux soins, aussi longtemps que l’articu-lation entremédecine de ville etméde-cine hospitalière reste incomplète.

Dépendance : les départe-ments en première ligne

La dépendance résulte d’atteintesphysiques, sensorielles et mentalesliées à quatre types de facteurs :maladies, déficiences, incapacités,désavantages ou handicaps. Ces phé-nomènes deviennent de plus en plusfréquents après 75 ans, une limitequi reculera sans doute dans l’avenir.Pour autant, le nombre de personnesâgées dépendantes devrait croître.Dans quelle mesure? La questionsemble difficile à trancher, tant lesfacteurs à prendre en compte sontnombreux et évolutifs. L’Insee situele nombre de personnes âgéesdépendantes en 2025 dans une four-chette comprise entre 800000 et ungros million. Les personnes âgéesdépendantes sans conjoint ni enfantseraient au nombre de 160 000 en2040, contre 130 000 aujourd’hui.Différents indicateurs permettent

d’évaluer la dépendance (grille deColvez, indicateur de Katz). En France,la grille AGGIR est la référence institu-tionnelle. Elle établit un classementen 6 groupes Iso-Ressources (GIR) enfonction du degré de dépendance.GIR 1 regroupe les personnes confi-nées au lit ou au fauteuil ayant perduleur autonomie mentale, GIR 6 lespersonnes parfaitement valides. Onestime à moins de 25% la proportionde personnes lourdement dépen-dantes (GIR 1 à 3) chez les +85 ans.La tendance générale dans les pays

développés est de privilégier lemaintien à domicile par rapport à la

propriétaires de leur logement. Ellepose toutefois la question de la succes-sion. Certes, cette solution permettrait,le cas échéant, de ne pas solliciter lafamille proche pour prendre encharge un parent dépendant, maisl’héritage s’en trouverait diminuéd’autant. De plus, le marché de l’im-mobilier évolue. Si l’on peut considé-rer qu’une certaine tension devraitperdurer dans les prochaines années(l’offre de logements étant inférieure

à la demande), des critères liés àl’évolution de la législation environ-nementale et aux contraintes écono-miques pourraient peser sur la valeurdes biens. Les performances énergé-tiques, la situation géographique, lapossibilité ou non d’accéder au réseaude transports collectif pourraientprendre de plus en plus d’importancedans les décennies à venir. Qu’ensera-t-il alors de la solvabilité despropriétaires de ces biens?

prise en charge en maisons deretraite médicalisées ou en établis-sements gériatriques. Ceci pour desraisons de coût, et aussi (surtout?)de bien-être des personnes. En 1999(dernier recensement), la part des+65 ans vivant en institution étaitde 5,5%. Cette proportion monte à10% à 85 ans, puis à 46% au-delà de95 ans. Le basculement entre domi-cile et institution s’opère en fonctiondu degré de dépendance, la pertedes facultés mentales étant un fac-teur décisif. En 2005, environ550 000 personnes vivaient à leurdomicile en situation de dépen-dance. 25% d’entre elles sont prisesen charge par plus de 6 intervenants.Certains prestataires refusent de sedéplacer pour des interventions infé-rieures à 2 heures, étant donné lecoût du transport.

Il existe une relation forte entre laprise en charge des transports et ledéveloppement de l’accueil de jouren établissement spécialisé.L’allocation personnalisée d’autono-

mie (APA), administrée par les départe-ments, est destinée aux personnesâgées dépendantes. 20% des +75 ans,soit un peu plus de 1 million de per-sonnes, percevaient l’APA en 2008,pour une enveloppe globale de 6 mil-liards d’euros. 62% d’entre ellesvivaient à leur domicile. L’APA peutêtre versée à une personne vivant àdomicile ou en institution. Toute per-sonne dépendante y a droit, le mon-tant est variable en fonction des res-sources et du degré de dépendance (laprise en compte du patrimoine est en

discussion). Le nombre de bénéficiairesdevrait s’établir entre 1165000 et1307000 en 2012. Le coût de la dépen-dance est estimé par certains experts(CAE) à 7 milliards d’euros en 2030,dont 6 à la charge des départements.D’autre part, le montant de l’aide ne

permettrait pas de couvrir de façonsatisfaisante les besoins des plusdépendants. Selon la Cour descomptes, une personne en GIR 1 (plushaut niveau de dépendance) vivant àson domicile perçoit une sommeéquivalant à moins de la moitié dumontant nécessaire pour couvrir sesbesoins d’aide à domicile. Les varia-tions importantes dans les tarifs pro-posés pour l’aide à domicile, et dans leniveau de prise en charge proposé parles départements posent également laquestion de l’égalité de traitement. Enfin de compte, l’APA profiterait davan-tage auxmoins dépendants et aux plusaisés des bénéficiaires.L’idée de mettre en place des for-

mules d’assurance-dépendance faitson chemin, mais son financementpose problème: c’est le 5e risque dela Sécurité sociale. Dans tous les cas,le recours à l’épargne privée seranécessaire, aumoins pour ceux qui enauront les moyens. Certains préco-nisent de mobiliser le patrimoine despersonnes dépendantes, sur lemodèle du prêt viager hypothécaire.Cette forme d’emprunt consiste àgager le bien immobilier pour obtenirun crédit. Les créanciers se paientensuite au moment de la succession.Cette piste repose sur le fait qu’unemajorité de retraités sont aujourd’hui

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Le vieillissement, un phénomène social

Revenus : des disparités croissantes

La retraite moyenne s’élève à 1 100 euros. En 2003, le revenudes plus de 55 ans (18 100 euros annuels) était très légèrementsupérieur (2,7%) au revenu moyen de l’ensemble de la population.En revanche, pour les plus de 65 ans, la comparaison étaitdéfavorable : 16 700 euros, inférieur de 7,8% au revenu moyen.Le niveau de vie des plus de 75 ans étant légèrement inférieurà celui des 65-74 ans

Derrière ces chiffres, il convient dedistinguer deux phénomènes :d’abord le fait que 37% des 55-64 anssont encore actifs, alors que les pen-sions de retraites ne compensent quepartiellement les revenus d’activité ;l’autre aspect est générationnel, avecla croissance de l’emploi féminin etl’augmentation du niveau de qualifi-cation, qui conduisent à l’améliora-tion progressive des revenus. Cedernier point va compenser au moinsen partie les accidents de carrière oulamoindre évolution des salaires dans

les années à venir. Cette compensa-tion va s’opérer de manière globale,mais pas individuelle.De ce fait, les inégalités de niveau

de vie au sein du groupe des retraitésdevraient s’accroître. Le minimumvieillesse concernait 3,4% des retrai-tés du régime général en 2008, soit400000 personnes, contre 6% en1994. Selon la Fondation Abbé Pierre,600000 personnes âgées vivent avecune allocation de solidarité de 628euros mensuels, ce qui les place sousle seuil de pauvreté (880 euros, 60%

Des seniorsdans lemouvement

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du revenumédian). En 2006, le revenudes 10% des retraités les plusmodestes était inférieur à 10 660euros par an, soit 888 euros mensuels.D’une manière générale, la période derattrapage des revenus des retraitéspar rapport à ceux des actifs touche àsa fin, et la tendance s’inverse. Lasituation économique est d’autantplus difficile pour les personnes seules.Tenir compte du patrimoine.

L’évaluation du revenu doit tenircompte du patrimoine. 70% desménages dont la personne de réfé-

rence a plus de 55 ans possèdent unpatrimoine immobilier, contre 54%pour les moins de 55 ans. 72% desménages dont la personne de réfé-rence a plus de 55 ans n’ont plus nidépensede loyer ni de remboursementd’emprunt immobilier. La prise encompte de ces éléments fait passer laproportionde+55ansvivantendessousdu seuil de pauvreté de 9,4 à 7,7%.Cette proportion passe de 10 à 9%pour les 55-64 ans, de 7 à 6% pour les65-74 ans, et de 11,2 à 7,4% pour lesplus de 75 ans!

Niveau de vie des retraités en fonction de leur ancienne activitéIndice de niveau de vie 2004 (ensemble de la population = 100)

Agriculture 65Indépendant 91Cadre 161Profession intermédiaire 117Employé 92Ouvrier 80

Source INSEE personnes âgées - DGI services fiscaux

>>> En 2006, le revenu des 10% des retraités les plusmodestes était inférieur à 10660 euros par an,soit 888 euros mensuels. D’une manière générale,la période de rattrapage des revenus des retraitéspar rapport à ceux des actifs touche à sa fin, etla tendance s’inverse. La situation économique estd’autant plus difficile pour les personnes seules.

Les premières générations du baby-boomont accompagné les change-

ments majeurs de notre société :consommation de masse, périurbani-sation, motorisation, couples biactifs.Elevés durant les Trente glorieuses, ilsont connu la crise, les crises, lamontéedu chômage et la tertiarisation del’activité. Dans les bureaux, ils ont vuapparaître les premiers ordinateurset se sont mis à l’informatique.Aujourd’hui, ils sont familiersd’Internet et c’est parfois même surleur téléphone mobile qu’ils écriventdes mails. «Les I-pod, écrans plasmaou tables à induction sont détenus àplus de 55 % par les plus de 50 ans.Les 50-60 ans ont le plus fort tauxd'équipement informatique, deconnexion Internet, passent plus de

temps que tous les autres surInternet (2h20 chaque jour) et sontsurtout les premiers cyber-acheteursde tous lesmarchés», peut-on lire surle blog de Benoît Goblot, directeurgénéral de senioragency.Dans notre monde où la mobilité et

la techno-compatibilité constituentdes valeurs de premier plan, les aînésn’ont aucune raison de retourner àleur potager ou à leur tricot (quebeaucoup n’ont d’ailleurs jamaistouché) une fois sortis du monde dutravail. Qu’ils profitent de leur tempslibre pour se consacrer à leur hobby,s’engagent dans la politique ou rejoi-gnent le milieu associatif, le fait estqu’ils ne veulent pas (plus) se laisserdicter leurs choix par des considéra-tions d’un autre âge!

>>> Les 50-60 ans ont le plus fort taux d'équipementinformatique, de connexion Internet, passentplus de temps que tous les autres sur Internet(2h20 chaque jour) et sont surtout les premierscyber-acheteurs de tous les marchés

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Même s’ils ne basculent pas massive-ment dans un égoïsme forcené, ilsaspirent en général à vivre pleinementleur retraite, et ce d’autant plus quecette période représente aujourd’huice que certains qualifient de «troi-sième vie», après le temps de l’en-fance et de la formation, puis celui dela vie active et du foyer. Ils se sententd’autant plus portés à réaliser leursrêves que les soucis de santé apparais-sent de plus en plus tard. L’âge moyende la dépendance ne cesse de reculer.D’autre part, la longévité n’est plusune «surprise»; la vieillesse peut êtreanticipée, avec ses côtés positifs (desprojets)etmoins réjouissants (maladies,dépendance). Paradoxalement, lesseniors n’ont jamais été autant sollici-tés par la solidarité intergénération-nelle, à la fois pour s’occuper de leurspetits-enfants et de leurs propresparents âgés. Les jeunes retraitésforment une génération pivot maisdans certains cas, la solidarité familialepeut devenir une contrainte forte.

De moins en moins prisonniers desreprésentations sociales, les retraitésabandonnent les sentiers balisés. Lesassociations traditionnelles commeles Aînés ruraux, voient vieillir leurseffectifs et se questionnent sur lastratégie à adopter pour attirer lesmoins de 75 ans. Les formes clas-siques du bénévolat n’attirent plus,et les personnes âgées (comme lesautres d’ailleurs) sont en quête desens. C’est ce qu’elles viennenttrouver en s’engageant dans desassociations d’entraide ou dans lapolitique locale. La pratique associa-tive n’a plus comme principal objec-tif d’organiser leurs loisirs, mais doitleur permettre de prendre part aufonctionnement de la société. Deplus en plus diplômés, et de plus enplus nombreux à avoir travaillé dansle tertiaire, les jeunes retraités ontde nouvelles attentes. Alors queleurs parents ont travaillé d’abordpour constituer un patrimoine et letransmettre, les jeunes seniors sont

Des représentations sociales en mutation

En 1992, Coline Serreau réalisait «La crise», comédie tendreet grinçante qui peignait les déboires d’un homme en perted’emploi, de couple, et de repères. On y voyait notammentla mère du personnage principal partir en vacances avec son profde gym en déclarant vouloir «vivre pour elle». Bien que forcéeet caricaturale, cette image d’une femme qui décide, une foisses enfants devenus adultes, de mettre de côté son rôle de mère,dit beaucoup de choses sur la situation actuelle des seniors.

Des seniors dans le mouvement

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beaucoup plus investis dans la trans-mission des valeurs : selon une étudeHSBC Assurance, 62% des seniorssouhaitent transmettre leur savoir etleur conception de la vie plutôt quede l’argent.Ils ont remis en cause la société de

leurs parents, changé les usages etbousculé les immobilismes.Aujourd’hui, le modèle est en criseet pourtant, même s’ils ont large-ment contribué à bâtir cette société,ils sont les premiers à incarner lechangement.

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Des seniors dans le mouvement

Une vie en plusCe livre rassemble une série d’entretiens sur le thème de la longévité («Une vie en plus,

La longévité, pour quoi faire?», éditions du Seuil, 2005). Joël de Rosnay, Jean-LouisServan-Schreiber et François de Closets répondent aux questions de Dominique Simonnet,journaliste et écrivain. L’ouvrage est construit en trois parties : le corps (les progrès de lasanté avec Joël de Rosnay), l’esprit (profiter de cette «troisième vie», avec Jean-LouisServan-Schreiber) et la société (François de Closets décortique l’enjeu des retraites).

Morceaux choisis :«Il y a des limites à tous ces développements. Imaginons un homme de 125 ans, refait de

la tête aux pieds, avec des organes reconstitués, bardés de puces et de prothèses de toutessortes… Viendra sans doute le jour où il en aura assez. Ses amis auront disparu, il aura toutvu, et il est probable qu’il voudra arrêter, tout débrancher: le téléphone, les prothèses, lespuces, son propre corps. Il voudra redevenir lui-même, en somme.»

