Etude Apec - Les difficultés de recrutement de cadres en production industrielle

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LES ÉTUDES DE L’EMPLOI CADRE - Diagnostic des difficultés - Quelles solutions - 4 monographies sectorielles Enquête qualitative 2016-35 AOÛT 2016 –LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE–

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- Diagnostic des difficultés- Quelles solutions- 4 monographies sectorielles

Enquête qualitative

N°2016-35AOÛT 2016

–LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE–

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

– LES ÉTUDES DE L’EMPLOI CADRE DE L’APEC–

Observatoire du marché de l’emploi cadre, l’Apec analyse et anticipe les évolutions dans un programme annuel d’études et de veille : grandes enquêtes annuelles (recrutements, salaires, métiers et mobilité professionnelle des cadres, insertion professionnelle des jeunes diplômés…) et études spécifiques sur des thématiques clés auprès des jeunes diplômés, des cadres et des entreprises.Le département études et recherche de l’Apec et sa quarantaine de collaborateurs animent cet observatoire. Toutes les études de l’Apec sont disponibles gratuitement sur le site www.cadres.apec.fr > rubrique observatoire de l’emploi

© Apec, 2016

Cet ouvrage a été créé à l’initiative de l’Apec, Association pour l’emploi des cadres, régie par la loi du 1er juillet 1901 et publié sous sa direction et en son nom. Il s’agit d’une œuvre collective, l’Apec en a la qualité d’auteur.

L’Apec a été créée en 1966 et est administrée par les partenaires sociaux (MEDEF, CGPME, UPA, CFDT Cadres, CFE-CGC, FO-Cadres, CFTC-Cadres, UGICT-CGT).

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1APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

03 Principaux enseignements 06 Méthodologie

–1 CONTEXTE DE L’ÉTUDE : LES TENSIONS EXISTANTES POUR LA FONCTION DE PRODUCTION INDUSTRIELLE

– 10 Des tensions significatives et persistantes sur le marché du travail 10 L’effet incertain des innovations technologiques sur l’emploi 11 Des tensions fortes pour les fonctions de production industrielle 11 Les métiers de cadres de la fonction production industrielle : évolutions

structurantes, liens avec les services techniques et éléments prospectifs

– 2 ÉLÉMENTS GÉNÉRAUX DE DIAGNOSTIC

SUR LES TENSIONS DANS LA FONCTION PRODUCTION INDUSTRIELLE

– 16 Définitions et indicateurs 18 Métiers et compétences en tension 23 Les dimensions de l’hétérogénéité des difficultés de recrutement

– 3 DES CAUSES MULTIFACTORIELLES – 26 Une image des secteurs portant préjudice à l’attractivité des entreprises 30 Des problèmes de localisation et de mobilité géographique 31 Des contraintes liées aux postes et la rémunération 33 Une offre de formation à parfaire 34 La valorisation de la production en France par rapport

à d’autres pays européens

– 4 DES SOLUTIONS OPERATIONNELLES MISES EN OEUVRE – 36 Le développement de politiques RH spécifiques 38 La diversification des canaux de recrutement 40 L’apprentissage : une solution à développer encore davantage 42 Améliorer la communication pour valoriser l’image

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2 APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

– 5 MONOGRAPHIE SECTORIELLE :

LA MÉCANIQUE-MÉTALLURGIE – 46 Éléments de contexte sectoriel 47 Diagnostic des difficultés de recrutement 50 Causes et conséquences des difficultés de recrutement 54 Solutions mises en œuvre 56 Parcours professionnels de cadres de la production : exemples

de trajectoires et perceptions sur les difficultés de recrutement

– 6 MONOGRAPHIE SECTORIELLE :

L’AUTOMOBILE ET L’AÉRONAUTIQUE – 60 Éléments de contexte sectoriel 61 Diagnostic des difficultés de recrutement 64 Causes et conséquences des difficultés de recrutement 67 Solutions mises en œuvre 70 Parcours professionnel d’un cadre de la production : exemple de

trajectoire et perception sur les difficultés de recrutement

– 7 MONOGRAPHIE SECTORIELLE : L’AGROALIMENTAIRE – 74 Éléments de contexte sectoriel 75 Diagnostic des difficultés de recrutement 78 Causes et conséquences des difficultés de recrutement 82 Solutions mises en œuvre

– 8 MONOGRAPHIE SECTORIELLE : LES INDUSTRIES

PHARMACEUTIQUE ET CHIMIQUE – 86 Éléments de contexte sectoriel 87 Diagnostic des difficultés de recrutement 92 Causes et conséquences des difficultés de recrutement 97 Solutions mises en œuvre 102 Parcours professionnels de cadres de la production : exemples de

trajectoires et perceptions sur les difficultés de recrutement

– 9 ANNEXE – 108 Codes NAF des secteurs étudiés

–SO

MM

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E–

3APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS–

–CONTEXTE DE L’ÉTUDE–

Malgré l’existence d’un chômage de masse persistant sur le marché du travail français, des tensions assez anciennes en termes de recrutement existent pour beaucoup de familles de métiers avec des variations au cours du temps. Parmi les fonctions occupées par des cadres, la fonction « Production industrielle - travaux et chantier » est identifiée sur la période récente comme une des principales fonctions en tension, présentant à la fois un nombre moyen de candidatures par offre relativement faible par rapport aux autres fonctions et une part élevée de recrutements jugés difficiles.La présente étude qualitative de l’Apec a pour objectif d’approfondir la connaissance des problématiques de recrutement propres à la production industrielle. Quatre secteurs industriels, diversement touchés par des problèmes de recrutement y sont étudiés : Mécanique-métallurgie, Automobile-aéronautique, Industries pharmaceutique et chimique, et Agroalimentaire. En volume, ces secteurs d’activité représentent près de 60 % des recrutements de cadres de la production industrielle et des services techniques, connexes à la production industrielle (achats, maintenance, sécurité, qualité, process-méthodes, logistique). Le choix de ces secteurs a été réalisé afin de rendre compte de la diversité des industries et de leur spécificité (secteur traditionnel, de pointe, emblématique, secteur avec implantation régionale…). Non seulement les métiers de la production industrielle sont appréhendés dans l’étude mais aussi ceux des services techniques dont certains sont très intégrés à ceux de la production industrielle.

–DES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT PRÉGNANTES–

Les entreprises industrielles sont confrontées à l’enjeu important de pallier les difficultés de recrutement. Toutefois, les acteurs éprouvent des difficultés à les définir. Pour les observatoires de branches rencontrés,

les métiers en tension sont essentiellement définis en référence à la notion de compétences. Pour les entreprises rencontrées dans le cadre de l’étude, il existe rarement de définition ou d’indicateur(s) pour qualifier ou relever des tensions concernant les recrutements. Il s’agit souvent d’un ressenti par rapport à une situation, se basant par exemple sur le fait de recevoir peu ou pas de réponses dans un délai donné, ou peu de CV jugés adéquats reçus sur un poste ouvert.Des tensions existent dans tous les secteurs industriels et dans beaucoup d’entreprises, et ne se limitent pas aux cadres. Si elles concernent assez peu souvent les ouvriers non qualifiés, des tensions significatives existent sur des postes d’ouvriers qualifiés ou de techniciens.

–UNE DIVERSITÉ DE COMPÉTENCES RECHERCHÉES–

Concernant les postes de cadres, les métiers en tension diffèrent selon les secteurs, par leur nature et leur niveau de tension. Selon les entreprises interrogées, les ingénieurs recrutés possèdent les compétences techniques attendues. Toutefois, certaines compétences techniques ne sont pas assez disponibles. Il s’agit souvent de compétences techniques très pointues, qui s’accompagnent d’une expérience industrielle de premier plan. De plus, outre ces compétences purement techniques, il est aussi de plus en plus souvent demandé aux ingénieurs des compétences dans les domaines de la gestion, de la comptabilité ou des achats. Au-delà des compétences techniques, des compétences transversales sont recherchées dans de nombreux métiers et/ou secteurs. En premier lieu, il s’agit des compétences comportementales (ou soft skills) : des savoir-être, des traits de caractère, de personnalité, d’engagement dans le travail… Celles-ci sont souvent mises en avant par les entreprises comme étant indispensables au travail en production, en opposition par exemple à la R&D. Ce sont aussi des compétences managériales : capacités à gérer un projet, à diriger une équipe (le leadership) ou à faire travailler plusieurs services entre eux. Enfin, des

4 APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

compétences en langues étrangères sont fréquemment recherchées, en anglais en général, mais aussi en allemand, notamment par les entreprises du secteur de la Mécanique-métallurgie.

–LES SERVICES TECHNIQUES CONFRONTÉS AUX MÊMES ENJEUX–

De par les enjeux liés à l’optimisation de la production, les métiers connexes des services techniques apparaissent également dans les préoccupations des recruteurs. En particulier, ceux de la maintenance connaissent des tensions dans la chimie-pharmacie et l’agroalimentaire. Ceux liés à la qualité revêtent aussi un enjeu important dans ces mêmes secteurs. C’est le cas du métier de responsable qualité produits confronté à des difficultés de recrutement dans l’agroalimentaire.

–DES SITUATIONS DIVERSES AU SEIN DES SECTEURS–

Les niveaux de tension dans les secteurs étudiés présentent des traits communs, déjà évoqués, mais également des caractéristiques différentes selon les entreprises. La taille de l’entreprise est un premier facteur différenciant. Les PME ont ainsi plus de difficultés à recruter des cadres que les grandes entreprises qui disposent d’une notoriété les rendant plus attractives. Le positionnement de l’entreprise dans la chaîne de production est aussi un facteur très important. Dans l’automobile par exemple, un donneur d’ordre aura un pouvoir d’attraction plus élevé qu’un équipementier, qui lui-même sera plus attractif aux yeux des candidats qu’un sous-traitant. On retrouve le même phénomène dans le secteur de la pharmacie, les grands laboratoires disposant d’un pouvoir d’attraction supérieur aux façonniers. Cela peut être le cas aussi des sociétés d’ingénierie qui interviennent en tant que prestataires et dont les ingénieurs sont régulièrement recrutés après plusieurs mois de mission chez le client. Enfin, l’environnement du secteur ou de l’entreprise peut être un facteur primordial, telle qu’une situation économique dégradée.

–DES DIFFICULTÉS LIÉES À UN DÉFICIT D’IMAGE ET D’ATTRACTIVITÉ–

De façon commune aux secteurs étudiés, plusieurs causes sont à l’origine des difficultés de recrutement des entreprises. Tout d’abord, l’industrie dans son ensemble souffre d’une mauvaise image , handicapante pour l’attractivité des cadres. Pourtant en constante évolution technologique et organisationnelle, les entreprises industrielles souffrent d’une représentation négative en termes de débouchés ou de conditions de travail notamment dans la production. Cette réalité semble plus prégnante dans les secteurs de l’Agroalimentaire et de la Mécanique-métallurgie. La question de la localisation géographique des unités de production est également un facteur de difficultés de recrutement. Evoquée par l’ensemble des acteurs, elle est liée d’une part au manque d’attractivité des territoires où se trouvent les usines et d’autre part à la faible mobilité géographique des cadres de la production. Peuvent s’y ajouter d’autres freins liés à la rémunération. La formation est également évoquée même si elle est globalement jugée satisfaisante. Toutefois, certains acteurs estiment qu’il existe un certain décalage entre l’offre de formation et les besoins en compétences. Si les principaux points d’amélioration diffèrent quelque peu en fonction des secteurs, le manque d’opérationnalité des jeunes diplômés fait consensus.

–DES SOLUTIONS OPÉRATIONNELLES POUR RÉDUIRE LES TENSIONS–

L’enjeu est important pour les entreprises car les difficultés de recrutement ont des conséquences importantes sur leur activité. Les entreprises disposent déjà d’outils pour réduire ces difficultés, et en premier lieu, elles ont développé des politiques RH afin de gérer la mobilité interne et la gestion des talents. Autre outil à leur disposition, les canaux de recrutement se diversifient au-delà des traditionnelles offres d’emploi et de la cooptation. Le recours à des cabinets de recrutement et/ou des sociétés d’ingénierie est aussi une façon d’externaliser ces difficultés. L’ensemble des acteurs, tous secteurs

5APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

confondus, vantent les mérites de l’apprentissage qui permet notamment aux entreprises de se constituer un véritable vivier de candidats en vue de futurs recrutements mais également de pallier le manque d’opérationnalité des jeunes diplômés.Les branches professionnelles sont aussi en appui des entreprises pour pallier leurs difficultés de recrutement, en particulier dans le déploiement de campagnes de communication afin de valoriser l’image de leur secteur. Ce que les entreprises peuvent également faire, notamment via des visites d’usine.

–LES MONOGRAPHIES SECTORIELLES–

Les monographies des secteurs étudiés, Mécanique-métallurgie, Automobile-aéronautique, Industries pharmaceutique et chimique et Agroalimentaire, mettent en avant les spécificités de chacun de ces secteurs au-delà des traits communs à l’industrie. Ces monographies sont enrichies de récits de vie de cadres de la production industrielle travaillant ou ayant travaillé dans ces secteurs.

6 APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–MÉTHODOLOGIE–

L’étude s’est focalisée sur quatre secteurs d’activité distincts, diversement touchés par des problèmes de recrutement : Mécanique-métallurgie, Automobile-aéronautique, Industries pharmaceutique et chimique, et Agroalimentaire. En volume, ces secteurs d’activité représentent près de 60 % des recrutements de cadres de la production industrielle et des services techniques1, connexes à la production industrielle (qualité, maintenance, sécurité,...). Le choix de ces secteurs a été réalisé afin de rendre compte de la diversité des industries et de leur spécificité (secteur traditionnel, de pointe, emblématique, secteur avec implantation régionale…). L’approche sectorielle permet d’appréhender les particularités des tensions et les problématiques propres à chaque secteur. Ainsi, l’analyse réalisée est présentée sous deux angles : une analyse transversale et une analyse par secteur d’activité ou monographie sectorielle.

Les entretiens ont principalement été réalisés auprès d’entreprises, de structures ou d’organismes (tableau 1), présents ou spécifiques à chaque secteur à investiguer, à savoir :• des entreprises ; ces dernières ont été choisies de

façon à répondre au mieux à la diversité des activités présentes dans un seul et même secteur. Les questions de taille et de localisation (Paris/province) ont également été prises en considération,

• des branches professionnelles/observatoires de branche,

• des écoles d’ingénieurs,• des sociétés d’ingénierie,• et des cabinets de recrutement.

Afin de compléter l’analyse, et dans un second temps, des entretiens ont été conduits auprès de cadres travaillant ou ayant travaillé dans les secteurs d’activité traités et d’étudiants en écoles d’ingénieurs, spécialisés dans les domaines étudiés. Au total, 33 entretiens ont été réalisés, d’une durée moyenne comprise entre 1h et 1h30.

Le terrain d’enquête a été mené par Sodie et le Centre Études & Prospective du groupe Alpha, de janvier à mai 2016.

1. Le marché de l’emploi cadre en

2016 et 2015 : tous les résultats, Apec, collec. Les études de l’emploi cadre, n°2016-23, mars 2016

La méthodologie retenue est celle de l’enquête qualitative. Les entretiens semi-directifs ont été réalisés en face à face ou par téléphone auprès d’acteurs concernés par des difficultés de recrutement sur les métiers de la production industrielle ou des services techniques.

7APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

L’analyse porte sur un échantillon de petite taille. La généralisation de cas à un secteur d’activité entier doit être maniée avec précaution.

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– Tableau 1 –

Présentation des acteurs rencontrés

Secteur Type d’acteurs Présentation de l’activité Localisation Fonction de l’interlo-

cuteur rencontré

Industries chimique et pharmaceutique

Observatoire Observatoire prospectif des métiers et des qualifications de la branche de la fabrication et du commerce des produits à usage pharmaceutique, parapharmaceutique et vétérinaire

IDFResponsable de l’observatoire

EntrepriseFabrication de préparations pharmaceutiques, sous-traitant spécialisé dans la fabrication de formes injectables stériles - environ 700 salariés

ProvinceResponsable des Ressources Humaines

EntrepriseFabrication de préparations pharmaceutiques, sous-traitants de produits cosmétiques, pharmaceutiques et ménagers - plus de 5 000 salariés en France, environ 500 pour le site de production interrogé

ProvinceResponsable des Ressources Humaines

EntrepriseFabrication d'autres produits chimiques organiques de base, chimie de spécialité - 7 400 salariés

IDF siège mais multi-sites

Talent Acquisition Manager

Ecole Ecole spécialisée dans les industries pharmaceutiques et cosmétiques Province Directeur Ecole

Mécanique-métallurgie

Observatoire Observatoire des métiers de la métallurgie IDFResponsable de l’observatoire

EntrepriseFabrication de vis et de boulons (fixation aéronef) - 115 salariés pour l’établissement

IDF Responsable RH

EntrepriseFabrication d’autres articles métalliques (collier de serrage pour l’automobile et aéronautique) - 346 salariés

ProvinceResponsable de recrutement et formation

EntrepriseFabrication de machines pour les industries du papier et du carton - 600 salariés

ProvinceResponsable de recrutement

Entreprise Fabrication de chariots élévateurs - 750 salariés IDF Chargé de recrutement

Ecole Ecole d’ingénieurs généralistes ProvinceResponsable du cycle de formation d'ingénieurs par alternance

Automobile-aéronautique

EntrepriseEquipementier spécialisé en conception et fabrication de systèmes de traitement d’air pour l’aéronautique - 1 200 salariés

ProvinceResponsables des ressources humaines

EntrepriseEquipementier spécialisé en conception et production de systèmes de propulsion pour l’automobile - 500 salariés

IDFDRH et responsable de recrutement

EntrepriseEquipementier spécialisé en conception et fabrication de volants pour l’automobile - 450 salariés

Province DRH

Ecole Ecole d’ingénieurs spécialisée dans l’automobile et les transports ProvinceResponsable des relations industrielles et responsable des formations

Société d’ingénierie

Prestataire pour les constructeurs et équipementiers de l’industrie automobile et aéronautique - 600 salariés

IDFResponsable de recrutement

Agroalimentaire

Observatoire Observatoire des métiers des industries agroalimentairesChargé de projet – Direction des études

Entreprise Fabrication de fromages - 1 500 salariés Province DRH

Entreprise Meunerie - 1 600 salariés IDFDRH / Directeur des opérations

Ecole Ecole spécialisée dans les industries laitières ProvinceResponsable des formations

Cabinets de recrutement

Cabinet de recrutement

Cabinet indépendant Province Dirigeant

Cabinet de recrutement

Généraliste industrie ProvinceConsultant Manager Industrie

Cabinet de recrutement

GénéralisteSiège IDF mais site en province

Directeur Associé

8 APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE 9

10 Des tensions significatives et persistantes sur le marché du travail 10 L’effet incertain des innovations technologiques sur l’emploi 11 Des tensions fortes pour les fonctions de production industrielle 11 Les métiers de cadres de la fonction Production industrielle : évolutions

structurantes, liens avec les services techniques et éléments prospectifs

–CONTEXTE DE L’ÉTUDE : LES TENSIONS EXISTANTES POUR LA FONCTION DE PRODUCTION INDUSTRIELLE––1–

–1–

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE10

CONTEXTE DE L’ÉTUDE : LES TENSIONS EXISTANTES POUR LA FONCTION DE PRODUCTION INDUSTRIELLE

–DES TENSIONS SIGNIFICATIVES ET PERSISTANTES SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL–

–L’EFFET INCERTAIN DES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES SUR L’EMPLOI–

Malgré l’existence d’un chômage de masse persistant sur le marché du travail français, des tensions assez anciennes en termes de recrutement existent pour beaucoup de familles de métiers avec des variations au cours du temps2. Les difficultés de recrutement représentent un enjeu important sur lequel se portent les réflexions des pouvoirs publics, en particulier en questionnant l’adéquation entre formation, compétences et offres d’emploi, encore récemment à travers les travaux de France Stratégie3. Depuis plusieurs années, des tensions supérieures à celles existant pour les autres secteurs sont observées pour

Plusieurs innovations technologiques de rupture devraient avoir des effets importants sur les produits et les processus. L’Union européenne a ainsi identifié six technologies clés génériques : micro/nanoélectronique, nanotechnologies, biotechnologie industrielle, photonique, matériaux avancés, technologies de fabrication. Dans la mesure où ces innovations ont des conséquences sur les modèles économiques (en redécoupant ou en désintégrant la chaîne de la valeur de filières jusqu’alors intégrées) et sur les modèles d’emploi qui leur sont liés, elles sont susceptibles d’entraîner une recomposition des filières industrielles.L’impact précis de ces innovations technologiques sur l’emploi est encore mal connu : les changements technologiques récents se sont traduits par une

le secteur industriel même si elles se réduisent sur la période récente4. Toutes les qualifications sont concernées, et en particulier les cadres.

Les études prospectives sur l’emploi à horizon 2022-2025 prévoient une poursuite des destructions d’emplois dans l’industrie5. Toutefois, les départs à la retraite des générations du baby-boom se traduiront par de nombreux postes à pourvoir. Ces départs constitueront l’essentiel des besoins en main d’œuvre du secteur industriel et pourraient renforcer les difficultés de recrutement existantes.

2. « Le paradoxe persistant des

difficultés de recrutement en période de chômage », Du Crest A. Travail et Emploi n°79, p111-127, (1999).

3. « Les métiers en 2020 » Rapport du groupe Prospective des métiers et qualifications, France Stratégie, Avril 2015.

4. « L’indicateur de tension par familles professionnelles », Dares (2013)

5. France Stratégie, 2015 ; BIPE, 2014

6. The future of employment: how

susceptible are jobs to computerization? Frey C. B. et Osborne M. A. Oxford Martin Programme on the Impacts of Future Technology, (2013).

augmentation de la polarisation des emplois, et ont favorisé la productivité des travailleurs les plus qualifiés relativement à celle des moins qualifiés. L’automatisation concerne les métiers peu qualifiés et à bas salaires et porte sur des tâches routinières. Toutefois, les tâches manuelles non-routinières semblent devoir être préservées. Plusieurs études mettent en avant des résultats contradictoires concernant les métiers les plus qualifiés6: les tâches abstraites sont complémentaires des nouvelles technologies, mais des tâches intellectuelles répétitives peuvent également être automatisables.Ces innovations affectent les fonctions de production industrielle et les compétences de ces différents métiers, ce qui peut avoir une incidence sur les difficultés de recrutement.

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE 11

–DES TENSIONS FORTES POUR LES FONCTIONS DE PRODUCTION INDUSTRIELLE–

–LES MÉTIERS DE CADRES DE LA FONCTION PRODUCTION INDUSTRIELLE : ÉVOLUTIONS STRUCTURANTES, LIENS AVEC LES SERVICES TECHNIQUES ET ÉLÉMENTS PROSPECTIFS–

Les tensions sur le marché du travail résultent de plusieurs facteurs :• certaines évolutions (notamment technologiques)

dont certaines ont été présentées ci-avant,• différents facteurs objectifs qui sont, en partie, la

conséquence de ces évolutions (compétences disponibles sur le marché du travail, nombre de détenteurs des compétences recherchées, etc.),

• des facteurs plus « flous » ou difficiles à objectiver (attractivité d’un métier/d’une fonction, d’un secteur, dimensions géographiques, etc.).

L’enquête trimestrielle de suivi des offres et de tensions de l’Apec mesure ces difficultés de recrutement sur les fonctions cadres à travers plusieurs indicateurs :• le pourcentage de recrutements qui sont jugés

« difficiles » par les employeurs,

Parmi les métiers de la fonction production industrielle les plus recherchés, on retrouve notamment les ingénieurs de production, responsables de production, ingénieurs de fabrication, chefs de projet industriel. Tous les secteurs industriels peuvent générer un besoin de postes dédiés à la production industrielle, en particulier la mécanique et métallurgique, l’électrique et électronique, la chimie (incluant caoutchouc et plastique), la pharmacie et l’agroalimentaire, le secteur textile (incluant meubles et autres industries manufacturières), l’Automobile-aéronautique-autres moyens de transport, et le bois – papier – imprimerie.

7. Note de conjoncture trimestrielle

de l’Apec n°56, 3e trimestre 2016, juillet 2016

8 Les métiers cadres de la fonction

Production Industrielle, Apec, coll. Les référentiels des métiers cadres, 2008.

• le nombre moyen de candidatures par offre d’emploi, • la part de recrutements toujours en cours au

moment de l’enquête, c’est à dire 3 à 6 mois après la parution de l’offre.

Parmi les fonctions occupées par des cadres, les fonctions « Informatique » et « Production industrielle - travaux et chantier » sont identifiées sur la période récente comme des fonctions en tension, celles-ci présentant à la fois un nombre moyen de candidatures par offre relativement faible par rapport aux autres fonctions et une part élevée de recrutements jugés difficiles. En particulier, selon les indicateurs les plus récents7, la fonction « production industrielle » présente un nombre moyen de 32 candidatures par offre, et une part de recrutements jugés difficiles par les entreprises s’élevant à 72 %.

Les cadres de la fonction production industrielle ne gèrent pas uniquement la production. Ils sont aussi en charge du suivi des prestataires, tout en s’inscrivant fortement dans les nouvelles stratégies industrielles. En effet, outre la gestion et l’optimisation du processus de production, le management devient de plus en plus transversal, impulsé et orienté par différents facteurs :• Le développement de nouvelles organisations

industrielles, nécessaire pour faire face à la concurrence internationale ;

• L’augmentation des impératifs de rentabilité, qui nécessite une collaboration plus étroite avec la direction financière ;

La fonction de production industrielle a pour objet d’orchestrer la production sur le terrain, c’est-à-dire d’assurer la fabrication en respectant les questions de coût, délais, qualité. Cette fonction regroupe quatre grands ensembles : la direction industrielle, la gestion de production, les métiers support et les fonctions liées à l’organisation de la production8.

–1–

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE12

CONTEXTE DE L’ÉTUDE : LES TENSIONS EXISTANTES POUR LA FONCTION DE PRODUCTION INDUSTRIELLE

• Le développement de la productique afin d’automatiser les chaînes de production, qui recentre les tâches sur du reporting et nécessite des compétences en gestion ;

• Le développement du travail en collaboration avec la direction des systèmes d’information, qui a pour but d’implanter des outils d’aide à la prévision et à la décision ;

• La maîtrise de la qualité, qui nécessite d’intégrer les problématiques de responsabilité sociale et environnementale des entreprises (importance de la certification) ;

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– Tableau 2 –

Compétences recherchées selon les choix stratégique des entreprises

Choix stratégiques des entreprises Compétences recherchées Acteurs concernés

Renforcer leur cœur de métierCulture marketing, économique et financière plus poussée

Ensemble des acteurs de l’industrieRendre l’organisation plus flexible et stimuler l’innovation de processus ou de procédés

Logistique, maintenance, études, R&D, QHSE…, gestion de projets innovants, organisation, achats industriels

Rechercher des marchés à l’international Management interculturel, bagage linguistique

Produire en masse (volume, grande série)Planification, maîtrise des coûts, de la qualité et des délais

Donneurs d’ordre (constructeurs…)Fabriquer des produits à forte valeur ajoutée (marché de niche, production de spécialités)

Compétences rares ou en devenir (modélisation, nanotechnologie, matériaux composites-kevlar, carbone…)

Développer la sous-traitance de spécialitéCompétences en marketing-commercial et maintien des profils techniques (fournisseurs, ESN)

Prestataires

• La gestion de la sous-traitance (nationale voire internationale), qui demande des compétences en achats, juridique et commercial.

Les compétences sont ainsi recherchées au vue de grands choix stratégiques des entreprises : renforcer leur cœur de métier, rendre l’organisation plus flexible et stimuler l’innovation de processus ou de procédés, rechercher des marchés à l’international, produire en masse, fabriquer des produits à forte valeur ajoutée, développer la sous-traitance de spécialité. (tableau 2).

Par ailleurs, les cadres de la production industrielle doivent posséder des compétences transverses au secteur de l’industrie, dans les achats ou la qualité, pour pouvoir travailler de plus en plus conjointement avec les services techniques.

La fonction services techniques9 regroupe les domaines suivants :• La direction des services techniques anime,

organise et manage les services techniques.• La fonction logistique optimise la « supply chain »

en lien avec la production.• La fonction processus et méthodes optimise les

lignes de production.• La fonction qualité, qui contrôle et évalue la qualité

des process de l’entreprise.• Les achats, fonction centrée sur la négociation.• Les fonctions maintenance, sécurité et assistance

9. Nomenclature des fonctions Apec

technique assurent l’opérationnalité des moyens de production.

Au global, la fonction « services techniques » présente des indicateurs de tensions sur le marché du travail assez proches de la moyenne avec 43 candidatures par offre en moyenne et 58 % de recrutements difficiles pour les offres du 4e trimestre 2015.

Il convient de noter que, selon les entreprises, les fonctions « production industrielle » et « services techniques » sont plus ou moins différenciées. Certaines sous-fonctions des services techniques comme les « process, méthodes » et la maintenance sont directement intégrées à la production industrielle. À noter que selon les entreprises (nomenclature propre, terminologie…), les services techniques sont parfois nommés moyens généraux.

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE 13

10. Perspectives de l’emploi cadre

2016, Apec, coll. Les études de l’emploi cadre, n°2016-07, février 2016

En 2015, 4 850 cadres de production industrielle ont été recrutés dans les différents secteurs de l’industrie et 4 560 dans les services techniques. L’industrie a aussi recruté dans des proportions supérieures des cadres en études-R&D (5 600). Durant la même période, 2 470 cadres de production industrielle, chantier et 1 170 des services techniques ont été recrutés dans le secteur de l’ingénierie, R&D10.

Afin de compléter ces différents résultats et d’approfondir la connaissance des problématiques de recrutement propres à la production industrielle, l’Apec a souhaité mener cette étude. Les objectifs en sont l’identification et la caractérisation des difficultés de recrutement éprouvées par les recruteurs des fonctions

production industrielle et services techniques, et l’identification des stratégies mises en place par les entreprises (et leurs organisations professionnelle de branche) pour pourvoir leurs besoins. Cette étude doit également permettre de caractériser les difficultés rencontrées selon les secteurs de l’industrie. Pour cela, l’étude s’est attachée à recueillir le point de vue de recruteurs en entreprises, de sociétés d’ingénierie et de cabinets de recrutement, de responsables d’organismes de formation et d’organisation de branche, mais aussi de cadres et de jeunes diplômés.

L’analyse transversale est complétée de 4 monographies des secteurs étudiés (cf. méthodologie et annexe).

–1–

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE14

CONTEXTE DE L’ÉTUDE : LES TENSIONS EXISTANTES POUR LA FONCTION DE PRODUCTION INDUSTRIELLE

15APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–ÉLÉMENTS GÉNÉRAUX DE DIAGNOSTIC SUR LES TENSIONS DANS LA FONCTION PRODUCTION INDUSTRIELLE–

–2– 16 Définitions et indicateurs 18 Métiers et compétences en tension 23 Les dimensions de l’hétérogénéité des difficultés de recrutement

–2–

16

ÉLÉMENTS GÉNÉRAUX DE DIAGNOSTIC SUR LES TENSIONS DANS LA FONCTION PRODUCTION INDUSTRIELLE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–DÉFINITIONS ET INDICATEURS–

–QUELLE DÉFINITION DES TENSIONS ET DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT ?–

On note que les observatoires des trois branches rencontrées (Agroalimentaire, Chimie-Pharmacie, Métallurgie) définissent, même si c’est de manière plus ou moins précise, les métiers « en tension » en se référant à la notion de compétence.

« Les métiers qui font face à des difficultés de recrutement pour mettre des compétences en face des profils des candidats. » (Observatoire, Industries chimique et pharmaceutique)

« Pour une entreprise, [cela correspond à] la difficulté à trouver la compétence dont elle a besoin, si ça prend plus de six mois, voire ne trouve pas, voire cela les empêche de prendre certains marchés. » (Observatoire, Mécanique-métallurgie et Automobile-aéronautique)

« [Définition d’un métier en tension] : c’est différent d’un métier sensible. C’est un métier où il y a un déséquilibre entre l’offre et la demande de travail. » (Observatoire, Agroalimentaire)

Même quand il existe une définition, il n’y a pas toujours d‘indicateur formalisé de suivi des tensions. « Il n’existe pas forcément d’indicateur précis mis à part quand les industries sont sur des bassins d’emploi peu attractifs. » (Observatoire, Industries chimique et pharmaceutique)

A fortiori pour les entreprises rencontrées dans le cadre de l’étude, il n’existe pas toujours de définition ou d’indicateur(s) pour qualifier ou relever des tensions concernant les recrutements. Il s’agit souvent de ressenti par rapport à une situation, se basant par exemple sur le fait de recevoir peu ou pas de réponses dans un délai donné, ou peu de CV jugés adéquats reçus sur un poste ouvert.

« On a un suivi de la durée de recrutement, c’est-à-dire de la date à laquelle on a conclu le recrutement, mais c’est à peu près tout ce qu’on a. » (Équipementier automobile de rang 1, Automobile-aéronautique)

« On n’a pas de mesure aujourd’hui, c’est une de nos améliorations [prévues], depuis le début de l’année, on essaie de mettre des indicateurs en place. Pour certains recrutements, on s’est vu mettre plus d’un an pour recruter quelqu’un. » (Équipementier automobile de rang 1, Automobile-aéronautique)

« On n’a pas d’indicateur clé sur lequel se baser, c’est la conjonction de plusieurs choses : postes vacants, nombre de refus, de personnes qui se sont positionnées et qu’on n’a pas su recruter... c’est plus l’addition qui donne une idée globale. Après, globalement, on y arrive mais plus difficilement qu’on aimerait le faire. » (Société d’ingénierie, Automobile-aéronautique)

« La tension sur le marché du recrutement se traduit par le fait que la diffusion d’annonces n’est plus suffisante pour recruter quelqu’un. Les candidats ne se positionnent plus de manière naturelle sur les annonces. » (Cabinet de recrutement, Agroalimentaire)

« Quand le nombre de CV reçus qui correspondaient à ce profil n’était pas important et les délais étaient plutôt longs. » (Fournisseur d’équipements et de services pour les producteurs d’étiquette et d’emballage, Mécanique-métallurgie)

« On ne tient pas de tableau de bord pour suivre. C’est plus du ressenti. Depuis que j’assume la fonction, c’est compliqué en termes de délai. Vous savez dans les trois semaines qui suivent une annonce, si vous n’avez plus de retour, c’est qu’il n’y a un problème. » (Fabricant de colliers de serrage pour l’automobile et l’aéronautique, Mécanique-métallurgie)

–DES TENSIONS EXISTANTES DANS TOUS LES SECTEURS, ET DANS BEAUCOUP D’ENTREPRISES–

On constate que l’existence de tensions au niveau de la branche s’accompagne de situations très diversifiées selon les entreprises. Ainsi, les trois observatoires rencontrés (Agroalimentaire, Chimie-pharmacie, Métallurgie) soulignent tous des tensions au sein de leur secteur.

17APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

« Dans la R&D, on observe une baisse des tensions, pas de problème sur l’aspect produit, un peu plus sur l’aspect process, alors qu’elles augmentent dans la maintenance, où l’on voit émerger de nouvelles compétences du fait de la technologie des machines qui est de plus en plus poussée. » (Observatoire, Agroalimentaire)

« Il existe des tensions pour les ingénieurs électronique, électronique embarqué, électronique de puissance, utilisée partout. » (Observatoire, Mécanique-métallurgie et Automobile-aéronautique)

Il existe des tensions dans beaucoup des entreprises étudiées et pour certains métiers ou compétences.

« Les tensions existent déjà. C’est vrai pour la production aussi, mais plus généralement sur toutes les compétences recherchées (…). Il existe des tensions car il y a beaucoup de concurrence, c’est difficile de recruter : quand vous voulez quelqu’un, généralement il a deux ou trois opportunités, en parallèle, c’est un match à trois ou quatre, des fois vous gagnez, des fois non. Ça se vérifie déjà. » (Société d’ingénierie, Automobile-aéronautique)

« La qualité des CV qu’on reçoit, c’est pas top (…) du coup on a de grosses difficultés de recrutement (…) ça concerne les deux [la R&D comme la Production] (…) ça dure depuis des années. » (Équipementier automobile de rang 1, Automobile-aéronautique)

« Il y a des métiers en tension : d’importantes difficultés de recrutement sur des métiers à responsabilité en production et les ingénieurs qui participent aux process. » (Observatoire, Industries chimique et pharmaceutique)

Mais certaines sociétés rencontrées aussi n’ont pas (ou très peu) témoigné de difficultés de recrutement :

« Une vingtaine de recrutement de cadres ont eu lieu l’année dernière. Pas vraiment de difficultés pour recruter. » (Meunerie, Agroalimentaire)

Certains salariés sont également conscients de l’existence de tensions dans leur secteur.

« Nous avons tenté il y a un an de prendre un CDD mais nous n’avons pas trouvé le bon profil. Manque de candidatures, ils sont tous en poste. » (Salarié, Industries chimique et pharmaceutique)

–TENSIONS : DES DIFFÉRENCES ENTRE CADRES ET NON-CADRES–

Les tensions existantes ne se limitent pas aux cadres. Si elles concernent assez peu souvent les ouvriers non qualifiés (postes qui tendent de plus en plus à disparaître), des tensions significatives existent pour des postes d’ouvriers qualifiés ou de techniciens. Cela est assez net dans beaucoup de sociétés rencontrées dans le secteur de la Métallurgie (au sens large). On doit noter enfin que dans certaines entreprises, les tensions sont même plus importantes pour les postes non-cadres que pour les postes cadres.

« On a une vision assez claire des tensions. Où sont les enjeux : loi du « 20-80 », 20 % des métiers posent 80% de problèmes. Pas forcément les cadres, d’ailleurs. » (Observatoire, Mécanique-métallurgie et Automobile-aéronautique)

« Les besoins de la métallurgie suivent une tendance : accroissement à venir sur des jobs de techniciens, ingénieur, cadres, réduction ouvriers, surtout non qualifiés (…) Quelques besoins aussi sur des fonctions qualité, contrôle qualité : tensions sur les postes d’ingénieurs et techniciens. » (Observatoire, Mécanique-métallurgie et Automobile-aéronautique)

« Mais les jobs cadres sont moins préoccupants que d’autres emplois comme les ‘usineurs’ [techniciens], de la maintenance, par exemple. » (Observatoire, Mécanique-métallurgie et Automobile-aéronautique)

« Pas de réelle crainte sur les recrutements cadres, plus sur les populations ouvriers qualifiés. » (Fabricant de préparations pharmaceutiques, sous-traitants de produits cosmétiques, pharmaceutiques et ménagers, Industries chimique et pharmaceutique) « De la même manière, nos métiers en tension ce sont plutôt des métiers de soudeurs, on est dans de la soudure très spécifique, avec les contraintes de l’aéronautique, des tensions sur les usineurs à machine à commande numérique, les chaudronniers-soudeurs ou monteurs (…) Besoins en micro-mécanique, beaucoup sur les métiers ouvriers… par le passé, on a eu des tensions sur les métiers du bureau d’études, et là on a eu et on aura aussi des tensions sur les métiers d’ouvriers. » (Équipementier aéronautique de rang 1, Automobile-aéronautique)

« Chaudronnier/tuyauteur/soudeur : il y a peu d’effectifs mais de grosses difficultés de recrutement. » (Observatoire, Agroalimentaire)

–2–

18

ÉLÉMENTS GÉNÉRAUX DE DIAGNOSTIC SUR LES TENSIONS DANS LA FONCTION PRODUCTION INDUSTRIELLE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–MÉTIERS ET COMPÉTENCES EN TENSION–

–PRÉSENTATION GÉNÉRALE –

Au-delà des traits communs aux différents secteurs, des différences sur les métiers et compétences en tension au sein des différents secteurs ont été identifiées dans les fonctions de production industrielle et services techniques (tableau 3).

