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Etude des facteurs influençant le taux d’occupation des salles dans le contexte de regroupement de plateaux médico- techniques A. BOUNEKKAR 1 , V. DESLANDRES 2 , D. LEMAGNY 3 , L. TRILLING 4 1 Laboratoire LASS (Laboratoire d’Analyse des Systèmes de Santé), Bâtiment Doyen Jean Braconnier Université LYON I, 43 Bd du 11 novembre 1918, 69622 Villeurbanne cedex 2 Laboratoire PRISMa (PRoductique et Informatique des Systèmes Manufacturiers et de services), Univ. LYONI 3 Direction de l’Informatique Médicale, Centre Hospitalier de Valence, 4 Laboratoire PRISMa, INSA de LYON { [email protected], [email protected], [email protected], [email protected] } Résumé Ce travail est effectué dans le cadre d’un projet de recherche concernant le regroupement des plateaux médico-techniques des établissements de soins dans la région Rhône-Alpes. Un des objectifs est d’évaluer la performance de ces nouvelles entités mutualisées afin d'en permettre le pilotage. La démarche proposée consiste à étudier comment relier les indicateurs stratégiques (disponibles au niveau de l’établissement) aux variables d'action associées au plateau médico-technique. Notre approche est de type top-down et s’inspire des analyses effectuées dans l’industrie avec le diagramme d’Ishikawa et une méthode quantitative (AMDEC) qui permet de hiérarchiser les facteurs influents. La démarche de recherche des variables d’action est présentée en s’appuyant sur un indicateur particulièrement significatif : le taux d’occupation des salles dans un bloc opératoire (TOS). Une méthodologie d’analyse de données est ensuite présentée qui permet d’estimer le TOS en fonction de variables d’action représentatives. Mots-clés : indicateur de performance, pilotage de plateau médico-technique, regroupement, salle d’opération, bloc opératoire, variables d’action. 1. Introduction : le contexte La problématique de regroupement de plateaux techniques hospitalier est aujourd'hui fréquente dans le milieu hospitalier, qu'il soit public, privé ou PSPH (établissements privés participant au service public hospitalier). Le concept de plateau médico technique (PMT) regroupe : les salles d'opération (y compris obstétriques) et la salle de surveillance post-interventionnelle, le secteur des soins critiques (réanimation, soins intensifs, soins continus), l’imagerie médicale (et médecine nucléaire), les salles d’explorations fonctionnelles et l’ambulatoire (chirurgie et anesthésie). Dans un premier temps, nous présenterons rapidement les tenants et aboutissants de ce type de regroupement, avec mention des risques et des enjeux. Nous ferons ensuite un état de la diversité des fonctionnements possibles lors de la conception et du pilotage du plateau médico-technique mutualisé. Notre démarche s’inscrit dans un processus d’aide à la décision pour le dimensionnement ou le pilotage du plateau médico-technique. 1.1. Enjeux et risques du regroupement de PMT Dans beaucoup établissements actuels, les plateaux techniques sont dédiés et dispersés (plateau technique d’imagerie, d’exploration fonctionnelle, etc.). L’enjeu du regroupement est essentiellement économique : les établissements n’ont plus les moyens de financer plusieurs plateaux avec duplication des équipes et des matériels ; mais l’enjeu peut aussi être juridique (ex. : décret sur la sécurité anesthésique paru en 1994). Les pôles cliniques doivent donc regrouper leurs moyens, et mieux s’organiser pour à la fois

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Etude des facteurs influençant le taux d’occupation des salles dans le contexte de regroupement de plateaux médico-

techniques

A. BOUNEKKAR1, V. DESLANDRES2, D. LEMAGNY3, L. TRILLING4

1Laboratoire LASS (Laboratoire d’Analyse des Systèmes de Santé), Bâtiment Doyen Jean Braconnier Université LYON I, 43 Bd du 11 novembre 1918, 69622 Villeurbanne cedex

2 Laboratoire PRISMa (PRoductique et Informatique des Systèmes Manufacturiers et de services), Univ. LYONI 3 Direction de l’Informatique Médicale, Centre Hospitalier de Valence,