(J. de Rosnay)« Il ne s’agit pas de rester jeune, prétention dérisoire, mais de rester vivant ! Le charme

sur la durée ne vient plus de la souplesse de la peau ou de la force du muscle, mais de lavitalité.»

(J.-L. Servan-Schreiber)« Ne voit-on pas souvent de jeunes adultes traiter leurs parents comme des presta-

taires de services gratuits ? Il est légitime que ces derniers rechignent et osent dire :“Non, merci !” La longévité en bonne forme s’accompagne de nouveaux droits. »

(J.-L. Servan-Schreiber)«Tel est aujourd’hui le défi de la retraite : se construire une vie alors que rien n’est

prévu. L’adolescent doit faire ses études, l’adulte doit travailler, le senior fait ce qu’il veut.“Consomme et tais-toi !”. C’est tout ce que la société est capable de dire.» (F. de Closets)

« Cherchez les moins de 30 ans à l’Assemblée nationale. Là, ce sont les plus de 70 ansqui ont le pouvoir. C’est un paradoxe invraisemblable : nous vivons dans une géronto-cratie jeuniste, plus nous méprisons les vieux, plus nous leur abandonnons le pouvoir ! »

(F. de Closets)

éclairageUn quart des Parisiens arrivés à l’âgede la retraite quittent la capitale. Ils’agit en fait du revers de l’effet d’at-traction qu’exerce la région parisiennesur les actifs. A l’inverse, un certainnombre de régions attirent les retrai-tés, qu’ils soient français ou euro-péens. Britanniques, Néerlandais ouDanois affectionnent le Périgord, leLarzac ou les petits villages drômois. 1provincial sur 8 part vivre ailleurs. Pourles plus aisés, le choix peut se portersur la résidence secondaire, ou la mul-tirésidence. Dans le cas des personnesd’origine étrangère, le montant de laretraite et les conditions qui assurentsa perception vont influencer le choixde s’établir ici ou là-bas, ou encore defaire la navette entre les deux pays.Pour beaucoup, le lieu de résidencedes enfants et petits-enfants est un cri-tère important. La France compte plusde 963000 retraités et préretraitésimmigrés dont 431000 femmes.37000 d'entre eux vivent en foyer,dont 20000 Algériens. Beaucoupéprouvent des difficultés à faire valoirleurs droits. Le Haut conseil à l'immi-

gration a pu observer que ces popu-lations souffrent en moyenne vingtans plus tôt que les Français des patho-logies liées au vieillissement, en raisonsouvent de profession pénibles et demodes de vie plus précaires.L’héliotropisme pousse nombre de

retraités vers les rivages de laMéditerranée et la côte ouest. Dansles Pyrénées-Orientales, le Lot ou leVar, les pensions représentent 34%du revenu déclaré à l’administrationfiscale, contre 23,5% en moyenneen France. Ces retraites viennentrééquilibrer le revenu dans lesrégions où le PIB par habitant est leplus faible. La présence de retraitésconstitue également un apport nonnégligeable pour l’activité locale :c’est l’effet multiplicateur induit parle secteur domestique. Cette écono-mie de la consommation, non délo-calisable, contribue largement à laréduction des inégalités et à la luttecontre la pauvreté. Dans tous les cas,que les retraités soient installés defraîche date ou non, leur influencesur l’économie locale est bien réelle.

Parcours résidentiel et développement territorial

72,4% des plus de 60 ans sont propriétaires de leur logement,qu’ils ont terminé de financer dans neuf cas sur dix. Mais qu’ilssoient propriétaires ou non, de plus en plus de retraités choi-sissent de vieillir ailleurs. C’est l’un des thèmes que développel’économiste Laurent Davezies dans son ouvrage « LaRépublique et ses territoires », pour démontrer l’importancede l’économie résidentielle dans le développement territorial.

Une étude américaine réalisée pardes chercheurs de l’université duWisconsin montre que l’arrivée d’unretraité engendre 0,2 à 0,7 emploiselon son niveau de revenu.L’engagement des retraités dans lesecteur associatif et le bénévolatgénère lui aussi de la richesse, pourun montant que HSBC Assuranceévalue à 7 milliards d’euros par an.Que ce soit pour leur consomma-

tion courante, l’entretien de leurlogement, leurs loisirs… les retraitésgénèrent de l’activité. Au grand âge,si la dépendance survient, la situationnécessite aussi de faire appel aux

professionnels du secteur médico-social et aux services à la personne. Laphase II du plan Borloo pour le déve-loppement des services à la per-sonne évalue à 100000 emplois paran les besoins dans ce secteur (aide àdomicile, aux jeunes enfants et auxpersonnes dépendantes).Si le potentiel de revenu généré par

les retraités peut créer de l’activité etde l’emploi (services), il peut aussi seretourner contre les autres catégoriesde population. Dans certaines com-munes, les centres-villes ou lesquartiers résidentiels, prisés par lesretraités aisés, deviennent inacces-

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Des seniors dans le mouvement

Taux de migra�on ne e

néga�f à tous les âges

néga�f sauf plus 39 ans

posi�f à tous les âgesposi�f sauf 20-29 ansposi�f sauf plus 59 ans

néga�f sauf 20-29 ans

Les régions littorales sont attractives tandis que le Nord et l’Est perdent des habitants.

sibles pour les familles ou les jeunesactifs. La présence trop massive depopulation âgée dans certains quar-tiers peut aussi contrarier certainsprojets ou aménagements collectifs,afin de ne pas troubler la tranquillitédes lieux. Sans aller jusqu’au scénariod’une concurrence des populations, ilfaut tenir compte de ce risque afin deprévenir l’éviction d’une partie de lapopulation. Tout miser sur le greypower pour alimenter l’économie

résidentielle serait une erreur destratégie, avec le risque de bloquertout autre mode de développement.Lamobilité résidentielle ne concerne

toutefois qu’une partieminoritaire despersonnes âgées. En France, les plusde 60 ans habitent leur logement enmoyenne depuis 25 ans (enquêteShare). Les résultats à l’échelle euro-péenne montrent que la mobilité desseniors est la plus forte en Suède, auDanemark et aux Pays-Bas. A l’inverse,

Les Villages d’Or, gated communities à la françaiseGated communities désigne des quartiers dont l’accès est contrôlé et dans lequel l’espace

public (rues, trottoirs, parcs, terrains de jeu…) est privatisé. Sur ce modèle, se sont dévelop-pées aux Etats-Unis des villes réservées aux seniors, dont la plus célèbre est Suncity (Arizona).Créée en 1960, cette ville compte 40000 habitants, dont la moyenne d’âge est de 75 ans.

Créé en 1995, le groupe Les Villages d’Or est à l’origine du développement, en France,de résidences services destinées à répondre aux attentes des seniors en leur proposantun lieu de vie privilégié alliant confort, sécurité, convivialité et ce, en totale indépen-dance au sein de leur résidence service senior. Les programmes sont réalisés grâce auxdispositifs de financement type Scellier.

Exemple avec la résidence d’Agde (Hérault)L’accès à la résidence se fait par un code d'entrée qui ne change pas souvent pour que

chacun soit sûr de s'en souvenir. Un service de gardiennage fonctionne la nuit et assurel'entretien des jardinets et des parties communes. Dans la journée, c'est la gérante quiassure la sécurité. Chaque résident étant doté d'un biper avec bascule jour-nuit. La sécu-risation semble efficace : en 8 ans, il n'y a eu aucun cambriolage. L'ensemble se présentecomme un lotissement de 15 grosses maisons carrées abritant chacune 4 appartementsd'un peu moins de 50 m2. Tous sont de plain pied et comportent 2 chambres, une salled'eau (lavabo douche WC), une cuisine équipée (réfrigérateur + cuisinière électrique ;emplacements pour lave-vaisselle et lave-linge), 1 séjour. La résidence se trouve à deuxpas du cinéma, tout près du centre-ville ; une situation très calme, dans un environnementarboré et fleuri. Juste à côté, un centre médical ainsi qu'un labo d'analyses. Tous lescommerces sont accessibles à pied en 10 mn, et il est possible de se faire livrer. Il n'y apas de garage, mais des parkings en suffisance. Le tarif de location varie autour de 660- 680€(+ 180-200 € de charges). Le village est occupé en quasi totalité, mais une partie des résidentsn’y vivent pas toute l’année.

éclairage

Typologie des régions selon le solde migratoire par âge entre 1999 et 2004

Source

:INSEE

c’est en Pologne, Autriche etRépublique tchèque que les personnesâgées sont les moins mobiles.En général, les personnes âgées

vieillissent donc dans, et avec, leurrésidence principale (unemaison pourenviron 65% des Français de plus de50 ans). Ce qui leur permet, danscertains cas, de conserver une vie dequartier (à condition que les com-merces et services n’aient pas ferméleurs portes). Pour les toujours plusnombreux habitants des zones périur-baines ou des territoires «rurbani-sés», c’est un autre problème. Leurautonomie est fortement déterminéepar la possession d’une voiture… et lacapacité à conduire (voir page 45).La présence de population vieillis-

sante doit être prise en compte dansles programmes d’urbanisme ou lesschémas médico-sociaux mis enplace par les collectivités. Cette

dimension reste largement sous-investie en France.Selon une étude publiée par la

Fédération nationale des agences d’ur-banisme, «les préconisations portentsur l’adaptation des logements auvieillissement des populations et del’environnement urbain. Certains SCoTmettent l’accent sur l’adaptation del’offre de soins aux personnes âgéespour répondre aux besoins croissantsen services de soins et de maintien àdomicile. Ces préconisations sontgénérales et restent sans doute bieninsuffisantes.» L’étude pointe, entreautres, le déficit d’évaluation. Selon ladernière enquête Share, en France,6% des logements sont adaptés auxpersonnes ayant au moins trois limi-tations motrices. Cette proportionatteint 17% aux Pays-Bas, dépasse12% au Danemark et en Suisse (voirgraphique ci-dessus).

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Des seniors dans le mouvement

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Logements équipés pour faire face au handicap

Source

:Enq

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08

La biactivité du couple et le dévelop-pement du crédit ont ouvert égalementde nouveaux horizons aux consom-mateurs… avec les effets pervers descrédits revolving et du surendettement.Une des idées reçues attachée au

vieillissement de la population est qu’ilentraînerait un tassement de laconsommation. En effet, les ménagesâgés n’ont plus besoin de s’équiper. Ilsont tous un salon, une cuisine équipée,une ou plusieurs cafetières et autresmachines à expresso. Ils suivent moinsla mode et ne renouvellent pas leurgarde-robe aussi souvent que les plusjeunes. Soit,mais le niveau de consom-mation ne dépend pas uniquement del’âge; il incorpore un «effet géné-ration». C’est ce quemontre le tableaupage suivante, reproduit dans le rap-port de Michel Godet et Marc Mousli,«Vieillissement, activités et territoiresà l’horizon 2030».Aujourd’hui, avec des revenus

encore croissants, les seniors représen-tent un marché dynamique: ils détien-nent par exemple 72% des placements

financiers en France; un véhicule neufsur deux est aujourd’hui acheté par unsenior. Il faut préciser que, pour lesprofessionnels du marketing, unconsommateur devient senior à50ans…Sur certaines niches, comme lemarché des sodas, le seuil descendmême à 30 ans!Avec 4millions de lecteurs et 900000

acheteurs, «Notre temps» est le pre-mier mensuel français. Opérateurs detéléphonie et fournisseurs deconnexions Internet multiplient lesoffres commerciales et techniques des-tinées aux jeunes seniors. Le marchédes plus de 80 ans nécessite des pro-duits véritablement spécifiques, àl’exemple du téléphone conçu par lasociétéClarity, jusqu’ici spécialiséedansles téléphonespourpersonnes sourdes.La sonnerie de l’appareil s’adapte aubruit ambiant, les touches sont peunombreuses et colorées. Plutôt que «du » marché seniors, il conviendrait enfait de parler «des» marchés seniors.En effet, la population des plus de 50ans est loin d’être homogène, et si cer-

Des consommateurs avertis

Les jeunes retraités d’aujourd’hui ont été les témoins et les acteursdu développement de la consommation de masse dans notrepays. Le premier Carrefour a ouvert ses portes en 1963 à Sainte-Geneviève-des-Bois, donnant le coup d’envoi au développementde vastes zones commerciales aux portes des villes. Un modèleservi par l’automobile, qui se démocratise et contribue à fonderune nouvelle forme d’organisation économique et spatiale, baséesur la division du travail et l’accession à la propriété.

Mobilitéquotidienne

tains produits demandent à être carac-térisés «troisième âge» (assurances,produits santé), d’autres (automobile,cosmétique) serontd’autantmieuxper-çus qu’ils n’affichent pas leur créneau.Consommateurs avertis et exigeants,

les enfants du baby-boom ont aussiintégré les codes de la société des ser-vices. Là encore, ils exercent leur espritcritique aussi bien dans la sphère mar-chande que dans les services institu-

tionnels. Libérés des contraintes liées àl’emploi ou à la scolarisation desenfants, les retraités ne seprivent pas –du moins les plus aisés – de «voteravec les pieds» en choisissant leur lieude résidenceen fonctiondu niveaudesservices publics offert. Ils sont égale-ment prompts à défendre leurs droitset leur confort de vie, en se regroupantenassociationsde riverainsparexemplecontre un projet d’aménagement.

