Etude de la nucléation et de la croissance de nanocrsitaux ...

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1 N° d’ordre : 03 ISAL 0045 Année 2003 Thèse Etude de la nucléation et de la croissance de nanocristaux de silicium élaborés par dépôt chimique en phase vapeur pour dispositifs nanoélectroniques Présentée devant L’Institut National des Sciences Appliquées de Lyon Pour obtenir Le grade de docteur Ecole doctorale : Electronique, Electrotechnique, Automatique Formation doctorale : Dispositifs de l'électronique intégrée Par Frédéric Mazen Soutenue le 07 octobre 2003 devant la Commission d’examen Jury Co-directeur Thierry Baron Chargé de recherche CNRS, LTM, Grenoble Daniel Bensahel Ingénieur STMicroelectronics, Crolles Directeur Georges Brémond Professeur, INSA-Lyon Rapporteur Daniel Mathiot Professeur, ULP, Strasbourg Rapporteur Pere Roca i Cabaroccas Directeur de recherche CNRS, LPICM, Palaiseau Marie-Noëlle Séméria Ingénieur CEA, Grenoble Pierre Temple-Boyer Chargé de recheches au CNRS, LAAS, Toulouse Cette thèse a été préparée au Laboratoire de Physique de la matière de l'INSA-Lyon.

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N° d’ordre : 03 ISAL 0045 Année 2003

Thèse

Etude de la nucléation et de la croissance de

nanocristaux de silicium élaborés par dépôt chimique en

phase vapeur pour dispositifs nanoélectroniques

Présentée devant L’Institut National des Sciences Appliquées de Lyon

Pour obtenir

Le grade de docteur

Ecole doctorale : Electronique, Electrotechnique, Automatique Formation doctorale : Dispositifs de l'électronique intégrée

Par

Frédéric Mazen

Soutenue le 07 octobre 2003 devant la Commission d’examen

Jury

Co-directeur Thierry Baron Chargé de recherche CNRS, LTM, Grenoble Daniel Bensahel Ingénieur STMicroelectronics, Crolles Directeur Georges Brémond Professeur, INSA-Lyon Rapporteur Daniel Mathiot Professeur, ULP, Strasbourg Rapporteur Pere Roca i Cabaroccas Directeur de recherche CNRS,LPICM, Palaiseau Marie-Noëlle Séméria Ingénieur CEA, Grenoble Pierre Temple-Boyer Chargé de recheches au CNRS, LAAS, Toulouse

Cette thèse a été préparée au Laboratoire de Physique de la matière de l'INSA-Lyon.

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Remerciements

Tout d'abord, je tiens à remercier Mr Gérard Guillot, responsable du Laboratoire de Physique de la Matière de m'avoir permis de réaliser ce travail. La partie expérimentale de ma thèse a été réalisée au Laboratoire des Traitements Thermiques du Département des Technologies Silicium du CEA LETI. Je remercie son responsable, Marie-Noëlle Séméria, de m'y avoir accueilli et d'avoir mis à ma disposition les outils nécessaires à cette étude. Enfin, je remercie Olivier Joubert, responsable du Laboratoire des Technologies de la Microélectronique de m'avoir accueilli dans son laboratoire pour ma phase de rédaction. Je remercie tous les membres du jury, Daniel Mathiot, Pere Roca i Cabaroccas, Pierre Temple Boyer et Daniel Bensahel qui ont accepté d'évaluer ce travail. Je remercie aussi Georges Brémond, qui a dirigé ces travaux, pour sa disponibilité et sa gentillesse à mon égard. Je remercie tout spécialement Thierry Baron pour tout le temps qu’il m’a consacré et les compétences qu’il m’a transmises. Il a toujours su ménager une ambiance de travail dynamique mais décontractée, m’accordant une grande autonomie de gestion des travaux réalisés tout en étant très présent pour m’aider ou me corriger. Il serait trop long de remercier individuelement toutes les personnes qui ont contribué à cette étude. Aussi je remercie de façon collective tous les personnels du LPM, LTM, L2TI et SCPC pour l'aide qu'ils m'ont apportée (le plus souvent avec bonne humeur). Je tiens tout de même à remercier l'atelier du L2TI dirigé par Jean Marc Tournoud qui a toujours fait face à mes demandes, mêmes les plus tordues, avec beaucoup de compréhension et de professionalisme. Un grand merci spécial pour G. Rabillé pour sa gentillesse et son dynamisme. Merci (dans le désordre) à Jean Michel Hartmann, Nicolas Buffet, Pascal Besson, Pierre Mur, Laurent Mollard, Sébastien Decossas, AbdelKader Souifi, Julien Vitiello, Névine Rochat, Françoise Martin, Hugo Dansas, Barbara De Salvo, Luca Perniola pour leur contribution scientifique et technique à mes travaux. Je remercie enfin tous ceux qui ont contribué à la bonne ambiance dans et en dehors des laboratoires : TB, Buff, Jim, Bozo, Seb, Julien, Lolo, Jeff.... et tous les autres. Enfin, je remercie Marie et ma famille pour leur soutien permanent et les heures passées à la correction du manuscript.

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Table des Matières

Introduction générale.......................................................................................... 7

Chapitre 1 Intérêt des nanocristaux de silicium ............................................ 10

1.1 Intérêt des nc-Si................................................................................................................ 10

1.2 Le transistor à un électron............................................................................................... 11 1.2.1 Principe du blocage de Coulomb ................................................................................ 11 1.2.2 Description et intérêt du dispositif .............................................................................. 14 1.2.3 Caractéristiques nécessaires des nc-Si ........................................................................ 15

1.3 Les mémoires non volatiles granulaires ......................................................................... 15 1.3.1 Intérêt et description du dispositif ............................................................................... 15 1.3.2 Caractéristiques des nc-Si ........................................................................................... 17

1.4 Les méthodes d’élaboration des nc-Si ............................................................................ 18 1.4.1 Précipitation de silicium en excès ............................................................................... 18 1.4.2 Synthèse sous forme d’aérosol.................................................................................... 20 1.4.3 Croissance par CVD.................................................................................................... 21

1.5 Conclusion......................................................................................................................... 21

1.6 Bibliographie..................................................................................................................... 22

Chapitre 2 Techniques expérimentales ........................................................... 24

2.1 Le dépôt chimique en phase vapeur ............................................................................... 24 2.1.1 Généralités................................................................................................................... 24

2.1.1.1 Définition ............................................................................................................. 24 2.1.1.2 Influence des conditions de dépôt sur la vitesse de croissance des couches par CVD ................................................................................................................................. 25 2.1.1.3 Nucléation des films élaborés par CVD............................................................... 27

2.1.1.3.1 Modes de nucléation/croissance.................................................................... 27 2.1.1.3.2 Nucléation 3D ............................................................................................... 27

2.1.2 Le dépôt de silicium par CVD..................................................................................... 28 2.1.2.1 Mécanismes réactionnels...................................................................................... 29 2.1.2.2 Influence des conditions de dépôt sur la structure et la vitesse de croissance du poly-silicium par CVD..................................................................................................... 30 2.1.2.3 Conclusion : conditions de dépôts des nc-Si ........................................................ 32

2.2 Les équipements de dépôt................................................................................................ 33 2.2.1 Le four LP-CVD TEL ................................................................................................. 33 2.2.2 L’EPI Centura 5200 .................................................................................................... 34

2.3 Caractérisation des nc-Si ................................................................................................. 36 2.3.1 La microscopie électronique à balayage ..................................................................... 36 2.3.2 La microscopie à force atomique ................................................................................ 37 2.3.3 La microscopie électronique en transmission ............................................................. 39

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2.3.4 L’ellipsométrie spectroscopique ................................................................................. 40 2.3.5 Conclusion : morphologie des nc-Si ........................................................................... 41

2.4 Conclusion......................................................................................................................... 42

2.5 Bibliographie..................................................................................................................... 43

Chapitre 3 Dépôt de nanocristaux sur SiO2 thermique, Si3N4 et Al2O3........ 45

3.1 Dépôt de nc-Si sur SiO2 thermique................................................................................. 45 3.1.1 Influence du temps de dépôt........................................................................................ 45 3.1.2 Influence de la température de dépôt .......................................................................... 48

3.1.2.1 Influence de la température de dépôt sur les cinétiques de nucléation et de croissance des nc-Si ......................................................................................................... 48 3.1.2.2 Influence de la température de dépôt sur la nucléation des nc-Si ........................ 50

3.1.3 Influence de la pression partielle de SiH4 sur la nucléation des nc-Si ........................ 52 3.1.4 Influence de la co-déposition de gaz dopants.............................................................. 55

3.2 Influence du type de substrat sur la nucléation des nc-Si ............................................ 58 3.2.1 Dépôt de nc-Si sur nitrure de silicium......................................................................... 58 3.2.2 Dépôt de nc-Si sur alumine élaborée par AL-CVD .................................................... 60 3.2.3 Discussion sur l’influence de la nature chimique du substrat sur la nucléation des nc-Si........................................................................................................................................... 61

3.3 Conclusion......................................................................................................................... 63

3.4 Bibliographie..................................................................................................................... 65

Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du substrat de SiO2 sur la nucléation des nanocristaux ............................................................................. 67

4.1 Introduction - but de l’étude ........................................................................................... 67

4.2 Influence de la contrainte dans le SiO2 thermique sur la nucléation des nc-Si .......... 69 4.2.1 Origine et caractérisation de la contrainte dans le SiO2 thermique............................. 69 4.2.2 Influence de la température d’oxydation du SiO2 sur la nucléation des nc-Si............ 71

4.2.2.1 Influence de la température d’oxydation sur la contrainte dans le SiO2 thermique.......................................................................................................................................... 71 4.2.2.2 Influence de la contrainte dans le SiO2 sur la densité de nc-Si ............................ 73 4.2.2.3 Dépôt de fortes densités de nc-Si sur SiO2 contraint............................................ 75

4.2.3 Conclusion et explication de l’influence de la contrainte sur la nucléation des nc-Si 75

4.3 Influence des groupements silanols sur la nucléation des nanocristaux silicium....... 77 4.3.1 Contrôle et mesure de la densité de Si-OH à la surface du SiO2 thermique ............... 77

4.3.1.1 Introduction : généralités sur les groupements silanols ....................................... 77 4.3.1.2 Caractérisation des groupements Si-OH à la surface du SiO2 ............................. 78

4.3.1.2.1 La mesure d’angle de goutte ......................................................................... 78 4.3.1.2.2 La spectrophotométrie infrarouge / dispositif MIR....................................... 79

4.3.1.3 Contrôle de la densité de groupements Si-OH à la surface du SiO2 .................... 81 4.3.1.3.1 Obtention d’une surface de SiO2 fortement hydroxylée ............................... 81 4.3.1.3.2 Contrôle de la densité de groupements silanols ............................................ 84

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4.3.1.4 Estimation quantitative de la densité de groupements silanols ............................ 86 4.3.2 Influence des groupements silanols sur la nucléation des nc-Si ................................. 90

4.3.2.1 Impact des différents traitements chimiques du SiO2 sur la densité de nc-Si ...... 90 4.3.2.2 Influence des Si-OH sur la cinétique de nucléation des nc-Si ............................. 91 4.3.2.3 Influence de la température de dépôt et de la pression partielle de SiH4 sur le dépôt de nc-Si sur SiO2 fortement hydroxylé en surface ................................................. 92 4.3.2.4 Influence de la densité de groupements Si-OH sur la densité de nc-Si................ 93

4.3.3 Discussion sur l’influence des groupements Si-OH sur la nucléation des nc-Si ........ 95 4.3.4 Conclusion................................................................................................................... 96

4.4 Influence de la contamination métallique sur la nucléation des nc-Si ........................ 98 4.4.1 But de l’étude .............................................................................................................. 98 4.4.2 Influence de la contamination métallique sur la nucléation des nc-Si.......................... 99

4.4.2.1 Méthode de contamination de la surface du substrat ........................................... 99 4.4.2.2 Influence des atomes métalliques sur la nucléation des nc-Si ............................. 99

4.5 Conclusion....................................................................................................................... 101

4.6 Bibliographie................................................................................................................... 103

Chapitre 5 Contrôle de la taille des nanocristaux........................................ 106

5.1 Intérêt d’un procédé en deux étapes............................................................................. 106 5.1.1 Dispersion en taille des nc-Si déposés par CVD....................................................... 106 5.1.2 Dissociation de la nucléation et de la croissance des nc-Si....................................... 108

5.1.2.1 Principe : Dépôt de nc-Si par un procédé en deux étapes .................................. 108 5.1.2.2 Croissance sélective du silicium en chimie dichlorosilane ................................ 108

5.2 Elaboration des nc-Si avec un procédé en deux étapes............................................... 109 5.2.1 Contrôle de la taille des nc-Si à densité constante .................................................... 109 5.2.2 Contrôle de la cinétique de croissance des nc-Si en chimie DCS............................. 111

5.2.2.1 Influence de la température de dépôt ................................................................. 111 5.2.2.2 Influence de la pression partielle de DCS .......................................................... 112

5.2.3 Cristallinité des nc-Si élaborés par le procédé en deux étapes.................................. 113 5.2.4 Contrôle de la densité de nc-Si élaborés par le procédé en deux étapes ................... 114

5.3 Etude des premiers instants de la nucléation grâce au procédé de dépôt des nc-Si en deux étapes ............................................................................................................................ 116

5.4 Influence du dépôt en deux étapes sur la dispersion en taille des nc-Si .................... 119

5.5 Elaboration de nanocristaux de germanium ............................................................... 122 5.5.1 Introduction ............................................................................................................... 122 5.5.2 Croissance des nc-Ge : résultats expérimentaux......................................................... 122 5.5.3 Caractérisation structurale des nc-Ge........................................................................ 124

5.6 Conclusion....................................................................................................................... 126

5.7 Bibliographie................................................................................................................... 128

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Chapitre 6 Maîtrise de la disposition des nanocristaux .............................. 130

6.1 Introduction et état de l’art ........................................................................................... 130

6.2 Nano-manipulation des nc-Si avec une pointe AFM................................................... 131 6.2.1 Décollage des nc-Si de la surface du substrat ........................................................... 132 6.2.2 Déplacement collectif des nc-Si en mode contact..................................................... 134 6.2.3 Déplacement d’un nc-Si individuel........................................................................... 136

6.3 Modification locale du substrat de SiO2 par un faisceau d’électrons........................ 137 6.3.1 Influence d’un faisceau d’électron sur le SiO2.......................................................... 137

6.3.1.1 Etude bibliographique ........................................................................................ 137 6.3.1.2 Imagerie d’une zone irradiée.............................................................................. 138

6.3.2 Dépôt de nc-Si sur une surface de SiO2 localement modifiée par un faisceau d’électrons .......................................................................................................................... 141 6.3.3 Influence de la dose sur la sélectivité........................................................................ 143 6.3.4 Limitations rencontrées et perspectives .................................................................... 144

6.4 Conclusion....................................................................................................................... 145

6.5 Bibliographie................................................................................................................... 147

Chapitre 7 Caractérisations électriques des nanocristaux.......................... 149

7.1 Etude des propriétés électriques des nc-Si par microscopie à sonde locale.............. 149 7.1.1 Etude des nc-Si par Scanning Capacitance Microscopy (SCM) ............................... 150

7.1.1.1 Principe de la mesure ......................................................................................... 150 7.1.1.2 Résultats sur des échantillons de nc-Si recouverts de SiO2 déposé ................... 150 7.1.1.3 Résultats sur des nc-Si oxydés thermiquement .................................................. 152

7.1.2 Etude des nc-Si par "Electrostatic Force Microscopy" (EFM) ................................. 154 7.1.2.1 Principe de la mesure ......................................................................................... 154 7.1.2.2 Résultats et perspectives..................................................................................... 155

7.2 Intégration de nc-Si dans des dispositifs ...................................................................... 157 7.2.1 Intégration des nc-Si dans des transistors à "un électron"......................................... 157 7.2.2 Mémoires flash à nanocristaux.................................................................................. 159

7.2.2.1 Les mémoires Flash industrielles ....................................................................... 159 7.2.2.2 Performances des mémoires à nc-Si................................................................... 160 7.2.2.3 Influence de la densité de nc-Si sur la dispersion de ∆Vt .................................. 163 7.2.2.4 Réalisation de cellules mémoires à deux bits..................................................... 165

7.3 Conclusion....................................................................................................................... 166

7.4 Bibliographie................................................................................................................... 167

Conclusion générale ........................................................................................ 169

Publications...................................................................................................... 171

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Introduction générale

Les dimensions des circuits micro-électroniques diminuent continuellement depuis une quarantaine d’années. Ainsi, en production, la taille minimale des motifs est actuellement de l’ordre d’une centaine de nanomètres. Cette évolution devrait se poursuivre dans le futur pour parvenir au degré ultime de la miniaturisation : l’électronique quantique et l’électronique moléculaire.

D’ici là, des solutions devront permettre de repousser les limites physiques et technologiques rencontrées par la microélectronique silicium. Il est probable qu’à court ou moyen terme, les dispositifs électroniques mettront en jeu des nanostructures semiconductrices. En effet, d’une part, leurs propriétés spécifiques, tel le blocage de Coulomb, seront mises à profit pour concevoir une électronique dont le opérations ne mettront en jeu qu’un ou quelques électrons. D’autre part, dans un premier temps, ils permettront de repousser les limites de certains dispositifs, comme les mémoires non volatiles par exemple.

Cependant, pour être intégrées avec succès, ces nanostructures doivent avoir des caractéristiques contrôlées :

• leur taille doit être inférieure à une dizaine de nanomètres. • leur densité, suivant les applications, doit varier entre quelques 1011 et quelques

1012 /cm². • pour certaines applications, leur disposition doit être régulière.

Evolution de la taille caractéristique des dispositifs électroniques au cours des quarante dernièresannées et prévision pour les quarante années à venir.

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La taille de ces nanostructures est largement inférieure aux limites de résolution des techniques de lithographie optique. Elle est même à la limite de résolution de la lithographie électronique qui, de toute façon, n’est pas actuellement envisageable pour une production de masse. Ainsi, depuis quelques années, de plus en plus de travaux s’orientent vers la synthèse de nanostructures auto-assemblées, dont les caractéristiques sont contrôlées uniquement par leurs conditions de synthèse.

Dans ce contexte, l’INSA-Lyon, le CNRS et le LETI ont mis en place un projet dont le

but est la réalisation de dispositifs fonctionnels incluant des nanocristaux de silicium (nc-Si) élaborés par dépôt chimique en phase vapeur (CVD). Ce travail de thèse s’inscrit au cœur de ce projet puisqu’il s’agit d’étudier les paramètres expérimentaux qui permettent de contrôler les caractéristiques des nc-Si.

Le premier chapitre de ce rapport est dédié à la présentation des dispositifs dans

lesquels pourront être intégrés les nc-Si. Pour chacun d’eux, nous préciserons les caractéristiques morphologiques requises pour les nc-Si : taille, densité et organisation.

Le deuxième chapitre développe l'ensemble des techniques expérimentales utilisées

pour l’élaboration et la caractérisation morphologiques des nc-Si. A partir d’une étude bibliographique sur la CVD du silicium, nous déterminerons les conditions favorables pour la croissance des nc-Si. Puis nous décrirons les caractéristiques des équipements de dépôt dans lesquels les nc-Si ont été élaborés. Enfin, nous comparerons les résultats fournis par les différentes techniques de caractérisation des nc-Si.

Dans les chapitres 3 à 6, nous présentons les résultats expérimentaux obtenus au cours

de ce travail. Dans le chapitre 3, nous étudions tout d’abord l’influence des conditions de dépôt, pression et température, sur la nucléation et la croissance des nc-Si. Une étude générale sera faite sur le SiO2 thermique. Puis nous comparerons ces résultats avec ceux obtenus sur deux autres diélectriques : l’Al2O3 et le Si3N4.

Dans le chapitre 4, nous nous focalisons plus particulièrement sur l’influence des

propriétés chimiques de la surface du SiO2 thermique sur la nucléation des nc-Si. Nous étudions l’effet de deux paramètres :

• l’état de contrainte du SiO2 sur lequel est réalisé le dépôt. • la densité de groupements silanols (Si-OH) à la surface du SiO2 thermique.

Le chapitre 5 concerne nos études pour améliorer le contrôle de la taille des nc-Si. Pour

ce faire, nous présentons un procédé de dépôt en deux étapes qui permet de contrôler de façon

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séparée la densité et la taille des nc-Si. Nous verrons aussi que ce type de procédé peut être étendu à la synthèse de nanocristaux de Germanium.

Le chapitre 6 concerne des études prospectives sur le contrôle de la disposition des nc-

Si. Nous avons envisagé deux voies : • la manipulation des nc-Si par une pointe de microscope à force atomique. • la modification locale de substrat par un faisceau d’électrons avant le dépôt de

nc-Si. Enfin, dans le chapitre 7, nous présentons des résultats de caractérisation électrique sur

des échantillons contenant des nc-Si élaborés avec des procédés développés dans le cadre de ce travail. Nous commencerons par l’étude, avec des modes électriques dérivés de la microscopie à force atomique, des propriétés électriques d’un ou de quelques nanocristaux. Ensuite, nous verrons que la nano-manipulation peut être utilisée dans des dispositifs conçus pour étudier le transport du courant dans une chaîne de nc-Si. Dans un dernier temps, nous présenterons les caractéristiques électriques de cellules mémoires de type industriel dans lesquelles sont intégrés les nc-Si. Enfin, nous mettrons en évidence l’influence des caractéristiques morphologiques des nc-Si sur les performances de ces dispositifs.

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Chapitre 1 Intérêt des nanocristaux de silicium

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Chapitre 1 Intérêt des nanocristaux de silicium

1.1 Intérêt des nc-Si

Durant ces quarante dernières années, les techniques de fabrication en micro-électronique ont fait des progrès extrêmement rapides. Ainsi, le nombre de transistors est passé d’environ un millier à plusieurs millions par puce, permettant une très forte augmentation des performances et des fonctionnalités des dispositifs microélectroniques. Cette évolution a été basée sur la diminution constante des dimensions de la brique de base des circuits microélectroniques : le transistor MOS (Metal Oxide Semiconductor). Elle a impliqué des progrès des technologies de fabrication en micro-électronique : élaboration des matériaux, lithographie, gravure....

Actuellement, en production, la taille minimale des motifs est de l’ordre de la centaine de nanomètres. Elle sera de l’ordre de la dizaine de nanomètres dans une ou deux décennies si la diminution de la taille des motifs se poursuit au même rythme [ITR 01]. A cette échelle, des limites physiques fondamentales pourront empêcher le fonctionnement du transistor MOS : fuites par effet tunnel au travers des oxydes de grille, fluctuations du nombre de dopants dans le canal... etc. Pour des tailles aussi faibles, il sera probablement nécessaire de réaliser des composants, fonctionnant avec un nombre réduit et fixe d’électrons.

Dans ce contexte, une des solutions les plus prometteuses est la réalisation de dispositifs à blocage de coulomb. Ces dispositifs sont basés sur le fait que l’addition d’un électron dans un îlot semi-conducteur de taille nanométrique modifie significativement son potentiel électrique. Cet effet pourrait être utilisé pour concevoir des dispositifs dont les opérations ne mettent en jeu qu’un ou quelques électrons.

Dans ce chapitre, nous présentons tout d’abord de façon qualitative le blocage de

coulomb. Puis nous expliquerons comment cet effet peut être utilisé pour réaliser les dispositifs nanoélectroniques du futur. Notamment, le transistor à un électron qui permettra d’effectuer toutes les opérations logiques en ne mettant en jeu qu’un ou quelques électrons.

A court terme, les nanocristaux de silicium (nc-Si) seront probablement utilisés pour

repousser les limites des cellules mémoires non volatiles. En effet, les nc-Si permettront de discrétiser la charge stockée dans la grille flottante et ainsi d’améliorer la fiabilité de ces composants.

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Chapitre 1 Intérêt des nanocristaux de silicium

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Nous insistons sur les caractéristiques que doivent vérifier les îlots, dans le cas où ils sont en silicium, pour permettre un fonctionnement reproductible de ces différents composants.

1.2 Le transistor à un électron

1.2.1 Principe du blocage de Coulomb

L’effet de blocage de Coulomb a été mis en évidence en 1951 par Gorter [Gor 51] : il a observé des anomalies dans la conduction de films métalliques très fins. Ces anomalies peuvent être expliquées par le blocage de Coulomb si l’on considère ces films comme des réseaux d’îlots métalliques séparés les uns des autres par des barrières tunnel.

Nous allons donner ici une explication qualitative du phénomène de blocage de Coulomb, mais suffisante pour comprendre ses applications potentielles. Pour une description théorique de ce phénomène, on pourra se reporter à l’ouvrage de Grabert et Devoret [Grab 93], à l’article "revue" de K.Likharev [Lik 99] ou aux thèses de C. Busseret [Bus 01] et Y.M. Niquet [Niq 99].

Un des dispositifs les plus simples permettant d’étudier le blocage de Coulomb est

représenté sur la figure 1.1. Un îlot métallique est isolé de deux électrodes par deux barrières tunnel.

Dans le cas idéal à T = 0 K : si l’on applique une différence de potentiel Vds entre la source et le drain, les niveaux de Fermi relatifs Es, Ei, Ed dans la source, l’îlot et le drain autorisent le passage d’un électron de la source vers l’îlot puis de l’îlot vers le drain.

Figure 1.1 : Dispositif simple dans lequel le blocage de Coulomb peut être observé. Représentations schématiques électrique et énergétique du dispositif.

Modélisation énergétique

Diélectrique

Drain Source

E sE d

E i

Barrière tunnel

Vs Vd

C T C T Modélisation électrique

îlot

Barrières tunnel

E sE d

E i

Barrière tunnel

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Chapitre 1 Intérêt des nanocristaux de silicium

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Tc C

eE2

²=

La variation d’énergie électrostatique qui résulte du passage d’un électron de la source

dans l’îlot est : Le niveau de Fermi dans l’îlot remonte donc de l’énergie de charge (ou de Coulomb)

Ec. • Si l’énergie fournie au système e × Vds est inférieure à EC, le transfert d’un électron

entraîne une montée du niveau de Fermi dans l’îlot au dessus de celui de la source. L’électron est alors refoulé dans la source comme le montre la figure 1.2.a).

• Si e × Vds est supérieure à EC, l’électron est transféré dans l’îlot, puis dans le drain, comme le montre la figure 1.2.b).

Ainsi, lorsque la tension de polarisation augmente, le courant tunnel ne devient différent de 0 que lorsque Vds > e/2CT comme cela est représenté sur la courbe courant/tension de la figure 1.2.c). C’est cet effet de suppression de la conduction tunnel qui est connu sous le nom de blocage de Coulomb.

Figure 1.2 : a) Suppression de conduction tunnel par blocage de coulomb. b) Quand l’énergie fournie par le système est supérieure à Ec, le courant peut passer de la source vers le drain via l’îlot. c) Courbe courant/tension caractéristique de ce dispositif. Le courant tunnel est égal à 0 tant que ⏐e×Vds⏐ < Ec.

E Coulomb > eV dseV ds eVds

e -

+EC

eVdse-

E Coulomb< eV ds

eV ds e - eVds

e-eVds

+EC

E Coulomb > eV dsds eVds

e -

+EC

eVdse-

E Coulomb< eV ds

eV ds e - eVds

e-eVds

+EC

Vds

Ids

e/ 2CT

-e/ 2CT

Vds

Ids

e/ 2CT

-e/ 2CT

a)

b)

eV

c)

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Chapitre 1 Intérêt des nanocristaux de silicium

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kT RR >>

A T ≠ 0 K : à cause des fluctuations thermiques, les niveaux énergétiques sont

partiellement occupés dans un intervalle de quelques kBT autour du niveau de Fermi (avec kB le constante de Boltzmann). Pour que le blocage de Coulomb soit significatif, il faut donc que l’énergie de Coulomb soit largement supérieure à l’énergie des fluctuations thermiques :

Ec>>kBT Cela implique une capacité de l’îlot extrêmement faible, de l’ordre de quelques atoFarad

car la capacité totale de l'îlot est proportionnelle au carré de sa taille. En effet, on peut considérer que la capacité des jonctions tunnels qui peut être exprimée par :

où εr est la permittivité du milieu environnant , 4πL² la surface de l’îlot et tox l’épaisseur de la barrière tunnel [Pal 00]. Pour que cette condition soit vérifiée, la taille des îlots doit être extrêmement réduite. A titre d’exemple, nous fixons la condition Ec > 5kBT (kBT = 26 meV à température ambiante) et des barrières tunnels en SiO2 de deux nanomètres d’épaisseur. Dans le cas d’îlots métalliques, pour observer du blocage de Coulomb à l’ambiante, les îlots doivent avoir une taille de l’ordre du nanomètre. Dans le cas d’îlots semi conducteurs, des effets, qui sont négligeables pour les îlots métalliques de même taille, déplacent le niveau de Fermi de l’îlot vers les hautes énergies : confinement quantique, polarisation propre, et interaction avec d’autres charges éventuellement présentent dans l’îlot [Bus 01]. Ces effets peuvent être associés à une capacité quantique CQ et la condition de conduction devient alors :

Pour un îlot en silicium, le rôle de la capacité quantique est aussi important que celui de l’énergie de charge et dans ce cas, pour observer du blocage de coulomb à l’ambiante, les îlots doivent avoir une taille inférieure à 12 nm [Bus 01].

D’autre part, le blocage de Coulomb n’est observable que si les électrons sont localisés

dans l’îlot. Une deuxième condition pour observer le blocage de Coulomb est donc que les résistances tunnel des deux jonctions RT soient supérieures au quantum de résistance Rk :

Cette condition reflète le fait que les barrières tunnel doivent être assez hautes pour empêcher le passage spontané des électrons entre l’îlot et les électrodes.

4πε0εrL²CT = tox

2CT

eV >

CQ

e+

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Chapitre 1 Intérêt des nanocristaux de silicium

14

1.2.2 Description et intérêt du dispositif

Un schéma simplifié d’un transistor à un électron (ou SET pour " Single Electron Transistor ") est présenté sur la figure 1.3. Il s’agit du même dispositif que celui décrit au paragraphe précédent, mais une électrode de grille permet de polariser l’îlot, modifiant ainsi ses niveaux énergétiques. Ainsi, l’électrode de grille permet de commander le courant à travers le dispositif. Il y a trois états de fonctionnement du dispositif :

• Zone de blocage de Coulomb : à tension de grille constante, la condition de blocage est :

)2/( GTds CCeV +< avec CG la capacité de la grille.

• Régime ohmique : il apparaît quand la tension Vds est suffisante pour que la conduction ait lieu. Dans ce cas, pour qu’un deuxième électron puisse atteindre l’îlot, il est nécessaire que le premier parte vers le drain. Ce contrôle du courant, électron par électron, a donné son nom au transistor à un électron.

• Le régime débloqué par la grille : Il est basé sur le régime bloqué. La différence provient d’une polarisation de la grille qui abaisse le niveau de Fermi dans l’îlot et permet le passage d’un électron de la grille vers le drain. On peut montrer que la caractéristique Id(Vg) présente des variations périodiques de conductance de période e/CG.

Le transistor se comporte donc comme un transistor à effet de champ dans lequel le courant drain/source s’écoule électron par électron.

Source Drain

Grillenm

Source Drain

Grillenm

eVdse- Χ eVdse- Χ

e-

eVds

e-

eVds

eVdse-eVdse-

Régime bloqué Régime ohmique Régime débloqué par la grille

Figure 1.3 : Représentation schématique d’un SET et de ses trois régimes de fonctionnement.

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Chapitre 1 Intérêt des nanocristaux de silicium

15

Bien que de grandes difficultés, notamment d’ordre technologique, subsistent, le champ d’application du SET est potentiellement extrêmement large puisqu’il devrait permettre, à long terme, de réaliser toutes les opérations logiques réalisées actuellement avec le MOSFET.

Ce type de dispositif a suscité un intérêt croissant ces dernières années et des SET à îlots métalliques et semiconducteurs ont été réalisés dans les laboratoires de recherche [Cho 00][Mat 96]. Cependant, pour l’instant, il n’est pas prouvé que cette voie puisse offrir des débouchés industriels à moyen ou à long terme. Néanmoins, les SET sont des dispositifs intéressants pour améliorer la compréhension des propriétés physiques du silicium à l’échelle nanométrique.

1.2.3 Caractéristiques nécessaires des nc-Si

Dans ce paragraphe, nous allons donner les caractéristiques principales que doivent avoir les îlots pour que les transistors à un électron puissent fonctionner. Nous nous limitons au cas où les îlots sont des nanocristaux de silicium (nc-Si).

Pour présenter du blocage de Coulomb à l’ambiante, les nc-Si doivent avoir un diamètre

inférieur à 10 nm et être séparés entre eux et des électrodes par des barrières tunnel suffisamment hautes pour vérifier la deuxième conditions d'observation du blocage de Coulomb.

Il est probable que, contrairement au cas idéal présenté sur la figure 1.3, le canal soit constitué par une chaîne de nc-Si. Pour espérer une conduction par effet tunnel au travers cette chaîne, il faut que les nc-Si soient séparés les uns des autres par une barrière tunnel de SiO2 de l'ordre de 2 nm de large. Par exemple, pour des nc-Si de 5 nm de diamètre, cette condition conduit à une densité de 3×1012 nc-Si /cm² [Pal 00]. Il faut donc que la densité de nc-Si soit extrêmement élevée.

Pour la même raison, un fonctionnement reproductible de ces dispositifs implique que les nc-Si soient régulièrement disposés à la surface du substrat.

1.3 Les mémoires non volatiles granulaires

1.3.1 Intérêt et description du dispositif

La figure 1.4 montre une représentation schématique des cellules mémoires flash conventionnelles. Dans ce type de dispositif, l’information est stockée dans une grille flottante, formée d’une couche de poly-silicium entourée de diélectrique. Cette grille flottante est localisée entre le canal et la grille d’un transistor à effet de champ. L’écriture se fait par l’injection d’électrons "chauds" ou par effet Fowler Nordheim depuis le canal et l’effacement s’effectue par effet Fowler Nordheim de la grille flottante vers le canal. L’effet mémoire est dû au fait que la tension de seuil du transistor est proportionnelle au nombre de charges

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Chapitre 1 Intérêt des nanocristaux de silicium

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stockées dans la grille flottante. Ainsi l’état " 0 " correspond à une grille flottante déchargée et l’état " 1 " à une grille flottante chargée.

En 1995, Tiwari et. al [Tiw 95] ont proposé de remplacer la grille flottante en poly-silicium par une couche de nanocristaux de silicium isolés les uns des autres. Une mémoire non volatile à nc-Si, ainsi que des schémas énergétiques correspondant aux phases d’écriture, de lecture et d’effacement, sont représentés sur la figure 1.5.

Le remplacement de la grille flottante continue par une grille flottante granulaire a potentiellement de nombreux avantages [Bla 02]. Tout d’abord, dans les mémoires classiques, l’isolation de la grille flottante est un point critique. En effet, toute l’information étant contenue dans la couche continue de poly-silicium, un seul défaut dans l’oxyde tunnel peut entraîner la perte complète de l’information : toutes les charges s’écoulant de la grille flottante

DrainSource

Grille

DrainSource

Grille

Figure 1.5 : Mémoire non volatile à grille flottante granulaire et schéma énergétique des opérationsd’écriture, de lecture et d’effacement [Tiw 95].

Figure 1.4: Cellule mémoire à grille flottante en poly-silicium. Caractéristique électrique courant drain-source (IDS) en fonction de la tension grille-source (VGS) montrant le décalage de tension de seuil ∆Vt suivant si la grille flottante est chargée ou non.

∆Vt

Tension de lecture

IDS

DrainSource

Grille

DrainSource

Grille Poly-Si

Isolant

VGS

Q = 0 Q ≠ 0

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Chapitre 1 Intérêt des nanocristaux de silicium

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vers le substrat, via le défaut. Au contraire, dans le cas d’une grille flottante constituée de nanocristaux isolés les uns des autres, le même défaut entraînera le déchargement d’un nombre réduit de nc-Si. Cela ne modifiera pas de façon significative le nombre de charges présentes dans le grille flottante et par là même ne changera pas l’état de la mémoire. D’autre part, dans le cas de cellules mémoires classiques, l’oxyde de grille doit être suffisamment fin pour que les opérations d’écriture/effacement soient rapides et réalisables à des tensions et des puissances basses. D’un autre côté, cet oxyde doit être suffisamment épais pour que la charge stockée le reste pour des périodes de un à dix ans et pour que l’oxyde résiste à des stress répétés dus aux cycles écriture/effacement. Pour satisfaire à ces deux conditions, l’épaisseur de l’oxyde tunnel est fixée par les fabricants entre 5 et 10 nanomètres. Ainsi, alors que les autres dimensions des dispositifs diminuent continuellement, celle ci est difficile à réduire. Les mémoires à nc-Si peuvent fonctionner avec des oxydes de grille nettement plus fins car nous avons vu qu’elles sont plus tolérantes vis-à-vis de défauts dans l’oxyde.

Un autre avantage potentiel des mémoires à nc-Si est qu’elles peuvent avoir plusieurs niveaux de stockage : chaque niveau correspondant à un électron supplémentaire dans les nc-Si. Cela pourrait permettre de stocker plusieurs bits d’information par dispositif.

Si le développement des transistors à un électron en est encore à un stade très

prospectif, les mémoires à nc-Si sont, quant à elles, beaucoup plus matures. Ainsi des démonstrateurs ont déjà été produits par des industriels [Mot 03]. Ce type de mémoire pourrait être commercialisé à court terme. Cela est probablement dû au fait que, comme nous allons le voir ci-après, la maîtrise technologique requise pour l’élaboration des nc-Si est moins contraignante dans le cas des cellules mémoires que pour les transistors à un électron.

1.3.2 Caractéristiques des nc-Si

Dans ce paragraphe, nous allons donner les caractéristiques principales que doivent avoir les nanostructures pour que les dispositifs mémoires présentés ci-dessus puissent fonctionner. Nous nous limitons au cas où la grille flottante est constituée de nanocristaux de silicium (nc-Si).

Pour une question de fiabilité décrite au paragraphe précédent, l’utilisation d’une grille

flottante granulaire est avantageuse même si les propriétés de blocage de Coulomb des nc-Si ne sont pas utilisées. A court terme, l’intérêt principal de ces dispositifs est donc le stockage de charges dans des pièges discrets. La limitation de la taille des nc-Si à 10 nanomètres n’est donc pas une condition nécessaire.

Dans les mémoires à grille flottante granulaire, le paramètre le plus important est le taux

de couverture qui est égal au pourcentage de la surface de l’oxyde de grille recouverte par les

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Chapitre 1 Intérêt des nanocristaux de silicium

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nc-Si. C’est lui qui va fixer la valeur du décalage de la tension de seuil ∆vt : plus le taux de couverture est important, plus le décalage de tension de seuil est élevé. Cependant, une autre contrainte est que les nc-Si doivent être isolés électriquement les uns des autres. Il faut donc qu’ils soient séparés d’une épaisseur d’oxyde au moins égale à deux ou trois nanomètres. Un compromis compatible avec ces deux conditions est que le taux de couverture varie entre 30 et 40 %. Cela correspond à des densités de nc-Si variant entre 1011 et 1012 nc-Si/cm², et des tailles de nc-Si variant (en sens inverse) entre 10 et 5 nm. Avec des nc-Si ayant ces caractéristiques, des décalages de tension de seuil compatibles avec les applications industrielles peuvent être atteints [Tiw 96].

La surface du canal contrôlé par les nc-Si, varie approximativement entre (65×65) nm²

et (100×100) nm². La répartition des nc-Si doit donc être homogène à cette échelle. En effet, des fluctuations de densité de nc-Si peuvent entraîner des fluctuations de ∆vt d’un dispositif à l’autre. Nous verrons, au chapitre 7, que plus la cellule mémoire est petite, plus la densité de nc-Si doit être élevée. Le cas idéal où les nc-Si sont disposés régulièrement à la surface du substrat, est certes favorable, mais pas nécessaire pour cette application. Il le deviendra quand la taille des cellules mémoires deviendra si petite que le nombre de nc-Si mis en jeu sera très réduit.

De même, la dispersion en taille doit être la plus faible possible car le nombre de charges stockées dans les îlots est lié à leur taille.

1.4 Les méthodes d’élaboration des nc-Si

Comme nous l’avons vu, quelle que soit l’application visée, les nc-Si doivent avoir des caractéristiques morphologiques maîtrisées. Les dimensions de nc-Si requises sont, pour le moment, inaccessibles aux procédés lithographie/gravure utilisés pour fabriquer les circuits microélectroniques. Aussi, les caractéristiques des nc-Si sont uniquement contrôlées par leurs conditions de synthèse : les nc-Si sont "auto-assemblés". Pour des applications industrielles, ils doivent être préférentiellement élaborés par des méthodes compatibles avec la technologie microélectronique. Nous allons présenter trois des méthodes d’élaboration les plus utilisées pour fabriquer ces nc-Si, en insistant, pour chacune, sur les avantages et les inconvénients qu’elles procurent.