4 Laboratoire PRISMa, INSA de LYON

{ [email protected], [email protected], [email protected], [email protected] }

Résumé Ce travail est effectué dans le cadre d’un projet de recherche concernant le regroupement des plateaux médico-techniques des établissements de soins dans la région Rhône-Alpes. Un des objectifs est d’évaluer la performance de ces nouvelles entités mutualisées afin d'en permettre le pilotage. La démarche proposée consiste à étudier comment relier les indicateurs stratégiques (disponibles au niveau de l’établissement) aux variables d'action associées au plateau médico-technique. Notre approche est de type top-down et s’inspire des analyses effectuées dans l’industrie avec le diagramme d’Ishikawa et une méthode quantitative (AMDEC) qui permet de hiérarchiser les facteurs influents. La démarche de recherche des variables d’action est présentée en s’appuyant sur un indicateur particulièrement significatif : le taux d’occupation des salles dans un bloc opératoire (TOS). Une méthodologie d’analyse de données est ensuite présentée qui permet d’estimer le TOS en fonction de variables d’action représentatives. Mots-clés : indicateur de performance, pilotage de plateau médico-technique, regroupement, salle d’opération, bloc opératoire, variables d’action.

1. Introduction : le contexte La problématique de regroupement de plateaux techniques hospitalier est aujourd'hui fréquente dans le milieu hospitalier, qu'il soit public, privé ou PSPH (établissements privés participant au service public hospitalier). Le concept de plateau médico technique (PMT) regroupe : les salles d'opération (y compris obstétriques) et la salle de surveillance post-interventionnelle, le secteur des soins critiques (réanimation, soins intensifs, soins continus), l’imagerie médicale (et médecine nucléaire), les salles d’explorations fonctionnelles et l’ambulatoire (chirurgie et anesthésie). Dans un premier temps, nous présenterons rapidement les tenants et aboutissants de ce type de regroupement, avec mention des risques et des enjeux. Nous ferons ensuite un état de la diversité des fonctionnements possibles lors de la conception et du pilotage du plateau médico-technique mutualisé. Notre démarche s’inscrit dans un processus d’aide à la décision pour le dimensionnement ou le pilotage du plateau médico-technique. 1.1. Enjeux et risques du regroupement de PMT Dans beaucoup établissements actuels, les plateaux techniques sont dédiés et dispersés (plateau technique d’imagerie, d’exploration fonctionnelle, etc.). L’enjeu du regroupement est essentiellement économique : les établissements n’ont plus les moyens de financer plusieurs plateaux avec duplication des équipes et des matériels ; mais l’enjeu peut aussi être juridique (ex. : décret sur la sécurité anesthésique paru en 1994). Les pôles cliniques doivent donc regrouper leurs moyens, et mieux s’organiser pour à la fois

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mutualiser les ressources (anesthésistes, équipes de nettoyage, microscopes opératoires, etc.) et standardiser les processus (planification des interventions, saisie des informations Patient, gestion des déchets et de la stérilisation, meilleure gestion des permanences, etc.). Les risques sont principalement de deux sortes : (1) ceux liés à la polyvalence des blocs (salles moins disponibles pour une spécialité donnée, équipes moins stables, indisponibilité des matériels déplaçables, temps de nettoyage de salles plus importants), (2) les risques liés au changement de l’organisation (risque de rejet de la nouvelle organisation avec perte de motivation à la tâche, difficulté de redéfinition des rôles et des missions de chacun, dépréciation du confort de travail, etc.). 1.2. Les diverses formes de regroupement des plateaux Un PMT mutualisé se doit donc être modulaire et polyvalent, permettre le partage de ressources et pouvoir s’adapter aux évolutions mineures et notamment aux nouvelles activités. De nouvelles techniques architecturales permettent ainsi une conception modulaire et flexible des locaux. On peut d’autre part envisager sur le PMT des zones dédiées, qui facilitent les flux de circulations ; par exemple pour les urgences, l’interventionnel spécifique et classique, et l’anesthésie ambulatoire. Les conceptions du PMT mutualisé sont variées et on peut identifier différents types de regroupement en fonction du degré de mutualisation des ressources. On distingue pour cela différentes types de missions associées au PMT : - Mission Interventionnelle (bloc opératoire) - Mission Post-interventionnelle (salle de réveil, salle de réanimation, soins intensifs, …) - Mission Diagnostic (centre d’imagerie, médecine nucléaire, explorations fonctionnelles) - Mission Transport/Manutention du Patient (brancardage) - Mission Permanence - Mission Informationnelle (communication intra PMT et avec les services) Le niveau de mutualisation des missions permet de caractériser le type de regroupement des plateaux. Le degré minimal sera composé de la mise en commun d’une des 5 missions (par ex., brancardage), le degré maximal étant la mutualisation de l’ensemble des missions. La mutualisation concerne les salles d’une part, et les flux patients liés aux différents modes de prise en charge (hospitalisation, urgence, ambulatoire) d’autre part. Le niveau de mutualisation le plus important concerne la mise en place d’un bloc opératoire unique. Il est néanmoins peu envisageable de concevoir des salles d’intervention entièrement polyvalentes. Il y a en effet un compromis à trouver entre des salles dédiées à un type de chirurgie (aseptiques et confortables d’utilisation pour l’équipe interventionnelle), et des salles polyvalentes (utilisant des dispositifs médicaux mobiles, robots chirurgicaux par ex.) plus souples mais moins confortables et dotées d’une moins bonne asepsie. La polyvalence des blocs doit donc être prévue sur la base d’une répartition de l’activité, non pas en fonction d’une spécialité, mais à partir d’une segmentation du bloc opératoire en zones, généralement liées au niveau d’asepsie et/ou du mode de prise en charge.