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Rapport à la consommation des 40-44 ans de la consommation des :60-64 ans 70-74 ans 80-84 ans

Transvers. Longit. Transvers. Longit. Transvers. Longit.Consommation totale 0,97 1,02 0,84 0,93 0,72 0,85Alimentation 1,18 0,96 1,12 0,86 0,92 0,69Habillement 0,84 0,61 0,73 0,40 0,47 0,21Disposition du logement 0,67 1,26 0,53 1,35 0,54 2,02Services domestiques 1,04 1,00 2,33 2,27 4,78 5,19Santé 1,46 1,69 1,76 2,32 1,99 3,07Transports 0,87 1,17 0,48 0,84 0,19 0,52Télécoms et poste 1,03 2,02 0,96 2,54 0,79 2,88Loisirs 0,86 1,18 0,68 1,13 0,53 0,98

Transvers. : transversal : comparaison pour l’année en cours avec le reste de la population; longit. :longitudinal : comparaison avec ce que la personne de 60 à 64 ans aurait elle-même consomméà 40-44 ans. A 84 ans, une personne consomme 72% de ce que consomme la même année unepersonne de 44 ans, mais 85% de ce qu’elle aurait consommé, ceteris paribus, à 44 ans.Source : enquêtes budget de famille

Un marché et quatre ciblesSelon la société de marketing Senioragency, on peut distinguer quatre catégories de

seniors. Les happy-boomers (50 - 60 ans): 8 millions de consommateurs. Nés après guerre, ilssont les enfants de la société de consommation et de l'innovation. Ils ne ressemblent en rienà leurs aînés. Les libérés (60 -75ans): 7,7 millions de consommateurs. Enfants de la Libération,ils sont aujourd'hui à la retraite. Libérés de toute contrainte, ils en profitent pour réaliser toutce qu'ils n'ont pu faire auparavant et qu’ont fait les happy-boomers à 20 ans comme lesvoyages, les loisirs, etc. Les paisibles (75-85 ans): 3,8 millions de consommateurs. Les vraisseniors qui consomment des produits de seniors. Les TGV (85 et +): 1,1 million de Très GrandsVieillards. Leur consommation est réalisée par leurs enfants «happy-boomers» et «libérés».

éclairage

Du pépé chenu cultivant son pota-ger à la cyber-mamie qui fait ses

courses sur Internet, l’image duretraité sédentaire et retiré dans sondomicile reste bien présente dansl’inconscient collectif. La plupart dutemps, ils sortent à pied chercher leurjournal, faire quelques courses.Quand ils se déplacent loin, c’est pouraller chez le médecin, en autobus ouen car, selon qu’ils vivent en ville ou àla campagne.Pourtant, la réalité est bien diffé-

rente. Selon une enquête comman-dée par Keolis en 2007, les jeunesretraités (échantillon de 58-65 ans)multiplient les activités en dehors deleur domicile. Pour eux, la voiture al’avantage de la souplesse et de la dis-ponibilité, alors que les transportspublics sont perçus comme contrai-gnants. Et cet attachement à l’auto-mobile persiste tant que des pro-blèmes de santé ne viennent pasrestreindre l’autonomie.La mobilité des aînés se conjugue

sur plusieurs modes et selon de nom-breux motifs. S’y intéresser conduit àse poser des questions qui nousconcernent tous : rythmes des dépla-cements, accessibilité des infrastruc-tures et de l’espace public, qualité del’information voyageurs, définitionmême des services de transports.Pourtant, force est de constater queles seniors constituent une terraincognita en matière de statistiquesde déplacements. A peine évoquésdans les enquêtes ménages dépla-cements, leurs pratiques de mobilitédeviennent supports d’anecdotes : ils

font salon dans le bus, occupent lesplaces assises aux heures de pointe,conduisent trop lentement, refusentde changer leurs habitudes… Leschoses se passent comme si, sortis dela vie active, les seniors n’étaient plusun enjeu ni pour les opérateurs nipour les autorités organisatrices.Encore une fois, la mobilité des aînésapparaît fortement liée à leur place età leur représentation dans la société.Libérés des déplacements domicile-

travail, les plus de 65 ans apparaissentmoins mobiles. Pour autant, leurs tra-jets ne se réduisent pas aux achats etaux visites chez lemédecin. De plus enplus impliqués dans la sphère socialepar leur engagement associatif, actifsauprès de leurs enfants et petits-enfants, avides de loisirs, les retraitésbougent beaucoup. La grande diffé-rence avec les actifs, c’est qu’ils ontdavantage le choix. Ils peuvent échap-per aux heures de pointe, éviter lespériodes rouges des grands départsen vacances, fractionner les longstrajets s’ils se déplacent en voiture,utiliser le train ou la voiture. En théo-rie dumoins. Car dans la pratique, leurmobilité sera bien souvent à l’imagede ce qu’elle était auparavant. Celuiou celle qui s’est toujours déplacé envoiture ne va pas se convertir du jourau lendemain aux transports publics,d’autant que sa voiture est toujourslà, et «qu’elle ne coûte que l’essencequ’on met dans le réservoir»! Et lesgénérations du baby-boom sont aussicelles de l’automobile. Selon l’Insee,en 2006, le taux de motorisation desplus de 65 ans dépassait 72% (82%

Mobilité quotidienne

4140

pour l’ensemble desménages), contre69% en 2000 et 61% en 1995! Chez lesretraités, la bimotorisation est passéede 16% en 2004 à 21% en 2007.Les opérateurs de transport

déploient beaucoup d’énergie et fontassaut de marketing pour séduire lesplus jeunes, lycéens et étudiants, avecl’argument suivant: un jeune habituéaux transports collectifs ne passerapas automatiquement à la voiture.Assertion vérifiée dans une minoritéde cas. Mais que dire de ces millions

de baby-boomers qui ont découvertla liberté et l’émancipation avec lavoiture? Que dire des périurbains quiont acquis leur pavillon dans lesannées 1980? Ou des jeunes retraitéspartis vivre au soleil de l’Hérault? Il estdéjà difficile de convaincre un citadinhabitué à sa voiture d’essayer letramway, alors quand en plus il n’y aque des bus, et qu’ils ne passent quetoutes les 40 minutes au mieux…Rien d’étonnant à ce que le choix

modal reste majoritairement la voi-

Le Cyclopousse fait son cheminLe Cyclopousse de Villeurbanne résulte de l’initiative d’une responsable de logement

foyer, qui a lancé ce service fin 2007 pour les résidents de son établissement, avec lesoutien de l’association Arefo (association de gestionnaires de logements foyers). Le ser-vice a ensuite été ouvert à deux autres logements foyers, avec l’aide de la municipalitéet du Conseil des aînés, puis étendu à toutes les personnes âgées de la commune. Troisvéhicules circulent sur trois lignes virtuelles. Les courses se font à la demande auprèsd’une centrale de réservation ou en hélant le véhicule dans la rue s’il est libre. Le tarif estde 1,70 euro pour les abonnés, 3,50 euros sinon. Le service Cyclopousse fait appel à despersonnels en insertion, via une convention avec l’association Solidarité service.

Après une bonne année de mise en route, le service a trouvé son public, comme entémoigne la fréquentation en hausse régulière (19 utilisations par jour à l’automne2009). L’achat de nouveaux véhicules dotésde suspensions plus performantes a permisde rendre les trajets plus confortables. Lefonctionnement s’équilibre grâce à des sub-ventions, dont celle de la mairie, et à lavente d’espace publicitaire sur les véhi-cules. Les chiffres sont conformes au budgetprévisionnel. Le service est prêt à poursui-vre son développement, puisque leCyclopousse vient d’être expérimenté surles quartiers de Part-Dieu/berges du Rhône,le plateau de La Croix-Rousse et de LaDuchère, à Lyon (4e, 3e et 9e arr).

éclairage

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ture, et le plus longtemps possible.Certains considèrent même l’aban-don de la conduite automobilecomme une véritable mort sociale,plus terrible que le passage enretraite. Que faire alors de ces trèsvieux qui s’entêtent à prendre levolant alors qu’ils ne parviennent plusà distinguer la signalisation routièreou qu’ils n’entendent plus grand-chose? Comment évaluer les capaci-tés d’une personne? Faut-il contrôleret, dans l’affirmative, qui doit s’encharger?Avec l’âge, la mobilité passe aussi

de plus en plus souvent par la marcheà pied. Excellent exercice, diront cer-tains. Mais faute d’adaptation desespaces publics, faire les courses,aller chez le médecin ou rendrevisite à un ami relève trop souventdu parcours du combattant pour unepersonne fragilisée, qui redoute lachute, l’agression, ou tout simple-ment d’être trop fatigué pour effec-tuer l’intégralité du trajet aller etretour. Conséquence : la personnesort le moins possible, sa santé et sonmoral s’en ressentent. Pourtant, dudéambulateur au réglage des feux tri-colores, des solutions existent.La mise en accessibilité des trans-

ports en commun et des lieux publics,conséquence de la loi du 11 février2005, contribue également à amélio-rer les choses. Mais, bien souvent,seuls les titulaires d’une carte d’inva-lidité à 80% peuvent bénéficier desservices dédiés. Quant aux aménage-ments réalisés dans les gares ou lesvéhicules, ils ne suffisent pas à effacer

tous les obstacles. Combien de lignesde bus, même équipées de véhiculesà plancher bas, sont-elles réellementaccessibles? Il suffit d’une voituremalgarée, d’un arrêt mal conçu pour quel’espace entre le trottoir et le busdevienne infranchissable…Deux ou trois personnes en fauteuil

peuvent-elles voyager dans un mêmebus? Comment font les malenten-dants en cas de situation perturbée,quand l’information est donnée parune annonce sonore? Et comment lesmalvoyants peuvent-ils trouver leurchemin dans certaines gares de cor-respondance, quand la taille et la cou-leur des caractères utilisés pour lespanneaux représente déjà une diffi-culté pour les autres?En dépit des adaptations et d’ef-

forts méritoires, l’accès des handica-pés aux transports reste bien souventexceptionnel, limité ou aléatoire. Deplus, les besoins de tous ceux qui sontsimplement gênés pour se déplacerou affectés d’incapacités légères nesont pas ou peu pris en compte. Sil’on compte 1,5 million de handica-pés en France, le nombre de per-sonnes qui ressentent une gêne pourse déplacer atteint 20 millions, selonle ministère de la Santé (DREES). On yretrouve un grand nombre de per-sonnes âgées, et même de jeunesseniors. Il suffit de changer de verrescorrecteurs pour se sentir moins sûrdans ses déplacements, avoir du malà évaluer les distances et les reliefs…A tel point que pour nombre de per-sonnes, la meilleure garantie de suc-cès d’un déplacement en transports

Mobilité quotidienne

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en commun reste encore l’accompa-gnement humain. Dans certains cas,le trajet peut s’effectuer avec unproche ou une personne de la famille.Quand c’est impossible, il y a la solu-tion du transport accompagné. Cetteprestation, qui relève des services à lapersonne, est assurée en général pardes associations, en partenariat avecdes caisses de retraite, des centressociaux, des services départemen-taux… Il ne s’agit pas d’un transportpour PMR, mais d’un service d’ac-compagnement sur toute la durée dudéplacement. Dans le cas d’une per-sonne qui désire aller faire sescourses, l’accompagnateur reste pré-sent dans lemagasin, aide à porter lesachats, et assiste la personne deretour à son domicile pour ranger sesemplettes. Ces déplacements peu-vent d’ailleurs s’effectuer en voiture,à pied ou en transports en commun.

Quelle que soit sa forme et sesmodalités, la mobilité reste essentiellepour les personnes âgées. C’est un fac-teur d’autonomie bien sûr, un lienessentiel avec l’extérieur qui permet demaintenir une bonne qualité de vie.

Que les personnes soient chez elles ouen établissement spécialisé, la possibi-lité de se déplacer fait partie de leursdroits. Même quand les mouvementsdeviennent moins aisés, sortir de chezsoi devrait rester un plaisir, une condi-tion nécessaire à l’autonomie. Acontrario, le confinement revient à l’ex-clusion et précipite la dépendance.Différentes institutions visent d’ail-

leurs à améliorer les choses, en favo-risant les initiatives innovantes et lepartage d’expériences. L’Organisationmondiale de la Santé (OMS) a ainsimis en œuvre le programme Villesamies des aînés, décliné en Francepar le protocole «Bien vieillir, vivreensemble» présenté cet été par leministère de la Santé; l’Union euro-péenne agit pour éviter les discrimi-nations liées à l’âge et promeut lesliens intergénérationnels ; le pro-gramme européen AENEAS mobiliseles villes pour améliorer l’offre deservices de mobilité à destinationdes seniors. La Fondation de France alancé au printemps 2009 un appel àprojet ciblé sur l’autonomie des per-sonnes âgées.

>>> Quelle que soit sa forme et ses modalités, la mobilitéreste essentielle pour les personnes âgées.Même quand les mouvements deviennent moinsaisés, sortir de chez soi devrait rester un plaisir,une condition nécessaire à l’autonomie.

Poitou-Charentes : de la loi Handicap à l’Agenda 22Le handicap figurait au nombre des priorités du deuxième mandat du président

Jacques Chirac. La loi de 2005, « pour l’égalité des droits et des chances, pour la partici-pation et pour la citoyenneté des personnes handicapées » traduira cet engagement. Sesrépercussions sont bien connues des collectivités locales : schémas d’accessibilité, acces-sibilité des ERP, des transports, commission accessibilité…

Même si elle ne résout pas tout, notamment en raison des difficultés liées au coût de miseen œuvre, la loi Handicap a permis de sensibiliser l’opinion et les élus. Certains sont d’ailleursallés plus loin, comme la Région Poitou-Charentes, qui a choisi de lancer un Agenda 22.

L’Agenda 22 découle des préconisations de l’ONU pour l’intégration des personneshandicapées au sein de la société. Cette convention a été adaptée en 2000, en Suède,avec la participation d’associations de handicapés, sous la forme de 22 principes (sensi-bilisation, soins, emploi, accessibilité, loisirs, religion…) visant à guider l’action des auto-rités locales. A partir des grandes règles énoncées dans le document générique, chaqueterritoire doit décliner ses propres objectifs, programmes et actions, en concertationavec les publics concernés.

La région Poitou-Charentes a initié sa propre démarche en 2006. L’Agenda 22 propre-ment dit a été adopté fin 2008. La concertation a pris la forme de trois forums « Handicapet territoires ». Au sein de la Région, la mise en place de l’Agenda 22 s’est traduite par lanomination d’un élu en charge du Handicap, Patrick Larible. A ce signal fort, correspondau niveau des services la mise en place d’un réseau de référents Handicap. L’objectif estd’intégrer le handicap dans les politiques thématiques, territoriales, ainsi que dans lefonctionnement de l’administration locale.