1.4.1 Précipitation de silicium en excès

La démixtion de silicium à partir d’oxyde de silicium enrichi en silicium (SiOx avec x<2) est une méthode largement employée pour élaborer des nc-Si isolés les uns des autres. Le SiOx peut être obtenu par deux techniques :

• Implantation basse énergie de silicium dans du SiO2 [Lop 02].

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Chapitre 1 Intérêt des nanocristaux de silicium

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• Dépôt direct par CVD [Yun 00] [Buf 02]. Dans ce cas, le SiOx est déposé à partir d’un mélange SiH4 ou SiH2Cl2 /N2O. La valeur de x est contrôlée par le ratio du débit des gaz de ces deux précurseurs.

La précipitation des nc-Si a lieu pendant des traitements thermiques subis par la couche de SiOx comme le montre la figure 1.6. La taille et la densité (volumique dans ce cas) des nc-Si sont contrôlées par l’enrichissement de la couche en silicium, la température et la longueur des recuits de démixtion.

Les avantages de cette technique sont sa simplicité et le fait qu’elle soit réalisable avec

les équipements utilisés actuellement pour la technologie microélectronique (notamment la méthode CVD).

Par contre, elle est pénalisée par le budget thermique qu’elle requiert : les recuits de démixtion sont généralement effectués à haute température (1000°C) et peuvent être longs. D’autre part, il est délicat de contrôler la morphologie des nc-Si et les nc-Si élaborés par cette méthode sont probablement entourés de sous-oxydes aux propriétés électriques aléatoires. De plus, la nucléation des nc-Si ayant lieu dans le volume de la couche déposée, la distance entre les nc-Si et le canal est difficile à maîtriser et probablement peu homogène. Cette limitation est surtout importante dans le cas de couches de SiOx déposées par CVD. En effet, dans le cas du silicium implanté, la profondeur d'implantation peut être maîtrisée avec une bonne précision. Enfin, la distribution en taille des nc-Si est large. Un exemple d’image de microscopie électronique en transmission de nc-Si obtenus par cette méthode est présenté sur la figure 1.6.

(1 - x2

) Si + x2

SiO 2

= atomes de Silicium= atomes d’Oxygène Nanocristaux de Silicium

SiO x

Figure 1.6 : Représentation schématique de la démixtion du silicium pendant un recuit d’une couchede SiOx. Image TEM de nc-Si élaborés par CVD à partir de SiH2Cl2/N2O. Echantillon réalisé parN.Buffet.

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Chapitre 1 Intérêt des nanocristaux de silicium

20

1.4.2 Synthèse sous forme d’aérosol

La synthèse sous forme d’aérosol est une technique particulièrement intéressante pour l'élaboration de nc-Si. C’est un procédé en trois étapes :

1. Les nc-Si sont élaborés en phase homogène par pyrolyse de silane à haute température [Ost 02][Boe 00]. La taille des nc-Si est contrôlée par la température d’élaboration, la concentration de silane dans la phase gazeuse et le temps de résidence dans le réacteur.

2. Ensuite, ils sont transférés en vol dans une chambre d’oxydation. Là, ils sont oxydés thermiquement sur une épaisseur variable, entre 1.5 et 2 nm, suivant les conditions.

3. Ils sont finalement déposés sur le substrat. Les auteurs montrent que l’on peut former une monocouche dense de nc-Si, sans former d’agrégats (figure 1.7).

La taille des nc-Si est contrôlable à partir de 3 nm. Un des points forts de cette technique est que la formation des nc-Si et leur dépôt sur le substrat sont dissociés, ce qui permet de déposer la quantité souhaitée de nc-Si. Ainsi, on peut atteindre des densités très élevées (voisine de 1013 nc-Si)/cm². Récemment, une machine de dépôt fonctionnant avec des wafers de 200 mm a été développée, ce qui renforce encore l’intérêt de cette technique car cela prouve sa compatibilité avec la filière microélectronique [Ost 02].

Figure 1.7 : Image de microscopie électronique à transmission de nc-Si élaborés sous forme d’aérosol. Les nc-Si sont déposés sur du SiO2. La densité de nc-Si est extrêmement élevée : 6×1012 nc-Si/cm² [Ost 02].

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Chapitre 1 Intérêt des nanocristaux de silicium

21

1.4.3 Croissance par CVD

Il a été montré que des îlots de silicium cristallins de taille nanométrique se forment par CVD pendant les premiers instants de croissance d’un film de poly-silicium sur SiO2 par CVD [Nak 96] en chimie silane.

Cette technique est prometteuse car elle est réalisable avec les équipements déjà utilisés en production pour déposer le poly-silicium. De plus, les températures de dépôt, proches de 600°C, sont les mêmes que pour le poly-silicium. En outre, la densité et la taille des nc-Si peuvent être contrôlées par les conditions de dépôts : pression et température mais aussi par les propriétés chimiques du substrat [Mya 00] [Bar 00].

Cependant, au début de ce travail, les densités de nc-Si atteintes étaient faibles pour les applications visées : quelques 1011 nc-Si/cm² sur SiO2 [Mya 00]. De plus, il était nécessaire d’améliorer le contrôle de la formation de ces nc-Si pour envisager leur intégration dans des dispositifs fonctionnels. C'était le but de ce travail de thèse.

1.5 Conclusion

Au cours de cette introduction, nous avons montré le potentiel des nc-Si pour la réalisation des dispositifs nanoélectroniques du futur.

En effet, ils pourraient être utilisés pour réaliser des SET. L’objectif est de taille : jouer un rôle complémentaire au transistor MOS pour les dispositifs de très faibles dimensions (10 nm). A plus court terme, les nc-Si sont envisagés pour des applications mémoires. En effet, ils peuvent être intégrés à des structures traditionnelles, notamment en remplacement de la grille flottante en polysilicium dans les mémoires flash.

Néanmoins pour que ces dispositifs puissent fonctionner, il faut que les caractéristiques

morphologiques et physiques de ces nc-Si soient parfaitement contrôlées : • Taille (et dispersion en taille) • Densité (et homogénéité) • Localisation (pour le SET) • Qualité structurale • ……..

Les tailles de nc-Si requises sont, pour le moment, inaccessibles aux procédés de

lithographie/gravure. Le contrôle de ces paramètres est donc réalisé uniquement par la maîtrise des conditions de synthèse des nc-Si. Dans ce travail de thèse, nous allons étudier la synthèse des nc-Si par une technique qui présente l’avantage décisif d’être parfaitement compatible avec la technologie microélectronique : le dépôt chimique en phase vapeur.

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Chapitre 1 Intérêt des nanocristaux de silicium

22

1.6 Bibliographie

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Chapitre 1 Intérêt des nanocristaux de silicium

23

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Chapitre 2 Techniques expérimentales

24

Chapitre 2 Techniques expérimentales

Dans ce chapitre, nous allons présenter les techniques que nous avons employées pour élaborer et caractériser les nc-Si.

2.1 Le dépôt chimique en phase vapeur

Dans ce paragraphe, nous allons présenter la méthode utilisée pour élaborer les nc-Si : le dépôt chimique en phase vapeur (ou CVD pour Chemical Vapor Deposition). Nous nous intéresserons particulièrement au processus de nucléation des couches élaborées par cette technique. Les nc-Si correspondent au premier stade de la formation d’une couche de silicium poly-cristallin sur un isolant. Nous partirons donc de résultats de la littérature sur la croissance du silicium par CVD pour déterminer les conditions de dépôt favorables pour la croissance des nc-Si. Enfin, nous présenterons nos résultats sur l’influence des conditions de procédé sur la nucléation des nc-Si sur SiO2 thermique.

2.1.1 Généralités

2.1.1.1 Définition

Définition : le dépôt chimique en phase vapeur ou CVD (Chemical Vapor Deposition) est un procédé par lequel un film solide est synthétisé par une réaction chimique à partir de la phase gazeuse [Hit 93].

Dans la pratique, le dépôt chimique à partir d’une phase gazeuse consiste à introduire dans

une enceinte de dépôt un mélange de composés gazeux, précurseurs du matériau à déposer, qui vont réagir sur un substrat. Le résultat de ces réactions chimiques est le dépôt d’une phase solide à la surface du substrat et la production de résidus gazeux, qui sont évacués hors de l’enceinte.

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Chapitre 2 Techniques expérimentales

25

L’ensemble des étapes élémentaires qui peuvent intervenir lors d’un procédé de dépôt chimique en phase vapeur peut être décrit par la séquence suivante [Hit 93][Pie 92 ][Fel 97] (figure 2.1) :

• Transport de la matière dans la phase gazeuse depuis l’entrée du réacteur jusqu’à proximité du substrat.

• Réactions chimiques en phase gazeuse conduisant à la formation de précurseurs et de résidus.

• Transport de ces précurseurs jusqu’à la surface du substrat. • Adsorption des précurseurs sur la surface du substrat. • Diffusion des précurseurs à la surface jusqu’au site de croissance. • Incorporation du ou des constituants dans le film en croissance. • Désorption des produits de la réaction. • Transport des produits de la réaction depuis le substrat jusqu’à l’extraction du

réacteur.

2.1.1.2 Influence des conditions de dépôt sur la vitesse de croissance des couches par CVD

Dans un procédé CVD, la vitesse de croissance des couches dépend essentiellement de deux paramètres expérimentaux : la température du substrat (T), et la pression (P) .

L’évolution typique de la vitesse de croissance en fonction de l’inverse de la température de dépôt est donnée sur la figure 2.2 [Hit 93]. Trois domaines apparaissent généralement :

- A basse température, la vitesse de croissance est limitée par la cinétique des réactions chimiques à la surface du substrat et, donc, augmente de façon exponentielle avec la température, suivant une loi d’Arrhénius :

Incorporation dans le film en croissance

Réaction en phase gazeuse

Re-désorption du précurseur

Adsorption du précurseur

Diffusion de surface

Transport vers la surface

Désorption des produits de la réaction

Flux de gaz

Figure 2.1 : Représentation des étapes élémentaires d’un dépôt par CVD

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Chapitre 2 Techniques expérimentales

26

où V0 est une constante dépendant des conditions expérimentales, Ea (J) est l’énergie d’activation qui est souvent exprimée en calories (cal) ou en électron-Volt (eV) , k la constante de Boltzmann (k = 1.38 × 10-23 JK-1 ou 8.62 × 10-5

eVK-1 ou 0.33 × 10-23 calK-1) et T la température du substrat (K). - Dans le régime intermédiaire, dit diffusionnel, la cinétique de croissance dépend

peu de la température de dépôt. En effet, la cinétique des réactions chimiques est suffisamment rapide pour consommer toutes les espèces réactives arrivant à la surface du substrat depuis la phase gazeuse [Gal 02]. Dans ce cas, la concentration en espèce réactive à proximité du substrat, Cs (mol.m-3), est plus faible que la concentration dans le "volume" du mélange gazeux C, et il se crée une couche limite δ (m) dans laquelle existe un gradient de concentration entre Cs et C. C’est alors le transport des espèces réactives à travers cette couche limite, depuis la phase gazeuse jusqu’à la zone de réaction, qui est l’étape limitant la cinétique du dépôt. La vitesse de diffusion J (mol m-2 s-1) d’un précurseur vers la surface est donnée par :

avec D (m².s-1) le coefficient de diffusion du réactant dans la phase gazeuse. - Généralement, à haute température, on peut observer une diminution de la vitesse

de croissance. Son origine est la formation de particules solides en phase gazeuse qui conduit à un appauvrissement des gaz actifs dans le mélange gazeux.

Comme la température, la pression a une influence notable sur la nature du mécanisme qui contrôle la vitesse de croissance. Lorsque la pression diminue, le coefficient de diffusion

)exp(0 kTEaVV −=

Figure 2.2 : Evolution caractéristique de la vitesse de croissance en fonction de l’inverse de latempérature dans un procédé CVD.

Régime cinétique

1/ T

V

P0

P1> P0

Régime diffusionnel

Nucléation en phase gazeuse

)( CsCDJ −=δ

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Chapitre 2 Techniques expérimentales

27

des espèces augmente plus rapidement que l’épaisseur de la couche limite. Le domaine de diffusion apparaît alors à plus haute température comme le montre la figure 2.2 [Gal 02].

2.1.1.3 Nucléation des films élaborés par CVD

2.1.1.3.1 Modes de nucléation/croissance

Il existe trois modes principaux de nucléation des couches minces. Ils sont représentés schématiquement sur la figure 2.3 :

a) Mode Volmer-Weber (appelé aussi mode tridimensionnel ou 3-D) : de petits groupes d’atomes ou "clusters" nucléent à la surface du substrat et croissent jusqu’à la coalescence pour former une couche continue. Ce type de croissance se produit lorsque les éléments déposés ont plus d’affinités entre eux qu’avec le substrat. b) Mode Frank Van der Merwe (ou 2D) : la croissance se déroule couche par couche. Ce type de croissance se produit lorsque les liaisons entre les éléments déposés sont aussi ou plus fortes qu’avec le substrat. c) Mode Stranski-Krastanov : c’est une combinaison des deux modes cités ci-dessus. Après le dépôt d’une ou quelques monocouches, la croissance change de mode et passe en mode 3D. Cette transition 2D-3D est due à une libération de l’énergie élastique emmagasinée dans la couche.

2.1.1.3.2 Nucléation 3D

Nous allons décrire plus précisément le mode de croissance 3D [Ric 00], qui sera celui rencontré dans le cadre de ce travail. Au premier stade de la croissance d’une couche, il y a formation de germes ou " clusters " de taille critique. Ils peuvent être initiés par la fixation d’un ou de quelques atomes sur des sites réactifs à la surface du substrat : défauts, impuretés,

Figure 2.3 : Modes de nucléation / croissance d’une couche mince par CVD.

(b) Mode de croissance Stranski-Krastanov

(a) Mode de croissance Volmer-Weber

(c) Mode croissance Franck Van Der Merwe

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Chapitre 2 Techniques expérimentales

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marches atomiques. Ensuite, ces germes croissent sous forme d’îlots, grâce au flux continu de matière arrivant à la surface depuis la phase gazeuse. De nouveaux germes nucléent et croissent jusqu’à la saturation de la surface, c’est-à-dire jusqu’au moment où les îlots commencent à se toucher. Ainsi, si l’on trace l’évolution de la densité d’îlots en fonction de la quantité de matière déposée (ou du temps de dépôt), on obtient une courbe caractéristique d’un processus de nucléation-croissance 3 D représentée sur la figure 2.4. Dans une première phase, la densité d’îlots augmente jusqu’à leur coalescence. On remarque que la vitesse de nucléation décroît au fur et à mesure que de la matière est déposée. En effet, plus il y a d’îlots présents à la surface du substrat, moins la surface "libre" pour la formation de nouveaux germes est importante. Si le dépôt se poursuit, on atteint la densité maximale d’îlots qui correspond à la saturation de la surface. Ensuite, la densité d’îlots diminue car ils coalescent.

2.1.2 Le dépôt de silicium par CVD

Le dépôt de silicium par CVD est un procédé incontournable dans la fabrication des circuits micro-électroniques. Il permet de faire croître du silicium polycristallin (ou polysilicium), qui est très largement utilisé, par exemple, pour fabriquer l’électrode de grille dans les transistors MOS (Metal Oxyde Semiconducteur) ou la grille flottante dans les mémoires non volatiles (MNV). La CVD permet aussi de déposer du silicium épitaxié, utilisé entre autres dans la fabrication des transistors bi-polaires.

Le précurseur du silicium le plus utilisé est le silane (SiH4). Il est souvent dilué dans des gaz inertes tels que N2 ou He pour des raisons de sécurité. H2 est souvent utilisé comme gaz

Figure 2.4 : Evolution de la densité d’îlots en fonction de la quantité de matière déposée dans unprocessus de nucléation 3D. Le même type de courbe est obtenu si l’on trace l’évolution de la densitéd’îlots en fonction du temps de dépôt [Ric 00].

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Chapitre 2 Techniques expérimentales

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vecteur pour réaliser des dépôts épitaxiés. Le dichlorosilane (SiH2Cl2) permet, dans certaines conditions, une croissance sélective sur Si par rapport au SiO2 [Fit 94].

2.1.2.1 Mécanismes réactionnels

Nous nous limitons ici à l’étude du dépôt de silicium à partir de silane car c’est le précurseur utilisé pour la formation des nc-Si. Le mécanisme de dépôt à partir du dichlorosilane sera présenté quand nous nous intéresserons à la croissance sélective (Chapitre 5). La réaction conduisant au dépôt de silicium est la réaction de dissociation du silane dont l’équation bilan est la suivante :

SiH4(g) → Si(s) + 2H2 (g) Bien que cette équation bilan soit très simple, les mécanismes réactionnels qu’elle

implique sont très compliqués. Du fait de l’importance industrielle du dépôt de silicium par CVD, un grand nombre de travaux, expérimentaux et de simulation, ont été réalisés pour les étudier [Gat 90] [Bus 88] [Roe 87] [Far 74] [Sco 88]. Les résultats ne sont pas très concluants et même parfois contradictoires d’une publication à l’autre. Des mécanismes de plus en plus complexes ont été proposés pouvant même comporter jusqu’à plusieurs dizaines de chemins réactionnels différents. Les présenter ici en détail serait hors de propos, cependant, il est intéressant pour nous d’avoir un aperçu de quelques tendances généralement admises.

Un des principaux points de désaccord entre les différentes études porte sur la contribution au dépôt d’un intermédiaire réactionnel, le sylilène SiH2. Il est produit par une première réaction de dissociation du silane en phase homogène :

SiH4(g) → SiH2(g) +H2(g) Le sylilène est un biradical, une espèce très réactive et très instable. La contribution du

sylilène au dépôt est donc le résultat de la compétition entre le fait qu’il est beaucoup plus réactif que le silane et le fait que sa concentration en phase gazeuse est probablement extrêmement faible. Il est généralement admis qu’à basse pression, la probabilité de collision en phase gazeuse entre les molécules est faible et que, par conséquent, le mécanisme réactionnel probable n’inclut pas de dissociation préliminaire en phase homogène. Dans ce cas, le mécanisme du dépôt le plus généralement présenté implique une adsorption directe de la molécule de silane à la surface du substrat et une dissociation par élimination de ses atomes d’hydrogène :

SiH4 (g) + * → SiH4 (a) SiH4 (a) → SiHx (a) + (4-x) H(a)

SiHx (a) + (4-x) H(a) → Si(s) + 2 H2 (g) + * * désigne un site d’adsorption, (g) que la molécule est en phase gazeuse, (a) qu’elle est adsorbée à la surface du substrat et (s) que la phase est solide.

A haute pression, le sylilène serait produit en quantité plus importante et contribuerait de façon significative au dépôt. Dans ce cas, le mécanisme proposé est le suivant :

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SiH4 (g) → SiH2 (g) + H2 (g) SiH2 (g) + * → SiH2 (a)

SiH2 (a) → SiHx (a) + (2-x) H(a) SiHx (a) + (2-x) H(a) → Si(s) + H2 (g) + *

Les deux mécanismes sont "catalysés" par des sites d’adsorption à la surface du substrat. En d’autres termes, les sites nécessaires à l’adsorption de silane sont régénérés à la fin de la réaction. A la surface du silicium en croissance, les sites proposés sont des liaisons pendantes, générées par la désorption d’hydrogène. La nature des sites d’adsorption de la première monocouche de molécules de silane sur la surface du substrat de SiO2 sera discutée au chapitre 4.

2.1.2.2 Influence des conditions de dépôt sur la structure et la vitesse de croissance du poly-silicium par CVD

La formation des nc-Si correspond aux premiers stades de la croissance d’un film de silicium poly-cristallin. Pour déterminer les conditions de pression et de température favorables à la formation des nc-Si, nous sommes donc partis des travaux sur l’influence des conditions expérimentales sur la structure des films de poly-silicium.

Dans le cas général, la structure d’un film élaboré par CVD dépend du rapport des vitesses de dépôt (Vdép) et de cristallisation (Vcrist). En effet, si Vdép est supérieure à Vcrist, la couche déposée sera majoritairement amorphe. Cela se produit dans le cas d’un dépôt avec un fort apport de matière (forte pression partielle du précurseur) et une faible température. De façon imagée, on peut dire que les atomes déposés à l’interface de croissance sont ensevelis par de nouveaux atomes provenant de la phase gazeuse avant d’avoir eu le temps de "s’arranger" sous forme cristalline. Au contraire, si Vcrist est supérieure à Vdép, la couche déposée sera majoritairement cristalline, ce qui se produit quand l’apport de matière est faible et la température élevée. Ainsi, la structure de la couche déposée dépend du couple pression/température auquel est fait le dépôt, et un changement de structure peut être obtenu en faisant varier l’un de ces deux paramètres.

Le poly-silicium est généralement déposé à des températures variant entre 560°C et

650°C et des pressions comprises entre 0.01 et 1.0 Torr [Hit 93]. Dans ces domaines de température et de pression, la structure du film de silicium varie fortement avec les conditions expérimentales car la température de transition amorphe/cristallin du silicium déposé par LP-CVD est autour de 580°C.

La figure 2.5 présente l’évolution de la proportion de silicium cristallin en fonction de la température de dépôt [Har 83]. Comme attendu, plus la température de dépôt est élevée, plus la proportion de silicium cristallin est importante. La couche est entièrement cristalline pour des températures de dépôt supérieures à ≈ 580°C. Les résultats montrent aussi une

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variation de la cristallinité dans l’épaisseur de la couche de silicium déposée. Kinsborn et. al [Kin 83] ont montré par des études TEM que le silicium proche de l’interface avec le substrat a une proportion de silicium cristallisé plus importante. Dans leur étude, les couches de silicium déposées sont épaisses et les auteurs attribuent la formation des cristaux à l’interface au fait qu’elle a été recuite pendant toute la durée du dépôt, contrairement à la surface par exemple.

Dans la gamme de température classique du dépôt de silicium, le régime de croissance est cinétique (voir paragraphe 1.2.2). La vitesse de dépôt est donc contrôlée par la cinétique de la réaction la plus lente du mécanisme de dépôt décrit précédemment et suit donc, une loi d’ Arrhénius.

La pression de dépôt a aussi une forte influence sur la structure du poly-silicium déposé par CVD. La figure 2.6 présente une synthèse des travaux décrits dans la littérature sur l’influence de la température et de la pression partielle de silane sur la structure du silicium déposé [Jou 87]. La texture du silicium poly-cristallin varie avec les conditions de dépôt. Comme attendu, la phase amorphe est obtenue pour des basses températures de dépôt et de hautes pressions partielles de SiH4. Par des mesures de diffraction X, ces auteurs montrent aussi que la taille des cristallites dans le poly-silicium :

- Augmente lorsque que la température de dépôt augmente. - Diminue lorsque la pression partielle de silane diminue.

Cela est cohérent avec les explications présentées précédemment.

Figure 2.5 : Influence de la température de dépôt sur la proportion de silicium cristallin dans la couchede silicium déposée dans les conditions de pression et de température classiques des dépôts LP-CVD.

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Comme dans le cas général présenté précédemment, la vitesse de croissance du silicium augmente avec la pression partielle de silane. La relation entre la cinétique de croissance et la pression est variable d’une publication à l’autre.

2.1.2.3 Conclusion : conditions de dépôts des nc-Si

Dans cette étude, nous souhaitons obtenir des îlots de silicium cristallins. D’après les résultats présentés ci-dessus, les conditions favorables sont donc :

- Une température de dépôt supérieure à la température de transition amorphe/cristallin. Nous nous sommes donc surtout intéressés à des températures de dépôt supérieures ou égales à 570°C.

- Une pression partielle de silane inférieure à la pression de transition amorphe/cristallin à la température de dépôt considérée.

Une autre contrainte est le fait que la couche déposée est très fine (équivalente à une couche continue de quelques angströms). La pression partielle de silane et la température de dépôt doivent donc être suffisamment basses pour que l’on soit capable de contrôler de façon reproductible des dépôts aussi fins, c’est-à-dire d’avoir un dépôt suffisamment long.

D’une manière générale, pour être sûr de vérifier ces deux conditions, les gammes de température et de pression explorées pour les dépôts de nc-Si ont été :

- 570°C < T < 620°C - 35 mTorr < Pression partielle de SiH4 < 200mTorr. 35 mTorr est la pression

partielle de silane minimale dans les équipements que nous avons utilisés.

Figure 2.6 : Structure du silicium déposé par CVD en fonction de la température de dépôt et de la pression partielle de silane

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2.2 Les équipements de dépôt

2.2.1 Le four LP-CVD TEL

Le premier équipement dans lequel ont été réalisés les dépôts de nc-Si est un four vertical de croissance par CVD à basse pression (LP-CVD), de marque TEL (Tokyo Electronic Limited). Sa fonction est le dépôt de couches de silicium poly-cristallin ou amorphe sur des plaques de silicium de 200 mm de diamètre. La figure 2.7 présente un schéma général du four.

L’élément principal de ce four est une enceinte étanche en quartz où les plaques sont

disposées sur une nacelle pouvant contenir 150 substrats (ce qui représente 6 lots de 25 plaques). Les gaz sont injectés par le bas du réacteur, montent le long du contre-tube et redescendent entre le contre-tube et la cloche. Le chauffage est assuré par des résistances disposées autour du tube. La température le long de la colonne est maîtrisée grâce à un système de régulation cinq zones. La gamme de température accessible s’étend de 500°C à 700°C.

La gamme de pression de travail de ce four varie entre 35 mTorr et 1.2 Torr. Le précurseur du silicium utilisé est du silane (SiH4) pur.

Figure 2.7 : Représentation schématique du four de dépôt LP-CVD de marque TEL.

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2.2.2 L’EPI Centura 5200

Au cours de ce travail, nous avons également développé le dépôt des nc-Si dans un bâti de CVD à pression réduite (RP-CVD) produit par la société Applied Materials : l’Epi Centura 5200. Comme son nom l’indique, il est conçu pour permettre la réalisation de couches épitaxiées de silicium, de germanium ou d’alliages.

C’est un équipement multi-chambres, représenté sur la figure 2.8 : - Deux chambres de chargement, pouvant contenir chacune un panier de 25 plaques

200 mm. Ce sont les seules chambres ayant un contact avec l’air de la salle blanche.

- Deux chambres de croissance mono-plaque. - Une chambre de refroidissement. - Une chambre de nettoyage.

La figure 2.9 est un schéma détaillé d’une des chambres de croissance. Celle ci est constituée de deux dômes en quartz. Le substrat repose sur un suscepteur, qui est mis en rotation pendant les dépôts (environ 30 tours/minute) pour assurer une bonne uniformité des couches sur la plaque. L’injection des gaz contenant les espèces actives est latérale par rapport au substrat. Ils sont dirigés dans plusieurs directions : vers le centre et vers le bord de la plaque. Ils s’écoulent ensuite de façon laminaire à la surface du substrat et sont évacués par une voie d’extraction.

Le chauffage est assuré par deux bancs de lampes situés, respectivement en-dessus et en-dessous des dômes supérieur et inférieur. Chaque banc est constitué de 20 lampes de 2 kW, dont 8 sont orientées vers le centre et 12 vers les bords de la plaque. Ce type de chauffage permet d’obtenir des rampes de température très abruptes (quelques dizaines de secondes seulement sont nécessaires pour atteindre 1000°C). La gamme de température

Chambres de croissance

Sas de chargement

Chambre de refroidissement

Chambre de transfert

Chambre prototype denettoyage

Figure 2.8 : Schéma général de l’Epi Centura 5200.

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accessible s’étend de 400°C à 1200°C et elle est contrôlée par deux pyromètres sondant les températures, respectivement à la surface de la plaque et en face arrière de l’assiette de support des plaques.

La pression de travail de l’Epi Centura 5200 a été fixée à 20 Torr. Le gaz vecteur utilisé est l’hydrogène H2. Cet équipement se singularise (notamment du four TEL) par la grande variété de gaz disponibles qui sont répertoriés dans le tableau 2.10.

Gaz Fonction Capacité du mass flow HCl Nettoyage de schambres 15 slm* H2 Gaz vecteur 100 slm SiH4 Précurseur Si 300 sccm* GeH4 Précurseur Ge 500 sccm♣ SiH2Cl2 Précurseur Si 300 sccm PH3 Précurseur P 300 sccm+

B2H6 Précurseur B 300 sccm+

AsH3 Précurseur As 300 sccm+

SiCH6 Précurseur C 100sccm

Tableau 2.10 : Liste, fonction et débit maximum des gaz disponibles dans le bâti Epi centura. *Sccm et*Slm : débits standards par minute (dans les conditions standards de température et de pression). +

Les gaz utilisés pour le dopage sont dilués à 200 ppm dans l’H2. ♣Le germane est dilué à 2% dans de l’hydrogène. La capacité du contrôleur de flux est donnée pour les gaz dilués.

Banc de lampes

Injection des gaz

Extractiondes gaz

Substrat Si

Figure 2.9 Schéma détaillé de la chambre de croissance de l’Epi CENTURA 5200.

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2.3 Caractérisation des nc-Si

Dans les études menées sur l’élaboration de nanostructures, la caractérisation des objets synthétisés est un problème crucial. En effet, il faut que les techniques employées aient des résolutions de l’ordre du nanomètre et/ou des sensibilités de l’ordre de la monocouche. Dans ce paragraphe, nous allons présenter les principales techniques utilisées pour caractériser les nc-Si. Ce sont des techniques courantes en nanotechnologie, aussi, nous ne décrirons que sommairement leur principe de fonctionnement. Ce paragraphe va nous permettre de comparer les résultats obtenus par ces techniques de caractérisation et de mettre en avant les points forts et les limitations de chacune.

2.3.1 La microscopie électronique à balayage

La méthode la plus simple et la plus rapide pour caractériser la morphologie des nc-Si est la microscopie électronique à balayage (MEB). La taille des nc-Si étant très réduite, nous avons utilisé un MEB à haute résolution. Il s’agit d’un microscope à effet de champ Hitachi S 5000 pouvant faire des grossissements jusqu’à un million de fois (1000 K). La technique utilisée pour acquérir les images est la rétrodiffusion des électrons secondaires.

Nous avons surtout utilisé le MEB pour mesurer la densité de nc-Si par comptage direct sur les photographies. Dans ce cas là, les images sont faites en vue de dessus. Dans cette configuration, le contraste entre les nc-Si et le substrat est relativement faible. Pour améliorer la qualité des images MEB, nous avons donc systématiquement appliqué un " tilt " de 40° aux échantillons. Cela permet de beaucoup mieux visionner les nc-Si comme le montre la figure 2.11. A partir de ce genre de photographie, nous avons aussi mesuré la dispersion en taille des nc-Si. La comparaison des résultats avec ceux obtenus par les autres techniques de caractérisation a montré que les tailles des nc-Si mesurées sur les images MEB sont probablement légèrement supérieures à la réalité. Cela peut s’expliquer par des phénomènes de chargement de surface.

Figure 2.11 : (a) Image MEB de nc-Si (300 K) en vue plane. (b) Image MEB de nc-Si (500 K) tiltée de 40°. b) a)

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Le MEB permet aussi d’imager les nc-Si en coupe lorsqu’ils sont encapsulés. Cela est utile pour contrôler leur morphologie après les étapes technologiques nécessaires à leur intégration comme le montre la figure 2.12.

La principale limitation de cette technique est sa résolution. En théorie, elle est de 0.6 nm dans le cas très favorable d’observation de métaux. Cependant, dans notre cas, le contraste entre le Si et le SiO2 est relativement faible et on peut considérer qu’il est difficile d’imager des nc-Si de taille inférieure à 2 nm.

2.3.2 La microscopie à force atomique

La microscopie à force atomique (AFM) a aussi été utilisée pour étudier la morphologie des nc-Si. Pour une présentation complète du principe de fonctionnement de l’AFM et de ses possibilités, on pourra, par exemple, consulter la thèse de S. Decossas [Dec. 00].

Dans le cadre de ce travail, les caractérisations AFM ont été réalisées sur deux équipements de marque Digital : un Nanoscope III et un D3100. Ces deux AFM fonctionnent à l’air.

Le point fort de la technique AFM est sa résolution suivant la perpendiculaire à la surface de l’échantillon (suivant "z") qui est extrêmement élevée. Nous avons ainsi clairement pu distinguer des nc-Si d’une hauteur inférieure au nanomètre (voir chapitre 5).

La limitation de cette technique est sa résolution latérale. En effet, elle est fortement limitée par la taille des pointes. Celles que nous avons utilisées avaient un rayon de courbure typiquement de l’ordre de 15 à 25 nanomètres, ce qui est généralement supérieur à la taille des nc-Si. Quand la taille de la sonde est supérieure à celle de l’objet mesuré, cela génère une convolution échantillon/pointe qui augmente artificiellement la taille des nc-Si. Ce problème est schématiquement représenté sur la figure 2.13.

Figure 2.12 : Image MEB de nc-Si (500 K) vus en coupe après intégration dans un dispositif.

Substrat Si

Poly-Si

Nc-Si SiO2

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a) b)

De plus, cette convolution échantillon/pointe pose des problèmes pour mesurer la hauteur des nc-Si sur des échantillons ayant de fortes densités de nc-Si. En effet, dans ce cas, la

pointe, du fait de sa taille, ne peut pas descendre jusqu’au substrat entre les nc-Si (voir figure 2.14). Ainsi, la mesure de hauteur apparente des nc-Si est sous-estimée .

Figure 2.13 : Problème de convolution pointe/ nc-Si : (a) Image AFM en mode tapping de nc-Si surSiO2. La largeur d’un nc-Si devrait être environ égale à 2 fois sa hauteur. (b) Représentationschématique du problème de convolution pointe/échantillon.

Figure 2.14 : Problème de convolution de nc-Si proches les uns des autres en imagerie AFM : les nc-Si suivant la ligne blanche apparaissent artificiellement en contact entre eux car la pointe est trop largepour les déconvoluer comme le montre le schéma ci dessus.

Nc- Si

Pointe

R pointeRnc-Si

Pointe

Nc-Si

R nc - Si

Rnc-Si + Rpointe

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Malgré ces limitations, l’AFM est une technique très performante pour la caractérisation des nc-Si. Elle permet de mesurer très finement la densité de nc-Si et leur hauteur dans le cas de faibles ou moyennes densités (< 6×1011/cm²).

Nous avons aussi largement utilisé cette technique pour caractériser la rugosité de la surface des substrats avant le dépôt de nc-Si.

2.3.3 La microscopie électronique en transmission

La microscopie en transmission (TEM) permet une imagerie, par optique électronique, des interactions entre les électrons du faisceau incident et des atomes de l’échantillon. Ce dernier doit être préalablement préparé sous forme de lame mince (d’épaisseur comprise entre 10 nm et 5 µm) par attaque mécanique et/ou chimique.

• En TEM (X-TEM) (figure 2.15.a), on obtient un contraste de diffraction entre les couches de composition chimiques différentes.

• En TEM haute résolution (HR-TEM) (insert figure 2.15.a) et figure 2.15.b)), on visualise les plans atomiques des matériaux cristallins. Cependant, dans ce mode d’imagerie, seulement les nc-Si ayant une certaine orientation sont visibles.

Outre la possibilité de caractériser la structure des nc-Si, la TEM présente l’avantage d’avoir une très bonne résolution. Cette méthode est la mieux adaptée pour mesurer la dispersion en taille des nc-Si. Cette mesure est réalisée sur une statistique de nc-Si sur des photographies en vue plane telles que la figure 2.15. En TEM, il n’y pas de modifications de la taille apparente des structures due à la mesure, que l’on rencontre dans le cas de l'imagerie AFM.

Nc-Si

28 nm Si3N4

Substrat Si

Nc Si

SiO2

Figure 2.15 : Imagerie TEM des nc-Si. (a) Image TEM en vue plane de nc-Si. On voit en insert un nc-Si imagé en haute résolution, on voit très clairement les plans (111) du silicium. (b) Image hauterésolution en coupe transversale des nc-Si.

a) b)

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Généralement, la taille des nc-Si mesurée par TEM est légèrement inférieure à celle mesurée par MEB ou AFM. En effet, en TEM, on ne mesure pas la fine couche d’oxyde natif qui se forme spontanément à la surface des nc-Si. Cette différence peut aussi être attribuée à une légère oxydation des nc-Si pendant la préparation des échantillons TEM.

La plus grosse limitation de la technique TEM est la difficulté de mise en œuvre,

notamment en ce qui concerne la préparation des échantillons. De plus, les images ne sont pas toujours facilement interprétables.

2.3.4 L’ellipsométrie spectroscopique

L’ellipsométrie est une méthode utilisée en micro-électronique pour mesurer l’épaisseur des couches minces. De par son importance industrielle, cette technique a subi de grandes évolutions ces vingt dernières années. Notamment, l’ellipsométrie spectroscopique présente l’avantage de permettre la mesure des épaisseurs de multi-couches. Pour une présentation détaillée de l’ellipsométrie spectroscopique, on pourra consulter la thèse de L. Luttman [Lut 94].

L’appareil de mesure utilisé est localisé dans la salle blanche. Il s’agit d’un ellipsométre spectroscopique de marque KLA Tencor. Il permet un balayage en longueur d’onde de 250 à 750 nm.

Un modèle ellipsométrique permettant d’étudier les couches de nc-Si a été développé au

laboratoire [Ber 00]. Il est basé sur la théorie de Bruggeman en liaison avec les milieux hétérogènes appelée EMA (Effective Medium Approximation) [Agi 90]. La couche de nc-Si est modélisée comme un mélange de vide et de silicium cristallin. A partir de la mesure ellipsométrique, le modèle permet de calculer l’épaisseur de la couche de "silicium + vide" (T1) ainsi que la proportion de silicium dans cette couche (F1). Ainsi on peut calculer l’épaisseur équivalente d’une couche continue de silicium déposée :

E1 = F1×T1 A partir de l’épaisseur équivalente de silicium déposée E1, on peut remonter à la taille

moyenne des nc-Si en supposant qu’ils sont hémisphériques par la relation :

Avec D, le diamètre moyen des nc-Si et n leur densité mesurée par MEB, AFM ou TEM.

Cette méthode est complémentaire des techniques de microscopie. D’une part, elle permet de remonter à la taille moyenne des nc-Si sur une large statistique. D’autre part, elle est très facile à la mise en œuvre et c’est la seule technique qui n’engendre pas la destruction

nED 1

3

6=

×π

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de l’échantillon. Elle peut donc être utilisée, par exemple, pour vérifier un dépôt sur un échantillon qui doit subir d’autres étapes technologiques. Enfin, cette méthode est relativement fiable car les résultats fournis sont en accord avec ceux obtenus par MEB, AFM ou TEM.

2.3.5 Conclusion : morphologie des nc-Si

Dans les paragraphes précédents, nous avons présenté des images caractéristiques des nc-Si fournies par trois techniques de microscopie : MEB, AFM, TEM. La comparaison de ces trois techniques a permis de montrer que, globalement, les nc-Si ont une forme hémisphérique ou sphérique. L’image TEM en coupe présentée ci-dessus présente un nc-Si sphérique mais nous en avons aussi imagé des hémisphériques. Nicotra et al ont, quant a eux, mesuré un angle de contact moyen de 25° entre les nc-Si et le substrat de SiO2 [Nic 03].

D’autre part, dans les gammes de température et de pression de dépôt que nous avons

sondées, les images TEM montrent que les nc-Si (d’une taille inférieure à 10 nm) sont mono-cristallins mais que leur orientation est aléatoire.

L’ellipsométrie spectroscopique, qui permet de faire un grand nombre de mesures sur

différentes zones de l’échantillon, a été utilisée pour réaliser des statistiques sur l’uniformité et la reproductibilité des dépôts. Globalement, la quantité de silicium déposée est uniforme sur un échantillon et reproductible d’un échantillon à l’autre.

Généralement, durant ce travail, la densité de nc-Si a été estimée par comptage direct sur

les images MEB. Là aussi, nous avons mesuré une bonne uniformité de la densité sur la surface du substrat. L’erreur moyenne sur la mesure de densité des nc-Si par MEB est inférieure à 10 %.

Les avantages et les inconvénients des quatre techniques de caractérisation morphologique

que nous avons utilisées sont résumés dans le tableau 2.16.

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Tableau 2.16 : Avantages et inconvénients des différentes techniques de caractérisations morphologiques.

2.4 Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons présenté la méthode d’élaboration des nc-Si : la CVD. Puis nous sommes passés au cas particulier du dépôt de silicium en chimie silane. A partir d’une étude bibliographique, nous avons déterminé les conditions expérimentales favorables à la formation des nc-Si. Nous avons présenté les deux équipements de dépôt que nous avons utilisés et les différentes techniques de caractérisation morphologique des nc-Si que nous avons employées.

Avantages Inconvénients MEB -Facilité à la mise en oeuvre

-Comptage facile des nc-Si, quelle que soit leur densité.

-Limité en résolution -Faible contraste entre les nc-Si et le substrat -Petits champs : (300×300)nm² au maximum pour des nc-Si de 5-10nm.