2. Evaluation de la performance 2.1. Méthodologie globale : choix des indicateurs. Un indicateur (norme ISO 8402) est défini comme « une information choisie associée à un phénomène, destiné à en observer périodiquement les évolutions au regard des objectifs préalablement définis ». Pour construire un indicateur, il faut préalablement recenser les informations nécessaires et vérifier leur disponibilité et leur fiabilité. En théorie, la sélection des indicateurs de performance fait l’objet d’une étude poussée mais dans les faits, elle se fait surtout en fonction des données statistiques disponibles (existence et facilité d’analyse des données du système d’information) et de certaines exigences extérieures (tutelles, autorités locales, etc.). La construction d'un indicateur doit prendre en compte les objectifs poursuivis et le contexte de son utilisation. Selon une étude de l’ANAES [ref ANAES], un indicateur doit être :

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Faisable : avant de construire un indicateur, il est important de recenser les informations nécessaires et de vérifier au préalable leur disponibilité, leur fiabilité et leur pérennité. La qualité des données détermine la qualité de l'indicateur. Simple dans son recueil, son calcul et son utilisation. Il est important de chercher un compromis entre la simplicité et l'exhaustivité. Reproductible et Fiable : l’indicateur a la capacité de reproduire la même valeur lorsque la mesure est répétée dans le temps, dans des conditions identiques et sur les mêmes éléments. Cohérent et non redondant. Economique en réduisant le coût de mise en œuvre matériel et humain. Pertinent en permettant d’identifier simplement des problèmes pour lesquels des actions de prévention ou de correction efficaces existent. La mesure de l’indicateur décrit complètement la situation observée. Valide en reflétant ce qu’il est censé mesurer. Sensible en ayant "l’aptitude à varier beaucoup et rapidement lorsque apparaissent des variations, même de faible amplitude, du phénomène étudié, par exemple en fonction des actions que l’on met en œuvre". Spécifique : il ne varie que si le phénomène à l’étude subit une modification. Afin de faciliter la gestion du système étudié, les indicateurs doivent mesurer la réalité avec clarté, contrôler des objectifs, révéler des tendances, faire progresser des situations et prendre des décisions adaptées. 2.2. Indicateurs de performance pour le pilotage du PMT L’objet du présent article est d’apporter un éclairage sur les indicateurs à utiliser pour faciliter le pilotage du plateau médico-technique. Il semble néanmoins évident que ces indicateurs auront une influence sur la performance de l’établissement voire sur le système de soins en général. Au sein d’un pays donné, les points de vue des gestionnaires, des usagers, des professionnels de santé et des « régulateurs » divergent sur ce qu’est un hôpital « performant » [Beaubau & Pereira, 2004]. La performance du PMT peut d’abord être évaluée par rapport à la performance de chacune des missions d’un plateau médico technique mentionnées précédemment. Plus globalement, l’optimisation de la performance du plateau médico-technique est intimement liée à la performance du système hospitalier, et se décompose comme elle en trois éléments [DREES 2001]: - atteinte des buts (amélioration de la santé des populations et qualité du service rendu) : par exemple,

horaires de fonctionnement, effectifs et ETP des assistants de service social, satisfaction Patient ; - efficacité économique : par exemple, nombre de patients traités, valeur du point ISA, proportion de

séjours en hospitalisation < 24h ; - capacité d’adaptation au changement : par exemple, taux de renouvellement du personnel, existence

d’une gestion prévisionnelle des emplois, des carrières et des compétences, nombre d’actions de collaboration universitaires engagées sur l’année.