L’autre spécificité de l’Agenda 22 est son caractère transversal. Il ne faut pas chercherà traiter le handicap de manière thématique (culture d’un côté, transports de l’autre).Mais se demander quelle qualité de vie l’on veut offrir. Il ne sert à rien de réaliser la miseen accessibilité d’un centre culturel si le trajet qui y conduit est semé d’embûches !

L’Agenda 22 met en musique tous les aspects du vivre ensemble et recherche la qua-lité d’usage, il mobilise tous les acteurs du territoire. Cet aspect territorial de l’Agenda 22mobilise tous les partenaires, associatifs ou institutionnels. Il se décline à l’échelle duPays ou de la communauté de communes. Là encore, priorité est donnée à l’appro-priation. Rien n’est imposé, tout doit résulter de la concertation, du débat, de l’écoute.Le processus s’inscrit dans la durée afin de faire émerger une conception commune, quechacun s’accapare pour y apporter son concours. Mieux vaut cibler une action et réalisereffectivement des progrès plutôt que d’afficher une série de bonnes intentions qui ne setraduiront pas concrètement. Le travail mené sur le terrain a permis la rédaction defiches consacrées à la déclinaison territoriale de l’Agenda 22.

En cela, l’Agenda 22 va plus loin que la loi de 2005, qui a renforcé une série de dispositifsd’aide individuelle mais n’a pas inclus la logique territoriale et la transversalité.

éclairage

La proportion des déplacementsmotorisés atteint 80% aux Etat-Unispour les plus de 65 ans, selon l’OCDE.La part plus faible observée enEurope tient à la fois à la forme desvilles et à des effets de cohorte, lesgénérations les plus âgées ayant eumoins accès à l’automobile que lesjeunes. Sans rattraper forcément lesEtats-Unis, il est probable (et la ten-dance le confirme), que les per-sonnes âgées en Europe auront deplus en plus recours à l’automobile.En France, la part des titulaires dupermis de conduire âgés de plus de65 ans devrait ainsi atteindre plus de25% en 2030 contre 16% en 2000,soit une augmentation de 60%.

Conduire…encore et toujours

Le débat revient régulièrement dansles médias, relancé à chaque accidentprovoqué par un conducteur âgé :faut-il interdire aux vieux de prendrele volant?

La question paraît évidente :puisque l’attention, les capacités etles réflexes s’émoussent avec l’âge, ilconvient de soumettre les conduc-teurs âgés à des contrôles réguliers.Oui, mais… les choses ne sont pas sisimples. D’abord parce que, les chif-fres le montrent, les conducteursâgés sont davantage victimes quefacteurs de risque : d’après l’Officenational de la sécurité routière, en2006, les plus de 65 ans représen-taient 16% de la population mais19% des tués sur la route. La gravitédes accidents, pour ces classes d’âge(en nombre de tués pour 100 vic-times), est de deux à quatre fois plusimportante que la moyenne. Si leurresponsabilité dans les accidents estplus importante que pour lamoyenne des conducteurs, lesconséquences des accidents sontgénéralement plus lourdes pour eux.La moitié des personnes âgées acci-dentées le sont au volant d’une voi-ture, 30% sont des piétons.Pourtant, l’automobile reste perçue

Choix modaux

Le choix d’un mode de transport est largement conditionnépar la localisation du logement, le rythme des déplacementset les habitudes. Les retraités, de plus en plus (bi)motorisés,n’échappent pas à la règle commune : l’automobile est leurfavorite, d’autant plus qu’elle est synonyme d’autonomie.On estime aujourd’hui qu’en Europe, les personnes âgéeseffectuent environ la moitié de leurs déplacements en voiture,et 30 à 50% à pied.

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comme le moyen de transport leplus sécurisant par les personnesâgées… jusqu’à ce qu’elles en sor-tent et redeviennent piétons.Pour autant, il apparaît nécessaire

d’informer les aînés et leur famillesur les risques liés à la conduite. Eneffet, les incapacités progressentsignificativement avec l’âge : lechamp de vision rétrécit, l’acuitévisuelle se dégrade ainsi que l’audi-tion, les réflexes s’émoussent et letemps nécessaire au traitement desinformations s’allonge, d’où une

réaction plus tardive en cas d’ur-gence. Beaucoup refusent de prendreen compte cette réalité jusqu’à cequ’un accident les oblige à cesser deconduire (cause avancée dans 35%des cas, selon l’OCDE), ce qui estbien souvent vécu comme une mortsociale. «Certains hommes souhai-tent une mort quasi simultanée àl’arrêt de la conduite », écrit lasociologue Catherine Espinasse dansune étude sur le sujet. Il est pourtantpossible et souhaitable d’anticiper etde préparer cette étape, de manière

L’intérêt d’une consultation directeTargeting intervient sur toutes les problématiques liées aux déplacements. La société

a été sollicitée l’an dernier par le CCAS de Palaiseau (Essonne) au sujet de la mobilité despersonnes âgées. Il y a eu croisement des enjeux de désenclavement de quartiers, desanté, de rupture de l'isolement, de sécurité piétonne, d'activité physique quotidienne...Les applications concernent aussi les aménagements de voirie, la promotion de lamarche, les liens avec les commerçants. Une enquête postale a été adressée à 2 000seniors (+65 ans) sur un total de 4800. Le taux de réponses a atteint 40%. L'étude acouvert l'analyse des moyens de transport dans la ville, la géolocalisation des domicilesde seniors, les modes et motifs de déplacements, les attentes et suggestions.

Il en ressort que la pratique de la conduite est extrêmement importante. Ce qui signifiepar conséquent qu’il faut prévoir des sensibilisations à la sécurité routière, favoriser ladécision d'arrêter la conduite et accompagner le « deuil de la voiture ». Dans les actionsà développer, Marc de Jerphanion, fondateur de Targeting, cite encore la création denavettes pour désenclaver les quartiers, la promotion de la marche, le maintien du lienavec les commerçants, le monde médical et para médical, l’expérimentation de« courses'lib » (déambulateur extérieur à 4 roues + freins + siège et panier courses), ledéménagement vers le centre ville pour réduire l'isolement, l’implantation de bancs, lasécurisation des cheminements piétons...

Les enquêtés ont aussi insisté sur le manque de lisibilité du réseau (ou des réseaux) detransports : la signalétique et l’info voyageurs ne sont pas satisfaisantes ; le croisementdes opérateurs (SNCF, Optile) ne facilite pas la compréhension pour l’usager. L’enquête aégalement fait ressortir l’importance du maintien des commerces de proximité, indispen-sables pour lutter contre l’isolement des personnes âgées.

éclairage

à ce que la personne ou le ménageconcerné ne se retrouve pas «assi-gné à résidence» ou dépendant à100% du bon vouloir des enfants oudes proches.Mais la question reste délicate,

voire taboue. Les enfants hésitentbien souvent à aborder le sujet depeur de vexer leurs parents ; et lesmédecins, généralistes ou spécia-listes, ne souhaitent pas se voirconfier une éventuelle mission decontrôle et préfèrent s’en tenir à laprévention et à l’information,notamment dans le cas de traite-ment médicamenteux. Même dansle cas des maladies neuro-dégénéra-tives, les capacités à conduire nesont altérées qu’à partir d’un certainstade. Ainsi, les démences précocesou légères n’augmentent pas signifi-cativement le risque : il a été démon-tré que les personnes souffrant deces pathologies ne sont pas plus dan-gereuses au volant que les jeunesconducteurs ! La sécurité routièredes aînés est donc d’abord et avanttout une question de santépublique ; les conséquences d’unaccident étant généralement pluslourdes aux âges avancés.En France, aucune disposition n’est

prévue pour évaluer les capacités deconduite des seniors. En Espagne, ilest interdit aux plus de 65 ans de pas-ser leur permis de conduire. EnFinlande, il est retiré après 70 ans. EnAngleterre, les seniors doivent se sou-mettre à un contrôle tous les trois ans.Il faut souligner que ces dispositifs ontun coût, à mettre en balance du béné-

fice retiré par la collectivité du fait del’éviction des conducteurs inaptes.De plus en plus, la Prévention rou-

tière ou les automobiles clubs pro-posent aux conducteurs âgés desstages de remise à niveau, ou plussimplement des séances d’évalua-tion sous forme ludique, qui permet-tent de sensibiliser le public. D’aprèsles témoignages, dans la plupart descas, les conducteurs sont deman-deurs. Seule une minorité reste dansle déni.Les travaux menés par des cher-

cheurs (Predit) ont également mon-tré que, confrontés à des pertesd’aptitudes (vue, ouïe, difficulté àtourner la tête), les conducteursâgés mettent en place des straté-gies de compensation. Ainsi, certainsévitent les créneaux pour se garer,adaptent leur itinéraire, roulent depréférence en journée et choisissentles créneaux horaires moins chargéspour circuler.De leur côté, les constructeurs

automobiles multiplient les équipe-ments d’assistance à la conduite, deconfort et de sécurité, qui restenttoutefois onéreux. Toyota, par exem-ple, propose une version de sa Yariséquipée pour les handicapés ou lespersonnes âgées. L'entreprise japo-naise développe même, au sein de safiliale Toyota Home, des conceptsd'aménagement de maison : un sys-tème d'ascenseur permet de passerde sa voiture à son logement sanssortir de son fauteuil roulant.Mais cette stratégie ne s’affiche

pas. Pour les constructeurs automo-

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bile, la mise sur le marché demodèles estampillés « seniors défi-cients» ne doit pas venir brouillerl’image performante du produit. Leséquipements sont toujours présen-tés sous l’aspect du confort et de lasécurité, préférés à la notion d’assis-tance. Du côté des acheteurs, c’est lemême raisonnement : la plupart pré-fèrent acheter la voiture de JamesBond plutôt que celle de JeanneCalment (qu’on n’a jamais vuconduire, d’ailleurs) !

La marche, au quotidien

La marche est le seul mode de dépla-cement à peu près constant au coursde la vie, en distance parcourue(près de 1 km par jour en moyenne).

Selon l’enquête ménages déplace-ments effectuée dans le Grand Lyonen 2006, elle représentait 40% desdéplacements pour les plus de 65ans. Mais plus qu’un mode, lamarche reste LE déplacement natu-rel par excellence, tant que la motri-cité n’est pas altérée. C’est à piedque l’on rejoint sa voiture ou quel’on se rend à l’arrêt d’autobus. Ledéplacement piéton constitue doncun élément primordial de la mobi-lité. Si la part des déplacements pié-tons augmente avec l’âge, le risqued’accident suit la même tendance,avant de se réduire aux alentours de85 ans, tout simplement parce que lamobilité elle-même régresse. En2006, les plus de 65 ans représen-taient plus de la moitié des 535 pié-

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tons tués sur la route en France(ONISR), une proportion qui monte à63% en zone urbaine. Parmi ces vic-times, 140 avaient plus de 80 ans.Outre les déficits d’attention,

divers facteurs expliquent la sur-représentation des +65 ans parmi lespiétons accidentés : difficultés à mar-cher, étroitesse ou encombrementdes trottoirs, mobilier urbain peuadapté, trottoirs trop hauts, vitessedes véhicules, non-respect du codede la route par les automobilistes,délai trop court dévolu aux piétonsaux carrefours à feux. L’altérationdes perceptions et l’allongement dutemps de réaction rendent les pié-tons âgés d’autant plus vulnérables.Le développement des autres

modes doux n’est pas toujours syno-nyme d’apaisement, bien aucontraire. La multiplication despistes cyclables – parfois à contre-sens – ou l’apparition de zones derencontres bousculent les repères

des plus âgés et augmentent leursentiment d’insécurité. Toutefois,les nouveaux moyens de déplace-ments n’ont pas que des inconvé-nients. Le vélo, particulièrementdans sa version électrique, peutconstituer un moyen de déplace-ment attractif pour les seniorsencore en forme. Autre « innova-tion », le rollateur. Cette formemodernisée du déambulateur a étéremise au goût du jour en Suède eten Suisse. Il permet à des personnesfragilisées et en perte d’autonomiede continuer à sortir par leurs propresmoyens. Equipés d’un panier, il peutêtre utilisé pour faire des courses deproximité. Dans notre pays, cetappareil garde une image très néga-tive, mais les choses peuvent évoluer(on a bien vu revenir dans nos villesles charriots à commissions !).Ces développements ne peuvent

intervenir sans un traitement adaptéde l’espace public (voir page 64).

Palaiseau adopte le rollateurLa mairie de Palaiseau (Essonne) a déclaré 2009 année du piéton. Le Centre communal

d’action social (CCAS) a commandé 20 rollateurs, après un test effectué en maison deretraite. «Ces appareils permettent de rassurer et de stabiliser la personne. Nous avonseu le cas d’une dame de 92 ans qui ne se déplaçait plus, et s’est remise à marcher avecl’aide du rollateur», témoigne Lisette Le Texier, directrice du CCAS. La mairie a entreprisdes actions de sensibilisation sur le respect des places de stationnement réservées auxhandicapés, ainsi que sur le respect des trottoirs. Les 20 rollateurs devraient être mis à ladisposition des personnes âgées sous forme de prêt ponctuel, afin de leur permettre dese familiariser avec ces appareils. Ensuite, le CAS pourra, au cas par cas, aider les per-sonnes nécessiteuses à s’en équiper. Toutefois, favoriser la mobilité des personnes fragi-lisées passe aussi par un travail sur l’espace public (éclairage, qualité des revêtements,cheminements…) qui nécessite des moyens humains et financiers.

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Le déambulateur peut apporter une sécurité appréciable... à condition que l’espace publicsoit aménagé.