AFM -Excellente résolution en z -Mesure précise de hauteur des nc-Si-Possibilité de voir les nc-Si sur des grands champs (qq µm²)

-Mauvaise résolution en (x,y) -Limité pour les fortes densités de nc-Si

Ellipsométrie -Information sur une large statistique de nc-Si -Possibilité de remonter à la taille moyenne des nc-Si -Facilité à la mise en oeuvre -Non destructif

-Mesure indirecte (simulation) -Limite de sensibilité

TEM -Caractérisation de la structure des nc-Si -Mesure de la taille des nc-Si -Résolution

-Difficulté à la mise en oeuvre -Interprétation parfois délicate

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43

2.5 Bibliographie

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Chapitre 2 Techniques expérimentales

44

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Chapitre 3 Dépôt de nanocristaux sur SiO2 thermique, Si3N4 et Al2O3

45

Chapitre 3 Dépôt de nanocristaux sur SiO2 thermique, Si3N4 et Al2O3

Dans ce chapitre, nous allons présenter nos résultats de dépôts de nc-Si sur différents diélectriques. Nous commençons par étudier l’influence des conditions de dépôt sur la nucléation de nc-Si sur SiO2 thermique. Ce dernier est le substrat de référence sur lequel nous avons fait les études " de base " sur la formation des nc-Si. Dans une deuxième partie, nous présentons les résultats obtenus sur Si3N4 et Al2O3 et nous les comparerons avec ceux obtenus sur le substrat de référence. Enfin, nous conclurons sur l’intérêt d’utiliser ces diélectriques pour le dépôt de nc-Si.

3.1 Dépôt de nc-Si sur SiO2 thermique

3.1.1 Influence du temps de dépôt

La figure 3.1 présente l’évolution caractéristique de la densité de nc-Si et de leur diamètre en fonction du temps de dépôt. Les dépôts sont réalisés à 600°C à une pression partielle de silane de 200 mTorr dans le bâti RP-CVD. Des images MEB des nc-Si correspondant aux temps de dépôts de 30, 60 et 120 secondes sont aussi présentées.

On peut distinguer trois domaines sur la figure : - Pour un temps de dépôt inférieur à 20 secondes, aucun nc-Si n’est détecté par

MEB. Cette période est appelée temps d’incubation. - Entre 20 et 60 secondes, il y a une augmentation continue de la densité et de la

taille moyenne des nc-Si. C’est la période de nucléation-croissance. Cette période est illustrée par les images MEB (a) et (b). Sur l’image (a), les nc-Si sont peu nombreux et petits : la densité est de 3 × 1011 nc-Si/cm² et le diamètre moyen est de 4.5 nm. Après 60 s de dépôt, image (b), la densité de nc-Si est de 7 × 1011 nc-Si/cm² et le diamètre moyen est proche de 7 nm. Pour ces conditions de dépôts, c'est la densité maximale de nc-Si que nous avons obtenu sur SiO2 thermique.

- Au delà de 60 secondes de dépôt, la densité de nc-Si diminue tandis que leur taille moyenne continue à augmenter. C’est la phase de coalescence : les nc-Si qui grossissent, commencent à se toucher et à être connectés par de la matière (c).

Comme attendu, l’évolution de la densité et de la taille des nc-Si avec le temps de dépôt est caractéristique d’un mode de croissance de type Volmer-Weber.

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Chapitre 3 Dépôt de nanocristaux sur SiO2 thermique, Si3N4 et Al2O3

46

Nous avons comparé l’évolution de la densité de nc-Si en fonction du temps de dépôt à température et pression partielle de silane identiques, dans le réacteur RP-CVD et le four LP-CVD. Les conditions de dépôts sont identiques à celles utilisées pour les échantillons de la figure 3.1, seul le temps de dépôt est ajusté dans le four LP-CVD.

Les résultats, présentés sur la figure 3.2, montrent que les courbes représentant l’évolution de la densité et de la taille moyenne des nc-Si dans les deux équipements ont la même allure. Les densités maximales atteintes sont quasi-identiques dans les deux équipements et voisines de 7 × 1011 nc-Si/cm². Par contre, la cinétique du dépôt est beaucoup plus rapide dans le four TEL que dans le bâti RP-CVD. Dans le four TEL, il n’y a quasiment pas de période d’incubation. Même après le temps de dépôt le plus court que l’on peut raisonnablement programmer, 4 secondes, on obtient une densité de nc-Si proche de 3 × 1011 nc-Si/cm² ayant un diamètre moyen de 4 nm. La densité maximale de nc-Si est atteinte après 12 secondes de dépôt dans le four LP-CVD contre 60 secondes dans le bâti RP-CVD.

0

1

2

3

4

5

6

7

8

4

6

8

10

12

14

16

0 20 40 60 80 100 120 140

Den

sité

nc-

Si (

1011

/cm

²)D

iamètre (nm

)

Temps (s)

(a) 30s (b) 60s (c)120s

Figure 3.1 : Evolution de la densité et du diamètre moyen des nc-Si déposés dans le bâti RP-CVD à600°C et PSiH4 = 200 mTorr.

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Chapitre 3 Dépôt de nanocristaux sur SiO2 thermique, Si3N4 et Al2O3

47

En conclusion, les évolutions de densité et de taille des nc-Si sont identiques dans les deux équipements mais décalées dans le temps. En effet, globalement, des nc-Si de morphologie identique (densité et taille) sont obtenus dans les deux équipements en programmant un temps de dépôt environ 6 fois plus long dans le bâti RP-CVD que dans le four LP-CVD.

Cette différence de cinétique peut avoir des origines techniques car les deux

équipements ont des géométries totalement différentes. Ainsi la pression "réelle" du silane à la surface de la plaque peut être légèrement différente même si la pression de silane de consigne est identique. De plus, la pression est directement mesurée dans le TEL, alors qu’elle est calculée à partir du rapport de débit des gaz dans l’EPI Centura, ce qui peut générer des petites différences.

Enfin, les mesures de températures sont faites par des systèmes différents et peuvent donc varier de quelques degrés dans les deux fours.

Cependant, le principal paramètre pouvant expliquer les différences de cinétique de nucléation et de croissance des nc-Si dans les deux équipements est leur différence d’atmosphère gazeuse. En effet, le silane est utilisé pur dans le four LP-CVD alors que, dans le bâti RP-CVD, le silane est fortement dilué dans de l’hydrogène. Or l’équation bilan de la réaction de dissociation du silane montre que le dépôt de silicium génère la production d’hydrogène.

SiH4(g) ↔ Si(s) + 2H2 (g)

0

1

2

3

4

5

6

7

8

0 20 40 60 80 100 120 140

SiH4 dilué dans H2

SiH4 pur

Den

sité

de

nc-S

i (10

11/c

m²)

Temps de dépot (s)

4

6

8

10

12

14

16

0 20 40 60 80 100 120

SiH4 dilué dans H2SiH4 pur

Dia

mèt

re m

oyen

des

nc-

Si (n

m)

Temps de dépot (s)

Figure 3.2 : Influence du temps de dépôt sur la densité et la taille des nc-Si dans le réacteur RP-CVD et dans le four LP-CVD. Les conditions de dépôts sont identiques dans les deux fours : P = 200 mTorr et T = 600°C. Le diamètre des nc-Si est obtenu à partir de mesures ellipsométriques.

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Chapitre 3 Dépôt de nanocristaux sur SiO2 thermique, Si3N4 et Al2O3

48

En atmosphère fortement hydrogénée, les réactions qui produisent de l’hydrogène sont ralenties ce qui peut expliquer les différences de cinétiques de dépôt dans les deux équipements.

En conclusion, ces expériences montrent que des nc-Si de densité et de taille moyenne identiques peuvent être élaborés dans les deux équipements. Le seul paramètre à modifier est le temps de dépôts qui doit être adapté. Aussi, pour la plupart des expériences, qui seront décrites dans la suite de ce travail, nous présenterons les résultats obtenus dans un seul des deux équipements.

3.1.2 Influence de la température de dépôt

3.1.2.1 Influence de la température de dépôt sur les cinétiques de nucléation et de croissance des nc-Si

Nous avons vu précédemment que la température de dépôt a une très forte influence sur la cinétique de croissance du poly-silicium. En effet, dans le régime de température dans lequel nous travaillons, elle doit suivre une cinétique de type Arrhénius :

Pour calculer la vitesse de croissance du silicium pendant un dépôt de nc-Si, l’épaisseur équivalente de silicium déposée, mesurée par ellipsométrie, est divisée par le temps de dépôt [Ber 00]. Dans notre cas, les couches de silicium sont extrêmement fines. Ainsi, la contribution du processus de nucléation qui implique une réaction du précurseur gazeux avec la surface du SiO2 peut être importante. L’énergie d’activation que nous mesurons à partir des mesures ellipsométriques est donc liée au processus global "nucléation+croissance" conduisant à la formation des nc-Si. Au contraire, dans le cas du dépôt de couches épaisses de silicium, la contribution de la croissance "silicium sur silicium" est très largement majoritaire.

Le tracé d’Arrhénius de la cinétique de croissance des nc-Si, pour trois pressions

partielles de silane différentes, est présenté sur la figure 3.3. Les courbes obtenues sont linéaires ce qui montre que le processus de formation des nc-Si est activé thermiquement. De plus, l’énergie d’activation mesurée dépend peu de la pression partielle de silane.

Nous obtenons des énergies d’activation associées au processus global "nucléation +

croissance" voisines de 2 eV. Cette valeur est identique à celle obtenue dans le cas d’épitaxie de silicium sur silicium [Lou 03] et très proche de celles obtenues dans la littérature [Dut 93] pour des conditions de dépôt voisines.

)exp(0 kTEaVV −=

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Chapitre 3 Dépôt de nanocristaux sur SiO2 thermique, Si3N4 et Al2O3

49

Pour les mêmes procédés, nous avons aussi extrait les énergies d’activation associées uniquement au processus de nucléation. La figure 3.4 présente l’évolution de la vitesse de nucléation, obtenue en divisant la densité de nc-Si mesurée sur les images MEB par le temps de dépôt, en fonction de l’inverse de la température de dépôt. Là aussi, les courbes obtenues sont linéaires ce qui montre que le mécanisme de nucléation des nc-Si est activé thermiquement. L’énergie d’activation associée au processus de nucléation est comparable à celle du processus de "nucléation + croisance".

Dans le réacteur RP-CVD, le SiH4 est très fortement dilué dans H2. Par conséquent, la

réaction de décomposition en phase homogène : SiH4 ↔ SiH2 + H2

est très fortement déplacée vers la formation de silane. Le mécanisme de nucléation est donc probablement identique au mécanisme de croissance du silicium par épitaxie, qui est souvent répertorié dans la littérature [Lou 03] [Dut 93]. Ce mécanisme implique l’adsorption d’une molécule de SiH4 à la surface du substrat et sa décomposition, par élimination des atomes d’hydrogène liés à l’atome de silicium. Nos mesures ne nous permettent pas de discuter le mécanisme de décomposition d’une molécule de silane adsorbée à la surface du substrat de SiO2.

Figure 3.3 : Evolution de la vitesse de nucléation-croisance des nc-Si dans le bâti RP-CVD. Lesépaisseurs équivalentes de silicium déposées sont proches de 4 A dans tous les cas.

0.0001

0.001

0.01

0.1

1.1 1.12 1.14 1.16 1.18 1.2

35mTorr120mTorr200mTorr

Vite

sse

de c

roiss

ance

(nm

/s)

1/T (K-1)

Ea = 2.24 eV Ea = 2 eV

Ea = 2.43 eV

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Chapitre 3 Dépôt de nanocristaux sur SiO2 thermique, Si3N4 et Al2O3

50

3.1.2.2 Influence de la température de dépôt sur la nucléation des nc-Si

La figure 3.5 montre l’évolution caractéristique de la densité et de la taille moyenne des nc-Si en fonction de la température de dépôt entre 570°C et 620°C. La pression partielle de silane et le temps de dépôt sont identiques pour tous les échantillons. On obtient le même type de courbe que pour l’évolution de la densité et de la taille des nc-Si en fonction du temps de dépôt. A basse température, aucun nc-Si n’est observé sur les images MEB : c’est la période d’incubation. Quand la température augmente, les premiers nc-Si apparaissent, puis leur taille et leur densité augmentent jusqu’à saturation de la surface. A haute température, la densité de nc-Si diminue à cause de leur coalescence. Cette évolution est conforme à ce que l’on pouvait attendre puisque les cinétiques de nucléation et de croissance sont activées thermiquement.

0.001

0.01

0.1

1

1.1 1.12 1.14 1.16 1.18 1.2

35 mTorr120 mTorr200 mTorr

Vite

sse

nucl

éatio

n (1

011/s

)

1/T (K-1)

Ea = 2 eV

Ea = 2.1 eV

Ea = 2 eV

Figure 3.4 : Evolution de la vitesse de nucléation dans le bâti RP-CVD en fonction de l’inverse de la température de dépôt. Les épaisseurs équivalentes de silicium déposé sont proches de 0,4 nm dans tousles cas.

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Chapitre 3 Dépôt de nanocristaux sur SiO2 thermique, Si3N4 et Al2O3

51

Ce genre d’étude ne permet cependant pas de dégager de tendance claire quant à l’influence de la température de dépôt sur la nucléation des nc-Si. Pour cela, il est nécessaire de mesurer l’évolution de la densité de nc-Si à quantité de silicium déposée constante en fonction de la température de dépôt. On peut ainsi voir si les variations de température vont promouvoir la nucléation ou la croissance des nc-Si. La figure 3.6 montre l’évolution de la densité de nc-Si en fonction de la température de dépôt, entre 580°C et 620°C, à épaisseur équivalente de silicium déposée constante égale à 0.4 nm ± 0.03 nm. Cette étude est réalisée pour trois pressions partielles de silane différentes : 35, 120 et 200 mTorr. Pour chaque température de dépôt, le temps de dépôt est ajusté pour déposer une épaisseur équivalente de 0.4 nm de silicium.

Pour chaque pression partielle de silane, on remarque que la densité de nc-Si varie peu

avec la température de dépôt. Ce résultat est conforme au fait que les énergies d’activation des mécanismes de

nucléation et "nucléation + croissance", déterminées au paragraphe précédent, sont identiques et égales à 2 eV. Ainsi, lorsque la température augmente, les cinétiques de nucléation et de croissance des nc-Si augmentent à la même vitesse.

580°C

590°C

600°C

Figure 3.5 : Evolution caractéristique de la densité et de la taille des nc-Si en fonction de latempérature de dépôt. Les dépôts sont réalisés dans le four LP-CVD à une pression partielle de silanede 200 mTorr, le temps de dépôt est de 15 secondes pour tous les échantillons.

0

1

2

3

4

5

6

7

0

2

4

6

8

10

560 570 580 590 600 610 620

Diam

ètre des nc-Si (nm)

Température de dépôt (°C)

Den

sité

de

nc-S

i (10

11/c

m²)

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Chapitre 3 Dépôt de nanocristaux sur SiO2 thermique, Si3N4 et Al2O3

52

Globalement, la température de dépôt, entre 580°C et 620°C, n’est pas un paramètre qui influe fortement sur la nucléation des nc-Si : en ajustant le temps de dépôt, la même gamme de densité de nc-Si peut être déposée quelle que soit la température de dépôt.

3.1.3 Influence de la pression partielle de SiH4 sur la nucléation des nc-Si

Nous avons aussi étudié l’influence de la pression partielle de silane sur la nucléation des nc-Si. La figure 3.7 montre des photos MEB de nc-Si déposés à deux pressions partielles de silane (PSiH4) différentes, 60 et 200 mTorr, tous les autres paramètres expérimentaux (temps de dépôt, substrat, température de dépôt) étant identiques. La quantité de matière déposée est largement supérieure dans le cas du dépôt réalisé à plus forte pression. Pour PSiH4 = 60 mTorr, on est aux premiers stades de la nucléation, alors que pour PSiH4 = 200 mTorr, les nc-Si ont déjà largement coalescé. La cinétique de nucléation et de croissance du silicium est donc aussi fortement influencée par la pression partielle de silane pendant le dépôt. Il paraît évident que la cinétique de croissance du silicium a tendance à augmenter avec la pression partielle du précurseur. En effet, l’augmentation de la proportion de silane dans la phase gazeuse va déplacer l’équilibre de l’équation bilan de la dissociation du silicium vers la production de silicium déposé.

0

1

2

3

4

5

570 580 590 600 610 620 630

35 mTorr120 mTorr200 mTorr

Den

sité

de

nc-S

i (10

11/c

m²)

Température(°C)Figure 3.6 : Evolution de la densité de nc-Si en fonction de la température de dépôt pour trois pressionspartielles de silane différentes. Pour chaque point, le temps de dépôt est ajusté pour déposer uneépaisseur équivalente de silicium de 0,4 nm . Les dépôts sont réalisés dans le bâti RP-CVD.

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Chapitre 3 Dépôt de nanocristaux sur SiO2 thermique, Si3N4 et Al2O3

53

Pour étudier plus particulièrement l’influence de la PSiH4 sur la nucléation des nc-Si, nous avons réalisé deux types d’études :

- La figure 3.8.a) montre l’évolution de la densité de nc-Si en fonction de la pression partielle de silane à épaisseur équivalente de silicium déposée constante et égale à 0.4 nm ± 0.03 nm. L’expérience est réalisée pour trois températures de dépôt : 580°C, 600°C et 620°C. Les échantillons sont les mêmes que sur la figure 3.22.

- La figure 3.8.b) montre l’évolution de la densité de nc-Si en fonction du temps de dépôt pour deux PSiH4 : 60 et 200 mTorr. La température de dépôt est la même dans les deux cas.

a) b) Figure 3.7 : Images MEB de nc-Si déposés dans le bâti RP-CVD à 600°C avec un temps de dépôt de 120 s. Les pressions partielles de SiH4 sont respectivement de 60 mTorr sur (a) et 200 mTorr sur (b).

Figure 3.8 : a) Evolution de la densité de nc-Si en fonction de la pression partielle de silane dans le réacteur RP-CVD. Les dépôt sont effectués à trois températures différentes en ajustant le temps dedépôt pour déposer une couche équivalente de silicium de 0.4 nm d’épaisseur. b) Evolution de la densité de nc-Si en fonction du temps de dépôt pour deux pressions partielles de silane : 60 et 200mTorr dans le réacteur RP-CVD.

1

1,5

2

2,5

3

3,5

4

4,5

0 50 100 150 200 250

580°600°620°

Den

sité

nc-

Si (1

011/c

m²)

Pression (mT)

0

1

2

3

4

5

6

7

8

0 50 100 150 200 250

60 mTorr200 mTorr

Temps de dépot (s)

Den

sité

de

nc-S

i (10

11/c

m²)

b) a)

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Chapitre 3 Dépôt de nanocristaux sur SiO2 thermique, Si3N4 et Al2O3

54

D’après la figure 3.8.a), pour une quantité de silicium déposé constante, la densité de nc-Si est multipliée par un facteur 3, lorsque PSiH4 passe de 35 à 200 mTorr. L’évolution de la densité de nc-Si en fonction de PSiH4 est linéaire. La figure 3.8.b) montre que la cinétique de nucléation augmente avec PSiH4. Les premiers nc-Si sont détectés pour un temps de dépôt plus court quand la pression de silane est élevée. De même, après le temps d’incubation, la cinétique de nucléation est plus rapide à 200 mTorr qu’à 60 mTorr. Le résultat le plus important est que la densité maximale de nc-Si augmente aussi avec la pression partielle de SiH4 : 3 × 1011 et 7 × 1011 nc-Si/cm² pour des pressions partielles de SiH4 de 60 mTorr et 200 mTorr respectivement.

La figure 3.9 montre l’évolution de la cinétique de nucléation (obtenue en divisant la

densité par le temps de dépôt) et de croissance de la couche de silicium (obtenue en divisant l’épaisseur équivalente de silicium déposé par le temps de dépôt) en fonction de PSiH4.

L’évolution de la cinétique de nucléation peut être modélisée par une loi de puissance, Vnucl = k1 (PSiH4)1.67 nc-Si/s.

Avec k1 = 1.4 × 106 quand P est exprimée en mTorr. La cinétique de croissance de la couche de silicium peut être modélisée par une droite.

Vcroi = k2 PSiH4 nm/s. Avec k2 = 4.25 × 10-4 .

L’influence de la pression partielle de précurseur sur la nucléation est un phénomène qui largement observé dans tous les procédés qui impliquent une transition entre la phase gazeuse et la phase solide [Mar 99]. En effet, la force motrice de la nucléation est la

Figure 3.9 : Evolution de la vitesse de nucléation et de la vitesse de croissance des nc-Si en fonction dePSiH4. Les expériences sont réalisées dans le bâti RP-CVD à 600°C.

0

0,002

0,004

0,006

0,008

0,01

0,012

0

0,05

0,1

0,15

0,2

0 50 100 150 200 250 300

Vite

sse

de n

uclé

atio

n ( 1

011 n

c-Si

/cm

²)

Vitesse de croissance (nm/s)

PSiH4

(mTorr)

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Chapitre 3 Dépôt de nanocristaux sur SiO2 thermique, Si3N4 et Al2O3

55

supersaturation, qui est définie comme la différence de potentiel chimique entre la phase vapeur µv et la phase cristalline µc :

∆µ = µv - µc

Si la vapeur est assimilée à un gaz parfait, la supersaturation s’exprime par : ∆µ = kT ln P/P0

avec P, la pression de la phase gazeuse et P0 la pression de vapeur de la phase cristalline à température fixée.

A température constante, la nucléaton est donc favorisée quand on augmente la pression partielle du précurseur.

Tous ces résultats montrent que PSiH4 est un paramètre très important pour le dépôt des

nc-Si. Lorsque la pression partielle de silane augmente, la vitesse de nucléation augmente plus vite que la vitesse de croissance. Ainsi pour obtenir de fortes densités de nc-Si, il est nécessaire de réaliser le dépôt avec une forte PSiH4. Tous les groupes qui travaillent sur l’élaboration de nc-Si par CVD sont parvenus à la même conclusion [Mad 01] [Miy 00].

3.1.4 Influence de la co-déposition de gaz dopants

Le mélange du silane avec des gaz tels que le diborane (B2H6) ou la phosphine (PH3) modifie sensiblement la vitesse de croissance du film de poly-silicium :

- La co-déposition de dopants de type p génère une augmentation de la cinétique de croissance.

- La co-déposition de dopants de type n la ralentit [Mey 84][Eve 73]. Nous avons étudié l’influence de la co-déposition de phosphine et de diborane sur la

nucléation et la croissance des nc-Si. Cette étude a été motivée par deux points : - Ces gaz qui inhibent ou exaltent la croissance du silicium, ont-ils la même

influence sur sa nucléation? Dans ce cas, leur co-déposition pourrait permettre de mieux contrôler la taille et la densité des nc-Si.

- L’introduction de dopants dans les nc-Si peut modifier leurs propriétés électroniques.

Les figures 3.10.a) et b) présentent les évolutions de la densité et de l’épaisseur équivalente de silicium déposée en fonction du flux de diborane et de phosphine respectivement. Les flux de gaz dopants varient entre 0 et 100 × 10-4 sccm. Les autres paramètres sont identiques : PSiH4= 60 mTorr, Tdép = 600 °C, substrat de SiO2 thermique, temps de dépôt = 120 s. Dans tous les cas, le contrôleur de flux du gaz dopant est ouvert 30 secondes avant celui du silane pour être sûr que l’élément dopant est présent à la surface du substrat quand le silane s’y adsorbe.

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Chapitre 3 Dépôt de nanocristaux sur SiO2 thermique, Si3N4 et Al2O3

56

Quel que soit le gaz dopant et son flux dans le réacteur, la densité de nc-Si mesurée varie peu avec le flux de gaz dopant et reste proche de 3-4 × 1011 nc-Si/cm². Dans le cas du diborane, on remarque même que tous les échantillons co-déposés ont une densité de nc-Si un peu plus faible que l’échantillon témoin.Dans le cas de la phosphine, une légère augmentation de la densité de nc-Si est mesurée sur les échantillons co-déposés par rapport à l’échantillon témoin. Cependant, cette augmentation n’est pas significative.

De même, la quantité de silicium déposée n’est pas influencée par la co-déposition de phosphine. Par contre, la quantité de silicium déposée augmente de façon linéaire avec le flux de diborane. Une quantité de silicium équivalente à une couche de 9 angströms est déposée quand le contrôleur de flux de diborane est ouvert au maximum (100×10-4 sccm) contre 2.5 angströms quand il est fermé. Ces résultats sont confirmés par les images MEB de la figure 3.11. Les images a) et b) correspondent à des nc-Si co-déposés avec le débit maximum de diborane et de phosphine respectivement, l’image c) à la référence où les nc-Si sont déposés à partir de silane seul. Comme nous l’avons dit, la densité de nc-Si est quasiment identique sur les trois échantillons : proche de 3-4 × 1011 nc-Si /cm². L’addition de phosphine n’a pas d’effet sur la taille des nc-Si : leur diamètre est de 5 nm sur l’image b) comme sur l’échantillon témoin. Par contre, les nc-Si co-déposés avec le diborane sont nettement plus gros : 12 nm de diamètre moyen.

Ces résultats montrent donc que le diborane exalte la croissance des nc-Si conformément à ce qui aurait pu être prévu d’après la littérature. Par contre, il ne semble avoir aucun effet sur la nucléation des nc-Si, voire même un effet inhibiteur. La co-déposition de phosphine n’a pas d’influence, ni sur la nucléation, ni sur la croissance des nc-Si.

0

1

2

3

4

5

0,2

0,3

0,4

0,5

0,6

0,7

0,8

0,9

0 20 40 60 80 100 120

Den

sité

nc-

Si (1

011/c

m²)

Epaisseur équivalente de Si déposée (nm)

Débit B2H

6 (10-4sccm)

Figure 3.10 : Evolution de la densité et de la taille moyenne des nc-Si en fonction du flux de gaz dopant co-déposé.

0

1

2

3

4

5

0

0,2

0,4

0,6

0,8

1

0 20 40 60 80 100 120

Epaisseur équivalente de Si déposée (nm)

Débit PH3 (10-4 sccm)

Den

sité

nc-

Si (1

011/c

m²)

a) b)

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Chapitre 3 Dépôt de nanocristaux sur SiO2 thermique, Si3N4 et Al2O3

57

Cela est assez surprenant puisque la littérature prévoit une diminution de la vitesse de croissance du silicium lorsqu’il est co-déposé avec de la phosphine. C’est probablement dû à la tendance du phosphore à "flotter" à la surface du silicium. En effet, il a été observé que, lors de l’épitaxie de silicium, il est très difficile d’obtenir des profils abrupts de dopage phosphore à l’interface Si(intrinsèque)/Si(dopé) [Lou 03] [Kam 97]. Au début de la croissance, très peu de phosphore est incorporé et l’équilibre est atteint après un dépôt de silicium d’une dizaine de nanomètres. Les quantités de silicium que nous déposons sont très faibles (équivalentes à une couche continue de quelques angströms d'épaisseur) et il est donc probable que très peu de phosphore soit incorporé dans les nc-Si. Cela peut expliquer que nous n'ayons vu aucun effet de la phosphine sur la croissance des nc-Si.

Au contraire, le diborane s’incorpore très vite dans le silicium [Kam 97] ce qui peut expliquer que nous ayons observé le même effet du diborane sur la croissance des nc-Si que dans le cas de la croissance de couches épaisses de silicium.

En conclusion, la phosphine n’influence ni la nucléation ni la croissance des nc-Si. Cela montre donc d’une part que la phosphine n’empoisonne pas les sites de nucléation des nc-Si à la surface du SiO2. D’autre part, la quantité de silicium déposée est trop faible pour que l’on puisse observer un ralentissement de la cinétique de croissance des nc-Si à cause de l’empoisonnement par la phosphine des sites d’adsorption à la surface du silicium en croissance.

Le diborane n’a pas d’effet sur la nucléation des nc-Si. On peut donc penser que les sites de nucléation des nc-Si n’ont pas d’affinité pour le diborane ou alors que le diborane qui y est adsorbé n’est alors pas actif sur la nucléation du silicium. Par contre comme dans le cas du dépôt de couches épaisses de silicium, le diborane exalte la croissance du silicium

La co-déposition de gaz dopants de type n ou de type p ne permet donc pas d’améliorer

le contrôle de la nucléation des nc-Si. Pour cela, il aurait fallu qu’ils inhibent la croissance

Figure 3.11 : Influence de la co-déposition de gaz dopants sur la morphologie des nc-Si. Images MEB de nc-Si déposés à 600°C avec une pression partielle de silane de 60 mTorr pendant 120s dans le bâtiRP-CVD . (a) et (b) sont co-déposés avec le débit maximum de diborane et de phosphinerespectivement (c) est l’échantillon témoin.

a) b) c)

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Chapitre 3 Dépôt de nanocristaux sur SiO2 thermique, Si3N4 et Al2O3

58

(phosphine) ou qu’ils exaltent la nucléation (diborane), ce que nous n’avons pas observé expérimentalement.

3.2 Influence du type de substrat sur la nucléation des nc-Si

Dans ce paragraphe, nous allons comparer les résultats obtenus en déposant des nc-Si sur SiO2 thermique et sur d’autres isolants pouvant aussi être utilisés comme diélectrique de grille dans les dispositifs à nc-Si. Le premier paragraphe concerne le dépôt de nc-Si sur Si3N4. Les résultats sont discutés par rapport à ceux de la littérature et à nos résultats de dépôt sur SiO2 thermique. Le second paragraphe concerne le dépôt de nc-Si sur Al2O3, élaboré par Atomic Layer CVD. Enfin, nous conclurons sur l’intérêt d’utiliser ces matériaux comme substrats pour les nc-Si en vue de leur intégration.

3.2.1 Dépôt de nc-Si sur nitrure de silicium

Le nitrure de silicium (Si3N4) est un diélectrique largement utilisé dans la fabrication des circuits micro-électroniques. Il peut donc être utilisé comme substrat pour le dépôt de nc-Si [Bar 00] [Mad 01]. Dans le cadre de cette étude, les dépôts de nc-Si ont été réalisés sur du Si3N4 de 28 nm d’épaisseur, déposé par LP-CVD. Les précurseurs sont l’ammoniac (NH3) pour l’azote et le dichlorosilane (SiH2Cl2) pour le silicium.

La figure 3.12 montre l’évolution de la densité de nc-Si en fonction de la température

(a) de dépôt et de la pression partielle de silane (b) sur SiO2 thermique et sur Si3N4. Les dépôts sont réalisés simultanément sur les deux substrats dans le four LP-CVD. Globalement, la densité de nc-Si évolue de la même façon sur SiO2 et Si3N4 : quand la température de dépôt et la pression partielle de silane augmentent, la densité de nc-Si augmente aussi jusqu’à une limite qui correspond à la saturation de la surface par les nc-Si. Puis, elle diminue à cause de leur coalescence. Cependant, la cinétique de nucléation est plus rapide sur Si3N4 que sur SiO2 thermique. En effet, tant que la coalescence n’est pas atteinte, quelles que soient les conditions de dépôt, les densités de nc-Si obtenues sont supérieures sur Si3N4 à celles sur SiO2. De même, la densité maximum de nc-Si atteinte est nettement plus importante sur Si3N4 que sur SiO2 : respectivement 9.6 × 1011 nc-Si/cm² et 4.7 × 1011 nc-Si/cm².

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Chapitre 3 Dépôt de nanocristaux sur SiO2 thermique, Si3N4 et Al2O3

59

La figure 3.13 présente des images MEB de nc-Si déposés simultanément sur SiO2 thermique (a) et sur Si3N4 (c). L’image (b) correspond à un dépôt de nc-Si réalisé sur un substrat d’oxynitrure ayant une stœchiométrie intermédiaire entre SiO2 et Si3N4 : SiOxNy. Ce substrat est obtenu par oxydation thermique à 1000°C pendant 10 s d’une couche de Si3N4. A la surface de ce substrat, le silicium est donc lié à des atomes d’azote et à des atomes d’oxygène.

Pour des conditions de dépôt identiques sur les trois substrats, la densité maximale de nc-Si est obtenue sur Si3N4, 9×1011 nc-Si/cm² (a), la densité minimale sur SiO2 thermique, 3×1011 nc-Si/cm² (b) tandis qu’une densité de nc-Si intermédiaire se forme sur SiOxNy, 5×1011 nc-Si/cm² (c). Dans ce cas, la densité de nc-Si évolue donc de la même façon que la stœchiométrie du substrat.

Figure 3.13 : Dépôt de nc-si dans les mêmes conditions sur SiO2 (a), SiOxNy (b) et Si3N4 (c). Lesdensités de nc-Si sont respectivement 3×1011, 5×1011 et 9×1011 îlots/cm².

a) b) c)

Figure 3.12 : (a) Evolution de la densité de nc-Si en fonction de la température de dépôt sur SiO2thermique (2 nm d’épaisseur) et Si3N4 déposé par CVD (28 nm). Les dépôts sont réalisés dans le fourLP-CVD (120 mTorr, 15 secondes). (b) Evolution de la densité de nc-Si en fonction de la températurede dépôt sur SiO2 thermique (2 nm d’épaisseur) et Si3N4 déposé par CVD (28 nm). Les dépôts sontréalisés dans le four LP-CVD (590°C, 15 secondes).

2

3

4

5

6

7

8

9

10

0 50 100 150 200 250

SiO2Si3N4

Den

sité

de

nc-s

i (10

11/c

m²)

PSiH4

(mTorr)

0

2

4

6

8

10

560 570 580 590 600 610 620

SiO2Si3N4D

ensi

té d

e nc

-Si (

1011

/cm

²)

Tdép

(°C)a) b)

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Chapitre 3 Dépôt de nanocristaux sur SiO2 thermique, Si3N4 et Al2O3

60

3.2.2 Dépôt de nc-Si sur alumine élaborée par AL-CVD

L’alumine (Al2O3) est un autre substrat potentiellement intéressant comme substrat pour le dépôt des nc-Si. En effet, c’est un matériau de haute permittivité (high K) qui peut être utilisé pour remplacer l’oxyde de grille dans les transistors ou les mémoires. Il est réalisé par AL-CVD (Atomic Layer – CVD) [Dill 95]. Les précurseurs utilisés sont le triméthyl-aluminium pour l’aluminium et l’eau pour l’oxygène. Le mécanisme du dépôt est présenté sur la figure 3.14. Les précurseurs sont envoyés successivement dans le réacteur. Pour chacun des deux précurseurs, la réaction de dépôt est auto-limitée à une monocouche par le nombre de sites d’adsorption présents à la surface du substrat. On peut ainsi, théoriquement, faire croître l’alumine monocouche par monocouche, l’épaisseur déposée étant fixée par le nombre de cycles réalisés (1 cycle = envoi successif des deux précurseurs dans le réacteur).

Comme pour le SiO2 thermique et le Si3N4, nous avons étudié l’évolution de la densité

de nc-Si déposée sur Al2O3 en fonction de la température de dépôt (figure 3.15) et de la pression partielle de silane (tableau 3.16).

Les densités maximales de nc-Si atteintes sont très élevées, elles sont proches de 1012 nc-Si/cm² quelles que soient la pression et la température de dépôt. Comme sur SiO2 thermique, la densité de nc-Si varie peu en fonction de la température de dépôt. Par contre, la densité maximale de nc-Si déposée sur Al2O3 varie peu en fonction de la pression partielle de silane.

Dans le cas du dépôt de nc-Si sur Al2O3, les conditions de dépôt ont donc peu d’influence sur la nucléation des nc-Si. Ce sont les propriétés chimiques de l’Al2O3 qui gouvernent la nucléation des nc-Si.

Figure 3.14 : Schéma de principe d’un cycle de dépôt d’Al2O3 par AL-CVD.

Pulse du précurseur métallique Tri-Methyl Aluminium

Purge du précurseur métallique

Pulse du précurseur oxydant H2O

Purge du précurseur oxydant

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Chapitre 3 Dépôt de nanocristaux sur SiO2 thermique, Si3N4 et Al2O3

61

3.2.3 Discussion sur l’influence de la nature chimique du substrat sur la nucléation des nc-Si

Nous avons montré que la nucléation des nc-Si est fortement influencée par la nature chimique du substrat. Notamment, par rapport au SiO2 thermique, la nucléation des nc-Si est exaltée sur Si3N4 et Al2O3. Il y a donc probablement des sites réactifs avec le silane à la surface de ces substrats, qui sont absents ou en moins grand nombre, à la surface du SiO2 thermique. Nous allons discuter de la nature de ces sites d’après les résultats de la littérature.

Les résultats sur la comparaison de la nucléation des nc-Si sur SiO2 thermique et Si3N4

que nous avons obtenus sont tout à fait en accord avec ceux présentés dans la littérature. En effet, de nombreuses études ont montré que la nucléation du silicium est exaltée sur Si3N4 par rapport à SiO2 [Claa 80][Bas 98] [Bas 99] [Mad 01].

Les premiers à avoir comparé la nucléation du silicium sur Si3N4 et SiO2 sont Claassen et. al [Claa 80]. Selon ces auteurs, les sites d’adsorption pour le précurseur du silicium sont l’azote et l’oxygène à la surface du Si3N4 et du SiO2 respectivement. La raison principale de la plus forte densité de nuclei sur Si3N4 par rapport aur SiO2 est la différence d’affinité de l’azote et de l’oxygène pour l’hydrogène atomique issu de la dissociation du silane. En effet, l’oxygène ayant une affinité plus importante que l’azote pour l’hydrogène, une proportion

Pression (Torr) 0.035 0.12 0.2

Densité de nc-Si (cm-2) sur Al2O3 9.6 x1011 1.2 x1012 9.4 x1011

Figure 3.15 : Densité maximale de nc-Si déposée sur Al2O3 à trois températures différentes : 570, 600et 620°C. Les dépôts sont réalisés dans le four LP-CVD. Les densités sont toutes voisines de 1012 nc-Si/cm².

Tableau 3.16 : Evolution de la densité maximale de nc-si obtenue sur Al2O3 en fonction de la pressionpartielle de silane. Les dépôts sont réalisés dans le four LP-CVD à 590°C.

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Chapitre 3 Dépôt de nanocristaux sur SiO2 thermique, Si3N4 et Al2O3

62

plus importante des sites de nucléation potentiels pour le silicium sont bloqués par de l’hydrogène adsorbé sur SiO2 par rapport au Si3N4.

Basa et Irene [Bas 98] ont aussi étudié l’influence de la nature du substrat sur les premiers instants de la croissance du silicium par CVD. Ils ont aussi mesuré une augmentation de la vitesse de nucléation sur nitrure par rapport à de l’oxyde. Cependant, leur interprétation est différente de celle de Claassen et. al. Pour eux, les sites de nucléation préférentiels sont les atomes de silicium à la surface du substrat. Ils l’ont démontré en déposant du silicium sur des substrats d’oxyde déposé ayant différentes teneurs en silicium. Ils ont observé que la cinétique de nucléation est d’autant plus rapide que le substrat est riche en silicium. Ils attribuent donc l’augmentation de cinétique de nucléation sur Si3N4 par rapport à du SiO2 thermique à sa plus grande teneur en silicium : 46 % massique dans SiO2 et 60 % dans Si3N4.

Nous avons essayé de reproduire les expériences de Basa et. al. Pour cela, nous avons élaboré des nc-Si sur des substrats de SiO2 déposé de différentes stœchiométries. Le SiO2 déposé est élaboré par CVD à partir de dichlorosilane (SiH2Cl2) et de monoxyde d’azote (N2O). On peut faire varier sa stœchiométrie en modifiant la proportion d’un des précurseurs par rapport à l’autre (en jouant sur le débit des gaz). Nous n’avons pas vu d’évolution nette de la densité de nc-Si en fonction de l’enrichissement en silicium du substrat. Par contre, nous avons remarqué que la densité de nc-Si sur les oxydes déposés était, dans les mêmes conditions de dépôt, proche de celle déposée sur Si3N4. On peut donc penser que, dans ce cas, le mode d’élaboration du substrat influence davantage la nucléation des nc-Si que sa composition chimique. Il est connu que les matériaux déposés (SiO2 ou Si3N4), ont une qualité structurale bien moins bonne que le SiO2 thermique [Fit 94]. Ils contiennent donc beaucoup plus de défauts qui peuvent agir comme des sites de nucléation préférentiels pour les nc-Si. De plus, ils sont plus rugueux que l’oxyde thermique : 0.37 nm de rugosité RMS pour le nitrure que nous avons utilisé contre 0.14 nm de rugosité RMS pour le SiO2 thermique. Pendant les premiers instants du dépôt des nc-Si, la surface de réaction du silane avec le substrat est donc plus importante sur les matériaux déposés, ce qui peut aussi expliquer l’augmentation de la densité apparente de nc-Si.

Il n’existe pas, à notre connaissance, d’étude sur la nucléation du silicium sur Al203

élaboré par AL-CVD dans la littérature. Cependant, la forte affinité de la surface de l’alumine avec le silane avait déjà été mise en évidence par Imai et. al [Ima 95]. Plus précisément, ils ont montré que les groupements OH présents à la surface de l’alumine peuvent réagir avec le silane, même à basse température, suivant la réaction :

Al-OH + SiH4 → Al-O-SiH3 + H2 Or, dans notre cas, les nc-Si sont déposés sur de l’alumine qui a une très forte densité de

groupements OH de surface. En effet, lors de l’élaboration des couches de Al2O3, le dernier

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Chapitre 3 Dépôt de nanocristaux sur SiO2 thermique, Si3N4 et Al2O3

63

pulse est un pulse d’eau qui engendre la formation de groupes OH à la surface du substrat (figure 3.17).