3. Démarche d’analyse pour la déclinaison des IP Il existe deux types d’approches pour décliner les IP, une démarche top-down et une autre bottom-up. La démarche top-down consiste à étudier les IP stratégiques de l’établissement et d’étudier comment ils se ventilent au niveau des tâches des processus dont on étudie la performance (stratégique opérationnel). Au contraire la démarche bottom-up part d’une description ad-hoc du processus mis en œuvre dans l’établissement (description des activités, des objectifs et indicateurs de performances associés). Il faut ensuite agréger ces différents indicateurs pour obtenir les valeurs des IP stratégiques globaux (opérationnel stratégique). Cette 2ème approche garantit une certaine exhaustivité mais nécessite un travail de modélisation des processus qui peut être lourd. L’avantage de l’approche top-down est sans aucun doute

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son caractère heuristique : on sollicite des experts du domaine qui se focalisent sur les points jugés essentiels (avec le risque de ne pas couvrir tous les aspects). Néanmoins dans l’une ou l’autre des approches, la difficulté réside dans l’art et la manière de décliner ou d’agréger les indicateurs. Nous proposons ici une méthode pour décliner un indicateur stratégique en indicateurs opérationnels, dans une approche top-down. La démarche proposée s’inspire de celles adoptées dans l'industrie pour l'étude des causes de dysfonctionnement et fait l’objet du §3.1. Puis le cas particulier de l'indicateur TOS servira d'illustration de l’application de notre démarche dans les sections §3.2 et §3.3. 3.1. Recherche des variables d’action associées aux indicateurs stratégiques La démarche vise à analyser les principaux facteurs influents, auxquels on affecte des leviers d’action sur lesquels seront posés d’éventuels verrous (c’est le terme employé en qualité, pokayoke en japonais) permettant ensuite de les maîtriser. Dans son travail sur la conduite du changement, le GIMSIH (http://www.gmsih.fr/) préconise l’utilisation du diagramme Ishikawa pour rechercher les causes possibles sur un effet déterminé, par exemple : « Analyser pourquoi les patients hospitalisés arrivent souvent en retard à la radio / au bloc opératoire ». Le diagramme d’Ishikawa est un diagramme en arête de Poissons sur lequel sont distinguées 5 familles de causes :

• Main d'œuvre : directe, indirecte, motivation, formation, absentéisme, expérience ; • Milieu : environnement physique, éclairage, bruit, aménagement, relations, fournisseurs, marché,

législation ; • Méthodes : processus, instructions, manuels, procédures • Moyens : finances • Matières/Matériel : matières premières, pièces, ensembles, fournitures, identification, stockage,

qualité, manutention ; machines, outils, équipements, capacité, âge, nombre, maintenance ; Dans les services et l’administration on peut ajouter d’autres types de causes (celles liées au management ou centrées sur le transfert d'informations par exemple), ou bien encore préférer une vision processus où les étapes constituent les branches du digramme1. L’analyse s’effectue en groupe restreint (maximum 7) comprenant les personnes impliquées dans les processus liés à l’effet étudié. Plus il y a des personnes de services différents plus on a de chances de couvrir tous les processus supports ayant un effet de bord sur l’indicateur traité. Par brainstorming, le groupe recherche les causes possibles pour chaque branche du diagramme d’Ishikawa. Il identifie ensuite les causes de ces causes, et construit ainsi un arbre des causes sur chaque branche. Cette technique permet d’atteindre les causes principales et précise les interrelations entre causes (« pas de transmission du planning opératoire » implique « pas de prémédication à temps »). Bien que très utilisée dans les « groupes progrès », la technique présente un certains nombre d’inconvénients que nous avons constaté dans la mise en œuvre de la méthode avec nos partenaires hospitaliers : (1) la famille « Méthode » regroupe un très grand nombre de facteurs influents, une structuration de cette branche serait souhaitable ; (2) le risque d’explosion combinatoire : lorsqu’un grand nombre de facteurs est listé, l’étape de mise en corrélation des facteurs et d’identification des causes principales devient délicate ; (3) les notions de causes potentielles et des causes pertinentes sont confondues ; (4) il n’y a pas possibilité de quantifier l’impact d’un facteur sur l’effet ; (5) la représentation graphique est fastidieuse. C’est pourquoi nous proposons de coupler l’utilisation du diagramme d’Ishikawa avec l’approche industrielle AMDEC (Analyse des Modes de Défaillances, de leurs Effets et de leur Criticité) pour mieux caractériser et hiérarchiser les facteurs potentiels. La démarche est illustrée dans les deux sections qui suivent, sur l’analyse des facteurs ayant un effet sur le Taux d’Occupation des Salles opératoires (TOS). 3.2. Justification du choix du TOS et mode de calcul Le taux d'occupation des salles d'opération est un indicateur représentatif de la performance pour la majorité des établissements de santé. Le TOS est un des critères les plus fréquemment utilisés avec des 1 Cf par exemple une analyse de risque effectuée pour la nutrition parentérale pédiatrique : http://www.hcuge.ch/Pharmacie/ens/conferences/lc_analyse_risque_dess05.pdf