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aurait effectué en voiture. Savoirensuite où se trouve l’arrêt le plusproche du point de départ, et d’arri-vée, les repérer sur le plan mais aussidans la rue, sans se tromper de sens.Connaître les horaires de passage dubus, le rythme et les amplitudes decirculation. Une fois dans le véhicule,ne pas laisser passer son arrêt. Voilàautant d’obstacles (et la liste n’estpas exhaustive) à franchir, et qui nese dressent pas sur le trajet d’unautomobiliste, qui part quand ça l’ar-range, circule assis confortablement,

qui peut régler la température del’habitacle, baisser la vitre s’il le sou-haite, voyager en musique ou non.

Avant de prendre le bus, il peutdonc être nécessaire d’apprendre àutiliser les transports publics, ce quisignifie non seulement se déplacer ensécurité dans l’autobus, mais aussisécuriser son trajet, à l’aller commeau retour! Facile à dire, moins facile àfaire, et encore plus délicat à propo-ser sans paraître prendre les genspour des assistés… La ville deSalzbourg, en Autriche, propose

Transports publics :changer de logiciel

Longtemps considérés comme desclients captifs et peu valorisés, carbénéficiaires de tarifs sociaux, lesseniors échappent de plus en plus auxstéréotypes, dans le marketingcomme ailleurs. Habitué(e)s auconfort de leur voiture, ils (elles) ontaujourd’hui la possibilité et lesmoyens financiers de se passer dubus. Les citadins prennent plus volon-tiers les transports collectifs quand ils’agit dumétro,mais surtout du tram-way, tellement plus accessible etconfortable, quand il n’est pas bondé.Les nouveaux seniors ont connul’âge d’or de l’automobile et de lapériurbanisation. Ils sont plus indivi-dualistes que leurs parents. Cescaractéristiques, associées à l’aug-mentation de la bimotorisation,pèsent de plus en plus sur les habi-tudes de déplacements, comme lemontre la dernière enquête nationaletransports et déplacements del’Insee. En Ile-de-France, la RATP avaitdéjà constaté une baisse de 10% de lafréquentation des seniors sur seslignes, entre 2001 et 2007; mêmechose à la SNCF (grandes lignes).Comment expliquer ce phéno-

mène ? Evolution des comporte-ments, concurrence de l’automobile,retour de la marche à pied, senti-ment d’insécurité, ras-le-bol des buset tramways toujours pleins… leshypothèses ne manquent pas.

Cette tendance est-elle inéluc-table ? Peut-on attirer une partie de

ces seniors vers les transports encommun ?Opérateurs de transports et auto-

rités organisatrices mobilisent beau-coup d’énergie, de créativité (etd’argent) pour attirer les jeunes, étu-diants et lycéens, vers les transportspublics. Pourquoi pas ? Mais lesseniors semblent négligés, encoreconsidérés comme une clientèle cap-tive et routinière : la mamie quiprend le bus pour aller au cimetièreou chez le médecin… Or, cettemamie préfère de loin prendre savoiture pour aller à son cours de gymou au cinéma avec ses copines pen-dant que son époux, au volant del’autre véhicule du couple, s’estrendu au magasin de bricolage.Qu’est-ce qui pourrait bien les

pousser vers les transports publics ?Leur donner l’envie, ou du moins lacuriosité d’essayer ? La nécessaireanticipation des difficultés àconduire, évoquée plus haut. Ou lefort probable renchérissement duprix des carburants (du fait du mar-ché ou d’une hausse des taxes), ouencore le souci de modifier son com-portement pour préserver l’environ-nement. Dans ce cas, quand le trans-port en commun est une solutionvalable, encore faut-il que l’adapta-tion soit aisée… Pour un novice,prendre le bus peut rapidements’apparenter à une mission de sur-vie. Il faut d’abord se munir d’untitre de transport, et si possiblel’acheter au meilleur tarif. Choisir lemeilleur itinéraire, qui n’est pas for-cément calqué sur le trajet que l’on

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Les clients des transports collectifs ne sont pastous des habituésEntretien avec Jean Sivardière, président de la Fnaut

Les gens sont habitués à utiliser leur voiture et ne se préparent pas du tout à l’idée dedevoir y renoncer un jour. Le recours aux transports publics, quand il est possible, pourraitles aider à moins dépendre de leur automobile. Mais les opérateurs de transports ne semettent pas du tout à la place des personnes âgées. Quand on vieillit, on marche moinsbien, on voit moins bien… Plus on vieillit, plus on a besoin d’être rassuré, et chaque situa-tion anxiogène peut décourager la personne de sortir de chez elle. Pour bien faire, toutdevrait être dimensionné pour l’usager le moins capable.

La loi Handicap a permis un certain nombre d’améliorations mais beaucoup reste àfaire, notamment au niveau de l’information, de la signalétique et du traitement descorrespondances. Tout est réalisé comme si les clients des transports collectifs étaientuniquement des habitués, qui connaissent leur trajet par cœur de bout en bout. Lestableaux d’affichage des horaires, que ce soit dans les gares SNCF ou les transportsurbains, sont de plus en plus difficiles à repérer et à lire. D’autre part, l’utilisation desnouvelles technologies, Internet en particulier, présente un aspect discriminatoirelorsque certaines offres commerciales ne sont disponibles qu’en ligne. Enfin, la générali-sation des automates de vente fait que les voyageurs sont contraints de patienter debout,le plus souvent sans aucune possibilité de s’assoir ou de se reposer sans perdre son tour.Et tant pis pour celui qui ne sait pas s’en servir ; il ne peut compter dans le meilleur descas que sur l’aide des autres voyageurs, à moins que ceux-ci ne manifestent carrémentleur exaspération vis-à-vis d’un inadapté qui leur fait perdre du temps…

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depuis plusieurs années ce type d’en-traînement aux personnes âgées. Desséances dont l’objectif premier est derassurer. Car ce qui dissuade de sortirou de prendre les transports publics,c’est le sentiment d’insécurité. Lapeur d’être agressé, l’angoisse de nepas avoir le temps de sortir du bus,d’être coincé par la porte automa-tique, de perdre l’équilibre du faitd’un coup de frein, de se trouverserré ou bousculé dans la foule… Onapprend donc en groupe à préparerson itinéraire, et à effectuer un trajeten autobus. Parallèlement, lesconducteurs sont sensibilisés auxbesoins des clients âgés, pour lesquelsils sont notamment priés d’adapterleur conduite (ce qui profite d’ailleursà tous les passagers).

Rien d’étonnant à ce que la villenatale de Mozart participe au pro-gramme européen AENEAS, qui viseà améliorer le quotidien du voya-geur senior multimodal. Une sériede travaux et conférences se dérou-lent durant les années 2009 et 2010,et cinq ateliers de formation sontorganisés dans les villes partenaires(Cracovie, Odense, Munich, SanSebastian et Salzbourg).Outre la formation des voyageurs,

le programme AENEAS préconise unaccompagnement humain renforcédans les stations de correspondance,des actions de promotion de l’usagedu vélo, mais aussi et surtout la valo-risation d’une offre réellement mul-timodale, incluant des services d’au-topartage par exemple.

Information et outilsmultimédia

L’accès aux transports en communsera facilité par une informationvoyageurs complète et de qualité.Avant les outils, c’est la conceptionmême du service qui doit correspon-dre aux attentes d’un public habituéaux services. Les centrales de mobi-lité constituent la référence en lamatière: guichet unique, informationmultimodale et multi-opérateurs,large échelle territoriale… Le dévelop-pement des nouvelles technologiesde l’information et de la communica-tion (TIC) ont largement contribué àaméliorer les performances de cesservices, notamment via les calcula-teurs d’itinéraire disponibles en ligne.On entend beaucoup parler de la

fracture informatique et des difficultésd’appropriation des TIC par les seniors.Ce constat ne concerne qu’une partiedes aînés (les plus âgés et les techno-phobes). Les autres, au contraire, sontde plus en plus enthousiastes à l’égarddes smartphones et autres PC porta-bles. En 2004, selon l’Insee, 44% desretraités étaient équipés d’un télé-phone mobile, 15,7% possédaient unordinateur et 10% bénéficiaient d’uneconnexion Internet. Ces proportionsétaient passées en 2007 à 55%, 27,6%et 21%. La proportion de ménageséquipés varie du simple au doubleentre les tranches d’âge 60-69 ans etles plus de 70 ans. C’est bien lamarqued’un effet générationnel, qui va s’es-tomper progressivement. Il y a fort àparier que les quinquagénaires d’au-

jourd’hui ne seront pas particulière-ment rebutés par le multimédia dedemain (que l’on nous annonce deplus en plus intuitif et nomade). Lagénéralisation de l’e-paiement, l’utili-sation du téléphone mobile commetitre de transport ne constituent pasen eux-mêmes des obstacles à la fré-quentation des transports publics,étant donné l’évolution de l’équipe-ment dans la population française. Cesévolutions posent tout de même laquestion de l’inégalité dans l’accès,qui relève davantage de facteurssocio-culturels. La question a d’ailleursdéjà été posée au sujet de la vente enligne des billets de train (et de cer-taines offres promotionnelles disponi-bles exclusivement sur Internet). Ellese pose également vis-à-vis de la géné-ralisation des automates de vente, quine sont jamais aussi «conviviaux»qu’on veut bien nous le dire et deman-dent un véritable savoir-faire à l’utili-sateur. Ces usages ne sont d’ailleurspas spécifiques au transport et reflè-tent une tendance générale de notresociété moderne. Dans le cas de ser-vices publics, il est toutefois primordiald’en garantir l’accès, ce qui n’est passeulement une question de taille d’af-fichage... La chose est possible, àcondition que l’accompagnementhumain soit suffisant, quantitativementet qualitativement.

Politique commerciale:le tarif, mais pas seulement…

Gratuité parfois, tarif réduit presquetoujours, les seniors ont tout intérêt à

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Les baby-boomers seraient même par-ticulièrement actifs sur Facebook.Disponibilité de l’information, réacti-vité, facilité, rapidité sont aujourd’huila norme. Ces nouveaux mots d’ordrede la sphère commerciale empiètent

peu à peudans le domaine des servicespublics. Il suffit pour s’en convaincre desurfer sur les sites de collectivitéslocales, où l’on peut constater les pro-grès réalisés dans le domaine de l’ad-ministration électronique.

Marketing et communication

Habitués au discours commercial et rompus à la société deservices, les seniors (particulièrement les « jeunes retraités »)ne se satisfont plus des offres standard. La société modernea profondément individualisé les comportements, le dévelop-pement d’outils comme Internet a fortement segmenté lacommunication commerciale.

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prendre les transports publics. Cettecarotte tarifaire suffit-elle à les attirerdans les bus ou les autocars? En outre,ce traitement de faveur est-il réelle-ment justifié? La réponse à ces deuxquestions pourrait bien être «non».On sait en tout cas que l’argument prixn’emporte pas le morceau pour desutilisateurs occasionnels, ou du moinsce critère est-il associé à d’autres,comme le côté pratique, le confort, lafiabilité, et surtout le temps de trajet(face à la voiture).Certains pensent que les personnes

âgées qui utilisent les transports encommun n’ont pas les moyensd’avoir une voiture. Or, la gentrifica-tion des centres-villes démontre lecontraire, même si elle ne gommepas les inégalités sociales. Ce n’estpas parce qu’une personne de plusde 60 ans réside en centre-villequ’elle manque de moyens, en toutcas ce n’est plus aussi vrai qu’aupara-vant. La tarification sociale appliquéeen fonction de l’âge n’a, en fait, plusaucune légitimité économique.

Certaines initiatives, qui allient unprix attractif à une facilité d’utilisation,paraissentmieux àmêmede séduire laclientèle. Sur l’agglomération deBelfort-Montbéliard, un système depost-facturation a été mis en place enmême temps que la refonte du réseaude transports, Optymo. Les usagerspaient donc ce qu’ils ont effectivementconsommé, et de façon dégressive enfonction de l’utilisation des transportscollectifs. Le système ne pénalise pasles gros consommateurs, puisque lemontant des factures mensuelles estplafonné. Chaque mois, les facturestransport sont encaissées par prélève-ment automatique. Il existe bien sûr lapossibilité de voyager avec une cartepré-payée. Et le dispositif s’apprête àmigrer sur les téléphones mobiles. Lesexemples similaires ne manquent pas,mais la plupart du temps c’est ladimension technologique qui est miseen avant. Dans tous les cas, les nou-velles technologies ne sont qu’un outil(d’information, de paiement…), pasune fin en soi.

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Si elle contribue à améliorer leschoses, la loi de 2005 ne sera pas enmesure de lever tous les obstacles.La mise en accessibilité des trans-ports et des bâtiments publics estévidemment un progrès. Mais elle setraduit souvent par une réponsecatégorielle (dispositif audio au pas-sage pour piétons, par exemple),sans tenir compte de la qualitéd’usage (annonce inaudible en rai-son du trafic automobile). Autreexemple : augmenter la durée depassage pour les piétons aux feuxn’est pas très efficace sans affichage(compte à rebours total, sur les 20ou 10 dernières secondes). Alors quel’approche classique consiste à équi-per l’espace public de prothèsesarchitecturales, une autre méthodeconsiste à traiter ses qualités sensi-bles : nature et diversité des revête-ments, éclairage urbain...

Cette prise en compte des besoinsdes plus âgés passe par l’adoptiond’un autre regard sur la ville.Aujourd’hui, l’espace urbain estconsidéré comme le domaine des

jeunes actifs, ce qui se reflètenotamment dans l’affichage publici-taire (les annonceurs réservent auxcentres-villes leurs campagnes CSP+25-45 ans). Dans une société où plusde 80% des gens habitent la ville, etqui compte 30% de plus de 60 ans,on se dit que quelque chose ne va

Espace public : une course d’obstacles

Autre condition nécessaire au déplacement piéton, l’espacepublic reste pourtant largement inhospitalier. Pour y remédier,les solutions sont connues : trottoirs larges, planes et dégagés,revêtements antidérapants, bateaux de trottoir, réglage desfeux tricolores de manière à laisser aux personnes âgéesle temps de traverser, éclairage urbain, signalisation visibleet lisible, présence de bancs adaptés aux personnes âgées…

Aux carrefous à feux, les passages pourpiétons sont équipés de compteurs auCanada... et même en Chine !