Ces métiers sur lesquels les différents acteurs rencontrés expriment des difficultés à recruter n’ont pas le même

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ce :

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– Tableau 3 –

Présentation des principales tensions exprimées dans les entretiens

Secteur Métiers en tension Compétences en tension

Agroalimentaire

Responsable maintenanceTechnologue produits/Responsable fromager/boulangerieDirecteur d’usine Responsable qualité produits

Compétences managérialesFilières produits carnés (viande/charcuterie)Localisation géographique

Industries chimique et pharmaceutique

Ingénieur/Responsable en affaires règlementaires Pharmacien/Responsable qualitéResponsable de production/Manager de service Ingénieur process expérimentéResponsable production biotechnologiesIngénieur à expertise spécifique et pointue (assurance stérilité, ingénieur vision)

Compétence en bio-médicaments Compétences managérialesGestion de projetGestion de la performanceCompétences linguistiquesLocalisation géographiquePME/Sous-traitants

Mécanique-métallurgieIngénieur production expérimentéIngénieur achatIngénieur avant-projet

Compétences linguistiquesCompétences managérialesLocalisation géographique

Automobile-aéronautique

Responsable d’îlot de productionChargé d’affaires moyens industrielsIngénieur/Responsable qualitéIngénieur matériauxIngénieur calculResponsable maintenanceIngénieur processIngénieur électrique Ingénieur électronique Manager

Compétences managérialesCompétences linguistiques Compétences comportementales (ou soft skills)

11. Pour cet indicateur, le volume

d’offres d’emploi (cadres et non cadres) est évalué par Sodie-Job, outil d’agrégation des offres d’emploi de l’ensemble du marché du travail de Sodie (1.2 millions d’offres actives en juin 2016).

niveau de tension. En effet, certains peuvent être considérés comme des métiers en forte tension de manière systématique, d’autres avec des tensions plus ponctuelles et moins prégnantes (graphique 1).Ainsi, la matrice représente ces métiers selon le niveau de tension exprimé par les acteurs (axe horizontal) et selon le nombre d’offres d’emploi identifiés au moment de l’étude (axe vertical)11.

19APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

– Graphique 1 –Matrice des tensions en matière de recrutement selon le volume d’offres d’emploi

Existences d’offres* et de tensions ponctuelles identifiées selon les entreprises interrogées

Peu d’offres* et des tensions ponctuelles identifiées selon les entreprises interrogées

Existences d’offres* et de fortes tensions selon les entreprises interrogées

Industrie Agroalimentaire Mécanique Métallurgie

Ingénieur production

expérimenté

Ingénieur achat

Ingénieur matériaux

Ingénieur électronique/technique

Ingénieur Responsablequalité/QHSE

IngénieurProcess

Responsable d’îlot de production

Pharmacienresponsable

qualité

Responsablemaintenance

Responsablequalité produits

Ingénieurprocess

expérimenté

Directeurd’usine

Ingénieur vision

Ingénieur Avant-projet

Ingénieur méthode

industrialisation

Industries pharmaceutique et chimique Automobile aéronautique

Peu d’offres* et de fortes tensions selon les entreprises interrogées

Chargé d’affaires moyens industriels Responsable produits

Fromager Boulanger

Responsable de production

Ingénieurassurancestérilité

Responsable production

biotechnologie

Ingénieur Responsableen affaires

réglementaires

Responsablemaintenance

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Niveau de tension exprimé

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Responsable maintenance

Les compétences en tension

Au-delà des métiers qui peuvent apparaître en tension dans tel ou tel secteur et/ou telle ou telle entreprise, il apparaît clairement dans les témoignages recueillis auprès des entreprises que certaines compétences sont très demandées, très recherchées et que certaines d’entre elles font l’objet de tensions assez significatives.

Les compétences techniquesSelon les entreprises, les ingénieurs possèdent les compétences techniques attendues. Toutefois, certaines compétences, les plus demandées voire celles associées à des métiers posant des difficultés de recrutement, ne sont pas assez disponibles. Des spécialistes de tel domaine vont ainsi être recherchés, avec telle compétence identifiée et demandée. Par exemple, la demande d’une compétence en électronique de puissance est fréquente pour les ingénieurs en électronique dans le secteur automobile.

Le responsable de maintenance dans l’industrie agroalimentaire est déclaré par les acteurs du secteur comme étant en forte tension et le nombre d’offre d’emploi à l’instant « t » est important.

–2–

20

ÉLÉMENTS GÉNÉRAUX DE DIAGNOSTIC SUR LES TENSIONS DANS LA FONCTION PRODUCTION INDUSTRIELLE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

« Quand on va rentrer dans des compétences plus rares, on a vraiment du mal à recruter. » (Équipementier automobile de rang 1 n°1, Automobile-aéronautique)

« Sur le périmètre pur de la prod, on demande de plus en plus de compétences technologiques : maîtrise de la GMAO (gestion de maintenance assistée par ordinateur), demande d’avoir une connaissance sur l’ensemble du processus de production (méthodes, logistique). » (Cabinet de recrutement)

Le niveau technique demandé va parfois aller au-delà du niveau que peut avoir un ingénieur spécialisé avec un peu d’expérience. La demande d’une expertise technique approfondie est souvent synonyme d’une expérience industrielle de premier plan.

« [Une des possibilités d’évolution professionnelle pour les ingénieurs au sein de la société] Il existe aussi une filière « expertise » née depuis une dizaine d’années chez nous (…) avec des niveaux : expert, senior expert, master expert… la valorisation de l’expertise est très forte.» (Équipementier automobile de rang 1, Automobile-aéronautique)

« Les métiers en tension sont plutôt sur les profils séniors (car pas ou peu de diplômes sur ces compétences). Le seul moyen d’acquisition, c’est par l’expérience… De fait, ce n’est pas cinq ans d’expérience mais plutôt dix. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, sous-traitant spécialisé dans la fabrication de formes injectables stériles, Chimie-pharmacie)

Outre, ces compétences purement techniques, il est aussi de plus en plus souvent demandé aux ingénieurs des compétences de type gestion, comptabilité, achats, amélioration continue, etc… Suite aux demandes d’entreprises partenaires, certaines écoles d’ingénieurs ont intégré dans leur cursus de formation des modules sur les sciences en management, voire sciences humaines (ce qui est plus rare). Elles dispensent ainsi un enseignement plus orienté vers le management en proposant des cours en administration, contrôle de gestion, gestion d’entreprise, marchés publics, création d’entreprise… De cette façon, les apprentis ou élèves ingénieurs en stage de fin d’études peuvent mettre en pratique, trouver un sens... aux enseignements théoriques.

« On est bien sensibilisé au management des ressources humaines, on a de la gestion, de la comptabilité, on

est plutôt plus sensibilisé là-dessus que d’autres écoles. » (Étudiant, Automobile-aéronautique)

Les compétences transversalesOn peut aussi identifier des compétences « transversales », c’est-à-dire communes et qui vont être demandées dans de nombreux métiers et/ou secteurs. Il s’agit notamment des « soft skills » : des savoir-être, des traits de caractère, de personnalité, d’engagement dans le travail… Ces traits de caractère sont souvent mis en avant par les entreprises comme étant indispensables au travail en production, en opposition par exemple à la R&D.

« En réalité la compétence pèse pour moins de 50 % et la personnalité et le savoir-être pèsent pour plus de 50 %. » (Cabinet de recrutement)

« …clairement, c’est vraiment différent. Ce n’est pas pareil d’aller manager des gars du chantier que des gars en bureau d’études. Niveau personnalité il faut en vouloir, faut y aller, faut mettre le bleu. » (Étudiant, Mécanique-métallurgie)

À la frontière des soft skills, se situent les compétences managériales qui reflètent les capacités à gérer un projet, diriger une équipe (le leadership), faire travailler plusieurs services entre eux, etc. Ces compétences relèvent à la fois de la personnalité et de compétences acquises.

« Le secteur a (…) de plus en plus besoin de personnels qualifiés, avec une compétence managériale. » (Cabinet de recrutement, Agroalimentaire)

« [du] savoir-être, (…) ce qui fait rater les projets c’est plus les problèmes relationnels, on est très sensible à ça (…) et la capacité à manager des équipes et des projets, savoir déployer des plannings à faire respecter, capacité d’animation sur des projets, travailler avec tous les interlocuteurs (…) gestion des conflits, (…) bonne tenue économique du projet et des actions menées (…), communication avec le client… » (Société d’ingénierie, Automobile et aéronautique)

« La technique, je n’y accorde pas une grande importance, cela s’apprend (…) mais la partie posture managériale, autonomie, motivation, c’est des fibres de base/naturel. » (Salarié, Industries chimique et pharmaceutique)

21APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

« Ce qui prime ce n’est pas le technique mais plutôt l’expérience en termes de management car en termes de formation c’est beaucoup plus difficile à combler. » (Fabrication de machines pour les industries du papier et du carton, Mécanique-métallurgie)

Les étudiants rencontrés sont d’ailleurs conscients de l’importance de ces savoir-être, sans pour autant négliger les compétences techniques, quand on les interroge sur les compétences clés selon eux des postes d’ingénieurs.

« Le fait d’être très curieux et de s’intéresser aux personnes avec qui on travaille, aux ouvriers, aux agents, leur donner une importante, c’est plutôt indispensable pour progresser plus vite, et se mettre à leur place. (…) Quelqu’un qui a les capacités techniques et qui ne sait pas travailler en groupe, qui n’a pas de compétences humaines, etc… on en fera rien, il peut travailler dans son coin. La compétence clé, c’est l’humain, et encore plus pour un ingénieur. » (Étudiant, Automobile-aéronautique)

Si ces savoir-être relèvent pour beaucoup de la personnalité, les écoles sont tout de même conscientes que les entreprises comme les élèves ont des attentes sur des compétences transversales. Elles ont pour la plupart intégré des modules de management. En particulier, les étudiants de l’école d’ingénieur en automobile et transport insistent sur le fait qu’ils sont sensibilisés au management durant leur formation, à travers des cours mais aussi des projets.

« Le bloc management a toujours été présent dans notre formation, on est une école généraliste de très haut niveau. » (École, Mécanique-métallurgie)

« Pour le management, pas à la sortie de l’école, je ne pense pas avoir le recul nécessaire. » (Étudiant, Automobile-aéronautique)

« Moi pareil… c’est plus tard que ça se décide. C’est quand même assez dur… » (Étudiant, Automobile-aéronautique)

« On a des cours de management, en 3ème année on a une grosse partie de projet, on travaille tous en équipe … on travaille quasiment toujours en groupe. » (Étudiant, Automobile-aéronautique)

« [Dans l’école] on nous responsabilise très vite… on a un projet dès la 3ème année, comme une sorte de petite entreprise, une dizaine ou plus… ceux qui doivent manager, orienter les travaux, ceux qui font les travaux… » (Étudiant, Automobile-aéronautique)

Autres compétences transversales très demandées et source de difficultés de recrutement, les compétences linguistiques en langue étrangère. Il est souvent demandé un niveau d’anglais minimum voire technique pour les « postes de spécialiste » (exemple : ingénieur électronique embarquée). Une bonne maîtrise de l’anglais ou d’une autre langue étrangère va, par exemple, permettre d’assurer une veille technologique, mais aussi de pouvoir travailler dans des projets où s’investissent des équipes internationales au sein de grands groupes, etc.

« Nous recrutons des cadres avec un anglais et allemand prérequis mais la moitié des profils que nous recevons sont loin de cette exigence.» (Fabrication de vis et de boulons, Mécanique-métallurgie)

« Au minimum, on est sur de la bonne maîtrise de l’anglais technique. » (Fabricant de colliers de serrage pour l’automobile et l’aéronautique, Mécanique-métallurgie).

–LE CAS DES SERVICES TECHNIQUES –

De par les enjeux liés à l’optimisation de la production, les métiers des services techniques apparaissent également dans les préoccupations des recruteurs. En particulier, les postes en maintenance connaissent des tensions dans certains secteurs, et, sans être en tension, les métiers liés à la qualité revêtent un enjeu important en termes de ressources humaines.

La maintenance, un métier en tensionDes difficultés pour trouver des cadres ou ingénieurs « maintenance » sont éprouvées de manière significative dans la chimie-pharmacie et en agroalimentaire. Pour les deux sous-secteurs de la métallurgie (Mécanique-métallurgie et Automobile-aéronautique), les postes de cadres de la maintenance n’ont pas été identifiés comme problématiques en termes de recrutement, même s’ils sont identifiés comme des postes importants en production industrielle (plus exactement au niveau des services

–2–

22

ÉLÉMENTS GÉNÉRAUX DE DIAGNOSTIC SUR LES TENSIONS DANS LA FONCTION PRODUCTION INDUSTRIELLE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

techniques ou des moyens généraux). Le responsable d’équipe maintenance s’occupe du management de la maintenance en assurant à la fois le respect de la réglementation et des obligations en termes d’hygiène et de sécurité.

« Cela arrive parfois de ne pas trouver les bons profils malgré plusieurs candidatures. Parmi les exemples récents, en ingénieurs maintenance/services techniques, on a eu beaucoup de candidatures mais trop teintées sectorielles auto par exemple, trop éloignées des industries de process. » (Fabrication d’autres produits chimiques organiques de base, chimie de spécialité, Industries chimique et pharmaceutique)

« [sur les postes de maintenance, techniciens et ingénieurs] ce sont les compétences demandées qui sont en tension, on demande une polyvalence sur les postes et c’est difficile à trouver. » (Observatoire, Industries chimique et pharmaceutique)

« Le poste responsable maintenance et travaux neufs a toujours connu des difficultés de recrutement. Aujourd’hui, on ne demande plus seulement de l’opérationnalité mais également d’être moteur sur la dimension amélioration continue, sur la maintenance préventive. » (Cabinet de recrutement, Agroalimentaire)

« Responsable de maintenance, c’est là où il y a le plus de difficultés : forte concurrence et cela nécessite des compétences très spécifiques. » (Observatoire, Agroalimentaire)

Pourquoi les postes de cadres liés à la maintenance semblent-ils poser de tels problèmes de recrutement dans certains secteurs étudiés ? En premier lieu, c’est leur importance dans le système de Production industrielle, intervenant en cas de problème technique ou de panne. Aussi, la maintenance doit toujours être assurée pendant la production, ce qui nécessite la présence d’une personne en capacité de régler le problème technique ou de le faire régler. Les horaires peuvent être difficiles, comme les astreintes possibles liées à l’activité de la chaîne de production : ainsi, selon une étude réalisée pour la Fédération patronale des Entreprises du Médicament en 200512 sur les métiers de la maintenance, « 83 % des entreprises ont de la maintenance en continu, à tous les stades de la production ».

À noter que dans l’agroalimentaire, compte-tenu de la pénurie sur les postes de cadres en maintenance, les entreprises n’hésitent pas à recruter des profils issus d’autres secteurs. Ceci est d’autant plus vrai que certains secteurs industriels sont plus avancés technologiquement, notamment dans l’automobile, ce qui permet un transfert de compétences.

« Par contre, sur des postes techniques (par exemple responsable technique ou maintenance), il y a une vraie évolution et les postes peuvent être ouverts à d’autres profils hors agroalimentaire (ce n’était pas vrai avant), d’autant plus que souvent les autres secteurs industriels sont plus avancés techniquement. Cette ouverture est obligatoire compte-tenu de la pénurie sur ce type de profils. » (Cabinet de recrutement, Agroalimentaire)

Moins de tensions dans la qualitéAutre fonction transversale à fort enjeu, la qualité occupe une place importante et croissante dans le processus de production. Ceci est particulièrement vrai dans les industries chimique et pharmaceutique et dans l’agroalimentaire.

« La qualité est de plus en plus présente dans le chaîne de production et même avant, dans la R&D ». (Observatoire, Industries chimique et pharmaceutique)

« On a également des postes d’ingénieur qualité produit et production. Ils sont en charge d’assurer et de garantir la qualité aux clients. Depuis quelques mois, nous avons créé des postes d’ingénieur qualité développement, ils sont également en charge de la garantie de qualité dans la phase de produit. Ils travaillent donc avec les ingénieurs avant-projets. Donc une garantie de qualité dans toutes les phases de la production. » (Fabrication d’autres articles métalliques, Mécanique–métallurgie).

Il semble que la fonction qualité connaisse moins de difficultés de recrutement par rapport aux métiers de la maintenance ou de la production.

« Concernant le QHSE : aucun problème de recrutement dans la qualité, c’est quelque chose qui attire les candidats. Les conditions de travail sont un peu plus agréables que dans la production ou la maintenance. Qualité, sécurité alimentaire, aspect environnemental sont aujourd’hui des compétences incontournables qui nécessitent d’être de plus en plus pointus (et cela va aller encore croissant). » (Observatoire, Agroalimentaire)

12. Direction des Affaires Sociales, de

l’Emploi et de la Formation Professionnelle, CG conseil et Observatoire des Métiers des Entreprises du Médicament (2005), Les métiers de la maintenance industrielle, Mai 2005.

23APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–DIMENSIONS DE L’HÉTÉROGÉNÉITÉ DES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT–

Les niveaux de tension dans les secteurs étudiés présentent des traits communs, déjà évoqués mais également des caractéristiques différentes selon les entreprises. Plusieurs dimensions peuvent expliquer ces disparités.

La taille de l’entrepriseUne PME a généralement plus de difficultés pour recruter, le potentiel d’attractivité étant inférieur à celui d’une grande entreprise ou d’un grand groupe. Toutefois, l’argument peut être réversible, une plus petite structure pouvant être associée à une image plus humaine, plus chaleureuse. Les PME sont en outre parfois réticentes (comme cela a parfois été exprimé par les observatoires rencontrés) à recruter des ingénieurs, par manque d’habitude ou de méconnaissance de leurs apports possibles.

Le positionnement de la société dans la chaîne de productionL’impact de ce positionnement est significatif et est ressorti de manière très claire dans les entretiens réalisés. Ainsi, dans le secteur automobile, les équipementiers soulignent que leur position est plus difficile pour attirer des candidats que celle des constructeurs qui jouissent d’une meilleure image globale, d’un pouvoir d’attraction plus fort (l’effet « carte de visite » d’un grand nom). Ce constat est plus nuancé chez les grands équipementiers : si les plus grands (adossés à de grands groupes) jouissent d’une image qui reste favorable, leur pouvoir d’attraction reste plus faible en comparaison. Quant aux équipementiers de rang 2, 3, etc., ils jouissent clairement d’un pouvoir d’attraction moindre.

« L’exemple est valable aussi pour un constructeur automobile, lorsqu’une personne veut travailler, dans l’automobile, ils vont venir tout de suite chez Renault, PSA mais pas chez un équipementier, c’est le même principe dans l’aéronautique. » (Fabrication de vis et de boulons, Mécanique-métallurgie). « On peut supposer que c’est une des causes, ils sont plus réticents à venir, vu les années précédentes : quelqu’un qui vient de l’aéronautique ne va pas spontanément venir… Il y a l’automobile, et il y a aussi l’équipementier automobile : nous sommes un équipementier, pas directement lié au consommateur… Les jeunes ingénieurs rêvent plus d’aller chez Renault ou BMW que chez un fournisseur… » (Équipementier automobile de rang 1, Automobile-aéronautique)

On retrouve le même phénomène dans le secteur de la pharmacie, les grands laboratoires disposant d’un pouvoir d’attraction supérieur à celui des façonniers.Cela peut être le cas aussi des sociétés d’ingénierie qui interviennent en tant que prestataires. Ainsi, la société d’ingénierie du secteur automobile rencontrée déclare voir souvent ses ingénieurs recrutés après plusieurs mois de mission chez le client.

« Pas de tension dans la qualité, l’hygiène et la sécurité. » (Fabrication de fromages, Agroalimentaire)

Néanmoins, il existe tout de même, de manière sporadique et pour certains métiers, quelques tensions. Ainsi, c’est notamment le cas dans l’agroalimentaire pour le métier de responsable qualité produits qui nécessite une connaissance pointue du produit fabriqué. Dans la pharmacie, des difficultés peuvent être rencontrées pour recruter des analystes qualité ou des pharmaciens qui ont des tâches liées à la qualité des produits finis. De même dans l’automobile, des tensions pour les postes d’ingénieur ou de responsable qualité (mais aussi pour

ceux de technicien qualité) ont été signalées par des acteurs rencontrés. Un salarié, responsable qualité et achats réglementaires dans la production de matériel médical, signale également l’existence de tensions dans la qualité dans son secteur d’activité.« Dans la qualité, il y a des difficultés de recrutement : globalement dans tous les domaines, mais moins dans la qualité opérationnelle et la qualité documentaire. Il y a plus de problèmes quand il s’agit de joindre la qualité des dispositifs médicaux avec des spécialités techniques (par exemple responsable de stérilisation, responsable matériaux vigilance ou encore chef de projet qualité). » (Salarié, Fabrication de matériel médico-chirurgical et dentaire)

–2–

24

ÉLÉMENTS GÉNÉRAUX DE DIAGNOSTIC SUR LES TENSIONS DANS LA FONCTION PRODUCTION INDUSTRIELLE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

Cela est une pratique régulière dans le secteur des prestataires d’ingénierie. Malgré tout, la diversité des missions réalisées dans les sociétés d’ingénierie augmente cependant leur pouvoir d’attraction potentiel et peut jouer favorablement dans les choix des candidats à l’emploi.

Le contexte sectoriel et/ou de l’entrepriseAinsi le secteur de l’automobile qui a subi de plein fouet la crise de 2007-2008 reste un peu moins attractif pour les jeunes ingénieurs que le secteur aéronautique. La crainte de perdre son emploi, mais

aussi plus généralement d’« être en première ligne » pour les ingénieurs et cadres en cas de plan social, restructuration, conflit social… peut jouer en négatif. La situation financière d’une entreprise va jouer de manière un peu similaire, les informations économiques sur les difficultés des dernières années (et facilement accessibles via les médias 2.0 et les réseaux sociaux) pouvant rebuter les candidats potentiels à postuler sur des offres. L’exposition médiatique de certaines entreprises, lors de scandales sanitaires par exemple, peut également jouer.

25APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–DES CAUSES MULTIFACTORIELLES–

–3– 26 Une image des secteurs portant préjudice à l’attractivité des entreprises 30 Des problèmes de localisation et de mobilité géographique 31 Des contraintes liées aux postes et la rémunération 33 Une offre de formation à parfaire 34 La valorisation de la production en France par rapport

à d’autres pays européens

–3–

26

DES CAUSES MULTIFACTORIELLES

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–UNE IMAGE DES SECTEURS PORTANT PRÉJUDICE À L’ATTRACTIVITÉ DES ENTREPRISES–

Cette réalité est plus prégnante dans les secteurs de l’agroalimentaire et de la Mécanique-métallurgie qui intègreraient relativement moins de techniques de pointe dans leur processus de fabrication.

« Le secteur de l’agroalimentaire ne fait pas rêver, il n’y a pas de haute-technologie. » (Meunerie, Agroalimentaire)

« Bien que nous soyons 600 collaborateurs, nous avons le profil d’une PME avec ses avantages et ses inconvénients. Nous avons un procédé de production beaucoup plus artisanal. Pour des profils qui aiment les défis, c’est plutôt attirant car il y a tout à développer, nous cherchons à améliorer l’efficience de nos lignes de production. » (Fabrication de machines pour les industries du papier et du carton, Mécanique-métallurgie)

Ce manque d’attractivité de l’industrie est également alimenté par plusieurs scandales récents dont les entreprises du secteur ont encore à subir les séquelles.

« Ces profils n’ont pas forcément envie de venir dans les industries de santé car il y a un déficit d’image notamment actuellement à cause des affaires dans les

Les difficultés de recrutement dans les secteurs étudiés s’expliquent principalement par quatre facteurs distincts :• Les secteurs industriels et les métiers (notamment de la production) qui y sont rattachés souffrent d’une image négative

préjudiciable aux recrutements.• La localisation des sites industriels amène, d’une part un manque d’attractivité des territoires et, d’autre part, un problème

de mobilité géographique : obstacles souvent évoqués quel que soit le secteur d’activité.• Les spécificités des conditions de travail des métiers de cadre de la production et des services techniques peuvent réduire

leur attractivité. • L’offre de formation, satisfaisante en l’état mais qui peut parfois être améliorée par rapport aux besoins des entreprises :

les jeunes actifs ne sont pas suffisamment opérationnels et des manques en matière de compétences transverses sont soulignés.

L’industrie dans son ensemble souffre d’une mauvaise image, handicapante pour l’attractivité des cadres. Pourtant en constante évolution technologique et organisationnelle, les entreprises industrielles souffrent d’une représentation négative en termes de débouchés ou de conditions de travail notamment dans la production : le travail en usine « ne fait pas rêver » les jeunes.

médias, qui ne participent pas à la bonne image du secteur au-delà du territoire et des compétences. » (Observatoire, Industries chimique et pharmaceutique)

« Il y a une mauvaise image du monde industriel dans l’agroalimentaire. Le discours n’est pas positif et on entend parler de l’industrie agroalimentaire qu’en cas de problème, notamment en cas de crise sanitaire. Les jeunes n’ont pas envie d’aller y travailler alors même qu’il y a des emplois disponibles. Ils ont peur de ne pas s’y épanouir et ont dû mal à s’y projeter. » (École, Agroalimentaire)

« On le dit, ils vont plus naturellement vers la banque ou l’assurance que vers l’industrie. Je vais vous donner un exemple. Lorsque l’on a fait le salon de l’éducation en 2013, le stand de l’aéronautique ne désemplissait pas tandis que l’automobile, c’était vide. Pourquoi ? Parce qu’il y a eu le choc de PSA juste avant. Les parents des jeunes étudiants auront toujours une influence pour l’orientation de premier niveau : les secteurs qui embauchent seront toujours favorisés. » (Observatoire, Mécanique-métallurgie & Automobile-aéronautique)

27APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

« Quand je dis que je travaille dans l’automobile, on me dit « ah c’est dommage pour toi » mais il y a eu une grosse crise, et il y en a eu plus récemment avec les émissions de CO2.» (Salarié, Automobile-aéronautique)

La mauvaise appréciation du travail en usine, et notamment dans la fonction de production industrielle et les services techniques, peut venir de la méconnaissance des métiers industriels des jeunes actifs/étudiants.

« Il existe une méconnaissance des métiers industriels. 30 % des contrats d’alternance n’ont pas été pourvus l’année dernière par exemple. J’avais les entreprises mais pas les jeunes il y a un problème quelque part, un manque de communication, de visibilité. » (Observatoire, Industries chimique et pharmaceutique)

Les ingénieurs, principales cibles pour ces fonctions, se tournent plus volontairement vers les métiers en recherche et développement.

« … Du point de vue médiatique : il y a les délocalisations des outils de production… […] si nos étudiants voient que les outils de production sont délocalisés, ça ne donne pas une image très saine. On est sur un cycle, nos étudiants n’ont pas de problème : s’engager sur une formation orientée production, ça demande que les entreprises s’engagent aussi à court, moyen terme sur la pérennité de ces formations… Les métiers de la production jouissent d’une image dévalorisée par rapport à la R&D, clairement… » (École, Automobile-aéronautique)

Ou encore vers le monde agricole, qui a meilleure presse, pour les cadres des industries agroalimentaires.

« Les jeunes qui s’orientent vers une formation agricole le font souvent parce qu’il y a une tradition agricole dans la famille. Le secteur agricole a, dans ce cas, une attractivité plus forte que le secteur de l’industrie de transformation agroalimentaire. » (Meunerie, Agroalimentaire)

D’une manière générale, il semble que l’industrie peine à promouvoir et valoriser les projets qui fonctionnent, ou les réussites d’entreprises significatives.

« On entend plus parler des choses négatives (…) que positives (…) » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, sous-traitant spécialisé dans la

fabrication de formes injectables stériles, Industries chimique et pharmaceutique)

Et même quand l’industrie conserve un degré significatif d’attractivité, la concurrence avec la R&D joue souvent en défaveur de la production, malgré des passerelles possibles.

« Moi c’est ce que je me disais, c’est toujours mieux de dire « c’est moi l’ingénieur qui ait travaillé sur ce moteur, qui l’ait conçu » plutôt que de dire « j’ai travaillé sur les lignes de production de telle entreprise »… je pense qu’il y a un problème d’image un peu. » (Étudiant, Automobile–aéronautique)

« Il y a une barrière entre ingénieur R&D et ingénieur Production : les ingénieurs R&D restent toute leur carrière en R&D. Il y en a quelques-uns qui passent en production mais c’est rare. » (Équipementier automobile de rang 1 n°1, Automobile-aéronautique)

« (…) à l’intérieur du Groupe, la tendance à la mobilité est plus de production vers bureau d’études et fonctions support, vues comme étant des postes plus attractifs, plus gratifiants, au développement de carrière plus intéressant. Depuis quelques années, il y a quand même une revalorisation de la production, on a des gens qui y restent et on a des gens du bureau d’études ou des fonctions support qui viennent dans la production au travers d’opérations de mobilité interne. » (Équipementier aéronautique de rang 1, Automobile-aéronautique)

« [Vous voyez des tendances passerelles entre la production et la conception ?] Alors…la production ne va jamais au bureau d’études… Le bureau d’études va très rarement en production… La prod va monter sur des fonctions support client et ça par contre voilà ce sont des fonctions qui vont attirer aussi bien le bureau d’études que la prod. Etre chargé d’affaires, être en relation avec les clients, être commercial… là oui il y a mobilité possible entre eux. » (Fabrication de machines pour les industries du papier et du carton, Mécanique–métallurgie)

Malgré tout, beaucoup d’ingénieurs en production ont plutôt tendance à y faire une grande partie de leur carrière, pour différentes raisons. Comme l’indiquent un salarié responsable qualité et achats réglementaires dans la production de matériel médical et encore un étudiant, la production a des atouts à faire valoir.

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28

DES CAUSES MULTIFACTORIELLES

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

« Pourquoi cette formation ? »

« Pour l’automobile. J’ai toujours voulu être pilote auto et je n’ai pas réussi à concrétiser (…) » (Étudiant, Automobile–aéronautique)

« C’est plus par intérêt pour la technologie, tout ce qui est énergétique et motorisation. (…)J’ai fait un BTS à la base (…). Mon deuxième domaine de prédilection après l ’automobile c’était l’aéronautique. » (Étudiant, Automobile–aéronautique)

« En DUT, je n’avais pas vraiment le choix c’était déjà dans la continuité de ce que j’avais fait dans la maintenance. Dans tous les cas, c’était en alternance du coup, on avait tous des fonctions différentes. Il y en avait dans les ateliers, d’autres dans les bureaux à planifier la maintenance (…) L’équilibre entre les cours et l’entreprise est plutôt bien fait, je ne m’ennuie pas, donc j’ai continué. Pour avoir plus de responsabilités, bosser sur des projets plus intéressants, et la possibilité de mobilité à l’international, il y a pas mal de choses qui m’ont fait continuer en fait (…) Alors maintenant du coup je suis plus dans l’architecture de la navale mais en fait si je n’arrive pas à trouver

–FOCUS SUR LES DÉCISIONS D’ORIENTATION DES ÉTUDIANTS–

un boulot qui me plaît, ce que je me dis c’est que je retournerais dans la maintenance parce que c’est vraiment un secteur que je trouve intéressant, c’est dynamique, c’est varié. Ce n’est pas comme un boulot de bureau où on reste assis toute la journée. Il faut aller sur le terrain, aller voir les gars, les machines c’est vraiment intéressant … Enfin toutes les techno qui arrivent autour de la maintenance, l’analyse vibratoire, il y a beaucoup de technologies qui évoluent et je trouve ça vraiment intéressant. » (Étudiant, Mécanique-métallurgie)

« Et pourquoi cette école d’ingénieur en particulier ? Vous vous êtes directement dirigé vers votre école ? Vous en aviez d’autres en tête ? »

« J’ai cherché une école spécialisée transport (…) J’ai trouvé quasiment tout de suite. » (Étudiant, Automobile-aéronautique)

« Après mes stages et au vu de mes résultats, mes professeurs et mes tuteurs de stage m’ont dit « si tu es intéressé, vas-y, continue, tu peux essayer de postuler à [Ecole d’ingénieur] ». » (Étudiant, Automobile-aéronautique)

Quand on interroge les étudiants ingénieurs sur leur choix de formation et d’école, ils mettent souvent en avant une passion ou un attrait particulier pour le secteur et/ou une (des) technologie(s), sans toutefois occulter les contraintes en termes d’opérationnalité ou de niveau de spécialisation associées, notamment à partir des informations dont ils disposaient ou qu’ils ont pu obtenir.

« Il n’y a pas de réticence des salariés à s’orienter en production industrielle par rapport à la R&D. La production est plus intéressante car plus complexe. C’est des tuyaux en plastique, ce n’est pas super excitant (en termes de R&D). » (Salarié, Fabrication de matériel médico-chirurgical et dentaire)

« En DUT, la maintenance n’est pas une filière super recherchée. […] La maintenance c’est pourtant dynamique, variée. C’est assez excitant comme métier. Il y a le stress que quelque chose tombe en panne. C’est intéressant, il faut connaître les machines. Les technologies évoluent, c’est toujours en mouvement. » (Étudiant, Mécanique–métallurgie)

29APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

« En fait, c’est surtout quand je suis venu aux portes ouvertes que ça m’a convaincu (...). Le programme aussi [était convaincant] (…) Le fait que c’était sur l’automobile et les transports c’était un bel avantage aussi. » (Étudiant, Automobile-aéronautique)

« J’ai postulé à l’École 1, l’École 2 et l’École 3 à Vannes. J’ai été pris dans les trois et j’ai choisi l’École 1 pour diverses raisons… Je voulais garder le côté un peu technique et en même temps l’École 2, j’avais un camarade qui l’avait fait et m’a dit que les ingénieurs alternants n’étaient pas trop intégrés à l’école, je ne me voyais pas passer trois ans dans une école où je ne trouverais pas ma place. Pourquoi pas l’École 3, par rapport à mon entreprise. J’ai eu mon entreprise d’abord elle m’a conseillé d’aller à l’École 1. C’est quand même généraliste, moins que l’École 3 mais je ne pars pas dans une niche de spécialisation non plus. » (Étudiant, Mécanique-métallurgie)

L’orientation des jeunes ingénieurs à leur sortie de l’école reflète assez nettement le fait que la production reste un débouché « minoritaire », mais significatif, malgré tout. Ainsi, l’école d’ingénieurs généraliste rencontrée souligne que la moitié de chaque promotion va en R&D et assimilé (« ingénieurs d’études, conception R&D, expertise et essai »), contre 30 % en « Production, maintenance et logistique ». L’école d’ingénieurs spécialisée en automobile et transports témoigne quant à elle que si, il y plusieurs années, « beaucoup de diplômés partaient sur des fonctions Production, maintenant, 15 % y vont, y compris sur la qualité et les méthodes (production au sens large). Le reste allant en bureau d’étude, R&D ».

Comment les étudiants choisissent-ils de s’orienter plutôt vers les études et la conception ou plutôt la production ?

« J’étais rentré en voulant travailler en recherche et développement dans une écurie de course, et en fait j’ai découvert la production parce qu’on avait

des cours de production et je me suis dit que c’était bête de se fermer une porte et de ne pas essayer, et du coup j’ai fait mon stage [de 4ème année] à la SNCF sur une ligne de production.» (Étudiant, Automobile-aéronautique)

« À la base je rentrais surtout pour faire de la R&D, et du coup le fait d’avoir découvert des cours de production, ça a un peu attisé ma curiosité. À l’heure actuelle, je ne sais toujours pas exactement ce que je veux faire après ma sortie de l’école, après ça dépendra des offres, si en production il y a de bonnes offres, … j’ai des choix de vie au niveau géographique, tout ça… ça dépendra de pas mal de facteurs, mais je ne me ferme pas la porte pour la production. Mais j’avoue que la R&D est mon premier objectif. » (Étudiant, Automobile-aéronautique)

« Après, je suis passionné des machines, des mécanismes, j’adore ça. Si je pouvais visiter les plus belles industries de France et du monde, j’irais directement. L’environnement industriel ça ne bloque pas du tout, j’ai même bossé dans l’agroalimentaire pendant des vacances scolaires. En soi, le métier n’était pas du tout intéressant mais je regardais les machines. » (Étudiant, Mécanique-métallurgie)

« Est-ce que vous diriez quand même qu’il y a deux types d’ingénieur : bureau versus terrain ? »

« Deux profils différents. Je ne pense pas que quelqu’un soit capable de faire les deux aussi bien. En fait, moi à la méthode, je fais de la conception. J’ai les deux casquettes c’est ça qui me plaît. Quand je dois aller sur le terrain j’y vais mais clairement depuis que je ne suis plus en DUT, je ne me salis plus trop les mains mais je vais quand même sur le terrain, je vais voir les machines, je vais voir les gars, les pannes quand j’étais en DUT. C’est ce que j’aime, avoir les deux casquettes, de ne pas rester assis à mon bureau mais en même temps, pas 8h à l’atelier dans le froid comme avant. » (Étudiant, Mécanique-métallurgie)

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DES CAUSES MULTIFACTORIELLES

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–DES PROBLÈMES DE LOCALISATION ET DE MOBILITÉ GÉOGRAPHIQUE–

La question des lieux d’implantation des unités de production est également un facteur de difficultés de recrutement. Cette problématique est évoquée par l’ensemble des acteurs, tous secteurs confondus, comme un frein majeur aux recrutements de cadres dans les entreprises industrielles. Deux raisons peuvent notamment expliquer cela : d’une part, un manque d’attractivité des territoires où se trouvent les usines, mais également, d’autre part, une propension réduite des cadres à la mobilité géographique.

En effet, l’usine n’est pas attrayante en termes de localisation, puisque souvent éloignée des métropoles, voire dans des zones rurales.

« De nombreuses entreprises qui recrutent, notamment des PME, se situent dans des bassins d’emploi à connotation rurale, qui manquent d’attractivité (hors Rhône-Alpes et Ile-de-France). Par exemple, des entreprises situées à Libourne ou encore une entreprise située à Carros, dans les Alpes-Maritimes. Ce sont des bassins reculés qui participent au manque d’attractivité des entreprises notamment pour attirer les cadres. » (Observatoire, Industries chimique et pharmaceutique)

« Sur les fonctions cadres, la notion de territoire, on la ressent mais on a du mal à les faire venir dans certains endroits comme Oyonnax, ils préfèrent les grandes métropoles. » (Cabinet de recrutement).

La localisation des sites de production peut s’expliquer par la concentration d’activités complémentaires ou similaires (cluster, pôle d’activité etc.). L’agroalimentaire est, à ce titre, en décalage puisque l’activité s’installe au plus près de la matière première, en zone rurale ; il y a moins de concentration significative d’activité. Les autres secteurs ciblés peuvent tourner à leur avantage ces localisations bien spécifiques.

« Ça peut faire peur a priori, mais une fois installé, c’est correct, 1h30 de la Rochelle ou de l’Ile de Ré, 3h de Paris, 2h de Nantes ou Bordeaux… c’est une région plutôt agréable. Après il y a quand même des entreprises dans le coin, je ne pense pas que ce soit pire qu’ailleurs. » (Equipementier automobile de rang 1 n° 2, Automobile-aéronautique)

L’éloignement des usines des grandes agglomérations a pour conséquence de confronter rapidement les candidats qui postulent sur un poste à une problématique de mobilité géographique. Ceci est particulièrement vrai pour les jeunes diplômés dans la mesure où le maillage des écoles d’ingénieurs ou universités ne correspond pas, le plus souvent, à la localisation des sites de production, notamment pour les plus isolés.