On peut donc penser que c’est la forte réactivité des groupements OH présents à la surface de Al2O3 avec le silane qui explique les densités très élevées de nc-Si obtenues sur ce substrat.

3.3 Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons présenté nos résultats de dépôt sur SiO2 thermique. Nous avons étudié la nucléation et la croissance des nc-Si dans les gammes de température et de pression partielles de silane suivantes :

570°C < T < 620°C 35 mTorr < P < 200 mTorr

Ces gammes de température et de pression ont été balayées dans le four LP-CVD et le bâti RP-CVD. En adaptant le temps de dépôt, des résultats identiques sont obtenus dans ces deux équipements. Cela montre que la différence d’atmosphère gazeuse ne modifie pas les processus physiques et chimiques conduisant à la formation des nc-Si. Elle affecte uniquement la cinétique de ces processus.

La température de dépôt ne semble pas avoir une influence décisive sur la nucléation

des nc-Si. Par contre, la pression partielle de silane est un paramètre très important. Pour obtenir des fortes densités de nc-Si, il est nécessaire de déposer les nc-Si avec une forte pression partielle de silane. Sur SiO2, nous avons obtenu une densité maximale de nc-Si de 7×1011 nc-Si/cm² pour une pression partielle de silane de 200 mTorr.

Enfin, la co-déposition de gaz dopants (diborane et phosphine) ne semble pas avoir d’influence sur la nucléation des nc-Si.

Figure 3.17: Réaction de surface lors du dernier pulse d’eau lors de l’élaboration d’une couched’alumine par AL-CVD. A la fin du process, la surface est terminée par une monocouche degroupements OH.

H2O

O OO O OO

Al

CH3

Al

CH3H3C

Al

CH3

Al

CH3H3C

H2O H2O H2OH2O

O OO O OO

Al

CH3

Al

CH3H3C

Al

CH3

Al

CH3H3C

OO OO O OO OOO

Al

CH3

Al

CH3H3C

Al

CH3H3C

Al

CH3

Al

CH3

Al

CH3H3C

Al

CH3H3C

H2O H2O H2OCH4

O OO O OO

Al

OH

Al

OHOH

Al

OH

Al

OHOH

CH4CH4

CH4CH4

O OO O OO

Al

OH

Al

OHOH

Al

OH

Al

OHOH

OO OO O OO OOO

Al

OH

Al

OHOH

Al

OHOH

Al

OH

Al

OH

Al

OHOH

Al

OHOH

CH4CH4

CH4

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Chapitre 3 Dépôt de nanocristaux sur SiO2 thermique, Si3N4 et Al2O3

64

Nous avons ensuite comparé les résultats obtenus sur différents substrats. La cinétique de nucléation est plus rapide sur les matériaux déposés par CVD (SiO2 et Si3N4) et sur l’Al2O3

(élaborée par ALD) que sur le SiO2 thermique. Ainsi, des densités de nc-Si supérieures à 1012

/cm² ont été obtenues sur ces substrats, ce qui n’était pas possible sur SiO2 thermique. Pour les matériaux déposés par CVD, nous avons attribué ces résultats à leur mauvaise qualité structurale comparée au SiO2 thermique. Pour l’Al2O3, nous pensons que la forte cinétique de nucléation est due à la présence à sa surface de groupements très réactifs, les groupements hydroxyles.

D’un point de vue technologique, le dépôt des nc-Si sur des substrats tels que le Si3N4 et

l’Al2O3 a permis de déposer des densités de nc-Si supérieures à 1012/cm², résultats que nous n’avions pas pu obtenir sur SiO2 thermique. Néanmoins, pour l’intégration des nc-Si dans des dispositifs fonctionnels, l’utilisation de tels substrats pose de sérieuses difficultés. La plus importante est qu’ils ont une qualité structurale moins bonne que le SiO2 thermique, ce qui a une forte incidence sur leurs propriétés électriques. Notamment, ils possèdent une densité importante de défauts qui peuvent piéger les charges et ainsi empêcher le bon fonctionnement des mémoires à nc-Si.

Il semble donc nécessaire d’obtenir les densités élevées de nc-Si sur SiO2 thermique.

Pour cela, nous avons donc décidé d’étudier plus précisément l’influence des propriétés chimiques de surface du SiO2 thermique sur la nucléation des nc-Si.

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Chapitre 3 Dépôt de nanocristaux sur SiO2 thermique, Si3N4 et Al2O3

65

3.4 Bibliographie

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Chapitre 3 Dépôt de nanocristaux sur SiO2 thermique, Si3N4 et Al2O3

66

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Page 67: Etude de la nucléation et de la croissance de nanocrsitaux ...

Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

67

Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du substrat de SiO2 sur la nucléation des nanocristaux

4.1 Introduction - but de l’étude

Ce chapitre présente les résultats de nos études sur l’influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique sur la nucléation des nc-Si. Le but est d’identifier des sites de nucléation préférentiels pour les nc-Si En effet, ceux-ci ne sont pas clairement identifiés dans la littérature [Vou 93] et les mécanismes de nucléation du silicium par CVD sur SiO2 thermique sont donc encore mal connus. D’autre part, d’un point de vue technologique, il est encore nécessaire d’améliorer le contrôle de la densité des nc-Si sur SiO2 thermique en vue de leur intégration dans des dispositifs fonctionnels.

En effet, dans le chapitre précédent, nous avons vu que, sur SiO2 thermique, la densité

des nc-Si peut être contrôlée dans une certaine mesure par les conditions de dépôt. Notamment, la densité de nc-Si augmente avec la pression partielle de précurseur. Cependant, la densité de nc-Si maximale que nous avons pu déposer sur SiO2 thermique est de l’ordre de 7×1011 nc-Si/cm². C’est suffisant pour les applications mémoires mais des densités de nc-Si supérieures peuvent aussi être intéressantes [Bla 02 ]. Par contre, pour les applications où il doit y avoir un transport latéral du courant entre les nc-Si, les densités nécessaires sont supérieures à 1012 nc-Si/cm² [Pal 00]. Identifier et contrôler la densité de sites de nucléation préférentiels pour les nc-Si pourrait permettre d’augmenter leur densité maximale.

A l’échelle macroscopique, la densité de nc-Si est uniforme à la surface du SiO2. Cependant, on peut remarquer, sur les images MEB et AFM (figure 4.1.a), des inhomogénéités dans la répartition des nc-Si au niveau microscopique. Les dimensions typiques des dispositifs dans lesquels les nc-Si sont destinés à être intégrés sont de l’ordre de quelques dizaines de nanomètres. Il pourrait donc y avoir des fluctuations de densité de nc-Si d’un dispositif à l’autre, ce qui engendrerait aussi des fluctuations de leurs caractéristiques électriques. L’origine de l’inhomogénéité de la densité de nc-Si est probablement que les sites de nucléation des nc-Si ne sont pas assez nombreux et sont répartis aléatoirement à la surface du substrat de SiO2. Une répartition plus uniforme des sites de nucléation doit engendrer une homogénéisation de la répartition des nc-Si. Cela pourrait aussi avoir un effet bénéfique sur la dispersion en taille des nc-Si. En effet, si l’on considère que, à l’échelle microscopique, le flux de précurseur à la surface du substrat est uniforme, la figure 4.1.b suggère que les nc-Si isolés doivent avoir une vitesse de croissance supérieure à ceux situés dans une zone de forte

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

68

densité. Cela conduit à une augmentation de la dispersion en taille. Ainsi, si les nc-Si sont répartis uniformément à la surface du substrat, l’apport de silicium depuis la phase gazeuse sera identique sur chacun d’entre eux et devrait améliorer leur dispersion en taille.

Enfin, cette étude est le premier pas vers la maîtrise de la disposition des nc-Si. En effet, si nous pouvons identifier un ou des sites de nucléation préférentiels pour les nc-Si et contrôler leur disposition à la surface, cela pourra permettre d’organiser le dépôt des nc-Si.

La surface du SiO2 thermique est composée de deux types de groupements : • Les groupements siloxanes Si-O-Si. Ce sont les groupements majoritaires à

la sortie du four d’oxydation. • Les groupements silanols Si-OH.

Dans une première partie, nous étudierons la possibilité de modifier la réactivité des groupements siloxanes de surface pour favoriser la nucléation des nc-Si. Cela revient à étudier l’influence de la contrainte dans le substrat de SiO2 thermique sur la nucléation des nc-Si.

Dans une deuxième partie, nous étudierons l’influence de la densité de groupements Si-OH sur la nucléation des nc-Si. Nous avons vu au chapitre 3 que les groupements Al-OH sont des sites de nucléation préférentiels pour les nc-Si.

a)

b)

v

SiH 4

v

Figure 4.1 : a) Image AFM de nc-Si montrant l’inhomogénéité de la répartition des nc-Si à l’échelle de la centaine de nanomètres : on peut clairement distinguer des zones de forte et de faible densité de nc-Si. b) Schéma montrant l’influence de la répartition aléatoire des nc-Si sur leur dispersion en taille

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

69

4.2 Influence de la contrainte dans le SiO2 thermique sur la nucléation des nc-Si

Les oxydes utilisés comme diélectriques de grille dans la fabrication des dispositifs micro-électroniques sont généralement réalisés par oxydation directe du substrat de silicium à des températures supérieures à 750°C, en atmosphère oxydante : O2, O2 +HCl ou H2O.

Dans cette étude, nous allons nous intéresser uniquement au cas où les oxydes thermiques sont élaborés en atmosphère sèche non chlorée. Cette méthode d’élaboration permet d’obtenir une excellente qualité de l’interface Si/SiO2 ainsi qu’une très faible densité de défauts dans le volume du SiO2.

Cependant, le budget thermique nécessaire à la formation d’une couche de SiO2 peut être très variable suivant sa température d’élaboration et son épaisseur. Cela engendre des variations de l’état de contrainte des couches de SiO2 thermique. Dans ce paragraphe, nous étudierons l’influence de ce paramètre sur la nucléation des nc-Si.

4.2.1 Origine et caractérisation de la contrainte dans le SiO2 thermique

Lors de l’oxydation thermique du silicium, une contrainte "intrinsèque", σ0, est générée à l’interface de croissance entre le Si et le SiO2 [Eer 77], [Ire 82], [Kob 89], [Kob1 89] [Fit 89]. L’origine de cette contrainte est attribuée à l’augmentation du volume molaire de 120 % résultant de la conversion du Si en SiO2. Cette contrainte, maximale à l’interface de croissance, diminue quand on se rapproche de la surface. En effet, dans l’épaisseur de la couche, le SiO2 a été recuit à la température d’oxydation pendant un temps proportionnel à sa distance de l’interface de croissance. Par exemple, la surface du SiO2 a été recuite à la température d’oxydation pendant tout le temps de la croissance du film. Ce recuit a pu relaxer totalement ou partiellement son état de contrainte [Fit 89].

Dans une couche d’oxyde thermique, il y a donc un gradient de contrainte entre σ0 à l’interface de croissance et σs, la contrainte résultante à la surface du SiO2. L’évolution de la contrainte dans l’oxyde thermique avec son "histoire" thermique peut être modélisée par un mécanisme de type relaxation viscoélastique [Eer 77]. Dans le cadre de ce modèle, la distribution de la contrainte intrinsèque dans l’épaisseur de la couche peut être calculée par l’équation suivante [Fit2 89] :

où σ0 = 4.6 × 104 N/cm² est la contrainte intrinsèque à l’interface de croissance, t est le temps de recuit ou d’oxydation et τ le temps de relaxation viscoélastique. τ est très fortement dépendant de la température d’oxydation. Dans notre modèle, nous avons pris les valeurs de τ dans la publication d’Irene et. al. [Ire 82].

)exp()( 0 τσσ tt −

=

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

70

Ce modèle simple est très intéressant pour notre étude car, à partir des conditions expérimentales de croissance de l’oxyde, il permet de calculer la contrainte "théorique" en tout point de la couche et notamment à sa surface, t étant pris, dans ce cas, égal au temps total d’oxydation.

Plusieurs techniques permettent d’étudier expérimentalement la contrainte dans le SiO2.

Les plus répandues sont la mesure d’angle de courbures de la plaquette [Eer 77] et la spectroscopie infrarouge [Fit 89]. Il faut noter que ces deux techniques donnent une caractérisation de la contrainte moyennée sur toute l’épaisseur de la couche. Nous avons choisi la spectroscopie infrarouge car, dans notre cas, elle présente une plus grande facilité de mise en œuvre ainsi qu’une excellente reproductibilité. Un spectre infrarouge expérimental d’une couche de SiO2 thermique est présenté sur la figure 4.2. Il comporte trois bandes d’absorption caractéristiques des groupes Si-O-Si :

- Le mode "stretching", proche de 1075 cm-1, qui correspond à un mouvement d’élongation des liaisons dans le plan.

- Le mode "bending", proche de 800 cm-1, qui correspond à un écartement des liaisons dans le plan.

- Le mode "rocking", proche de 450 cm-1 qui correspond à un mouvement de bascule de l’atome central de silicium hors du plan.

Figure 4.2 : Spectre infrarouge en transmission présentant les différents modes de vibration du groupeSi-O-Si d’une couche de SiO2 thermique.

400600800100012001400-0,02

0

0,02

0,04

0,06

0,08

0,1

Abs

orba

nce

(a.u

.)

Nombre d'onde ( cm -1)

Stretching

Bending

RockingO

Si 2θ Si

O

Si 2θ Si

O

Si 2θ Si

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

71

Les études les plus complètes sur la contrainte dans le SiO2 par spectroscopie infrarouge

ont été réalisées par Fitch et. al [Fit 89][Fit2 89][Fit 87]. Ces derniers ont mis en évidence une corrélation entre la contrainte intrinsèque et la fréquence de vibration du groupe Si-O-Si (γ) suivant le mode d’élongation (stretching). De plus, ils ont développé un modèle qui permet de relier γ à l’angle de liaison moyen des groupes Si-O-Si dans la couche de SiO2 sondée :

γ = γ0 sinθ où γ est la position du maximum d’amplitude de la bande de la liaison Si-O-Si et 2θ la valeur de l’angle de liaison moyen. γ0 = 1134 cm-1 est une valeur déterminée empiriquement en postulant que, pour un oxyde totalement relaxé, γ =1078.5 cm-1 et 2θ = 144°.

Comme nous l’avons dit précédemment, cette technique donne une caractérisation de la contrainte dans la couche de SiO2 moyennée sur toute son épaisseur. La surface est la zone la plus éloignée de l’interface Si/SiO2, c’est donc aussi la plus relaxée. Comme la contrainte diminue exponentiellement dans la couche de SiO2 lorsque l’on va de l’interface de croissance vers la surface, les variations mesurées expérimentalement doivent sous-estimer les variations de la contrainte à la surface du substrat. Cependant, puisque la contrainte varie de la même façon dans le volume du SiO2 et à sa surface, la spectroscopie infrarouge donne, en première approximation, une information sur la contrainte à la surface du SiO2 thermique.

4.2.2 Influence de la température d’oxydation du SiO2 sur la nucléation des nc-Si

4.2.2.1 Influence de la température d’oxydation sur la contrainte dans le SiO2 thermique

Pour obtenir des couches ayant différents états de contrainte de surface, nous avons élaboré des couches de SiO2 thermique à différentes températures d’oxydation comprises entre 750°C et 1050°C. L’épaisseur de ces oxydes a été fixée à 40 nm (± 4 nm). Ces oxydes ont été réalisés dans un four d’oxydation sèche horizontal à pression atmosphérique .

La figure 4.3 présente l’évolution de la position du maximum d’intensité (γ) du mode

d’élongation de la liaison Si-O-Si en fonction de la température d’oxydation. γ se décale vers les hauts nombres d’ondes quand la température d’oxydation augmente : il passe de 1069 cm-1 à 1077 cm-1 lorsque la température d’oxydation varie entre 750°C et 1050°C. Plus la température d’oxydation est élevée, plus la position du maximum d’intensité de la bande infrarouge se rapproche de la position de γ caractéristique des groupements Si-O-Si parfaitement relaxés, 1078.5 cm-1. Cela traduit la diminution de la contrainte dans la couche. Ces résultats sont tout à fait en accord avec ceux présentés par Fitch et al [Fit 89].

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

72

La figure 4.4 présente l’évolution de la valeur moyenne de l’angle Si-O-Si dans la couche (calculée à partir des résultats expérimentaux) et celle de la valeur théorique de la contrainte à la surface du SiO2 (calculée à partir du modèle de relaxation viscoélastique) en fonction de la température d’oxydation. Lorsque la température d’oxydation augmente, la contrainte résultante à la surface du SiO2 diminue et est même complètement relaxée pour les oxydes élaborés à 1000°C et 1050°C. L’angle moyen de liaison des groupes Si-O-Si varie de la même façon que γ et diminue quand la température d’oxydation décroît. En effet, lorsque la température d’oxydation augmente, la configuration des groupements Si-O-Si se rapproche de la géométrie correspondant à des groupes Si-O-Si complètement relaxés ( Si-O-Si = 144°).

Ce modèle infrarouge est probablement simpliste car il est évident que dans un matériau

amorphe tel que le SiO2 thermique, les angles de liaison sont relativement mal définis. D’ailleurs, la largeur très importante de la bande d’absorption des groupes Si-O-Si sur la figure 4.2 montre que la géométrie des groupes Si-O-Si dans la couche de SiO2 est très variable. Cependant, quand la température d’oxydation augmente, toute la bande d’adsorption se décale vers les hauts nombres d’ondes ce qui traduit une relaxation globale de la couche de SiO2. Les mesures infrarouges donnent donc une information de l’évolution globale de la contrainte dans la couche de SiO2 et de son influence sur la géométrie des groupements Si-O-Si. On peut considérer que la contrainte en surface évolue de la même façon que dans le volume de la couche.

0,08

0,085

0,09

0,095

0,1

1020 1040 1060 1080 1100

750°C800°C850°C900°C950°C1000°C1050°C

Nombre d'onde (cm-1)

Abs

orba

nce

(u.a

)

1068

1070

1072

1074

1076

1078

750 800 850 900 950 1000 1050 1100γ

(cm

-1)

Température d'oxydation (°C)

Figure 4.3 : Evolution du maximum de la bande d’absorption du mode d’élongation des groupes Si-O-Si en fonction de la température d’oxydation. a) : Zoom sur les spectres (normalisés) et b) : courbeexpérimentale. Les couches de SiO2 thermique ont une épaisseur de 40 nm.

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

73

4.2.2.2 Influence de la contrainte dans le SiO2 sur la densité de nc-Si

Nous avons déposé des nc-Si sur des couches de SiO2 thermique d’épaisseur identique mais élaborées à différentes températures et ayant, par conséquent, différents états de contrainte. Le dépôt a été simultané sur toutes les plaques. L’évolution de la densité de nc-Si en fonction de la température d’oxydation du substrat est présentée sur la figure 4.5.a. La figure 4.5.b montre l’évolution de la densité de nc-Si en fonction de la valeur de l’angle de liaison Si-O-Si et de la contrainte résultante à la surface du SiO2. Les images MEB des nc-Si déposés sur les couches de SiO2 élaborées à 800°C et 1050°C sont aussi présentées, respectivement sur les figure 4.5.c et d.

La densité de nc-Si diminue fortement quand la température d’oxydation augmente. En

effet, la densité de nc-Si est divisée par un facteur 3 lorsque la température d’oxydation du substrat de SiO2 passe de 800°C à 1050°C : elle passe de 7 × 1011 nc-Si / cm² à 2.5 × 1011 nc-Si / cm². Cette variation de densité de nc-Si peut être corrélée avec une variation de l’état de contrainte des couches de SiO2. En effet, la densité de nc-Si la plus importante est obtenue sur la surface de SiO2 où le modèle théorique prévoit la plus forte contrainte résultante alors que la plus faible est obtenue sur la surface où la contrainte est complètement relaxée. L’évolution de la densité de nc-Si en fonction de l’angle moyen des liaisons Si-O-Si confirme de façon expérimentale l’influence de la contrainte dans le SiO2 sur la nucléation des nc-Si. Plus les

140,5

141

141,5

142

142,5

143

143,5

144

0

1

2

3

4

5

750 800 850 900 950 100010501100

Ang

le d

e lia

son

Si-O

-Si (

°)

Contrainte à la surrface du SiO

2 (104 N

/cm²)

Température d'oxydation (°C)

Figure 4.4 : Evolution de l’angle moyen Si-O-Si dans la couche de SiO2, il est calculé d’après les mesures expérimentales présentées à la figure 4.2. Evolution de la contrainte intrinsèque à la surfacedu SiO2 calculée d’après le modèle de relaxation visco-élastique.

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

74

groupements siloxane de surface sont "déformés" par rapport à leur état relaxé, plus la cinétique de nucléation des nc-Si est rapide.

Nous avons vérifié que la contrainte de l’oxyde est le seul paramètre qui varie avec la température d’oxydation, et donc, qui peut expliquer les variations de densité de nc-Si. La rugosité RMS, mesurée par AFM, est identique quelle que soit la température d’élaboration de l’oxyde et égale à 0.14 nm. De plus, nous n’avons pas pu mettre en évidence de variation de densité de groupements Si-OH significative à la surface des couches de SiO2 élaborées entre 800°C et 1050°C.

Figure 4.5 : a) Evolution de la densité de nc-Si en fonction de la température d’oxydation du substratde SiO2. b) Evolution de la densité de nc-Si en fonction de l’angle moyen des groupes Si-O-Si et de la contrainte à la surface du SiO2. Les nc-Si sont déposés à 600°C à une pression de 120 mTorr. Pourchaque substrat, le temps d’oxydation a été ajusté pour que l’oxyde ait une épaisseur de 40 nm. c) etd) Images MEB des nc-Si déposés sur des oxydes élaborés à 1050°C et 800°C respectivement.

1

2

3

4

5

6

7

8

750 800 850 900 950 1000 1050 1100

Den

sité

nc-

Si (1

011/c

m²)

Température d'oxydation (°C)

1

2

3

4

5

6

7

8

141 142 143 144

0 1 2 3 4 5

Den

sité

de

nc-S

i (10

11/c

m²)

Contrainte ( 104N cm-2 )

Angle de liaison Si-O-Si (°)

d)c)

a) b)

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

75

4.2.2.3 Dépôt de fortes densités de nc-Si sur SiO2 contraint

Dans le paragraphe précédent, nous avons montré que la variation de la contrainte dans le SiO2 modifie fortement la densité de nc-Si déposés à sa surface. Les conditions pour lesquelles la contrainte résultante à la surface du SiO2 est la plus importante sont :

- Une température d’oxydation basse. - Une faible épaisseur d’oxyde .

Pour optimiser l’influence de la contrainte sur la nucléation des nc-Si, nous avons déposé des nc-Si sur un oxyde thermique "ultra-fin" (1,2 nm) élaboré à basse température (800°C) [Mur 00]. Son épaisseur correspond à environ quatre couches atomiques. La contrainte à la surface de l’oxyde est donc quasi-identique à la contrainte interfaciale Si/SiO2. Le dépôt est réalisé à forte pression partielle de silane, ce qui est favorable à l’obtention d’une forte densité de nc-Si. La densité de nc-Si, mesurée sur l’image MEB présentée sur la figure 4.6, est très élevée : 9.4×1011 nc-Si/cm². De plus, la surface n’est pas saturée par les nc-Si : une densité supérieure à 1012 nc-Si/cm² aurait probablement pu être atteinte en augmentant légèrement le temps de dépôt. Par comparaison, la densité maximale de nc-Si obtenue sur un oxyde de 7 nm élaboré à 900°C était de 7×1011 nc-Si/cm².

4.2.3 Conclusion et explication de l’influence de la contrainte sur la nucléation des nc-Si

Dans cette étude, nous avons montré que, pour des conditions de dépôt fixées, la densité de nc-Si varie en fonction de la température d’oxydation et de l’épaisseur de l’oxyde. Nous avons attribué cet effet à une modification de l’état de contrainte dans le substrat de SiO2. Ces variations peuvent être importantes puisque la densité de nc-Si peut varier d’un facteur trois en modifiant uniquement la température d’oxydation. De plus, une densité de nc-Si proche de 1012/cm² a été obtenue sur un oxyde très contraint. La contrainte dans le substrat de SiO2 thermique est donc un paramètre très influant sur la nucléation des nc-Si. Il faut en tenir

Figure 4.6 : Image MEB de nc-Si déposés sur un oxyde de 1.2 nm d’épaisseur élaboré à 800°C. Ladensité est de 9.4×1011 nc-Si/cm². Les nc-Si sont déposés à T =600°C et P(SiH4) = 200 mTorr.

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

76

compte dans la conception de la recette de dépôt sous peine d’avoir de fortes variations de la densité et de la taille de nc-Si obtenus par rapport à ce qui est attendu.

Nos résultats sont en accord avec ceux présentés par Myazaki et. al [Miy 00].

Cependant, l’amplitude de variation de densité de nc-Si avec la contrainte qu’ils ont obtenue est plus faible que la nôtre : ils mesurent une augmentation de la densité de nc-Si de 0.5×1011 à 1×1011 nc-Si/cm² lorsque la température d’élaboration du SiO2 thermique varie de 800°C à 1000°C [Miy 00]. Cela peut être dû à des conditions de dépôt différentes dans les deux expériences, mais aussi probablement à la différence d’épaisseur des couches de SiO2 que nous avons employées. Dans leur cas, les oxydes étaient ultra-fins (2 nm). Donc, même à haute température d’oxydation, il est probable que la contrainte générée à l’interface Si/SiO2 ait été seulement partiellement relaxée à la surface du SiO2. Dans notre cas, les oxydes sont relativement épais, 40 nm. Nos calculs ont montré que la contrainte de surface est nulle quand la température d’oxydation est supérieure à 1000°C alors qu’elle reste proche de la contrainte interfaciale dans le cas d’un oxyde élaboré à 800°C. L’amplitude de la variation de contrainte résultante à la surface de l’oxyde doit donc être plus importante dans notre cas que dans celui d’oxydes ultra minces. Cela explique le plus fort impact de la température d’oxydation sur la densité de nc-Si que nous avons observé.

D’après les analyses de spectroscopie infrarouge, les variations de densité de nc-Si avec

la contrainte peuvent être reliées à des modifications de la structure locale dans le SiO2 et notamment à la déformation des groupements Si-O-Si. Bunker et Michalske [Bun 84] [Bun 89] ont montré, par des calculs d’orbitales moléculaires et des résultats expérimentaux, que la déformation des liaisons pouvait transformer une liaison Si-O inerte en un site favorable pour l’adsorption de molécules organiques. Cela est probablement dû à une fragilisation de la liaison déformée qui augmente sa réactivité. Notre étude suggère donc que la variation de la réactivité des groupements siloxanes en fonction de leur état de contrainte peut être étendue au cas du silane.

Une autre possibilité est que les groupements Si-O-Si contraints aient pu réagir avec la

vapeur d’eau de l’atmosphère de la salle blanche pour former des groupements Si-OH. En effet, des études ont montré que plus les groupes Si-O-Si étaient contraints, plus ils pouvaient réagir rapidement avec la vapeur d’eau pour former des groupes Si-OH [Bun 89]. Dans cette hypothèse, ce seraient les groupements silanols introduits à la surface du substrat pendant les transferts des plaques à l’air qui expliqueraient l’augmentation de nc-Si avec la contrainte dans l’oxyde. Nous ne pouvons pas exclure complètement cette hypothèse, mais nous notons que nous n’avons pas pu mettre en évidence d’augmentation de la densité de groupements Si-

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

77

OH (par des mesures infrarouges ayant une très forte sensibilité) à la surface du SiO2 en sortie du four quand la température d’oxydation diminuait.

En conclusion, quand la contrainte résultante à la surface du SiO2 thermique augmente,

la géométrie des groupements Si-O-Si à la surface du SiO2 est, en moyenne, de plus en plus perturbée par rapport à la conformation parfaitement relaxée. Cette déformation des groupements Si-O-Si conduit à un affaiblissement des liaisons Si-O et par là même à une augmentation de leur réactivité avec le silane. Cela explique pourquoi la densité de nc-Si augmente avec la contrainte dans le substrat de SiO2 thermique.

4.3 Influence des groupements silanols sur la nucléation des nanocristaux silicium

Nous avons montré que la densité de nc-Si augmente avec la contrainte dans le SiO2. Cependant pour que cet effet soit maximisé, il est nécessaire de déposer les nc-Si sur des oxydes ultra-fins. Cela n’est pas compatible avec toutes les applications visées. La modification des propriétés chimiques de surface d’un oxyde thermique d’épaisseur quelconque de façon à générer des sites de nucléation pour les nc-Si serait une voie plus intéressante. Pour cela, nous allons étudier l’influence des groupements silanols présents à la surface du SiO2 sur la nucléation des nc-Si. Dans la première partie, nous étudierons les moyens d’introduire ces groupements sur la surface de l’oxyde et de contrôler leur densité. Dans une deuxième partie, nous étudierons l’influence des groupements silanols sur la nucléation des nc-Si. Enfin, nous conclurons sur l’intérêt de ces groupements pour la fabrication des dispositifs à nc-Si.

4.3.1 Contrôle et mesure de la densité de Si-OH à la surface du SiO2 thermique

4.3.1.1 Introduction : généralités sur les groupements silanols

Quel que soit le mode d’élaboration de la silice (sol-gel, pyrogénique, thermique) sa surface est composée de groupements siloxanes (Si-O-Si) et de groupements silanols (Si-OH). Les silanols se divisent en plusieurs groupes représentés sur le schéma 4.17 [Van 97] :

- Les silanols isolés. - Les silanols vicinaux ou pontés, quand deux groupements hydroxyles sont liés à

deux atomes de silicium différents mais assez proches pour interagir par l’intermédiaire d’une liaison hydrogène.

- Les silanols géminés lorsque deux groupements hydroxyles sont liés à un même atome de silicium.

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

78

La structure de la surface du SiO2 amorphe est très désordonnée. Par conséquent, la répartition des groupements silanols et des groupements siloxanes à la surface du SiO2 amorphe est, elle aussi, complètement désordonnée. Ainsi, à la surface d’un même échantillon de SiO2, on peut trouver différents types de groupements silanols. La densité et le type des groupements silanols majoritaires présents à la surface dépendent de nombreux paramètres mais principalement de la méthode d’élaboration du SiO2 et des traitements, chimiques et thermiques, qu’il a subis.

Lorsqu’elle est relaxée, la liaison Si-O des groupements siloxanes est extrêmement stable, donc très peu réactive. On considère généralement que ce sont les groupements silanols qui gouvernent la réactivité de surface du SiO2. En effet, tous les mécanismes de greffage de molécules sur SiO2 impliquent une réaction avec les groupements Si-OH de surface [Van 97]. On voit donc là tout l’intérêt que peuvent avoir ces groupements pour notre étude puisque la nucléation des nc-Si implique au tout premier stade une réaction chimique du précurseur gazeux du silicium avec la surface du SiO2.

4.3.1.2 Caractérisation des groupements Si-OH à la surface du SiO2

4.3.1.2.1 La mesure d’angle de goutte

Les groupements silanols ont une très forte affinité avec l’eau. Une surface de SiO2 ayant une forte densité de groupements silanols sera donc très hydrophile, alors qu’une surface de SiO2 ayant une faible densité de groupements Si-OH le sera beaucoup moins. Ainsi, une bonne méthode de caractérisation de la densité de groupements Si-OH est l’étude de l’étalement d’une goutte d’eau déposée sur la surface du SiO2. Plus la surface est hydrophile, plus la goutte d’eau a tendance à s’étaler.

En pratique, on dépose une goutte d’eau sur une surface de SiO2 et on mesure l’angle

de contact entre la surface du solide et la tangente à la surface du liquide (angle de contact θ). L’angle mesuré dépend des énergies superficielles et interfaciales des phases en présence. Le schéma de la figure 4.8 représente une goutte d’eau déposée sur le SiO2. γEA, γSA et γSE

Figure 4.7 : Différents types de groupements silanols pouvant être présents à la surface du SiO2

O O

H H

O O H

O

H H

Si Si Si Si

Silanol isolé Silanols pontés Silanols géminés

SiO2

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

79

représentent respectivement les énergies de surface de l’eau par rapport à l’air, de l’oxyde par rapport à l’air et de l’oxyde par rapport à l’eau. L’équilibre qui s’établit peut être traduit par l’équation de Young Dupré :

γSA = γSE + γEA cos θ

Le dispositif expérimental utilisé est une machine semi-automatique Digidrop commercialisée par la société GBX. Elle est constituée d’une caméra CCD reliée à un ordinateur permettant l’acquisition et le traitement de l’image de la goutte. La goutte, généralement d’un volume de deux micro-litres, est déposée par une micro-pipette automatique.

Cette méthode est très pratique car elle permet une caractérisation aisée et rapide de

l’hydrophilie de la surface. Cependant, pour des surface très hydrophiles, ce qui est souvent le cas dans notre étude, la mesure est délicate car la goutte s’étale très vite. Il est alors nécessaire d’enregistrer la dynamique d’étalement de la goutte pour arriver à différencier les différents états de surface. De plus, cette méthode est très sensible à l’atmosphère de la manipulation. En effet, de l’eau peut venir s’adsorber à la surface du substrat, la rendant artificiellement plus hydrophile.

Nous avons principalement utilisé cette technique comme une première approche pour

comparer l’hydrophylie de la surface du SiO2 engendrée par les différents traitements chimiques que nous avons testés. Elle nous a permis de sélectionner les traitements chimiques les plus intéressants pour générer des groupements silanols à la surface du SiO2. Ceux-ci ont ensuite été étudiés plus en détails par spectrophotométrie infrarouge.

4.3.1.2.2 La spectrophotométrie infrarouge / dispositif MIR

La spectroscopie infrarouge à transformée de Fourrier (FTIR) est la méthode la plus employée pour étudier les groupements silanols à la surface du SiO2. En effet, les groupements silanols présentent une large bande d’adsorption entre 3400 et 3750 cm-1. Cette bande comprend les contributions des différentes formes de groupements silanols (isolés, pontés...) en interaction ou non avec des molécules physisorbées à la surface du substrat. La

Figure 4.8 : Modèle de Young d’une goutte déposée sur un solide et représentation de l’état d’équilibredes tensions superficielles.

γEA

γSE

γSA

θ

Substrat

Air eau

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

80

détermination des fréquences de vibration de chaque type de groupements OH fait l’objet de nombreuses controverses dans la littérature [Van 97].

Généralement, l’étude des groupements silanols par FTIR est réalisée par transmission sur des silices poreuses à forte surface spécifique. Dans notre cas, le substrat est parfaitement plan (rugosité RMS de 0.14 nm mesurée à l’AFM). La quantité de silanol de surface sondée par le rayon infrarouge est donc très faible : elle correspond aux groupements silanols présents sur les deux faces de la plaquette, c’est-à-dire moins de deux monocouches. Une quantité aussi faible n’est pas détectable par spectroscopie infrarouge en transmission simple. Pour augmenter la sensibilité de l’analyse, nous avons utilisé la technique MIR (Multiple Reflexion Interne) détaillée sur la figure 4.9. Dans ce dispositif, le faisceau infrarouge est introduit dans l’échantillon au moyen d’un prisme de couplage. Ensuite, il se réfléchit sur les faces internes de l’échantillon un grand nombre de fois. Enfin, il est extrait par un autre prisme de couplage pour être envoyé sur l’analyseur. A chaque réflexion, l’information sur la surface est accumulée permettant une augmentation de la sensibilité : ainsi alors que la limite de détection est de quelques mono-couches de "liaisons" par FTIR en transmission, on peut atteindre une sensibilité d’un centième de monocouche (≈1012 liaisons/cm²) avec le dispositif MIR [Roc 00].

Dans le cadre de cette étude, les mesures ont été effectuées sur un spectromètre Brucker IFS55 équipé d’un détecteur HgCdTe large bande ayant une résolution de 4 cm-1. Généralement 1000 acquisitions de spectres ont été réalisées pour chaque analyse. Les prismes de couplage présentent un angle utile de 30°. Deux miroirs dorés permettent d’ajuster la trajectoire du faisceau et de définir la longueur de propagation. Le nombre de réflexions est d’environ 230 pour le dispositif MIR pour les plaques 8 pouces et de 100 pour le dispositif

θs

e

Zp

A

polariseur

s p

θs

e

Zp

A

polariseur

s p

Figure 4.9 : Schéma du dispositif MIR 8pouces.

échantillon

Prisme decouplage

miroir

Page 81: Etude de la nucléation et de la croissance de nanocrsitaux ...

Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

81

Tableau 4.10 : Mesures d’angles de goutte sur un oxyde thermique ayant subi différents traitementschimiques. L’oxyde thermique est élaboré à 1050°C sous oxygène sec et fait 40 nm d’épaisseur.

MIR pour les plaques 4 pouces. Lors du parcours de la lumière dans l’échantillon, il faut minimiser les pertes d’intensité : la rugosité des faces de l’échantillon doit donc être la plus faible possible pour limiter les pertes par diffusion de la lumière aux interfaces. Nous utilisons donc des plaques polies sur les deux faces pour ce type d’analyse.

4.3.1.3 Contrôle de la densité de groupements Si-OH à la surface du SiO2

4.3.1.3.1 Obtention d’une surface de SiO2 fortement hydroxylée

La bibliographie sur les groupements silanols est très importante et l’ouvrage de Vansant et. al. en est une bonne synthèse [Van 97]. Dans la plupart des études, les groupements silanols de surface sont produits directement par l’eau présente dans le milieu pendant la synthèse du SiO2. Dans notre cas, l’oxyde thermique est synthétisé à haute température dans une atmosphère contrôlée, très pauvre en vapeur d’eau. La densité de groupements silanols est donc très faible à la surface du SiO2 thermique en sortie du four d’oxydation : nous obtenons un angle de goutte de 35°. Pour augmenter la densité de groupements silanols, il est nécessaire de réaliser des traitements chimiques pour casser les liaisons Si-O de surface et introduire des groupements hydroxyles. Nous avons testé et adapté différents traitements chimiques. Les résultats des mesures d’angle de goutte obtenus après le traitement chimique sont listés dans le tableau 4.10.

Eau dé-ionisée : Le moyen le plus simple pour générer des groupements hydroxyles à la surface du SiO2 est de l’immerger dans de l’eau dé-ionisée. En effet, les ions OH- que celle-ci contient peuvent attaquer les groupements Si-O-Si, engendrant l’hydroxylation de la surface. Il faut cependant noter que cette réaction est très lente et dépend notamment des traitements thermiques qu’a subi le SiO2 avant son immersion dans l’eau. Par exemple, une silice recuite à 900°C sous ultra-vide pendant quelques heures ne sera totalement hydroxylée qu’après une immersion dans de l’eau à 25°C durant 10 ans [Van 97]. Cela est dû au fait que la cinétique de re-hydroxylation dépend de la densité de groupements silanols présents à la surface. En effet, il est admis que les molécules d’eau viennent s’adsorber préférentiellement sur les

Traitement chimique

SiO2 sortie

du four

DDC-Soft

(ozone aqueux)

HF

SC1

Immersion dans eau

DI 48 heures

CARO

Angle de goutte

°

35°

20°

< 5°

<5°

10°

10°

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

82

groupements silanols déjà présents à la surface du SiO2, engendrant une hydroxylation des ponts siloxanes voisins [Van 97]. Dans notre cas, la densité de groupements silanols présents à la surface du SiO2 thermique étant très faible, la cinétique d’hydroxylation est donc probablement lente. Ainsi, l’angle de goutte que nous avons obtenu après une immersion longue dans de l’eau dé-ionisée n’est pas le plus faible : environ 10°. Après ce traitement, la surface n’est donc que partiellement hydroxylée.

Le CARO : c’est un mélange H2SO4 (96%)/H2O2 (30%) utilisable avec des proportions

variables de ces deux composés. Nous avons utilisé un mélange 3 : 1 (3 volumes d’acide sulfurique et un volume d’eau oxygénée) dans le cadre de cette étude. Du fait de son caractère oxydant, ce mélange est principalement utilisé en microélectronique pour retirer la contamination organique ou les résidus de résine. Il est aussi souvent utilisé pour préparer la surface du silicium avant le greffage de molécules organiques [Mar 00]. Le CARO possède un pH négatif qui garantit aussi un bon retrait des contaminants métalliques. L’angle de goutte obtenu sur SiO2 en sortie du CARO est voisin de 10°, ce qui est comparable à du SiO2 immergé longuement dans de l’eau. Le caractère hydrophile d’une surface de SiO2 en sortie du CARO peut être expliqué par deux phénomènes [Tar 03]:

- A cause du caractère fortement oxydant du CARO, les liaisons Si-CHx présentes à la surface du substrat sont oxydées en groupements Si-OH. Cette origine des groupements Si-OH est sans doute très importante dans le cas d’une surface après un retrait de résine. Dans notre cas, les seules molécules carbonées pouvant être adsorbées à la surface du SiO2 proviennent d’une contamination due à l’atmosphère de la salle blanche et il est peu probable que cela puisse générer des liaisons Si-CHx.