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>>> Avant de prendre le bus, il peut donc être nécessaired’apprendre à utiliser les transports publics, ce quisignifie non seulement se déplacer en sécurité dansl’autobus, mais aussi sécuriser son trajet, à l’allercomme au retour! Facile à dire, moins facile à faire,et encore plus délicat à proposer sans paraîtreprendre les gens pour des assistés…

pas... Selon la logique commerciale,ces fameux CSP+ âgés de 25 à 45 ansseraient aussi plus sensibles à la pub,car plus prompts à sortir leur cartede crédit et pas encore saturés d’ob-jets, de vêtements et d’équipementsen tout genre. Voire…Les initiatives visant àmieux prendre

en compte les piétons âgés existenttoutefois. Elles s’appuient par exem-ple sur les recommandations du pro-tocole «Villes amies des aînés», établipar l’OMS. Des principes que les villesde Lille, Lyon ou Nice ont été les pre-mières à reprendre. En France, le

ministère de la Santé vient de mettreà la disposition des villes une métho-dologie d’audit urbain qui s’en inspiredirectement. Le but de la démarcheétant la mise en place d’un label«Bien vieillir - Vivre ensemble». EnSuisse, l’association Transports etenvironnement a réalisé un ensemblede fiches méthodologiques à partir du«diagnostic sécurité aînés» menédans un quartier de Genève.Ce qui est certain, c’est que la ville

n’est pas uniquement le lieu dumarché. La ville, c’est aussi etd’abord la cité, lieu de rencontre des

Trouville : un diagnostic originalLa ville de Trouville (5 000 habitants) compte d’ores et déjà plus d’un tiers de plus de

60 ans. Autre particularité, le pourcentage élevé de résidences secondaires : 60%. La villefait partie de la communauté de communes de la Côte fleurie (ville centre : Deauville), quitotalise 20 000 habitants mais en attire jusqu’à 130 000 en pleine saison touristique.

La ville de Trouville vient d’engager un diagnostic accessibilité original, en partena-riat avec l’université de Lille et Franck Bodin, maître de conférence et administrateurde l’Onada (observatoire national de l’aménagement durable accessible). La démarches’appuie également sur les conseils d’une association de malvoyants, et des agentshandicapés de la mairie de Trouville. Le travail d’état des lieux, qui a commencé enavril 2009, se déroulera sur une année. La mission fait appel à des étudiants de MasterII spécialisés en urbanisme. Ils sont deux actuellement, occupés à répertorier l’espacepublic et les bâtiments, à l’aide d’un référentiel mis au point par l’équipe de FranckBodin. Le but est de réaliser une cartographie enrichie et dynamique (SIG), qui seraensuite transmise aux services municipaux. Une fois formés à l’utilisation de l’outilinformatique, les services techniques de la ville seront à même d’actualiser ces don-nées cartographiques.

A l’issue de l’état des lieux, une commission sera formée afin d’examiner les préconi-sations, de définir les solutions à mettre en œuvre et le calendrier des actions.

Cette solution, outre son intérêt du point de vue de la méthode, présente pour la villeun avantage considérable : elle revient environ 8 fois moins cher qu’une prestation équi-valente réalisée par un bureau d’études.

éclairage

citoyens. Et quand un tiers de ceux-ciont plus de 60 ans, il convient de lesécouter, d’autant plus qu’ils exer-cent volontiers leur droit de vote etdisposent du temps et des compé-tences nécessaires pour s’impliquerdans la vie locale. A l’instar de ce quiexiste depuis longtemps ailleurs en

Europe ou au Québec, de plus enplus de villes françaises se dotentd’ailleurs d’un Conseil des aînés(Villeurbanne, Besançon, Fontai-nebleau…), instance consultative quipeut intervenir sur des sujets aussivariés que le logement, la santé, laculture, les transports.

Des sièges et bancs adaptés aux aînés, à Barcelone

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>>> La ville n’est pas uniquement le lieu du marché. Laville, c’est aussi et d’abord la cité, lieu de rencontredes citoyens. Et quand un tiers de ceux-ci ont plusde 60 ans, il convient de les écouter, d’autantplus qu’ils exercent volontiers leur droit de vote etdisposent du temps et des compétences nécessairespour s’impliquer dans la vie locale.

Mobilité quotidienne

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De l’offrede transportau service de

mobilité

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Politiques locales : entre dépendance, lobbyet inclusion sociale

Une équipe de chercheurs de l’université de Toulouse- Le Mirail a mené une étudecomparative des politiques locales à destination des personnes âgées, intitulée « Droit decité des personnes âgées et aménagement de l’espace public en ville ». Les chercheurs sesont penchés sur trois ville européennes : Hanovre, Saragosse et Toulouse. Il en ressortnotamment qu’en France, les villes semblent désinvesties de leurs responsabilités àl’égard des personnes âgées. En cause, une prise en charge basée sur la dépendance, viala gestion de l’APA, et éloignée du niveau local puisque confiée aux départements.

L’Allemagne a été confrontée au vieillissement démographique bien avant la France,du fait d’une natalité beaucoup plus faible et d’un baby-boom beaucoup moins impor-tant. La vitalité du secteur associatif a contribué à la constitution de Conseils des aînésdans de nombreuses villes.

Après avoir amélioré les conditions d’accueil en établissements spécialisés, la ville deHanovre a mis en place, à partir de 2003, un programme destiné à adapter les espacespublics, les transports et les logements aux personnes en perte d’autonomie.Organismes, paritaires, bailleurs et sociétés de transports ont été associés au projet ausein d’une commission baptisée « Vivre à l’âge de la vieillesse », en lien avec le Conseildes seniors. La ville s’est également dotée d’un service des Seniors qui interagit forte-ment avec les autres branches de l’administration locale (urbanisme, transports, actionculturelle…) Ces dispositifs ont été engagés dans le sillage des mesures prises en faveurdes handicapés. Outre les adaptations prévues par la loi, la municipalité souhaitaitprendre en compte les besoins des habitants à l’échelle des quartiers. En 2007, un ques-tionnaire rédigé en allemand et en turc a ainsi été envoyé à 18 000 personnes de plus de60 ans pour connaître leurs attentes et leurs critiques. Une démarche relativement effi-cace, mais marquée par un effet pervers : la formation d’un « lobby des vieux ».

En Espagne, la cellule familiale reste bien ancrée. La place traditionnelle de la femmedans la société s’y est maintenue plus longtemps qu’ailleurs, mais les choses sont en trainde changer, grâce notamment à des mesures visant à favoriser l’égalité des chances dansle monde du travail. D’autre part, la gériatrie hospitalière y est peu développée, l’inclu-sion sociale des personnes âgées plus forte qu’en France ou en Allemagne. Le mode vielocal privilégie l’espace public comme lieu de rencontre et l’accessibilité a été améliorée.A Saragosse, la politique en faveur des personnes âgées repose sur des antennes dequartier, lieux de convivialité et d’échanges. Enfin, l’Aragon a mis en place, en parte-nariat avec l’Université de Saragosse, une université de l’expérience destinée à valoriserles savoirs des aînés. En conclusion, selon les chercheurs, la société espagnole préserveune image positive des vieux, à l’opposé du « jeunisme » français ou allemand.

éclairage

Pour les personnes âgées qui nepeuvent plus conduire ou n’ont pas

accès à l’automobile, les déplace-ments deviennent synonymes decontraintes plutôt que de liberté.Même celles qui ont accès à un réseaude transports en commun ne l’utilisentpas forcément, pour les raisons énon-cées plus haut. Restent alors, selon lesbesoins et le contexte, les transports àla demande, les services dédiés auxpersonnes à mobilité réduite, lestaxis… L’offre disponible dépend à lafois du lieu d’habitation de la per-sonne, de son âge, de son état desanté, de ses moyens financiers et dutype d’assurances (complémentaireretraite, par exemple) dont elle bénéfi-cie. Elle dépend encore des moyensdont disposent la ou les collectivitéslocales qui mettent en œuvre ces ser-vices. Mais si l’on en croit les témoi-gnages, le cas général est plutôt l’iso-lement, particulièrement dans leszones rurales ou peu denses.Une partie de la solution réside

dans le développement d’Internet,qui permet de faire ses courses

depuis chez soi, ou d’effectuer cer-taines démarches administratives.C’est la ville à domicile. Même enmatière de santé, le télédiagnosticsera paraît-il bientôt possible. Maisbien peu de gens souhaitent se trou-ver un jour entourés (et même équi-pés!) de capteurs et de terminaux àreconnaissance vocale… D’autrescomptent sur l’évolution des usages,notamment celui de la voiture, de lalocation de courte durée et del’échange de services. Dans son livre,«Mobilités urbaines, l’âge des possi-bles», Jean-Pierre Orfeuil imagine unsystème de «papymobile », danslequel de jeunes retraités assure-raient un service de transport à lademande pour le compte d’une col-lectivité… Un projet similaire élaborépar Renault en 2002 s’était heurté àdes impasses réglementaires.En dernier recours, les personnes

âgées s’en remettent au bon vouloirde leurs proches, enfants ou voisins.Une solution vécue pourtant commeun aveu de perte d’autonomie, dou-blé du sentiment d’être une charge.

>>> L’offre disponible dépend à la fois du lieu d’habitationde la personne, de son âge, de son état de santé,de ses moyens financiers et du type d’assurancesdont elle bénéficie.

Garder une vie normale

L’Union nationale de l’aide, des soins etdes services aux domiciles (UNA)regroupe 1200 structures associativeset CCAS. Entretien avec FrançoiseBrunel, chef de projet Marketing.Les personnes âgées constituent

aujourd’hui le cœur de cible du sec-teur de l’aide à domicile, avec leshandicapés. Depuis quelques années,on sent l’émergence de nouveauxbesoins, pas seulement liés au main-tien à domicile. De plus en plus destructures proposent aujourd’hui unservice de déplacement accompa-gné, caractérisé par la présence d’unprofessionnel qui ne se contente pasde conduire la personne mais l’as-siste dans son déplacement. S’il s’agitd’aller faire des courses ou de se ren-dre au marché, l’aide se poursuivradurant les achats et comprendra éga-lement le déballage et le rangement,de retour au domicile. Les personnes

âgées fragilisées y sont très sensibles,et cette assistance ne peut être effec-tuée que par des professionnels. Cetype de prestation se distingue d’unecourse en taxi, ou d’un trajet effectuéen transport public. Le volet accom-pagnement est primordial, car il per-met à la personne de garder une vie« normale », de ne pas se sentirconsignée à son domicile. Ce type deprestation, très apprécié des per-sonnes âgées mais aussi des handica-pés, est sollicité en appoint d’autresservices d’aide, pris en charge par lacollectivité via l’APA ou l’allocationhandicap. Dans le volume horaired’aide dont une personne dispose,elle peut procéder à certains arbi-trages, et c’est dans ce cadre qu’ellechoisit le déplacement accompagné.Cette solution soulage également lespersonnes qui ne se sentent plus trèsà l’aise au volant, mais qui n’ont pasd’autre choix pour se déplacer,notamment dans les zones rurales.

Le transport accompagné

C’est sans doute ce qui explique le développement des transportsaccompagnés. Cette prestation, qui entre dans le champdes services à la personne, est effectuée dans la plupart descas par des associations en partenariat avec des sociétésd’assurances ou des collectivités locales. Elle offre l’immenseavantage de la présence humaine durant la totalité dudéplacement : rendez-vous chez le médecin, achats, loisirs,promenade… Les possibilités sont multiples, à conditiond’en avoir les moyens.

De l’offre de transport au service de mobilité

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Toutefois, les structures associa-tives qui proposent du service à lapersonne manquent de moyens pours’équiper de véhicules adaptés auxtransports des personnes à mobilitéréduite, ce qui est nécessaire mêmesi les handicapés ne constituent pas100% de leur clientèle. Et même dansle cadre d’un partenariat avec unecommune, les moyens ne sont pastoujours suffisants.Une autre préoccupation du sec-

teur de l’aide à domicile est liée auxdéplacements des professionnels. Cesont des métiers très exigeants enterme d’horaires et de flexibilité, maispeu valorisés et mal rémunérés, d’au-tant plus que le temps partiel est larègle dans ce secteur qui emploie desfemmes à 90%. Surtout, la mobilitéest indispensable, et l’absence de voi-ture personnelle constitue l’un desobstacles les plus fréquents au recru-tement. A l’avenir, il risque de devenir

plus difficile d’attirer vers ces métiers,si le prix des carburants repart à lahausse, car les indemnités kilomé-triques versées aux salariés ne com-pensent que partiellement leurs frais.

Cet accompagnement humainapparaît de plus en plus nécessairedans toute la partie service de l’acti-vité de transport, a fortiori quand ils’agit «d’aller chercher le client». Etmême les plus gros opérateurs ne s’ytrompent pas. La RATP envisageainsi de mettre en place un accom-pagnement dédié dans certainesstations de métro, afin de sécuriserles correspondances. Un agent effec-tuerait le parcours en boucle, selonle principe d’un pédibus souterrain.Le transporteur francilien souhaiteégalement organiser des sessions deformation aux transports en com-mun destinées aux seniors, en adap-tant un module qui existe déjà pourles publics en insertion. L’Union

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De l’offre de transport au service de mobilité

Une logique de partenariatL’association Les Compagnons du voyage a été créée en 1993 avec l’objectif d’apporter

un service d’accompagnement aux personnes souffrant de handicaps physiques ou sociaux.Il s’agissait avant tout de soulager les familles en prenant en charge les déplacements heb-domadaires ou quotidiens d’un jeune, placé en institution spécialisée ou en foyer.L’association, qui bénéficie du partenariat de la SNCF et de la RATP, compte aujourd’huiune centaine d’accompagnateurs. La clientèle âgée a toujours été présente, mais de façontrès minoritaire. Or, l’évolution de la demande fait qu’aujourd’hui, les Compagnons duvoyage ont choisi de développer ce segment. «Il a fallu pour cela mettre au point unegamme tarifaire spécifique», souligne Chantal Couprie, déléguée générale de l’association.