« Est-ce qu’il existe une contrainte ? Oui, la Normandie est peu attractive pour les profils ayant le choix. Exemple d’une très bonne école à Albi qui forme en pharmacie et management des procédés, aucun étudiant ne vient ! Malgré des rémunérations égales ! Ces profils ont tellement de choix que c’est difficile de les attirer. Ils ont parfois 4/5 offres avant la fin du cursus. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, Industries chimique et pharmaceutique).

Selon les entreprises rencontrées, les candidats à un emploi sont aujourd’hui de moins en moins mobiles.

« Une des causes des difficultés de recrutement tient à la non-mobilité des salariés en France, et ce d’autant plus que les entreprises agroalimentaires ne sont pas implantées en ville. » (Cabinet de recrutement, Agroalimentaire).

De plus, la mobilité géographique résidentielle concerne le salarié, mais également, sa famille et notamment son conjoint, qui doit aussi (re)trouver un emploi dans la région. Ainsi, la proximité des écoles, des universités, des commodités de la vie quotidienne, le dynamisme de la région, la situation du conjoint entrent, le cas échéant, en ligne de compte dans la décision ou non de déménager.

31APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–DES CONTRAINTES LIÉES AUX POSTES ET LA RÉMUNÉRATION–

Les postes cadres de la production industrielle intègrent un certain nombre de contraintes notamment liées au cadre de travail et, pour certains secteurs, à la rémunération. Ainsi, les conditions de travail sont souvent perçues comme difficiles et accentuent le manque d’attractivité de la fonction de production : environnements chaud/froid par exemple dans l’agroalimentaire, conflits sociaux liés à des fermetures d’usines/délocalisations ou réorganisations.

« De plus, les industries agroalimentaires sont souvent situées en pleine campagne. Certaines zones géographiques posent des problèmes pour le travail du conjoint, par exemple en Franche-Comté. Plus l’image d’un territoire est positive et moins il y a de difficultés de recrutement. Plus le territoire est connoté « usine » et plus les recrutements sont difficiles, par exemple en Bretagne. Dans l’est de la France, l’image est plus positive, liée aux produits et aux appellations d’origine contrôlée. » (Observatoire, Agroalimentaire)

Les territoires sont dès lors mis en concurrence par les salariés, notamment pour les secteurs comme l’Automobile-aéronautique, les industries chimique et pharmaceutique ou encore la Mécanique-métallurgie. Les entreprises se situant à la périphérie des grandes agglomérations souffrent particulièrement de cette concurrence puisque les cadres se tourneront davantage vers des sites plus facilement accessibles et les plus attractifs.

En outre, le travail en milieu industriel implique également des horaires de travail parfois décalés, des périodes d’astreinte et plus globalement un volume horaires important de la part des cadres/managers. Même si certaines entreprises impulsent des politiques volontaristes en ce sens pour attirer les cadres, il existe une forte appréhension à venir travailler en milieu industriel, qui plus est dans la production (versus la R&D par exemple).

« Autre facteur, commun à toute l’industrie : les contraintes d’un manager en production et le poids de la responsabilité. De plus, les amplitudes horaires sont importantes avec des astreintes. Les aspects environnementaux et les contraintes légales sont également prégnants. » (Fabrication de fromages, Agroalimentaire).

« Certains territoires ne sont pas très attractifs, par exemple les territoires proches des grandes métropoles : les entreprises d’Eure et Loir n’attirent pas les bons profils qui vont tous en région parisienne. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, Industries chimique et pharmaceutique).

La métropole toulousaine constitue un contre-exemple, avec une industrie aéronautique attractive située dans une aire urbaine dynamique.

« Aéronautique et Sud-Ouest conjugués jouent en notre faveur… de nombreuses études montrent que la ville de Toulouse attire 15 000 habitants environ chaque année, Toulouse et sa région sont très attractives, l’industrie aéronautique a le vent en poupe, la proximité, les groupes internationaux… ça aide dans le recrutement. » (Equipementier automobile de rang 1 n° 1, Automobile-aéronautique)

« Le plus compliqué reste de les attirer jusqu’à l’entretien, après nous sommes quasiment sûrs de les faire rester. » (Entreprise, Fabrication de vis et de boulons, Mécanique-métallurgie)

L’industrie pharmaceutique, elle, est souvent considérée comme un secteur « noble » avec des conditions de travail satisfaisantes pour les cadres comme pour les non-cadres.

Par ailleurs, il existe une réelle concurrence au niveau des rémunérations et des avantages sociaux entre les différents secteurs industriels et au sein même des secteurs. En particulier, l’industrie agroalimentaire pâtit de salaires peu attractifs en comparaison des autres secteurs.

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DES CAUSES MULTIFACTORIELLES

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

« Au niveau de la rémunération, les salaires sont moins attractifs que dans d’autres secteurs industriels notamment au regard des conditions de travail qui sont difficiles. Néanmoins, les salaires sont relativement disparates en fonction des conventions collectives. » (Observatoire, Agroalimentaire).

Les salaires et les avantages sociaux liés aux secteurs de l’aéronautique sont à l’inverse plutôt avantageux, tout comme dans le secteur des industries pharmaceutique et chimique. Ces secteurs sont ainsi globalement plus attractifs que les autres.

« Au niveau des salaires, on est rattaché à la convention collective de la métallurgie, on est plutôt bien placé au niveau des statistiques et du benchmark en termes de rémunération sur le bassin toulousain. » (Equipementier dans l’aéronautique, Automobile-aéronautique)

« Les salaires, on est aligné. L’industrie aéronautique offre des package de rémunération plutôt attractifs. » (Fabrication de vis et de boulons, Mécanique-métallurgie)

La concurrence salariale s’effectue également au sein d’un même secteur d’activité entre l’équipementier ou les sous-traitants et le donneur d’ordre.

« On fait face à la concurrence des sites « Bigpharma » qui lancent des campagnes de recrutement denses, donc nos salariés sont la cible idéale et leur politique de rémunération est extrêmement favorable : 20/25 % de plus que nous alors que on est aussi au-dessus du marché de 20 %. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, Industries chimique et pharmaceutique)

Il est donc plus difficile pour une PME ou un sous-traitant d’être attractif, notamment en termes de rémunération, par rapport aux grands groupes. Ces grands groupes

bénéficient souvent d’une forte notoriété auprès du grand public et d’une image attractive. Ce constat se vérifie moins dans l’agroalimentaire où les salariés se dirigent plus que dans d’autres secteurs vers des entreprises à « taille humaine », attirés par une forte spécialisation et un travail « à l’ancienne », moins automatisé.

« Ils préfèrent s’orienter vers la ferme, les petites coopératives ou les PME, où la mécanisation est moindre et la spécialisation produits plus forte. » (Ecole, Agroalimentaire)

De manière plus générale, les conditions de travail s’améliorent avec des procédés de fabrication de plus en plus réglementés. D’autre part, les problématiques de l’environnement de travail, du bien-être au travail, sont des sujets dont les entreprises s’emparent avec la volonté d’améliorer leur attractivité.

Enfin, l’intérêt des missions et responsabilités confiées, notamment dans les secteurs aéronautique ou pharmaceutique/chimique, vient contrebalancer certains aspects négatifs du travail en production. En effet, ces secteurs sont innovants, créateurs de valeurs et, in fine, très attractifs pour un ingénieur… La difficulté se situe plutôt en amont, c’est-à-dire pour attirer les candidats et les étudiants dans ces fonctions, et non pour les garder.

« Ces métiers sont passionnants quand vous les connaissez. Ce qui est difficile c’est plutôt de mettre les gens dans ces métiers-là que de les maintenir dans ces métiers. » (Société d’ingénierie, Automobile-aéronautique)

« Les entreprises doivent plus valoriser leur projet et communiquer pour attirer les talents et les garder. » (Ecole, Industries chimique et pharmaceutique)

33APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–UNE OFFRE DE FORMATION À PARFAIRE–

Globalement, l’offre de formation est jugée satisfaisante par les acteurs rencontrés. Seuls les acteurs du secteur agro-alimentaire ont souligné des manques, en termes de volumes d’étudiants formés plutôt que de contenus des formations. Cependant, certains acteurs estiment qu’il existe un certain décalage entre l’offre de formation et les besoins en compétences.

Si les principaux points d’amélioration diffèrent quelque peu en fonction des secteurs, le manque d’opérationnalité des jeunes diplômés fait consensus.

« La formation initiale n’est pas suffisante pour qu’ils puissent exercer pleinement leur métier au sein d’une entreprise, ce qui oblige les entreprises à compléter leur formation par de la formation continue ou interne. De plus, la formation initiale n’est souvent pas assez opérationnelle et incomplète. L’alternance n’est pas assez développée, ce qui fait que les jeunes manquent d’expérience une fois dans l’entreprise. Ils ont un savoir mais ont du mal à le mettre en œuvre. » (Observatoire, Agroalimentaire)

« Les aspects de management ne sont pas terribles à l’école. C’est peut-être ça qui me ferait continuer encore un an car je ne suis pas suffisamment à l’aise pour manager du monde tout de suite. […] Ce qu’on fait en management c’est théorique. Ils ne nous donnent pas suffisamment d’outils. Je sais bien qu’on ne peut pas l’appliquer à l’école. » (Etudiant, Mécanique-métallurgie)

A titre d’exemple, la gestion de projet ou le pilotage économique sont des compétences qui peuvent être difficiles à retrouver chez les jeunes diplômés, compétences par ailleurs de plus en plus recherchées par les entreprises.

« Premièrement, les jeunes formés ne sont pas assez formés sur ces notions transverses. Parfois de très bonnes formations à la technique, aux procédés, à la règlementation…mais sont-ils capables de mener un projet et tout ce que cela implique : planification, KPI13, mode projet multi-services, négocier, piloter, animer, communiquer et présenter, réaliser un audit, étude de criticité, gestion des risques… pas sûr. Par ailleurs, les capacités rédactionnelles sont importantes dans des activités faites de règles. » (Ecole, Industries chimique et pharmaceutique)

« Les jeunes sont de plus en plus généralistes. » (Cabinet de recrutement, Agroalimentaire).

Au-delà des compétences transversales auxquelles les employeurs attachent de plus en plus d’importance, les compétences techniques font parfois défaut. Par exemple, l’école du secteur des industries pharmaceutiques estime que les écoles, et principalement les cursus universitaires, ne disposent pas assez de « plateaux techniques industriels » permettant de former de manière efficiente les étudiants.

« Pour certaines compétences, la formation n’existe pas ou peu (…). On est obligé de se tourner vers la formation interne qui est parfois compliquée à réaliser. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, Industries chimique et pharmaceutique)

De même, dans la métallurgie, les écoles ont tendance à proposer une offre de formation assez large et générale plutôt que des formations spécifiques et plus techniques. Par ailleurs, au niveau national, l’offre de formation des écoles et universités semble manquer de visibilité auprès des entreprises et des étudiants.

« On constate un manque de visibilité au niveau national des offres de formation initiale. » (Ecole généraliste) »

Dans l’agroalimentaire, le souci vient principalement d’un volume de personnes formées insuffisant par rapport aux attentes des entreprises. Des difficultés à remplir les formations existent, soulignant un manque d’attractivité de ce secteur en particulier.

13. Indicateurs clés de performance

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DES CAUSES MULTIFACTORIELLES

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–LA VALORISATION DE LA PRODUCTION EN FRANCE PAR RAPPORT À D’AUTRES PAYS EUROPÉENS–

Les tensions en matière de recrutement dans la production industrielle en France peuvent également être comparées dans un contexte plus international.

Ainsi, alors que l’industrie française souffre d’un manque d’attractivité, l’industrie allemande, souvent citée en comparaison, bénéficie d’une meilleure image, qui permet d’attirer davantage de candidats.

« Ce qui est important, c’est la perception qu’ont les personnes de l’industrie. Si je devais comparer avec l’industrie allemande : prestigieux ; en France : pas du tout. » (Société d’ingénierie, Automobile-aéronautique)

C’est également le cas en Suisse où l’industrie est davantage valorisée qu’en France.

« J’ai mené des enquêtes l’année dernière en Allemagne dans le cadre de la recherche sur la formation des ingénieurs et j’ai des amis qui travaillent en Suisse et qui sont vraiment dans la production, et je le vois bien, c’est très clair, c’est valorisé c’est très valorisé ! » (Ecole, Mécanique-métallurgie)

Des différences se font également ressentir en matière de rémunération. Ainsi, alors que des rémunérations peu avantageuses peuvent expliquer des difficultés de recrutement en France, notamment dans l’agroalimentaire, les salaires dans l’industrie sont réputés plus élevés en Allemagne ou en Suisse. Dans les zones frontalières, ceci peut générer de la concurrence et accroître encore les tensions.

« La perception de la production en Allemagne et en Suisse est totalement différente, ils ont des salaires très très attractifs pour ces fonctions-là, c’est évident. » (Ecole, Mécanique-métallurgie)

« Dans l’Est, beaucoup de jeunes diplômés vont travailler en Suisse. Le salaire y est meilleur du fait du change qui est favorable. » (Ecole, Agroalimentaire)

De plus, alors qu’en France le diplôme joue un rôle essentiel, ceci est nettement moins vrai dans d’autres pays où les qualités personnelles et les compétences transverses semblent être davantage valorisées. Cette moindre prise en compte des diplômes permet également davantage de mobilités professionnelles, notamment ascendantes.

« De plus, les industries suisses ont une approche différente par rapport à la France : il y a davantage de possibilités d’évolution pour arriver à des postes d’encadrement. On peut devenir cadre avec un CAP, alors qu’en France un Bac+5 est demandé. En Suisse, si le diplôme rassure, ce n’est pas une condition sine qua non. En France, il n’y a pas assez de possibilités d’évolution professionnelle, notamment pour passer cadre, dans l’agroalimentaire. Il faudrait qu’ils puissent davantage se projeter. En Suisse, compte-tenu de l’importance de la personne et non du diplôme, il y a un certain nombre de jeunes qui changent de secteur, pour s’orienter vers la chimie, le médical et même l’horlogerie. Ils sont à l’aise avec un microscope ou une loupe. » (Ecole, Agroalimentaire)

« Pour ma part, j’aimerais commencer si possible ma carrière en Allemagne. [Pourquoi ce choix ?] L’industrie est plus active, les perspectives d’emploi y sont plus nombreuses. J’ai fait mon stage chez Bosch pendant 6 mois, et donc j’ai travaillé avec des collègues qui venaient d’Alsace, et ils m’ont tous dit quasiment que si on voulait que ça aille plus vite, et mieux, avec plus d’opportunités, etc., commencer sa carrière, voire faire toute sa carrière, en Allemagne, si on a envie, c’est le top. » (Etudiant, Automobile-aéronautique)

35APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–DES SOLUTIONS OPERATIONNELLES MISES EN OEUVRE–

–4– 36 Le développement de politiques RH spécifiques 38 La diversification des canaux de recrutement 40 L’apprentissage : une solution à développer encore davantage 42 Améliorer la communication pour valoriser l’image

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QUELS MOYENS POSSIBLES POUR RÉDUIRE LES TENSIONS EXISTANTES ?

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

Pour pallier leurs difficultés de recrutement, de manière générale ou pour certains métiers ou compétences spécifiques, l’ensemble des entreprises interrogées, tous secteurs confondus, ont développé des politiques RH s’appuyant notamment sur le recours à la mobilité interne et la gestion des talents.

–LE DEVELOPPEMENT DE POLITIQUES RH SPECIFIQUES–

La mobilité interne semble une solution utilisée par toutes les entreprises rencontrées. Cependant, le degré de recours à la mobilité semble différent en fonction des secteurs étudiés. Si dans les industries agroalimentaires ou dans les Industries chimique et pharmaceutique, le recours à la mobilité interne parait la solution privilégiée pour recruter, avant même la publication d’une offre d’emploi, ceci semble moins vrai dans les secteurs de la métallurgie au sens large, automobile et aéronautique d’une part et mécanique et métallurgie d’autre part.

« Avant d’effectuer un recrutement, priorité est donnée à la mobilité interne. Il y a des possibilités pour progresser, changer de métier ou d’entreprise au sein du groupe. 20 % des postes sont pourvus en interne. » (Producteur de fromages, Agroalimentaire)

« On doit mettre cette offre sur la base interne, ensuite, au bout de 3 semaines/1 mois, ça passe sur notre site entreprise : tout le monde peut voir l’annonce, puis contact avec l’Apec pour mettre sur le site, entre 1 et 2 mois selon l’urgence pour faire d’autres actions en parallèle… » (Equipementier automobile de rang 1 n°1, Automobile-aéronautique)

Ce recours important à la mobilité interne est confirmé par une salariée.

« Le turn-over interne est important, depuis 10 ans j’ai fait 5/6 postes, c’est très appréciable. » (Salariée, Industrie chimique et pharmaceutique)

Dans les industries agroalimentaires, si la mobilité interne est la solution privilégiée pour pourvoir les postes vacants, certaines entreprises cherchent également à recruter en externe pour équilibrer la pyramide des âges mais également pour avoir une vision nouvelle. Dans la pharmacie, c’est plutôt la situation économique du secteur qui fait que le recrutement en interne est privilégié, notamment pour

les sous-traitants, qui sont amenés à devoir limiter leurs coûts et gagner de nouveaux marchés. A l’inverse, dans les entreprises rencontrées de la Mécanique-métallurgie, la mobilité interne semble moins prégnante, peut-être parce que les cadres sont moins nombreux et les métiers et les compétences recherchées très spécifiques.

« C’est difficile de transférer en interne des candidats car il s’agit de postes spécifiques. » (Fabrication de vis et de boulons, Mécanique-métallurgie)

En fonction des secteurs ou des entreprises, la mobilité interne peut être horizontale ou verticale. Alors que dans le secteur des industries agroalimentaires, il est possible pour un non-cadre d’accéder au statut de cadre, cela semble plus compliqué dans l’automobile et l’aéronautique. Ainsi, dans ce dernier secteur, le temps des « ingénieurs maisons » semble désormais fini et le passage à un statut de cadre pour un technicien ou un agent de maîtrise est assez peu fréquent.

« Il y a des possibilité de mobilité interne pour des non-cadres vers des postes de cadres après un parcours de formation. » (Producteur de fromages, Agroalimentaire)

« L’évolution professionnelle existe, sur la population cadre, il y a des promotions notamment dans un même métier par des classifications selon les compétences managériales propres. Les managers d’équipes viennent du terrain. Les techniciens spécialisés (automatismes, électricité) aussi peuvent devenir responsables de service par des parcours de professionnalisation. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, Industries chimique et pharmaceutique)

« Vous avez la génération qui a une soixante d’années : vous avez des gens qui grâce à leur expérience sont montés à ce niveau-là… mais c’est très très rare, aujourd’hui il n’y en a plus du tout. » (Equipementier automobile de rang 1 n°1, Automobile-aéronautique)

37APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

Dans la majorité des entreprises qui la pratique, la mobilité interne semble assez fortement structurée et des parcours d’évolution et de progression existent. Ceux-ci passent par une première phase de repérage. Dans ce cadre, ce n’est pas forcément l’expertise technique qui est recherchée mais le plus souvent la maîtrise de compétences transverses comme le management ou encore la gestion de projet et des compétences comportementales ou soft skills (par exemple la motivation).

« On ne donne pas priorité aux compétences techniques des personnes mais plus à leur engagement, leur motivation et leur dynamique d’apprentissage. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, Industries chimique et pharmaceutique)

Une fois les compétences détectées, des formations sont proposées pour les adapter aux besoins du poste visé. Ces formations s’inscrivent dans des plans de formation qui peuvent être personnalisés pour satisfaire les besoins, ou à l’inverse, intégrés dans des parcours très cadrés et structurés.

« Il y a une forte structuration de la mobilité ascendante au sein de l’entreprise pour accéder au statut de cadre. Il y a des formations avec une période d’adaptation comprise entre 4/6 mois et 1 an où le salarié comme l’entreprise peut se rétracter à tout moment sans perte. Les parcours de formation sont adaptés à chaque situation. » (Meunerie, Agroalimentaire)

« Pour les personnes qui souhaitent se développer de manière pro-active, ou pour celles que l’on a identifiées, on a un processus (…) avec un plan de développement à 3 axes : compétences comportementales, compétences techniques et apport théorique nécessaire ». (Fabrication de préparations pharmaceutiques, Industries chimique et pharmaceutique) Certaines entreprises ont même mis en place une politique de gestion des talents, notamment dans les

secteurs de l’Automobile-aéronautique et des Industries chimique et pharmaceutique. Ainsi, dans l’automobile et l’aéronautique, certaines entreprises mettent en place une politique de gestion des hauts-potentiels, de manière à les fidéliser et à développer leurs compétences, à la fois sur le plan de l’expertise technique et sur le management. Leur parcours d’évolution professionnelle est construit au sein de l’entreprise sur plusieurs années.

« On a chez nous une fois par an un « succession development plan », on revoit l’ensemble des ingénieurs et cadres de tout le groupe et on regarde quelle pourrait être la prochaine position, le « next career step » de chacun des cadres, et si la personne part, celles qui peut la remplacer. Pour chaque poste, on a le nom des personnes qui pourraient remplacer le titulaire actuel, et pour le titulaire ce qu’il peut faire à 2 ans, à 5 ans, à 10 ans. » (Equipementier automobile de rang 1 n°1, Automobile-aéronautique)

« On a un programme de détection des hauts potentiels de l’entreprise, futurs grands leaders de demain, futurs responsables de département, que l’on va faire rentrer dans un processus de formation un peu spécifique. » (Equipementier aéronautique de rang 1, Automobile-aéronautique) « Il y une gestion de talents avec une cartographie des postes : postes à expertise pure et postes de management stratégique et pour chaque poste, on a déterminé les critères indispensables et on a mis en face les personnes cibles. Puis une échelle de temps à 3 niveaux : - les salariés prêts tout de suite, ceux à 2/4 ans et 3/5 ans -, qui est revue tous les 6 mois. On met ces personnes en situation, petit à petit, pour évaluer la personne, si cela correspond aussi à ses attentes. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, Industries chimique et pharmaceutique)

La gestion des talents, cela semble peu développée dans la Mécanique-métallurgie et dans les industries agroalimentaires.

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QUELS MOYENS POSSIBLES POUR RÉDUIRE LES TENSIONS EXISTANTES ?

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–LA DIVERSIFICATION DES CANAUX DE RECRUTEMENT–

Les canaux de recrutement traditionnels, et notamment les offres d’emploi et la cooptation, ne sont pas abandonnés par les entreprises et restent très utilisés, tout particulièrement dans les secteurs des Industries chimique et pharmaceutique ou encore dans l’automobile et l’aéronautique ainsi que la mécanique/métallurgie. Ils sont le plus souvent utilisés dans un second temps, lorsqu’aucune mobilité interne n’est possible.

« Notre processus de recrutement est le suivant : 1. Nous avons pour politique interne de faire passer l’annonce en priorité en interne, mais c’est rare 2. On passe par des prescripteurs, Apec ou Pôle emploi 3. On fait appel à des cabinets de recrutement en dernier recours. » (Fabrication de vis et de boulons, Mécanique-métallurgie)

« Si candidatures Apec, rien, interne, rien : on passe par ces cabinets de recrutements, soit qui marchent à l’exclusivité, soit des cabinets qui font du outsourcing, et payés quand ils ont trouvé le bon candidat. » (Equipementier automobile de rang 1 n° 1, Automobile-aéronautique)

Les entreprises des industries agroalimentaires se distinguent des autres secteurs dans la mesure où elles font quasiment systématiquement appel aux cabinets de recrutement pour leurs recrutements en premier recours.

« Le processus de sourcing est le suivant : sourcing via le site corporate et l’Apec, mais principalement le sourcing se fait via un cabinet de recrutement. » (Producteur de fromages, Agroalimentaire)

« Le recrutement est principalement sous-traité : nous rédigeons une offre d’emploi et c’est le cabinet qui la gère. » (Meunerie, Agroalimentaire)

Plusieurs éléments peuvent expliquer cette tendance au recours croissant aux cabinets de recrutement. Tout d’abord, l’entreprise reporte la gestion de ses difficultés de recrutement sur un autre acteur. Le cabinet de recrutement joue également un rôle de

Les difficultés de recrutement couplées aux innovations technologiques ont modifié en profondeur les processus de recrutement utilisés par les entreprises.

conseil pour les entreprises, permettant ainsi de mieux cibler tout de suite les profils recherchés.

« Elles [les entreprises] ont recours à un cabinet de recrutement soit en première intention ou parce qu’elles rencontrent déjà des difficultés de recrutement. Ainsi, elles reportent leurs difficultés sur le cabinet. En cas de difficultés rencontrées par le cabinet, il informe immédiatement l’entreprise cliente : il y a un vrai rôle de conseil et ce, dès le départ, notamment sur le positionnement de l’offre d’emploi, notamment en termes de salaire. » (Cabinet de recrutement, Agroalimentaire)

« Il arrive que le cabinet de conseil interroge la demande de son client en pointant du doigt que les clients souhaitent un profil bien trop qualifié par rapport au poste qu’ils proposent. » (Cabinet de recrutement)

Néanmoins, certaines entreprises indiquent aussi y faire de moins en moins appel par manque de réactivité de leur part.

« C’était courant de faire appel aux cabinets, ça l’est de moins en moins. Car ils ne sont pas suffisamment réactifs. Il faut 2 mois pour recevoir un CV, le recrutement prend 6 mois, ce n’est pas ce que j’attends… » (Equipementier automobile de rang 1 n°2, Automobile-aéronautique)

Sur des postes critiques, où les compétences recherchées sont très spécifiques ou les tensions très fortes, les cabinets de recrutements sont mandatés pour faire de l’approche directe de cadres en poste.

« Il s’agit d’un poste critique au sein de l’entreprise, en rattachement direct à la PDG [responsable qualité et achats réglementaires]. Mon service regroupe 80 % de l’ingénierie de l’entreprise. Pour ce dernier poste, j’ai été chassé par un cabinet de recrutement. » (Salarié, Fabrication de matériel médico-chirurgical et dentaire)

39APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

Outre les cabinets de recrutement, les sociétés d’ingénierie sont très utilisées, dans la Mécanique-métallurgie et l’Automobile-aéronautique, moins dans les deux autres secteurs. Ainsi, y recourir permet aux entreprises de répondre rapidement au besoin urgent de compétences mais aussi de tester rapidement et « sans prendre de risque » certains salariés, pour les recruter par la suite.

« C’est une sorte de pré-recrutement, c’est surtout une sorte d’alternative plus efficace et plus rapide à la recherche de candidats. C’est malheureux, mais via XXX je vais recevoir des prestataires en 2 semaines, et disponibles rapidement. Quand je vais passer via l’Apec ou Cadremploi, ou même un cabinet de recrutement, il va falloir plusieurs semaines ou plusieurs mois pour recruter… ça va beaucoup plus vite ». (Equipementier Automobile de rang 1 n°2, Automobile-aéronautique)

« Les cabinets de prestation de services, c’est aujourd’hui la principale source, ils sont limite considérés comme un cabinet de recrutement. On appelle yyy, xxx, ils ont un vivier supérieur à tous les cabinets de recrutement : dans les forums, il y a une queue impressionnante dans leur stand, comparé au nôtre… Grâce à ça, la personne fait un an ou X mois chez nous, elle fait ses preuves et on l’embauche après. » (Equipementier Automobile de rang 1 n°1, Automobile-aéronautique)

« Je peux facilement trouver chez des prestataires des compétences particulières et très opérationnelles qui peuvent faire défaut dans mon équipe. » (Salarié, Industries chimique et pharmaceutique)

Dans la chimie ou la pharmacie, les entreprises recourent assez peu aux sociétés d’ingénierie, notamment par peur de la concurrence. Dans l’agroalimentaire, ceci s’explique plutôt par le fait que les marges sont faibles et que les entreprises préfèrent, pour des questions de coût, internaliser au maximum l’ensemble de leurs fonctions de production. Néanmoins, occasionnellement, certaines entreprises peuvent y avoir recours. C’est par exemple le cas d’une entreprise dans l’agroalimentaire souhaitant tester une nouvelle organisation logistique en recourant à de la supply chain. Pour les salariés, et tout particulièrement les jeunes diplômés, travailler dans une société d’ingénierie leur permet de tester différents secteurs d’activité,

différents métiers ou organisations et de voir là où ils se sentent le plus à l’aise.

« C’est justifié par le fait que parfois les jeunes diplômés ne savent pas où ils veulent aller, dans quel secteur, c’est ce que leur permet les sociétés de prestation : faire leurs armes dans différents secteurs, une fois qu’ils se sont trouvés, ils basculent… un premier sas pour entrer dans la vie active… très courant chez des jeunes ingénieurs. » (Equipementier Automobile de rang 1 n°1, Automobile-aéronautique)

En complément des cabinets de recrutement ou des sociétés d’ingénierie, les réseaux professionnels locaux (clubs RH par exemple), les observatoires de branche et les OPCA (organisme paritaire collecteur des contributions des entreprises d’une branche pour la formation continue) peuvent également être une aide au recrutement pour les entreprises. C’est notamment le cas dans les Industries chimique et pharmaceutique où il est fréquent que les entreprises travaillent étroitement avec le LEEM (Entreprises du médicament, qui regroupe les entreprises du secteur de l’industrie pharmaceutique) pour la recherche de cer tains prof i ls t rès spécif iques. Dans l’agroalimentaire, les entreprises travaillent avec l’OPCA essentiellement pour le recrutement d’apprentis ou encore pour proposer des formations complémentaires à des salariés nouvellement embauchés (par exemple dans le cadre de la Préparation Opérationnelle à l’Emploi - POE). En complément des canaux de recrutement plus traditionnels, les réseaux sociaux sont de plus en plus utilisés par les recruteurs, que ce soit à des fins de recrutement ou pour communiquer, et ce aussi bien directement par les entreprises que par les cabinets de recrutement ou les sociétés d’ingénierie. Néanmoins, le degré de recours semble différent en fonction des secteurs d’activité considérés : incontournable dans l’aéromobile-aéronautique, moins fréquent dans l’agroalimentaire.

« On utilise beaucoup les réseaux sociaux, Viadeo, LinkedIn, réseaux pros intéressants… » (Société d’ingénierie, Automobile-aéronautique)

« Les réseaux sociaux qu’on développe de plus en plus (LinkedIn…), on met des annonces, un des leviers sur lequel on travaille de plus en plus. » (Equipementier automobile de rang 1 n°1, Automobile-aéronautique)

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QUELS MOYENS POSSIBLES POUR RÉDUIRE LES TENSIONS EXISTANTES ?

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

« Je pense que les réseaux sociaux, LinkedIn et tout ça c’est une bonne solution aussi, ça permet de voir autrement les gens. Ce sont des recrutements un peu plus interactifs. » (Salarié, Industries chimique et pharmaceutique).

Quant aux étudiants, à ce stade de leur cursus, ils utilisent volontiers les réseaux sociaux, professionnels ou non, plutôt que les sites d’emploi classiques. Ces

canaux présentent un certain nombre d’avantages : interface plus facile d’accès, démarche plus rapide, transparence par rapport aux profils… « Je connais LinkedIn, je vais régulièrement sur les sites des grands constructeurs, etc., voir ce qu’ils proposent, Pôle Emploi, la recherche sur Internet… » (Etudiant, Automobile-aéronautique)

–L’APPRENTISSAGE : UNE SOLUTION À DÉVELOPPER ENCORE DAVANTAGE–

L’ensemble des acteurs, tous secteurs confondus, vantent les mérites de l’apprentissage qui permet notamment aux entreprises de se constituer un véritable vivier de candidats en vue de futurs recrutements.

Dans le secteur des Industries chimique et pharmaceutique, l’apprentissage semble particulièrement développé.

« Apprentissage, alternance, c’est aussi une voie de pré-recrutement. C’est un vivier existant que l’on utilise. 46 % des recrutements de jeunes diplômés sont des conversions de stagiaires/alternants en CDD ou CDI. » (Fabrication d’autres produits chimiques organiques de base, Industries chimique et pharmaceutique)

« On a une politique forte sur le site d’accueil de stagiaires et d’alternants car cela constitue le vivier de compétences de demain : environ 100 stages par an, entre 40/50 alternants par an avec un focus sur les métiers en tension ! Les contrats d’apprentissage sont favorisés par rappor t aux contrats de professionnalisation car ce dernier est assimilé à un CDD donc il y a délai de carence donc c’est impossible de proposer un poste en CDD après. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, Industries chimique et pharmaceutique)

« Les jeunes diplômés, c’est plus facile, on a un vivier : on est à 6 % d’apprentissage, on a des stagiaires en permanence. Le recrutement des jeunes ingénieurs se

fait beaucoup plus simplement via les anciens apprentis ou anciens stagiaires… » (Equipementier automobile de rang 1 n°1, Automobile-aéronautique)

Il en est de même pour les sociétés d’ingénierie qui misent beaucoup sur l’apprentissage.

« On a aujourd’hui une personne qui s’occupe à temps plein des apprentis et des relations écoles. » (Société d’ingénierie, Automobile-aéronautique)

Un étudiant fait le parallèle entre l’apprentissage en France et en Allemagne, qui devrait servir d’exemple.

« En Allemagne, l’apprentissage est très valorisé. Ils encouragent les jeunes à faire de l’alternance et à travailler en production. » (Etudiant, Mécanique-métallurgie)

L’apprentissage permet aux jeunes diplômés de gagner en maturité et en opérationnalité, les compétences acquises à l’école étant jugées parfois trop théoriques par les entreprises. Le cursus d’apprentissage dans les écoles d’ingénieurs se déroule généralement sur 3 ans. Ces années permettent une progression dans l’acquisition, le développement des connaissances, des compétences…

41APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

des élèves ingénieurs. Par ailleurs, les missions et les responsabilités qui leur sont confiées évoluent pendant ces années d’apprentissage : elles sont de plus en plus intéressantes et importantes. Cela permet aussi aux entreprises de travailler avec des personnes qu’elles connaissent déjà et qui connaissent « la maison », les procédures, la culture etc. Dans un contexte où les difficultés de recrutement sont importantes, nombreuses sont les entreprises à utiliser l’apprentissage comme mode de pré-recrutement.

« L’apprentissage est aujourd’hui une vraie voie ! Cela permet de vérifier le savoir-être, le niveau de maturité du jeune et sa capacité à mettre en œuvre des plans d’action. Il y a aujourd’hui un problème de formation générale des jeunes. » (Production de fromages, Industries Agroalimentaires)

« Je trouve ça génial. Justement, ça fait que les ingénieurs qui sont passés par l’apprentissage ont un meilleur esprit d’équipe. L’ingénieur qui passe par l’apprentissage sera deux fois plus compétent » (Salarié, Automobile-aéronautique)

L’alternance est plébiscitée par les entreprises rencontrées comme une solution au manque d’opérationnalité évoqué précédemment et n’est, par conséquent, pas assez développée.

« La formation initiale n’est pas suffisante pour qu’ils puissent exercer pleinement leur métier au sein d’une entreprise, ce qui oblige les entreprises à compléter leur formation par de la formation continue ou interne. De plus, la formation initiale n’est souvent pas assez opérationnelle et complète. L’alternance n’est pas assez développée, ce qui fait que les jeunes manquent d’expérience une fois dans l’entreprise. Ils ont un savoir mais ont du mal à le mettre en œuvre. » (Observatoire, Agroalimentaire)

Dans certains secteurs, les acteurs déplorent que l’apprentissage soit moins développé pour les étudiants qui se destinent à être cadres par rapport aux techniciens ou ouvriers. C’est notamment le cas dans les industries agroalimentaires ou encore dans la Mécanique-métallurgie.

« L’entreprise est favorable à l’apprentissage mais on a plutôt des profils ouvriers, employés ou agents de maîtrise. On n’a pas de candidat aujourd’hui pour de

l’apprentissage sur des profils cadres. » (Meunerie, Industries Agroalimentaires)

L’apprentissage est d’autant plus valorisé par les entreprises qu’y recourir est particulièrement intéressant d’un point de vue fiscal. Les écoles n’ont donc apparemment aucun mal à trouver des entreprises d’accueil pour leurs étudiants. Quant aux étudiants, l’apprentissage leur permet de faciliter leur insertion professionnelle.

« Au niveau de l’alternance ce n’est pas un problème pour trouver parce que c’est une forme de défiscalisation pour les entreprises, il ne faut pas se leurrer. Le contrat d’alternance ce n’est jamais un souci, le contrat d’embauche à la sortie, c’en est plus un mais là il y a deux ans on avait 100 % de nos ingénieurs qui avaient trouvé en moins de 6 mois. Cette année on était à 90 % d’embauchés avant la fin de leur cursus, les autres 10 % embauchés moins de 3 mois après leur diplôme. Cette année, 3 sur 33 qui étaient en recherche d’activité. Ce sont de très bons chiffres malgré des secteurs pas faciles. » (Ecole, Mécanique-métallurgie)

L’intérêt de l’apprentissage est également pour les entreprises comme les écoles de tisser des liens forts entre elles. Ceci peut se traduire par la participation des entreprises aux contenus des formations pour les adapter davantage à leurs besoins sur le terrain. C’est notamment le cas dans l’automobile et l’aéronautique. Il est également à noter le rôle citoyen de certaines entreprises ayant recours aux contrats d’apprentissage. Ainsi, certaines entreprises estiment qu’elles ont un rôle de formation à remplir auprès des étudiants même si elles savent, lorsqu’elles choisissent de prendre des apprentis, qu’elles ne les recruteront pas à l’issue du contrat d’apprentissage. Elles perdent ainsi les bénéfices de l’investissement qu’elles ont fourni en formant ces jeunes.

« Pour les PME, l’apprentissage est culturel : elles savent que le jeune va aller ailleurs à l’issue de son apprentissage, faute de place dans l’entreprise. Mais elles jouent le jeu par rapport à un secteur professionnel (notamment par rapport à d’autres secteurs). » (Ecole, Agroalimentaire)

Ainsi, de l’avis général, l’apprentissage devrait être davantage développé dans les formations qui présentent des débouchés vers des postes de cadres.

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QUELS MOYENS POSSIBLES POUR RÉDUIRE LES TENSIONS EXISTANTES ?

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–AMÉLIORER LA COMMUNICATION POUR VALORISER L’IMAGE–

Alors que les difficultés de recrutement peuvent résulter, comme vu précédemment, d’un déficit d’image, de l’industrie et de la production industrielle en général, ou plus spécifiquement du secteur d’activité ou de l’entreprise, tous les acteurs cherchent à améliorer leur communication et développer leur image. Cela peut se faire à plusieurs niveaux, de l’observatoire, en passant par les entreprises elles-mêmes ou les écoles et sur plusieurs thématiques comme l’industrie en général, la production industrielle et ses différents métiers ou encore les secteurs d’activité et l’entreprise.

De nombreux travaux sont réalisés au niveau des branches pour promouvoir leur secteur d’activité et les métiers associés.

« L’observatoire y contribue notamment à travers la cible étudiant et les partenaires sociaux notamment : les métiers, les vidéos métiers, les brochures métiers. L’observatoire cible la filière des jeunes au lycée qui sont encore en découverte des métiers pour communiquer très en amont de l’orientation et pourquoi pas faire émerger des parcours, travaille en étroite collaboration avec les académies et les conseillers d’orientation. » (Observatoire, Industries chimique et pharmaceutique)

« L’UIMM a un budget très important en termes de communication (kit métier, caravane des métiers, CFA, salon des métiers, vis ma vie). » (Observatoire, Mécanique-métallurgie & Automobile-aéronautique)

Néanmoins, la communication concernent surtout des postes à des niveaux de qualifications moindres, ouvriers ou agents de maitrise , plutôt que les postes cadres.