- Les groupements silanols sont générés à la surface du SiO2 pendant le traitement CARO car il grave légèrement le SiO2 (à une vitesse de 0.001 nm/min), cassant ainsi les liaisons Si-O-Si de surface pour permettre ensuite une adsorption de groupes OH.

L’angle de goutte obtenu en sortie du CARO, 10°, n’est pas le plus faible, suggérant que la surface n’est que partiellement hydroxylée. Le pH du bain CARO est très bas (<0), par conséquent la concentration de groupes OH- susceptibles de s’adsorber à la surface du SiO2 est extrêmement faible, ce qui peut expliquer cette hydrophilie moyenne.

SC1 : le SC1 est la première étape du RCA, nettoyage le plus classique des plaquettes

de silicium. C’est un mélange de NH4OH (25%) / H2O2 (30%)/ H2O pouvant avoir diverses proportions. Sa fonctionnalité est généralement le retrait de particules. Le SC1 attaque relativement lentement le SiO2 et sa basicité implique une forte concentration en groupements OH-. Toutes les conditions sont donc réunies pour engendrer une surface fortement

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

83

hydroxylée. C’est effectivement ce que nous constatons avec un angle de goutte < 5°. Un inconvénient du SC1 est qu’il ne retire pas la contamination métallique [Tar 03]. Il en apporte même dans le cas ou ses composants ne sont pas parfaitement purs.

L’acide fluorhydique (HF) : Les solutions de HF sont utilisées en microélectronique

pour retirer le SiO2. En effet, le HF casse les liaisons Si-O simultanément par une attaque nucléophile des ions fluorures sur le silicium et une attaque électrophile par les protons sur l’oxygène comme représenté sur le schéma réactionnel ci-dessous.

Si la réaction est poursuivie jusqu’au retrait de tout l’oxyde, on obtient une surface de silicium passivée hydrogène appelée " HF last ". Par contre, Myazaki & al ont montré que si l’on ne retire pas toute la couche de SiO2, on obtient une surface d’oxyde fortement hydroxylée [Miy 00]. Peu d’études se sont intéressées à l’état de surface du SiO2 partiellement attaqué par du HF. Cependant on peut penser, d’après la figure 4.11, que quand la plaquette est retirée du bain, la surface est composée majoritairement de groupements Si-OH et Si-F. Après chaque traitement au HF, l’oxyde est longuement rincé dans de l’eau dé-ionisée ce qui conduit au remplacement de la plupart des groupements Si-F par des groupements Si-OH.

Le HF est, avec le SC1, le traitement qui engendre la surface la plus hydrophile, donc avec la plus haute densité de Si-OH. Un autre avantage du traitement HF est que l’attaque est parfaitement isotrope et n’engendre pas de rugosification de la surface. En effet, la rugosité RMS mesurée par AFM est la même avant et après le traitement : 0.14 nm. Cela n’est vrai que dans le cas de solutions de HF très diluées. Quand elle sont concentrées, des études ont montré une rugosification de la surface [Tar 03]. D’autre part, avant l’attaque HF, il faut que la surface soit exempte de toute contamination organique. En effet, celle ci peut agir comme un masque local à l’attaque et ainsi engendrer une rugosification de la surface. Enfin, nous n’avons pas mesuré de contamination métallique sur la surface après le traitement HF.

Ces avantages ont fait que nous avons choisi le traitement HF comme méthode principale de génération de groupements OH à la surface du SiO2. Deux procédures ont été employées pour les traitements :

Une première méthode "manuelle" :

Siδ+ Siδ+

Oδ-

Hδ+

Fδ-

Si Si

O

H

F

Figure 4.11 : Schéma simplifié de l’attaque d’un pont siloxane par une molécule de HF.

Page 84: Etude de la nucléation et de la croissance de nanocrsitaux ...

Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

84

- Retrait de la contamination organique par bullage d’ozone dans l’eau dé-ionisée. - Immersion dans du HF dilué à 0.05% dans de l’eau dé-ionisée pendant 5 min ce

qui engendre la gravure de 2 nm de SiO2. - Rinçage durant 10 minutes dans de l’eau dé-ionisée.

Une deuxième méthode "tout automatique" où l’immersion dans le HF est réalisée dans une machine automatique de nettoyage. Dans ce cas, le HF est dilué à 0.2 % dans une solution d’acide chlorhydrique 1%. Les deux méthodes conduisent au même état de surface.

4.3.1.3.2 Contrôle de la densité de groupements silanols

A partir d’une surface de SiO2 fortement hydroxylée, on peut contrôler la densité de groupements silanols par des traitements thermiques. En effet, ceux-ci provoquent la condensation des groupements silanols, ce qui conduit à la formation de ponts siloxanes, suivant la réaction :

Ainsi, plus la température de recuit est élevée (ou plus le temps de recuit est long), moins la concentration de groupements silanols présents à la surface du SiO2 est importante.

La figure 4.13 présente l’évolution de la bande caractéristique des groupements silanols en

fonction de la température de recuit d’une surface de SiO2 traitée HF. Les spectres sont obtenus par MIR-FTIR. L’amplitude intégrée de la bande caractéristique des groupements OH diminue en fonction de la température de recuit, ce qui traduit la diminution de la densité de groupements silanols. Par contre, on remarque une évolution de la position de la bande avec la température de recuit. Après des recuits à 600°C et 700°C, le spectre présente une large bande entre 3550 et 3730 cm-1 qui correspond à des groupements silanols pontés ou en interaction avec de l’eau adsorbée.

H H

O O

Si Si

O

Si Si+ H O H

∆H H

O O

Si Si

O

Si Si

O

Si Si+ H O H

Figure 4.12 : Réaction de condensation des groupements silanols, lorsqu’ils sont soumis à untraitement thermique. Elle conduit à la formation d’un pont siloxane et au dégagement d’eau.

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

85

Figure 4.13 : Evolution de la bande caractéristique des groupements Si-OH en fonction de latempérature de recuit. Les recuits sont réalisés en atmosphère inerte (N2) et durent 15 minutes dans cecas. Les spectres ont été modifiés par une correction de la ligne de base et ont été lissés.

3550 3600 3650 3700 3750 3800 3850

Abs

orba

nce

nombre d'onde (cm-1)

1100°C

1000°C

900°C

800°C

700°C

silanols pontés

silanols isolés

600°C

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

86

Vers les hauts nombres d’ondes, la bande caractéristique des groupements Si-OH présente un épaulement qui correspond aux silanols isolés. Au fur et à mesure que la température de recuit augmente, la contribution des groupements silanols pontés diminue tandis que celle des silanols isolés augmente. Ce phénomène s’explique par le processus de dé-hydroxylation décrit par la figure 4.14. Les groupements silanols pontés, grâce à leur proximité, peuvent être éliminés de la surface du SiO2 par une réaction de condensation qui conduit à la formation d’un pont siloxane et d’une molécule d’eau. La densité globale de silanols diminuant, ceux qui restent à la surface sont isolés. Cela explique que la densité de groupes silanols isolés augmente dans cette gamme de température .

Ce processus explique l’évolution de la bande caractéristique des groupements silanols avec la température de recuit entre 600°C et 1000°C.

A partir de 1000°C, la densité de groupements silanols isolés commence aussi à diminuer. Le mécanisme de dé-hydroxylation généralement accepté est que la condensation des groupements silanols isolés est permise par une migration désordonnée des groupements silanols à la surface du SiO2. La réaction de condensation ayant lieu lorsque deux groupements silanols s’approchent à une distance inférieure à 0.3 nm [Van 97].

4.3.1.4 Estimation quantitative de la densité de groupements silanols

Pour obtenir une estimation quantitative de la densité de groupements silanols à la surface du SiO2, nous avons utilisé une méthode de modification chimique de la surface par de l’hexaméthyldisilazane (HMDS) proposée par Van der Voort et. al [Voo 93]. En effet, la réaction de cette molécule avec les groupements silanols engendre le greffage de groupements triméthylsylil (TMS) à la surface du SiO2 selon le mécanisme présenté sur la réaction 4.15 :

H H H H

O O O O O + H2O

Si Si Si Si Si Si

SiOH pontés :

3550-3730 cm-1

SiOH isolés :

3749 cm-1

H H H H

O O O O O + H2O

Si Si Si Si Si Si

SiOH pontés :

3550-3730 cm-1

SiOH isolés :

3749 cm-1

Figure 4.14 : Mécanisme de déhydroxylation d’une surface de SiO2 contenant des silanols pontés quigénère la formation de silanols isolés.

Figure 4.15: Réaction du HMDS avec les groupements silanols.

2 Si-OH + (CH3)3-Si-NH-Si-(CH3)3 2 Si-O-Si-(CH3)3 + NH3

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

87

Le HMDS est largement employé pour modifier les surfaces de SiO2. Par exemple, dans

les colonnes de chromatographie ou même en micro-électronique où il est utilisé comme promoteur d’adhérence avant l’étalement des résines. Dans le cadre des études sur les groupements silanols, le HMDS présente l’avantage de ne réagir qu’avec ce type de groupement [Van 97] .

La réaction du HMDS avec les groupements silanols a été réalisée dans une chambre

dédiée à cette opération. Le HMDS est introduit sous forme gazeuse dans la chambre, où a été placé le substrat. La réaction est réalisée à 100°C pendant 70 s. Les produits de la réaction, non greffés à la surface du SiO2, sont ensuite éliminés lors d’une étape d’évacuation. Le temps d’exposition de l’oxyde au HMDS est largement plus long que celui nécessaire à la réaction du HMDS avec les groupements silanols. D’après les résultats de la littérature, le temps nécessaire pour que la réaction soit complète est d’environ dix secondes dans des conditions proches de celles que nous avons utilisées [Zho 00]. Nous avons cependant vérifié que des augmentations du temps d’exposition à 120 secondes et de la température de réaction à 150°C ne modifient pas la quantité de groupements TMS greffés.

La figure 4.16 présente deux spectres (non traités) d’une surface de SiO2 avant et après exposition au HMDS. La contribution des groupements OH disparaît totalement après exposition au HMDS et est remplacée par la bande caractéristique du mode d’élongation des groupements CH3 des groupes TMS. Dans les conditions opératoires que nous avons employées, la réaction entre le HMDS et les groupements silanols est donc complète.

2800 3000 3200 3400 3600 3800 4000

Abs

orba

nce

Nombre d'onde (cm-1)

OHSans HMDS

CH3 Après exposition au HMDS

Figure 4.16 : Spectres MIR-FTIR bruts d’une surface de SiO2 thermique, traitée au HF, recuite à 900°C sous N2 pendant 1h, avant et après exposition au HMDS.

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

88

Dans la méthode présentée par Van der Voort, les échantillons de silice ont une forte surface spécifique et la quantification des groupements Si-OH est obtenue par la mesure de la quantité d’ammoniac produite par la réaction 4.15. Dans notre cas, aucun équipement en ligne ne permet de doser l’ammoniac dégagé.

Pour obtenir une information quantitative sur la densité de groupes TMS greffés, il faut acquérir un spectre infrarouge d’un échantillon ayant une densité connue de groupes TMS de surface afin de l’utiliser comme référence. A cause de son encombrement stérique, la densité maximale de groupes TMS sur la surface de SiO2 est de 2.5/nm² [Van 97]. Nous avons donc décidé de saturer la surface de SiO2 en groupes TMS et d’utiliser ensuite l’aire intégrée de la bande d’absorption des groupements CH3 correspondante comme référence.

Pour ce faire, des plaques de silicium oxydées thermiquement et fortement hydroxylées (traitement HF) ont été recuites entre 150°C et 1000°C pendant 15 minutes sous azote avant d’être exposées au HMDS. La figure 4.17.a) montre l’évolution de la bande caractéristique des groupes TMS greffés en fonction de la température de recuit. Le graphe 4.17.b) présente l’évolution de l’amplitude intégrée de la bande caractéristique des groupes CH3 en fonction de la température de recuit. Pour des plaques recuites à des températures inférieures à 350°C, l’amplitude intégrée mesurée est constante. La densité de groupements TMS greffés est donc constante. Or, la densité de groupements silanols commence à décroître pour des températures de recuit supérieures à 150°C [Van 97]. Dans ce domaine de température de recuit, la densité de groupements TMS greffés est donc constante et inférieure à la densité de groupements silanols présents à la surface du SiO2 avant exposition au HMDS. On peut donc conclure que, pour les échantillons recuits à des températures inférieures à 350°C, la surface est saturée en groupements TMS. Pour les échantillons recuits à des températures supérieures à 600°C, l’amplitude intégrée de la bande CH3 décroît avec la température. Dans ce cas, tous les groupes Si-OH sont accessibles aux groupes TMS et la densité de TMS greffés est donc égale à la densité de groupements silanols présents à la surface du SiO2 avant exposition au HMDS.

Des études expérimentales et théoriques ont montré que la densité surfacique maximale de groupements TMS est 2.5 ± 0.3 groupes/nm². On peut ainsi quantifier la densité de groupements silanols présents à la surface du SiO2 pour des températures de recuit supérieures à 600°C par l’équation simple suivante :

Où A est l’aire intégrée de la bande CH3 sur l’échantillon étudié, A0 est l’aire intégrée de la bande CH3 pour une surface de SiO2 saturée en

groupements TMS. Cette relation est valable pour des surfaces de SiO2 ayant des densités de groupements

silanols inférieures à 2.5/nm². On voit que, dans ce cas précis (recuits de 15 minutes sous N2),

Densité de SiOH = 2.5 × A A0

/nm²

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

89

cette méthode permet de quantifier la densité de groupements silanols présents à la surface du SiO2 traité HF et recuit à des températures supérieures à 600°C (soit la température de dépôt des nc-Si). La densité de groupements silanols de surface varie entre 1.7 et 0.4 OH/nm² sur des SiO2 traités HF et recuits entre 600°C et 1000°C respectivement.

Figure 4.17 : a) Evolution de la bande d’élongation des groupes CH3 avec la température de recuit de SiO2 fortement hydroxylée. b) Evolution de l’amplitude intégrée et de la densité de silanols de la bandeCH3 en fonction de la température.

0,02

0,04

0,06

0,08

0,1

0,12

0,14

0,16

0

0,5

1

1,5

2

2,5

3

0 200 400 600 800 1000 1200Am

plitu

de in

tégr

ée d

e la

ban

de C

H3 (c

m-1

)

Den

sité

de

sila

nols

(/nm

²)Température de recuit (°C)

-0,01

0

0,01

0,02

0,03

0,04

0,05

2900 2950 3000 3050

Abs

orba

nce

nombre d'onde (cm-1)

150°C

250°C

350°C

600°C

800°C

1000°C

a)

b)

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

90

4.3.2 Influence des groupements silanols sur la nucléation des nc-Si

4.3.2.1 Impact des différents traitements chimiques du SiO2 sur la densité de nc-Si

Nous avons déposé des nc-Si simultanément sur des surfaces de SiO2 ayant subi les différents traitements chimiques décrits au pararaphe précédent. Les images MEB ainsi que les densités de nc-Si correspondantes sont présentées sur la figure 4.18.

La densité de nc-Si la plus élevée est obtenue sur les substrats présentant l’angle de goutte le plus faible. Sur les SiO2 traités HF ou SC1, la densité de nc-Si est proche de 1012 nc-Si/cm². Sur les plaques immergées dans l’eau DI ou dans le CARO, l’angle de goutte est plus élevé et la densité de nc-Si est plus faible, autour de 5 × 1011 nc-Si/cm². La densité la plus faible est obtenue sur la plaque ayant reçue un nettoyage standard par bullage d’ozone (DDC soft), qui est aussi la moins hydrophyle.

DDC-Soft θ = 25 ° 2.5 1011/cm²

HF θ = 5° 1012/cm²

CARO θ = 10° 6 1011/cm²

Eau –DI 48 hθ = 10° 4.3 1011/cm²

SC1 θ = 5° 9 1011/cm²

Figure 4.18 : Influence de la préparation de surface sur la densité de nc-Si. Les nc-Si sont déposés dansle bâti RP-CVD à 600°C, 60 mTorr de silane et 120 secondes. Pour chaque substrat, nous avonsprécisé l’angle de goutte θ.

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

91

La densité de nc-Si est fortement influencée par les traitements chimiques subis par le SiO2 juste avant le dépôt. Notamment, la bonne corrélation entre les mesures d’angle de goutte et les densités de nc-Si indique que leur nucléation est sensible à l’hydrophylie du substrat de SiO2, c’est-à-dire à la densité de groupes Si-OH de surface.

Dans la suite des expériences, nous utiliserons le traitement HF pour engendrer la

formation de groupements silanols à la surface du SiO2. D’une part, c’est le traitement le plus efficace pour augmenter l’hydrophilie du SiO2 et celui qui a le plus d’influence sur la densité de nc-Si. D’autre part, il est très facile à mettre en œuvre et n’engendre pas de rugosification ni de contamination de la surface du SiO2.

4.3.2.2 Influence des Si-OH sur la cinétique de nucléation des nc-Si

La figure 4.19 montre l’évolution de la densité de nc-Si en fonction du temps de dépôt sur des plaques traitées HF ou non, dans les mêmes conditions de dépôt. Pour montrer l’influence des groupements OH, nous avons aussi réalisé des dépôts sur du SiO2 avec un minimum de groupements OH à la surface du SiO2. Pour cela, le substrat de SiO2 thermique a été élaboré à haute température. Ensuite, il a été transféré dans la chambre de dépôt le plus rapidement possible sans nettoyage entre les deux étapes pour minimiser le contact avec l’humidité de l’air. Enfin, il a été recuit à 1000°C in situ pendant 10 minutes juste avant le dépôt.

Recuit in situ 300 s de dépôt

7×1010 nc-Si/cm²

Traité HF 120 s de dépôt 1012 nc-Si/cm²

0

2

4

6

8

10

12

0 50 100 150 200 250 300 350

Nettoyage standardMinimum OHMaximum OH

Den

sité

de

nc-S

i (10

11/c

m²)

Temps de dépot (s)

Vnucl

= 1010nc-Si/s

Vnucl

= 1.6 109 nc-Si/s

Vnucl

= 3 108 nc-Si/s

Figure 4.19 : Evolution de la densité de nc-Si en fonction du temps de dépôt sur des plaques traitée HF (maximum OH), nettoyée DDC-Soft (nettoyage standard) et plaque non nettoyée après l’oxydation etrecuite in situ à 1000°C pendant 15 minutes juste avant le dépôt (minimum OH). Les dépôts sontréalisés dans les mêmes conditions sur toutes les plaques : 60 mTorr SiH4 et 600°C dans le bâti RPCVD.

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

92

La densité de nc-Si augmente beaucoup plus vite sur les échantillons traités au HF que sur les plaques ayant subi un nettoyage standard. La cinétique de nucléation est 30 fois plus rapide sur les plaques traitées HF que sur les plaques ayant un minimum de groupes OH de surface. La densité maximale de nc-Si est, elle aussi, largement supérieure sur le SiO2 traité HF : 1012 nc-Si/cm². Sur la plaque ayant reçue un DDC-soft, elle n’est que de 3 × 1011 nc-Si/cm². Sur le SiO2 ayant un minimum de groupes OH de surface, nous n’avons pas atteint la saturation de la surface, même après 300 secondes de dépôt, alors que celle-ci est atteinte après 120 secondes sur une surface traitée HF.

La densité de groupements Si-OH à la surface du SiO2 est donc un paramètre critique

pour la cinétique de nucléation des nc-Si. Elle peut être modifiée de plus d’un ordre de grandeur suivant si ces groupements sont présents ou non à la surface du SiO2. En l’absence de ces groupements à la surface du SiO2, la nucléation des nc-Si est fortement inhibée.

4.3.2.3 Influence de la température de dépôt et de la pression partielle de SiH4 sur le dépôt de nc-Si sur SiO2 fortement hydroxylé en surface

Comme pour l’Al2O3, nous avons étudié l’influence des conditions de dépôt sur la densité maximale de nc-Si. La figure 4.20 illustre l’évolution de la densité maximale de nc-Si en fonction de la température de dépôt entre 580°C et 620°C. La densité de nc-Si est identique pour les trois températures de dépôt. Ceci est en accord avec les résultats que nous avions obtenus dans le cas de surfaces non traitées et confirme que la température de dépôt n’est pas un paramètre qui influe fortement sur la nucléation des nc-Si.

Figure 4.20 : Influence de la température de dépôt sur la densité maximale de nc-Si déposée sur duSiO2 traité au HF. Le dépôt est réalisé dans le bâti RP-CVD à une pression partielle de SiH4 de 200mTorr. Le temps de dépôt est ajusté pour avoir une densité de nc-Si proche de la densité de saturationde la surface

580°C 600°C 620°C

Page 93: Etude de la nucléation et de la croissance de nanocrsitaux ...

Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

93

De même, nous avons étudié l’évolution de la densité maximale de nc-Si en fonction de la pression partielle de silane sur SiO2 fortement hydroxylé. La figure 4.21 présente les photos MEB correspondant à la densité maximale de nc-Si obtenus à 600°C avec des pressions partielles de silane de 60 mTorr et 200 mTorr. Comme dans le cas de surface non traitée, la densité de nc-Si augmente avec la pression partielle de silane. Cependant, l’augmentation est moins importante. Quand la pression partielle de silane passe de 60 à 200 mTorr, la densité augmente de 50 % dans le cas d’une surface de SiO2 traitée HF alors que nous avons vu précédemment qu’elle augmentait de 200 % dans le cas d’une surface non traitée.

Globalement, on retrouve un comportement proche de celui que nous avions obtenu sur Al2O3 : la densité maximale de nc-Si dépend très peu des conditions de dépôts. Quelles que soient la température de dépôt et la pression partielle de silane, les densités maximales de nc-Si sont très élevées (>1012 nc-Si/cm²) sur SiO2 traité HF. La nucléation des nc-Si est donc gouvernée par les groupements Si-OH à la surface du substrat.

4.3.2.4 Influence de la densité de groupements Si-OH sur la densité de nc-Si

Dans le paragraphe 4.3.1 nous avons montré qu’à partir d’une surface traitée HF, la densité de Si-OH peut être contrôlée par des traitements thermiques La figure 4.22 présente l’évolution de la densité de nc-Si en fonction de la température de recuit de plaques traitées HF et recuites pendant 15 minutes sous N2 à des températures comprises entre 600°C et 1100°C. Cette évolution est aussi représentée en fonction de l’amplitude intégrée de la bande caractéristique des groupements Si-OH sur les spectres MIR-FTIR de la figure 4.14.

Figure 4.21 : Influence de la pression partielle de silane sur la densité maximale de nc-Si déposée surSiO2 traité HF. Les dépôts sont réalisés à 600°C. Le temps de dépôt est ajusté pour obtenir une densitémaximale de nc-Si.

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

94

La densité de nc-Si diminue fortement avec la température de recuit. A l’inverse, la densité de nc-Si augmente avec l’aire intégrée de la bande caractéristique des groupements Si-OH.

La figure 4.23 présente les mêmes résultats mais représentés en fonction de la densité de groupements silanols présents à la surface du SiO2 mesurée par la méthode décrite précédemment. Les images MEB des deux points extrêmes sont aussi fournies. Pour un même procédé de dépôt, la densité de nc-Si passe de 1011 à 1.5×1012/cm² lorsque la densité de groupements silanols passe de 0.4 à 1.7 groupe /nm². En multipliant la densité de groupes Si-OH par un facteur 3, on fait varier la densité de nc-Si par un facteur 10. On peut noter que la densité de groupements silanols est de deux à trois ordres de grandeurs plus élevée que la densité de nc-Si.

Figure 4.22 : Evolution de la densité de nc-Si en fonction de la température de recuit et de l’aire de labande caractéristique des groupements Si-OH. Les recuits sont réalisés en atmosphère inerte, N2 etont une durée de 15 minutes. Le dépôt de nc-Si est réalisé à 600°C et à une pression partielle de silanede 200 mTorr.

0

2

4

6

8

10

12

14

16

500 600 700 800 900 1000 1100 1200T recuit ( °C)

Aire de la bande OH (u. a. )

Den

sité

nc-

Si (1

011/c

m²)

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

95

4.3.3 Discussion sur l’influence des groupements Si-OH sur la nucléation des nc-Si

Les premiers à avoir étudié l’effet de la chimie de surface du SiO2 sur la nucléation du silicium sont Voutsas et Hatalis [Vou 93]. Ils ont montré que des traitements tels que le RCA, le CARO ou une immersion rapide dans le HF avant le dépôt conduisent à une augmentation de la densité de nuclei qui se forment à la surface du SiO2 pendant les premiers stades du dépôt de silicium. Ils ont aussi remarqué que si ces substrats étaient recuits à haute température, la densité de ces nucléi diminuait. Ils ont suggéré que les différents traitements chimiques généraient l’adsorption d’"impuretés" susceptibles d’agir comme des centres de nucléation pour le silicium. Ces impuretés pourraient se désorber de la surface du SiO2 lors de recuits à haute température. Nos résultats sont tout à fait en accord avec les leurs si l’on suppose que les impuretés dont ils parlent sont des groupements Si-OH.

Nakajima et. al. [Nak 96] ont montré que le traitement du SiO2 par du HF dilué permet d’obtenir une augmentation importante de la densité de nc-Si. Ils ont obtenu une densité maximale de nc-Si de l’ordre de 4×1011/cm². Nous avons pu obtenir des densités de nc-Si environ cinq fois supérieures.

La nature de l’interaction des groupes silanols avec le précurseur du silicium n’a pas

encore été mise clairement en évidence. On remarque que la densité de nc-Si est environ de deux à trois ordres de grandeur plus faible que la densité de silanols estimée. Il n’y a donc pas une réaction rapide et complète entre les groupements OH et le précurseur comme dans les

0

2

4

6

8

10

12

14

16

0,4 0,6 0,8 1 1,2 1,4 1,6 1,8

Den

sité

de

nc-S

i (1

011/c

m²)

Densité de silanols (1014/cm²)

1.7 OH/nm² 1.5x1012 nc-Si/cm²

0.5 OH/nm² 1.7x1011 nc-Si/cm²

Figure 4.23 : Evolution de la densité de nc-si en fonction de la densité de groupements silanols.

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

96

procédés de type AL-CVD (Atomic Layer), par exemple. Cependant, nous pouvons affirmer que la probabilité de réaction du précurseur du silicium avec la surface du SiO2 est plus importante quand elle est terminée OH. On peut donc penser, que dans le cadre de notre étude, le dépôt de la première mono-couche d’atomes de silicium implique une réaction directe entre le silane et les groupements silanols. D’autre part, comme l’énergie d’activation de la nucléation des nc-Si est proche de celle du dépôt de silicium sur silicium, on peut penser que les mécanismes sont proches. Aussi, nous proposons, pour le dépôt de la première couche de silicium sur le SiO2, un mécanisme identique à celui du dépôt de silicium sur silicium, le site de nucléation étant un groupement Si-OH :

SiH4 (g) + Si-OH → Si-O-SiH3 (a) + H2

La désorption des atomes d’hydrogène sur le groupement SiH3 génère alors les sites d’adsorption pour l’incorporation de nouveaux atomes de silicium.

Cette hypothèse est supportée par le fait que l’énergie de la liaison OH (103.5 kcal/mol) est plus faible que celle de la liaison Si-O des groupements Si-O-Si (193.5 Kcal/mol) [Han 84]. Le dépôt de la première monocouche impliquant l’ouverture d’une liaison à la surface du substrat pour former une liaison avec le silicium, la liaison OH est donc probablement plus favorable que la liaison Si-O.

Une interaction électrostatique favorable entre les groupes Si-OH et les molécules de silane peut aussi faciliter la nucléation des nc-Si, quand ces groupements sont présents sur la surface du substrat. En effet, la différence d’électro-négativité entre le silicium (1.8) et l’hydrogène (2.1) fait que la liaison Si-H est partiellement ionique Siδ+-Hδ-. Ainsi, la molécule de SiH4 peut être vue comme un tétraèdre ayant quatre charges négatives entourant une charge positive. Comme l’électro-négativité de l’oxygène est élevée, les liaisons Siδ+-Oδ- et Oδ--Hδ+ sont aussi polarisées. Ainsi, quand la surface est terminée Siδ+-Oδ- avec l’oxygène à la surface, une interaction répulsive doit contrarier l’approche des molécules de silane vers la surface. Au contraire, les groupements silanols, avec l’atome d’hydrogène chargé positivement à la surface, ont une interaction attractive avec les molécules de silane. Cela peut faciliter leur approche de la surface et ainsi favoriser la nucléation.

4.3.4 Conclusion

Dans cette étude, nous avons démontré que les groupements silanols sont des sites de nucléation préférentiels pour les nc-Si. En augmentant la densité de groupements silanols à la surface du SiO2 par des traitements chimiques, nous avons pu déposer, pour la première fois, des densités de nc-Si supérieures à 1012 nc-Si/cm² sur du SiO2 thermique. Une densité maximale de nc-Si de l’ordre de 2 × 1012 nc-Si/cm² a même été mesurée par TEM. La photographie correspondante est présentée sur la figure 4.24. Les nc-Si sont cristallins, leur taille moyenne est réduite (environ 1.5 nm) et leur dispersion en taille est étroite.

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

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Technologiquement, ces résultats sont importants puisqu’ils permettent d’obtenir de fortes densités de nc-Si sur un diélectrique ayant de bonnes caractéristiques électriques. Ces développements permettent aussi de commencer à étudier le transport latéral dans les nc-Si. En effet, pour ce genre d’étude, la distance entre les nc-Si doit être inférieure à 2 nm. Si les nodules ont un diamètre de 5 nm, cela conduit à une densité de 3×1012 nc-Si/cm². On se rapproche de ces valeurs sur les dépôts optimisés.

Nous avons montré qu’en diminuant la densité de groupements silanols au maximum, il est possible d’inhiber fortement la nucléation des nc-Si. On peut donc penser que, dans les procédés "standards", ce sont aussi les silanols présents à la surface du SiO2 qui sont les principaux sites de nucléation pour les nc-Si. Ces silanols peuvent être introduits à la surface du SiO2 par le nettoyage réalisé juste avant le dépôt ou tout simplement par contact avec l’atmosphère de la salle blanche qui contient de la vapeur d’eau. Un système permettant d’élaborer le substrat d’oxyde thermique in-situ juste avant le dépôt de nc-Si, nous permettrait de voir si la nucléation des nc-Si est complètement inhibée sur du SiO2 ne comportant pas de groupements Si-OH à sa surface.

Figure 4.24 : Image TEM d’un dépôt de nc-Si de très forte densité sur SiO2 traité HF et dispersion entaille correspondante. Image réalisée au CNR-IMETEM.

Rayon

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

98

4.4 Influence de la contamination métallique sur la nucléation des nc-Si

4.4.1 But de l’étude

Dans le cadre de ce travail, nous avons étudié l’influence de la contamination métallique à la surface du substrat sur la nucléation des nc-Si. Le but était de voir si les atomes métalliques peuvent catalyser la dissociation du silane et donc, être des centres de nucléation préférentiels pour les nc-Si. Cette étude s’inscrivait dans un projet à long terme qui vise à organiser spatialement les nc-Si à la surface du substrat. Ce projet est décrit précisément dans le brevet n° 97.16158 [Mar 97] et peut être résumé ainsi :

- Identification d’un élément métallique catalysant la dissociation du silane. - Inclusion de ce métal dans une molécule organométallique de type porphyrine. - Réalisation d’une monocouche organisée de ce métal à la surface du substrat. - Elimination de la partie organique de la molécule. - Dépôt de nc-Si qui s’organisent sur le réseau d’atomes métalliques.

Figure 4.25 : Principe de l’idée pour obtenir un réseau régulier de sites de nucléation pour les nc-Si. a) Elaboration d’une monocouche organisée de molécules organométalliques. b) Elimination de la partie organique de la molécule, reste un réseau régulier d’atomes de silicium. c) Exemple de molécules detype porphyrine ayant la propriété de s’auto-organiser à la surface d’un substrat.

a) b)

c)

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

99

4.4.2 Influence de la contamination métallique sur la nucléation des nc-Si

4.4.2.1 Méthode de contamination de la surface du substrat

Le but est ici de contaminer de façon contrôlée la surface de l’oxyde de silicium. Pour cela, nous avons utilisé la méthode proposée par Houra et.al. [Hou 88]: une goutte d’une solution contenant l’élément métallique est déposée sur la surface du substrat. Cette goutte doit recouvrir tout le substrat. Elle est laissée pendant un temps fixe en contact avec le substrat pour que le métal s’adsorbe à la surface du SiO2. Enfin, la goutte est éliminée et le substrat est séché, ces deux étapes étant réalisées par centrifugation. La densité d’atomes métalliques déposée est contrôlée par la concentration de la solution du composé métallique, comme le montre la figure 4.26. Cette méthode permet de déposer de façon reproductible et bien contrôlée des atomes métalliques à la surface du substrat. La quantité de métal déposée est ensuite mesurée par les méthodes standards de dosage de la contamination métallique disponibles au laboratoire : fluorescence X et absorption atomique.

4.4.2.2 Influence des atomes métalliques sur la nucléation des nc-Si

Nous avons testé un grand nombre de catalyseurs potentiels. Les nc-Si ont été déposés dans les mêmes conditions sur des surfaces contenant des densités variables de ces métaux. Les résultats sont présentés sur la figure 4.27 et le tableau 4.28. La densité de nc-Si obtenue augmente avec la densité de métal déposée dans le cas de l’aluminium et du calcium. Par exemple, elle passe de 1.5 à 4.5 × 1011 nc-Si/cm² quand la densité de Ca déposée passe de

Figure 4.26 : Evolution de la densité de métal déposée à la surface du substrat par la méthode " spin drying " en fonction de la concentration en solution.

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

100

1011 à 1014 atomes/cm². L’effet de la densité d’aluminium sur la nucléation des nc-Si est comparable à celui du calcium.

Nous avons aussi testé des métaux largement connus comme catalyseurs, notamment pour la croissance des nanotubes de carbone à partir de méthane : Ni, Co et Cr. La densité de nc-Si a tendance à augmenter avec la densité d’atomes de métal présents à la surface du substrat mais cette augmentation est peu significative : elle est généralement du même ordre que l'incertitude sur la mesure de la densité de nc-Si. .

Témoins Ni Co Cr

Densité métal (× 1011/cm²) 0 100 1000 100 1000 1000

Densité nc-Si (× 1011/cm²) 3.3 3.1 4.5 3.2 3.8 3.4

Bien que nous mesurions une augmentation de densité de nc-Si en fonction de la densité d’atomes métalliques présents sur la surface de SiO2, ces résultats sont décevants. En effet, la contamination métallique dégrade fortement les propriétés électriques des dispositifs micro-électroniques. Pour que cette piste soit potentiellement intéressante, il aurait fallu un effet beaucoup plus important des atomes métalliques sur la nucléation des nc-Si. Or, on peut comparer l’effet de la contamination métallique à celui de la contrainte dans le SiO2

1

1,5

2

2,5

3

3,5

4

4,5

5

0,1 1 10 100 1000 10000

Rec 900°C N2Rec 900°C O2Rec 600°C N2

Den

sité

de

nc-S

i (10

11 /c

m²)

Densité de Ca (1011at/cm²)

1

2

3

4

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6

7

8

100 1000 10000

Rec 900°C N2

Den

sité

de

nc-S

i (10

11/c

m²)

Densité de Al (1011at/cm²)Figure 4.27 : Evolution de la densité de nc-Si en fonction de la densité surfacique de :

- Calcium. Les plaques contaminées ont subis différents traitements thermiques pour activer lecatalyseur.

- Aluminium.

Tableau 4.28 : Influence de la présence de contamination métallique sur la densité de nc-Si. Les nc-Sisont déposés simultanément sur tous les échantillons.

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

101

thermique, dont l’influence sur les propriétés électriques des dispositifs est probablement beaucoup plus faible.

Ces résultats sont surprenants dans la mesure où la catalyse de la réaction de dissociation d’hydrures par des composés métalliques est reportée dans la littérature : le Ni et le Co sont souvent utilisés pour catalyser la formation des nanotubes de carbone par CVD à partir de méthane, par exemple [Iji 93]. Cependant, il faut remarquer que dans ce cas, les quantités de catalyseurs mises en jeu sont beaucoup plus importantes (couches de quelques nm ou particules) que celles que nous avons utilisées (1/5 de monocouche au maximum). Ainsi, dans notre cas, les contaminants métalliques dispersés à la surface du substrat ont pu réagir avec le substrat de SiO2 et former des composés tels que des silicates, ce qui a pu nettement faire diminuer leur réactivité vis-à-vis du silane [Tar 00].

En conclusion, l’introduction de contaminants métalliques à la surface du SiO2

engendre une augmentation de la densité de nc-Si. Cependant, dans le cadre de cette étude, l’influence de la contamination métallique sur la nucléation des nc-Si est insuffisante pour être justifiée d’un point de vue technologique. De plus, pour les métaux étudiés, l’effet est nettement inférieur à ce qui serait nécessaire (1 atome métallique engendre la nucléation de 1 nc-Si) pour réaliser le projet d’organisation des nc-Si à partir d’une mono-couche organo-métallique organisée.

4.5 Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons mis en évidence que la nucléation des nc-Si est très fortement influencée par les propriétés chimiques de la surface du SiO2 thermique.

Nous avons montré que la nucléation est fortement influencée par la contrainte dans le

SiO2 thermique. Ainsi, nous avons pu déposer une densité de nc-Si proche de 1012 nc-Si/cm² sur des oxydes très contraints.

Surtout, nous avons vu qu’il est possible d’exalter fortement la nucléation des nc-Si en introduisant des groupements hydroxyles à la surface du SiO2 thermique. Différents traitements chimiques ont été proposés pour former des groupements silanols à la surface du SiO2 thermique. Le plus efficace et le plus facile à mettre en œuvre est un traitement au HF dilué. A partir de surface fortement hydroxylée, des traitements thermiques ont été utilisés pour contrôler la densité de silanols à la surface du SiO2. Une estimation quantitative de la densité de silanols a été réalisée par une méthode de modification chimique de la surface par du HMDS.

La nucléation des nc-Si sur SiO2 thermique est gouvernée par la densité de groupements silanols de surface :

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

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- Ainsi, pour un même procédé de dépôt, nous pouvons contrôler la densité de nc-Si sur plus d’une décade, uniquement en modifiant la densité de silanols à la surface du substrat.

- La nucléation est fortement inhibée si l’on diminue au maximum la concentration de silanols. Ainsi, la vitesse de nucléation est environ 30 fois plus lente sur une surface avec une très faible densité de silanols de surface que sur une surface fortement hydroxylée.

Sur SiO2 avec une forte densité de Si-OH de surface, nous avons déposé des densités de nc-Si identiques ou supérieures à celles obtenues sur Al2O3 ou Si3N4. Cela est très intéressant pour l’intégration des nc-Si. En effet, Al2O3 ou Si3N4 n’ont pas des caractéristiques idéales pour être utilisés comme diélectriques de grille.

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

103

4.6 Bibliographie

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

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Chapitre 4 Influence des propriétés chimiques du SiO2 thermique

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Chapitre 5 Contrôle de la taille des nanocristaux

106

Chapitre 5 Contrôle de la taille des nanocristaux

Dans les deux chapitres précédents, nous avons principalement étudié les paramètres qui permettent de contrôler la densité de nc-Si. Cependant, il est aussi très important de contrôler leur taille avec une bonne précision pour les intégrer avec succès. Nous verrons dans le premier paragraphe que la dispersion en taille des nc-Si élaborés par CVD en chimie silane est large. Pour résoudre ce problème, nous proposons un procédé original de dépôt qui permet de dissocier la nucléation et la croissance des nc-Si. Ce procédé sera évalué et nous montrerons enfin qu’il peut permettre de réaliser des nanocristaux de germanium.

5.1 Intérêt d’un procédé en deux étapes

5.1.1 Dispersion en taille des nc-Si déposés par CVD

Pour que les dispositifs à nc-Si aient un fonctionnement reproductible, il est nécessaire que ceux -ci aient une dispersion en taille la plus fine possible. Une limitation majeure du procédé CVD tel qu’il est décrit dans les deux chapitres précédents est que la taille des nc-Si est peu homogène [Bar 00]. La figure 5.1 montre la dispersion en taille de nc-Si mesurée sur une image TEM en vue plane. Le diamètre moyen des nc-Si est 5 nm, mais entre 3 et 7 nm, les populations de nc-Si sont quasiment identiques. La dispersion relative est de l’ordre de 30%. De plus, il est probable que l’on sous-estime la densité de très "petits" nc-Si à cause de la difficulté à les distinguer sur l’image TEM.

Figure 5.1 : Dispersion en taille des nc-Si mesurée sur une image TEM en vue plane.

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Chapitre 5 Contrôle de la taille des nanocristaux

107

Nous pensons que l’origine de la dispersion en taille des nc-Si est le caractère spontané de leur nucléation. En effet, la répartition des nc-Si est aléatoire à la surface du substrat (1) et les nc-Si nucléent durant toute la durée du dépôt (2). 1. Ce problème a déjà été présenté dans l’introduction du chapitre 4. Nous avons montré que

la répartition des nc-Si peut être homogénéisée sur des substrats où la densité de sites de nucléation pour les nc-Si est importante. Cependant, pour résoudre complètement cette limitation du procédé CVD, il faut parvenir à disposer ces sites de nucléation de façon régulière à la surface du substrat.