Le service proposé met l’accent sur l’écoute et la qualité de l’accompagnement humain,ce qui permet une très grande souplesse. Le trajet ou le mode de transport peuvent êtreadaptés à la demande de la personne, en fonction de son état de santé par exemple. Ainsi,

une dame de 86 ans qui souffre de pertes d’équilibre a le choix entre le bus, la marche àpied, ou encore le taxi pour se rendre à sa séance de kiné… avec son accompagnateur.

Les accompagnements de personnes âgées s’effectuent plutôt en creux de journée,alors que les handicapés demandent des créneaux « scolaires ». Cela permet de complé-ter le volume horaire des accompagnateurs.

Age d’Or services a été lancé en 1991 sur le créneau spécifique de l’accompagnementaux personnes âgées et handicapées. C’est une filiale de la CNP. La société a ensuitedéveloppé une gamme plus large de services à domicile. Age d’Or est présent dans toutesles régions françaises, sauf la Corse. Aujourd’hui encore, l’accompagnement représenteun peu plus de 40% de l’activité d’Age d’Or et la demande reste conséquente. La régle-mentation impose aux sociétés de services à la personne de ne pas réaliser plus de 50%de leur chiffre d’affaires dans l’accompagnement. Cette activité a été définie par la loi etse distingue nettement du transport par taxi.

Age d’Or services a développé des partenariats avec Air France, ADP ou la SNCF(Senior+ puis Facilio). Les agents d’Age d’Or services accompagnent ainsi 3 à 4000 per-sonnes par an pour prendre leur train (essentiellement des +75 ans bien que le servicesoit ouvert aux +60 ans). Cette prestation ouvre droit à une déduction fiscale, et ne coûtefinalement pas plus cher qu’un trajet en taxi.

Les professionnels recrutés par Age d’Or services sont en majorité des +50 ans (beau-coup de retraités de l’armée de terre). Les effectifs se féminisent peu à peu mais audépart, les recrutements étaient masculins à 90%, ce qui est une exception dans le sec-teur des services à la personne.

éclairage

La qualité de l’écoute et de l’accompagnement humain sont à la base du service.

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nationale de l’aide. Si le prix payépar l’usager, en tenant compte de laréduction d’impôt, se rapproched’une course en taxi, son utilisationrestera exceptionnelle. Le dévelop-pement des chèques emploi serviceuniversels (CESU), ainsi que la miseen place de partenariat entre collec-tivité locale, caisse d’assurance oude retraite et association prestatairede service peuvent néanmoins abais-ser considérablement les coûts.Un autre point noir concerne les

déplacements des professionnels desservices à la personne. Au total, plusd’un million de personnes devraientêtre employées pour la prise en chargedes personnes âgées en 2025, contre600000 en 2005 (établissements +aide et soins infirmiers à domicile).

Une solution réside dans lamutualisation des services et desressources, quand cela permet de

répondre à un besoin identifié surun territoire pertinent, comme lemontre l’exemple du transportdédié aux publics en insertion pro-fessionnelle à La Ciotat, récemmentétendu aux personnes âgées. En2006, l’association Voiture&Co lançaitce service, en partenariat avec leCentre communal d’action sociale.Très rapidement a été fait le constatsuivant : le service était utilisé auxheures du matin et en fin d’après-midi, mais sans emploi au creux dejournée. Or, le Centre social avaitbesoin de mettre en place un servicede transports pour les personnesâgées. Le service a donc été élargi àcette catégorie d’usagers depuis unan. Et Voiture&Co prépare avec leCentre de ressource et d’innovationmobilité handicap (CEREMH) undiagnostic accessibilité spécifique aupublic âgé.

64 65

De l’offre de transport au service de mobilité

A la recherche d’un modèle économique

Relevant des services à la personne, le transport accompagné estfinancé en partie seulement par le bénéficiaire. Le développe-ment de l’activité de transport accompagné se heurte au coût duservice, ou du moins à la clé de répartition de ce coût.

L’exemple de « Sortir plus »Le programme Sortir plus a été lancé à la demande des organismes Agirc et Arrco, qui

assurent la tutelle de l’ensemble des caisses de retraites complémentaires. L’objectifétait de permettre aux personnes âgées de conserver leurs habitudes et leurs activitéssociales le plus longtemps possible. Les groupes se sont répartis le territoire français etse sont portés référents sur un certain nombre de départements pour y débuter la phased’expérimentation.

Le groupe Agrica, qui gère les retraites des salariés du monde agricole, a développé unpartenariat avec Domplus, entreprise d’intermédiation dans le domaine des services àla personne, afin de proposer le service sur les départements bretons et la Dordogne.Des conventions ont été signées avec un certain nombre de prestataires locaux, puis leservice a démarré, d’abord dans une version test.

Les prestations de transport accompagné sont rémunérées via des carnets de CESU dis-tribués par Agrica. Les chéquiers, d’une valeur de 150 euros, sont facturés au prix de 5 eurospour le premier, 15 euros pour le deuxième et 30 euros pour le troisième. Un allocatairepourra ainsi bénéficier de 450 euros de services en déboursant seulement 50 euros. Lesbénéficiaires de l’aide doivent être âgés de plus de 80 ans, et percevoir une retraite com-plémentaire (montant indifférent). Leur degré de dépendance est évalué par un entretientéléphonique, sur des critères relativement souples. Qu’ils vivent à domicile ou en maisonde retraite, ils n’ont pas besoin d’être titulaires de l’APA pour être éligibles.L’accompagnement peut être réalisé lors d’un déplacement motorisé ou piéton, quel quesoit le motif. La prestation étant effectuée par des partenaires locaux, le trajet doit engénéral s’inscrire dans un périmètre limité.

Aujourd’hui, 52 départements français sont couverts par le service « Sortir plus ».Sur les départements couverts récemment, le nombre de CESU distribués a doubléd’une année sur l’autre. La mise en place du dispositif s’est faite d’autant plus facile-ment que les enseignes de services à la personne se sont structurées depuis 2006. Lescollectivités locales sont associées à la démarche, via les CLIC. Responsables associa-tifs ou directeurs de maisons de retraites connaissent également le service et relaientl’information.

Le dispositif « sortir plus » soutient également les aidants naturels (famille, voisins,entourage proche). Contrairement à une idée reçue, le fait qu’il existe une aide institu-tionnelle n’exonère pas les aidants, mais leur permet au contraire de vivre leur rôleautrement et de retrouver de la motivation ou du plaisir à rendre service.

Une enquête réalisée l’an dernier par Domplus a mis en évidence la satisfaction desbénéficiaires. Certains d’entre eux ne sortaient plus. Leurs besoins de déplacementssont satisfaits ; ils ont aussi la possibilité de parler à quelqu’un, de retourner voir leursamis, de participer aux fêtes locales, de se promener tout simplement sans avoir l’im-pression de déranger leur entourage.

éclairage

>>> Relevant des services à la personne, le transportaccompagné est financé en partie seulement parle bénéficiaire. Le développement de l’activité detransport accompagné se heurte au coût du service,ou du moins, à sa prise en charge.

Les effetsde la crise

Crise financière, crise écono-mique, crise environnementale,

crise énergétique, crise desmatières premières, crise agricole,crise sociale, crise de gouvernance,crise du sens… L’année qui vient des’écouler aura été consacrée à l’ana-lyse, aux questionnements, aux prévi-sions, aux réactions. Si les experts s’ac-cordent assez mal sur la forme de lacourbe de la reprise, ou sur le rythmede celle-ci, ils sont unanimes pour

diagnostiquer la fin d’un cycle. Notresociété serait en transition (depuisquand? jusqu’à quand?), en gestationd’un nouveau modèle de développe-ment (ou de fonctionnement).Cette conjoncture difficile, conco-

mitante à la réforme de la taxe pro-fessionnelle, impacte lourdement lesbudgets des collectivités territo-riales. Et la mise en place d’une fisca-lité verte ne vient pas faciliter leschoses…

Même si le démarrage est complexe,si les arbitrages n’apparaissent pastoujours très clairs, et si les signauxne sont pas éclatants, le mouvementest lancé : maîtrise de la consomma-tion énergétique, diversification desapprovisionnements.Dans ce contexte, les politiques en

matière d’urbanisme et de mobilitéseront bien évidemment aux pre-mières loges. L’urbaniste FrançoisAscher, dans une conférence donnéeen janvier 2006, posait ouvertementla question: «Les risques de pénuried’énergie et de changements clima-tiques doivent-ils et vont-ils conduirenos sociétés à limiter les mobilités

urbaines?» Pour lui, il était totale-ment illusoire de compter, à moyenterme, sur une redensification desvilles. Et il insistait sur le risque deremise en cause du droit à la mobilité.Dans quelques années, il se pour-

rait bien que les collectivités localesaient à répondre à de nouveauxbesoins, émanant de populationsprécarisées en raison de leur choixénergétiques (volontaires ou subis) :pavillons mal isolés, quartiers acces-sibles uniquement en voiture indivi-duelle, parfois les deux… Commentles territoires pourront-ils à la foisveiller à rationnaliser leur consom-mation énergétique et spatiale tout

en garantissant à tous l’accès auxcommerces et aux services ?Comment parviendront-ils, selon lemot de François Ascher, à «trouverdes solutions performantes du pointde vue économique, équitables dupoint de vue social, et éthiques dupoint de vue environnemental»?L’équation sera d’autant plus diffi-

cile à résoudre que, du fait des consé-quences de la crise et de la réformedes collectivités, les budgets locauxdevraient se trouver sérieusementcontraints dans les prochainesannées.Déjà, en 2009, certaines collec-tivités pourraient ne pas présenter decomptes équilibrés. Les départementsles premiers, plombés par l’effet deciseau produit par l’alourdissementdes dépenses sociales et la réductiondes droits de mutation.Réorganisation des compétences

locales et des périmètres territo-riaux, simplification des échelonsadministratifs, pérennisation des

ressources : les solutions au pro-blème dépassent largement le cadrede cette étude. Mais leur mise enœuvre pèsera indéniablement surl’organisation des services publics.Avec le risque de voir les collectivitéslocales s’engager dans une cured’austérité budgétaire lourde deconséquences sur le plan social.Pour autant, la période est propice

à l’apparition de nouvelles formesd’action. Réseaux sociaux, dévelop-pement des nouvelles technologiesou de l’économie sociale et soli-daire… sont autant de pistes àexplorer pour les politiquespubliques. Le concept de coproduc-tion est aujourd’hui très présentdans la société. Dans son aspectpositif, il replace le citoyen (ou leconsommateur) au cœur du sujet, etl’invite à jouer un rôle moteur dansle fonctionnement de la cité. Uneautre lecture, moins réjouissante, yvoit le résultat du désengagement

Entrer dans l’économie carbone

Le projet de taxe carbone français ou le Sommet de Copenhagueont pour objet de poser les bases de cette nouvelle approche: endonnant un prix au carbone, on intègre les externalités négativesdues aux gaz à effet de serre. On admet que la production decarbone a un coût, qui doit être pris en compte par le marché.

Industriemanufacturière

21%

Industrie del’énergie13 %

AgricultureSylviculture

19 %

Traitement desdéchets3 % Transport

26 %

Résiden el -Ter aire18 %

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3 %

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Mari me 1 %Rail <1 %

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Transport rou er85 %

Emissions de CO2 en France, et ventilation par mode de transport (2005)

Statistiques de l’OCDE

Les effets de la crise

6968

Source

:CITEP

A,février2

007

Ce dernier scénario, baptiséCyclonaute, présente un service detransport par cyclopousse utilisé à lafois pour les déplacements de per-sonnes âgées et les livraisons, ainsiqu’une centrale de mobilité participa-tive appelée Naué, pour NAvigateururbain étendu. En plus de l’offre detransports publics, l’interface intègresous la forme d’une cartographiedynamique des offres de covoiturage.

Les utilisateurs ont accès au servicevia une carte «temps mobilité», quileur permet de payer tous types detrajets (scénarios consultables surwww.pluslonguelavie.net/Restitution-des-pistes-Seniorlab).Une étude réalisée pour le minis-

tère de la fonction publique montred’ailleurs l’importance du potentielde coproduction dans les servicespublics. Il semblerait que les per-

sonnes âgées soient particulière-ment enclines à cette forme d’ac-tion, et spécialement dans lesdomaines de l’environnement local

et de la santé. Ce modèle de copro-duction est présenté comme la cléde l’amélioration des servicespublics.

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de l’Etat et des pouvoirs publics :quand il n’y a plus d’argent, on laisseà la communauté le soin de créer sesvaleurs…«Mieux respecter la dignité de

chacun, admettre les différences et lesparticularités, rendre vie aux commu-nautés de base de notre société, huma-niser les rapports entre administrationet administrés, en un mot transformerla vie quotidienne de chacun». Cetextrait du discours de politique géné-rale prononcé en septembre 1969 par

Jacques Chaban-Delmas résonneparticulièrement aujourd’hui. C’estque laNouvelle société a fait «pschiiit»,diront les cyniques. En oubliant un peuvite que le contexte d’alors était fortdifférent. «Il y a peu de momentsdans l’existence d’un peuple où ilpuisse autrement qu’en rêve se dire :quelle est la société dans laquelle jeveux vivre?», disait-il encore à cetteoccasion. A cette époque, les jeunesretraités d’aujourd’hui avaient unevingtaine d’années.

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Les effets de la crise

Territoire, coproduction et numérique

Dans le cadre de son programme d’étude, Plus longue la vie,la Fondation internet nouvelle génération (Fing) a élaboré unesérie de scénarios destinés à illustrer des futurs souhaitables.Le principe est de mettre les outils multimédia au servicedes réseaux de proximité, que ce soit pour créer un outil decommunication ou coordonner les services médico-sociauxà l’échelle d’un quartier, créer un espace d’échanges ancré surune moyenne surface d’alimentation innovante, ou encoredévelopper un service de déplacements partagés.