« Il faudrait améliorer l’image du secteur et des métiers. Faire plus de vidéos métiers et les diffuser sur le site carrières et auprès des jeunes diplômés. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, Industries chimique et pharmaceutique)

Du côté des entreprises, pour remédier au fait qu’un certain nombre d’entre-elles ne sont pas connues des candidats potentiels, notamment les équipementiers ou encore les entreprises en « B to B » qui n’ont pas un accès direct au consommateur final, nombreuses sont celles qui essaient de développer leur marque employeur pour se faire davantage connaître.

« Un travail est en cours sur la notoriété avec une marque employeur pour que le consommateur final nous connaisse. » (Meunerie, Agroalimentaire)

Cette question de la notoriété semble particulièrement essentielle dans la pharmacie, pour les entreprises sous-traitantes.

« On sait où aller chercher les candidats… tant que la dynamique xxx demeure ! Plus tard, il est possible qu’il y ait plus de difficultés car les sous-traitants ne sont pas connus du grand public. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, sous-traitants de produits cosmétiques, Industries chimique et pharmaceutique)

Dans l’ensemble des secteurs, la communication d’entreprise passe par des visites d’usine, la participation à des forums et salons, permettant notamment d’attirer des jeunes, ou encore par une visibilité de plus en plus forte sur les réseaux sociaux.

« Il y a une grande méconnaissance de ce qu’est un moulin : on imagine un moulin avec ses ailes mais pas une industrie fortement automatisée : 100 000 capteurs, commandes automatisées… L’entreprise fait pourtant beaucoup de visites d’usines. » (Meunerie, Agroalimentaire)

« On utilise le réseau LinkedIn mais plus pour de la communication pour montrer la représentativité de nos métiers. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, Industries chimique et pharmaceutique)

« Les entreprises doivent se déplacer sur les salons pour être visibles et attirer les jeunes notamment, présenter l’entreprise, les parcours, les projets. » (Ecole, Industries chimique et pharmaceutique)

43APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

« On a des partenariats avec les écoles, historiquement 5-6 grandes écoles cibles : faire visiter par des étudiants l’entreprise, leur consacrer 1 à 2 journées par an, mettre nos offres de stage, le projet de fin d’études, forums recrutements… Ma collègue va souvent à Lille faire des interventions à l’ENSAM pour présenter le groupe, les perspectives d’évolution, les embauches, etc., pour créer un dynamisme annuel avec ces écoles. » (Equipementier automobile de rang 1 n°1, Automobile-aéronautique)

« Il faudrait réussir à mettre en avant les métiers qui recrutent. Comme l’armée, ils font de belles campagnes de pub. On pourrait faire pareil pour les métiers de la production. Il faut faire quelque chose d’attrayant, qui donne envie aux jeunes d’y aller. Quand on ne connait pas le milieu, ça ne donne pas envie d’y aller aujourd’hui. » (Etudiant, Mécanique-métallurgie)

Les entretiens effectués soulignent que quand les étudiants découvrent un peu plus la « réalité » du travail en production, à l’occasion de stage ou dans des enseignements de leur école d’ingénieur, l’image qu’ils en ont peut changer, au bénéfice de cette fonction.

« En fait, la production c’est trouver des solutions pour produire plus, produire mieux… La R&D on est plus loin du produit final… » (Etudiant, Automobile-aéronautique)

« Mon stage avait l’avantage d’être sur le terrain. J’étais surpris que ce soit aussi intéressant. Ce qui m’a vraiment plu, c’est que c’était vivant tous les jours. On arrive le matin, et on ne sait pas ce qui va se passer dans la journée. On a toujours un programme établi, mais il y a des faits aléatoires qui viennent, il faut toujours trouver la solution la plus adaptée, la plus rapide, la plus efficace. » (Etudiant, Automobile-aéronautique)

« L’image de quelqu’un qui gère une ligne et la gère bien avec ses équipes, je la trouve plus glorifiante que celui qui a conçu telle pièce qui fait que ce moteur est magnifique. Au quotidien, quand on gère bien son équipe, c’est plus gratifiant. » (Etudiant, Automobile-aéronautique) « On a des cours de qualité, c’est un cours de production qui est un peu caché, un professionnel qui est venu pour nous parler de la qualité, surtout sur une ligne de production, avec lui qui a une grosse expérience. J’ai pu me rendre compte de l’importance que ça pouvait avoir une ligne de production et du travail que ça pouvait représenter » (Etudiant ingénieur Automobile et Transport, Automobile-aéronautique).

« Pas mal d’étudiants, je pense, ont été surpris par ce qu’étaient les métiers de la production, de la qualité, etc., justement, avec ce professionnel qui est venu, on s’est rendu compte que ça pouvait être bien. » (Etudiant ingénieur Automobile et Transport, Automobile-aéronautique)

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QUELS MOYENS POSSIBLES POUR RÉDUIRE LES TENSIONS EXISTANTES ?

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

45APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

46 Éléments de contexte sectoriel 47 Diagnostic des difficultés de recrutement 50 Causes et conséquences des difficultés de recrutement 54 Solutions mises en œuvre 56 Parcours professionnels de cadres de la production : exemples de

trajectoires et perceptions sur les difficultés de recrutement

–MONOGRAPHIE SECTORIELLE : LA MÉCANIQUE-MÉTALLURGIE–

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MONOGRAPHIE SECTORIELLE : LA MÉCANIQUE-MÉTALLURGIE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–ÉLÉMENTS DE CONTEXTE SECTORIEL–

–QUELQUES CHIFFRES –

En 2015, le secteur de la Mécanique-métallurgie représentait 650 000 salariés14 soit une partie non négligeable (21 %) de l’emploi industriel français. Toutefois, à l’instar de l’ensemble de l’industrie, sa taille s’est réduite d’année en année : de 2009 à 2015, le volume d’emplois a diminué de 8 %. Les entreprises de ce secteur se concentrent principalement dans les activités mécaniques (Métallerie et fabrication d’équipement) tandis que le secteur de la métallurgie ne représente que 13 % de la Mécanique-métallurgie. Cette filière s’articule autour de trois activités principales : la métallurgie, le travail des métaux, la fabrication de machines et d’équipements. Pour 2016, les entreprises prévoient une hausse de leurs recrutements de cadres, avec des volumes d’embauche situés entre 7 100 et 6 30015 (contre 6 600 embauches en 2015) dont 20 % en production industrielle (+2 points) et 16 % dans les services techniques (-1 point par rapport à 2015). La Mécanique-métallurgie est le premier secteur recruteur de cadres par rapport aux autres secteurs industriels, soit 26 % du total des recrutements cadres industriels en 2015. Comparativement aux autres secteurs industriels, le secteur emploie moins de jeunes diplômés (13 % contre 15 %), favorisant davantage les cadres de 6 à 10 ans d’expérience (31 % contre 26 % dans l’industrie). Les profils commerciaux sont particulièrement recherchés dans ce secteur (29 % des recrutements cadres), suivis des cadres de production industrielle et chantier (21 %) et des cadres de la fonction études-R&D (20 %)16.

–LES PRINCIPAUX ENJEUX –

Les entreprises du secteur Mécanique-métallurgie doivent faire face à plusieurs enjeux, de compétitivité, d’innovation et de développement à l’international. En termes de compétitivité, la transformation des matières premières est très liée aux fluctuations du cours des différents marchés, notamment de l’acier.

La montée des prix des matières premières et la raréfaction de certaines ressources pèsent sur les coûts de production. En outre, les entreprises du secteur sont confrontées à la concurrence de plus en plus forte des pays émergents, qui gagnent en compétences et en technicité sur les produits à haute valeur ajoutée. L’innovation est dès lors un levier essentiel pour améliorer sa compétitivité, et gagner des parts de marché notamment à l’international. Pour renforcer leur présence sur les marchés en croissance et élargir leurs débouchés, les entreprises du secteur sont amenées à revoir leur offre, en proposant de nouveaux produits et des services complémentaires aux clients (formation, conseil, maintenance). Les entreprises du secteur doivent en outre répondre à la montée des préoccupations environnementales et au renforcement de la réglementation en termes de QHSE (qualité, hygiène, sécurité, environnement). Ces changements nécessitent une nouvelle organisation de la chaîne de valeur. Les entreprises entreprennent une modernisation et une automatisation de leur appareil productif pour gagner en productivité et en efficacité, par exemple à travers la mise en place du Lean Manufacturing. La traçabilité des produits est notamment devenue un enjeu crucial dans la réorganisation de la production. Ces transformations impactent les fonctions et les compétences requises de la part des salariés. Les compétences techniques attendues sont notamment plus élevées. Dans la fonction production, les compétences demandées sont de plus en plus nombreuses et diversifiées. Certaines compétences transverses sont désormais requises pour les postes de cadres, comme la gestion et l’optimisation des stocks, la relation clients, ou encore la gestion de projet.De plus, l’internationalisation des marchés et les mouvements de fusion-acquisition façonnent les attentes des entreprises. Les cadres de la production industrielle et des services techniques sont amenés à être plus polyvalents, bilingues (voire trilingues), à posséder un excellent bagage technique et à détenir de bonnes compétences managériales.

« Les entreprises doivent avoir, ce que l’on appelle, la compétence magique : être techniquement super doué, avoir un charisme de fou et être un bon manager. » (Observatoire, Métallurgie)

14. Acoss15. Perspectives de l’emploi cadre

2016, Apec, février 201616. Etre cadre aujourd’hui dans

l’industrie : caractéristiques et perspectives d’emploi cadre, Apec, mars 2015

47APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

Toutefois, la visibilité sur l’activité étant relativement restreinte, les entreprises ont des difficultés à anticiper leurs besoins en main-d’œuvre.

Les besoins des entreprises en recrutement de cadres tendent à s’accroître dans le secteur de la Mécanique-métallurgie, en lien avec l’élévation du niveau de compétences attendu dans l’ensemble des fonctions.

–DIAGNOSTIC DES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT–

Certaines entreprises déclarent peu de difficultés de recrutement au premier abord. Pourtant, en approfondissant la question, des tensions sont évoquées sur certains postes. Des difficultés de recrutement apparaissent notamment pour les postes d’ingénieurs avant-projets (sur la partie conception). La fonction conception tend en outre à prendre de plus en plus d’importance dans le secteur Automobile-métallurgie, en réponse aux forts enjeux d’innovation dans les produits et procédés de fabrication.

« Nous avons quelques difficultés de recrutement sur le poste d’ingénieur avant-projet. Dernièrement, nous avons fait des propositions contractuelles auprès de quatre personnes, les quatre ont décliné l’offre. » (Fabrication d’autres articles métalliques, Mécanique-métallurgie)

Des difficultés sont également rencontrées pour recruter des ingénieurs achats. La fonction achats prend une dimension de plus en plus stratégique du fait de la forte pression sur les coûts pour préserver la compétitivité.

« Nous avons un poste cadre qui est très soumis à tension : le poste d’acheteur. Nos acheteurs ont un

Le niveau de tension ressenti par les recruteurs sur les postes de cadres de la production industrielle et des services techniques est d’autant plus élevé qu’il s’agit de fonctions essentielles au sein de leur organisation. Ceci conduit les recruteurs à formuler de fortes exigences vis-à-vis des candidats, de plus en plus difficiles à satisfaire. Les entreprises interrogées évoquent des tensions en matière de recrutement, mais peu suivent des indicateurs pour les mesurer. Des marqueurs de tension sont toutefois évoqués : nombre de CV reçus, nombre de CV pertinents, délai pour pourvoir un poste, appel ou non à un cabinet de recrutement… Les difficultés soulignées sont aussi relatives au manque de solidité des candidatures reçues.

bagage technique, couplé à des formations en achats. On sait qu’il y a des tensions sur le marché. » (Fabrication de machines pour les industries du papier et du carton, Mécanique-métallurgie)

Lorsque l’on approfondit la nature des difficultés rencontrées, quelques compétences en tension sont souvent évoquées. Les compétences dites techniques sont généralement jugées satisfaisantes. Les formations généralistes d’ingénieur procurent en effet un enseignement technique plébiscité par les entreprises.

Certains recruteurs déplorent également une inadéquation des candidatures reçues par rapport aux exigences décrites dans l’offre d’emploi.

« La difficulté que j’ai rencontrée, c’est que les candidats ne lisent pas l’offre, en termes de langues par exemple. » (Fabrication de vis et de boulons, Mécanique-métallurgie)

« Les gens restent en veille, ils répondent aux offres mais ils ne concrétisent pas forcément. Ils testent le marché. » (Fabrication d’autres articles métalliques, Mécanique-métallurgie)

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MONOGRAPHIE SECTORIELLE : LA MÉCANIQUE-MÉTALLURGIE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

Les compétences linguistiques

Les exigences linguistiques des entreprises sont de plus en plus pointues. D’une part, les groupes s’internationalisent et instaurent des modes de communication interne essentiellement anglophones.

« On fait partie d’un groupe suisse, à Lausanne, donc on pourrait se dire que les échanges sont en français. Mais non, c’est beaucoup en anglais. Les autres sites de production sont en Allemagne, en Italie, en Chine, en Inde… Donc sur un certain nombre de postes cadres, on a des exigences en anglais. » (Fabrication de machines pour les industries du papier et du carton, Mécanique-métallurgie)

La maîtrise de l’anglais, et surtout de l’anglais technique, s’impose comme un critère de sélection non négociable lors du recrutement d’un cadre.

« Au minimum, on attend une bonne maîtrise de l’anglais. Même si le niveau d’anglais s’améliore chez les jeunes ingénieurs, mais ça reste encore parfois un souci. Il y a des candidats avec lesquels on ne peut pas aller plus loin car ils n’ont pas le niveau d’anglais. Par exemple, pour prendre le poste d’ingénieur avant-projet, ils ne sont pas loin de 75 à 80 % de leur temps en conférence téléphonique en anglais. Si on peut trouver des germanophones c’est encore mieux. Mais ça, c’est très compliqué. » (Fabrication d’autres articles métalliques, Mécanique-métallurgie)

D’autre part, la composition de la clientèle et des fournisseurs de l’entreprise a aussi une empreinte très forte sur certains postes. Par exemple, la capacité à parler anglais peut être essentielle dans le quotidien d’un ingénieur achats ou d’un ingénieur commercial.

« Les acheteurs vont sourcer à l’international donc là, c’est clairement inhérent à leur poste. Pour les postes d’acheteurs, il y a une partie du processus de recrutement qui va se dérouler en anglais. » (Fabrication de machines pour les industries du papier et du carton, Mécanique-métallurgie)

Enfin, selon les marchés détenus par l’entreprise, une troisième langue peut être un véritable atout voire un critère de sélection : l’allemand est d’ailleurs obligatoire dans certaines entreprises du secteur.

« Chez nous, un ingénieur commercial a en charge une zone du monde. Donc évidemment la personne qui va être

en charge de l’Italie et de l’Allemagne, si elle parle une troisième langue, c’est plus facile pour entrer en contact avec nos clients. » (Fabrication de machines pour les industries du papier et du carton, Mécanique-métallurgie)

Ainsi, une entreprise dans la fabrication de vis et de boulons évoque le recrutement d’un ingénieur allemand, formé au français.

« Par exemple, nous avons engagé un ingénieur allemand parfaitement bilingue anglais. La personne parlait très peu français mais ça a été plus simple dans ce sens puisque l’environnement l’a vite monté en compétences en français. » (Fabrication de vis et de boulons, Mécanique-métallurgie)

Au-delà de la maîtrise d’une ou plusieurs langues étrangères, la capacité à gérer le multiculturalisme est de plus en plus recherchée par les entreprises. Le poste de cadre en production industrielle et services techniques est un pivot de ces organisations multiculturelles et polyglottes.

« Des entreprises nous ont demandé d’engager une réflexion sur le multiculturel. Vous avez des gens qui travaillent avec l’Inde, la Nouvelle-Zélande. La culture n’est pas la même, il faut chercher à comment travailler ensemble. » (Ecole, Mécanique-métallurgie)

Les compétences managériales et comportementales

Les compétences managériales sont de plus en plus demandées chez les ingénieurs généralistes, en particulier dans la fonction de production industrielle : coordonner et mobiliser les équipes sont des activités que l’ingénieur doit intégrer rapidement. Le métier d’ingénieur en production industrielle est un métier de contacts humains, qui nécessite le sens du relationnel et une forte capacité d’adaptation pour dialoguer avec différents services et interlocuteurs (techniciens, ouvriers, ingénieurs, etc.).

« On recherche des compétences techniques, couplées à des compétences de manager. On est passé d’une époque où le manager était un bon technicien, à une époque où le manager est aussi un mobilisateur de ressources humaines. Le pan technique est couplé avec un pan managérial. » (Fabrication de machines pour les industries du papier et du carton, Mécanique-métallurgie)

49APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

Les entreprises du secteur mettent en avant la polyvalence et la place du cadre ingénieur dans l’organisation de l’entreprise. Ces derniers sont des pivots dans la production, il s’agit d’une posture particulière, exigeante auprès des subordonnés et des supérieurs.

« Les postes de cadre sont uniques : nous n’avons qu’un seul ingénieur développement, un seul ingénieur qualité. Il a une place particulière, charnière pour l’organisation et ça compte. » (Fabrication de vis et de boulons, Mécanique-métallurgie)

Les compétences managériales sont souvent désignées comme source de tension lors des recrutements des cadres de production industrielle. Ainsi, certaines écoles intègrent des modules de formation pour développer ces compétences chez leurs étudiants, mais elles ne peuvent pas totalement satisfaire les besoins opérationnels des entreprises.

« De toute façon, je ne crois pas au management dans les écoles. Le management ça s’apprend avec l’expérience, il n’y a pas de secret. » (Fabrication de vis et de boulons, Mécanique-métallurgie)

L’orientation vers des fonctions de cadre en production industrielle ne dépend pas seulement de l’attractivité de l’environnement de travail mais également de la nature même de l’activité, qui se caractérise par cette forte dimension managériale.

[Pourquoi il y a peu de mobilités entre les services techniques et la production industrielle ?] « Ce n’est pas le même type de personne, le même type de profil, dans la production, il faut aimer le contact humain, l’opérationnel, c’est une posture totalement différente. » (Fabrication d’autres articles métalliques, Mécanique-métallurgie)

S’agissant des compétences comportementales, les acteurs de la Mécanique-métallurgie mettent aussi en avant des exigences de plus en plus élevées.Plus précisément, les entreprises attendent des cadres des qualités relationnelles, une forte implication ainsi qu’une capacité d’adaptation à la diversité des interlocuteurs.

« S’il y a des manques purement techniques, nous pouvons former la personne sur place à partir du moment où l’on détecte une véritable envie, une

motivation. » (Fabrication de vis et de boulons, Mécanique-métallurgie)

La connaissance des outils et des procédés d’amélioration continue

La connaissance des outils d’amélioration continue et du « lean management » par les candidats est aussi de plus en plus attendue par les entreprises, qui cherchent à rationaliser leurs processus de production. Les recruteurs se tournent notamment vers des profils de cadres issus de l’industrie automobile pour trouver ces compétences.

« L’évolution de notre organisation industrielle a eu un fort impact chez nous. On est passé d’un système d’îlots de production autonomes à des lignes de flux donc du lean management. L’équipe n’était pas outillée là-dessus, donc ça a impacté nos recrutements au sein de la direction industrielle. Nous sommes en train de faire évoluer notre organisation industrielle pour rationaliser nos surfaces, et donc optimiser nos process. Cette évolution impacte notre organisation, et les compétences requises. On a des besoins sur la partie méthodes, des ingénieurs méthodes, et sur la partie amélioration continue et lean. La connaissance des outils d’amélioration continue, on va souvent la trouver chez des gens qui ont travaillé dans l’automobile. » (Fabrication de machines pour les industries du papier et du carton, Mécanique-métallurgie)

Cette ouverture aux profils issus du secteur de l’Automobile nécessite toutefois de s’assurer de l’adaptabilité des candidats au « monde » de la Mécanique-métallurgie et à la culture de ce secteur.

« Mais cette ouverture à des profils de l’Automobile, ça nécessite aussi d’arriver à déceler pendant l’entretien de recrutement, l’adaptabilité de la personne pour qu’elle passe d’un monde à un autre, avec une culture différente, d’outils parfois poussés à l’extrême dans l’Automobile. Nous, on a besoin d’avoir le sens, mais pas dans le même degré de précision. Quand on fait aujourd’hui la gestion de nos temps standards, dans l’Automobile, ils vont être à la seconde, voire au dixième de seconde, nous on est encore au quart d’heure, à la demi-heure, voire à l’heure. Il faut qu’ils aient leurs outils, mais aussi qu’ils aient la finesse d’appréciation pour ne pas arriver avec les outils bille en tête, sans prendre en compte le besoin et la culture de l’entreprise. » (Fabrication de machines pour les industries du papier et du carton, Mécanique-métallurgie)

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MONOGRAPHIE SECTORIELLE : LA MÉCANIQUE-MÉTALLURGIE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

La recherche de polycompétence

La polycompétence est de plus en plus recherchée par les entreprises. Il est attendu des candidats qu’ils détiennent une solide formation technique, couplée d’une spécialisation (amélioration continue, commerce, achats, qualité…) et de compétences managériales. Cette recherche de candidats polycompétents peut être source de tension. Les entreprises soulignent en effet la rareté de ces profils.

–LE DÉFICIT D’ATTRACTIVITÉ DES POSTES D’INGÉNIEUR DE « TERRAIN » VIS-À-VIS DES INGÉNIEURS DE « BUREAU » –

Les ingénieurs dans la Mécanique-métallurgie sont le plus souvent issus d’une formation d’ingénieur généraliste ce qui rend possible un choix varié d’orientation entre différentes familles de métiers et de secteurs, en fonction de leur intérêt, des débouchés et de la rémunération proposée. Or, les jeunes diplômés se tourneraient plus volontiers vers les métiers de la conception, de la recherche et du développement, au détriment de ceux en production industrielle. Les postes d’ingénieurs en bureau d’études sont souvent associés à une rémunération plus importante, ce qui représente un critère important dans le choix d’orientation professionnelle des étudiants. De plus,

« On recherche la combinaison d’un cursus technique, couplé d’une formation en amélioration continue pour certains postes, ou d’une formation en achats. On recherche cette combinaison, couplée aussi avec une partie managériale. C’est cette combinaison des trois, qui fait que parfois on va mettre du temps à trouver le collaborateur que l’on veut. Et il faut qu’on arrive à prioriser nos critères dans le même sens, RH et opérationnels, pour trouver le collaborateur adéquat. » (Fabrication de machines pour les industries du papier et du carton, Mécanique-métallurgie)

–CAUSES ET CONSÉQUENCES DES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT–

Les acteurs interrogés évoquent différentes causes à l’origine des difficultés de recrutement pour certains postes en production industrielle et services techniques : • un déficit d’attractivité des postes d’ingénieur de « terrain » vis-à-vis des ingénieurs de

« bureau »,• une méconnaissance du secteur et de l’environnement industriel, • la localisation géographique des sites de production, • une offre de formation à parfaire.

l’environnement de travail des ingénieurs de terrain est réputé plus difficile, ce qui peut décourager certains étudiants. L’ingénieur de terrain est en effet amené à se rendre sur les lieux de production, parfois bruyants et peu chauffés, par exemple pour intervenir directement sur les machines. Il est aussi directement en contact avec les techniciens et ouvriers des sites de production, et doit pouvoir manager une diversité de profils. L’appétence pour la dimension managériale est primordiale pour occuper un poste sur un site industriel.

« Il y en a beaucoup [apprentis ingénieurs] qui vont là où il y a le salaire. Ils ne veulent pas se salir les mains. » (Étudiant, Mécanique-métallurgie)

« Au niveau des conditions de travail, c’est pas pareil. On rentre, on a les mains sales. Y en a qui sont faits pour travailler dans des bureaux, en costume. » (Étudiant, Mécanique-métallurgie)

51APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

Les entreprises comme les étudiants évoquent la nette différence entre les profils d’ingénieurs de « bureau » et ceux sur le terrain. Les passerelles entre la partie « bureau d’études/ conception/ R&D » et la production semblent limitées.

« Ce n’est pas le même caractère, c’est vraiment deux choses différentes. » (Étudiant, Mécanique-métallurgie)

« [Concernant les mobilités] De la production au bureau d’études, c’est plus compliqué, ce n’est pas du tout les mêmes profils ni les mêmes personnes. Les gens des bureaux d’études vont plus vers l’expertise, moins vers le management. » (Fabrication de machines pour les industries du papier et du carton, Mécanique-métallurgie)

–LA MÉCONNAISSANCE DU SECTEUR ET DE L’ENVIRONNEMENT INDUSTRIEL –

Plus largement, les entreprises et les écoles du secteur déplorent une méconnaissance des métiers industriels par les jeunes actifs et les étudiants, qui est en partie à l’origine des tensions en matière de recrutement. Les jeunes diplômés ne s’orienteraient pas spontanément vers la production industrielle.

« La meilleure manière d’attirer les gens vers la production, c’est l’expérience. Je ne pense pas que ça peut dégoûter. Les étudiants s’y plaisent mais ils en ignorent totalement l’existence. » (École, Mécanique-métallurgie).

L’image globale du secteur de l’industrie reste floue et les métiers peu connus. Alors que l’industrie bénéficie d’une bonne image en Allemagne et en Suisse, la production industrielle manque d’attractivité en France. L’environnement industriel ne nourrit pas les rêves des jeunes ingénieurs, qui peuvent avoir une vision négative en termes de conditions de travail et de perspectives d’emploi. L’image de l’industrie en France a notamment été entachée par les fermetures d’usines et des délocalisations. Les perspectives d’emploi dans l’industrie ont longtemps été remises en cause dans les discours médiatiques, ce qui a pu décourager les jeunes de s’orienter vers ces métiers.

« On a passé des années à dire qu’il n’y avait plus d’emplois dans l’industrie, ce n’est que très récemment que les industriels se sont mis en marche car ils se sont aperçus qu’il manquait des gens dans les sites de production. » (École, Mécanique-métallurgie)

La faible notoriété de certaines entreprises du secteur auprès des candidats complexifie également les recrutements. Les petites entreprises peuvent toutefois attirer les candidats en mettant en avant leurs projets de développement et de modernisation des processus de production comme autant de défis à relever.

« On est situé sur un marché de niche. On est leader mondial sur notre marché, mais clairement, les ¾ des candidats qui arrivent chez nous, n’ont jamais entendu parler de notre structure. Mais on a les avantages et les inconvénients d’une PME. Une personne de l’Automobile qui arrive chez nous, elle a l’impression d’être chez l’artisan du coin. On a des processus de fabrication beaucoup moins poussés et évolués qu’un équipementier par exemple. On veut aller à l’industrialisation et à la standardisation de nos processus quand c’est possible, donc du coup il y a un côté challengeant car ils arrivent avec des outils qu’il faut qu’ils adaptent à notre culture d’entreprise et donc avec plein de projets à mener. Pour ceux qui aiment un peu le challenge, c’est plutôt attirant. » (Fabrication de machines pour les industries du papier et du carton, Mécanique-métallurgie)

L’image de l’emploi industriel serait toutefois en passe de changer. Les conditions de travail tendent notamment à s’améliorer par un renforcement des normes de sécurité et de la prévention des risques. Les employeurs apportent aussi un soin particulier aux conditions d’accueil (période d’intégration, formation...) et de travail pour fidéliser leurs cadres. Des sessions d’informations et des partenariats avec des entreprises du secteur sont aussi proposés dans le cadre du cursus de formation d’ingénieur, pour faire connaître les métiers industriels aux étudiants. Certains acteurs déplorent toutefois une communication encore insuffisante sur les métiers et les salaires, à améliorer pour attirer davantage de candidats.

« Il faut communiquer davantage sur les salaires. Les conventions collectives de la branche sont attractives en termes de salaire, nous n’avons pas en avoir honte. » (Observatoire, Mécanique-métallurgie)

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MONOGRAPHIE SECTORIELLE : LA MÉCANIQUE-MÉTALLURGIE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

La difficulté à attirer des candidats dans le secteur industriel serait toutefois plus prégnante pour les non-cadres que pour les cadres.

« Je pense que ce problème d’image est plus vrai pour les non-cadres que pour les cadres. Pour les profils non-cadres, on a énormément de mal à faire venir des jeunes qui ont une image de la métallurgie qui n’est pas la bonne. Maintenant sur les profils cadres et l’attrait des postes industriels, je pense que c’est moins vrai. Les cycles de formation en génie industriel, c’est des jeunes qui sont plutôt intéressés par le monde de l’industrie. Je pense qu’il y a quand même un attrait des postes. » (Fabrication de machines pour les industries du papier et du carton, Mécanique-métallurgie)

–LA LOCALISATION GÉOGRAPHIQUE DES SITES DE PRODUCTION –

Les entreprises du secteur font systématiquement référence à la localisation géographique comme un problème majeur dans l’attractivité d’un poste. La localisation des sites de production est souvent éloignée des agglomérations (plutôt tournées vers le tertiaire), et parfois même des transports en commun. La prise de poste peut nécessiter un déménagement, auquel les candidats ne sont pas toujours prêts.

À ce titre, les entreprises de province sont nettement défavorisées par rapport aux entreprises franciliennes, plus accessibles et plus attractives. Certaines entreprises déplorent un manque d’attractivité de leur région, en termes de loisirs, de transports, d’offre scolaire ou encore en raison de faibles opportunités d’emploi pour l’éventuel conjoint.

« Les quatre personnes se sont rétractées, c’était essentiellement un problème de localisation géographique (ville de province en région Centre). Parfois, ils sont en couple, et c’est le fait de trouver un autre emploi au conjoint qui pose problème. Je pense qu’il y a un manque d’attractivité de la région, et peut-être aussi de loisirs. Ça va être aussi la poursuite d’études pour les enfants. Ce n’est pas une ville universitaire. C’est forcément un départ pour des jeunes qui veulent suivre des études, donc les parents regardent cela aussi. Et les jeunes ingénieurs vont

plutôt être attirés par les régions de Tours, Orléans, ou la région parisienne. » (Fabrication d’autres articles métalliques, Mécanique-métallurgie)

La difficulté n’est pas uniquement due à l’emplacement du site de production mais aussi à l’écart de salaire entre la région parisienne et la province. Les entreprises de province peuvent rarement s’aligner sur les salaires pratiqués dans la région parisienne.

« Lyon, généralement ça attire. On n’a pas de problème de ce côté-là. Les gens souvent veulent bien venir à Lyon, le seul écueil que l’on peut avoir, ce sont les parisiens qui veulent venir à Lyon avec leur niveau de salaire parisien. Parfois ça peut nous mettre en tension. Il y a des écarts de salaires assez conséquents. » (Fabrication de machines pour les industries du papier et du carton, Mécanique-métallurgie)

Par ailleurs, la localisation de l’entreprise n’est pas toujours en adéquation avec l’offre de formation des ingénieurs. Les écoles d’ingénieurs ou universités sont situées dans de grandes agglomérations, et il est difficile d’attirer ensuite les jeunes diplômés dans des zones plus rurales.

La fidélisation des cadres est donc un enjeu primordial, notamment du fait de la localisation des sites de production souvent éloignés des zones résidentielles.

–UNE OFFRE DE FORMATION À PARFAIRE –

L’offre de formation est jugée satisfaisante par les acteurs rencontrés, en particulier sur le plan technique. Toutefois, elle semble ne pas totalement répondre aux besoins des entreprises, notamment en matière de compétences managériales, même si ces dernières reconnaissent que ces compétences s’acquièrent davantage par la pratique et l’expérience.

« Les écoles d’ingénieurs ont pour vocation d’apporter le pan technique. Après en termes de management, vous pourrez effectivement avoir des outils. Néanmoins, vous devenez manager en pratiquant. Il faut qu’ils aient un cursus sur les outils managériaux mais après, c’est la pratique qui va faire. » (Fabrication de machines pour les industries du papier et du carton, Mécanique-métallurgie)

53APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

À un niveau local, les besoins des entreprises et les offres de formations se coordonnent le plus souvent, les acteurs communiquant sur leurs besoins respectifs. Au niveau national, les orientations de développement de la formation sont moins évidentes : une vision globale est difficile à construire au-delà des particularités locales. Dans cette perspective, les écoles faisant partie du réseau des instituts des techniques d’ingénieur de l’industrie (ITII) tentent de relayer les informations locales.

–LES CONSÉQUENCES DES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT –

Les difficultés de recrutement ont un impact direct sur la charge de travail des recruteurs (RH ou opérationnels) qui engagent un fastidieux travail de recherche. Pour pallier ces difficultés, les entreprises peuvent se tourner vers des cabinets de recrutement spécialisés. Le recours à un cabinet de recrutement est souvent le signe de tensions. Les entreprises tentent le plus possible de recruter par elles-mêmes, mais préfèrent se tourner vers des prestataires pour les postes les plus difficiles à pourvoir.

« On a un poste cadre qui est très soumis à tension : le poste d’acheteur. Nos acheteurs ont un bagage technique, couplé à des formations en achats. C’est typiquement le type de profil pour lequel je ne gère jamais les recrutements en direct, on passe systématiquement par des cabinets pour nous aider. On a des partenariats établis avec trois ou quatre cabinets, qui vont venir nous aider sur certains recrutements pour lesquels on sait qu’il y a des tensions sur le marché. » (Fabrication de machines pour les industries du papier et du carton, Mécanique-métallurgie)

Que le recrutement soit réalisé en interne ou par le biais d’un cabinet de recrutement, les recruteurs sont parfois contraints de revoir leurs exigences à la baisse, faute de candidats qui y répondent. Dans ce cas, c’est le niveau d’expérience du candidat qui sert de variable d’ajustement.

« La compétence technique ne sert jamais de variable d’ajustement. C’est très rarement le côté managérial, une personne que l’on ne sentirait pas manager, on ne va pas la prendre. La variable d’ajustement, elle est plutôt sur l’expérience. » (Fabrication de machines pour les industries du papier et du carton, Mécanique-métallurgie)

« Il y a des fois où on a élargi notre périmètre pour ne pas se retrouver dans l’impasse trop longtemps, ou baissé nos prérequis de recrutement. On se trouve parfois confrontés à des exigences salariales qui ne sont pas compatibles avec notre équité interne. » (Fabrication d’autres articles métalliques, Mécanique-métallurgie)

Les tensions en matière de recrutement peuvent aussi avoir des répercussions sur l’organisation interne, à travers une redistribution des tâches du poste vacant vers les autres salariés. Ces arrangements sont plus difficiles dès lors qu’il s’agit d’une TPE/PME. En effet, une organisation tournée vers quelques cadres pivots de la production aura davantage de difficultés à pallier l’absence d’encadrement.

Enfin, les difficultés à trouver sur le marché du travail des candidats dotés des compétences requises pour occuper des emplois industriels peuvent conduire des entreprises à refuser des commandes, voire à délocaliser certaines de leurs activités.

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MONOGRAPHIE SECTORIELLE : LA MÉCANIQUE-MÉTALLURGIE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–SOLUTIONS MISES EN ŒUVRE–

–LA MOBILITÉ INTERNE –

Pour pallier les difficultés de recrutement pour certains postes, les entreprises rencontrées se disent ouvertes à la mobilité interne, en lien avec la montée en compétences de techniciens ou d’ingénieurs non spécialisés. Les mobilités horizontales, d’une fonction vers une autre, sont toutefois plus souvent envisagées que les mobilités ascendantes (par exemple, d’un poste de technicien ou d’agent de maîtrise vers un poste d’ingénieur).

« Il y a clairement des possibilités d’évolution en interne. Chez nous, tout poste à pourvoir est d’abord proposé en interne. Ça permet de mettre en mouvement ceux qui le souhaiteraient. La production ne va jamais au bureau d’études. Ce ne sont pas les mêmes profils. Mais la production va monter sur des fonctions support clients. Je pense que les fonctions clients sont des fonctions qui vont attirer, le chargé d’affaires commerciales par exemple, là il y a de la mobilité possible entre les secteurs. » (Fabrication de machines pour les industries du papier et du carton, Mécanique-métallurgie)

Ainsi, la majorité des entreprises rencontrées se disent prêtes à former des ingénieurs à des compétences techniques qui pourraient manquer si elles sont intéressées par leur profil.

« Nous sommes prêts à former en interne. Par exemple notre ingénieur qualité était une femme qui avait des expériences significatives dans le domaine avec une volonté de s’orienter vers la qualité. Nous l’avons formé en interne sur cet aspect-ci et sur le management d’équipe. » (Fabrication de vis et de boulons, Mécanique-métallurgie)

–LE RECOURS À L’APPRENTISSAGE –

Les formations en apprentissage tendent à se développer dans les écoles d’ingénieurs. L’apprentissage demeure toutefois plus développé pour les postes d’ouvriers et de techniciens que pour les cadres.

Pour les étudiants, ce dispositif est un moyen d’acquérir une première expérience professionnelle qui facilite leur insertion sur le marché du travail, et l’accès à un premier emploi.

« 80 % des étudiants avaient déjà une proposition d’embauche avant la fin de leur alternance. 100 % était en poste au bout de trois mois. » (École, Mécanique-métallurgie)

Du côté des entreprises, l’accueil d’ingénieurs en apprentissage permet de pallier les difficultés de recrutement pour des postes ouverts à des candidats peu expérimentés. L’apprentissage peut en effet être utilisé comme un outil de « pré-recrutement », permettant de valider les compétences et le savoir-être des étudiants avant une éventuelle embauche.

« L’apprentissage se développe de plus en plus. On accueille une quinzaine d’apprentis, dont certains sur des niveaux ingénieurs. Ça peut pallier certaines difficultés, car il nous arrive de recruter des jeunes que l’on a eus en apprentissage. Cette année encore, parmi nos apprentis qui arrivent en fin de cursus, il est prévu qu’il y ait des embauches, dans la mesure où ils le souhaitent aussi. » (Fabrication d’autres articles métalliques, Mécanique-métallurgie)

Certaines entreprises nouent des partenariats avec des écoles d’ingénieurs, qui peuvent prendre différentes formes (accueil de stagiaires/apprentis, participation à des forums/salons…). C’est un moyen pour les entreprises de se faire connaître et de renforcer leur « image employeur » auprès des futurs diplômés. De manière plus générale, ces actions permettent de mieux faire connaître les métiers de la production industrielle et de renforcer son attractivité auprès des jeunes.

« On travaille pas mal avec l’INSA (Institut national des sciences appliquées) sur Lyon, pour travailler notre image employeur. On participe chaque année à un forum, le forum Rhône-Alpes qui est sur un campus à Lyon, et qui est ouvert à toutes les écoles d’ingénieurs de la région. » (Fabrication de machines pour les industries du papier et du carton, Mécanique-métallurgie)

55APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

Ces échanges entre entreprises et écoles sont aussi un levier d’amélioration de l’articulation entre formation initiale et continue, de manière à ce que les cursus de formation d’ingénieurs s’ajustent au mieux aux besoins des entreprises.

–L’ENRICHISSEMENT DE L’OFFRE DE FORMATION –

Les entreprises rencontrées se disent satisfaites du savoir-faire technique des ingénieurs, largement acquis lors de la formation initiale. Elles déplorent en revanche certaines carences en matière de compétences linguistiques (anglais voire allemand) et de compétences managériales. Pour mieux répondre aux besoins en compétences des entreprises, certaines écoles développent des cursus complémentaires au parcours initial.