2. La figure 5.2 a) montre l’évolution caractéristique de la densité de nc-Si en fonction du temps de dépôt. Elle augmente continûment jusqu’à la coalescence des nc-Si. Par conséquent, tout au long d’un procédé, de nouveaux nc-Si nucléent pendant que croissent ceux qui étaient déjà présents à la surface du substrat. Cela a été démontré expérimentalement par Nicotra et. al [Nic 03]. Ces derniers ont observé que quand le temps de dépôt augmente, la dispersion en taille des nc-Si s’élargit, car, même si la taille moyenne des nc-Si augmente, il reste toujours une forte densité de nc-Si de très petite taille. Ces résultats nous confortent dans l’idée que la nucléation des nc-Si est continue pendant toute la durée du procédé de dépôt. Les nc-Si qui ont nucléé à la fin du procédé sont donc forcément beaucoup plus petits que ceux qui étaient apparus à son début. Ce problème est décrit schématiquement sur la figure 5.2 b).

0

0,5

1

1,5

2

2,5

3

3,5

4

50 100 150 200 250

Den

sité

de

nc-S

i (10

11/c

m²)

Temps (s)

0

0,5

1

1,5

2

2,5

3

3,5

4

50 100 150 200 250

Den

sité

de

nc-S

i (10

11/c

m²)

Temps (s)

SiH4SiH4SiH4SiH4

Figure 5.2 : a) Evolution de la densité de nc-Si en fonction du temps de dépôt. Les nc-Si sont élaborés dans le bâti RP-CVD à 600°C et 60 mTorr de SiH4. b) Représentation schématique de l’influence de l’évolution de la densité de nc-Si sur leur dispersion en taille.

a)

b)

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Chapitre 5 Contrôle de la taille des nanocristaux

108

5.1.2 Dissociation de la nucléation et de la croissance des nc-Si

5.1.2.1 Principe : Dépôt de nc-Si par un procédé en deux étapes

D’après la figure 5.2, pour améliorer la dispersion en taille des nc-Si, il est donc nécessaire de séparer la nucléation et la croissance des nc-Si. Pour y parvenir, nous proposons un procédé CVD en deux étapes, décrit sur la figure 5.3 :

• Dans la première étape, des nuclei de silicium se forment à la surface du substrat par CVD en chimie silane.

• Dans la deuxième étape, nous utilisons du dichlorosilane (DCS) comme précurseur car il permet une croissance sélective du silicium sur les nuclei formés durant l’étape de nucléation, sans formation de nouveaux nc-Si.

5.1.2.2 Croissance sélective du silicium en chimie dichlorosilane

L’épitaxie sélective de silicium sur silicium a suscité de nombreuses études, ces deux dernières décennies, pour ses applications potentielles dans la fabrication de dispositifs de très petite taille [Claa 80] [Fitch 94] [Reg 89] [Sed 89]. Généralement, l’épitaxie sélective de silicium sur silicium par rapport au SiO2 est réalisée en utilisant le système dichlorosilane (DCS) (SiH2Cl2) comme précurseur du silicium / H2 comme gaz vecteur. De l’acide chlorhydrique (HCl) gazeux peut être ajouté pour améliorer la sélectivité du dépôt.

Le mécanisme de dissociation du DCS a été largement étudié dans la littérature. Pour

des pressions totales supérieures à 20 Torr, il est généralement admis que le DCS se dissocie très rapidement en phase homogène suivant la réaction [Fit 93]:

SiH2Cl2 (g) → SiCl2 (g) + H2 (g) Le SiCl2 est donc l’espèce qui contribue majoritairement à la croissance du silicium. Cette espèce s’adsorbe à la surface et se décompose suivant la séquence de réactions :

SiCl2(g) → SiCl2*

SiCl2* +H2 (g) → Si (s) + 2HCl (g)

Où * désigne une espèce adsorbée. Regolini et. al. [Reg2 89] ont montré que, pour des pressions totales inférieures à 20 Torr, le mécanisme réactionnel conduisant au dépôt est plutôt :

SiH2Cl2SiH4 SiH2Cl2SiH4

Figure 5.3 : Représentation schématique du procédé CVD en deux étapes permettant de dissocier lanucléation et la croissance des nc-Si.

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Chapitre 5 Contrôle de la taille des nanocristaux

109

SiH2Cl2 (g) → SiHCl (g) + HCl (g) SiHCl (g) → SiHCl*

SiHCl*→ Si (s) + 2HCl (g)

Différentes raisons sont avancées pour expliquer la sélectivité du dépôt : la gravure préférentielle du Si déposé sur SiO2 par le HCl produit par la réaction de dissociation du DCS, ou une passivation des sites d’adsorption du DCS à la surface du SiO2 par de l’hydrogène atomique [Fit 93]. Nous pensons que l’explication la plus probable est qu’il n’y a pas de sites d’adsorption favorables pour le DCS à la surface du SiO2. Comme nous l’avons vu aux chapitres 3 et 4, pendant un procédé CVD, la nucléation est fortement influencée par la réactivité du précurseur avec la surface du substrat. Si les sites de surface du SiO2 ont peu d’affinité pour le DCS, la cinétique de nucléation du silicium sur SiO2 en chimie DCS sera extrêmement lente.

Généralement, la croissance sélective de silicium est réalisée dans des fenêtres de

silicium gravées dans de l’oxyde thermique. A notre connaissance, aucune étude de croissance sélective sur des îlots nanométriques déposés au préalable par CVD en chimie silane n’est présentée dans la littérature.

5.2 Elaboration des nc-Si avec un procédé en deux étapes

5.2.1 Contrôle de la taille des nc-Si à densité constante

La figure 5.4 montre l’évolution de la taille moyenne et de la densité des nc-Si en fonction du temps de dépôt en chimie DCS pendant la deuxième étape.

Pour tous les échantillons, la première étape en chimie silane est identique. Les conditions et le temps de dépôt sont choisis pour que les nc-Si formés soient de taille extrêmement réduite (inférieure à la résolution du MEB : 1-2 nm). En effet, le procédé en deux étapes est conçu pour séparer la nucléation et la croissance des nc-Si. Il faut donc qu’à la fin de l’étape de nucléation, les nc-Si aient une taille la plus petite possible.

A la fin de la première étape, aucun nc-Si ne peut être différencié du substrat sur les

images MEB. La taille des nc-Si formés est donc inférieure à un ou deux nanomètres. Lorsque le contrôleur de flux de DCS est ouvert, dans ce cas à 650°C et P(DCS) = 60 mTorr, des nc-Si apparaissent sur les images. Pour des nc-Si de hauteur inférieure à 15 nm, la vitesse de croissance est linéaire et voisine de 1 nm par minute. Pour des nc-Si de hauteur supérieure à 20 nm, la vitesse de croissance diminue. Ce point sera discuté dans le paragraphe suivant. Contrairement à ce que nous avions observé en chimie silane, la densité de nc-Si n’évolue pas quand le temps de dépôt en chimie DCS augmente. Cela confirme que la croissance est sélective sur les nuclei formés pendant la première étape du procédé. De plus, après le dépôt

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Chapitre 5 Contrôle de la taille des nanocristaux

110

en chimie DCS, on ne voit aucun "petit nc-Si" sur les images MEB ce qui confirme qu’il n’y a pas eu de nucléation secondaire pendant la deuxième étape du procédé.

D’autre part, nous avons vérifié que, dans les conditions opératoires de l’expérience, il n’y a aucun dépôt en chimie DCS s’il n’y a pas eu au préalable un premier dépôt en chimie silane.

En conclusion, ces résultats démontrent que l’on peut dissocier la nucléation et la croissance des nc-Si par ce procédé en deux étapes. Nous avons pu faire croître sélectivement du silicium, en chimie DCS, sur des nucléi de silicium élaborés in-situ en chimie silane dont la taille estimée est inférieure à un nanomètre. Un premier avantage de ce procédé en deux étapes par rapport aux procédés en une étape est qu’il est très facile de contrôler la taille des nc-Si à densité constante : il suffit d’ajuster le temps de dépôt de la deuxième étape. Dans le paragraphe suivant, nous allons étudier :

• l’influence des conditions de dépôt en chimie DCS sur la croissance des nc-Si. • le contrôle de la densité des nc-Si. • la caractérisation structurale des nc-Si.

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Temps de dépot SiH2Cl

2(min)

Figure 5.4 : Evolution de la taille et de la densité de nc-Si en fonction du temps de dépôt dedichlorosilane pendant la deuxième étape. Le dépôt est réalisé à 650°C à P(SiH2Cl2) = 60 mTorr. Pourtous les échantillons, la première étape est la même : 600°C, P(SiH4) = 60mTorr, 45 s. La densité et lahauteur des nc-Si sont mesurées par AFM. Images MEB des trois premiers points de la courbe.

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Chapitre 5 Contrôle de la taille des nanocristaux

111

5.2.2 Contrôle de la cinétique de croissance des nc-Si en chimie DCS

5.2.2.1 Influence de la température de dépôt

La figure 5.5 présente l’évolution de la cinétique de croissance des nc-Si en fonction de la température de dépôt en chimie DCS entre 600°C et 750°C. La pression partielle de DCS est égale à 60 mTorr pour toutes les températures. Le dépôt en chimie DCS a été précédé d’un premier dépôt en chimie silane identique sur tous les échantillons.

La vitesse de croissance des nc-S en chimie DCS augmente fortement avec la

température de dépôt : elle passe de 0.07 nanomètres par minute à 600°C à 13 nanomètres par minute à 750°C. Une première remarque est que, à température de dépôt et pression partielle du précurseur identiques, les vitesses de croissance des nc-Si sont plus lentes en chimie DCS qu’en chimie silane. Pour une température de dépôt de 600°C et une pression partielle de précurseur de 60 mTorr, le temps de formation de nc-Si de 5 nm de diamètre est de l’ordre de la minute en chimie silane. Dans les mêmes conditions de dépôt, pour faire croître les nc-Si de 5 nm en chimie DCS, le temps de dépôt est d’environ une heure. Pour obtenir des vitesses de croissance similaires avec les deux précurseurs, il est nécessaire d’augmenter la température de dépôt de 50 à 100°C en chimie DCS par rapport à la température utilisée en chimie silane. Des résultats similaires ont été obtenus dans le cas d’épitaxie de couches continues de

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Temps de dépot en chimie DCS (min)

Figure 5.5 : Influence de la température de dépôt en chimie DCS sur la cinétique de croissance des nc-Si. Evolution de la hauteur de nc-Si, mesurée par AFM, en fonction du temps de dépôt en chimie DCSréalisés à des températures variant entre 600°C et 750°C. La pression partielle de DCS est 60 mTorr.Pour chaque échantillon, des nucléi ont été déposés en chimie silane pendant une première étape dedépôt à 600°C, P(SiH4) = 60 mTorr et temps =15 s.

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Chapitre 5 Contrôle de la taille des nanocristaux

112

silicium [Lou 03]. L’utilisation de la chimie DCS élève donc le budget thermique du dépôt, c’est une des raisons pour laquelle le DCS est beaucoup moins utilisé que le silane pour des applications industrielles. Dans notre cas, la lenteur de la cinétique de croissance en chimie DCS est un avantage, car elle permet un contrôle précis de la taille des nc-Si.

O remarque que, pour des températures de dépôt inférieures à 650°C, la cinétique du dépôt ralentit quand la taille des nc-Si devient importante (ce qui n’est pas le cas pour T>650°C pour les tailles de nc-Si que nous avons étudiées. IL est donc probable que, à basse température, une processus chimique " géne " la croissance du silicium. La réaction peut être ralentie par l’empoisonnement de la surface de croissance soit à cause de la lenteur de désorption des produits de la réaction, soit à cause d’une contamination par des réactions secondaires. Par exemple, il a été montré que la réaction [Fit 93]

SiCl2(g) + HCl(g)→SiHCl3(g) peut limiter la cinétique de croissance du silicium car le SiHCl3 se dissocie lentement. A basse température, la cinétique de désorption de cette contamination serait lente alors qu’à haute température, elle serait rapidement évacué de la surface de croissance.

Cela expliquerait le ralentissement de la cinétique de dépôt en fonction du temps de dépôt que nous observons à basse température.

Quelle que soit la température de dépôt, nous notons qu’aucune augmentation de la

densité de nc-Si n’a été mesurée sur les échantillons pendant le dépôt en chimie DCS. Entre 600°C et 750°C, nous avons obtenu, en chimie DCS, une croissance sélective sur les nuclei formés en chimie silane. On peut donc contrôler la cinétique de croissance des nc-Si sur une large gamme en modifiant la température du dépôt en chimie DCS, et cela tout en préservant la sélectivité du dépôt.

5.2.2.2 Influence de la pression partielle de DCS

La figure 5.6 montre l’évolution de la taille des nc-Si en fonction du temps de dépôt pour deux pressions partielles de dichlorosilane : 60 et 200 mTorr. La température de dépôt est celle que nous avons le plus souvent utilisée dans cette étude : 650°C.

Les deux courbes sont quasiment superposées, donc la cinétique de croissance des nc-Si

est identique pour ces deux pressions partielles de DCS. Le comportement du DCS est donc différent de celui du silane où nous avions observé une augmentation de la cinétique de croissance avec la pression partielle de SiH4.

Cette faible influence de la pression partielle de DCS sur la cinétique de croissance du silicium a été aussi observée dans les procédés classiques d'épitaxie du silicium [Reg2 89] [Har 03]. De plus, dans notre cas, les sites "silicium", c’est-à-dire les sites de croissance en chimie DCS, sont très peu nombreux à la surface du substrat. En effet, ils correspondent à la

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Chapitre 5 Contrôle de la taille des nanocristaux

113

surface des nucléi formés durant la première étape de dépôt en chimie silane. Le nombre des sites d'adsorption étant réduit, on peut penser qu’ils sont saturés par le DCS même si sa pression partielle est faible. Enfin, comme nous l’avons suggéré dans le paragraphe précédent, la cinétique du dépôt peut être limitée par la désorption des produits de la réaction ou d’espèces contaminantes. Dans cette hypothèse, la pression partielle de DCS n’a pas d’influence sur la cinétique du dépôt. Tous ces paramètres peuvent expliquer pourquoi l'augmentation de la pression partielle de DCS n'engendre pas une augmentation significative de la vitesse de croissance des nc-Si.

5.2.3 Cristallinité des nc-Si élaborés par le procédé en deux étapes

La figure 5.7 montre une photo TEM de nc-Si élaborés par le procédé en deux étapes. Sur l’image, on voit clairement quatre nc-Si. La densité de nc-Si mesurée est proche de 1011 nc-Si/cm² ce qui est cohérent avec la mesure MEB sur le même échantillon. Sur l’image, on voit les motifs de Moiré des quatre nanocristaux. Les Moiré sont dus à la superposition du réseau cristallin des nc-Si et du substrat. Ils sont donc une preuve de la cristallinité des nc-Si élaborés par le procédé en deux étapes. Ceci est confirmé par la photo TEM en mode haute résolution d’un nc-Si présentée en insert sur l’image 5.7. On y distingue les plans atomiques (111) du silicium qui sont espacés de 0.21 nm.

Figure 5.6 : Evolution de la hauteur de nc-Si (mesurée par AFM) en fonction du temps de dépôt enchimie DCS pour deux pressions partielles de DCS : 60 et 200 mTorr. Les dépôts en chimie DCSsont réalisés à 650°C. Pour chaque échantillon, des nucléi ont été déposés en chimie silane dans unepremière étape de dépôt à T = 600°C, P(SiH4) = 60 mTorr et temps =15 s.

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Temps de dépot en chimie DCS (min)

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Chapitre 5 Contrôle de la taille des nanocristaux

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Tout comme les nc-Si élaborés en chimie silane seule, les nc-Si élaborés par le procédé en deux étapes sont mono-cristallins. Durant la deuxième étape du dépôt en chimie DCS, la croissance est donc épitaxiale sur les germes formés durant le dépôt en chimie silane.

On peut noter que les quatre nc-Si présents sur cette photographie semblent avoir une

taille très homogène.

5.2.4 Contrôle de la densité de nc-Si élaborés par le procédé en deux étapes

D’après la figure 5.4, la densité de nc-Si est contrôlée par la première étape de dépôt en chimie silane. En théorie, la gamme de densité de nc-Si réalisable par le procédé en deux étapes est donc la même que celle obtenue par le procédé en une étape.

Cela n’est vrai que si le procédé en deux étapes est uniquement utilisé pour augmenter la taille des nc-Si à densité constante. Dans ce cas, les nc-Si nucléent et croissent en chimie silane. Une deuxième étape de dépôt en chimie DCS permet d'obtenir la taille moyenne des nc-Si désirée. Cela permet, par exemple, de faire varier aisément le taux de couverture (égal au pourcentage de la surface de la grille recouverte par des nc-Si dans une cellule mémoire) qui est un paramètre très important dans la conception des mémoires à nc-Si.

Cependant, la première motivation pour laquelle nous avons étudié ce procédé est la dissociation de la nucléation et de la croissance des nc-Si. Pour y parvenir, il faut qu’à la fin

Figure 5.7 : Image TEM de nc-Si élaborés par le procédé en deux étapes : P(SiH4) = 200 mTorr, T=600°C et t = 15 s + P(DCS) = 60 mTorr, T = 650°C, t = 600 s. En insert, image TEM haute résolutiond’un nc-Si unique où on peut voir les plans atomiques (111) du silicium.

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Chapitre 5 Contrôle de la taille des nanocristaux

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de l'étape de nucléation, la taille des nc-Si soit la plus faible possible. En pratique, nous nous sommes fixés comme condition que les nucléi déposés en chimie silane devaient avoir une taille inférieure à la résolution du MEB, soit environ 2 nm. Ainsi, dans les manipulations qui seront décrites ci après, quelles que soient les conditions de procédé, nous avons toujours réalisé une première étape de dépôt en chimie silane suffisamment courte pour que les nucléi formés soient invisibles au MEB.

Durant la première étape de dépôt en chimie silane, il faut donc faire varier la densité de nucléi formés tout en leur conservant une taille très réduite. Nous avons vu dans les chapitres 2 et 3 que certains paramètres du procédé permettent d’augmenter la vitesse de nucléation par rapport à la vitesse de croissance. Ces paramètres sont :

• La pression partielle de silane : à quantité de silicium déposée constante, une augmentation de la pression partielle de silane permet d’augmenter la densité de nc-Si.

• Les propriétés chimiques du substrat et principalement la densité de groupements Si-OH à la surface du SiO2 peuvent faire varier fortement la cinétique de nucléation. Par contre, il n’y a pas de raison qu’elle influence de façon significative la cinétique de croissance des nc-Si qui ont déjà nucléé.

La figure 5.8 montre des photos MEB de nc-Si déposés par un procédé en deux étapes.

Pour les trois échantillons, la deuxième étape de dépôt est identique et conduit à une croissance des nc-Si de 10 nm. Les conditions de dépôt pour la première étape en chimie silane sont :

a) T = 600°C, un temps de dépôt de 60 s et P(SiH4) = 60 mTorr. La densité de nc-Si obtenue est très basse, 5 × 109 nc-Si/cm².

b) Même température de dépôt et même substrat que pour a), mais avec une P(SiH4) plus élevée pour favoriser la nucléation : 200 mTorr. La densité de nc-Si est nettement plus importante que dans le cas a), 3 × 1011 nc-Si/cm².

c) Mêmes conditions de dépôt que pour b), mais le dépôt est réalisé sur une surface de SiO2 préalablement traitée au HF pour obtenir une forte densité de groupements silanols de surface. Nous avons vu au chapitre 3 que ce sont les conditions optimales pour promouvoir la nucléation des nc-Si. Dans ces conditions, nous atteignons une densité de 7 × 1011 nc-Si/cm².

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Chapitre 5 Contrôle de la taille des nanocristaux

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Dans les conditions où nous avons fait ces expériences (temps de dépôt en chimie silane identique pour les trois échantillons), la taille des nuclei était probablement croissante de a) à c) à la fin de la première étape de dépôt en chimie silane. Pour être parfaitement rigoureuse, cette expérience aurait dû être réalisée à taille des nuclei formés en chimie silane identique sur tous les échantillons. Cependant, pour tous les échantillons, elle était beaucoup trop faible pour être mesurée.

En conclusion, en déposant les nc-Si dans des conditions où la cinétique de nucléation

est la plus rapide, on peut obtenir des densités de nc-Si élevées tout en ayant un temps de dépôt en chimie silane très court, donc des nc-Si de très petite taille à la fin de la première étape de dépôt.

5.3 Etude des premiers instants de la nucléation grâce au procédé de dépôt des nc-Si en deux étapes

Dans les deux paragraphes précédents, nous avons étudié l'influence des conditions de dépôt en chimie DCS, durant la deuxième étape du procédé de dépôt, sur la cinétique de croissance des nc-Si. Pour cela, nous avons toujours utilisé les même conditions pour la première étape de dépôt : PSiH4 = 60 mTorr, T = 600°C, temps = 15 s. Ce temps de dépôt en chimie silane est extrêmement court. Dans les mêmes conditions de dépôt, pour un procédé en une étape, ce point se situe largement dans la phase d’incubation : les premiers nc-Si ne sont visibles au MEB que pour un temps de dépôt quatre fois plus long, 60 s. Cependant, si cette première étape de dépôt en chimie silane n’est pas réalisée, aucun dépôt en chimie DCS n’est possible. C’est donc cette courte exposition de la surface du SiO2 au silane qui fournit les sites de croissance pour le silicium en chimie DCS.

100 nm100 nm100 nm

Figure 5.8 : Contrôle de la densité de nc-Si pour un procédé en deux étapes. La deuxième étape dedépôt est la même pour les trois échantillons : P(DCS) = 60 mTorr, T = 650°C et t = 300 s. La premièreétape est pour a) P(SiH4) = 60 mTorr, T = 600°C et t =15 s, la densité de nc-Si obtenue est 5 × 109 nc-Si/cm² b) P(SiH4) = 200 mTorr, T = 600°C et t =15s, la densité de nc-Si obtenue est 3 × 1011 nc-Si/cm² etc) P(SiH4) = 200 mTorr, T = 600°C, t =15 et SiO2 traité HF, la densité de nc-Si obtenue est 7 × 1011 nc-Si/cm².

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Chapitre 5 Contrôle de la taille des nanocristaux

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A la fin du dépôt en chimie silane, des nuclei de silicium de taille très réduite sont donc déjà présents à la surface du substrat. Nos équipements de microscopie, MEB et même AFM, n'ont pas la résolution suffisante pour les caractériser. Le dépôt sélectif en chimie DCS permet de révéler ces nuclei de silicium de taille inférieure à la résolution des équipements. Cela est très intéressant pour étudier les tous premiers instants après la formation de nuclei de silicium de taille critique en chimie silane.

La figure 5.9 montre l’évolution de la densité de nc-Si en fonction du temps de dépôt en

chimie silane à P(SiH4) = 60 mTorr et Tdep = 600°C (une étape de dépôt). Elle est comparée à l’évolution de la densité de nc-Si mesurée sur des plaques ayant subi les mêmes dépôts en chimie silane mais suivi d’un dépôt sélectif en chimie DCS conduisant à une augmentation de la taille des nc-Si de 5 nm. A temps de dépôt en chimie silane fixé, la différence de densité de nc-Si entre ces deux courbes représente donc la densité de nc-Si dont les dimensions sont inférieures à la résolution du MEB.

Pour le dépôt en chimie silane seul, les premiers nc-Si sont détectés après 60 secondes alors que pour un dépôt en deux étapes, une densité de 5 × 109 nc-Si/cm² est déjà mesurée pour un dépôt en chimie silane de 15 s. De plus, quel que soit le temps de dépôt en chimie silane, la densité de nc-Si mesurée est toujours plus importante sur les échantillons qui ont subi le dépôt en chimie DCS après le dépôt en chimie silane. Cela traduit le fait que, pendant toute la durée du dépôt en chimie silane, une population de nc-Si de taille très réduite est toujours présente à la surface du substrat. Cela est cohérent avec les résultats rapportés par Nicotra et. al [Nic 03] qui ont pu caractériser expérimentalement par TEM la présence de ces nc-Si de très petite taille tout au long du procédé de dépôt.

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Procédé une étape Procédé deux étapes

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11/c

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Temps de dépot en chimie silane (s)

Figure 5.9 : Evolution de la densité de nc-Si, mesurée sur des images MEB, en fonction du temps de dépôten chimie silane à P(SiH4) = 60 mTorr et T = 600°C. Idem sur des échantillons ayant subi un dépôt enchimie DCS à 650°C, 60 mTorr, pendant 5 min après le dépôt en chimie silane.

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Chapitre 5 Contrôle de la taille des nanocristaux

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Cependant, ces auteurs ont mesuré une densité constante et voisine de 1011 nc-Si/cm² de ces "petits" nc-Si quand le temps de dépôt augmente. Dans notre cas, plus le dépôt en chimie silane est long, plus la densité de ces "petits nc-Si" diminue : 1 × 1011 nc-Si/cm² pour un temps de dépôt en chimie silane de 60 s et environ 5 × 1010 nc-Si/cm² pour un temps de dépôt de 100 s. Cela est cohérent avec le fait que la vitesse de nucléation diminue avec le temps de dépôt, contrairement aux observations de Nicotra et. al [Nic 03].

Plus généralement, ces résultats montrent aussi que, pendant la période du dépôt en

chimie silane qui était considérée comme le temps d’incubation, une densité non négligeable de nc-Si sont déjà présents à la surface du substrat. Nous avons donc jusque là largement sur-estimé ce "temps d’incubation" des nc-Si en chimie silane (ce qui est probablement aussi le cas dans la plupart des études reportées dans la littérature). Sur la courbe correspondant à un procédé en deux étapes, il semble y avoir deux régimes cinétiques :

• à partir de 15 s de dépôt en chimie silane, l’évolution de la densité de nc-Si avec le temps de dépôt est linéaire. C’est l’évolution classique de la cinétique de nucléation que nous avons mesurée jusqu’à présent et on peut considérer que, pour ces temps de dépôts, on est dans le régime de nucléation continue.

• pour un temps de dépôt plus court, la cinétique de nucléation suit une loi de type loi de puissance. C’est un régime transitoire au début du dépôt que l’on peut considérer comme étant le temps d’incubation.

On peut donc estimer que, dans les conditions de dépôt en chimie silane de cette expérience, le temps d’incubation "réel" est proche de 15 secondes.

En conclusion, la possibilité de faire croître sélectivement, en chimie DCS, des nc-Si de

taille inférieure à la résolution de nos équipements de caractérisation nous a permis de montrer qu’une population de nc-Si de très petite taille est toujours présente à la surface du substrat pendant un dépôt en chimie silane. Nous avons pu mesurer le temps d’incubation "réel" de la nucléation des nc-Si. On peut d’ailleurs penser que le temps d’incubation généralement rapporté dans le cas du dépôt de nc-Si sur SiO2 est probablement égal au temps de dépôt nécessaire à ce que la taille des nc-Si dépasse la limite de résolution de l’appareil utilisé pour les caractériser.

On peut s’interroger sur la taille minimale des nuclei formés en chimie silane sur

lesquels on peut faire croître sélectivement du silicium en chimie DCS. La figure 5.10 est une image AFM des nc-Si les plus petits que nous avons pu, de façon sûre, différencier de la rugosité du substrat de SiO2 : le nc-Si a une hauteur voisine de 1 nm. Le dépôt qui a permis de déposer ce nc-Si est un procédé en deux étapes : P(SiH4) = 60 mTorr, T = 600°C et t = 15 s + P(DCS) = 200 mTorr, T = 650°C, temps = 60 s. Or, on a vu que, pour ces conditions de dépôt

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Chapitre 5 Contrôle de la taille des nanocristaux

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en chimie DCS, la vitesse de croissance de la hauteur des nc-Si est environ égale à 1 nm/minute. Cela montre donc que, à la fin de la première étape de dépôt en chimie silane, la taille du germe de silicium formé devait être extrêmement réduite : quelques angströms de diamètre. Cela correspond à une structure contenant quelques atomes seulement.

5.4 Influence du dépôt en deux étapes sur la dispersion en taille des nc-Si

Dans les paragraphes précédents, nous avons vu qu’il était possible d’élaborer les nc-Si par un procédé en deux étapes. Nous avons montré que ce procédé permet un contrôle plus facile et plus précis de la taille moyenne des nc-Si. Cependant, la principale motivation de cette étude est d’améliorer la dispersion en taille des nc-Si. Nous allons donc, dans ce paragraphe, comparer la dispersion en taille des nc-Si élaborés par les procédés en une et deux étapes.

La figure 5.11 montre des photos MEB de nc-Si ayant sensiblement les mêmes

caractéristiques (taille moyenne et densité) déposés par un procédé standard en une étape (a) et un procédé en deux étapes (b). On voit très clairement que sur l’image a), des nanocristaux de grande taille côtoient des nc-Si de petite taille. De plus, des nc-Si ayant une taille intermédiaire sont aussi présents. Nous pensons que cela est la signature de la nucléation continue des nc-Si tout au long du procédé de dépôt. Visuellement, la dispersion en taille sur l’image b) est bien meilleure, notamment, il n’y a pas de très petits nc-Si.

Cet exemple où la diminution de dispersion en taille grâce au procédé en deux étapes est très clairement visible est un cas extrême. En effet, les conditions sont très défavorables pour

Figure 5.10 : Image AFM d’un nc-Si de moins de 1 nm de hauteur déposé sur SiO2 par un procédé en deux étapes.

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Chapitre 5 Contrôle de la taille des nanocristaux

120

obtenir une bonne dispersion en taille par un procédé en une étape : les nc-Si ont une grande taille moyenne et la cinétique de nucléation en chimie silane est lente. Cependant, nous pensons que ce résultat est caractéristique des avantages que peut apporter le procédé de dépôt en deux étapes.

Pour confirmer ces résultats qualitatifs et montrer l’intérêt que peut avoir le procédé en deux étapes pour l’intégration des nc-Si, nous avons comparé les dispersions en taille de nc-Si obtenus par des procédés une et deux étapes mais pour une densité et une taille moyenne de nc-Si utilisées pour la fabrication de dispositifs mémoire. La taille des nc-Si est mesurée directement sur les images MEB. Les résultats sont présentés sur la figure 5.12.

Dans le cas du procédé en une étape, la dispersion en taille relative est de 26 %. Il y a une large gamme entre 5 et 12 nm où la population de nc-Si est identique pour chaque taille. De plus, il est probable que l’on sous estime la densité de " petits nc-Si " à cause de la résolution du MEB. Dans le cas du procédé en deux étapes, la dispersion en taille relative est seulement de 13 %. La plupart des nc-Si ont une taille moyenne comprise entre 9 et 13 nm. Surtout, on remarque l’inexistence de la contribution des nc-Si de petite taille, c’est-à-dire ceux qui ont nucléé à la fin du dépôt dans le cas d’un procédé en une étape. L’homogénéité de taille des nc-Si est donc bien meilleure dans le cas de nc-Si déposés par le procédé en deux étapes. La dispersion en taille résultante des nc-Si élaborés par ce procédé est probablement due au fait qu’ils ne sont pas régulièrement répartis à la surface du substrat.

Figure 5.11 : Photos MEB de nc-Si ayant la même densité (environ 1011 nc-Si/cm²) et la même taillemoyenne (environ 10 nm) élaborés par un procédé en une étape a) P(SiH4) = 60 mTorr, T =600°C et t= 300s ( le dépôt est réalisé sur un oxyde ayant la plus faible densité possible de groupements silanols)et deux étapes b) P(SiH4) = 60 mTorr, T =600°C et t = 45s + P(DCS) = 60 mTorr, T = 650°C, t = 600s (le dépôt est réalisé sur SiO2 ayant subi un nettoyage par bullage d’ozone avant le dépôt).

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Chapitre 5 Contrôle de la taille des nanocristaux

121

En conclusion, ce procédé en deux étapes permet de diminuer nettement la dispersion en

taille des nc-Si : cela est décisif pour leur intégration dans des dispositifs. C’était l’objectif principal de cette étude. Nous allons voir dans le paragraphe suivant que ce type de procédé peut être étendu à la fabrication de nanostructures d’autres matériaux que le silicium.

0

5

10

15

4 6 8 10 12 14

Nom

bre

Diamètre(nm)

0

5

10

15

4 6 8 10 12 14

Nom

bre

Diamètre (nm)

Figure 5.12 : Comparaison de la dispersion en taille de nc-Si élaborés par un procédé une étape a) etdeux étapes b). Les conditions de dépôt sont pour a) : P(SiH4) = 60 mTorr, T = 600°C, t = 180 s et b) :P(SiH4) = 200 mTorr, T = 600°C, t = 10 s + P(DCS) = 60 mTorr, T = 650°C, t = 600 s. La dispersion entaille est mesurée sur une statistique de 50 nc-Si sur chaque photo MEB.

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Chapitre 5 Contrôle de la taille des nanocristaux

122

5.5 Elaboration de nanocristaux de germanium

5.5.1 Introduction

Pour réaliser des dispositifs à nanostructures semi-conductrices, l’utilisation de nanocristaux de germanium (nc-Ge) est potentiellement aussi intéressante que la fabrication de nanocristaux de silicium. D’ailleurs, plusieurs équipes ont mis récemment en évidence des effet de rétention de charge dans des nano-structures de germanium [Cho 02]. Les méthodes d’élaboration de nanocristaux de germanium présentées dans la littérature sont la pulvérisation, l’implantation, la réduction par H2 d’alliages SixGe1-xO2, ou l’oxydation d’alliages de SixGe1-x [Pai 93][Min 96] [Cra 96]. Quand nous avons commencé cette étude, aucun résultat sur le dépôt de nc-Ge par CVD n’était présenté dans la littérature.

Cela est probablement dû au fait que le précurseur du germanium le plus répandu, le germane, n’engendre pas de dépôt sur SiO2. En effet, ce précurseur est connu pour permettre une croissance sélective de germanium sur silicium par rapport à du SiO2 [Lan 00]. Pour déposer une couche de germanium, il est ainsi nécessaire de déposer au préalable une couche de silicium [Ozt 93]. Nous avons pu le vérifier pour des pressions partielles de germane variant de 1 à 9 mTorr et des températures de dépôt variant de 600°C à 800°C. Dans ces conditions, quel que soit le temps de dépôt, nous n’avons observé aucun dépôt par exposition directe du substrat de SiO2 à du germane.

Pour obtenir des nanocristaux de germanium, nous avons adapté le procédé en deux étapes décrit au paragraphe 4.2 en remplaçant le dichlorosilane par du germane, comme le montre la figure 5.13. Nous allons, dans le paragraphe suivant exposer les résultats expérimentaux obtenus sur la croissance de nanocristaux de germanium par ce procédé.

5.5.2 Croissance des nc-Ge : résultats expérimentaux

La figure 5.14 présente l’évolution de la taille des nc-Ge en fonction du temps de dépôt à partir de germane. Les conditions de dépôts sont P(GeH4) = 9 mTorr et T = 600°C. On remarque que, comme dans le cas du DCS, la croissance de germanium est sélective sur les germes formés en chimie silane puisque la taille des nc-Ge augmente alors que leur densité reste constante. La cinétique de croissance du germanium est plus rapide que celle du silicium

GeH4 SiH 4 SiH 4

Figure 5.13 : Représentation schématique du procédé CVD en deux étapes permettant d’élaborer desnanocristaux de germanium.

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Chapitre 5 Contrôle de la taille des nanocristaux

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en chimie DCS : on mesure ici une vitesse de croissance de l’ordre de 10 nm/min. Cependant, après seulement 30 secondes de dépôt, les nc-Ge ont déjà une hauteur de 25 nm. Pendant les premiers instants du dépôt, il y a donc une phase transitoire pendant laquelle la vitesse de croissance des nc-Ge est très élevée.

Cela est probablement dû au fait qu’à 600°C, la cinétique du dépôt de germanium est dans le régime diffusionnel, c’est-à-dire qu’elle est limitée par l’apport de précurseur à la surface du substrat depuis la phase gazeuse. Au début du dépôt en chimie germane, la surface de croissance est égale à la surface des nuclei de silicium formés en chimie silane, c’est-à-dire qu’elle est extrêmement faible. L’apport de germanium par unité de surface " de croissance " doit être alors très élevé, ce qui peut expliquer que la cinétique de croissance soit très rapide pendant les premiers instants du dépôt.

Les images et profils AFM présentés sur la figure 5.14 montrent que les nc-Ge élaborés

par ce procédé ont une bonne homogénéité en taille.

20

25

30

35

40

45

50

55

0,1

1

10

0 50 100 150 200

Hau

teur

des

nc-

Ge

(nm

)

Densité de nc-G

e (1011/cm

²)

Temps de dépôt (s)

200nmX[nm]0.00 728.18

Z[nm

]0.

0024

.80

200nmX[nm]0.00 389.77

Z[nm

]0.

0032

.71

Figure 5.14 : Evolution de la taille et de la densité de nc-Ge en fonction du temps de dépôt degermanium à P(GeH4) = 9 mTorrs et T = 600°C. Images et profils AFM correspondants auxpoints t= 30 s et t = 60s.

T = 30s

T = 60s

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Chapitre 5 Contrôle de la taille des nanocristaux

124

Globalement, la croissance des nc-Ge ne diffère pas beaucoup de la croissance des nc-Si par le procédé en deux étapes. La densité de nc-Ge est contrôlée par la première étape du dépôt en chimie silane. Leur taille est contrôlée par les conditions et le temps du dépôt de germanium. Cependant, comme la cinétique de dépôt est en régime diffusionnel, il y a une forte dépendance de la vitesse croissance vis à vis de la pression de germane alors que la température a peu d’influence sur la cinétique du dépôt. En ajustant les conditions de dépôt de la première étape en chimie silane ainsi que la pression et le temps de dépôt de germanium, on peut ainsi obtenir des nc-Ge de densité variable et de taille homogène et contrôlée, comme le montrent les photos MEB de la figure 5.15.

5.5.3 Caractérisation structurale des nc-Ge

Pour caractériser la structure des nc-Ge, nous avons employé deux techniques de caractérisation : la diffraction des rayons X en incidence rasante (GI-XRD pour Grazing Incidence X-Ray Diffraction) et la spectroscopie de photo-électrons X (XPS).

La figure 5.16 présente les profils de diffraction X obtenus sur les quatre échantillons

présentés sur la figure 5.14. L’angle d’incidence des rayons X est 0.5°, le détecteur balaye une gamme d’angle entre 10 et 100° (2θ) sur les profils de diffraction. Les nc-Ge déposés sur ces échantillons sont relativement gros, ce qui permet d’avoir suffisamment de signal pour l’analyse GI-XRD. Tous les profils présentent le pic du silicium (331) du substrat et aussi des pics caractéristiques du germanium cristallin. Les pics de diffraction les plus visibles correspondent aux directions cristallographiques (110), (220), (331) mais d’autres sont aussi présents avec une intensité plus faible. Les positions de pics de diffraction correspondent à ceux du germanium "massif", ce qui montre que les nc-Ge sont constitués de Ge dans un réseau de type diamant. La comparaison directe de l’intensité des pics ne permet pas de remonter à la proportion de nc-Ge ayant chaque orientation cristallographique, car chaque pic

Figure 5.15 : Images MEB de nc-Ge déposés sur SiO2 avec des densités de a) 2x1011 /cm2 et b)6x1011/cm2. La taille moyenne des nc-Si est respectivement de 12 nm et 7 nm sur a) et b).

b)

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Chapitre 5 Contrôle de la taille des nanocristaux

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a sa réponse propre en GI-XRD. Cependant, la comparaison avec des profils de référence nous a permis d’affirmer qu’il n’y a aucune orientation préférentielle des nc-Ge, ou en d’autres termes, qu’il y a une dispersion uniforme de l’orientation cristalline des nc-Ge. En diffraction X, l’intensité des pics diminue avec la quantité de matière sondée ce que nous observons sur les profil expérimentaux : l’intensité des pics de diffraction diminue comme la taille des nc-Ge. Certains pics deviennent difficiles à dissocier du bruit pour les échantillons où les nc-Ge sont les plus petits. En dernier lieu, on peut remarquer que les pics sont très bien définis. Notamment, ils ne présentent pas, à leur base, d’épaulement caractéristique de la présence de germanium amorphe. Si les nc-Ge contiennent du Ge amorphe, sa proportion est faible. En conclusion, les analyses GI-XRD montrent que les nc-Ge sont mono ou poly cristallins.