0,05 0,10 0,15 0,20 0,25

Diplômé del'enseignement

supérieur (-)

Urbain (-)

Ac f sur le marchédu travail (-)

Femme (+)

Age (+)

Coefficient de corréla!on (r)

0

Corrélats démographiques de coproduction

Ce graphique met en évidence la forte propension des personnes âgées et des femmes à s’engagerdans la coproduction des services publiques (enquête TNS Sofres réalisée en 2008 dans 5 payseuropéens : République tchèque, Danemark, France, Allemagne et Royaume-Uni).

Conseil des aînésLe Conseil des aînés de Villeurbanne a été mis en place en 2005, pour une première

période expérimentale de 3 ans. La reconduction a été votée lors d’un récent conseil muni-cipal. Le Conseil des aînés compte une quinzaine de membres, issus des conseils de quartier.Trois élus y siègent également, les adjoints aux personnes âgées, à la vie associative et à ladémocratie locale. Le Conseil des aînés se réunit 3 à 4 fois par an. Il s’agit d’un groupe deréflexion dont la mission est consultative. Son fonctionnement est défini par une charte inti-tulée «Faire vivre la ville de toutes les générations», qui en fixe les grandes orientations:construire des passerelles entre les différentes facettes de la politique municipale; changerle regard des autres sur les personnes vieillissantes; et enfin poursuivre des objectifs opéra-tionnels permettant de rendre visibles la diversité des personnes vieillissantes. Le Conseildes aînés est organisé sous la forme de deux commissions (habitat et intergénération).

Le Conseil se réunit à la Maison des aînés, récemment rénovée, où sont regroupés leservice gérontologique, une partie du centre communal d’action sociale et l’Office villeur-bannois des personnes âgées et retraitées (OVPAR). Ce lieu symbolise l’engagement muni-cipal en direction des personnes âgées.

éclairage

Conclusion

Avec l’avancée en âge, la marche devient le mode de déplacement majeur.

©Ph

ovoir

Pour allerplus loin...

S’interroger sur la mobilité desseniors revient à s’interroger sur

leur place, leur identité et leur rôledans la société: où sont-ils? Qui sont-ils? Où vont-ils et pourquoi faire? Onl’a vu, le sujet est bien plus vaste quel’accessibilité ou la prise en charge dela dépendance. La mobilité des per-sonnes âgées, c’est de l’urbanisme, dudéveloppement économique, de lapolitique culturelle, de l’action sociale(pour les seniors mais aussi par lesseniors) et sanitaire, du transport…Les générations qui ont vu la

France changer arrivent à l’âge de laretraite. Ces baby-boomers n’ontrien fait ou presque comme leursparents ; il y a donc toutes les raisonspour qu’ils changent le visage de lavieillesse. Puisqu’ils investissent lavie associative et la vie politique,puisque le grey power gagne du ter-rain, laissons les seniors se mettre autravail. Appréhender le vieillisse-ment en termes de coûts revient à secondamner à l’inaction. A tous lesniveaux de collectivité, les budgetsexplosent : APA, financement desretraites, mise en accessibilité desbâtiments publics ou des réseaux detransports… Dans ces conditions,certains sont tentés par la solutiontechnologique : robots, capteurs,Internet permettent de réduire lescoûts de fonctionnement, notam-ment en personnel. Mais quand toutcela sera-t-il véritablement opéra-tionnel? Qui prendra en charge l’inves-tissement initial ? Et la maintenancede tous ces dispositifs bourrés d’élec-tronique? Sans oublier la qualité de

vie des personnes : qui a envie devieillir entouré d’écrans tactiles etde puces électroniques ? Le multi-média et les nouvelles technologiespeuvent rendre de grands services, àcondition de ne pas devenir les outilsd’un télé-contrôle permanent. Plutôtque de céder au mirage du toutnumérique, pourquoi ne pas comp-ter d’abord sur les ressourceshumaines?Rythmes, motifs, régularité : les

déplacements des retraités échap-pent aux schémas classiques. Seuleune offre flexible, variée et segmentéepeut répondre aux nouveauxbesoins. Une offre éloignée des solu-tions « tout infrastructure » et«100% techno». Une offre pluriellefaisant appel à la coproduction, réu-nissant des infrastructures lourdes etcapacitaires, ainsi que des servicesplus diffus, comme le vélo ou la voi-ture en libre service, la locationlongue durée, le covoiturage... Uneoffre qui reste encore à inventer, etpour laquelle la collectivité serait unpartenaire-régulateur garantissantsa pérennité en l’inscrivant dans lesdocuments d’urbanisme ou dedéplacements.Le 29 avril 2009 était la première

journée européenne de la solidaritéentre les générations. L’Union euro-péenne envisage maintenant dedéclarer 2012 année du vieillissementactif et de la solidarité intergénéra-tionnelle. Il s’agit de valoriser lescompétences des plus âgés non seu-lement dans l’entreprise, mais danstous les domaines de la société.

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Entretiens réalisés•Hervé Le Bras, démographe, Ecole

des Hautes études en sciencessociales, p.9•Valérie Gruau, fondatrice du site

seniorsavotreservice.com, p.20•Benoît Goblot, directeur général

de Senioragency, agence de marke-ting, p.38•Dany Montois, adjointe en charge

des personnes âgées, de la solidarité etdes centres sociaux, Villeurbanne, p.41•Marlène Hubert, responsable du

développement, Arefo, p.41•Patrick Larible, conseiller régional

en charge du Handicap, régionPoitou-Charente, p.44•Marc de Jerphanion, Targeting,

agence de conseil en déplacement,p.46•Lisette Le Texier, directrice du

Centre communal d’action sociale dePalaiseau, p.49•Jean Sivardière, président de la

Fnaut, p.51•Delphine Teulières, responsable

diagnostic accessibilité, Ville deTrouville, p.56•Franck Bodin, maître de confé-

rence à l’Université de Lille, p.58•Françoise Brunel, chef de projet

marketing, Union nationale de l’aide,des soins et des services à domicile,p.61•Chantal Couprie, déléguée géné-

rale de l’association Les compagnonsdu voyage, p.62•Bruno Chrisostome, responsable

du développement et des partena-riats commerciaux, Age d’Or services,p.62

•Sylvie Gualdo, responsable duprogramme «Sortir plus», GroupeAgrica, p.65

Bibliographie•Approche du coût de la dépen-

dance des personnes âgées à domi-cile. Credoc, 2005•Atlas du vieillissement. Agence

d’urbanisme de Lyon, 2008•L’automobile en France : compor-

tements, perceptions, problèmes,perspectives. Jean-Pierre Orfeuil• L’avenir des retraites. HSBC

Assurances, 2009•Conduite automobile et vieillisse-

ment cognitif. Recherche effectuéepar Colette Fabrigoule, CNRS, etSylviane Lafont, Inrets, 2009-09-03•Défi d’un espace public sécurisé :

intégrer les besoins des aînés et deshandicapés. Dossier publié par l’as-sociation suisse Rue de l’avenir,2009•Le deuil de l’objet voiture chez les

personnes âgées, recherche réaliséepar Catherine Espinasse pour le Predit• Les Français et le grand âge.

Enquête TNS Sofres pour la Fédérationhospitalière de France, mai 2009•L’impact de l’allongement de la

durée de vie sur les systèmes d’aideet de soin. Rapport du Conseil éco-nomique et social, 2007•Mise en place d’un observatoire

économique et social du secteur desservices à la personne. EtudeRexecode, 2009•Mobiles, eux aussi. Dossier paru

dans la revue Leonardo éditée par

l’association transports & environne-ment, 4/2006•Mobilité des seniors : un véri-

table enjeu économique. HélèneLewan Ville&Transports-magazinedu 1/10/2008•Mutations de la société fran-

çaise : mieux comprendre la mobilitéaujourd’hui, enquêtes réalisées pourla société Keolis en 2007•Les personnes âgées et le risque

routier. Etude réalisée par le cabinetGaultier & associés pour laPrévention routière, novembre 2008•Personnes âgées dépendantes :

bâtir le scénario du libre choix.Rapport du Centre d’analyse straté-gique, 2006•Plaidoyer pour une plus grand

solidarité entre les générations.Brochure publiée par l’associationAGE, 2009•Projection de la mobilité quoti-

dienne d’une population vieillissante,potentiel pour de nouveaux marchésde transport à la demande. VirginieDejoux, Yves D. Bussière, Jean-LoupMadre, Jimmy Armoogum – Inrets•Rapport annuel 2009 de la

Fondation Abbé Pierre•Rapport 2006-2007 de l’Obser-

vatoire national de la démographiedes professions de santé (ONDPS)•Santé et territoires. Rapport du

cabinet Code pour l’ADCF, 2008•Seniors et cité. Rapport du

Conseil économique, social et envi-ronnemental, 2009•Les seniors et la sécurité routière.

ATE, 2006•Seniors : quelle intégration dans

les documents de planification etd’urbanisme. Fnau, 2007•Services à la demande et trans-

ports innovants en milieu rural : del’inventaire à la valorisation desexpériences. Rapport du cabinetAdetec, 2004• Les services à la personne.

Rapport du Conseil économique,social et environnemental, 2008•Share (Survey of health, aging

and retirement in Europe), enquêteeuropéenne consultable sur le sitede l’Institut de recherche et docu-mentation en économie de la santé :www.irdes.fr•Une vie en plus. La longévité, pour

quoi faire? Joël de Rosnay, Jean-LouisServan-Schreiber, François de Closets,Dominique Simonnet, CollectionPoints Seuil.•Vieillissement, activités et terri-

toires à l’horizon 2030. Michal Godetet Marc Mousli ; La Documentationfrançaise, 2006•Vieillissement de la population et

habitat. Programme de recherchesdu Plan urbanisme constructionarchitecture (PUCA), ministère del’Ecologie, de l’Energie, du Dévelop-pement durable et de la Mer•Vieillissement et transport, conci-

lier mobilité et sécurité. EtudeOCDE, 2001•Le vieillissement des immigrés en

France. Rapport CNAV, 2001•Vieillissement des populations et

état de santé dans les régions deFrance. Rapport de la Fédérationnationale des observatoires régio-naux de santé, 2008

•Villes et vieillir. Ouvrage collectif.Documentation française, 2004

Supports méthodologiques•Les aînés : les oubliés de la sécu-

rité. Diagnostic sécurité réalisé àGenève par l’association transport etenvironnement, 2008•Guide mondial des Villes amies

des aînés. OMS, 2007•www.aeneas-project.eu•Label Bien vieillir-Vivre ensemble,

protocole conseillé pour la phase d’au-dit urbain. Document disponible sur lesite du ministère du Travail, desRelations sociales, de la Famille, de laSolidarité et de la Ville (www.travail-solidarite.gouv.fr/espaces/personnes-agees/grands-dossiers/programme-national-bien-vieillir/label-bien-vieillir-vivre-ensemble.html)•Diagnostic sécurité aînés, asso-

ciation Transport et environnement(www.ate.ch)•Quizz seniors de la Prévention

routière (www.preventionroutiere.asso.fr/senior_restez_mobile.aspx)•PDU et accessibilité aux per-

sonnes handicapées. Certu, 2009•Eléments de méthodologie sur

les diagnostics d’accessibilité. Certu,2008•Centre de ressources et d’innova-

tion mobilité handicap (CEREMH)www.ceremh.org

A lire dans les éditionsdu GART

Etudes•«Urbanisme commercial et poli-

tiques de déplacements. Jalons pourun aménagement économique dura-ble». Décembre 2007•«Solutions juridiques et finan-

cières pour le développement desprojets de transports locaux: Quelleplace pour les PPP?». Octobre 2007•« Financement des transports

publics urbains. Quel bilan à fin2007? Quelles perspectives?», GARTavec l’Association des Maires desGrandes Villes de France etl’Association des CommunautésUrbaines de France et le GroupeCaisse d’Epargne. Septembre 2007

Annuaires•« L’année 2007 des transportsurbains». 2008•«Annuaire national des transportspublics 2007». Octobre 2007•«Annuaire de la tarification destransports régionaux». Octobre 2007•« La tarification unique dans lestransports publics départementaux».Septembre 2007

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Conduite de l’étudeSandrine Garnier, [email protected]

Sous la direction deChantal Duchène, Directrice Générale du GART

Conception de la couverture et de la charte graphiqueBertrand Dubois

Conception et réalisation de la maquetteEvelyne Simonin

Imprimé par Brindel

LA MOBILITÉDES SENIORSBesoins de déplacementsliés au vieillissement de la population

Les générations du baby-boom arrivent à la retraite. Assurés de vivre pluslongtemps, en meilleure santé et plus confortablement que leurs aînés,ces «nouveaux vieux» révolutionnent le 3e âge et s’affirment d’autantplus qu’ils compteront bientôt pour un tiers de la population française.Surtout, ils entendent bien ne laisser à personne le soin de décider poureux-mêmes. C’est qu’ils ont accompagné les bouleversements de notresociété contemporaine, au premier rang desquels figure l’individualisationdes comportements!

De plus en plus motorisés, périurbains, les seniors sont aussi de plus enplus mobiles. Répondre à leurs besoins de déplacements nécessite detravailler trois axes majeurs: anticiper et dédramatiser l’abandon de laconduite automobile; donner à tous la possibilité de se déplacer libre-ment, à un coût acceptable pour l’individu comme pour la société; enfin,garantir la sécurité des piétons âgés en leur assurant des cheminementsaisés et confortables. Sur ces questions, les collectivités territoriales sonten première ligne. Communes, intercommunalités et départements pourl’action sanitaire et sociale, régions dans l’organisation du système desoins et acteur majeur des politiques territoriales.

Construire une mobilité durable pour tous suppose de passer d’uneapproche industrielle à une logique de services, d’envisager de nou-veaux modèles de fonctionnement. Se pencher sur la mobilité desseniors renvoie à considérer leur place dans la collectivité. Les dépla-cements constituent la frontière commune entre les services detransports, les politiques sociales, le développement économique, lavie culturelle... Ils sont au cœur du vivre-ensemble.

22 rue de Palestro, 75002 ParisTél. : 01 40 41 18 19www.gart.org