« En sacrifiant des matières du cursus général, les étudiants peuvent choisir de prendre des parcours en management d’organisation et de personnes. » (École, Mécanique-métallurgie)

De manière plus générale, les écoles d’ingénieurs tendent à enrichir leur offre de formations pour répondre à la demande de spécialisation des entreprises. Les écoles de commerce et universités se positionnent aussi sur ce marché, en proposant des formations d’une année qui permettent à des ingénieurs de se spécialiser en commercial, achats, management, etc. La demande des entreprises est de plus en plus prégnante.

« On a souvent des acheteurs qui sont ingénieurs et qui font une année de spécialisation en achats, donc il y a des choses qui existent sur le marché. Il y a un certain nombre d’écoles, les IAE (Institut d’administration des entreprises) aussi, qui ont des spécialisations achats, et puis maintenant, il y a des écoles de commerce aussi qui proposent des spécialisations achats. » (Fabrication de machines pour les industries du papier et du carton,Mécanique-métallurgie)

Il existe a priori de bonnes passerelles d’échanges entre les entreprises et les écoles d’ingénieurs. Que

ce soit via l’apprentissage ou des espaces de rencontre dédiés (forums, etc.), les opportunités d’échanger sont nombreuses et propices à mettre en place des partenariats. Les thématiques d’échanges vont du contenu pédagogique à l’organisation même du cursus scolaire. L’influence des représentants de l’industrie dans les cursus d’ingénieur n’est pas négligeable. À titre d’exemple, des formations complémentaires en gestion de l’entreprise (regroupant des thématiques comme le management, les ressources humaines, la comptabilité…) ont été proposées par des industriels du secteur. Suite à une période d’expérimentation concluante, celles-ci sont maintenant mises en place par une école d’ingénieurs du secteur.

–L’AMÉLIORATION DE L’IMAGE DE L’INDUSTRIE –

L’industrie souffre encore des impacts en termes d’image liés aux fermetures d’usines et aux drames sociaux médiatisés. Pourtant, il existe encore des sites de production, en croissance et en recrutement, qui proposent des postes de cadres dans les fonctions de la production industrielle et des services techniques. Par ailleurs, l’image globale du secteur de l’industrie reste floue et les métiers peu connus. À l’inverse de la culture allemande ou suisse, la production industrielle en France est peu valorisée et moins rémunérée. Toutefois, des actions sont entreprises pour modifier les représentations. Les discours changent et des démarches de communication importantes ont été menées (spots télévisés, sensibilisation auprès de Pôle Emploi, développement des Instituts des techniques d’ingénieur d’industrie...) par les observatoires de branche, les représentants du secteur industriel et nombre d’acteurs de l’emploi industriel.

L’Union des industries et des métiers de la métallurgie (UIMM) participe à cette revalorisation du secteur industriel, en communiquant sur la diversité des métiers de la Mécanique-métallurgie à travers un site Internet (les-industries-technologiques.fr).

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56

MONOGRAPHIE SECTORIELLE : LA MÉCANIQUE-MÉTALLURGIE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–UNE MEILLEURE ANTICIPATION DES BESOINS EN COMPÉTENCES –

L’UIMM, à travers son observatoire des métiers et des qualifications, informe les entreprises sur l’évolution des métiers et des qualifications. Elle met à disposition des études et des outils, qui aident à la mise en place

d’une gestion prévisionnelle en entreprise des emplois et des compétences. L’objectif est d’accompagner les entreprises et les acteurs concernés (écoles, partenaires sociaux…) dans l’anticipation des besoins en compétences, pour mieux se préparer aux évolutions des métiers. Il s’agit notamment d’identifier les compétences stratégiques de demain, auxquelles les cadres et les jeunes diplômés devront être formés pour éviter des tensions.

–PARCOURS PROFESSIONNELS DE CADRES DE LA PRODUCTION : EXEMPLES DE TRAJECTOIRES ET PERCEPTIONS SUR LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT–

Théo est aujourd’hui formateur dans la maintenance et la sécurité.

Formation

Théo a toujours été attiré par les travaux manuels. Il a obtenu un BTS Maintenance dans le Nord de la France, précédé d’un CAP, d’un BEP et d’un Bac Professionnel.

Trajectoire professionnelle

En septembre 1991, après son service militaire, Théo intègre un fabricant dans le domaine de la sécurité incendie. Il y restera jusqu’à ce que l’entreprise ferme en septembre 2015, après 24 ans de carrière. Lors de son entrée dans l’entreprise, Théo occupe le poste de technicien de maintenance pendant un an. Il devient ensuite responsable de maintenance en binôme avec un salarié proche de la retraite, pendant

–THÉO, 47 ANS, RESPONSABLE MAINTENANCE DANS LA MÉCANIQUE-MÉTALLURGIE–

deux ans. Ce poste lui confère un statut « d’assimilé cadre », placé sous la responsabilité du responsable de production. Afin de développer ses compétences d’encadrant, Théo prépare un diplôme en gestion du personnel sur 15 mois. L’ambition de Théo à son arrivée dans l’entreprise était d’accéder à un poste d’encadrant, mais il a dû faire face à certaines difficultés. En effet, l’équipe comprenait beaucoup d’anciens et il a fallu que Théo se serve de son « naturel communiquant » pour se faire accepter. Au départ, 11 personnes étaient placées sous sa responsabilité, puis son équipe s’est réduite suite à des départs à la retraite non remplacés du fait de la baisse d’activité. Il est également monté en compétence dans la sécurité.

Théo s’est épanoui dans ce métier, en évolution perpétuelle du fait de l’importance prise par les nouvelles technologies. L’aspect relationnel du poste était également attrayant et particulièrement développé.

57APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

En tant que responsable de maintenance, Théo a noué des relations avec l’ensemble des services de son entreprise (aussi bien le bureau d’études, que les ressources humaines ou le service de production). La liberté et l’autonomie dont il jouissait dans cette structure ont également participé à son épanouissement.

Avant son licenciement économique, Théo a participé à la dépollution du site puis a intégré une cellule de reclassement. Il a effectué une formation à l’AFPA, afin de devenir formateur professionnel dans le domaine de la maintenance mais également celui de la sécurité (incendie, assurances à personnes, etc.). Il avait un projet clair en intégrant la cellule de reclassement : sa montée en compétence dans la sécurité ainsi que son expérience positive auprès des stagiaires de l’entreprise l’ont orienté naturellement vers une carrière de formateur dans ce domaine.

Perception sur les difficultés de recrutement

Théo insiste sur la différence entre petites et grandes entreprises. Dans son entreprise, il disposait d’une liberté dans l’exercice de son métier dans la limite d’un budget qu’il devait respecter. Lors d’une brève expérience dans une PME (il a souhaité mettre un terme au contrat à

la suite de la période d’essai), il a mal vécu la présence étouffante de la hiérarchie : « L’intérêt de ce métier c’est d’en apprendre tous les jours, donc si on est pieds et mains liés, on ne peut pas s’épanouir ».Suite à son licenciement, il a tenté de trouver un nouvel emploi notamment en utilisant son réseau. Lorsqu’il a fait ses propres recherches, il a pu constater que son profil ne correspondait pas aux exigences des recruteurs, parce qu’il manquait de pratique (sa prise de poste en tant que responsable l’avait éloigné du terrain) et/ou ne maîtrisait pas l’anglais. Certaines entreprises demandaient beaucoup d’expérience (plus de 5 ans) ou des formations d’ingénieurs sur des activités bien spécifiques.Théo est convaincu que de nombreux postes de responsable maintenance sont pourvus par mobilité interne et que cela explique le faible nombre d’offres disponibles sur Internet.

Perspectives d’évolution professionnelle

Après avoir connu des expériences infructueuses en tant que responsable maintenance dans différentes structures, Théo s’est décidé à se diriger vers le métier de formateur dans le domaine de la sécurité.

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58

MONOGRAPHIE SECTORIELLE : LA MÉCANIQUE-MÉTALLURGIE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

Formation

Baptiste a obtenu un baccalauréat général, puis s’est orienté en biologie à l’Université. Il s’est rapidement réorienté vers un BTS génie optique (optique industrielle) à la suite duquel il a obtenu un emploi en bureau d’études (pendant 4 ans). Il a ensuite intégré une formation d’ingénieur généraliste grâce au congé individuel de formation puis est retourné dans son entreprise pour occuper des fonctions plus en adéquation avec son nouveau niveau de qualification, en tant que responsable de production.

Trajectoire professionnelle

En intégrant une école d’ingénieur, il a complété son cursus de formation très spécialisé et a donné à son profil une polyvalence qui lui manquait jusqu’alors. C’est avec la volonté d’accéder à des postes à responsabilités qu’il a suivi cette formation. Baptiste dit avoir « grandi professionnellement dans cet environnement » et vouloir « continuer dans cette voie, pas nécessairement par passion mais par intérêt pour l’entreprise ». De 2000 à 2010, il a exercé le métier de responsable de production dans différentes entreprises, notamment plusieurs PME de la région grenobloise. À partir de 2010, il se spécialise dans les achats et l’approvisionnement. Aujourd’hui, Baptiste encadre 10 personnes. Selon lui, son expérience, sa technicité et sa capacité à anticiper sont des compétences clés pour exercer son poste de responsable.Il définit le poste de responsable de production comme un poste extrêmement varié « aussi bien en termes de produits que de fonction que l’on peut occuper : des fonctions d’encadrement pur, de méthodes, d’analyse, de gestion… Autour de

–BAPTISTE, 41 ANS, RESPONSABLE DE PRODUCTION DANS LA MÉCANIQUE-MÉTALLURGIE–

la production tournent tout un tas de métiers qui permettent de trouver facilement quelque chose sur lequel on s’accorde bien ». C’est ce point précisément qui lui fait aimer son métier, malgré le fait qu’il regrette que ce poste soit de plus en plus générateur de stress. De plus, il craint que ce métier ne soit menacé notamment à cause du processus de délocalisation de la production.

Perception sur les difficultés de recrutement

Selon lui, « des offres de recrutements sur des postes relatifs à la production, il en a quand même pas vu beaucoup et pour pas dire très peu. Peut-être que beaucoup de recrutements se font par le marché caché ». Pour le recrutement sur son poste actuel, Baptiste a été contacté directement par l’employeur, car ils avaient des fournisseurs en commun lorsqu’il occupait son ancien emploi. Il évoque néanmoins le fait que la formulation des offres peut être rédhibitoire. Pour lui, les difficultés de recrutement et de trouver le candidat adéquat peuvent s’expliquer par le fait que l’expérience est primordiale pour ce type de postes. De plus, il estime que le niveau technique a baissé dans les formations d’ingénieurs : « il faudrait plus de mise en pratique. L’alternance est une super solution et particulièrement dans ce cadre-là ».

Perspectives d’évolution professionnelle

Baptiste ne regrette pas d’avoir quitté son poste de responsable de production si générateur de stress. Il est aujourd’hui à la recherche d’un emploi qui lui conviendrait mieux dans une autre structure, mais toujours en tant que responsable achats et approvisionnement.

59APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

60 Éléments de contexte sectoriel 61 Diagnostic des difficultés de recrutement 64 Causes et conséquences des difficultés de recrutement 67 Solutions mises en œuvre 70 Parcours professionnel d’un cadre de la production : exemple de

trajectoire et perception sur les difficultés de recrutement

–MONOGRAPHIE SECTORIELLE : L’AUTOMOBILE ET L’AÉRONAUTIQUE–

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MONOGRAPHIE SECTORIELLE : L’AUTOMOBILE ET L’AÉRONAUTIQUE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–ÉLÉMENTS DE CONTEXTE SECTORIEL–

–QUELQUES CHIFFRES –

L’industrie Automobile

Au sens restreint (c’est-à-dire en ne comptant pas les activités de commerce et réparation, auto-écoles, etc.), la filière automobile regroupe l’ensemble des acteurs du secteur, qui sont organisés en 4 niveaux. Au niveau supérieur figurent les constructeurs, puis les donneurs d’ordre pour les équipementiers de rang 1. En dessous, figurent les équipementiers de rang inférieur (rang 2, etc.) et les sous-traitants qui peuvent appartenir à un autre secteur (au sens du code NAF), par exemple les sociétés exerçant dans la fonderie et la mécanique. En 2012, cet ensemble représentait environ 230 000 emplois.

L’industrie Aéronautique

L’industrie française aéronautique au sens large, c’est-à-dire incluant l’aéronautique, le spatial et l’électronique de défense se situe au premier rang européen. Majoritairement implantée dans le Sud-Ouest (Aquitaine et Midi-Pyrénées), elle regroupe près de 120 000 salariés. Cette industrie est également largement représentée en Ile-de-France, près de 50 000 salariés y travaillent. Dans le grand Sud-Ouest, la filière est particulièrement structurante pour l’emploi : à la fin 2013, 1 salarié sur 10 de l’emploi marchand non agricole était employé par une entreprise de la filière aéronautique et spatiale17. Malgré les difficultés du secteur du transport aérien (notamment des compagnies aériennes françaises depuis de nombreuses années), la filière Aéronautique se porte bien. Ainsi, les montants des commandes aéronautiques et spatiales adressées au secteur

affichent une progression de 45 % entre 2012 et 201318. Cependant, malgré la bonne santé du secteur, le volume des recrutements se réduit depuis plusieurs années, de 15 000 à 10 000 de 2012 à 201419. Ces recrutements portent en grande partie sur les fonctions d’ingénieurs ou de cadres (plus de 4 personnes recrutées sur 10 en 2013)20.

–LES PRINCIPAUX ENJEUX –

L’industrie Automobile

Le secteur automobile se caractérise par une forte concurrence mondiale, parmi les constructeurs et les équipementiers, avec l’essor des pays émergents, notamment en Asie. Le secteur automobile connait aussi des perturbations, en lien avec la conjoncture économique. La dernière crise de 2008-2009 a eu des impacts importants sur le taux d’utilisation des capacités de production.

Il a fallu quelques années au secteur automobile européen et français pour retrouver une meilleure santé et permettre à nouveau des recrutements plus importants.

Avec l’effet de l’ajustement des effectifs à la demande et aux technologies nécessaires pour produire les modèles de voiture en développement (et tenant compte de l’effet de gains de productivité), l’emploi total de la filière reculerait en France sur la période 2010-2020 : de 43 000 emplois chez les constructeurs, de 24 300 chez les équipementiers de rang 1, de 58 000 chez les équipementiers de rang 221.

L’automobile et l’aéronautique sont deux secteurs qui ont la particularité de vivre des cycles d’activité inhérents à leur cœur de métier : recherche et développement de nouveaux modèles de voitures et d’avions, puis mise en production. Le développement d’une voiture dans l’automobile peut prendre 18 mois, celui d’un avion, plusieurs années, avant la fabrication. L’activité de ces deux secteurs est ainsi dépendante du cycle de développement spécifique des nouveaux produits des constructeurs (constructeurs automobiles et avionneurs), mais aussi, de la demande (demande d’automobiles de la part des particuliers et donc succès de tel ou tel modèle, et demande de nouveaux avions de la part des compagnies aériennes).

17. Insee (2015), « Filière aéronautique

et spatiale dans le grand Sud-Ouest : un moteur économique concentré », Insee Analyses, n°22, septembre 2015.

18. Source : CARIF-OREF francilien19. Source : GIFAS – Groupement des

industries françaises aéronautiques et spatiales.

20. Source : CARIF-OREF francilien21. Source Secafi, d’après Pôle Emploi

avec projections BIPE

61APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–DIAGNOSTIC DES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT–

Les cadres de la fonction industrielle sont des postes essentiels pour la production mais représentent une part relativement minoritaire de l’ensemble des cadres. S’agissant des difficultés de recrutements, les entreprises ne disposent pas d’indicateurs formels pour les évaluer, c’est plutôt la conjonction de plusieurs éléments qui fait état de tensions.

22. GISA et l’Observatoire de la

Métallurgie (2012), Étude sur les besoins prospectifs en ressources humaines du secteur aéronautique et spatial, rapport de la « première analyse : identification et qualification des métiers en forte probabilité de tension », juin 2012.

L’industrie Aéronautique

Une étude de 2012 du GIFAS et de l’Observatoire de la Métallurgie sur les besoins prospectifs du secteur Aéronautique22 fait état d’une croissance continue de l’activité du secteur depuis de nombreuses années, ayant engendré « un fort besoin d’investissements financiers, techniques et humains qui a parfois du mal à être comblé ». Le rapport identifie en particulier deux risques potentiels à ce retard : un risque structurel de retard de livraison des appareils aéronautiques et une menace de contournement progressif de la sous-traitance française au profit

Les tensions ne sont pas toujours mesurées.

« La conjonction de plusieurs choses : nombre de postes vacants, nombre de personnes qui se sont positionnées [sur une poste ouvert] et qu’on n’a pas su recruter, c’est plus l’addition qui donne une idée globale. » (Équipementier automobile de rang 1, Automobile-aéronautique)

Les tensions potentielles sont par exemple identifiées par le temps nécessaire au recrutement.

« Le fait, pour une entreprise d’éprouver de la difficulté à trouver la compétence dont elle a besoin, si ça lui prend plus de six moins, voire ne trouve pas. » (Équipementier automobile de rang 1, Automobile-aéronautique)

Ainsi, le fait que certains recrutements puissent prendre beaucoup de temps pour aboutir (un an ou plus) incite certaines entreprises à mettre en place des indicateurs dédiés. De manière générale et transversale à la branche de la métallurgie (au sens large : Métallurgie-mécanique et Automobile-aéronautique), il existe

d’entreprises étrangères. Le risque d’un effort insuffisant des capacités de production en France est pointé, et les tensions de recrutement apparaissent déjà, sur toutes les fonctions (conception, production, supports à la production, commercialisation). Pour les profils cadres ou ingénieurs, il s’agit notamment des postes d’ingénieur calcul ou d’architecte logiciel aéronautique. À noter que plusieurs métiers cadres en tension identifiés plus particulièrement dans la fonction conception sont aussi exercés et demandés dans la fonction production (ingénieur électronique de puissance, ingénieur calcul, etc.).

des tensions significatives identifiées par l’observatoire de branche pour certains métiers cadres : ingénieurs électroniques, managers cadres, ingénieurs méthodes industrielles, ingénieurs matériaux, ingénieurs calculs, ingénieurs qualité... Ces tensions sont a priori susceptibles de croître sur le court-moyen terme, dans la mesure où l’Aéronautique se porte très bien et que l’activité automobile a redémarré de manière significative. Mais la réalité sur le terrain est plus contrastée. Concrètement, les tensions peuvent varier sensiblement au sein du secteur (Automobile-aéronautique ), selon le type d’entreprise et son rôle dans la chaîne de production des moyens de transport (constructeur automobile, équipementier, société d’ingénierie, société de l’aéronautique), mais aussi selon sa situation économique.

Les difficultés de recrutement (tension avérée) peuvent concerner des postes en production industrielle (chargé d’affaires moyens industriels, ingénieur qualité, ingénieur process, pilote fonctions industrielles…) ou en R&D, porter sur un poste particulier, des compétences spécifiques, une expertise spécifique ou pointue.

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62

MONOGRAPHIE SECTORIELLE : L’AUTOMOBILE ET L’AÉRONAUTIQUE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

« La qualité des CV qu’on reçoit n’est pas top (…) du coup on a de grosses difficultés de recrutement. Ca concerne les deux, la R&D comme la production (…), ça dure depuis des années. » (Équipementier automobile de rang 1, Automobile-aéronautique)

« Les postes de cadres responsables d’îlot (…), qui encadrent les équipes de production, traditionnellement issus de la base (…) et qui après formation ont pris des fonctions d’encadrement d’équipe, on a traditionnellement pourvu ces postes en interne (…). On a un petit peu de difficultés à continuer dans cette démarche aujourd’hui donc on se tourne vers du recrutement extérieur avec des profils un peu différents, avec des ingénieurs à la base qui ont déjà managé des équipes… » (Équipementier aéronautique de rang 1, Automobile-aéronautique)

« Les tensions existent déjà. C’est vrai pour la production, mais plus généralement sur toutes les compétences recherchées. Il existe des tensions car il y a beaucoup de concurrence (…). Quand vous voulez quelqu’un, généralement il a deux ou trois opportunités en parallèle (…). Des fois vous gagnez, des fois non. » (Société d’ingénierie, Automobile-aéronautique)

« Tout ce qui est gestion de projet, on n’a pas énormément de problèmes, ingénieur R&D non plus… mais c’est autre chose quand on commence à taper dans les compétences plus rares, de l’ordre de l’expertise, des gens qui ont une petite dizaine années d’expérience. » (Équipementier automobile de rang 1, Automobile-aéronautique) Par ailleurs, la dichotomie grande entreprise versus PME est-elle pertinente pour comprendre les tensions de recrutement ? Si les constructeurs en général semblent avoir été moins concernés, les politiques de départ volontaires de touchant le secteur automobile au plus fort de la crise ont pu générer des pertes critiques23. Les PME ou les sociétés souvent en position de prestataires (certaines d’entre elles sont des PME) peuvent connaître des tensions selon leur rang dans la hiérarchie au sein de la chaîne de production. A contrario, les plus petites entreprises peuvent également ne pas connaître de tensions sur des postes de cadre ingénieur car elles n’embauchent pas ou peu d’ingénieurs (notamment en production), pour des raisons financières ou de représentation du diplôme d’ingénieur.

Pour le secteur Automobile-aéronautique, les besoins importants en recrutement de cadres se concentrent sur certains métiers :• ingénieur électronique (dont électronique

embarquée, électronique de puissance) ;• cadre manager ;• ingénieur process méthodes ;• i ngénieur matériau ;• ingénieur mécanique ou ingénieur calcul

mécanique ;• ingénieur architecte logiciel ;• ingénieur qualité (de plus en plus « QHSE » :

qualité, hygiène, sécurité, environnement) ;• chargé d’affaires moyens industriels (optimisation

des moyens de production).

Les compétences (et aptitudes) demandées peuvent être de différentes natures : • compétences en électronique embarquée ;• compétences en électronique de puissance (par

exemple, dans le secteur Automobile pour concevoir les convertisseurs d’énergie sur les véhicules hybrides ou électriques, cette connaissance étant indispensable pour développer des composants de batterie) ;

• capacité à travailler en équipe et/ou à manager ;• capacité à faire de la veille technologique ;• connaissance de la démarche qualité (notamment

le principe des « 5 S24 » ) ;• connaissances des processus industriels ;• maîtrise de l’anglais (niveau technique).

La recherche de compétences plus spécifiques peut générer de réelles tensions pour certaines entreprises, comme par exemple celles liées au champ de la CEM (compatibilité électromagnétique). Ces difficultés peuvent s’accentuer lorsqu’une véritable expérience industrielle est recherchée, en plus de la compétence à posséder. « On recherche d’abord quelqu’un qui ait une vraie compétence et une vrai expérience industrielle. » (Équipementier aéronautique de rang 1, Automobile-aéronautique)

De même, la détention d’une poly-compétence est très demandée et valorisée, voire exigée parfois. Par ailleurs, les recruteurs sont très sensibles aux compétences comportementales du candidat potentiel, en particulier quand il s’agit d’un ingénieur production.

23. Voir par exemple à ce sujet les

monographies d’entreprises de l’automobile du projet Accords d’entreprises sur la GPEC : réalités et stratégies de mise en œuvre réalisé par le Centre Etudes & Prospective du Groupe Alpha avec le Laboratoire CEREGE (Université de Poitiers).

24. La méthode des 5 « S » (en anglais the 5 S’s) est une technique de management japonaise visant à l’amélioration continue des tâches effectuées dans les entreprises. Élaborée dans le cadre du système de production de Toyota (en anglais Toyota Production System ou TPS), elle tire son appellation de la première lettre de chacune de cinq opérations constituant autant de mots d’ordre ou principes simples. Cette démarche est parfois traduite en français par le mot ORDRE qui signifie : Ordonner, Ranger, Dépoussiérer/Découvrir des anomalies, Rendre évident, Être rigoureux.

63APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

Concrètement, il s’agit de savoir gérer un projet, manager et travailler en équipe (avec des personnes de divers niveaux hiérarchiques), avoir une grande ouverture d’esprit, pouvoir communiquer, etc.

« [On attend des candidats des] capacités de savoir-être et capacités de communication, [un] esprit très pragmatique (…). Ce qui est à développer dans ces métiers-là, ce sont surtout les soft skills, le savoir-être, c’est ça qui est important, le cœur du métier… C’est ce qui va faire la différence entre un ingénieur bureau d’études, qui va exercer dans un environnement technique, composé exclusivement de cadres, et l’ingénieur en production qui va être au contact d’un public très large, comme les ouvriers (…) et qui va devoir (…) faire preuve d’humilité, être pragmatique, et être sans arrêt confronté à des imprévus [liés à la production]. Il faut quand même une forte appétence pour le travail sur le terrain, pour le contact avec les gens, ce qui va être notre principal critère de recrutement en plus des compétences techniques. » (Équipementier aéronautique de rang 1, Automobile-aéronautique)

« [On attend du] savoir-être (…). Ce qui fait rater les projets c’est plus les problèmes relationnels, les problèmes relationnels, on est très sensible à ça. (…) Et la capacité à manager des équipes et des projets, savoir déployer des plannings à faire respecter, capacité d’animation sur des projets, travailler avec tous les interlocuteurs (…), gestion des conflits (…), bonne tenue économique du projet et des actions menées (…), la communication avec le client… » (Société d’ingénierie, Automobile-aéronautique)

« L’accent est mis sur la gestion de projet, le management des équipes, l’excellence opérationnelle. Le management de la production est très présent dès la troisième année (…). L’accent est mis sur le travail en équipe, la gestion de projet, et ça se décline dans plusieurs modules. » (École, Automobile-aéronautique)

L’importance de la capacité des ingénieurs à penser différemment, à avoir un esprit « adaptatif » et créatif est également mise en avant.

« Ce qu’on nous demande, c’est la capacité à gérer des problèmes complexes donc une base scientifique et technologique importante, des étudiants capables de faire évoluer des structures de production, du management des hommes et des services, surtout ces compétences-là. (…) Ce qu’on apprécie chez nos étudiants, c’est la capacité à faire de la bonne technologie, et en plus de ça, des élèves formés à la gestion de projet qui peuvent faire évoluer les outils de production d’un point de vue technique, mais aussi des mentalités, que les hommes adhèrent… C’est ce qui est le plus demandé. » (École, Automobile-aéronautique)

Au même titre que les aptitudes personnelles, certaines valeurs comme la réactivité, le professionnalisme, l’engagement, la transparence, l’honnêteté, le travail en équipe… sont primordiales pour les ingénieurs.

« Si quelqu’un n’a pas toutes les compétences requises, on peut baisser un peu notre exigence parce que l’on n’arrive pas à recruter, effectivement… Maintenant, il y a des choses qu’on ne va pas laisser passer (…). On a des écoles pour former sur tout ce qui est technique, mais pour tout ce qui est qualités, savoir-être, c’est non. S’il manque un petit quelque chose technique, on peut l’apprendre grâce une formation qu’on va lui [le candidat] donner en interne ; si une personne n’est pas réactive, non, on ne la prend pas. » (Équipementier automobile de rang 1, Automobile-aéronautique)

« [Ce qui est primordial est] la mentalité de la personne (…), la capacité à prendre de la charge de travail, car on est une usine dans laquelle la charge est importante, le cadre doit être à l’aise pour encaisser un paquet d’heures et un paquet de tâches diverses et variées (…) [on recherche] quelqu’un qui est un vrai industriel et qui a envie de s’investir à fond pour que cette usine perdure. » (Équipementier automobile de rang 1, Automobile-aéronautique)

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64

MONOGRAPHIE SECTORIELLE : L’AUTOMOBILE ET L’AÉRONAUTIQUE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–CAUSES ET CONSÉQUENCES DES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT–

–UN PROBLÈME D’IMAGE DU SECTEUR ? –

Il semble que l’industrie en général souffre d’un problème d’image. Les jeunes générations ont souvent une représentation du salarié dans l’industrie travaillant dans des conditions difficiles, en bleu de travail, etc. Le secteur de l’automobile en particulier connaît un déficit d’image assez net. Plusieurs éléments d’explication peuvent être avancés : tout d’abord, cette industrie est associée à l’image d’usines, de chaînes de montage, de conditions de travail rudes, de travail ouvrier… La baisse drastique et quasi-continue de la production industrielle et les fermetures d’usine, les délocalisations et les licenciements, ont eu un impact ces dernières années, même si les perspectives s’annoncent plus favorables aujourd’hui.Le secteur de l’Aéronautique ne pâtit pas du déficit d’image que connait celui de l’Automobile. Cela peut expliquer que les ingénieurs spécialisés en transports, voire les ingénieurs généralistes, ont davantage tendance à s’y diriger.

–UNE QUESTION D’ABORD LIÉE À LA FONCTION PRODUCTION INDUSTRIELLE EN ELLE-MÊME ? –

Les postes d’ingénieur dédiés à la production (et aux services techniques) ne représentent qu’une part modeste du nombre total des postes d’ingénieurs dans l’Aéronautique et l’Automobile, la majorité étant dédiée au bureau d’études et à la conception (R&D). La dichotomie conception/bureau d’études versus production semble assez prégnante : même si des passerelles existent, il semble y avoir dans certaines organisations une séparation assez nette entre les deux activités. On retrouve cette opposition dans les écoles d’ingénieurs, la majorité des jeunes diplômés s’orientant plus fréquemment vers des fonctions de bureau d’études que dans la production.

Parmi les facteurs explicatifs : • Les besoins de l’organisation, d’une industrie

moderne nécessitent une main d’œuvre qualifiée et spécialisée dans des activités de conception. Le secteur Automobile-aéronautique est caractérisé par des cycles de conception de 18 mois à quelques années, où l’innovation est omniprésente. Dans le secteur Automobile, la technologie incorporée correspond à de l’innovation largement inspirée par les tendances du marché, et les réglementations nationales et européennes (customisation, voiture électrique ou hybride, sécurité, normes environnementales, nouveaux matériaux, etc.). La R&D est ainsi centrale dans le renouvellement et la mise au point de nouveaux modèles toujours plus exigeants.

• Si la sécurité est un élément essentiel des systèmes de fabrication (et sur lequel les améliorations sont « continues »), les contraintes horaires de travail des ingénieurs de production sont plus importantes que dans un bureau d’études.

• Certains aspects liés aux évolutions du système productif peuvent jouer également, de manière plus ou moins fondée : ces dernières années, de nombreux conflits sociaux liés à des fermetures d’usines et délocalisations ont éclaté sur les sites de production. Dans ces cas de figure, le directeur d’usine, le responsable de production mais également les ingénieurs production peuvent être « en première ligne ».

Ces aspects négatifs, qui concernent certains postes d’ingénieur production doivent cependant être contrebalancés par d’autres éléments, notamment en termes d’intérêt du travail : ces postes sont nécessaires au bon déroulement de la production, et peuvent constituer une expérience unique par le contenu du métier.

« Ces métiers sont passionnants quand vous les connaissez. Ce qui est difficile c’est plutôt mettre les gens dans ces métiers-là que de les maintenir dans ces métiers. » (Société d’ingénierie, Automobile-aéronautique)

65APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

Ainsi, dans le Automobile-aéronautique et contrairement aux autres secteurs d’activité étudiés, les difficultés de recrutement de cadres seraient moindres dans la fonction production que dans la R&D, sans doute grâce au contenu et à l’intérêt du travail.

« Le fait qu’on soit sur un produit assez atypique, et qu’il y ait une diversité de process de fabrication qui est vraiment intéressante pour les candidats… Ça rend le poste beaucoup plus enrichissant que dans d’autres secteurs d’activité ou pour d’autres missions. C’est vrai qu’on a réussi à attirer en production des candidats d’un assez bon niveau… » (Équipementier automobile de rang 1, Automobile-aéronautique)

Si la fonction production industrielle ne jouit pas d’une aura très favorable auprès des ingénieurs déjà en poste, le phénomène semble plus important encore chez les jeunes ingénieurs (jeunes diplômés, voire aussi chez leurs parents). Il peut y voir une différence, comme cela a déjà été souligné, entre l’image de la fonction production industrielle et la réalité sur le terrain, mais aussi, une différence entre l’image perçue de la fonction production et l’image forgée par les professionnels qui y exercent. Cela participe à un certain retour en grâce des métiers en production industrielle.

« Depuis quelques années, il y a quand même une revalorisation de la fonction production industrielle, on a des gens qui y restent et on a des gens des bureaux d’études ou des fonctions supports qui viennent dans la fonction production industrielle via la mobilité interne. » (Équipementier aéronautique de rang 1, Automobile-aéronautique).

Cela explique en partie que le turnover est relativement faible dans cette fonction.

–UNE QUESTION DE POSITIONNEMENT DANS LA CHAÎNE DE PRODUCTION DU SECTEUR ?–

Les difficultés de recrutement dans le secteur automobile sont assez contrastées, selon la position,

le rang dans la chaîne de production. Pour des raisons objectives ou subjectives, les ingénieurs (et peut-être plus encore les jeunes ingénieurs) des écoles les plus renommées vont se tourner vers un constructeur plutôt que vers un équipementier, de rang 1 ou de rang 2. De même, un donneur d’ordre va être favorisé par rapport à un prestataire (société d’ingénierie) car il sera plus attractif, même si le travail, le contenu de poste n’est pas nécessairement différent (phénomène d’aspiration des candidats par les grandes entreprises renommées évoqué précédemment). Ces éléments peuvent en partie expliquer que certaines entreprises ne vont pas avoir trop de difficultés de recrutement, tandis que d’autres vont en connaître de plus importantes. Aussi, une société d’ingénierie (tout comme un bureau d’études) renvoie une image de forte dépendance par rapport aux constructeurs ou aux équipementiers mais aussi un panel de missions assez diverses. Le choix de l’employeur est enfin associé à des perspectives d’évolution professionnelle, des éléments salariaux et avantages qui peuvent entrer en ligne de compte pour un candidat lorsqu’il postule à un poste d’ingénieur.

–DES FACTEURS GÉOGRAPHIQUES QUI INTERAGISSENT SOUVENT AVEC D’AUTRES ÉLÉMENTS –

Les sites de production industrielle des constructeurs ou des équipementiers sont parfois installés dans des lieux peu attractifs, pas toujours (facilement) accessibles ou proches de centres urbains (et pas systématiquement au même endroit que la recherche-développement). Certains ingénieurs pourraient ainsi ne pas postuler à cause de la situation géographique des implantations. Il est difficile pour les recruteurs d’estimer réellement l’impact de la localisation géographique, puisque nombre de candidats potentiels ne se positionnent pas en amont, ne répondent pas à l’offre… Toutefois, certains recruteurs notent qu’ils ont déjà eu des retours de candidats rencontrés à ce sujet, et que cela a déjà joué en leur défaveur dans le passé.

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66

MONOGRAPHIE SECTORIELLE : L’AUTOMOBILE ET L’AÉRONAUTIQUE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–UN CERTAIN MANQUE DE VISIBILITÉ DE L’OFFRE DE FORMATION INITIALE ?– L’offre de formation initiale d’ingénieurs, dispensée majoritairement par des écoles privées, mais aussi par des instituts publics semble globalement satisfaisante. Les entreprises sont unanimes pour dire que les ingénieurs, et notamment les jeunes ingénieurs sont bien formés. Toutefois, au niveau national, cette offre de formation n’est pas connue.

« Il y a un manque de visibilité au niveau national des offres de formation initiale (écoles d’ingénieurs et masters). » (Observatoire, Automobile-aéronautique)

Par ailleurs, un paradoxe subsiste dans la mesure où les formations d’ingénieurs (écoles) veulent attirer du monde et donc communiquer sur une offre de formation assez large, généraliste, alors que parfois ce sont les formations spécifiques qui sont recherchées par les entreprises.

–L’HÉTÉROGÉNÉITÉ DES TENSIONS AU SEIN DU SECTEUR– Les difficultés de recrutement ne sont pas forcément avérées et perceptibles au niveau de l’ensemble du secteur de l’Automobile-aéronautique. Selon les sociétés rencontrées, les tensions peuvent porter sur certains postes spécifiques en production ou sur un nombre plus importants de métiers de cette fonction. De nombreuses sociétés recourent à des cabinets d’ingénierie, souvent comme mode de « pré-recrutement ». Ainsi, les difficultés de recrutement se déplacent de l’entreprise à la société d’ingénierie. De la même façon, certaines entreprises du secteur Automobile voient leurs cadres très fréquemment sollicités par des entreprises extérieures ou des cabinets de recrutement, ce qui renforce significativement les tensions existantes.

« Je pense que notre principal travail ça va être de voir comment on ne se fait pas piquer nos gars plutôt que comment on va recruter (…), parce que sur les populations cadres c’est impressionnant à quelle vitesse on peut être contacté par des boîtes de recrutement ou en direct. » (Équipementier automobile de rang 1, Automobile-aéronautique)

–LES CONSÉQUENCES DES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DANS LA FONCTION PRODUCTION INDUSTRIELLE ET SERVICES TECHNIQUES –

Les difficultés de recrutement rencontrées peuvent avoir plusieurs impacts au sein des entreprises : • En externe, cela peut signifier de ne pas être en

mesure de répondre à la demande du marché ou d’un client. Pour un donneur d’ordre, cela peut entrainer la perte de marchés sur la production achetée par le consommateur final, et pour un prestataire (société d’ingénierie, équipementier), ne pas pouvoir répondre à la demande du client (donneur d’ordre). Cela peut générer un mécontentement du client ou des retards dans la livraison, etc.

• En interne, cela peut générer plus de pression et de charge de travail pour les salariés, souvent déjà bien occupés.

• Par rapport à la concurrence, cela peut avoir une conséquence directe en termes de parts de marché, car d’autres sociétés vont pouvoir se positionner sur un projet si une entreprise n’est pas en mesure de pouvoir le faire.

• Si l’on se positionne au-delà du périmètre de la France, ce sont les entreprises étrangères qui peuvent gagner des parts de marché au détriment des sociétés françaises, pouvant mettre en péril le système de production et de sous-traitance français. Il peut s’agir par exemple, au niveau macroéconomique, du risque évoqué dans l’étude GIFAS-Observatoire de la Métallurgie (2012)25 de contournement progressif de la sous-traitance française au profit d’entreprises étrangères dans le secteur Aéronautique.

25. Source : GIFAS - Groupement des

industries françaises aéronautiques et spatiales

67APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–SOLUTIONS MISES EN ŒUVRE –

–LES CANAUX DE RECRUTEMENT : PASSER DES CANAUX CLASSIQUES AUX RÉSEAUX SOCIAUX– Afin de réduire leurs difficultés de recrutement, les entreprises ont recours à différents canaux de recrutement, des plus traditionnels à d’autres plus récents : mise en ligne d’annonces en interne et en externe, utilisation de la cooptation (souvent rémunérée) via le réseau des salariés déjà en place dans l’entreprise, etc. On note l’utilisation croissante par les recruteurs des réseaux sociaux : Viadeo, LinkedIn, et autres réseaux professionnels, qui permettent d’accéder à de potentiels candidats passifs. Toutefois le recours aux réseaux sociaux professionnels bien que présent dans les recrutements, est encore appelé à se développer. En effet, c’est par ce biais que les entreprises peuvent entrer en contact avec des ingénieurs expérimentés, profils pour lesquels elles ont le plus de difficultés à recruter.