La figure 5.17 présente des spectres XPS caractéristiques des niveaux 3d et 2p du Germanium enregistrés sur un échantillon de nc-Ge. Les spectres ont été réalisés en utilisant une source monochromatique de rayons X (raie Kα de Al, photons d’énergie 1486.6 eV). On peut voir que les spectres contiennent deux contributions : une reliée à des liaisons Ge-Ge et l’autre à des liaisons Ge-O. La différence entre ces deux pics est de 2.5 eV, ce qui est faible comparé aux valeurs attendues, 3 eV dans le cas de GeO2 stœchiométrique. L’oxyde de germanium détecté par XPS est donc sous stœchiométrique, de formule GeOx avec x<2. Les pics caractéristiques des liaisons Ge-Ge et Ge-O n’ont pas la même amplitude relative sur les deux spectres : la contribution des liaisons Ge-O est plus importante sur le spectre des niveaux 2p que sur celui des niveaux 3d. L’énergie des photo-électrons des niveaux 3d est supérieure à celle des niveaux 2p, leur libre parcours moyen dans la matière est donc aussi plus long. Ainsi, le signal du spectre XPS du niveau 3d correspond à une profondeur de matière sondée plus importante que celui du niveau 2p. Comme la proportion de liaison Ge-O est plus faible

Figure 5.16 : Profils GI-XRD des échantillons de nc-Ge présentés sur la figure 5.14. Pour plus de clarté, les spectres ont été décalés : la taille des nc-Ge est croissante de bas en haut.

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Chapitre 5 Contrôle de la taille des nanocristaux

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dans le cas du spectre du niveau 3d, on peut en conclure que ces liaisons sont situées à la surface des nc-Ge. Les résultats XPS montrent donc que les nc-Ge ont un cœur de germanium entouré par un oxyde sous stœchiométrique.

5.6 Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons proposé un procédé original pour réduire la dispersion en taille des nc-Si. A partir de nos mesures et des données de la littérature, nous avons montré qu’une des causes principales de la large dispersion en taille des nc-Si élaborés par CVD est que, pendant le dépôt en chimie silane, la nucléation et la croissance des nc-Si sont simultanés. De plus, leur nucléation est continue tout au long du dépôt. Ainsi, les nc-Si qui ont nucléé au début du dépôt ont un temps de croissance beaucoup plus important que ceux qui ont nucléé à la fin du procédé. Pour remédier à cela, nous avons proposé un procédé de dépôt en deux étapes qui permet de dissocier la nucléation et la croissance des nc-Si :

- Durant la première étape, des nuclei de silicium de très petite taille sont déposés en chimie silane.

- Durant la seconde étape, on fait croître du silicium sélectivement sur ces nuclei en chimie DCS.

Un premier avantage de ce procédé est qu’il permet de contrôler très facilement la taille

des nc-Si. Il suffit de modifier le temps de dépôt de la deuxième étape. De plus, la cinétique de croissance en chimie DCS peut être contrôlée sur une large gamme entre 0,05 nm/min et 10 nm/min suivant la température de dépôt.

Figure 5.17: Spectres XPS réalisés sur des nc-Ge de 50 nm de diamètre. a) spectre du niveau 2p dugermanium et b) spectre du niveau 3d du germanium.

a) b)

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Chapitre 5 Contrôle de la taille des nanocristaux

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Le deuxième avantage, très important pour l’intégration des nc-Si, est que ce procédé permet une diminution significative de la dispersion en taille des nc-Si : elle passe de 26 % pour un procédé une étape à 13% pour un procédé deux étapes, pour des nc-Si de taille et de densité équivalentes. Notamment, la contribution des nc-Si de petite taille est totalement supprimée. Cependant, les nc-Si élaborés par ce procédé ne sont pas monodisperses et des études complémentaires avec des caractérisations fines de l’influence de chaque paramètre sur la dispersion en taille permettraient probablement de la réduire encore. Néanmoins, tant que les nc-Si seront répartis aléatoirement à la surface du substrat, il est probable que la dispersion en taille des nc-Si sera toujours significative. Nous présenterons, dans le chapitre suivant, les voies que nous proposons pour contrôler la disposition des nc-Si.

Enfin, ce procédé nous a permis pour la première fois de déposer sur isolant des

nanocristaux de germanium. Ils peuvent être intéressants pour la réalisation de dispositifs à nanocristaux semi-conducteurs. Notamment, le germanium ayant un " gap " plus petit que celui du silicium, il pourrait être favorable pour le stockage de charges.

Plus généralement, ce procédé permet de réaliser par CVD des nano-structures, de taille homogène et contrôlée, de n’importe quel élément dont un précurseur engendre un dépôt sélectif sur Si par rapport au SiO2.

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Chapitre 5 Contrôle de la taille des nanocristaux

128

5.7 Bibliographie

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Chapitre 5 Contrôle de la taille des nanocristaux

129

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Chapitre 6 Maîtrise de la disposition des nanocristaux

130

Chapitre 6 Maîtrise de la disposition des nanocristaux

6.1 Introduction et état de l’art

Dans les chapitres précédents, nous avons étudié les paramètres permettant de contrôler la densité et la taille des nc-Si. Cependant, même si nous avons pu obtenir une répartition homogène des nc-Si en augmentant fortement leur densité, les nc-Si déposés par CVD ne sont pas disposés régulièrement à la surface du substrat.

Une distance inter nc-Si régulière et contrôlée semble une condition indispensable pour parvenir à un fonctionnement reproductible des dispositifs impliquant un transport latéral du courant entre les nc-Si [Bar 02]. Pour les applications mémoires, cela ne semble pas être une condition nécessaire mais il paraît évident que ce serait favorable pour améliorer la reproductibilité des performances des dispositifs.

Au cours de ces dernières années, le laboratoire a étudié une méthode conduisant à

l’auto-organisation des nc-Si déposés par CVD. Cette étude part du fait qu’il est possible d’obtenir, à la jonction entre deux matériaux, un réseau très régulier de dislocations [Fou 01]. Chaque dislocation induit un champ de contrainte, générant ainsi un réseau périodique de champ de déplacement. Si ce réseau de champ de déplacement peut atteindre la surface d’un film, il génère des sites de nucléation préférentiels à l’aplomb ou entre chaque dislocation [Bou 99]. Le réseau de dislocation enterré est obtenu par collage moléculaire d’un film de silicium, aminci à 10 nm par oxydation sacrificielle, sur un substrat massif de silicium (100). Le contrôle de la désorientation entre le film et le substrat permet d’ajuster le pas des dislocations [Fou 02].

Avant le dépôt de nc-Si, ce substrat est oxydé thermiquement sur 1.2 nm. La surface de ce substrat a une texturation périodique (22 nm de pas) qui n’existe pas sur un substrat de silicium standard. Après le dépôt, l’ordre n’apparaît pas spontanément. Par contre, après un recuit sous vide, on voit clairement sur l’image STM (figure 6.1) que les nc-Si s’organisent selon des lignes espacées d’environ 20 nm [Bar 02].

Cette méthode, bien que très prometteuse engendre de nombreuses difficultés d’ordre technologique : difficulté de fabrication des substrats, reproductibilité des résultats, obligation d’utiliser des oxydes ultra-fins, influence des dislocations sur les caractéristiques électriques des dispositifs.......

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Chapitre 6 Maîtrise de la disposition des nanocristaux

131

Dans le cadre de ce travail, nous avons donc exploré d’autres voies pour parvenir à contrôler la disposition des nc-Si :

- La nano-manipulation par une pointe AFM des nc-Si déposés par CVD. - La modification locale des propriétés chimiques du substrat par un faisceau

d’électrons avant le dépôt.

6.2 Nano-manipulation des nc-Si avec une pointe AFM

Jusqu’ici, nous avons utilisé la microscopie en champ proche pour caractériser la morphologie des nc-Si. Cependant, de nombreuses études ont montré que l’on peut aussi utiliser ces techniques pour manipuler des objets de très petites dimensions tels que des nanotubes de carbone [Avo 99][Dec 01] ou même des molécules individuelles [Gim 00]. Dans ce paragraphe, nous allons étudier la possibilité de déplacer les nc-Si par une pointe AFM.

Dans cette étude, nous avons tiré profit des différents modes d'imagerie de l'AFM et des différentes forces d'interaction pointe/surfaces qu'ils impliquent. Ainsi, nous avons utilisé:

• Le mode contact pour manipuler les nc-Si . Dans ce mode la pointe balaye l'échantillon en contact physique avec sa surface. C'est le mode dans lequel les forces appliquées par la pointe sur l'échantillon sont les plus importantes.

• Le mode oscillant ou tapping pour imager le résultat des manipulations. Dans ce mode, la pointe est élevée par rapport à la surface de l'échantillon et mise en vibration. L'altitude de la pointe est ajustée pour maintenir l'amplitude de vibration de la pointe constante. Lors du balayage de la surface, les interactions pointe échantillons sont beaucoup plus faibles que dans le mode contact.

Si

Dislocations (θ≈1.4°, ψ∼5°)

LPCVD Si

+ Strain field

Figure 6.1 : a) Schéma de principe de l’auto-organisation de nc-Si induite par un réseau de dislocationsenterrées, obtenu par collage moléculaire d’un film mince de Si sur un susbtrat Si(100). b) Image STM(200×200) nm² montrant l’organisation des nc-Si [Bar 02].

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Chapitre 6 Maîtrise de la disposition des nanocristaux

132

6.2.1 Décollage des nc-Si de la surface du substrat

Après le dépôt, les nc-Si ne peuvent pas être déplacés par une pointe AFM. Comme le montre la figure 6.2.a, on peut les imager en mode contact, qui est le mode d’imagerie où la force appliquée par la pointe sur les nc-Si est la plus importante, sans qu’ils ne bougent. Il existe donc des interactions fortes, entre le nc-Si et le substrat de SiO2. Elles peuvent avoir deux origines :

• Pendant les premiers instants du dépôt, les atomes de silicium provenant de la phase gazeuse établissent des liaisons chimiques avec le substrat de SiO2. Notamment, comme nous l’avons montré au chapitre 3, par réaction chimique avec les groupements silanols à la surface du SiO2.

• D’autre part, après le dépôt, au contact de l’atmosphère de la salle blanche, toute la surface des nc-Si se recouvre d’un oxyde natif de quelques angströms d’épaisseur. Il est probable que cet oxyde natif ait une forte affinité avec le substrat d’oxyde thermique. On peut même penser qu’il s’établit des liaisons chimiques entre les oxydes natif et thermique à l’interface du nc-Si et du substrat. Cela doit aussi contribuer à la forte adhésion des nc-Si sur le substrat.

Pour pouvoir manipuler les nc-Si, il est donc impératif, au préalable, de les "décoller"

de la surface du substrat. Schématiquement, on peut considérer que les liaisons chimiques entre l’oxyde thermique et les nc-Si sont du type Si(oxyde)-O-Si(nc-Si). Pour casser ces liaisons, tout en préservant les nc-Si, nous avons utilisé du HF. En effet, celui-ci attaque le SiO2 avec une très grande sélectivité par rapport au silicium [Tar 03].

La figure 6.2.b) est une image AFM en mode contact enregistrée juste après une

immersion de l’échantillon dans une solution de HF diluée engendrant une gravure de 2 nm de SiO2. Dans ce cas, même en appliquant une force très faible sur la pointe (5 nanoNewton), il est impossible d’imager les nc-Si en mode contact : il apparaît des "traînées" caractéristiques du déplacement des nc-Si dès que la pointe les touche. La force appliquée par la pointe sur les nc-Si (5 à 100 nanoNewton) est donc suffisante pour les déplacer.

Nous notons qu’après l’attaque au HF, une image de l’échantillon identique à l’image

6.2.a) est obtenue en mode tapping. Dans ce mode d’imagerie, les forces appliquées par la pointe sur les nc-Si sont beaucoup plus faibles qu’en mode contact. Après le traitement chimique, les nc-Si sont donc toujours présents à la surface du substrat, et en densité identique. Cela est explicable si l’on assimile les nc-Si à de la contamination particulaire. En effet, dans les conditions où nous l’avons utilisé, le HF n’est pas efficace pour retirer les particules. Pendant la gravure du SiO2, il y a compétition entre la vitesse de gravure et la vitesse de rappel des particules vers la surface due aux forces de Van der Waals. Ainsi, un

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Chapitre 6 Maîtrise de la disposition des nanocristaux

133

retrait d’une certaine épaisseur d’oxyde est nécessaire pour obtenir un retrait significatif des particules. Cette épaisseur augmente avec la dilution du bain de HF. Par exemple, pour un bain à 0.5 % de HF, 10 % seulement des particules sont retirées après une attaque de l’oxyde de 2 nm [Tar 03]. Dans notre cas, le HF étant dilué à 0.05 %, la proportion de nc-Si retirés de la surface doit être très faible, ce que nous mesurons expérimentalement.

Après l’attaque HF, les liaisons nc-Si/substrat sont coupées. Les forces d’interaction pouvant intervenir entre les nc-Si et le substrat sont donc faibles :

• liaisons de type de Van der Waals, qui ont des énergies de l’ordre du meV alors que par comparaison, l’énergie d’une liaison covalente est de l’ordre de 1 eV.

• forces électrostatiques, qui sont à priori nulles puisque les nc-Si ne doivent pas être chargés.

• forces de capillarité. De plus, en sortie du bain de HF, la surface des nc-Si est terminée par des liaisons Si-H,

et se caractérise par une forte hydrophobie. Au contraire, la surface de l’oxyde thermique est fortement hydroxylée, et donc très hydrophile. Il y a donc une interaction répulsive entre la surface des nc-Si et celle du SiO2 thermique due à leurs propriétés chimiques opposées. Ces raisons expliquent pourquoi les nc-Si sont déplacés aussi facilement au contact de la pointe.

Si, après l’attaque HF, l’échantillon est stocké en atmosphère non contrôlée pendant

quelques heures, il devient à nouveau possible d’imager les nc-Si en mode contact comme le montre l’image 6.3 (enregistrée avec la même force appliquée sur la pointe que pour l’image 6.2.b). Il reste toujours un certain nombre de nc-Si qui se déplacent au contact de la pointe mais d’autres sont imagés normalement. Ceci est dû à la reformation de l’oxyde natif à la surface des nc-Si au contact de l’atmosphère. En effet, en sortie du bain de HF, la surface du

Figure 6.2 : Image en mode contact de nc-Si déposés sur SiO2 avant (a) et après immersion de l’échantillon dans une solution de HF diluée à 0.05 % pendant 5 minutes (b).

b) a)

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silicium est passivée par des liaisons hydrogènes. Ces liaisons sont stables pendant quelques heures. Mais, progressivement, la surface des nc-Si est oxydée par l’humidité et l’oxygène de l’atmosphère ambiante pour former un oxyde natif. Comme nous l’avons expliqué précédemment, cela engendre une augmentation de l’adhésion des nc-Si sur le substrat.

6.2.2 Déplacement collectif des nc-Si en mode contact

La figure 6.4 correspond à un scan de (2×2) µm2 réalisé en mode tapping de la zone préalablement imagée en mode contact ( voir figure 6.2.b). La zone où le scan en mode contact a été réalisée est complètement vide de nc-Si et ceux-ci se sont regroupés sur les bords du scan. Cependant, dans ce cas, la densité de nc-Si sur l’échantillon est très faible et le motif formé est mal défini.

Figure 6.3 : Image AFM en mode contact d’un échantillon de nc-Si immergé pendant 5 minutes dansune solution de HF diluée à 0.05 % et laissé à l’air pendant quelques heures.

Figure 6.4 : Image AFM en mode tapping de la zone préalablement imagée en mode contact sur lafigure 6.2.b.

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Chapitre 6 Maîtrise de la disposition des nanocristaux

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Nous avons donc réalisé la même manipulation sur un échantillon où la densité de nc-Si est plus importante. L’image AFM en mode tapping des nc-Si déplacés est présentée sur la figure 6.5.a. Dans ce cas, une ligne de nc-Si se forme au bas du scan. Elle est particulièrement bien définie et ordonnée. Sur cet échantillon, la taille des nc-Si est d’environ 15 nm. Sur le profil en insert, on mesure une largeur de ligne de 66 nm, mais cette valeur est surestimée à cause de la convolution pointe/échantillon. En effet, si l’on compare la largeur de la ligne à celle des nc-Si non déplacés, on se rend compte que la ligne fait un nc-Si de largeur. La hauteur de la ligne est de 18 nm, ce qui correspond à un nc-Si.

Lors d’un scan, la pointe balaye l’échantillon en 2D, comme cela est représenté sur la

figure 6.5.a) Dans ce cas précis, la direction du balayage est de haut en bas. La pointe rentre donc en contact avec les nc-Si par leur côté haut par rapport au sens de balayage, ce qui engendre un déplacement vers le bas. C’est la raison pour laquelle la ligne de nc-Si se forme le long de la dernière ligne du scan. Cela n’est valable que dans le cas où le déplacement des nc-Si est réalisé juste après l’immersion dans du HF, c’est-à-dire quand les nc-Si sont très mobiles. Si l’échantillon est stocké à l’air, le déplacement des nc-Si est plus difficile et les nc-Si ont tendance à suivre le mouvement de la pointe. Dans ce cas, les lignes de nc-Si se forment plutôt sur les bords du scan.

L’image 6.5.b) montre qu’il est possible de densifier la ligne de nc-Si, en réalisant un autre scan symétrique au premier par rapport à la ligne de nc-Si. Dans ce cas, la ligne obtenue a une hauteur de 2 nc-Si (voir insert). Par contre sa largeur est inchangée. C’est probablement dû au fait que, pendant le déplacement de la ligne entière de nc-Si, le frottement est minimisé

Figure 6.5.a) Ligne de nc-Si réalisée par déplacement collectif des nc-Si en mode contact. b)Densification de la ligne en réalisant un autre scan symétrique au premier par rapport à la ligne. Lemouvement schématique de la pointe est représenté sur chaque scan. Sur chaque image, on peutvoir en insert le profil de la ligne de nc-Si.

a) b)

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Chapitre 6 Maîtrise de la disposition des nanocristaux

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quand l’aire de contact nc-Si/substrat est la plus faible, c’est-à-dire lorsque les nc-Si sont les uns sur les autres.

6.2.3 Déplacement d’un nc-Si individuel

La méthode de déplacement collectif permet de réaliser des lignes de nc-Si. Cependant, il peut être intéressant de réaliser des structures de nc-Si plus complexes ou par exemple disposer un nc-Si unique à un endroit pré-déterminé. Pour cela, nous avons développé une méthode expérimentale qui permet de déplacer un nc-Si individuel par manipulation. Dans ce cas, le mode opératoire est décrit sur la figure 6.6. En mode tapping, la taille du scan est réduite progressivement autour du nc-Si à déplacer. Puis, le déplacement de la pointe est stoppé à côté du nc-Si. Ensuite, on passe du mode tapping au mode contact en réduisant progressivement l’amplitude d’oscillation du cantilever jusqu’à zéro. Enfin, le nc-Si est poussé mécaniquement à l’aide de la pointe. Pratiquement, il est plus aisé de réaliser ce type de manipulation quelques heures après l’immersion des nc-Si dans le HF. En effet, si l’interaction entre les nc-Si et le substrat est très faible et si le contact pointe/nc-Si ne se fait pas exactement au milieu de ce dernier, ils ont tendance à se déplacer perpendiculairement par rapport à la direction de la pointe. Au contraire, si l’on attend que les interactions nc-Si/surface deviennent plus importantes, les nc-Si sont plus facilement déplacés dans la même direction que la pointe.

La figure 6.7 montre que l’on peut effectivement déplacer les nc-Si individuellement. La structure de départ est une ligne de nc-Si réalisée par déplacement collectif, désordonnée dans ce cas là. Les images a) à d) montrent les différentes étapes de déplacements de nc-Si pour parvenir à une ligne ordonnée. Certains déplacements individuels des nc-Si sont indiqués sur l’image a). Sur les images b) et c), on remarque que si l’on pousse le nc-Si1, on fait bouger le nc-Si2. Cette méthode permet donc de placer des nc-Si en contact les uns avec les autres ce qui est particulièrement intéressant, notamment pour les études de transport latéral à travers une chaîne de nc-Si. On peut aussi, par cette méthode réaliser des structures plus complexes telles que le cercle de nc-Si présenté sur l’image e).

Figure 6.6 : Mode opératoire du déplacement individuel des nc-Si : a) En mode tapping la pointe est stoppée à côté du nc-Si à déplacer, b) L’oscillation est arrêtée, c) le nc-Si est déplacé en appliquant un offset à la pointe.

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Chapitre 6 Maîtrise de la disposition des nanocristaux

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Figure 6.7 : Exemples de structures réalisées par manipulation de nc-Si individuels.

6.3 Modification locale du substrat de SiO2 par un faisceau d’électrons

Nous avons vu au chapitre 3 que la nucléation des nc-Si dépend fortement des propriétés chimiques du substrat. Une voie prometteuse pour parvenir à localiser le dépôt de nc-Si est donc de disposer des sites de nucléation préférentiels pour les nc-Si avant leur dépôt. Tutsui et. al [Tut 99] ont montré que l’on pouvait générer des sites de nucléation pour la croissance de nanostructures semi-conductices en irradiant localement un substrat de CaF2 par un faisceau d’électrons. Nous avons donc étudié l’influence de l’irradiation locale du substrat de SiO2 par un faisceau d’électrons sur la nucléation des nc-Si.

6.3.1 Influence d’un faisceau d’électron sur le SiO2

6.3.1.1 Etude bibliographique

De nombreuses études ont porté sur l’influence d’un bombardement électronique sur le SiO2 thermique. En 1967, O.Keeffe et. al [Kee 67] ont, les premiers, montré que les propriétés physiques du SiO2 sont fortement modifiées par un bombardement électronique de haute énergie (10 KeV). Notamment, la vitesse de gravure dans le HF des zones exposées au faisceau d’électrons peut être augmentée d’un facteur 3 au maximum. Ainsi, ils ont pu fabriquer un transistor complet sans utiliser de résine photosensible. Ces études ont été largement reprises et améliorées par différents groupes [All 91][Hir 93]. Il a été démontré que la modification des propriétés du SiO2 est très localisée, ce qui permet de réaliser des motifs avec une très haute résolution. Des lignes de l’ordre de la dizaine de nanomètres ont ainsi été obtenues dans du SiO2.

Pour que la modification des propriétés du SiO2 soient significatives, il faut un faisceau d’électrons de haute énergie. Cependant, les différents auteurs ont utilisé des tensions d’accélération variant de 10 kV [Kee 67] jusque à 200 kV [All 91] en obtenant tous la même

2

1

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sélectivité maximale de vitesse de gravure. La dose nécessaire pour modifier les propriétés du SiO2 de façon significative est de l’ordre de 1 coulomb/cm².

La plupart de ces études s’accordent sur le fait que l’effet principal du faisceau d’électrons est la désorption d’oxygène à la surface du SiO2 [Fuj 96]. Cela conduit donc à la formation d’une zone de SiO2 riche en silicium sur les zones exposées (figure 6.8). Ce phénomène est particulièrement intéressant pour notre étude, car cette modification de composition chimique de la surface du substrat peut avoir un effet sur la nucléation des nc-Si.

6.3.1.2 Imagerie d’une zone irradiée

La figure 6.9 présente des images de microscopie à force atomique d’une surface de SiO2 irradiée par un faisceau d’électrons d’énergie 50 keV et à une dose de 1C/cm². L’exposition est réalisée par un e-beam de marque LEICA dont la taille de spot est d’environ 20 nm. Le motif exposé est un carré de 2 µm de côté et une ligne de 200 nm de large.

Sur l’image de topographie en mode contact (a), il n’y a aucun relief visible. Cela nous permet d’établir les conclusions suivantes :

• Dans notre cas, l’irradiation n’a pas généré de rugosification significative de la surface contrairement aux constatations de Stevens et. al [Ste 96]. De plus, la quantité d’oxygène désorbée doit être relativement faible puisque nous n’avons pas imagé de dépression engendrée par la perte de matière.

• Le problème de la croissance d’une couche de contamination organique sur les zones exposées est souvent rapporté [Hir 96]. Cette couche vient de la polymérisation, induite par le faisceau d’électrons, d’hydrocarbures présents dans l’appareil. Dans notre cas, elle semble inexistante.

-

SiO 2 Si

SiO2

Si

O O

-

SiO 2 Si

SiO2

Si

SiO2

Si

O O

SiOx <2

e-beam

SiO 2 Si

SiO2

Si

SiO2

Si

O O

SiO 2 Si

SiO2

Si

SiO2

Si

O O

SiOx <2

Figure 6.8 : Désorption d’oxygène à la surface du SiO2 due à son irradiation par un faisceaud’électrons. La conséquence est la formation d’une zone riche en silicium à la surface des zonesexposées.

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L’image b) correspond à l’image enregistrée avec un mode électrique : le SCM pour " Scanning Capacitance Microscopy " (le fonctionnement de ce mode est présenté au chapitre 7). Le signal fourni est sensible aux charges présentes dans l’échantillon. .

Dans ce mode, on voit un contraste net entre le motif exposé (carré) et le reste du substrat. Les dimensions de la zone contrastée sont identiques à celles du motif balayé par le faisceau d’électrons. On peut donc conclure que l’irradiation e-beam a généré la présence de charges dans le SiO2 et que la modification des propriétés électriques est très localisée sur les zones irradiées.

A la suite de cette image, nous avons fait un deuxième scan autour du carré (sans passer sur la ligne) en appliquant une tension de +3 V sur la pointe. L’image SCM enregistrée après ce chargement est présentée sur l’image c). Le contraste est alors nettement augmenté sur le carré ce qui montre que des charges supplémentaires ont été injectées dans cette zone. L’image d) présente un profil suivant la ligne blanche sur l’image c) ainsi que le même profil enregistré 24 h après. Après 24 h, le contraste sur le carré est nettement atténué et revient quasiment au même niveau que celui sur la ligne, qui n’a que très peu évolué.

Cela suggère donc qu’il y a des charges fixes dans l’échantillon. On peut penser que ces charges sont piégées sur des défauts créés dans le volume du matériau pendant l’irradiation. Le temps de rétention associé à ces charges paraît très long. D’autre part, il y a aussi des pièges dans lesquels on peut injecter des charges supplémentaires et dont le temps de rétention est inférieur à 24 heures, lorsque l’échantillon est exposé à l’air. Ces défauts, qui ont un temps de rétention court sont probablement situés à la surface du SiO2. En effet, dans ce cas le déchargement peut se faire par réaction chimique avec l’atmosphère ou bien par diffusion des charges dans la couche d’eau adsorbée à la surface de l’échantillon. Ces défauts de surface peuvent être des lacunes d’oxygène (dues à la désorption d’hydrogène), des liaisons contraintes....

En conclusion, nous avons montré que l’irradiation par e-beam d’une surface de SiO2

n’engendre pas de modification significative de la morphologie de sa surface. Cependant, il y a un fort contraste "électrique" entre les zones irradiées et non irradiées. Cela est dû au fait que l’exposition génère la présence de charges et probablement de "défauts" structuraux dans le volume et à la surface du SiO2 thermique. Enfin, les modifications des propriétés électriques sont très localisées sur la zone irradiée, ce qui témoigne de la bonne résolution du procédé.

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Figure 6.9 : a) Image en topographie d’une zone irradiée par un faisceau d’électrons de 50 keV à unedose de 1 C/cm². b) Même zone en mode SCM. c) Image SCM après avoir chargé la zone entourée par des pointillés noirs à V = 3V. d) En rouge, profil sur la ligne blanche de l’image c) et, en noir, mêmeprofil enregistré 24 h après.

a) b)

c)

d)

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Nous notons que nous n’avons pas pu faire d’étude de la composition chimique d’une zone irradiée. En effet, le diamètre du faisceau d’électrons que nous avons utilisé était réduit (20 nm). De plus, la dose nécessaire pour modifier la surface du SiO2 est importante, de l’ordre de 1C/cm². La taille minimale d’une zone analysable par XPS ou FTIR, les deux techniques d’analyse les plus intéressantes pour cette étude, est d’environ 1 cm². Irradier une surface de 1cm² à une dose de 1C/cm² n’était pas envisageable avec l’e-beam que nous avons utilisé, cela aurait pris beaucoup trop de temps (plusieurs jours).

6.3.2 Dépôt de nc-Si sur une surface de SiO2 localement modifiée par un faisceau d’électrons

La figure 6.10 présente les résultats de dépôts de nc-Si sur SiO2 irradié localement par un faisceau d’électrons d’énergie 50 keV à une dose de 1 C/cm². L’oxyde thermique est relativement épais (40 nm) et élaboré à haute température (1050°C) pour que les groupes siloxanes de surface soient relaxés. De plus, il est recuit à haute température (1100°C sous N2) juste avant l’exposition pour diminuer au maximum la densité de groupements Si-OH de surface. Toutes ces précautions sont prises pour inhiber au maximum la nucléation des nc-Si sur les zones non irradiées. Les dépôts sont réalisés par des procédés en deux étapes : pour les images a) et c), la densité de nc-Si est de 5×109 nc-Si/cm², pour l’image b), elle est de 1011 nc-Si/cm². Sur les trois images, les nc-Si ont une hauteur proche de 5 nm.

L’image a) montre les résultats obtenus sur un motif exposé de grande taille (quelques

µm²). Il y a un fort contraste de densité de nc-Si entre les zones irradiées et le reste du substrat : la densité de nc-Si est environ vingt fois plus importante sur les zones exposées. L’irradiation génère donc des sites de nucléation pour les nc-Si.

Le motif dessiné par e-beam sur l’image b) est un réseau dense de lignes de 100 nm de largeur, espacées de 100 nm. Les lignes de nc-Si sont bien définies. Le motif dessiné sur l’image c) correspond à une ligne isolée de 40 nm. Là aussi, il y a un fort contraste de densité de nc-Si sur la ligne exposée par rapport au reste de la surface du substrat. Les images b) et c) montrent donc que ce procédé semble avoir une haute résolution. On peut supposer que la limite de résolution est la taille du spot du faisceau d’électrons.

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a)

b)

c)

Figure 6.10 : Exemples de dépôts de nc-Si réalisés sur des surfaces de SiO2 exposées localement par un faisceau d’électrons d’énergie 50 keV à une dose de 1 C/cm². a) Large motif, dépôt de nc-Si faible densité, b) lignes denses de 100 nm de large, c) ligne isolée de 40 nm de large.

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Chapitre 6 Maîtrise de la disposition des nanocristaux

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6.3.3 Influence de la dose sur la sélectivité

Nous définirons la sélectivité comme le rapport de la densité de nc-Si sur la zone exposée (D) divisée par la densité sur la zone non exposée (D0). La sélectivité est donc une mesure de l’influence du traitement sur la nucléation des nc-Si.

L’e-beam que nous avons utilisé fonctionne avec une tension d’accélération fixe de 50 keV. Le seul paramètre que nous avons fait varier est la dose d’exposition. La figure 6.11 montre l’évolution de la sélectivité en fonction de la dose d’électrons appliquée sur le motif. La sélectivité augmente en fonction de la dose. Ainsi, plus on bombarde la surface, plus la densité de sites de nucléation pour les nc-Si est importante. Ceci est clairement visible sur les images AFM. Le contraste de densité est très important quand la dose d’exposition est élevée (10 C/cm²) : la densité de nc-Si est multipliée par 13 sur les zones exposées. Par contre à 0.1 C/cm², la densité de nc-Si est multipliée uniquement par deux et il est alors plus difficile de discerner les limites de la zone irradiée.

En conclusion, plus la dose d’exposition est importante, plus la nucléation des nc-Si sur

les zones exposées est exaltée. Cependant, une dose de 1 C/cm² semble le palier à partir duquel l’irradiation a une forte influence sur la nucléation des nc-Si.

Figure 6.11 : a) Evolution de la sélectivité en fonction de la dose d’électrons. Imagescorrespondant à des expositions de 10 C/cm² (b) et 0.1 C/cm² (c). La zone entourée en noircorrespond à une zone non exposée. La zone entourée en blanc correspond à une zoneirradiée.

0

2

4

6

8

10

12

14

0,001 0,01 0,1 1 10 100

D/D

0

Dose (C/cm²)

1.0µm

1.0µm

a) b)

c)

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6.3.4 Limitations rencontrées et perspectives

Dans ces études, nous n’avons pas pu explorer les limites de résolution de la lithographie e-beam. En effet, nous avons été limités par le fait que nous n’avons pas pu identifier des conditions de dépôt telles que celui-ci soit complètement sélectif sur les zones exposées.

Ainsi, une sélectivité élevée a été obtenue dans le cas où les densités de nc-Si sont très faibles. Les images de 6.10.a) et c) correspondent à une densité de 109 nc-Si/cm² obtenue par un procédé en deux étapes où le temps de dépôt en chimie silane est extrêmement court. Dans ce cas, la densité de nc-Si est plus de 20 fois plus importante sur les zones irradiées à 1C/cm². Cependant, comme le montre la figure 6.12.a) qui est un zoom sur la figure 6.10.c), la densité de nc-Si reste faible, même sur la zone exposée, et la ligne de nc-Si est clairsemée. Si les conditions du dépôt sont modifiées pour augmenter la densité de nc-Si, on peut obtenir des motifs où les nc-Si sont denses sur la zone irradiée mais dans ce cas là, la sélectivité est plus faible. En effet, sur l’image 6.12.b), la densité de nc-Si n’est multipliée que par 4 sur les zones insolées.

Dans ces conditions, il n’est pas envisageable, pour l’instant, de réaliser un réseau régulier de sites de nucléation pour les nc-Si, chaque site étant créé par une irradiation sur un point (de la taille du faisceau électronique) du substrat. En effet, il faudrait que le dépôt de nc-Si soit complètement sélectif sur les sites ainsi créés. Cependant, on peut penser qu’une fenêtre de procédé doit permettre de parvenir à cet objectif, qui est le but final de cette étude. En effet, Hwang et. al [Hwa 98] ont obtenu un dépôt sélectif de silicium sur SiO2 localement irradié par un faisceau d’électrons. Cependant, dans leur cas, les irradiations étaient beaucoup plus importantes que les nôtres (500 C/cm²) et le dépôt de silicium était réalisé sous ultra-

Figure 6.12 : Images montrant les limitations du procédé induites par l’impossibilité de déposer lesnc-Si de manière sélective sur les zones exposées par e-beam. a) sélectivité élevée mais faible densitéde nc-Si, même sur la zone exposée. b) zone exposée dense en nc-Si mais sélectivité plus faible.

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Chapitre 6 Maîtrise de la disposition des nanocristaux

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vide. Surtout, dans leur expérience, le transfert de l’e-beam à la chambre de dépôt est réalisé sous ultra-vide. Dans notre cas, il est probable que les transferts à l’air, entre le four d’oxydation et l’e-beam puis entre l’e-beam et la chambre de dépôt aient induit la formation de centres de nucléation pour les nc-Si (groupes Si-OH) sur les zones non irradiées.

6.4 Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons exploré deux voies qui peuvent permettre de contrôler la disposition des nc-Si.

La nano-manipulation permet un contrôle très précis de la disposition des nc-Si. Elle

est facile à la mise en oeuvre et peu coûteuse. Il va de soi que cette technique n’est pas envisageable pour des applications industrielles. Mais elle permet de réaliser des dispositifs à nc-Si pour des études de laboratoire, ou d’aider à identifier les architectures que doivent avoir les dispositifs à nc-Si.

La deuxième voie explorée est la modification locale de la surface du substrat par un

faisceau d’électrons avant le dépôt de nc-Si. Nous avons vu que les nc-Si nucléent préférentiellement sur les zones exposées. Cette voie nous paraît très prometteuse car l’e-beam est la seule technique utilisée couramment en microélectronique qui peut avoir une résolution comparable à la taille des nc-Si. De plus, même si nous n’y sommes pas parvenus dans cette étude, il a été montré que l’on pouvait obtenir une croissance sélective du silicium sur les zones exposées [Hwa 98]. La technique e-beam pose des problèmes technologiques mais ils peuvent probablement être contournés :

• Pour des applications industrielles, l’e-beam est à l’heure actuelle lent (réalisation des motifs en série). Cependant, des nouvelles générations d’équipements, plus rapides, pourront probablement résoudre ce problème.

• De plus, il est probable que l’exposition du SiO2 thermique au faisceau d’électrons altère fortement ses propriétés électriques. Cependant, nous notons qu’il n’y a pas de contamination " physique " dans le SiO2 et il a été montré qu’il est possible de restaurer les propriétés de l’oxyde irradié par des traitements thermiques [Kee 67]. Cela est un avantage décisif par rapport au FIB (Focus Ion Beam) qui est aussi une technique utilisée pour ce genre d’expériences. Dans ce cas, les sites de nucléation pour les nano-structures sont formés par un bombardement localisé du substrat avec du gallium [Hull 03]. Ce procédé implique forcément une contamination par le gallium du substrat ou des nano-structures, ce qui doit poser de graves problèmes pour leur intégration.

En conclusion, même si de nombreuses études restent encore à réaliser (croissance

sélective sur les zones exposées, guérison des défauts créés dans l’oxyde par le

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Chapitre 6 Maîtrise de la disposition des nanocristaux

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bombardement électronique), nous pensons que cette méthode est très prometteuse pour obtenir un réseau régulier de nc-Si à la surface du SiO2. Au-delà de notre étude, cette approche, qui consiste à modifier la surface avant le dépôt pour limiter la croissance sur certaines zones, pourrait être utilisée pour réaliser des motifs de divers matériaux en évitant l’utilisation de résine et de procédé de gravure.

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Chapitre 6 Maîtrise de la disposition des nanocristaux

147

6.5 Bibliographie

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Chapitre 6 Maîtrise de la disposition des nanocristaux

148

[Ste 96] M.A. stevens, M.R. Phillips, A.R. Moon. Journal of Applied Physics 80, 4308 (1996). [Tar 03] F. Tardif. Nettoyage par voie humide en microélectronique Collection EGEM, Hermes (2003). [Tut 99] K. Tutsui, K. Kawasaki, M. Mochizuki, T. Matsubara. Microelectronic Engineering 47 , 135 (1999).

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Chapitre 7 Caractérisations électriques des nanocristaux

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Chapitre 7 Caractérisations électriques des nanocristaux

Nous avons vu que les nc-Si ont des propriétés physiques potentiellement intéressantes pour réaliser les dispositifs microélectroniques du futur. Dans ce chapitre, nous allons présenter des résultats expérimentaux de caractérisations électriques réalisées sur des échantillons contenant les nc-Si élaborés avec les procédés décrits dans les chapitres précédents. La première partie concerne l’étude des propriétés électriques d’un nombre réduit de nc-Si par microscopie à sonde locale. Ces travaux ont été menés en collaboration avec les équipes de microscopies du LPM et du LTM et plus particulièrement avec S. Decossas (LPM/LTM). La deuxième partie concerne l’intégration des nc-Si dans deux types de dispositifs :

• des "SET" conçus pour étudier le transport latéral du courant dans une chaîne de nc-Si. La caractérisations électrique de ces dispositifs a été réalisée par A. Souifi (LPM).

• des mémoires à nc-Si du LETI. Nous montrerons les caractéristiques de mémoires réalisées à partir des nc-Si que nous avons élaborés. Nous insisterons particulièrement sur les avancées dues aux améliorations du contrôle de la formation des nc-Si. Les résultats des caractérisations électriques nous ont été fournis par B. De Salvo et L. Perniola (CEA-LETI-DTS-SRD).

7.1 Etude des propriétés électriques des nc-Si par microscopie à sonde locale

Dans un premier temps, les dispositifs dans lesquels seront intégrés les nc-Si mettront probablement en jeu plusieurs dizaines ou mêmes centaines de nc-Si. Néanmoins, il est intéressant d’étudier les propriétés électroniques d’un nc-Si unique ou d’un petit nombre de nc-Si. Aussi, ces dernières années, des travaux ont été réalisés par microscopie à sonde locale pour étudier les propriétés de conduction [Bar 01] ou de rétention [Boe 01] des nc-Si. Dans ce paragraphe, nous allons présenter nos premiers résultats sur la caractérisation des propriétés électriques des nc-Si par SCM (Scanning Capacitance Microscopy) et par EFM (Electric Force Microscopy).

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Chapitre 7 Caractérisations électriques des nanocristaux

150

7.1.1 Etude des nc-Si par Scanning Capacitance Microscopy (SCM)

7.1.1.1 Principe de la mesure

Dans le mode SCM (Scanning Capacitance Microscopy), une pointe conductrice balaye l’échantillon en mode contact et les variations locales de capacité entre l’échantillon et la pointe sont mesurées [Will 99]. Elles peuvent être causées par des changements d'épaisseurs des couches étudiées, de constante diélectrique du substrat ou de la densité de charges dans l’échantillon. Cette dernière caractéristique fait que cette technique est principalement utilisée pour étudier des profils 2D de dopants sur des surfaces semi-conductrices.

En pratique, une différence de potentiel alternative VAC (fréquence 5-100 kHz) est appliquée entre la pointe et l’échantillon. Les charges libres dans l’échantillon sont donc alternativement attirées et repoussées par la pointe. Le changement de capacitance résultant est mesuré par un détecteur de capacitance opérant à 915 MHz. Une différence de potentiel continue VDC peut être appliquée entre l’échantillon et la pointe pour fixer la tension autour de laquelle la tension alternative varie. Les images SCM sont construites en mesurant, pour chaque point, le changements de capacitance (dC) en réponse à la variation de la tension alternative (dVAC). Un mode spectroscopique permet de réaliser des courbes dC/dVAC = f(VDC) sur un point précis de l’échantillon.

Le SCM étant une mesure capacitive, il est préférable qu’une couche diélectrique recouvre l’échantillon à étudier.