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taux publiés compris entre 40 et 70% ; un taux d'occupation cible de 100% est loin d'être réaliste sauf dans une structure où ne seraient pratiquées que des interventions répétitives de durée parfaitement prévisibles (par exemple cataractes, varices). Il semble admis que le taux d'occupation "idéal" pour un bloc opératoire multidisciplinaire ayant en charge l’imprévu (urgences et obstétriques) soit de l'ordre de 80 à 85% (Chicago Hospital Council Project2). Nous avons défini le taux d’occupation des salle comme étant le rapport entre la durée totale d’occupation des salles par des interventions programmées et la durée d’ouverture de la salle (durée entre l’entrée du premier patient et la sortie -arrondi supérieur- du dernier patient programmé). Les durées incluent les temps d’anesthésie, d’intervention, de nettoyage et préparation de la salle. Cette définition ne prend pas en compte les interventions non programmées, qui sortent du cadre que l’on cherche à maîtriser. En effet, cet indicateur vise à estimer la qualité de l’occupation des salles compte tenu des temps d’attente ou de temps mort qui peuvent exister pour la partie programmée des interventions. Il sera relié à un autre indicateur stratégique qui est le taux de débordement des plages horaires. 3.3. Méthode de déclinaison Il convient dans un premier temps de recenser toutes les causes possibles qui peuvent avoir un effet (positif ou négatif) sur le taux d’occupation des salles, en se basant sur les familles du diagramme Ishikawa. Les causes relevant de l’organisation (méthodes/processus) étant nombreuses, il est pertinent de distinguer des sous-familles. Pour le TOS, nous avons identifié 3 sous-catégories à la branche Méthode/Organisation : - facteurs liés à la préparation du patient ; - ceux relevant des interventions ; - facteurs liés à la programmation des interventions. Nous avons ainsi obtenu un premier diagramme (Fig.1).

Figure 1. Premier diagramme d’Ishikawa du Taux d’Occupation de Salles

Il s’agit ensuite de construire l’arbre des causes pour chaque branche. Théoriquement, il faut se poser 5 fois la question sur l’origine des causes, par ex. concernant l’extrait précédent : quels sont les éléments qui font que la salle d’intervention est disponible ? Dans la réalité, peu de causes ont une arborescence complexe (Fig.2). 2 http://www.ormanager.com/favarticles/597util.pdf (visible en Juillet 2006)

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Figure 2. Arbre des causes pour le Choix de programmation de la branche Méthode du TOS