–UN TRAVAIL SUR L’IMAGE : DE L’INDUSTRIE À L’ENTREPRISE–

Au-delà du travail de communication visant à mieux faire connaître l’industrie et à améliorer son image, enjeu commun à tous les secteurs, les entreprises du secteur jouent également un rôle plus ou moins actif.Pour une entreprise, il peut s’agir de travailler spécifiquement au développement de la « marque employeur » (auprès des collaborateurs, salariés potentiels, voire des consommateurs finaux). Cela se révèle être une nécessité pour certaines sociétés car elles bénéficient de peu de visibilité auprès du grand public. En effet, pour certaines entreprises qui ne se situent pas en position de donneurs d’ordre comme les sociétés d’ingénierie ou certains équipementiers, la problématique de l’image est très importante car elles ne sont pas aussi visibles qu’un constructeur connu du grand public. Elles doivent compenser par une présence accrue sur les réseaux sociaux, et mener de nombreuses actions afin d’améliorer leur image (présence sur les forums, etc.) et attirer notamment des jeunes diplômés qui ne les connaissent pas forcément.

–L’ANTICIPATION DES ÉVOLUTIONS ET DES BESOINS DES ENTREPRISES –

L’Observatoire de la Métallurgie réalise régulièrement des études prospectives afin d’anticiper les évolutions, notamment des métiers et des compétences. Les observatoires sectoriels ou régionaux jouent aussi un rôle important pour mettre en évidence les besoins d’un secteur à différentes échelles géographiques, réaliser un portrait des entreprises présentes, suivre les évolutions des métiers, des compétences… Ces travaux peuvent se faire en coordination et concertation avec des organismes de formation ou les conseils régionaux par exemple.L’identification de ces nouveaux besoins aura une incidence sur l’offre de formation à adapter au vue de ces nouvelles attentes. En effet, si un besoin particulier est pointé par un observatoire, par un groupe d’entreprises, lié à une tendance du marché ou au contexte juridique et réglementaire, il faut pouvoir faire évoluer l’offre de formation en conséquence. Les constructeurs, équipementiers ou sociétés d’ingénierie d’une certaine taille possèdent souvent une cellule spécialisée « formation technique » qui peut répondre à certains besoins de formation ingénieur. Cependant, s’il s’agit d’une « matière » entièrement nouvelle, il devra y avoir une adaptation de l’offre de formation à travers la création de nouveaux diplômes d’ingénieur et/ou de nouvelles spécialités.

Le secteur Automobile est confronté quant à lui à la question des plans de charge. Si le secteur Aéronautique connaît ses plans de charge sur plusieurs années, l’Automobile est davantage soumise à un cycle produit dépendant en partie de la demande finale et du succès d’un modèle. Ces difficultés d’anticipation se répercutent sur les équipementiers, et sur les autres prestataires du secteur, qui sont dépendants des appels d’offre et des projets menés par leurs donneurs d’ordre.

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68

MONOGRAPHIE SECTORIELLE : L’AUTOMOBILE ET L’AÉRONAUTIQUE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–LES PARTENARIATS ENTRE ENTREPRISES ET ÉCOLES D’INGÉNIEURS–

Pour que l’offre de formation s’adapte efficacement, les liens entre les entreprises et les écoles sont primordiaux. Les relations peuvent prendre la forme de contacts privilégiés avec une école ou un réseau d’écoles plus ou moins spécialisées, de partenariats développés dans le temps, souvent (mais pas uniquement) avec des réseaux d’écoles locales, voire des organismes de formation. Les partenariats peuvent se concrétiser par la diffusion d’offres de stage et d’emplois provenant des entreprises, mais aussi des journées portes ouvertes mises en place par les écoles d’ingénieurs. Des relations écoles-entreprises se nouent également à travers des programmes d’apprentissage (alternance ou contrat de professionnalisation, en formation initiale ou continue). Les jeunes diplômés constituent pour certaines sociétés un vivier majeur de recrutement : ainsi l’expérience acquise durant l’apprentissage représente une véritable expérience professionnelle. Ces relations sont souvent historiques et s’inscrivent dans de réelles perspectives de développement et d’orientation des filières d’enseignement, des choix de contenu des diplômes et de leur évolution. Ces évolutions de cursus de formation se font nécessairement dans la durée, compte tenu du temps nécessaire pour la conception ou l’évolution d’un nouveau diplôme d’ingénieur et du nombre d’années de formation d’un jeune ingénieur.

Les partenariats peuvent exister à un niveau plus large que l’établissement d’enseignement, par exemple avec l’Education nationale s’agissant de jeunes en fin de collège/début de lycée pour leur faire découvrir les métiers industriels (en particulier de l’Automobile et de l’Aéronautique).Ainsi, les relations développées entre les entreprises et les écoles améliorent l’adéquation entre l’offre de compétences qu’elles proposent et les besoins de compétences des entreprises. Cela permet également de mieux informer les futurs ingénieurs sur les débouchés potentiels et le contenu réel du travail dans les entreprises de l’Automobile et de l’Aéronautique, ainsi que sur les attendus en entreprise. Cela favorise in fine l’insertion professionnelle des jeunes ingénieurs chez les partenaires.

Certaines écoles sont prêtes à former leurs étudiants aux compétences demandées par les entreprises, en développant leurs propres filières de formation, mais elles insistent sur le fait que cela nécessite du temps et des moyens, et que les entreprises doivent s’engager en assurant des débouchés aux jeunes formés. Selon les établissements formateurs, cela semble être une condition pour instaurer un climat de confiance.

« Il me semble que le monde de l’industrie ne fait pas l’effort nécessaire. » (École, Automobile-aéronautique)

–LE RECOURS À DES SOCIÉTÉS D’INGÉNIERIE : UNE SOURCE DE RECRUTEMENT À COURT-MOYEN TERME POUR LES DONNEURS D’ORDRE–

Le recrutement par un donneur d’ordre d’ingénieurs (notamment en production) sous contrat d’un prestataire n’est pas un épiphénomène : il s’agit d’une pratique courante pour les ingénieurs (cela serait nettement moins vrai pour les postes de techniciens, par exemple) et généralement acceptée par les sociétés qui mettent à disposition un ingénieur chez un client, d’autant plus s’il y a contrepartie et « que ça se fait de manière élégante ». Recruter quelqu’un, en l’occurrence un ingénieur qui a déjà travaillé dans l’entreprise, permet de sécuriser le recrutement dans la mesure où les compétences techniques (mais aussi de gestion de projet, etc.) ont été éprouvées. Pour certaines entreprises, le recours à une société d’ingénierie constitue une source majeure de recrutement d’ingénieurs.

« [Ces sociétés sont] limite considérées comme un cabinet de recrutement (…) et ont un vivier [d’ingénieurs]. » (Équipementier automobile de rang 1, Automobile-aéronautique)

Cela représente ainsi une sorte de « pré-recrutement, c’est surtout une sorte d’alternative plus efficace et rapide à la recherche de candidats », selon les équipementiers automobiles. Toutefois, le recours à des sociétés d’ingénierie concerne plus fréquemment des postes en R&D qu’en production industrielle.À noter que travailler dans une société d’ingénierie peut satisfaire les candidats, notamment les plus juniors.

69APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

Cela leur permet en effet souvent d’accéder sur une période plus ou moins longue à une diversité de missions et de clients, d’expérimenter différents contextes et environnements de travail, avant de décider de leur orientation professionnelle. Pour certains prestataires, les prix bas imposés indirectement par les donneurs d’ordre dans le cadre d’appels d’offre expliquent en partie leurs difficultés de recrutement.

« S’il y avait un peu moins de coercition économique dans le milieu de la prestation, si les sous-traitants bénéficiaient de plus de considération pour le travail qu’ils réalisent et s’en sortaient mieux économiquement, ils pourraient plus rémunérer la cible, et verser des salaires plus élevés (…) Tant que les constructeurs imposeront ce diktat économique, les recrutements seront toujours difficiles. » (Société d’ingénierie, Automobile-aéronautique)

–DES POLITIQUES RH SPÉCIFIQUES DES TALENTS–

Dans le secteur Automobile-aéronautique, il semble que le niveau des salaires proposés aux ingénieurs ne constitue pas une cause de difficultés de recrutement, les rémunérations étant souvent tout à fait compétitives. Les enquêtes menées par des écoles auprès des ingénieurs qu’elles ont formés semblent indiquer peu de différences de salaires entre production et bureau d’études.

S’il existe dans la majorité des entreprises des outils de repérage des compétences et/ou fiches métiers, force est de constater que les passages de technicien production à ingénieur production sont assez rares. Les mobilités ascendantes (i.e. par exemple de technicien à ingénieur ou « ingénieur maison ») peuvent exister, en complétant par de la formation. Elles semblent néanmoins peu fréquentes et moins qu’autrefois.Toutefois, il existe des exceptions : certaines entreprises privilégient la filière interne pour pourvoir leurs postes de cadres en production, notamment par le biais d’une VAE ou en proposant une formation. D’autres vont plutôt recruter en interne pour des postes de cadre en production, et en externe pour des postes en R&D, plus difficiles à pourvoir. Cela est toutefois plus marginal. Par ailleurs, l’apprentissage bénéficie d’une bonne notoriété au sein de nombreuses entreprises de l’Automobile et de l’Aéronautique grâce à l’opérationnalité qu’il apporte et devrait se développer.Enfin, ces dernières disposent souvent d’outils de repérage des « hauts potentiels ». Ces politiques RH de détection et fidélisation de talents peuvent parfois prendre deux modalités : celle d’une filière « management » pour le développement des compétences managériales, et celle d’une filière « expertise » dédiée à un niveau de compétences techniques élevé.

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70

MONOGRAPHIE SECTORIELLE : L’AUTOMOBILE ET L’AÉRONAUTIQUE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–PARCOURS PROFESSIONNEL D’UN CADRE DE LA PRODUCTION : EXEMPLE DE TRAJECTOIRE ET PERCEPTION SUR LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT–

Formation

Passionnée d’automobile, Estelle a d’abord obtenu un diplôme de niveau Bac +2 en génie mécanique et productique, avec une spécialisation aérospatiale. Elle a ensuite suivi une formation d’ingénieur au début des années 2000 en Angleterre, option automotive.

Trajectoire professionnelle

Après avoir obtenu son diplôme d’ingénieur, Estelle a travaillé pendant 13 années chez un constructeur automobile. Son diplôme d’ingénieur (obtenu à l’étranger) n’étant pas reconnu en France ni au sein de son entreprise, elle a d’abord exercé en tant que technicienne au sein de l’entreprise. Mais elle souligne le fait que c’était un poste de « technicien supérieur [qu’elle a] petit à petit transformé en poste d’ingénieur ». Suite à son départ de l’entreprise, elle a d’ailleurs été remplacée par un cadre. Elle a commencé par plusieurs années au service homologation avant de se diriger vers la direction recherche et développement. Elle a pu mettre en valeur ses compétences d’ingénieur. Embauchée comme technicienne de relevés croisés au départ, elle a évolué ensuite vers le pilotage des relevés croisés (pilotage d’activité, formation de collaborateurs) puis le pilotage d’affaires pour fabriquer des prototypes pour le constructeur, en avant-projet (« l’exploration pouvant être intégrée

–ESTELLE, 36 ANS, PILOTE D’ÉTUDES DANS L’AUTOMOBILE–

dans une production future [modèle] »). Elle est ensuite passée à la gestion de projet. Suite à un forum organisé par son ancienne société dans le cadre d’un plan de départ, elle rencontre son futur employeur qui lui fait une offre. Elle est alors embauchée en tant que cadre, avec le salaire associé. Au sein d’équipes projet, elle participe à la fois à la R&D et à la préparation de la production. Elle est présente lors de la phase de conception, tout en étant en relation avec le personnel de la chaîne de montage : sur une production, son activité va donc de l’avant-projet jusqu’à la mise en production. Estelle apprécie son travail pour les sujets variés qu’elle traite, en lien avec des produits « concrets », « qu’on va voir dans la rue ». En négatif, elle juge que les prestataires sont souvent traités avec peu de respect par les donneurs d’ordre.

Perception sur les difficultés de recrutement

Estelle n’a pas perçu de difficultés de recrutement au sein de son entreprise, car les embauches étaient gelées depuis de nombreuses années : l’externalisation via les prestataires était la variable d’ajustement. Par contre, elle note que le départ de son premier poste (homologation, qui allait être externalisé) vers un autre poste en interne a pris longtemps, le processus étant lourd. Au fil des années, elle a vu sur le terrain la réduction des effectifs des équipes, et la perte de compétences associée. Estelle juge que son

Estelle est pilote d’études chez un équipementier automobile, qui est à la fois un petit constructeur et un équipementier (études de calcul, conception, production). Elle dirige un service qui vient d’être créé, le service homologation.

71APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

ancienne société a perdu une partie de « son cœur de métier » (fabrication et possession des compétences en interne), avec l’accent mis sur le « pilotage » de projet, les synthèses, les indicateurs, les compétences « métiers » provenant souvent des prestataires. Elle souligne aussi qu’il y avait des pertes de compétences non remplacées à cause des plans de départ volontaires, l’activité étant « redistribuée à ceux qui restaient ». Estelle juge également que son ancienne entreprise ne connaissait pas bien les métiers, notamment certains qu’elle a exercés. Ils étaient « très difficiles à caractériser » ; elle ne se retrouvait pas dans les descriptifs RH établis. Par ailleurs, elle souligne un problème vécu au sein de son ancienne entreprise : « valoriser les personnes en tant qu’humains ». Cela est dû selon elle à la grosseur de la structure, où règnent souvent la pression et le stress (importance de la bureaucratie, pression au travail). Estelle reconnaît que l’image de l’Automobile s’est dégradée, notamment suite aux crises et aussi au scandale récent lié aux émissions de CO2. Elle note cependant que suite à ces derniers scandales, beaucoup d’entreprises ont décidé de réagir, dont son ancienne société :

nouveaux engagements de la Direction envers ses collaborateurs, décision d’« ouvrir » l’entreprise (travail sur la marque employeur). Estelle reconnaît les compétences techniques des jeunes ingénieurs mais trouve ces derniers « trop individualistes », qu’ils manquent d’esprit d’équipe. Estelle pense que rencontrer les profess ionnels lor s de forums aide significativement les recrutements : le contact humain, le dynamisme, au-delà du seul CV… sont importants. Elle trouve l’apprentissage pour les ingénieurs « génial », et qu’ils acquièrent ainsi « l’esprit d’équipe ». Elle voit la différence avec ceux qui n’en ont pas bénéficié, notamment en termes de compétences acquises.

Perspectives d’évolution professionnelle

En poste depuis peu à la date d’entretien, Estelle n’a pas d’idée précise sur la suite de sa carrière. Elle reste « ouverte » aux opportunités (en interne comme en externe) qui pourraient se présenter. Elle pourrait évoluer vers un poste de chef de projet ou revenir vers la qualité.

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72

MONOGRAPHIE SECTORIELLE : L’AUTOMOBILE ET L’AÉRONAUTIQUE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

73APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

74 Éléments de contexte sectoriel 75 Diagnostic des difficultés de recrutement 78 Causes et conséquences des difficultés de recrutement 82 Solutions mises en oeuvre

–MONOGRAPHIE SECTORIELLE : L’AGROALIMEN-TAIRE–

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–7–

74

MONOGRAPHIE SECTORIELLE : L’AGROALIMENTAIRE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–ÉLÉMENTS DE CONTEXTE SECTORIEL–

–QUELQUES CHIFFRES –

Le secteur des industries agroalimentaires se caractérise par une forte présence d’entreprises de petite taille. Ainsi, 76 % des entreprises de l’agroalimentaire sont des TPE, et 22 % des PME26. On observe toutefois un mouvement de concentration s’expliquant par un rachat des plus petites entreprises, qui tendrait à s’amplifier au cours des prochaines années selon les acteurs du secteur. Cette concentration des entreprises génère une augmentation des besoins en management, en gestion de projet ainsi qu’en animation d’équipe. En 2015, les industries agroalimentaires employaient 440 926 salariés27 (+ 4 332 emplois créés en 2015, soit +0,1 %). Les salariés sont inégalement répartis sur le territoire, ils sont principalement présents dans 4 régions : la Bretagne, les Pays-de-la-Loire, la région Rhône-Alpes et l’Ile-de-France28. De 2005 à 2015, les industries agroalimentaires ont perdu 25 000 postes, ce qui constitue une perte moins importante que dans l’ensemble de l’industrie (-5 % contre -16 %) et montre la bonne résistance de l’agroalimentaire. Le secteur des industries Agroalimentaires connaît une automatisation et une modernisation à la fois des processus et des méthodes tels que le lean manufacturing, la méthode dite des 5 « S » ou encore les prévisions en matière de ventes et de stocks. Si cette automatisation a permis d’améliorer les conditions de travail en supprimant des tâches jugées pénibles et répétitives, elle a aussi eu pour conséquence de faire disparaître des emplois, souvent peu qualifiés. À l’inverse, de nouveaux métiers sont apparus notamment dans la logistique et la supply chain. Aussi, face aux exigences accrues des consommateurs en matière de sécurité alimentaire, les entreprises doivent sécuriser leurs processus de production. Les métiers liés à la QHSE (qualité, hygiène, sécurité, environnement) sont en progression. Ces différents changements nécessitent du personnel de plus en plus qualifié. Aujourd’hui, les cadres et chefs d’entreprise salariés représentent 14 % des salariés du secteur29, chiffre en légère augmentation. La fonction production industrielle, toutes catégories de salariés confondues, regroupe la majorité des effectifs du secteur des industries agroalimentaires

puisqu’elle représente 54 % d’entre eux, 15 % pour la logistique et 7 % pour la maintenance et les travaux neufs30. Dans ce secteur, les entreprises sont très majoritairement françaises : elles internalisent l’ensemble de leurs fonctions et n’ont pas de centres de coûts externalisés, notamment à l’étranger.

–LES PRINCIPAUX ENJEUX –

Les principaux enjeux du secteur des industries agroalimentaires sont les suivants : la compétitivité, l’innovation, les exportations ainsi que la digitalisation et la « premiumisation » de l’offre.

Le premier enjeu est d’abord lié à l’amélioration de la compétitivité. La France connaît des coûts de production qui sont supérieurs à ceux de ses voisins européens, notamment l’Espagne (par exemple dans la filière des fruits et légumes) et l’Allemagne (dans la filière viande) qui n’a mis en place que très récemment un salaire minimum. La réduction des coûts et l’amélioration de la compétitivité des usines agroalimentaires françaises passent, d’une part, par la concentration des plus petites entreprises permettant de profiter d’économies d’échelles, et d’autre part, par une mutualisation des moyens, notamment entre PME (par exemple, au niveau des livraisons par une mutualisation des chargements).Le second enjeu du secteur concerne l’innovation qui est un levier essentiel d’amélioration de la compétitivité des entreprises en permettant d’augmenter la valeur-ajoutée ou de gagner des parts de marché. Il peut s’agir d’une innovation relative au produit (le lancement d’un produit nouveau…), au procédé (le recours à une nouvelle méthode de production…), à la commercialisation (l’utilisation d’un nouveau mode de conditionnement d’un produit…) ou une innovation liée à l’organisation. Les industries agroalimentaires se caractérisent par une forte propension à innover : le secteur compte plus de sociétés innovantes en proportion que d’autres secteurs industriels. (61 % contre 53 % dans les autres industries), pour un effort d’innovation plus important (20 % de l’excédent brut contre 16 % dans les autres industries)31.

26. Conférence de presse annuelle de

l’ANIA (Association nationale des industries alimentaires) ; Bilan 2015 : l’industrie alimentaire française, un acteur majeur en France, en Europe et dans le monde

27. Ibid 28. L’emploi dans le secteur des

industries alimentaires, Observia (Observatoire des métiers de l’industrie alimentaire), chiffres au 31/12/13

29. Ibid30. Ibid31. Note de conjoncture de l’ANIA,

n°71, janvier 2016

75APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

32. Conférence de presse annuelle de

l’ANIA ; L’industrie alimentaire en France : Performances 2014 et perspectives économiques du 1er secteur industriel français

33. Ibid

–DIAGNOSTIC DES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT –

Dans le secteur des industries agroalimentaires, les métiers cadres de la production industrielle et des services techniques se répartissent en 4 grandes familles (tableau 4) :

Sour

ce :

Obs

erva

toire

s du

sec

teur

alim

enta

ire

Un autre enjeu du secteur est relatif aux expor tations . En ef fet , les industr ies agroalimentaires sont le second contributeur à la balance commerciale française malgré une baisse de 7,9 % en 2014 par rapport à l’année précédente32. Néanmoins, seulement deux entreprises du secteur sur dix sont présentes sur les marchés mondiaux33. Les plus petites entreprises sont en effet nombreuses dans l’Agroalimentaire, mais encore relativement peu présentes à l’exportation. Or, comme la demande mondiale de produits agroalimentaires augmente, notamment du fait des pays émergents, il y a un enjeu fort à améliorer les capacités d’exportations des entreprises françaises du secteur.

Le dernier enjeu concerne la digitalisation et la « premiumisation » de l’offre. Il s’agit notamment d’opérer une montée en gamme concernant les produits proposés aux consommateurs. Ceci devrait permettre d’améliorer leur valeur ajoutée ainsi que la compétitivité des entreprises. L’autre aspect concerne la digitalisation, notamment dans le marketing avec le recours au e-commerce ou encore l’impact d’Internet et des réseaux sociaux sur les achats des consommateurs. Pour finir, la performance des entreprises et leur rentabilité reposent également sur la mise en place de systèmes d’information plus performants au sein des entreprises, permettant notamment d’améliorer les processus de circulation des informations pour la production ou encore la logistique.

– Tableau 4–

Les métiers cadres en production industrielle et services techniques

Production

Superviseur de production Responsable de production Directeur de production Analyste de process de production alimentaire Spécialiste planning et ordonnancement

Maintenance

Responsable de maintenanceChargé de méthodesCoordinateur de travauxChef de projet en installation et évolution des équipements

Qualité - Hygiène - Sécurité - Environnement

Analyste sanitaire des alimentsResponsable QHSESpécialiste sécurité - sûretéSpécialiste environnement Spécialiste système d’assurance qualité

Logistique

Responsable logistique Responsable plateforme entrepôtLogisticien ou chargé d’études logistiquesSuperviseur logistique

–7–

76

MONOGRAPHIE SECTORIELLE : L’AGROALIMENTAIRE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

Le dynamisme des recrutements dans le secteur (selon une étude des observatoires du secteur alimentaire, 27 204 recrutements, dont 1 600 cadres34) est confirmé par les acteurs, sur le terrain. Ainsi, un responsable d’un cabinet de recrutement indique que « les recrutements dans le secteur sont explosifs depuis un an et qu’il n’y a jamais eu autant de demandes ». Ceci s’explique notamment par les nouveaux besoins des entreprises en personnel qualifié, notamment en matière de management, gestion de projet, gestion de la performance ou encore dans la logistique, et des remplacements de départs à la retraite en lien avec la pyramide des âges relativement élevée dans le secteur.

L’étude réalisée par les observatoires du secteur Alimentaire (Observia, les observatoires de la coopération agricole et ceux de l’alimentation de détail) met aussi en évidence le fait que, parmi les établissements ayant recruté en 2015, toutes catégories professionnelles confondues, 39 % d’entre eux ont rencontré des difficultés de recrutement dans au moins un projet de recrutement. Cependant, ces difficultés semblent très variables en fonction des profils recherchés. Ainsi, les acteurs interrogés sont unanimes pour dire que les métiers cadres où les difficultés de recrutement sont les plus importantes se trouvent dans la maintenance. Dans ce domaine, les compétences recherchées sont de plus en plus pointues du fait des processus industriels de plus en plus automatisés et des nouvelles technologies qui pénètrent de manière croissante le secteur.

« Au niveau de la maintenance, c’est là où il y a le plus de difficultés de recrutement. » (Observatoire, Agroalimentaire)

« Nous allons lancer des recrutements dans la maintenance industrielle, à tous les niveaux et nous prévoyons de grosses difficultés pour recruter. Nous avons cherché à recruter il y a deux ans, pour un moulin dans l’Est, un responsable maintenance et travaux neufs. Nous avons confié cette offre d’emploi à un cabinet de recrutement qui nous a proposé quelques candidatures. Mais tous les postulants avaient un niveau trop élevé en termes de compétences, inadapté à la taille de l’usine. Nous avons fini par pourvoir ce poste en interne, en passant cadre un agent de maîtrise déjà présent dans l’usine et que nous avons nommé responsable de la maintenance. » (Meunerie, Agroalimentaire)

Outre les métiers de la maintenance, les postes de technologues produits, par exemple les fromagers ou responsables de fromagerie ou encore les boulangers connaissent également des difficultés de recrutement. Dans d’autres métiers, les difficultés semblent moins récurrentes même si elles peuvent être présentes au coup par coup. Ainsi, certaines entreprises déclarent rencontrer parfois des problèmes pour recruter leurs directeurs d’usine. Pour ce type de poste, les employeurs sont à la recherche d’un profil ayant une expérience en management et en pilotage ainsi que des compétences techniques et industrielles. De plus, pour un futur directeur d’usine, une première expérience du monde de l’Agroalimentaire est essentielle, parfois même une expérience du produit, mais pas toujours. Ainsi, par exemple, dans la fabrication de fromage, une connaissance des produits laitiers est demandée, alors que dans la meunerie la connaissance produit n’est pas toujours exigée.

« Aucun des trois derniers directeurs d’usine que j’ai embauchés l’année dernière n’avait d’expérience en meunerie. » (Meunerie, Agroalimentaire)

« Nous recherchons une compétence du monde de l’Agroalimentaire, avec une forte connaissance du produit, le lait, ainsi que sur les process et les métiers. Un mécanicien ou un généraliste ne pourrait pas être directeur d’usine dans la mesure où il va avoir des décisions à prendre sur le produit lui-même. » (Producteur de fromages, Agroalimentaire)

À l’inverse, globalement, il ne semble pas y avoir de difficultés de recrutement pour les métiers liés à la QHSE (qualité hygiène sécurité environnement), bien que ces compétences soient devenues aujourd’hui incontournables au sein des entreprises et sont de plus en plus pointues. Sporadiquement, il est toutefois possible de rencontrer des difficultés pour recruter des responsables qualité produits. Dans ce cas, c’est la connaissance liée au produit qui est demandée et qui est un frein. Il n’y a, par contre, pas de difficulté de recrutement évoquée en ce qui concerne les métiers liés à l’assurance qualité. Si les problèmes de recrutement dépendent des postes à pourvoir, ils sont aussi fortement liés aux territoires sur lesquels sont implantés les usines. Ainsi, il semble que les tensions soient moins importantes en Bretagne, région où le secteur des industries agroalimentaires est très présent. Les candidats potentiels sont ainsi plus nombreux, même

34. Enquête bilan 2015/ perspectives

de recrutement 2016, Les observatoires du secteur alimentaire

77APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

si la concurrence entre employeurs y est aussi plus forte. Aussi, les perspectives de mobilité et d’évolution professionnelle peuvent être plus importantes, ce qui peut attirer et retenir les cadres. La région a toutefois une forte connotation industrielle, ce qui peut rebuter certains candidats et rendre les recrutements plus difficiles. Dans l’Est de la France ou en Rhône-Alpes, les difficultés semblent plus importantes qu’en Bretagne, notamment du fait de la ruralité des territoires ou de la proximité avec la frontière Suisse. Ces zones géographiques tirent profit toutefois d’une image de terroir avec des produits de qualité estampillés par des labels. Les difficultés de recrutement sont enfin très variables en fonction des dif férentes branches de l’Agroalimentaire. Ainsi, la filière qui rencontre les tensions les plus importantes serait celle des produits carnés (viande et charcuterie). Cette filière semble peu attractive pour les candidats alors même que les besoins en recrutement sont nombreux et les opportunités professionnelles intéressantes. En particulier, les besoins en matière de management et d’animation d’équipe sont importants.

S’il existe des difficultés de recrutement dans l’Agroalimentaire, pour certains postes tout particulièrement, le turn-over semble en revanche relativement faible. Une fois qu’ils sont dans l’entreprise, les salariés font le choix d’y rester.

« Il y a un attachement au secteur, au produit qui va être consommé. C’est un métier attachant où il y a peu de turn-over. » (Cabinet de recrutement, Agroalimentaire)

« Il y a peu de turn-over chez nous, mais des difficultés de recrutement. On observe un attachement à la fois à l’entreprise, au produit et à la marque. Le cadre de vie est agréable : c’est à la fois un handicap pour recruter et un atout pour les conserver. » (Producteur de fromages, Agroalimentaire)

Par conséquent, l’ancienneté est assez importante.

« L’ancienneté est importante dans l’entreprise : 17 ans en moyenne, 47 ans d’âge moyen. Les gens restent dans l’entreprise. » (Meunerie, Agroalimentaire)

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78

MONOGRAPHIE SECTORIELLE : L’AGROALIMENTAIRE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–DES ÉTUDIANTS FORMÉS EN NOMBRE INSUFFISANT ET DES FORMATIONS TROP GÉNÉRALISTES –

Une des premières raisons pouvant expliquer les difficultés de recrutement que rencontre actuellement le secteur des industries agroalimentaires tient, selon les acteurs, au fait que les écoles spécialisées ne forment pas suffisamment de jeunes par rapport aux besoins du secteur. Les écoles elles-mêmes font état de leurs difficultés pour « faire le plein d’étudiants dans les formations » qu’elles proposent. Ainsi, un responsable d’une école spécialisée dans la filière lait évoque ses difficultés à pourvoir les places disponibles dans ses formations post-bac orientées vers le monde industriel (par exemple, la licence professionnelle management de la production dans les industries alimentaires). À l’inverse, les formations orientées vers l’artisanat et le terroir n’ont pas de difficultés à attirer les étudiants (par exemple, la licence professionnelle responsable de productions fromagères de terroir). De la même manière, un récent article paru dans la revue des industries des céréales35 met en lumière le fait que « les promotions sont clairsemées dans les établissements spécialisés », mais également qu’il existe un manque « pour des métiers pointus [comme vu précédemment], de formation dédiée ». Ainsi, les tensions en matière de recrutement que rencontrent les écoles se répercutent par la suite sur les entreprises. De plus, les employeurs déplorent une certaine inadéquation entre les compétences dont disposent les jeunes diplômés au sortir de l’école et leurs

propres besoins. En effet, la formation initiale en école d’ingénieur est jugée très généraliste, voire trop, par rapport à leurs attentes, et manque d’opérationnalité. L’apprentissage est, selon eux, encore insuffisamment développé dans les formations post-Bac, qui forment les futurs cadres.

« Les jeunes ont un savoir-faire mais ils ont dû mal à le mettre en œuvre. » (Observatoire, Agroalimentaire)

« Les jeunes sont de plus en plus généralistes. » (Cabinet de recrutement, Agroalimentaire)

Ainsi, les entreprises se trouvent contraintes de compléter la formation initiale de leurs jeunes diplômés nouvellement embauchés par de la formation continue notamment via des écoles internes. Un responsable d’une école laitière explique que les formations proposées sont plus généralistes qu’auparavant, d’une part, car les formations techniques spécialisées sont coûteuses, et d’autre part, en raison de l’entrée en vigueur de la réforme dite LMD (licence master doctorat) du système d’enseignement supérieur français au début des années 2000. Ainsi, alors qu’auparavant son offre de formation supérieure s’arrêtait au niveau BTS et que les entreprises recrutaient leurs cadres à partir de ce niveau, son école propose désormais un parcours sur trois ans avec un BTS puis une licence professionnelle en apprentissage. Dans ce nouveau cadre, les deux premières années sont dédiées à l’apprentissage scolaire (alors qu’elles étaient auparavant davantage consacrées à l’acquisition de compétences techniques), tandis que la dernière année de licence est consacrée à l’apprentissage et à l’intégration au monde de l’entreprise.

35. Difficultés à recruter : la parade

s’organise dans les filières céréalières, revue des Industries des céréales, n°195, novembre – décembre-janvier 2016.

–CAUSES ET CONSÉQUENCES DES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT –

Les acteurs interrogés évoquent différentes causes pouvant expliquer les difficultés de recrutement. Elles peuvent être regroupées en quatre catégories : • l’insuffisance du nombre d’étudiants formés et des formations trop généralistes par rapport aux

besoins des entreprises ; • le fait que les salariés en production industrielle ou dans les services techniques, doivent, dans

le secteur agroalimentaire, subir de multiples contraintes ; • des problématiques liées à l’image et l’attractivité, notamment salariale, du secteur ; • le manque d’attractivité des zones d’implantation des sites industriels et la faible mobilité

géographique des cadres.

79APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–DES MÉTIERS AVEC DE FORTES CONTRAINTES –

Le secteur des industries agroalimentaires présente des contraintes fortes qui pèsent sur les salariés. Ainsi, la production industrielle dans l’Agroalimentaire se distingue par l’importance accordée à l’hygiène et la santé. Sur ces questions essentielles, les normes se multiplient et nécessitent, dès lors qu’un salarié est en contact direct avec le produit ou doit intervenir sur celui-ci, une connaissance du milieu agroalimentaire. Pour certains métiers, les entreprises exigent une connaissance du produit, acquise par l’expérience ou l’obtention d’un diplôme. C’est par exemple le cas dans le milieu du lait, pour occuper un poste en production industrielle. Les contraintes sanitaires sont d’autant plus prégnantes que l’on monte dans la hiérarchie et tout particulièrement pour les directeurs d’usine, dont la responsabilité est engagée.

« Directeur d’usine c’est un poste très exposé, il est seul face à ses décisions. » (Producteur de fromages, Agroalimentaire)

Les postes liés à la maintenance sont quasiment les seuls pour lesquels les entreprises acceptent d’embaucher un candidat sans expérience du secteur de l’Agroalimentaire (par exemple responsable technique ou responsable de maintenance), et ce d’autant plus que le secteur de l’Agroalimentaire est technologiquement moins avancé que la plupart des autres industries. Il y a donc un intérêt fort pour les industries agroalimentaires à recruter des cadres de maintenance issus d’autres secteurs d’activité. L’existence de fortes tensions sur cette spécialité incite également les recruteurs à une certaine ouverture sur les profils recherchés. Une autre contrainte liée au secteur Agroalimentaire réside dans le fait que la matière première transformée tout comme les produits finis sont périssables. Cette spécificité génère d’importantes contraintes en termes de gestion des stocks et de production, qui impactent les conditions de travail des salariés, obligés de travailler dans le froid, par exemple dans la viande et la charcuterie.

« Les contraintes liées aux produits frais sont fortes. Par exemple, c’est impossible de stocker des volailles une fois qu’elles sont dans l’usine. » (Cabinet de recrutement, Agroalimentaire)

Ainsi, dans les industries agroalimentaires, les conditions de travail sont jugées pénibles (travail dans le froid, mais pas seulement). Les salariés peuvent également être soumis à un environnement chaud, par exemple, au niveau des terminaux de cuisson dans la boulangerie-pâtisserie ou encore pour assurer la cuisson du sucre. Si la production sucrière est désormais très automatisée et limite le nombre de salariés exposés à cet environnement, il n’en reste pas moins que certains y sont toujours soumis, notamment les salariés en charge de la maintenance des machines. Autres facteurs de pénibilité dans les industries agroalimentaires : le travail le week-end et des astreintes qui peuvent être imposées, ainsi que le temps de travail posté

–L’AGROALIMENTAIRE : UN SECTEUR INDUSTRIEL PEU ATTRACTIF–

La question de l’attractivité semble, de manière unanime pour les acteurs interrogés, constituer une problématique clé dans le secteur des industries agroalimentaires : en général, les cadres ne s’orienteraient pas vers la fonction production industrielle (et les services techniques) et cela semble le cas de manière encore plus prégnante pour l’Agroalimentaire par rapport à d’autres secteurs industriels. Ce problème d’attractivité aurait plusieurs raisons : les salaires, mais également l’image et le manque de notoriété des entreprises et du secteur. Concernant les salaires, ils semblent très disparates en fonction des différentes conventions collectives et moins attractifs dans l’Agroalimentaire par rapport à d’autres secteurs industriels, et cela malgré les contraintes et les conditions de travail qui y sont pénibles. Ceci peut s’expliquer, d’une part, par la taille des entreprises qui constituent le secteur. Ainsi, 85 % des établissements ont moins de 50 salariés. D’autre part, l’Agroalimentaire se caractérise par une rentabilité économique et des marges faibles, ce qui peut avoir pour conséquence certaines restrictions salariales.

« Par rapport à d’autres filières industrielles, les salaires sont inférieurs dans l’Agroalimentaire : cela s’explique notamment par un effet lié à la taille des entreprises mais également du fait de la rentabilité sur le produit final. » (Producteur de fromages, Agroalimentaire)

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MONOGRAPHIE SECTORIELLE : L’AGROALIMENTAIRE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

« Il y a une grande méconnaissance de ce qu’est un moulin. On imagine un moulin avec ses ailes mais pas une industrie fortement automatisée. » (Meunerie, Agroalimentaire)

Un dernier élément concerne la notoriété des entreprises agroalimentaires qui recrutent : dans certains cas, l’entreprise elle-même n’est pas connue des consommateurs finaux et c’est la marque ou le produit en lui-même qui l’est, ce qui peut compliquer les recrutements.

« Dans le BtoC, c’est facile de faire connaître son entreprise mais pour nous le client c’est le boulanger et pas le consommateur final qui ne nous connaît pas. Le produit final est pourtant très connu et facile à expliquer. Ce n’est pas un problème lié à l’image du produit mais bien une question de notoriété de l’entreprise. » (Meunerie, Agroalimentaire)

–DES SITES INDUSTRIELS PRINCIPALEMENT IMPLANTÉS EN ZONE RURALE –

Un autre aspect semble particulièrement important pour expliquer les difficultés de recrutement rencontrées par les entreprises du secteur des industries agroalimentaires : la localisation des postes à pourvoir. Les entreprises du secteur Agroalimentaire sont en effet principalement implantées en zone rurale, au plus près des territoires agricoles, notamment dans les régions Bretagne, Pays-de-la-Loire et Rhône-Alpes.

« Les industries agroalimentaires sont souvent situées en pleine campagne ! » (École, Agroalimentaire)

« Géographiquement, la localisation des postes dans le secteur est compliquée ! » (Cabinet de recrutement, Agroalimentaire)

Or, cette localisation en zone rurale, dans des territoires faiblement densifiés, peut être un frein pour des candidats, notamment en raison des faibles perspectives d’emploi pour le conjoint. Ainsi, comme l’indique un DRH, il n’est pas rare d’observer des « célibataires géographiques », c’est-à-dire des salariés travaillant la semaine dans une industrie

« Les salaires ne sont pas au niveau d’autres secteurs, notamment high-tech, les marges sont trop faibles pour ça. » (Meunerie, Agroalimentaire)

Pourtant un dirigeant d’un cabinet de recrutement indique que les entreprises du secteur se sont adaptées à la réalité du marché et aux difficultés de recrutement, de sorte qu’il y a eu un rattrapage salarial opéré depuis 4 ou 5 ans dans le secteur, notamment sur des postes de responsable technique, directeur de production ou encore directeur d’usine.

« Un responsable maintenance et travaux neufs était payé 40/50 k€ il y a 4/5 ans contre minimum 60 k€ aujourd’hui. » (Cabinet de recrutement, Agroalimentaire)

Néanmoins, même avec ce rattrapage, les salaires dans l’Agroalimentaire restent encore inférieurs à la moyenne dans l’industrie. Outre les rémunérations, une autre problématique tient lieu à la mauvaise image de l’industrie en général et de l’Agroalimentaire en particulier, ceci concernant en tout premier lieu la production. Ainsi, les jeunes s’en détournent au profit de la recherche & développement ou encore des laboratoires dans de grandes entreprises industrielles du secteur, la R&D ne connaissant aucune dif ficulté de recrutement actuellement. Les candidats se tournent également plus volontiers vers des structures de plus petite taille, les fermes et les coopératives, et vers les PME peu mécanisées. Ces structures bénéficient d’une image d’artisanat, avec des produits de terroir et de qualité. En tout état de cause, les jeunes diplômés semblent éviter de se confronter aux grandes usines.