Ce mode d’analyse est prometteur pour la caractérisation de nano-structures [Tal 03]. Il

nous a paru intéressant pour la caractérisation des nc-Si car il est sensible à des contrastes de densité de charges à la surface de l’échantillon. Le SCM doit donc permettre d’obtenir un contraste entre des nc-Si chargés et non-chargés et des variations du contraste en fonction du nombre de charges dans un même nc-Si.

7.1.1.2 Résultats sur des échantillons de nc-Si recouverts de SiO2 déposé

Pour cette étude, la structure de l’échantillon est la suivante : • Substrat de type p • Oxyde thermique 2 nm • Nc-Si forte densité (1012/cm²) • Oxyde déposé 2 nm.

Une image AFM en mode contact de l’échantillon est présentée sur la figure.7.1.a). La densité de nc-Si est très élevée et, par conséquent, les nc-Si apparaissent coalescés sur l’image AFM. La surface a ensuite été chargée localement en appliquant une tension continue de + 4 V sur la pointe. Les zones chargées sont un carré d’un micromètre de côté et un point. Nous

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Chapitre 7 Caractérisations électriques des nanocristaux

151

notons qu’avant le chargement, les images SCM sont homogènes sur toute la surface de l’échantillon. L’image SCM enregistrée juste après le chargement est présentée sur la figure 7.1.b). Il y a un très fort contraste électrique entre les zones chargées et non chargées. De plus, un "halot" entoure les zones chargées. Sur les zones chargées, le contraste reste identique pendant très longtemps (> 40 h) alors que le halot disparaît au bout de quelques minutes. Cela suggère la présence de deux mécanismes de dissipation des charges différents.

On peut remarquer que, dans notre cas, les zones chargées apparaissent très clairement et sont très bien définies sur les images SCM. Nous notons que les images en topographie sont strictement identiques avant et après le chargement, ce qui démontre que le contraste sur les images SCM est purement d’origine électrique.

Cependant, des résultats quasiment identiques ont été obtenus sur l’échantillon témoin sans nc-Si. Les charges injectées dans cet échantillon sont donc indépendantes de la présence des nc-Si. Elles ont donc probablement été piégées dans des défauts de l’oxyde déposé. En effet, comme nous l’avons dit précédemment, ce matériau a une qualité structurale médiocre et contient donc probablement beaucoup de défauts.

En conclusion, cette étude ne nous a pas permis de mettre en évidence de stockage de

charges dans les nc-Si. Cependant, nous avons démontré que le mode SCM permet de détecter des charges injectées localement sur un échantillon. En outre, nous avons révélé la mauvaise qualité électrique du SiO2 déposé. Dans la suite des études, nous avons remplacé l’oxyde déposé par un oxyde thermique.

Figure 7.1 : Image en topographie de l’échantillon ayant une forte densité de nc-Si et recouvertd’oxyde déposé. Image SCM après chargement à une tension de 4V d’une zone carrée de 1 µm² et d’unpoint (à la gauche du carré). L’image SCM est acquise à Vdc = 0 V et Vac =1 V.

a) b)

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Chapitre 7 Caractérisations électriques des nanocristaux

152

7.1.1.3 Résultats sur des nc-Si oxydés thermiquement

Pour cette étude, la structure de l’échantillon est : • Substrat de type p • Oxyde thermique 3 nm • Nc-Si faible densité (1010/cm²) • Oxyde thermique 1.2 nm.

Sur ce type d’échantillon, nous n’avons pas observé de chargement sur les zones sans nc-Si, ce qui traduit l’absence de pièges dans l’oxyde thermique. Cependant, nous avons eu aussi beaucoup de difficultés à mettre en évidence le chargement des nc-Si. Dans la majorité des expériences, aucune augmentation de contraste n’a été mesurée sur les nc-Si chargés. La figure 7.2 présente néanmoins un résultat encourageant. Les images a) et b) sont respectivement des images en mode topographie et SCM de l’échantillon avant chargement. On peut remarquer qu’en mode SCM, on a un contraste net entre les nc-Si et le substrat. Il est probablement dû à la différence de constante diélectrique entre les nc-Si et le SiO2 thermique. Le fait que l’on puisse discerner facilement des nc-Si individuels témoigne de la bonne résolution du mode SCM. Nous avons ensuite appliqué une tension de 10 V sur le nc-Si marqué par une flèche. Les images c) et d) sont respectivement les images en mode topographie et SCM de l’échantillon après ce chargement. On ne remarque aucune évolution sur l’image en topographie. Par contre, on observe une augmentation du diamètre apparent du nc-Si chargé alors que celui des autres nc-Si est resté identique. Ce résultat suggère donc que l’on a injecté des charges dans ce nc-Si.

Cependant, on peut s’interroger sur l’origine de cette augmentation de diamètre électrique. Cela peut effectivement être dû à un chargement du nc-Si, mais aussi à la formation de défauts dans l’oxyde sous le nc-Si à cause de la forte tension appliquée pendant le chargement.

Nous avons donc rencontré des difficultés importantes pour caractériser le stockage de

charges dans les nc-Si par SCM. Deux raisons peuvent être avancées pour les expliquer : • La technique n’est pas assez sensible pour détecter les charges injectées dans les

îlots. En effet, un fort contraste entre les îlots et le substrat est observé quand ils ne sont pas chargés. On peut penser que l’injection de quelques charges dans le nc-Si ne va pas modifier suffisamment ce contraste pour que cela soit détectable.

• Une deuxième explication est qu’il n’était pas possible de travailler en atmosphère contrôlée sur l’AFM utilisé pour ces expériences. Or, dans ces conditions, il y a toujours une couche d’eau à la surface de l’échantillon par laquelle les charges peuvent se dissiper. Cette hypothèse est renforcée par le fait que sur cet équipement, les résultats de chargement des nc-Si en mode EFM n’ont pas été favorables. Au contraire, comme nous allons le voir, cette

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Chapitre 7 Caractérisations électriques des nanocristaux

153

technique donne des résultats prometteurs sur un autre équipement où l’atmosphère est contrôlée.

Figure 7.2 : a) Image AFM en mode contact et b) image SCM de l’échantillon avant chargement. Lesimages c) et d) correspondent aux images respectivement a) et b) après application d’une tension de 10V sur le nc-Si marqué par une flèche sur l’image b). Les images SCM sont enregistrées avec Vdc = 0Vet Vac = 0.5 V

a) b)

c) d)

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Chapitre 7 Caractérisations électriques des nanocristaux

154

7.1.2 Etude des nc-Si par "Electrostatic Force Microscopy" (EFM)

Ce mode particulier de l’AFM permet de détecter les charges électrostatiques présentes sur la surface du matériau ou proche de cette surface et d’en obtenir une localisation dans le plan d’imagerie.

L’injection de charges dans les nc-Si peut ainsi être mise en évidence par cette technique.

7.1.2.1 Principe de la mesure

Le principe expérimental d’une mesure en mode EFM est présenté sur la figure 7.3 [Mel 03]. Une première image est d’abord réalisée en mode non-contact pour obtenir la topographie de notre surface et localiser les nc-Si (figure 7.3.a). On définie ensuite un plan moyen de cette zone que va devoir suivre la pointe pour réaliser l’imagerie EFM. Pour cela, la pointe est surélevée de ce plan d’une hauteur z fixée et une tension est appliquée entre la pointe et l’échantillon à sonder (figure 7.3.b). Le balayage de la zone est alors réalisée dans ces conditions pour obtenir l’image EFM.

Le signal EFM est la variation de la fréquence de résonance de la pointe quand celle-ci balaye l’échantillon à la hauteur fixée. La boucle de contre-réaction régule sur une valeur constante de la phase d’oscillation de la pointe.

Dans ce mode, la pointe est sensible aux forces électrostatiques induites par l’interaction entre la pointe et l’échantillon. En effet, ces forces influent sur la fréquence de résonance de la pointe. En réalisant une boucle de contre-réaction pour annuler les changements de fréquence, on obtient une image en décalage de fréquence de résonance représentative des variations de force électrostatique entre la pointe et l’échantillon.

Ces forces sont de deux natures : une force capacitive due à la géométrie pointe/substrat, et une force liée à la présence de charges dans le matériau. Pour la première, il y a un gradient de force attractif entre la pointe et l’échantillon qui varie comme le carré de la tension appliquée entre les deux. Ainsi, quelle que soit la tension de polarisation, l’interaction capacitive induit une force attractive entre la pointe et l’échantillon. En revanche, la deuxième

Figure 7.3 : a) Mouvement de la pointe en mode tapping pendant la mesure de topographie. b) enregistrement de l’image EFM (mode linear) : balayage de l’échantillon à une distance fixe et enregistrement de la variation de la fréquence de résonance du cantilever.

a) b)

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155

interaction liée aux charges crée un gradient de force soit attractif soit répulsif selon la tension appliquée car il varie linéairement avec la tension. On peut alors détecter la présence de charges par ce changement d’interaction (attractif-répulsif) par deux images EFM pour deux tensions quasi-opposées (il faut tenir compte au départ de la différence de travaux de sortie entre les matériaux qui induit un décalage en tension autour de 0). En effet, pour une zone contenant des charges, il apparaîtra sur l’image une répulsion (décalage en fréquence positif, contraste positif) pour une tension donnée et une attraction pour son opposée (décalage en fréquence négatif, contraste négatif).

Le signal EFM des nc-Si non chargés correspond à une augmentation locale de la

capacité pointe/échantillon due à leur constante diélectrique : ε ≈ 12. Les nc-Si non chargés apparaissent donc toujours avec un contraste négatif quelque soit la tension de polarisation sur les images, comme le montrent les images 7.4.b) et c).

Le chargement des nc-Si est réalisé en mode non-contact. Durant l’acquisition de

l’image, on vient mettre la pointe en contact avec le nc-Si , cela stoppe l’oscillation et permet de conserver le contact durant la charge. Puis on applique une différence de potentiel entre la pointe et le substrat pendant un temps t donné. La pointe est ensuite relevée, on réalise alors l’imagerie EFM pour visualiser le chargement.

Ces manipulations sont réalisées sur un AFM multimode fonctionnant sous ultra-vide au

CNRS/LTM.

7.1.2.2 Résultats et perspectives

La structure de l’échantillon est la même qu’au paragraphe précédent mais l’oxyde thermique sur lequel sont déposés les nc-Si fait 10 nm d’épaisseur. La figure 7.4 présente un premier résultat en mode EFM avec cet appareil. Sur l’image a), qui correspond à la topographie en mode non-contact, nous avons indiqué le nc-Si visé pour le chargement. Ce dernier a été réalisé à 4 Volts (appliqués sur le substrat) pendant 30 secondes. Cela a conduit à l’injection d’électrons dans le nc-Si. L’image b) a été enregistrée en mode EFM en appliquant une tension de – 2 V au substrat. On ne remarque pas de variation de contraste sur le nc-Si chargé par rapport aux autres. Par contre, si on applique un potentiel de + 3 V sur le substrat (image c), le nc-Si chargé et ses proches voisins ont un contraste inversé par rapport aux autres nc-Si. C’est la signature du chargement. En effet, dans ce cas, il y a une interaction répulsive entre les charges injectées dans le nc-Si et la pointe. Si cette interaction est prépondérante par rapport à l’effet attracteur "capacitif", alors, on peut obtenir cette inversion de contraste.

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Chapitre 7 Caractérisations électriques des nanocristaux

156

Figure 7.4 : a) Image en mode topographie (non-contact) de l’échantillon. b) Image en mode EFM avec Vsubstrat = -2V (gauche) et Vsusbtart = +3V (à droite) de la même zone, après avoir chargé le nc-Si montré par la flèche sur l’image a) à Vsubstrat = 4V, pendant 30 s.

Il est intéressant de remarquer que le chargement d’un nc-Si a engendré le chargement

de ces proches voisins, d’autant que les deux derniers nc-Si à gauche (notés 1) semblent moins chargés (il est difficile de savoir si tous les nc-Si chargés sont en contact à cause de la convolution pointe échantillon). Les nc-Si de droite (notés 2), dont l’image topographique montre qu’ils sont proches de la zone mais non collés aux autres n’ont, par contre, pas été affectés par le chargement.

Ces premiers résultats sont très prometteurs, car dans ces conditions, la sensibilité de la

technique semble remarquable. A partir de ces images, il est possible de remonter au nombre de charges dans les nc-Si [Mel 03], d’étudier la cinétique de chargement et de déchargement des îlots [Boe 00].

Injection de charges 20 s à Vsubstrat = + 4V

Image EFM, Vsubstrat = -2V Image EFM, Vsubtrat = +3V

a)

b)

12

2

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Chapitre 7 Caractérisations électriques des nanocristaux

157

7.2 Intégration de nc-Si dans des dispositifs

7.2.1 Intégration des nc-Si dans des transistors à "un électron"

Nous avons vu au chapitre 3 que, sur des surfaces de SiO2 ayant une forte densité de groupements silanols, nous pouvions obtenir des densités de nc-Si proches de 2×1012 /cm². Des densités aussi élevées de nc-Si doivent permettre d’étudier le transport latéral du courant dans les nc-Si [Pal 00].

Pour cela, nous avons réalisé des dispositifs représentés schématiquement et photographiés au MEB sur la figure 7.5. Des électrodes d’aluminium ont été déposées par un procédé lithographie e-beam/dépôt métal/lift-off sur un échantillon ayant une très forte densité de nc-Si. Pour le dispositif présenté sur l’image MEB, la face arrière de l’échantillon joue le rôle de grille de contrôle. D’autres dispositifs comprenant une électrode de grille latérale ont aussi été réalisés (voir figure 7.6). L’écart entre les deux électrodes a été minimisé au maximum des possibilités de la lithographie avec une distance inter-électrodes minimale de 40 nm.

Malheureusement, les caractéristiques I (V) de ces dispositifs n’ont pas permis de mettre en évidence le passage de courant entre la source et le drain via les nc-Si, même pour des polarisations élevées. Choi et. al. [Choi 98] ont obtenu des caractéristiques électriques intéressantes sur des dispositifs similaires. Notamment, ils ont pu observer du blocage de Coulomb à température ambiante. Leur densité maximale de nc-Si n’était que de 3×1011 nc-Si/cm², cependant, la distance inter-électrode qu’ils ont pu réaliser était de l’ordre de 20 nm.

Nous pensons que l’absence de conduction à travers les nc-Si est due au fait qu’ils ne

sont pas assez proches les uns des autres. En effet, ils sont, en moyenne, éspacés de 8 nm les

Figure 7.5 : Représentation schématique et image MEB (vue de dessus) d’un dispositif réalisé pourétudier le transport latéral entre les nc-Si. Les électrodes sont déposés directement sur un échantillonde nc-Si de forte densité, 1.5 ×1012 nc-Si/cm² dans ce cas précis.

-

Source Drain Densité nc- Si > 10 12 /cm²

SiO2

Grille

Source Drain Densité nc- Si > 10 12 /cm²

SiO2

Grille

40-100 nm

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Chapitre 7 Caractérisations électriques des nanocristaux

158

uns de sautres. Pour obtenir une ligne plus dense de nc-Si entre deux électrodes, nous avons utilisé la méthode de déplacement collectif des nc-Si présentée au chapitre 6.

La figure 7.6.a) est une image AFM d’un dispositif conçu pour étudier le transport

latéral dans les nc-Si. Dans ce cas, les électrodes sont en Titane/Or et le dispositif comprend aussi deux grilles de contrôle latérales. Cependant, comme pour l’échantillon précédent, aucune conduction n’a pu être observée dans de tels dispositifs même pour des distances inter-électrodes de l’ordre de 40 nm.

Nous avons pu connecter les deux électrodes par une chaîne dense de nanocristaux en utilisant la méthode de déplacement collectif comme le montre l’image 6.6.b). Après immersion de l’échantillon dans une solution de HF dilué, un scan de (250×250) nm² en mode contact, à 45° par rapport aux bords des électrodes, a été réalisé comme cela est indiqué sur la figure. Cela a conduit à la formation d’une ligne de nc-Si entre les deux électrodes d’environ 70 nm de long, pour 25 nm de haut et 45 nm de large.

a) b) Figure 7.6 : Image AFM en mode tapping d’électrodes déposées sur un échantillon de nc-Si de forte densité. (a) avant et (b) après la manipulation des nc-Si. Les lignes pointillées sur l’image b) montrent la zone balayée en mode contact pour réaliser la ligne de nc-Si et la flèche montre la direction du balayage.

La figure 7.7 présente les courbes I(V) réalisées sur ces deux dispositifs. Pour

l’échantillon de référence, avant la manipulation, aucun courant n’est mesuré jusqu’à des tensions d’environ 65 V, ce qui correspond à la tension de claquage de l’oxyde. Par contre, sur l’échantillon où la chaîne de nc-Si a été réalisée entre les deux électrodes, un courant est mesuré pour des tensions supérieures à 8V. Ce courant est relié à la conduction à travers la chaîne de nc-Si.

En conclusion, la méthode de nano-manipulation par une pointe AFM permet de réaliser des motifs avec les nc-Si et de les intégrer dans des dispositifs simples. Il va de soit que cette méthode n’est pas envisageable pour des applications industrielles. Cependant, pour un usage

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Chapitre 7 Caractérisations électriques des nanocristaux

159

de laboratoire, elle permet de réaliser facilement des dispositifs fonctionnels pour étudier les propriétés physiques des nc-Si.

7.2.2 Mémoires flash à nanocristaux

Il existe différents types de cellules mémoires à nc-Si [Yan 94][Guo 96][Miz 98]. Dans ce paragraphe, nous nous limiterons au type de mémoire le plus mature, décrit pour la première fois par Tiwari et. al. [Tiw 95]. Ce dispositif est relativement proche de la cellule mémoire flash industrielle : la différence majeure étant que la grille flottante en poly-silicium est remplacée par une couche de nanocristaux semi-conducteurs. Les nc-Si ont été intégrés dans des dispositifs mémoires de type industriel. Les résultats expérimentaux nous ont été fournis par B. de Salvo et L. Perniola du Service de Recherche sur les Dispositifs du LETI.

7.2.2.1 Les mémoires Flash industrielles

Les mémoires à nc-Si sont conçues pour remplacer les mémoires non volatiles de type " Flash" décrites au chapitre 1. Le tableau 7.8 résume les conditions typiques de lecture, d’écriture et d’effacement de ce type de mémoires. Le décalage de tension de seuil (∆Vt) est généralement de l’ordre de 2 V. Pour des mémoires avancées, il est envisageable qu’il soit inférieur, quelques centaines de mV [Tiw 95].

Figure 7.7 : Caractéristiques I (V) des dispositifs présentés à la figure 7.6.

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Chapitre 7 Caractérisations électriques des nanocristaux

160

Pour pouvoir remplacer les mémoires Flash conventionnelles, les mémoires à nc-Si doivent nécessairement avoir une fiabilité au moins équivalente. Les principaux critères pour évaluer les caractéristiques d’une cellule mémoire sont [Sal 99] :

• Le temps de rétention. Il est évalué en mesurant l’évolution de la tension de seuil, dans l’état écrit, en fonction du temps écoulé après la programmation. Il indique donc la capacité intrinsèque de la mémoire à retenir une charge pendant de longues périodes. Ce test peut être effectué après un grand nombre de cycles de programmation. La majeure partie des produits commerciaux sont garantis pour pouvoir retenir l’information pendant dix ans.

• L’endurance. Elle est évaluée en mesurant l’évolution de la fenêtre de programmation de la mémoire (c’est-à-dire la différence de tension de seuil entre les états écrit et effacé) en fonction du nombre de cycles de programmation. L’endurance d’une mémoire correspond donc au nombre maximum de cycles écritures/effacement auxquels elle peut être soumise avant que les deux états écrit/effacé, ne soient plus distincts. Les spécifications pour les mémoires Flash commercialisées vont de 104 à 106 cycles.

Bien sûr, pour que les mémoires à nc-Si soient industrialisables, il faut aussi que leur caractéristiques électriques soient parfaitement reproductibles d’un dispositif à l’autre.

7.2.2.2 Performances des mémoires à nc-Si

Depuis le premier démonstrateur présenté par Tiwari et. al. [Tiw 95], différents groupes se sont intéressés à la conception et la fabrication de mémoires à grille flottante granulaire [Sal 01] [Hir 01] [Mot 03] [Bla 01].

Le décalage de tension de seuil, qui était très faible (100 mV) lors des premières études, devient comparable à celui des mémoires flash industrielles, 2V [Bla 01]. Les opérations peuvent être réalisées avec des voltages nettement plus bas qu’avec des mémoires flash standard. Cependant, les oxydes tunnels des premières mémoires à nc-Si présentées dans la littérature étaient très fins (1-3 nm) et les temps de rétention obtenus étaient largement inférieurs à ceux requis pour une "vraie" mémoire non volatile [Kin 01].

Source Grille de contrôle Drain Lecture Terre 5V 1V

Ecriture (électrons chauds)

Terre 12V 5-7V

Ecriture (Fowler-Nordheim)

Terre 15V Terre

Effacement 5V -8V Terre

Tableau 7.8 : Conditions typiques de lecture/ écriture /effacement des mémoires Flashs industrielles [Cap 99].

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Chapitre 7 Caractérisations électriques des nanocristaux

161

De même, certains groupes ont mis en évidence l’ excellente endurance de ces cellules mémoires : jusqu’à 109 cycles écriture/effacement avant qu’une détérioration notable des caractéristiques de la cellule apparaisse [Tiw 95] [Kin 01]. Cependant, là aussi, la comparaison avec les mémoires flash classiques est délicate car l’injection des charges dans les nc-Si est réalisée par effet tunnel direct. Ce mode d’injection est moins destructeur pour l’oxyde que l’injection par électrons chauds utilisée dans la plupart des mémoires industrielles [Cap 99]. Un point encourageant est qu’à épaisseur d’oxyde tunnel identique, les mémoires à nc-Si ont démontré un temps de rétention meilleur que les mémoires à grille flottante continue [Han 96].

Pour augmenter le temps de rétention dans les mémoires à nc-Si, certains groupes ont utilisé des oxydes tunnels un peu plus épais : 4-6 nm (plus fins quand même, que l’oxyde de 8 nm utilisé pour des mémoires flash standards). Ainsi, bien que le gain en consommation soit moins important à cause de la plus forte épaisseur d’oxyde tunnel, ces cellules mémoires peuvent avoir un temps de rétention comparables à celui des mémoires non volatiles classiques [Mon 02].

La figure 7.10 présente les résultats obtenus sur une cellule mémoire à nc-Si réalisée par

STmicroelectronics [Ger 02] [Sal 03]. Cette cellule a des dimensions comparables à celles des mémoires flash standards. L’oxyde tunnel est de 4 nm, la densité de nc-Si de 3×1011 nc-Si/cm² et le diamètre des nc-Si de 9 nanomètres environ.

Figure 7.9 : Résultats obtenus par King et. al [Kin 01] avec une mémoire à nanocristaux de germaniumobtenus par implantation. (a)Vitesse d’écriture/effacement en fonction de la tension de grille. (b)Endurance du dispositif. Les temps d’écriture/effacement sont très courts, les voltages sont plus faibles que pour des mémoires flashs standards et l’endurance est excellente. Cependant, outre lafaiblesse du décalage de tension de seuil, la limitation majeure de ce dispositif est le temps derétention : un jour seulement. On parle de mémoire "quasi volatile".

Tension écriture/effacement : 4V

a) b)

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Chapitre 7 Caractérisations électriques des nanocristaux

162

SiO2 tunnel 4 nm Densité nc-Si 3×1011/cm² Diamètre moyen des nc-Si 9 nm SiO2 de contrôle 7 nm

Ecriture Effacement

D S SiO2 tunnel

SiO2 de contrôle

c) Caractéristique d’endurance du dispositif. Les cycles écriture/effacement sont réalisés en régime Fowler-Nordheim.

d) Caractéristique de rétention du dispositif.

Figure 7.10 : Caractéristiques électriques d’une cellule mémoire à nc-Si réalisée par STmicroelectronics. Les dimensions de la cellule sont (0.18 × 0.3) µm² [Ger 02] [Sal 03].

a) Structure de l’échantillon

b) Caractéristique écriture/effacement du dispositif. Ces deux opérations sont réalisées en régime Fowler-Nordheim.

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Chapitre 7 Caractérisations électriques des nanocristaux

163

Le décalage de tension de seuil est d’environ 1.5 V, ce qui est tout à fait compatible avec une utilisation industrielle. De plus, la cellule peut être écrite/effacée à des tensions de grille relativement basse, 12 V, pour des temps d’écriture et d’effacement de 500 ms et 500 µs respectivement.

L’endurance du dispositif est bonne : 105 cycles écriture/effacement peuvent être réalisés avant que les tensions de seuil des états écrit/effacé ne commencent à dériver. Là aussi, cette caractéristique est acceptable pour une application industrielle.

La caractéristique de rétention après 105 cycles de programmation est satisfaisante. Le test présenté est réalisé à 250°C, ce qui est plus contraignant pour le dispositif. Même dans ces conditions, on peut extrapoler les résultats jusqu’à 109 secondes (10 ans) sans obtenir une fermeture complète de la fenêtre de programmation.

Les caractéristiques des mémoires à nc-Si se sont donc nettement améliorées au cours

de ces dernières années, et leur performances sont maintenant proches de celles des dispositifs commerciaux.

En conclusion, les mémoires à nc-Si présentent des caractéristiques très prometteuses. Cependant, pour présenter un intérêt commercial, la supériorité de leurs performances, par rapport aux mémoires flash conventionnelles, devra être démontrée clairement.

7.2.2.3 Influence de la densité de nc-Si sur la dispersion de ∆Vt

Les grilles flottantes en poly-silicium des cellules mémoires standards sont réalisées en parallèle par les procédés de lithographie/gravure classiques de la micro-électronique. Ainsi, sur une même puce, tous les dispositifs mémoires ont sensiblement les mêmes caractéristiques. Au contraire, les nc-Si sont auto-assemblés, c’est-à-dire qu’ils se forment spontanément pendant le dépôt de silicium. Il peut donc y avoir des variations des caractéristiques des mémoires à nc-Si à cause de deux paramètres :

• Le nombre de nc-Si peut varier d’un dispositif à l’autre si la répartition des nc-Si n’est

La figure 7.11 présente les résultats de la dispersion de décalage de tension de seuil

(∆Vt) obtenus pour des dispositifs mémoires ayant des densités de nc-Si variables. A part la densité de nc-Si, les caractéristiques des dispositifs sont exactement identiques. Les

pas homogène. • La taille des nc-Si peut varier d’un dispositif à l’autre.

Ainsi, le nombre de charges stockées dans la grille flottante granulaire peut varier et induiredes fluctuations de décalage de tension de seuil d’un dispositif à l’autre. Ce problème estdirectement relié au caractère spontané de la formation des nc-Si. La maîtrise du procédéd’élaboration des nc-Si est donc critique.

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Chapitre 7 Caractérisations électriques des nanocristaux

164

statistiques sont réalisées sur 128 dispositifs. Les dépôts de nc-Si ont été réalisés avec des procédés développés dans le cadre de ce travail.

La dispersion de ∆Vt devient de plus en plus étroite au fur et à mesure que la densité de

nc-Si augmente : 16 % pour une densité de 3 1011 nc-Si/cm² contre 7 % pour une densité de 1.5 1012 nc-Si/cm². Sur chaque image MEB, le dispositif est représenté schématiquement à l’échelle. Sur l’échantillon de faible densité, il y a des zones "vides" et d’autres ayant des densités de nc-Si élevées. Ces zones sont réparties aléatoirement. Ainsi, il est probable que le nombre de nc-Si fluctue de façon significative d’un dispositif à l’autre. Au contraire, dans le cas de la densité de nc-Si la plus élevée, la surface est saturée de nc-Si et leur répartition est homogène à l’échelle du dispositif. On peut donc penser que le nombre de nc-Si est quasiment identique dans chaque dispositif. Cela explique le resserrement de la dispersion de ∆Vt avec la densité de nc-Si observé expérimentalement.

Nous avons vu que, plus la densité de nc-Si est importante, plus la dispersion en taille

est étroite. Cela doit aussi contribuer à l’amélioration de la reproductibilité des caractéristiques électriques quand la densité de nc-Si augmente. Cependant, des simulations montrent que l’effet de la dispersion en taille sur le nombre de charges stockées est moins important que celui de la dispersion de densité [Per 03].

His

togr

amm

e D

Vt

DVt [V]0.8 1 1.2 1.4

(σ∆Vt/∆Vt)exp= 0.072

1

2

3

4

5

6

7

8

1.60.4 0.6

DVt [V]0.8 1 1.2 1.4

(σ∆Vt/∆Vt)exp= 0.12

1.60.4 0.6DVt [V]

0.8 1 1.2 1.4

(σ∆Vt/∆Vt)exp= 0.162

DVt [V]0.8 1 1.2 1.4

(σ∆Vt/∆Vt)exp= 0.162

1.6 1.80.4 0.6

His

togr

amm

e D

Vt

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(σ∆Vt/∆Vt)exp= 0.072

1

2

3

4

5

6

7

8

1.60.4 0.6

DVt [V]0.8 1 1.2 1.4

(σ∆Vt/∆Vt)exp= 0.12

1.60.4 0.6DVt [V]

0.8 1 1.2 1.4

(σ∆Vt/∆Vt)exp= 0.162

DVt [V]0.8 1 1.2 1.4

(σ∆Vt/∆Vt)exp= 0.162

1.6 1.80.4 0.6

DVt [V]0.8 1 1.2 1.4

(σ∆Vt/∆Vt)exp= 0.072

1

2

3

4

5

6

7

8

1.60.4 0.6

DVt [V]0.8 1 1.2 1.4

(σ∆Vt/∆Vt)exp= 0.12

1.60.4 0.6DVt [V]

0.8 1 1.2 1.4

(σ∆Vt/∆Vt)exp= 0.162

DVt [V]0.8 1 1.2 1.4

(σ∆Vt/∆Vt)exp= 0.12

1.60.4 0.6DVt [V]

0.8 1 1.2 1.4

(σ∆Vt/∆Vt)exp= 0.162

DVt [V]0.8 1 1.2 1.4

(σ∆Vt/∆Vt)exp= 0.162

1.6 1.80.4 0.6

Figure 7.11 : Influence de la densité de nc-Si sur la dispersion de décalage de tension de seuil. Dans cecas, l’écriture des dispositifs a été réalisée par injection d’électrons chauds. La représentationschématique, mais à l’échelle de la surface du dispositif, est dessinée sur les images MEB.

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Chapitre 7 Caractérisations électriques des nanocristaux

165

Ces résultats confirment l’importance technologique de la maîtrise de la densité des nc-Si et notamment des préparations de surfaces pour augmenter la densité de nc-Si. En effet, seuls les dispositifs avec des densités de nc-Si supérieures à 1012 nc-Si/cm² ont des dispersions de ∆Vt inférieures à 10 % (ce qui pourrait être une limite acceptable pour des applications industrielles [Sal 03]). Ces densités de nc-Si ne peuvent être atteintes que sur des surfaces de SiO2 ayant des fortes densités de groupements Si-OH de surface.

7.2.2.4 Réalisation de cellules mémoires à deux bits.

Pour augmenter le nombre de bits par unité de surface, on peut soit diminuer la taille des dispositifs mémoires, soit faire en sorte que chaque cellule contienne plusieurs bits d’information [Cap 99].

La figure 7.12 présente la courbe Id = f(Vg) d’un dispositif mémoire identique aux

précédents où la densité de nc-Si est de l’ordre de 1×1012 nc-Si/cm². Lorsque la grille flottante granulaire n’est pas chargée, la tension de seuil est autour de 2 V. Lorsque la grille flottante est chargée et que la lecture est faite en polarisant le drain (lecture " avant "), on observe un décalage de la tension de seuil de 1.5 V tout à fait compatible avec des applications industrielles. Si la lecture est réalisée en polarisant la source à la place du drain (lecture "inverse"), le décalage de tension de seuil est différent : 3 V. On voit donc que l’on a deux bits d’information suivant si la lecture de mémoire est faite en "avant " ou en " inverse".

Figure 7.12 : Caractéristique montrant les deux bits d’une cellule mémoire contenant une très fortedensité de nc-Si. L’écriture est réalisée par injection d’électrons chauds, l’effacement par effet FowlerNordheim. Représentations schématiques de la lecture "avant" et de la lecture "inverse". Les nc-Si chargés, côté drain, sont surlignés. La répartition de la charge n’est pas symétrique dans la grilleflottante. Cela engendre, les deux tensions de seuils, suivant si la lecture est faite en avant ou en arrière.

Lecture avant

Lecture inverse

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Chapitre 7 Caractérisations électriques des nanocristaux

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Cela est dû au mode d’injection des électrons dans la grille flottante : injection par porteurs chauds. Dans ce cas, pour écrire, une différence de potentiel est appliquée entre la source et le drain. Les électrons sont donc injectés dans la grille flottante près du drain. Dans notre cas, la grille flottante étant constituée de nc-Si, les électrons ne peuvent pas se répartir sur toute sa surface. Le fait que les électrons soient stockés dans la mémoire uniquement du côté du drain génère un écrantage différent suivant si la lecture est réalisée en avant ou en inverse.

Là aussi, la densité de nc-Si est un paramètre prépondérant. Si elle est faible, l’écart de ∆Vt suivant si on lit en " avant " ou en " inverse " est trop faible pour pouvoir être utilisé. En pratique, une densité de nc-Si de 1012 nc-Si/cm² est nécessaire pour que cet effet puisse être utilisé.

7.3 Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons présenté des résultats de caractérisations électriques des nc-Si ou de dispositifs à nc-Si. Nous cherchons, au niveau du laboratoire, à caractériser les propriétés électriques d’un nc-Si unique ou de quelques nc-Si par des modes électriques de microscopie à sonde locale. Nous avons montré que, pour y parvenir, il est nécessaire d’utiliser un équipement où l’atmosphère est parfaitement contrôlée. Des études en mode EFM avec un AFM sous ultra-vide ont permis de mettre en évidence le stockage de charges dans les nc-Si. Ces résultats sont prometteurs et il est probable que, à court terme, des résultats seront obtenus sur le nombre de charges stockées dans les nc-Si, le temps de rétention dans les nc-Si, etc……

Les nc-Si ont été intégrés dans des dispositifs simples pour étudier la conduction latérale du courant dans une chaîne de nc-Si. Le but, à long terme, est la réalisation de transistors à un électron. Malgré les très fortes densités de nc-Si obtenues, nous n’avons pas pu mettre en évidence de conduction latérale entre les nc-Si auto-assemblés. Cependant, nous avons montré que la méthode de manipulation collective présentée au chapitre 5 est applicable dans un tel dispositif. Nous avons ainsi pu réaliser une chaîne dense de nc-Si, entre deux électrodes, au travers de laquelle, nous avons pu obtenir de la conduction.

Enfin, la dernière partie concerne l’intégration des nc-Si dans des dispositifs mémoires de type industriel. Les mémoires à nc-Si ont des caractéristiques proches des mémoires flash de type industriel. Nous avons montré l’importance de la maîtrise de l’élaboration des nc-Si pour assurer la répétablité des performances de ces cellules mémoires. Grâce à la maîtrise acquise dans l’élaboration des nc-Si, ce type de dispositif pourrait être industrialisé à court terme [Mot 03].

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Chapitre 7 Caractérisations électriques des nanocristaux

167

7.4 Bibliographie

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Chapitre 7 Caractérisations électriques des nanocristaux

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169

Conclusion générale

Nous avons tout d’abord montré qu’il est possible de déposer des nanocristaux de silicium sur isolant, par dépôt chimique en phase vapeur en chimie silane, dans des équipements de type industriel. L’influence des paramètres du dépôt a été étudié pour des températures de dépôt et des pressions partielles de silane variant entre :

580°C< T< 620°C 35 mTorr< PSiH4<200mTorr

Dans ces conditions, la température de dépôt a la même influence sur la cinétique de nucléation que sur la cinétique de croissance des nc-Si. Au contraire, lorsque la pression partielle de silane augmente, la cinétique de nucléation des nc-Si augmente plus vite que leur cinétique de croissance. Ainsi, plus PSiH4 est élevée, plus la densité maximale de nc-Si est importante. Nous avons ainsi pu obtenir sur SiO2 thermique une densité maximale de nc-Si de 7×1011 nc-Si/cm².

Nous avons étudié la formation des nc-Si sur différents diélectriques : Si3N4 et Al2O3.

Cela nous a permis de mettre en évidence l’influence des propriétés chimiques du substrat sur la nucléation des nc-Si. Des densités de nc-Si supérieures à 1012 nc-Si/cm² ont été atteintes sur Si3N4 et Al2O3. Cependant, ces diélectriques contiennent des fortes densités de pièges, ce qui pose des problèmes notamment pour les applications mémoires où les nc-Si sont aussi utilisés comme pièges.

Nous avons donc étudié l’influence des propriétés chimiques de surface du SiO2

thermique sur la nucléation des nc-Si. Nous avons montré que la densité de nc-Si augmente avec la contrainte dans le SiO2. Surtout, nous avons montré que les groupements silanols (Si-OH) à la surface du SiO2 sont des sites de nucléation préférentiels pour les nc-Si. Sur des surfaces de SiO2 thermique traitées chimiquement pour obtenir une forte densité de silanols, nous avons pu obtenir des densités de nc-Si très élevées, de l’ordre de 2×1012 nc-Si/cm².

Nous avons ensuite proposé un procédé de dépôts des nc-Si en deux étapes pour

améliorer le contrôle de leur taille. Dans une première étape, des nucléi sont formés en chimie silane et dans une deuxième étape de dépôt, ces nuclei croissent sélectivement en chimie dichlorosilane. Ce procédé permet un contrôle de la taille indépendant de celui de la densité. Surtout il permet de diminuer de façon significative la dispersion en taille des nc-Si. D’autre part, il permet d’élaborer des nano-structures de matériaux dont le précurseur engendre un dépôt sélectif sur Si par rapport à SiO2. Nous avons ainsi pu, pour la première fois, faire croître des nanocristaux de germanium sur SiO2 par CVD.

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170

Pour résumer ces résultats, à la fin de ce travail, nous pouvons élaborer des nc-Si par CVD : • dans une large gamme de densité entre 109 et 2 × 1012 nc-Si/cm². • dont la taille est contrôlable à partir de 2 nm, par le procédé en deux étapes, avec une

dispersion en taille relative de l’ordre de 10 –15%. Ces améliorations du contrôle de l’élaboration des nc-Si sont compatibles avec des

procédés industriels et ont donc été utilisées pour intégrer les nc-Si dans des cellules mémoires. Ces dispositifs ont présenté des caractéristiques électriques très prometteuses : fiabilité, endurance, possibilité d’avoir deux bits d’information par cellule. D’autre part, il a été montré que, plus la densité de nc-Si est élevée, plus les mémoires ont des performances répétables. Cela met en évidence l’importance du contrôle de la densité de nc-Si, et notamment par des traitements chimiques des surfaces de SiO2 pour générer des fortes densités de sites de nucléation pour les nc-Si.

Nous avons aussi fait des études prospectives sur les moyens de contrôler la position des

nc-Si. Nous avons montré qu’il est possible de manipuler les nc-Si, individuellement ou en groupe, avec une pointe AFM. Cette méthode est prometteuse pour réaliser des dispositifs simples pour des études de laboratoire. En effet, les nc-Si peuvent être manipulés à l’intérieur d’un dispositif ce qui pourra permettre d’étudier le transport du courant dans des structures complexes et ordonnées de nc-Si.

La nucléation des nc-Si est fortement influencée par les propriétés chimiques du substrat sur lequel ils sont déposés. Pour contrôler la disposition des nc-Si, une voie naturelle est donc de modifier localement le substrat pour générer un contraste chimique à sa surface. Pour cela, nous avons utilisé un faisceau d’électrons de haute énergie. L’irradiation génère des sites de nucléation préférentiels pour les nc-Si, ce qui permet d’obtenir un contraste de densité de nc-Si entre les zones exposées et non exposées. C’est un premier pas vers la maîtrise de la position des nc-Si. Cependant, cette étude devra être complétée pour évaluer tout son potentiel :

• Identifier des conditions de dépôt telles que la croissance des nc-Si soit sélective sur les zones irradiées.

• Evaluer expérimentalement ou par simulation les limites de résolution de ce procédé. • Evaluer la dégradation des propriétés électriques du substrat due à l’exposition au

faisceau d’électrons. Identifier des traitements thermiques ou autres pour restaurer les propriétés originelles de l’oxyde thermique.

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Publications

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AFM nanomanipulation of Silicon nanocrystals for nanodevices fabrication S. Decosssas, F. Mazen, T. Baron, G. Brémond and A. Souifi. A paraître dans Nanotechnology

How far will Silicon Nanocrystals push the scaling limits of NVMs technologies ? B. De salvo, ........, F. Mazen, et al......... A paraître dans Technocal Digest of IEDM 2003

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Brevet :

Demande de brevet : EN 0214658 Procédé de réalisation par CVD de nano-structures de matériaux semi-conducteur sur diélectrique, de taille homogène et contrôlée. F. Mazen, T. Baron, J. M. Hartmann, M. N. Séméria.