On observera que lors de cette exploration, peu importe si les causes identifiées relèvent d’autres branches du diagramme. Il faut également se demander si les éléments identifiés suffisent à expliquer la cause. L’objectif est de remonter aux causes racines. S’il s’avère possible à ce stade d’identifier les interrelations entre causes, on distingue alors les causes principales des causes secondaires sur le digramme Ishikawa. Sinon nous proposons d’exploiter l’AMDEC processus pour ensuite définir les priorités des causes de façon plus formelle. Cette méthode industrielle quantitative procède en 3 étapes : (1) quantification des modes de défaillances, (2) définition d’un plan d’action correctif (3) suivi du plan. Pour pouvoir hiérarchiser les causes et affecter des priorités de traitement, l’AMDEC préconise de quantifier la sévérité, la fréquence d’apparition et la « détectabilité » du mode de défaillance. La détectabilité traduit le moyen de mesure de l’apparition du défaut avant qu’il ne cause un dysfonctionnement. L’échelle utilisée détermine la probabilité de détection : par exemple s’il y a un contrôle systématique de la transmission du dossier patient au MAR, la détectabilité du défaut « prise de connaissance tardive du dossier patient » sera de 100% . En général on quantifie les trois critères sur une échelle allant de 1 à 10, dont les libellés sont à définir avec les experts du domaine (cf tableau 3). Chaque facteur est ensuite évalué selon sa criticité qui est le produit des trois critères : C = S x F x D, le produit G x F correspondant au risque associé au mode de défaillance. Dans l’industrie, les modes de défaillance ayant une criticité <100 et une sévérité inférieure à 10 sont jugés acceptables. Pour tous les autres modes, un plan d’action est établi qui vise à corriger le processus, avec mise en place d’un suivi du plan d’action choisi. Dans une organisation hospitalière où la sévérité peut être liée à la qualité des soins, il est possible de hiérarchiser différemment les causes. Nous proposons par exemple d’agir sur les causes à risque (SxF > 20) en plus des causes de criticité > 100. Un extrait de l’analyse effectuée pour le TOS est donné dans le Tableau 4.

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Fréquence Cotation

F Sévérité Cotation

S Détection Cotation

D Très basse à basse (entre 1/10 000 et

1/5 000)

1 à 4 Ennui léger (peut affecter le système)

1 Très élevée (9/10) 1

Modérée (autour de 1 / 200)

5-6 Problème systémique léger (peut affecter le patient)

2-3 Elevée (7/10) avant d’atteindre le patient

2-3

Elevée (1 / 100) 7 Problème systémique majeur (peut affecter le

patient)

4-5 Modérée (4 à 5/10) 4-6

Assez élevée (1 / 50) 8 Atteinte mineure du patient 6 Basse (2/10) 7 Très élevée (1 / 20) 9 Atteinte majeure du patient 7 Très faible (1/10) 8

Quasi certaine (> 1/10) 10 Atteinte terminale ou décès du patient

8-9-10 Détection quasi impossible

9-10

Tableau 3. Un exemple de cotation pour les 3 critères d’un mode de défaillance [ref Williams]

Tableau 4. AMDEC réalisée pour le facteur « Organisation des Interventions » ayant un effet sur le TOS

4. Estimation du TOS à partir des variables d’action Compte-tenu de l’analyse précédente, nous avons identifié une liste de variables d’action associées et mesurables, susceptibles d’expliquer le taux d’occupation des salles. Ainsi pour connaître la cause « Grande variabilité de la durée d’intervention » pour une spécialité donnée, nous avons utilisé la variable d’action « durée de l’intervention ». Le TOS est calculé chaque jour pour chaque salle et pour chaque spécialité de l’établissement selon le mode de calcul défini précédemment. L’analyse de données proposée a pour objectif d’expliquer la part des variables d’action sur le TOS. Les variables d’action retenues ici sont : pour chaque jour, la durée moyenne d’intervention, le retard de la première intervention de la journée, la durée d’acheminement du patient en SSPI, le nombre moyen d’actes par intervention, le taux d’interventions non programmées (imprévues et urgentes), la durée moyenne d’enchaînement des interventions, le type de programmation des interventions (courtes, moyennes et longues), la fin « simultanée » d’interventions et l’identité du chirurgien. La méthode de régression multiple permet d'étudier et de mesurer la relation existante entre une variable (Y), dite variable expliquée, et d'autres variables (Xi), dites variables explicatives. Effectuer une régression multiple consiste à se baser sur les données d'un échantillon afin de déterminer une estimation de la relation mathématique entre la variable expliquée et les variables explicatives. La variable expliquée Y est ainsi estimée à partir des n variables explicatives selon l’expression suivante :