« Le secteur de l’Agroalimentaire ne fait pas rêver, il n’y a pas de haute-technologie. Le secteur agricole a, dans ce cas, une attractivité plus forte que l’industrie de la transformation agricole. » (Meunerie, Agroalimentaire)

Plusieurs raisons peuvent expliquer cette mauvaise image du secteur. D’une part, les crises sanitaires ont pour conséquence de détourner les candidats du secteur de l’Agroalimentaire. D’autre part, ce secteur est perçu comme sous dôté du point de vue technologique, par rapport à d’autres secteurs très automatisés comme l’Automobile, contrairement à la réalité de certaines activités très automatisées.

81APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

agroalimentaire, en zone rurale, laissant leur conjoint et leur(s) enfant(s) dans leur région d’origine et faisant des navettes hebdomadaires. Cette question du travail du conjoint est, notamment mais pas seulement, un frein à la mobilité géographique des salariés. Le manque de mobilité géographique des salariés est déploré par l’ensemble des acteurs interrogés, et cité comme étant l’une des principales causes pouvant expliquer les difficultés de recrutement.

« Une autre difficulté pour recruter concerne la mobilité géographique des candidats, elle empire et les gens sont de moins en moins mobiles. » (Producteur de fromages, Agroalimentaire)

« Une des causes des difficultés de recrutement tient à la non-mobilité des salariés en France. » (Cabinet de recrutement, Agroalimentaire)

Ainsi, selon un récent sondage réalisé par l’institut CSA à l’occasion du colloque « emploi et territoires » organisé par le Conseil d’orientation pour l’emploi en novembre 2015, 56 % des salariés déclaraient qu’ils n’étaient pas prêts à déménager pour changer d’emploi (55 % pour les chômeurs). Ce manque de mobilité des salariés peut s’expliquer, par les difficultés de trouver un emploi pour le conjoint mais également pour des questions liées à la propriété immobilière et l’accès au logement. D’une manière générale, la frilosité vis-à-vis de la mobilité est à mettre en perspective avec le récent contexte économique dégradé qui était peu favorable aux changements d’entreprise. Les salariés sont en effet plus frileux à l’idée de quitter un emploi stable et de se soumettre à une nouvelle période d’essai d’autant plus si ce changement implique un déménagement de leur famille, synonyme d’une plus grande prise de risque pour eux. Ainsi, un DRH indique que pour consentir à cette prise de risque, les candidats attendent une forte augmentation de salaire en contrepartie. Or, les entreprises ont du mal à suivre compte-tenu des faibles marges dans le secteur.

« Pour changer d’entreprise, les candidats attendent une forte augmentation de salaire vu le risque à prendre. » (Producteur de fromages, Agroalimentaire)

–LES CONSÉQUENCES DES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT –

L’existence de difficultés de recrutement pour les entreprises du secteur de l’agroalimentaire n’est pas sans conséquence pour elles. Tout d’abord, s’agissant du service des ressources humaines, ces tensions augmentent la durée moyenne nécessaire pour embaucher un salarié et obligent également les entreprises à multiplier les canaux de recrutement, voire à recourir à des cabinets spécialisés. Ainsi, dans le secteur des industries agroalimentaires, comme dans d’autres secteurs, notamment industriels, les processus et circuits de recrutement se sont fortement complexifiés au cours de ces dernières années. Il semble aujourd’hui nécessaire de multiplier les canaux, en publiant des offres sur les principaux sites d’emploi nationaux, mais aussi sur des sites régionaux ou sectoriels ou encore en ayant recours aux réseaux sociaux professionnels ou à un intermédiaire du recrutement. Par conséquent, les recrutements difficiles sont, d’une part, coûteux pour les employeurs, et d’autre part, mobilisateurs de temps et de moyens, notamment au niveau des ressources humaines mais aussi des managers ou directeurs de site, qui en ont la charge. L’existence de difficultés de recrutement peut aussi générer un manque de personnel, ce qui peut être un frein au développement de l’activité de l’entreprise et générer un surplus de travail pour les salariés en poste, sur lesquels sont reportées les tâches du poste vacant.

« Les difficultés de recrutement mobilisent du temps au niveau des ressources humaines pour trouver les bons candidats et empêchent le bon développement de l’entreprise. » (Observatoire, Agroalimentaire)

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MONOGRAPHIE SECTORIELLE : L’AGROALIMENTAIRE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

36. Organisme paritaire collecteur

agréé, qui assure la gestion du financement de la formation professionnelle continue dans le secteur privé.

37. La Préparation Opérationnelle à l’Emploi permet la mise en place d’une formation de préparation à la prise de poste, afin de résorber l’écart entre les compétences du candidat retenu et les compétences requises par le poste.

–UNE MODIFICATION DES PROCESSUS DE RECRUTEMENT –

Une des solutions les plus fréquemment utilisées par les entreprises du secteur de l’Agroalimentaire consiste à recourir à un cabinet de recrutement pour procéder à leurs recrutements de cadres. Cette pratique permet, d’une part, de reporter sur le cabinet la gestion des difficultés de recrutement.

« Je les [les cabinets de recrutement] paie, je n’ai pas besoin d’entendre leurs difficultés. » (Meunerie, Agroalimentaire)

« Les entreprises ont recours à un cabinet de recrutement, soit en première intention soit parce qu’elles rencontrent déjà des difficultés de recrutement. Ainsi, elles reportent leurs difficultés sur le cabinet. » (Cabinet de recrutement, Agroalimentaire)

D’autre part, l’entreprise peut bénéficier des conseils du cabinet, du fait de son expertise sectorielle ou territoriale, afin d’améliorer ses processus de recrutement (en termes de définition du besoin, de canaux utilisés, de grille salariale…).

« Nous avions des difficultés de recrutement, mais depuis 18 mois, les processus de recrutement ont été modifiés. Depuis que nous exprimons mieux nos besoins et que nous recourons à un cabinet, les recrutements sont facilités. » (Meunerie, Agroalimentaire)

Ainsi, le recours à un tiers permet à l’entreprise qui recrute de davantage réfléchir aux contours du poste proposé, de mieux exprimer ses besoins en termes de profil recherché (diplôme, niveau d’expérience, secteur et filière d’origine…) mais également de fixer dès le début de la recherche un salaire conforme au marché.

« Nous avons un vrai rôle de conseil et ce dès le départ, notamment sur le positionnement de l’offre d’emploi.

On travaille sur la cohérence entre les exigences demandées, le profil et le salaire. » (Cabinet de recrutement, Agroalimentaire)

Face aux difficultés de recrutement qu’elles rencontrent, les entreprises peuvent aussi être amenées à redéfinir les profils recherchés, notamment en termes de niveau de diplôme, de secteur d’activité d’origine ou encore de niveau d’expérience qui peut être revu à la baisse. Un autre acteur peut également avoir un rôle de conseil, notamment en matière de recrutement et de formation, il s’agit de l’OPCA36. En effet, des conseillers formation d’OPCALIM sont chargés d’accompagner les entreprises du secteur en leur proposant des solutions en matière de recrutement ou de formation en lien avec leurs projets de développement et les problématiques du territoire. Ils peuvent par exemple accompagner une entreprise dans la mise en place d’une Préparation Opérationnelle à l’Emploi37 en vue de faciliter un recrutement.

–LE RECOURS À LA MOBILITÉ INTERNE –

Le manque de perspectives d’évolution professionnelle est parfois évoqué par les employeurs comme une des causes qui pourrait expliquer les difficultés de recrutement dans le secteur. Pour autant, la mobilité interne, notamment ascendante (non-cadre vers cadre), semble communément utilisée par les entreprises pour pallier les tensions. Dans certaines entreprises, les postes sont prioritairement proposés en interne avant de faire appel aux candidatures externes. Des parcours de formation peuvent être prévus pour combler les éventuels écarts entre les compétences du collaborateur et celles requises par le poste. Ainsi, même si ceci semble moins vrai qu’auparavant, le secteur des industries agroalimentaires se caractérise par une certaine ouverture vis-à-vis des profils choisis pour accéder à des postes d’encadrement.

–SOLUTIONS MISES EN OEUVRE–

Au vu des conséquences, notamment financières, les entreprises tentent de pallier les difficultés de recrutement qu’elles rencontrent. Les solutions envisagées peuvent être de plusieurs types.

83APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

« On fait le pari des hommes et pas des diplômes. » (Cabinet de recrutement, Agroalimentaire)

Ainsi, il n’est pas rare de rencontrer des directeurs d’usine ne possédant qu’un BTS qu’ils compensent par une grande expérience professionnelle. Ces possibilités de progression sont particulièrement vraies dans certaines filières qui rencontrent d’importantes difficultés de recrutement, comme dans les produits carnés (viande et charcuterie) ainsi que dans les entreprises de plus petite taille. Les entreprises ayant fréquemment recours à la mobilité interne pour pouvoir leurs postes proposent généralement des parcours de progression structurés, avec des dispositifs adaptés aux besoins de chaque salarié (formation, tutorat, période d’observation…).

« Il y a une forte structuration de la mobilité ascendante dans l’entreprise pour accéder au statut de cadre. » (Meunerie, Agroalimentaire)

Ceci passe notamment par le suivi d’un certain nombre de formations, comme par exemple en management ou en conduite du changement. Dans les entreprises de taille importante, ces formations peuvent être dispensées en interne par une « école » spécifique à l’entreprise. Les cadres nouvellement promus peuvent également être accompagnés par un tuteur lors des premiers mois de leur prise de poste. Dans certaines entreprises, une période d’adaptation de quelques mois à un an peut aussi être proposée ; au cours de laquelle, le salarié comme la direction peuvent se rétracter à tout moment. Certaines entreprises souhaitent toutefois ne pas uniquement recourir à la mobilité interne pour pourvoir leurs postes, estimant que le recrutement de candidats en externe permet un enrichissement et un apport de nouvelles compétences.

–LE DÉVELOPPEMENT DE L’APPRENTISSAGE–

Bien que moins développé dans les formations d’ingénieurs, les mérites de l’apprentissage sont vantés par l’ensemble des recruteurs interrogés et certains ont déjà développé des partenariats avec des écoles spécialisées dans leur secteur d’activité.

Pour les étudiants, l’apprentissage permet de mettre en pratique les savoirs théoriques acquis à l’école et donc de gagner en opérationnalité, ainsi qu’en maturité, ce qui facilite leur insertion professionnelle.

« Le levier de l’apprentissage est très utile en matière d’insertion professionnelle, les taux d’insertion sont extrêmement importants. » (École, Agroalimentaire)

Pour les entreprises, le recours à l’apprentissage est une solution aux tensions en matière de recrutement. Cela constitue un outil de pré-recrutement, en offrant la possibilité de tester les compétences et le savoir-être des apprentis avant de leur proposer un poste en CDI ou CDD. C’est aussi une manière de se constituer un vivier de candidats potentiels pour de futurs postes à pourvoir.

« Cela permet de vérifier le savoir-être, le niveau de maturité du jeune et sa capacité à mettre en œuvre des plans d’actions. » (Cabinet de recrutement, Agroalimentaire)

L’accueil d’apprentis demande toutefois un investissement financier, notamment en matière de formation, mais également des moyens humains pour les encadrer alors même que, dans le secteur de l’Agroalimentaire, le taux d’encadrement est peu élevé. À l’issue de la période d’apprentissage, en fonction de leurs besoins, les entreprises n’hésitent pas à recruter un certain nombre de leurs apprentis qui leur ont donné satisfaction. Ainsi, dans une des entreprises interrogées, un quart des apprentis de niveau Bac +4/ +5 sont recrutés chaque année une fois diplômés et des parcours d’évolution leur sont proposés. Ils sont d’abord affectés sur des postes de chef d’équipe qui leur permettent de se former au management. Puis, en fonction de leurs capacités et de leur mobilité géographique, ils peuvent éventuellement se voir proposer un poste de responsable de fromagerie.Alors que l’apprentissage a de nombreux atouts pour les entreprises comme pour les jeunes, il est encore peu développé au niveau des écoles d’ingénieurs. L’OPCA du secteur, OPCALIM, concentre aujourd’hui ses efforts sur le développement de l’apprentissage dans l’agroalimentaire en s’appuyant sur des conseillers alternance chargés de promouvoir l’alternance au sein des entreprises. Leur mission consiste notamment à les informer sur les formations, les écoles mais également sur les aspects administratifs.

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MONOGRAPHIE SECTORIELLE : L’AGROALIMENTAIRE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–AMÉLIORER L’ATTRACTIVITÉ ET L’IMAGE DU SECTEUR –

Compte-tenu des difficultés de recrutement dans l’Agroalimentaire, les acteurs du secteur (écoles, entreprises, branche…) souhaitent améliorer son image, notamment en communiquant davantage sur le secteur et ses métiers. Plusieurs solutions au niveau des entreprises peuvent être envisagées. Les entreprises du secteur sont en effet bien souvent méconnues des consommateurs finaux, et donc des candidats potentiels. L’une des entreprises rencontrées cherche à améliorer cette notoriété en développant sa marque employeur, en participant par exemple à des forums et salons. Pour se faire connaître auprès des jeunes en formation, certaines entreprises proposent aussi des visites d’usine. L’organisation de ce type d’évènement est plus compliquée dans l’Agroalimentaire que dans d’autres secteurs industriels compte tenu des normes en matière d’hygiène et de sécurité, mais cela permet aux jeunes de mieux appréhender le secteur et les métiers proposés.

« Les écoles ne parlent pas assez de l’industrie. Elles parlent de la mécanique mais pas du lieu où on peut en faire. Les jeunes ne savent pas qu’il y a de la mécanique dans les industries agroalimentaires. » (Meunerie, Agroalimentaire)

Au niveau de la branche, les difficultés de recrutement rencontrées par les entreprises sont connues : depuis l’année dernière, l’observatoire réalise une enquête auprès de l’ensemble des entreprises de son périmètre sur leurs recrutements. Plusieurs travaux ont été entrepris en matière de communication sur le secteur et ses métiers. Tout d’abord, un répertoire des métiers a été créé ainsi que des fiches métiers comprenant une définition du métier, des activités, les compétences et les connaissances qu’il mobilise. Il est aussi envisagé de compléter ces fiches avec des informations sur les passerelles possibles entre les différents métiers du secteur. De plus, un site internet a été créé (ALIMETIERS) permettant de promouvoir l’ensemble des métiers de l’Alimentaire et de développer leur attractivité. On peut y trouver des informations sur le secteur, des vidéos témoignages pour présenter les différents métiers, les possibilités de formation ou encore des offres d’emploi.

85APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

86 Éléments de contexte sectoriel 88 Diagnostic des difficultés de recrutement 92 Causes et conséquences des difficultés de recrutement 97 Solutions mises en oeuvre 102 Parcours professionnels de cadres de la production : exemples de

trajectoires et perceptions sur les difficultés de recrutement

–MONOGRAPHIE SECTORIELLE : LES INDUSTRIES PHARMACEUTIQUE ET CHIMIQUE–

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MONOGRAPHIE SECTORIELLE : LES INDUSTRIES PHARMACEUTIQUE ET CHIMIQUE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–ÉLÉMENTS DE CONTEXTE SECTORIEL–

–QUELQUES CHIFFRES –

L’industrie pharmaceutique

Au sens strict39, le secteur représente 80 214 emplois40 : 72 146 emplois pour la fabrication de préparations pharmaceutiques et 8 068 pour celle de produits pharmaceutiques de base. Selon le champ couvert par le LEEM (Les entreprises du médicament), près de 100 000 personnes travaillent dans l’industrie pharmaceutique en France. Ce chiffre est en baisse constante depuis quelques années. Ainsi, l’année 2013 a vu les effectifs passer sous la barre symbolique des 100 000 salariés. Les chiffres de 2014 montrent encore un recul mais qui semble s’infléchir : -0,6 % en un an (vs -2 % pour l’ensemble de l’industrie). En dix ans, les effectifs ont baissé de 5,8 % mais le nombre de recrutements reste dynamique. L’industrie du médicament a recruté en moyenne, sur les dix dernières années, 10 000 personnes par an : 49 % des recrutements en 2013 ont été réalisés dans la fonction production, en commercialisation, dans les fonctions transverses et en R&D. Près de 6 emplois sur 10 de l’industrie du médicament se concentrent dans quatre régions : plus d’un quart en Île-de-France, suivie des régions Rhône-Alpes, Centre et Haute Normandie, traduisant une vraie logique de filière dans les territoires avec la présence de pôles de compétitivité dédiés à la biotech-santé (Medicen en Île-de-France, Lyonbiopôle à Lyon…)41.

Au total, selon le LEEM, 246 sites étaient recensés en France en 201442 contre 302 en 2000, et près de 1 000 dans les années 1950. Cette baisse du nombre des unités de production résulte notamment de la suppression de l’obligation légale qui était faite aux entreprises de localiser la dernière étape de production de leurs médicaments dans les pays où elles souhaitaient les commercialiser.

La recherche de la taille critique et l’adaptation récente de l’industrie aux coûts de R&D toujours plus importants, aux normes internationales ainsi qu’aux grandes mutations et innovations technologiques ont aussi entraîné une modification du tissu pharmaceutique industriel français qui explique la baisse continue du nombre d’entreprises en raison de fusions/acquisitions et de mouvements de concentration. Dans ce secteur, la production industrielle joue un rôle essentiel et mobilise des compétences très diverses. Elle répond à des normes de qualité nationales et internationales très strictes, et garantit le respect de l’environnement et de la sécurité. La famille des métiers de la production industrielle demeure ainsi la plus importante avec 43 % des effectifs en 2014 (plus de 42 000 salariés)43. Par ailleurs, la part élevée des effectifs dans la famille R&D (14 % en 2014, soit près de 14 000 salariés) constitue une des principales caractéristiques du secteur. La France est un acteur clé de la sous-traitance de production pharmaceutique (autrement appelé façonnage) dans le monde. La sous-traitance s’est accentuée depuis les années 1990 et a, petit à petit, révolutionné le secteur. En effet, en France, plus d’une trentaine de sites ont déjà été cédés à des sous-traitants par les grands laboratoires, les « Big Pharma » qui, afin d’améliorer leur rentabilité, se repositionnent sur l’innovation et la commercialisation.

L’industrie chimique

Au sein de ce secteur, les activités s’étendent des produits de base minéraux et organiques aux médicaments en passant par les engrais, les matières plastiques, les arômes, les colles, les produits de beauté, etc. L’industrie chimique française se situe au 6e rang mondial et se positionne comme le 2e producteur européen. La France est aussi le 3e

exportateur mondial de produits chimiques et pharmaceutiques, et la plupart des grands acteurs de la chimie mondiale sont présents sur le territoire.

Dans les secteurs industriels de haute technologie que sont la pharmacie et la chimie, la France a conquis une position importante. Pour le LEEM38, la France dispose à la fois de structures de recherche de pointe mais aussi d’infrastructures de production performantes. Secteurs d’innovation par définition, la Pharmacie et la Chimie sont en pleine mutation.

38. Le LEEM regroupe les entreprises

du secteur de l’industrie pharmaceutique en France. Il compte aujourd’hui environ 270 entreprises adhérentes, qui réalisent près de 98 % du chiffre d’affaires total du médicament en France.

39. Code Naf 2110Z : Fabrication de produits pharmaceutiques de base et Code Naf 2120Z : Fabrication de préparations pharmaceutiques

40. Source Acoss 201541. Mais aussi Cancer-Bio-Santé à

Toulouse, Eurobiomed en PACA, Atlanpole Biotherapies à Nantes et Nutrition-Santé-Longévité dans le Nord

42. On recense également environ 250 entreprises consacrées strictement aux biotechnologies (start-up) dans le domaine pharmaceutique.

43. Tableau de bord des emplois dans les entreprises du médicament en 2014, Novembre 2015, LEEM

87APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

44. Sources : Les chimistes, architectes

d’avenir. Rapport annuel 2014 – bilan chiffré, UIC (Union des industries chimiques), Le tableau de bord de l’emploi dans les industries chimiques, 2015, OPIC (Observatoire prospectif des métiers, des qualifications et de la diversité des industries chimiques) et L’emploi dans les industries chimiques, Édition 2015, OPIC.

45. Fabrication/conditionnement, Administratif/informatique, R&D/laboratoire, Logistique/achat, Technique/maintenance, Marketing/commercialisation/ventes et QHSSE.

Cette diversité d’activités, de produits et donc de clients permet au secteur de rester assez dynamique. Néanmoins, les industriels constituent majoritairement leurs clients et le secteur n’échappe pas aux soubresauts de la conjoncture. Selon l’UIC (Union des industries chimiques)44, le secteur représente plus de 157 000 salariés, 50 % travaillant dans des établissements de moins de 250 salariés. La proportion de cadres s’élève à 31 %. Ce taux, qui a plus que doublé en vingt ans, est un des plus élevé dans l’industrie (+9 points par rapport à l’industrie). Cette industrie à haute technicité est portée par un tissu de PME/TPE très important (94 %). Au total, le secteur représente plus de 3 300 entreprises réparties sur l’ensemble du territoire, l’Ile-de-France représentant 23 % des salariés et Rhône-Alpes 13 %. Dans un contexte de mondialisation accrue, ces industries ont vu leurs effectifs baisser depuis quelques années, en moyenne de -2 % par an ces dix dernières années, principalement du fait de gains de productivité et de réduction des capacités de production. Les effectifs des industries chimiques se répartissent entre huit grandes familles professionnelles45. Plus d’un tiers des salariés travaillent dans le domaine de la production et du conditionnement (principalement des ouvriers qualifiés). L’emploi se développe dans les domaines de la logistique/achats et de la maintenance (avec des fortes difficultés), dans le domaine technique (spécialistes en ingénierie des procédés) et ceux de la propriété industrielle et des affaires réglementaires.

–LES PRINCIPAUX ENJEUX–

L’industrie pharmaceutique

Aujourd’hui, l’industrie pharmaceutique voit sa croissance freinée. Elle est confrontée à trois éléments clés : le changement profond du modèle économique de l’innovation, l’émergence de nouveaux pays producteurs et la complexité croissante des politiques de régulation et des réglementations. Ainsi, la nécessité de se réinventer, de s’adapter aux nouvelles technologies (développement des biotechnologies, médecine personnalisée) s’impose. Ces mutations conduisent les entreprises à maîtriser les coûts de recherche et de production, et donc à sous-traiter certaines fonctions telles que la qualité, le suivi de la recherche clinique ou la distribution.

Cela a principalement deux conséquences :• La pression à la baisse des coûts est forte, et les choix

se portent sur les pays émergents pour des produits moins coûteux, et des produits génériques.

• Les volumes à destination des pays matures sont décroissants, en raison du remplacement par des thérapies innovantes ; par contre, les exportations vers les pays émergents ont augmenté.

Ce positionnement a entraîné la mise en œuvre de politiques de réduction des coûts sur les sites de production : optimisation des lignes de production, automatisation, mise en place de programme d’amélioration continue (lean manufacturing : réduction des opérations sans valeur ajoutée, réduction des temps de cycle et des stocks…). Un autre enjeu de l’industrie pharmaceutique concerne la sous-traitance. Contrairement à d’autres secteurs industriels (Automobile, Aéronautique…), l’industrie pharmaceutique est longtemps restée dans une logique d’internalisation de l’ensemble de la chaîne de valeur (R&D, production, distribution). Aujourd’hui, plus du tiers des usines sont contrôlées par des façonniers, les laboratoires préférant se recentrer sur la recherche et la fabrication de médicaments dont ils ont encore l’exclusivité. La logique de rentabilité est dorénavant le maître mot dans le secteur, remplaçant la logique de volume qui dominait précédemment. Cette nouvelle logique implique que les cadres travaillant dans ce secteur possèdent des compétences en management, animation d’équipe, gestion de projet et financières.In fine, une baisse des effectifs à l’horizon 2020, y compris en production, est prévue. D’après les résultats du Contrat d’Étude Prospective des industries de santé réalisé en 2012 avec l’État, le scénario volontariste prévoit une baisse des effectifs de 4 000 salariés, pouvant aller jusqu’à 34 000 salariés dans l’hypothèse la plus mauvaise.

L’industrie chimique

Le regain d’activité observé en 2014, et qui devrait se confirmer en 2015, s’explique par des facteurs endogènes (bonne santé financière des acteurs, dynamisme des marchés émergents…) et exogènes (faible prix du pétrole, accès aux matières premières bon marché, dépréciation de l’euro…). Le développement de grandes plateformes permettant de mutualiser les coûts constitue aussi un élément de compétitivité.

–8–

88

MONOGRAPHIE SECTORIELLE : LES INDUSTRIES PHARMACEUTIQUE ET CHIMIQUE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

Par ailleurs, la protection de la santé, de l’environnement46 ainsi que la maîtrise des risques47 font partie intégrante de l’activité, et des métiers cadre en production plus particulièrement. Enfin, l’importance de l’innovation se renforce, sur des produits de niche destinés à des domaines spécifiques (chimie du végétal ou chimie verte48). Par exemple, les

46. Protocole de Kyoto sur la réduction

des émissions de C02, lois sur la protection de l’eau et des sols, réglementation en matière de gestion de déchets industriels.

47. Directives européennes Seveso ; Règlement, REACH, instituant une nouvelle politique européenne en matière de management des substances chimiques, entré en vigueur le 1er juin 2007.

48. Chimie du végétal et biotechnologies industrielles : quels métiers stratégiques ?, Apec (avec l’IAR et l’UIC), coll. Les études de l’emploi cadre, n°2014-55-octobre 2014

49. Source : Note sectorielle Sécafi, avril 2015.

50. Maintenance, achats, sécurité, qualité et logistique

51. Le marché de l’emploi cadre en 2016 et 2015, Apec, coll. Les études de l’emploi cadre, n°2016-23 - Mars 2016

matières biosourcées ont pesé pour 12 % des approvisionnements dans la fabrication de produits chimiques en France en 2014 ; une part qui devrait atteindre 15 % d’ici 2017 et 20 % en 2020 selon les engagements de l’UIC49. Ces alternatives aux matières premières classiques sont vectrices de progrès et offrent des opportunités d’amélioration des procédés et de l’image du secteur.

–DIAGNOSTIC DES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT–

L’évolution des secteurs et des marchés observée précédemment a des impacts sur la gestion des ressources humaines et le mode d’organisation des entreprises. Dans un contexte global de baisse des effectifs, les recrutements se maintiennent. Les recrutements de cadres dans les industries pharmaceutiques et chimiques sont légèrement en deçà de 3 000 sur les 3 dernières années (2 790 en 2013, 2 500 en 2015 avec 38 % dans la production industrielle et les services techniques50). Pour 2016, les entreprises des secteurs chimie et pharmacie prévoient de recruter entre 3 100 et 3 650 cadres51. Les profils de cadres disposant de 1 à 10 ans d’expérience seraient privilégiés (62 %). Dans ce secteur, 19 % des recrutements concerneraient la production industrielle et 21 %, les services techniques.

Ainsi, s’agissant des profils recherchés, les entreprises expriment de fortes attentes en termes d’opérationnalité des cadres et des jeunes diplômés, et des besoins en compétences qualifiées.

« Le secteur reste relativement dynamique avec des recrutements fréquents (…) mais les entreprises montent de plus en plus leur niveau d’exigence des profils, soit pour des questions de performance ou des questions réglementaires (…). On forme de moins en moins sur le tas et les entreprises recherchent des personnes qualifiées. » (École, Industries chimique et pharmaceutique)

Il s’agit d’une part, de compétences en gestion de la performance, amélioration continue en raison des nouveaux modes d’organisation des entreprises, mais également en matière de management, voire de gestion de relations sociales.

« Le passage d’une logique de volume à une logique de performance industrielle depuis quelques années impacte les attentes des entreprises. (…). Aujourd’hui, la logique de productivité prévaut. » (Ecole, Industries chimique et pharmaceutique)

« Les compétences stratégiques des managers sont un peu de gestion projet, un peu de technique, mais

beaucoup de management, d’empathie, de capacité à prendre en compte les problématiques de chacun, les risques psychosociaux (…). Nous axons fortement notre plan de formation interne sur cela. » (Fabricant de préparations pharmaceutiques, sous-traitants de produits cosmétiques, pharmaceutiques et ménagers, Industries chimique et pharmaceutique)

« La chimie est un secteur très costaud en relations sociales, conflits sociaux, donc nous recherchons une habitude à travailler dans ces environnements difficiles (…). La gestion des relations sociales est un vecteur de différenciation dans les recrutements… plus que la technique. » (Fabrication d’autres produits chimiques organiques de base, Industries chimique et pharmaceutique)

Ainsi, lors de la phase de pré-recrutement, une attention particulière est portée à l’évaluation de tous ces aspects.

« Exercice de logique, de personnalité (…) comprendre le fonctionnement de la personne et surtout les mécanismes de performance en lien avec un environnement difficile. Dans notre industrie, l’absence de ces compétences serait un frein majeur. » (Cabinet de recrutement)

89APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

Et d’autre part, des compétences techniques de plus en plus pointues. Les procédés de fabrication se complexifient, tant dans la Chimie et la Pharmacie , les normes réglementaires deviennent essentielles, les technologies évoluent très vite. Tous ces facteurs pèsent sur les profils recherchés par les entreprises.

« L’avenir du secteur porte sur deux axes (...). Le niveau de technicité des équipements est tel que nos besoins en expertise sont de plus en plus importants (…) et la partie règlementaire qui sera de plus en plus déterminante implique un niveau d’exigence élevé. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, sous-traitant spécialisé dans la fabrication de formes injectables stériles, Industries chimique et pharmaceutique)

Ainsi, le fait de maîtriser le cadre réglementaire peut être source de tensions sur certains métiers tels que les experts en affaires règlementaires dans la Pharmacie. Dans la Chimie, les difficultés de recrutement portent sur des métiers à haute technicité (concepteurs en génie des procédés chimiques, chercheurs en chimie, toxicologues industriels, spécialistes en cosmétovigilance, spécialistes de la réglementation et des ingénieurs…). Ces métiers de plus en plus pointus et techniques requièrent un niveau de qualification plus élevé.

Lié à la règlementation forte dans la Pharmacie et aux enjeux associés, le métier de pharmacien en production industrielle est essentiel. Les pharmaciens peuvent représenter près d’un quart des effectifs cadres, selon les tailles des entreprises. Ils sont les seuls habilités à libérer les lots de médicaments fabriqués pour les envoyer aux clients et à garantir la qualité des produits. Ils sont donc présents dans la majorité des domaines d’activité des entreprises du médicament (développement galénique et clinique, affaires réglementaires, pharmacovigilance, production, qualité, marketing voire comité de direction…). Leur nombre est en progression constante depuis plus de 20 ans, et aujourd’hui ils représentent environ 8 000 cadres dans l’industrie. Ils sont également très présents dans les activités qui gravitent autour des entreprises du médicament : les sous-traitants en recherche, en développement clinique, les grossistes et dépositaires…

En outre, aussi bien dans l’industrie pharmaceutique que chimique, la polycompétence est de plus en plus

recherchée tant au niveau de la chaîne de production que pour des postes de manager ou des fonctions transverses. Cette exigence de polycompétence est liée à une diminution de l’encadrement intermédiaire, et repose principalement sur des compétences transversales. Ainsi les cadres doivent savoir gérer des projets multiples, travailler en équipe et manager, mais aussi assurer la réussite financière des projets, et avoir une appétence de plus en forte pour le pilotage économique. S’agissant des postes de cadres, le savoir-être, la capacité à coordonner, à diriger, la motivation et la capacité d’apprentissage sont les maîtres mots.

« On ne donne pas la priorité aux compétences techniques des personnes, qui peuvent s’ajuster par la formation interne, mais plus à leur engagement, leur motivation et à leur dynamique d’apprentissage, leur capacité à mener des équipes. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, sous-traitant spécialisé dans la fabrication de formes injectables stériles, Industries chimique et pharmaceutique)

Au-delà de la simple maîtrise des techniques de procédés (pharmaceutique ou chimique), les attentes en matière de sécurité, qualité et contrôle sont de plus en plus importantes. L’élargissement des compétences à un autre champ constitue également une plus-value : par exemple des savoir-faire techniques d’ingénieur élargis à des compétences en matière d’environnement ou de sécurité au travail. De plus, pour les métiers les plus qualifiés, les compétences liées à l’international sont devenues incontournables : maîtrise de langues étrangères, connaissance du droit international, des réglementations, gestion des relations interculturelles...

« L’ouverture vers les marchés européens et les pays émergents nécessaire pour les entreprises du secteur, implique une forte attente des entreprises en termes de langues étrangères, notamment l’anglais. » (Observatoire, Industries chimique et pharmaceutique)

Le contexte global du secteur (nouveaux champs de recherche, exigences en matière de qualité et de réglementation, mondialisation, concurrence) implique donc une élévation globale du niveau de qualification et des besoins en nouvelles compétences. Et dans un contexte de baisse des effectifs, les entreprises ont des difficultés de recrutement sur certains métiers en production (et aussi en R&D).

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MONOGRAPHIE SECTORIELLE : LES INDUSTRIES PHARMACEUTIQUE ET CHIMIQUE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

Les cadres de la production industrielle (responsable de production, manager de service) ou des services techniques (qualité, affaires réglementaires) sont des postes essentiels, sur lesquels se cristallisent de fortes attentes en termes de compétences.

« Nous avons de nombreuses demandes d’entreprises pour des formations sur les process industriels et la qualité santé et qui sont à la limite du conseil (…), du concept de formation/action, aujourd’hui il faut des experts opérationnels. » (École, Industries chimique et pharmaceutique)

Ainsi, les spécificités des procédés du secteur Pharmacie et les évolutions technologiques conduisent à d’importantes difficultés de recrutement sur les profils expérimentés à responsabilité en production ou pour des profils ingénieurs qui participent aux process. Les attentes des entreprises portent en effet sur des profils, qui ont à la fois une compétence technique mais aussi managériale, avec des expertises en qualité et de l’expérience. Pour ces profils très complets et très recherchés, les tensions sont avérées.

« Il existe beaucoup de concurrence aujourd’hui sur le marché entre les entreprises, peu de turn-over dans les industries de santé, il est donc difficile de trouver ces bons profils possédant une certaine expérience dans le secteur. » (Observatoire, Industries chimique et pharmaceutique)

Des tensions existent également sur des expertises de niche et critiques pour le site.

« Malgré le gel des recrutements, on ne ferme pas la porte à quelques recrutements externes mais très à la marge et sur des expertises critiques pour le site. Si, par exemple, on a besoin d’un expert en assurance de stérilité (…). C’est une niche de compétences que l’on ne trouve que dans l’industrie pharmaceutique. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, sous-traitant spécialisé dans la fabrication de formes injectables stériles, Industries chimique et pharmaceutique)

Aussi bien dans l’industrie pharmaceutique que chimique, de réelles difficultés de recrutement sont constatées dans la fonction maintenance. En effet, les entreprises rencontrent des problèmes pour recruter des responsables de maintenance ou des postes du

niveau Bac +3 ou plus en maintenance industrielle, et ce malgré les nombreuses formations existantes. Cette fonction attire moins et les besoins sont très forts, dans un contexte de remplacement de départs à la retraite en lien avec la pyramide des âges et d’enrichissement des de compétences.

« Aujourd’hui, on procède à une ouverture de postes aux jeunes diplômés, pour redynamiser la pyramide des âges qui est vraiment en entonnoir (…), pour un rééquilibrage notamment en ingénieur maintenance. » (Fabrication d’autres produits chimiques organiques de base, chimie de spécialité, Industries chimique et pharmaceutique)

« C’est globalement une fonction pénurique dans le secteur et dans l’industrie en général (…). La nature même du secteur très règlementé, au même titre que l’Agroalimentaire, conduit à des difficultés à faire cohabiter la maintenance et la production. Du coup, il existe un fort besoin d’ajustement ou de formation complémentaire à la maintenance, à l’environnement de la santé qui est très spécifique. » (École, Industries chimique et pharmaceutique)

« Notre groupe très connu, en forte croissance, attire, nous avons peu de difficultés de recrutement [...] si ce n’est dans la fonction maintenance sur les ingénieurs maintenance ou responsables services techniques maintenance, travaux neufs. » (Fabrication d’autres produits chimiques organiques de base, Industries chimique et pharmaceutique)

Les processus de plus en plus automatisés et les avancées technologiques de plus en plus rapides créent des besoins pointus en maintenance au sein des entreprises.

« La maintenance d’hier n’est plus du tout la même aujourd’hui et encore moins celle de demain, les compétences en maintenance sont différentes et plus importantes. Les besoins se situent plus sur l’automatisme que sur la mécanique. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, sous-traitant spécialisé dans la fabrication de formes injectables stériles, Industries chimique et pharmaceutique) Les entreprises sont donc amenées à réfléchir à des actions de formations à mener auprès de leurs collaborateurs et à rechercher des organismes de formation, lorsqu’elles veulent faire évoluer en interne les salariés dans ces fonctions.

91APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

Pour les entreprises de la Pharmacie, certaines difficultés peuvent exister pour des expertises bien précises et stratégiques : par exemple, en assurance de stérilité où il n’existe pas de diplôme spécifique, et en chimie analytique et des sucres…

« Il y a un autre métier très spécifique à la Pharmacie/Chimie, docteur en chimie analytique et des sucres… Il y a quelques années, nous recherchions un docteur en chimie analytique et des sucres car nous fabriquons nous-mêmes nos principes actifs. Nous avons eu de réelles difficultés de recrutement et avons été obligés de passer par un cabinet expert en recrutement dans le secteur. Au final, nous avons été chercher notre chimiste des sucres en Suisse. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, sous-traitant spécialisé dans la fabrication de formes injectables stériles, Industries chimique et pharmaceutique)

Il s’agit encore des compétences en vision, caméra de contrôle, vérification de la conformité des produits. Pour ces postes il n’existe que deux écoles en France qui forment ces ingénieurs, très demandés. Et la localisation géographique de l’entreprise peut accroître les difficultés en matière de recrutement.

« Ils sont déjà en poste avant la fin de la formation (…) et ces écoles sont dans le Sud. Il est donc très difficile pour une entreprise située plus dans la partie Nord de la France de les attirer. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, sous-traitant spécialisé dans la fabrication de formes injectables stériles, Industries chimique et pharmaceutique)

Les difficultés de recrutement peuvent également être causées par d’autres facteurs : • L’environnement du secteur, en mutation

perpétuelle, va trop vite par rapport au délai d’ajustement nécessaire pour les organismes de formation tant en formation initiale que continue. Ces derniers ont donc du mal à répondre aux besoins des entreprises.

« Le besoin des entreprises évolue très vite, l’environnement évolue de plus en plus rapidement et l’offre de formation n’évolue pas assez vite face à cette demande. » (École, Industries chimique et pharmaceutique)

« Les métiers sont en perpétuelle évolution et donc les organismes de formation devraient l’être aussi, et ce

n’est pas le cas ou du moins pas assez et pas assez vite. » (Ecole, Industries chimique et pharmaceutique)

• Des carences dans la formation en lien avec l’évolution de la profession sont également mises en avant, et plus particulièrement des attentes parfois non satisfaites en termes de compétences scientifiques.