Y = a1X1+a2X2+ a3X3+ ……+anXn

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Les coefficients a1, a2, a3, ..an sont à estimer par la méthode de régression multiple. Cette méthode présente l’avantage de pouvoir être généralisée pour trouver le meilleur modèle comportant un sous ensemble de variables parmi les variables explicatives choisies au départ. La régression multiple suppose que les variables explicatives soient de type quantitatif. En présence de variables qualitatives telles que la spécialité ou l’identifiant chirurgien, il est envisageable d'utiliser une transformation binaire disjonctive pour coder une variable qualitative en plusieurs variables pseudo-numériques. Précisément, la méthode d’analyse factorielle des correspondances multiples (AFCM) permet de prendre en compte des variables quantitatives et des variables qualitatives. Les premiers axes factoriels retenus suite à une AFCM peuvent ainsi être utilisés comme variables explicatives du TOS. L’analyse de sensibilité de l’indicateur consiste ensuite à déterminer, quantifier et analyser comment réagissent les sorties d’un modèle à des perturbations sur ses variables d’entrée. Elle informe sur la façon dont se répercutent les incertitudes d’entrée sur la variable de sortie, ici le TOS. Nous nous contentons dans notre travail de modifier les hypothèses en agissant sur les variables d’action et d’observer les conséquences sur le TOS. En étudiant la façon dont la réponse réagit aux variations des variables d’entrée, l’analyse de sensibilité permet de déterminer :

• Si le modèle reflète bien le processus qu’il modélise : une variable de grande importance dans le modèle peut s’avérer comme non influente, le modèle ne reflétera pas correctement le processus. Une modification du modèle sera alors nécessaire.

• Quelles sont les variables qui contribuent le plus à la variabilité de la réponse du modèle : connaissant les variables d’entrée les plus influentes, les erreurs sur la sortie du modèle pourront être diminuées.

• Quelles les variables les moins influentes : ces variables peuvent être considérées déterministes en les résumant par leur espérance.

• Quelles variables sont en interaction : on peut mettre en évidence les relations entre les variables d’entrée et la variable de sortie.

5. Conclusion & Perspectives Dans le cadre du regroupement de plateaux médico-techniques, nous avons apporté un éclairage sur les indicateurs à utiliser pour faciliter le pilotage de ces plateaux. Une démarche de déclinaison d’un indicateur stratégique en variables d’action opérationnelles, qui combine la méthode Ishikawa afin de recenser les causes possibles ayant un effet éventuel sur l’indicateur, et la méthode AMDEC pour ensuite quantifier et hiérarchiser les causes, a été présentée. Par la suite, une méthode d’analyse de données pour l’estimation et l’explication du taux d’occupation des salles a été proposée. Nous avons procédé à l’extraction de données provenant d’un établissement hospitalier partenaire et appliqué notre modèle, mais cette expérimentation n’a pas fourni de résultats intéressants à cause du grand nombre de données manquantes. En effet, la suppression des enregistrements correspondants aux données manquantes a finalement conduit à un taux d’occupation des salles largement inférieur au taux habituel, avec des variables explicatives non représentatives. L’application de la méthode d’analyse a été effectuée au sein du groupe Système d’Information du projet HRP2 (2003-2006) mené avec la région Rhône-Alpes, que nous remercions pour sa participation. Nous envisageons d’obtenir des données plus complètes pour évaluer la pertinence du modèle.

6. Références [1] Construction et utilisation des indicateurs dans le domaine de la santé – Principes généraux. Document ANAES, Mai 2002. [2] Eléments pour évaluer la performance des établissements hospitaliers, Dossiers Solidarité Santé DREES n°2, avril-juin2001 [3] Eddy DM., Performance measurement: problems and solution. Health Aff, 1998, 17: 7-25.

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[4] Clinical Indicators. A user’s manual: surgery indicators. Australian Council on Healthcare Standards, Fitzroy: ACHS, 1997. [4] Rapport de synthèse du Groupe de Travail sur « L’implantation et l’organisation des plateaux techniques » de la DHOS (Direction de l’Hospitalisation et de l’Organisation des Soins) du Ministère de la Santé, Mars 2003, 35 pages. [5] Dexter F., Traub R., and Macario A., “How to Release Allocated Operating Room Time to Increase Efficiency”, Anesthesia & Analgesia , Volume 96, 2, page(s) 507-512, 2003. [6] Williams E., Strahm D., White T., "The Use of Failure Mode Effect and Criticality Analysis In A Medication Error Subcommittee", Hospital Pharmacy, 1994; 29:331-332, 334-337 [7] « Mesure de la performance dans le domaine de la santé», Dr Dominique Baubeau (DREES), Céline Pereira (DREES), 10ème Colloque de Comptabilité Nationale, Paris, janvier 2004