« Les bio-médicaments, c’est 20 % des produits sur le marché aujourd’hui mais 60 % des nouveaux (…). Ils ne sont plus d’origine chimique mais de plus en plus biologique, la recherche progresse très vite et les procédés sont complétement différents, les équipements sont différents (…), la matière première est non plus chimique mais vivante (végétale, animale, humaine) impliquant un socle de compétences plus importantes notamment scientifiques, les métiers évoluent. » (École, Industries chimique et pharmaceutique)

Ces difficultés de recrutement existent également du côté du recrutement des étudiants dans les écoles. Ces dernières évoquent des difficultés à recruter des étudiants, vraisemblablement en raison d’une méconnaissance des métiers industriels. Le secteur souffrirait d’un manque d’attractivité auprès des jeunes.

« 30 % de nos contrats d’alternance ont été non pourvus l’année dernière par exemple, j’avais les entreprises mais pas les jeunes. » (École, Industries chimique et pharmaceutique)

Le même constat est réalisé par les entreprises de l’industrie chimique, le secteur ne serait pas attractif pour les jeunes diplômés. Entre les Big Pharma, grands laboratoires connus et reconnus mondialement et les façonniers (sous-traitants), il existe des tensions de nature différente. Des difficultés de recrutements plus importantes peuvent exister chez les sous-traitants ou les PME, contrairement aux Big Pharma qui ont les moyens d’avoir les bons candidats.

« Elles [les Big Pharma] ont des moyens financiers pour attirer les bons profils. » (École, Industries chimique et pharmaceutique)

« Elles [les Big Pharma] ont des avantages sociaux, des acquis qui sont importants voire même un cadre de travail plus incitatif, plus attractif que les PME. » (Observatoire, Industries chimique et pharmaceutique)

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MONOGRAPHIE SECTORIELLE : LES INDUSTRIES PHARMACEUTIQUE ET CHIMIQUE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

« La concurrence des sites BigPharma est importante notamment lorsqu’ils se trouvent à proximité immédiates de nos sites. Si ce grand laboratoire mène une campagne de recrutement dense sur les mêmes activités que les nôtres et sur des compétences spécifiques, nous sommes la cible idéale (…). Leur politique de rémunération n’est pas concurrentielle et la prise de risque pour les salariés est quasi nulle donc c’est difficile pour nous d’y faire face. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, sous-traitant spécialisé dans la fabrication de formes injectables stériles, Industries chimique et pharmaceutique)

Il existe donc une forte concurrence entre les grandes entreprises et les PME souvent sous-traitantes, avec toutefois un bémol : les entreprises de biotechnologies. Ces dernières se développent de plus en plus sur de nouveaux marchés, de nouvelles structures émergent depuis quelques années et elles sont très attractives.

« C’est un incubateur d’activité et de compétences, qui participe à améliorer l’attractivité en donnant un nouveau souffle dans nos industries, un nouvel attrait, de nouveaux cadres de travail. » (Observatoire, Industries chimique et pharmaceutique)

52. Les recrutements de cadres dans

les industries chimiques, Apec, coll. Les études de l’emploi cadre, n°2015-01, janvier 2015.

Selon une étude, réalisée par l’Apec52 en partenariat avec l’observatoire des industries chimiques auprès de 400 entreprises du secteur de la chimie, des difficultés de recrutement concerneraient principalement la fonction commerciale (technico/ingénieur commercial, responsable commercial, commercial en export…) et la R&D (chercheur, ingénieur génie des procédés, ingénieur de recherche en chimie, responsable de laboratoire, formulateur). Néanmoins, d’autres métiers plus spécifiques génèrent aussi des difficultés significatives, notamment des métiers fortement liés à la production : le management d’installations industrielles (responsable d’atelier/usine, directeur de site, responsable production biotechnologies), la maintenance ou l’analyse qualité. Le manque d’accompagnement de l’enseignement supérieur de jeunes diplômés vers ces métiers pourrait en partie expliquer ces difficultés.

« Dans les écoles ou universités, on entend plus parler de souhaits de travailler sur des projets, de la conception, du dimensionnement que de travailler sur le terrain (…). Constat que l’on fait également dans les écoles de procédés ou fabrication, dans lesquelles les élèves s’orientent plus vers des fonctions bureaux études, ils se dirigent moins vers des métiers du terrain. » (Fabrication d’autres produits chimiques organiques de base, Industries chimique et pharmaceutique)

–CAUSES ET CONSÉQUENCES DES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT –

Dans les secteurs de la pharmacie et de la chimie, plusieurs raisons peuvent expliquer les difficultés de recrutement : • la localisation géographique des sites industriels, • un problème de représentation des métiers de production souvent négative,• une offre de formation parfois en décalage avec la réalité,• une concurrence entre les grands donneurs d’ordre, les BigPharma, et les sous-traitants ou les

plus petites structures,• des secteurs très complexes, des métiers très qualifiés.

–LA LOCALISATION GÉOGRAPHIQUE DES SITES INDUSTRIELS–

Réalité assez globale à l’industrie, les sites de production se trouvent généralement assez éloignés des grandes villes. Les sites pharmaceutiques

n’échappent pas, pour partie, à ce constat. Ces localisations parfois très rurales (notamment pour les PME) sont peu attractives pour les cadres formés dans les grandes agglomérations ou ceux y vivant. Ces derniers ainsi que leur famille sont peu enclins à partir travailler sur un site industriel en pleine campagne.

93APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

« Cette catégorie tend de plus en plus à donner une priorité à l’équilibre vie privée/vie professionnelle et à être de plus en plus exigeante sur ces aspects (…), car au final cela touche leur emploi mais aussi l’emploi de la compagne ou compagnon, les écoles des enfants. » (Observatoire, Industries chimique et pharmaceutique)

Ce manque d’attractivité se ressent même dans des régions assez proches de l’Île-de-France, comme la Normandie ou le Centre, par exemple. En effet, la concurrence des entreprises de la région parisienne tant en termes de salaires que d’emploi rend difficile la venue des candidats intéressants sur ces territoires.

« Les bassins proches des grandes métropoles, par exemple les entreprises d’Eure et Loir, n’attirent pas les bons profils qui vont tous en région parisienne. » (École, Industries chimique et pharmaceutique)

Par ailleurs, les implantations des entreprises sur des territoires non pourvus d’établissements de l’enseignement supérieur spécifiques (formation initiale et/ou continue) également un facteur de tension. A l’exception de l’Île-de-France et de la région Rhône-Alpes qui concentrent une grande part de l’offre de formation sur ces secteurs, les difficultés à attirer les candidats demeurent.

« Il y a peu de mobilité des salariés, pas d’offre de formation ou peu (…). Délicat pour les entreprises d’attirer des salariés même des jeunes. » (Observatoire, Industries chimique et pharmaceutique)

–UNE IMAGE DES MÉTIERS DE PRODUCTION MÊME CADRES PARFOIS TRONQUÉE OU RÉDUCTRICE–

Le secteur de la pharmacie pourrait souffrir d’un déficit d’image. Le point de vue semble ne pas être le même si l’on se positionne du côté des experts du secteur ou du côté du grand public. Les différentes affaires des médicaments relayées par les médias (Médiator, ef fets secondaires de certains médicaments…) ou les nombreux plans de licenciements dans la pharmacie ne participent pas à la bonne image du secteur auprès du grand public.

« On entend plus parler des choses négatives, il en existe c’est vrai, que des choses positives sur les beaux

projets, les belles innovations que regorgent notre secteur, les innovations thérapeutiques par exemple. ». (École, Industries chimique et pharmaceutique)

Toutefois, selon les entreprises rencontrées, tout du moins dans les plus grandes, le secteur serait un secteur « noble » de l’industrie avec des enjeux sociétaux et humains importants et vitaux.

« Sur notre bassin, le secteur de la pharmacie est très présent avec une bonne image donc les ingénieurs se tournent naturellement vers nous. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, sous-traitant spécialisé dans la fabrication de formes injectables stériles, Industries chimique et pharmaceutique)

« Les problèmes d’image liés aux différentes actualités sur les médicaments ne posent pas vraiment problème dans les grandes entreprises, leur attrait va au-delà des médias et surtout pour des experts du secteur, les individus passent au-dessus de cela (…). La mauvaise perception est plus du côté du grand public que des personnes internes au secteur. (…) Les formations sont bien remplies ce qui prouve que le secteur attire encore et toujours. » (Ecole, Industries chimique et pharmaceutique)

La difficulté ne se situe donc pas sur le secteur mais plus sur la représentation de la fonction de production et de ses métiers (ce qui est moins vrai pour les services techniques), en particulier auprès de la jeune génération. Celle-ci est davantage attirée vers l’innovation et la recherche, qui sont aussi beaucoup plus médiatisées et valorisées par les acteurs.

« Dans l’industrie, le goût des jeunes va vers la qualité, la formulation d’un produit, plus dans l’ingénierie au départ. » (Fabricant de préparations pharmaceutiques, sous -t raitants de produits cosmétiques, pharmaceutiques et ménagers, Industries chimique et pharmaceutique)

« [Le manque d’attrait de la production industrielle s’explique] par des questions d’image (…), il y a peu d’évolutions possibles, des salaires moindres. » (École, Industries chimique et pharmaceutique)

« Sur les salons, 90 % des jeunes nous disent ’ je veux être chercheur’ , c’est symptomatique de la méconnaissance des métiers (…). Même au niveau de

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APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

l’enseignement supérieur, dans les formations industries pharmaceutiques, 90 % pensent « laboratoire de contrôle, tube à essai, pipette », mais la réalité ce n’est pas cela, la réalité c’est les machines à comprimés 350 000/heure. (…) La représentation est en total décalage et cela fait 15 ans que c’est le cas, rien ne change ou peu, même si petit à petit les jeunes prennent conscience qu’ils ont peut-être un avenir dans l’industrie. » (École, Industries chimique et pharmaceutique)

Pour le secteur de la chimie, la problématique est assez proche avec des préjugés et des stéréotypes : un secteur polluant, toxique, dangereux pour le grand public. Toutefois, les tensions générées par les questions d’image sont moins perceptibles en production industrielle ou en maintenance que sur les fonctions support.

« Ceux qui sont en production n’ont pas ces préjugés car ils connaissent et sont intéressés par le secteur et ses objectifs. » (Fabrication d’autres produits chimiques organiques de base, Industries chimique et pharmaceutique)

Bien que le secteur souffre d’un déficit d’image, il est dans sa globalité plutôt bien loti par rapport à d’autres secteurs industriels en termes de salaires, d’évolution professionnelle ou encore de conditions de travail.

« Les salaires demeurent d’un assez bon niveau en comparaison avec d’autres secteurs industriels (…). Même si par rapport au passé, les niveaux de salaires proposés aux nouveaux entrants peuvent être moindres du fait de la réduction des marges de manœuvre financières des entreprises hors Big Phama ou grandes entreprises de la chimie. » (Observatoire, Industries chimique et pharmaceutique)

« L’évolution professionnelle n’est pas un problème dans le secteur, de même que les conditions de travail (…). Même si aujourd’hui les entreprises recherchent beaucoup la polyvalence, il y a quand même une diversité de métiers qui permet des évolutions en interne mais aussi en externe. » (Observatoire, Industries chimique et pharmaceutique)

Le secteur étant en perpétuel mouvement et très innovant, il y a toujours des nouveaux marchés qui permettent d’évoluer.

« C’est un secteur non figé structurellement car en constant progrès/innovation. Nous parlons aujourd’hui de la santé 2.0 qui pointe son nez et qui renouvellera encore la filière. » (Observatoire, Industries chimique et pharmaceutique)

–UNE OFFRE DE FORMATION PERTINENTE MAIS UNE ADÉQUATION AVEC LES BESOINS RÉELS DES ENTREPRISES À PARFAIRE–

Les entreprises et les acteurs de branches considèrent que l’offre de formation est assez dense et d’un bon niveau. Ils en sont pleinement satisfaits.

« La formation initiale est très développée en France, ce n’est pas un réel souci. » (Fabricant de préparations pharmaceutiques, sous-traitants de produits cosmétiques, pharmaceutiques et ménagers, Industries chimique et pharmaceutique)

« Globalement, l’offre de formation est assez pertinente pour nos besoins tant sur le volume que le contenu [...]. Il y a le choix et les formations sont de bonne qualité. » (Fabrication d’autres produits chimiques organiques de base, Industries chimique et pharmaceutique)

Cependant, cette offre de formation reste à parfaire car les métiers sont en perpétuelle évolution et les compétences associées également. Ainsi, il peut y avoir des décalages, les formations ne s’alignant pas assez rapidement par rapport aux besoins. Cela est particulièrement vrai pour les compétences transversales. Selon les responsables interrogés, certains aspects ne sont pas assez pris en compte dans les formations : amélioration continue, gestion de projet, pilotage économique, capacités rédactionnelles…

« Les formations ne sont pas assez axées sur ces notions. » (École, Industries chimique et pharmaceutique)

« Les jeunes diplômés sur des postes d’encadrement intermédiaire sont parfois dépassés sur ces aspects. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, sous-traitant spécialisé dans la fabrication de formes injectables stériles, Industries chimique et pharmaceutique)

95APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

Du côté de l’offre de formation technique, les manques sont moins prégnants même si les acteurs identifient un risque pour les nouvelles générations des produits de santé, les biotechnologies.

« Elles [les biotechnologies] ne sont pas forcément très ancrées dans les programmes. » (Observatoire, Industries chimique et pharmaceutique)

« Dans certaines universités, pas 1h de cours sur les biotechnologies encore aujourd’hui alors que c’est l ’avenir. » (École, Industries chimique et pharmaceutique)

Les organismes de formation devraient renforcer les modules de formation sur ces compétences transversales mais aussi mettre au cœur des formations, l’opérationnalité, la mise en pratique des connaissances…. L’apprentissage et l’alternance y participent fortement. Dans cette perspective, certaines écoles possèdent au sein de leur structure des plateaux de mise en situation qu’elles mettent à disposition des universités (françaises voire étrangères) pour parfaire l’enseignement dispensé à leurs étudiants sur un plan technique.

–UNE CONCURRENCE DES DONNEURS D’ORDRE–

Les entreprises du secteur de la pharmacie ne bénéficient pas toutes de la même attractivité : donneurs d’ordre versus sous-traitants ou BigPharma versus façonniers. Les cadres de la production, les ingénieurs spécialisés ou généralistes (et surtout les jeunes) se tournent plus souvent vers les « gros » laboratoires mondialement connus que vers les sous-traitants (pour grande partie à taille humaine). Le pouvoir d’attraction n’est pas le même tant sur le plan de la notoriété de l’entreprise que sur les salaires proposés. Cette configuration est comparable à celle observée dans le secteur de l’automobile entre un constructeur et un équipementier par exemple. Le cœur de métier est similaire mais les modes de fonctionnement, les conditions de travail, les avantages… peuvent être très différents.

« [les salaires sont] parfois 20 % à 30 % au-dessus ce que nous pouvons proposer. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, sous-traitant spécialisé dans la fabrication de formes injectables stériles, Industries chimique et pharmaceutique)

« Dans notre entreprise de sous-traitance, la plupart des salariés étaient là avant quand nous étions sous la bannière d’une BigPharma (…). Lors du rachat, le changement de culture, le passage à une gestion par les coûts, la limitation… n’étaient pas du tout dans la culture. Au final, beaucoup de cadres ne s’y sont pas retrouvés et cela a donné lieu à des démissions notamment pour aller chez le laboratoire qui se situe à quelques kilomètres et qui est donc un concurrent de poids pour attirer et garder nos cadres. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, sous-traitant spécialisé dans la fabrication de formes injectables stériles, Industries chimique et pharmaceutique)

« Ancien site industriel d’une Big Pharma, nous avons encore aujourd’hui la dynamique et la notoriété de la marque, une très bonne image (…). Mais, plus tard, il est fort possible qu’il y ait plus de difficultés car les sous-traitants ne sont pas connus du grand public (…). On vit sur nos acquis. » (Fabricant de préparations pharmaceutiques, sous-traitants de produits cosmétiques, pharmaceutiques et ménagers, Industries chimique et pharmaceutique)

–DES SECTEURS TRÈS COMPLEXES, DES MÉTIERS TRÈS QUALIFIÉS –

Les industries pharmaceutique et chimique sont des industries de process, qui se caractérisent par une très forte technicité au sein des différents métiers, cadre notamment, sur les aspects règlementations, contrôle qualité et de normes. Pour pouvoir exercer dans ces secteurs, les cadres doivent avoir une connaissance ou une expérience sectorielle significative. En effet, il est difficile de travailler dans ces secteurs sans avoir une connaissance précise des procédés, des machines, de la réglementation… Les passerelles avec d’autres secteurs d’activité sont donc peu nombreuses. Elles se résument aux passerelles entre la pharmacie et la chimie, ou encore avec l’agroalimentaire ou la raffinerie.

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MONOGRAPHIE SECTORIELLE : LES INDUSTRIES PHARMACEUTIQUE ET CHIMIQUE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

« Les sites sont des sites SEVESO avec des procédés de fabrication très techniques et complexes, et donc on a besoin de cette expertise sectorielle, que les salariés soient performants. » (Fabrication d’autres produits chimiques organiques de base, Industries chimique et pharmaceutique)

Cette complexité des techniques et des processus explique que les entreprises n’arrivent pas à trouver les bons profils malgré de multiples candidatures.

« [Nous avons des difficultés pour le] recrutement d’ingénieurs maintenance/services techniques (…). Nous avons reçu beaucoup de candidatures mais trop teintées secteur automobile par exemple et trop éloignées des industries de process. » (Fabrication d’autres produits chimiques organiques de base, Industries chimique et pharmaceutique)

« La qualité est trop importante, la règlementation tellement présente et la qualité en sortie de produits primordiale avec des enjeux forts, que des tensions en matière de recrutement peuvent naître de cette complexité. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, sous-traitant spécialisé dans la fabrication de formes injectables stériles, Industries chimique et pharmaceutique)

Les profils spécialisés en affaires réglementaires constituent un très bon exemple de métier en tension. Ces cadres sont garants de la qualité des médicaments. Il s’agit de postes très techniques et d’une fonction transverse à toute la chaîne de valeur.

« Les compétences requises sont très élevées, la fonction demande des connaissances et des compétences liées à l’environnement et au secteur des industries de process. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, sous-traitant spécialisé dans la fabrication de formes injectables stériles, Industries chimique et pharmaceutique)

Faute de trouver les bons candidats, les entreprises mettent à ces postes stratégiques des salariés très expérimentés en interne, des techniciens qui ont une bonne connaissance du secteur ou des personnes venant de la qualité.

–LES CONSÉQUENCES DES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DANS LA FONCTION PRODUCTION INDUSTRIELLE ET LES SERVICES TECHNIQUES –

Ces difficultés de recrutement peuvent avoir différentes conséquences au sein des entreprises. • Cela peut générer une désorganisation dans les

services, un surplus de charge sur les salariés et donc une organisation non optimale.

« Ces difficultés occasionnent des surcharges de travail pour le reste des équipes. Surcroît de travail, ou sujets moins approfondis. (…). Soit ce n’est pas urgent, et la surcharge peut être relativement bien encaissée par les équipes, dans ce cas on continue de rechercher et on continue les annonces, approche direct, cvthèque… soit c’est un contexte d’urgence, et on fait appel à de la chasse pour du sur-mesure. » (Fabrication d’autres produits chimiques organiques de base, Industries chimique et pharmaceutique)

• Ces tensions peuvent avoir un impact immédiat sur les performances de l’entreprise. Cependant, à moyen terme, les entreprises réagissent très bien car elles sont structurées et savent se tourner vers des solutions de repli pour remédier à cette pénurie.

« Elles ont de nombreux réseaux, ont une gestion des mobilités interne via des plans de succession très précis. » (Observatoire, Industries chimique et pharmaceutique)

• Les entreprises peuvent souvent faire appel à des sociétés d’ingénierie, en dernier recours même si cette pratique n’est pas généralisée dans le secteur.

« Ces sociétés peuvent être de vrais viviers car elles sont souvent sur des niches de compétences. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, sous-traitant spécialisé dans la fabrication de formes injectables stériles, Industries chimique et pharmaceutique)

97APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–LA MOBILITÉ INTERNE COMME VECTEUR DE RECRUTEMENT PRIVILÉGIÉ DANS LE SECTEUR–

Dans les secteurs de l’industrie pharmaceutique et chimique, les entreprises recourent à la mobilité interne en cas de difficultés de recrutement. Ce moyen semble être la solution première en cas de besoin. « Nous donnons la priorité aux recrutements internes s’il y a un recrutement à prévoir à l’avenir. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, sous-traitant spécialisé dans la fabrication de formes injectables stériles, Industries chimique et pharmaceutique)

Cette priorité aux ressources internes s’explique en grande partie par la situation du secteur : des difficultés qui apparaissent pour les sous-traitants, des tensions générées par la situation économique et conjoncturelle des activités (pression sur les prix, logique de rentabilité, diversification produits...). Dans certaines entreprises, le recours à l’externe peut être envisagé et possible si la voie en interne n’a pas abouti, et lorsque les compétences requises sont trop spécifiques.

« Les perspectives d’embauche sont moindres (…). On a l’autorisation de recruter que si l’on justifie que l’on ne peut pas se débrouiller en interne. » (Fabricant de préparations pharmaceutiques, sous-traitants de produits cosmétiques, pharmaceutiques et ménagers, Industries chimique et pharmaceutique)

Par ailleurs, il est important de relever que, même en cas de possibilité de recrutement à l’externe, les recrutements internes semblent être largement prioritaires.

« On peut prendre de la prestation avec des sociétés d’ingénierie comme pansement ponctuel. » (Fabricant de préparations pharmaceutiques, sous-traitants de produits cosmétiques, pharmaceutiques et ménagers, Industries chimique et pharmaceutique)

• L’anticipation des besoins des entreprises devient un enjeu majeur pour les organisations RH de ces structures. Cela se traduit par l’élaboration d’une GPEC structurée, d’un plan de succession, d’une politique de gestion des talents de plus en plus structurés et très en amont.

–SOLUTIONS MISES EN ŒUVRE–

En conséquence, l’évolution professionnelle est très présente dans ces secteurs. C’est un critère d’attractivité du secteur, de savoir que l’on peut évoluer sur des postes à responsabilité (mobilité ascendante) ou sur des postes de même niveau mais dans des services/fonctions connexes (mobilité horizontale). La pharmacie et la chimie sont des secteurs industriels porteurs de projets et d’innovation qui facilitent l’évolution professionnelle. Il n’est ainsi par rare de faire monter en compétences des techniciens pour qu’ils prennent en charge la gestion de projets qualité ou qu’ils évoluent comme responsable de service par exemple (grâce à la VAE, ou un parcours de professionnalisation). Il y a une véritable volonté de dynamiser la gestion des carrières dans ces secteurs, de garder les compétences formées, de gérer les talents de demain.

« On fait monter en compétences par la formation sur des postes bien précis.» (Fabrication de préparations pharmaceutiques, sous-traitant spécialisé dans la fabrication de formes injectables stériles, Industries chimique et pharmaceutique)

« Possibilité de progression, notamment de profils techniques vers des postes à responsabilité (…) pour les profils assimilant très vite les compétences transverses (…) car elles font défaut à beaucoup de monde même à certains cadres expérimentés. » (École, Industries chimique et pharmaceutique)

Ces mobilités internes sont possibles quand les cadres possèdent les compétences et les traits de personnalité attendus : comportements/personnalité, motivations, compétences managériales, c’est-à-dire plus des soft skills que des hard skills53. Et pour réussir ces recrutements internes, les entreprises ont un processus d’accompagnement des parcours professionnels très structuré. Ainsi, sur les compétences techniques à

53. Contrairement aux softs skills qui

sont des qualités humaines et relationnelles (écoute, pédagogie, empathie, adaptabilité, créativité…), les hard skills sont des compétences techniques mesurables et démontrables, issues d’un apprentissage technique.

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MONOGRAPHIE SECTORIELLE : LES INDUSTRIES PHARMACEUTIQUE ET CHIMIQUE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

acquérir, des plans de formation sont mis en place pour faire monter en compétences les salariés identifiés ou remettre certains à niveau.

« On recherche des organismes de formation spécifiques et on garantit à ces salariés plusieurs formations annuelles pour les aider à développer ces expertises. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, sous-traitant spécialisé dans la fabrication de formes injectables stériles, Industries chimique et pharmaceutique) D’une manière globale, des plans de succession et de veille sur les postes critiques sont établis régulièrement par les services RH afin d’avoir une visibilité à court/moyen/long termes des besoins de l’entreprise.

« Nous savons s’il y a en interne un salarié prêt de suite ou pas. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, sous-traitant spécialisé dans la fabrication de formes injectables stériles, Industries chimique et pharmaceutique)

–LA DIVERSITÉ DES CANAUX DE RECRUTEMENT–

Lorsque les recrutements en externe sont possibles ou lorsque les compétences recherchées sont très spécifiques et non identifiables en interne, les entreprises s’orientent dans un premier temps vers les canaux de prospection traditionnels : elles diffusent une offre sur des bourses d’emploi spécialisées cadres ou sectorielles qui permettent d’attirer des fonctions très spécifiques voire rares. Elles travaillent également en étroite collaboration avec le LEEM pour la diffusion de leurs offres afin d’avoir une visibilité optimale.

« Tous les pharmaciens et autres ingénieurs qui sortent de formation ou qui sont en recherche d’emploi postent leur CV sur le site et cela fonctionne très bien. » (Fabricant de préparations pharmaceutiques, sous-traitants de produits cosmétiques, pharmaceutiques et ménagers, Industries chimique et pharmaceutique)

Le cas échéant, si des difficultés de recrutement apparaissent, les entreprises font appel à des cabinets experts.

« On fait du recrutement par annonce pour des métiers classiques ou du recrutement sur des compétences très spécifiques via des cabinets de chasse. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, sous-traitant spécialisé dans la fabrication de formes injectables stériles, Industries chimique et pharmaceutique)

Par ailleurs, les réseaux professionnels locaux (groupement employeurs, associations RH, club RH…) semblent être très utilisés par les fonctions RH des entreprises. Parfois ces réseaux sont activés avant la publication d’offres publiques (coûts moindres, recherche très ciblée).

« Je sais où aller chercher mes candidats. » (Fabricant de préparations pharmaceutiques, sous-traitants de produits cosmétiques, pharmaceutiques et ménagers, Industries chimique et pharmaceutique)

Enfin, l’utilisation des réseaux sociaux (Viadeo, LinkedIn) peut se faire plus dans une logique de communication (pour montrer la représentativité des métiers) que de sourcing.

–UN TRAVAIL SUR L’IMAGE ET DE COMMUNICATION–

L’image du secteur mais surtout le manque d’attractivité de la fonction production industrielle peuvent être source de tension. Pour agir contre ces représentations, diverses actions sont menées par les entreprises, les organismes de formation ou encore au niveau de la branche pour communiquer le plus possible sur les métiers, leurs objectifs, leurs intérêts et leurs perspectives.

« Il y a un manque d’attractivité, il faut avoir une stratégie de développement et de promotion des métiers notamment de production. » (Observatoire, Industries chimique et pharmaceutique)

Cela peut prendre la forme de vidéos métiers, de brochures métiers à disposition sur les sites Internet mais surtout de contacts auprès des étudiants sur des salons, des forums... Il faut également mieux mettre en avant l’aspect innovant du secteur, en constant mouvement, avec les différentes accélérations de découvertes en termes thérapeutiques par exemple, ou encore communiquer sur le nombre de recrutements chaque année de la branche.

99APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

54. L’ADEC concerne l’ensemble de la

filière des industries de santé (médicaments humains, médicaments vétérinaires, diagnostics in vitro, technologies et dispositifs médicaux, dentaire, optique, biotechnologies santé, e-santé).

Ainsi, une politique active en termes de communication est utile pour valoriser les métiers de production : mettre en avant les parcours, les valeurs des métiers de production, communiquer sur les réussites, notamment par la branche, pour mieux informer les jeunes, les inciter et faire émerger des vocations. Les enjeux ne se trouvent pas uniquement du côté des entreprises ou au niveau de la branche mais aussi dans les écoles.

« Les entreprises doivent se déplacer sur les salons pour être visibles et attirer notamment les jeunes, présenter l’entreprise, les parcours, les projets (…) pour avoir des candidatures de qualité. » (École, Industries chimique et pharmaceutique)

« Sur les salons, les jeunes parlent de chef de projet, de R&D (…). C’est un effet de mode car quand on sort de l’école, on n’est pas chef de projet, on ne manage pas des gens directement. » (Fabrication d’autres produits chimiques organiques de base, Industries chimique et pharmaceutique)

Dans certains territoires difficiles, mêmes les grands groupes ont des difficultés dans la production pour attirer les cadres et notamment les jeunes diplômés. Malgré la renommée et une image de marque forte, des difficultés peuvent exister.

« L’entreprise, malgré la renommée, est obligée d’aller au-devant des jeunes, de faire du marketing. » (École, Industries chimique et pharmaceutique)

« Il faut améliorer l’image du secteur et des métiers (…). Faire plus de vidéos métiers et les diffuser sur le site carrières et auprès des jeunes diplômés. » (Fabrication d’autres produits chimiques organiques de base, Industries chimique et pharmaceutique)

Par ailleurs, il peut être pertinent d’aller à la rencontre des jeunes lycéens qui sont encore en découverte des métiers.

« Il faut communiquer très en amont de l’orientation (…) pour faire émerger des parcours, les talents de demain. Ainsi, nous travaillons en étroite collaboration avec les académies, les conseillers d’orientation. » (Observatoire, Industries chimique et pharmaceutique)

–L’ANTICIPATION DES BESOINS PAR UNE MEILLEURE CONNAISSANCE DES MÉTIERS ET DES COMPÉTENCES–

Au niveau de la branche, des outils sont mis en place pour mieux comprendre les métiers et les compétences attendues par les entreprises.

« Un des leviers des entreprises pour faciliter les recrutements est d’anticiper leurs futurs besoins. » (Observatoire, Industries chimique et pharmaceutique)

Ainsi, un ADEC54 (Action de Développement Emploi et Compétences) a été construit en partenariat avec l’État et les branches à la suite du Contrat d’Etude Prospective des industries de santé (CEP) conduit par les partenaires sociaux et les pouvoirs publics en 2011 et 2012. L’objectif est de faire émerger des pistes d’actions RH, en développant, par exemple, des actions d’anticipation de l’évolution des métiers et de l’emploi, notamment auprès des PME/TPE. Il s’agit aussi de réaliser l’inventaire des compétences stratégiques, mener des actions de formation des salariés afin de développer leurs compétences et leur employabilité pour sécuriser leur parcours professionnel, et de valoriser les métiers dans une logique de filière. Par ailleurs, l’observatoire travaille également sur une cartographie des métiers notamment dans l’optique de faire émerger des passerelles entre les métiers.

« L’idée est de pouvoir affiner le contenu des métiers à un niveau emploi par un travail en commun avec les entreprises, les ressources documentaires existantes mais aussi avec les autres branches proches comme la chimie sur des métiers en commun notamment sur les profils techniques. » (Observatoire, Industries chimique et pharmaceutique)

Cette cartographie doit permettre d’avoir une visibilité, d’anticiper les évolutions des métiers et d’engager une adaptation des formations en étroite collaboration avec les régions et les organismes de formation. De façon spécifique, l’Observatoire des métiers, de l’emploi et de la formation des entreprises du médicament entreprend des travaux sur les métiers et leur évolution.

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MONOGRAPHIE SECTORIELLE : LES INDUSTRIES PHARMACEUTIQUE ET CHIMIQUE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–LE RENFORCEMENT DE PARTENARIATS ENTRE LES ENTREPRISES ET LES ÉCOLES, ET LE RECOURS À L’APPRENTISSAGE–

Le développement des partenariats écoles/entreprises et de l’apprentissage semble constituer des réponses aux difficultés de recrutement. Ces partenariats, qui peuvent prendre différentes formes (actions de proximité, rencontres avec des salariés, accueil de stagiaires/apprentis , parrainage de promotion…), sont avant tout des vecteurs de pré-recrutement et permettent aux entreprises de se constituer un vivier important de jeunes diplômés.

« L’apprentissage et l’alternance, c’est aussi une voie de pré-recrutement pour nous. Nous avons un vivier existant que l’on utilise (…). 46 % des recrutements de jeunes diplômés sont des conversions de stagiaires/alternants en CDD ou CDI. » (Fabrication d’autres produits chimiques organiques de base, Industries chimique et pharmaceutique)

« Nous avons une politique forte sur le site d’accueil de stagiaires et d’alternants car cela constitue le vivier de compétences de demain. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, sous-traitant spécialisé dans la fabrication de formes injectables stériles, Industries chimique et pharmaceutique)

Les partenariats participent au pré-recrutement de futurs collaborateurs mais représentent aussi un levier d’amélioration des cursus. Les industriels locaux participent activement aux réflexions sur l’ajustement des formations proposées par les écoles aux besoins des entreprises.

« Les industriels font partie des comités de formation des écoles (…). Les ajustements se passent donc assez bien via leur influence et leur regard terrain. » (Fabrication d’autres produits chimiques organiques de base, Industries chimique et pharmaceutique)

Si les plus grandes entreprises nouent des partenariats solides avec les plus grandes écoles d’ingénieurs (généralistes ou spécialisées), elles développent également des relations avec les écoles locales. Cela semble plus difficile pour les plus petites structures. Ces dernières pourraient

structurer leurs besoins, réf léchir à leur communication et aux actions de partenariat via le recours à l’apprentissage par exemple. Ces partenariats sont déterminants pour constituer « la main d’œuvre de demain », et pour faire évoluer les formations, afin de préparer les jeunes de façon adéquate aux besoins en compétences des entreprises dans les prochaines années. L’apprentissage est quant à lui fondamental pour développer chez les jeunes l’opérationnalité et la connaissance des « rouages » de l’entreprise. Il permet de placer les jeunes en situation de travail (tâches, environnement, normes, règles…), afin d’améliorer leur pratique.

« Il faut faire évoluer les formations avec des temps terrain beaucoup plus importants, jouer sur l’opérationnalité (…). C’est presque le fil rouge de la formation (…). Que les universités soient plus proches du terrain, il faut faire venir des industriels pour échanger avec les étudiants. » (École, Industries chimique et pharmaceutique)

–L’ÉLABORATION D’OUTILS RH ET GESTION DES TALENTS– Comme vu précédemment, dans les secteurs de la pharmacie et chimie, les entreprises mobilisent en priorité la mobilité interne pour les recrutements. Ainsi, les outils de GPEC (repérage et gestion des talents, plans de succession) apparaissent fondamentaux dans les process RH des entreprises rencontrées, notamment les grands groupes.

« On peut largement prévoir les mobilités à l’avance avec nos systèmes de plan de succession et de veille des postes critiques. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, sous-traitant spécialisé dans la fabrication de formes injectables stériles, Industries chimique et pharmaceutique)

Ces outils permettent notamment de mettre en place une cartographie des postes dits critiques, ceux à expertises très pointues ou les postes de management stratégique. Cela permet d’avoir une visibilité à long terme des besoins de l’entreprise en termes de compétences et de faire monter en compétences les salariés ciblés.

101APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

« Nous identifions les salariés prêts tout de suite à prendre un nouveau poste, ceux prêts à 2/4 ans et ceux à 3/5 ans (…). Nous savons s’il y a en interne un salarié prêt tout de suite ou pas ou s’il y a un manque et qu’il faut recruter à l’extérieur. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, sous-traitant spécialisé dans la fabrication de formes injectables stériles, Industries chimique et pharmaceutique)

Les outils de GPEC participent aussi à la politique d’attractivité des entreprises, en permettant des opportunités d’évolutions professionnelles et de salaires afin d’attirer et de garder les talents.

« Nous avons un important budget pour faire monter en compétences nos talents. » (Fabrication de préparations pharmaceutiques, sous-traitant spécialisé dans la fabrication de formes injectables stériles, Industries chimique et pharmaceutique)

Les salaires proposés sont souvent très compétitifs par rapport à d’autres secteurs et ne constituent pas un problème d’attractivité. Néanmoins, il y a une dichotomie prégnante entre les Big pharma et les PME. Les sous-traitants et les PME se doivent d’être ingénieux pour compenser cet écart et attirer des talents, comme les ingénieurs spécialisés. Ainsi, les entreprises les moins attractives (salaires, marque employeur, territoire…) pourraient davantage valoriser leurs projets innovants et mieux valoriser les candidats dès les recrutements, en créant par exemple une histoire professionnelle commune.

« Les entreprises qui sont moins attractives, il faut qu’elles aient quelque chose à mettre en avant pour lutter (…). Il faut donner la sensation au candidat qu’il va être pris en charge, qu’il est important, que vous avez un avenir radieux avec des projets très intéressants. » (École, Industries chimique et pharmaceutique)

Par ailleurs, les entreprises pourraient mettre l’accent sur les transferts de compétences et de savoirs des cadres expérimentés vers les plus jeunes et ainsi former des formateurs en interne (habilitation interne, formation process et produits notamment à travers la qualité).

« Les entreprises ont tout intérêt à garder et confirmer leurs salariés âgés pour permettre le transfert de savoirs et de compétences (…). Le tutorat est très développé dans la branche et c’est primordial dans notre secteur. » (Observatoire, Industries chimique et pharmaceutique)

Enfin les certificats de qualification professionnelle (CQP) permettent de faire monter en compétences des salariés sur des postes de responsable ou d’animateur d’équipe (1er niveau d’encadrement) ou en contrôle qualité. Ces CQP sont très prisés par les entreprises.

« Les CQP sont bien ancrés dans le paysage de l’offre de formation et adaptés aux besoins des entreprises et leur environnement (…). Ils sont une solution clé en main pour les entreprises. » (Observatoire, Industries chimique et pharmaceutique)

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MONOGRAPHIE SECTORIELLE : LES INDUSTRIES PHARMACEUTIQUE ET CHIMIQUE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–PARCOURS PROFESSIONNELS DE CADRES DE LA PRODUCTION : EXEMPLES DE TRAJECTOIRES ET PERCEPTIONS SUR LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT–

Formation

Son cursus n’a que très peu de lien avec son poste actuel. De formation scientifique en microbiologie, elle a eu un parcours en 3 étapes : après un DUT en sciences techniques (« très pratique avec un stage »), elle a réalisé une maîtrise dans le même domaine (« très théorique ») avant de se spécialiser en microbiologie (DESS). Cette formation très pratique avec un stage de fin d’études de 6 mois a été « un bon tremplin pour la vie professionnelle ». Son parcours montre une réelle volonté d’intégrer le domaine pharmaceutique. Son recrutement s’est fait grâce à ses expériences de stage pendant ses études. « J’ai recontacté ma manager par hasard et elle cherchait quelqu’un en CDD de 6 mois puis CDI. »

Trajectoire professionnelle

Cela fait 11 ans que Lucie travaille dans ce groupe pharmaceutique. Le parcours qu’elle a vécu montre les réelles possibilités d’évolution que peut offrir ce secteur. Ainsi, après un début de carrière très en lien avec sa formation, dans le domaine de la qualité et des laboratoires, elle évolue assez vite avec une opportunité d’intégrer la production en tant que manager compliance, poste intermédiaire entre la qualité et la production. Cette évolution est un réel choix personnel avec une « forte envie de découvrir

–LUCIE, 37 ANS, MANAGER OPÉRATIONNEL, PACKAGING–

autre chose tout en conservant la partie managériale ». Elle décide, avec son employeur, il y a 4 ans, de partir en mission en Angleterre dans un site de l’entreprise dans le domaine de la qualité en microbiologie. Lucie qualifie cette année, « d’année clé » pour son l’évolution professionnelle mais aussi d’une manière globale dans un parcours professionnel. Cette volonté de développer la compétence linguistique (l’anglais) est très forte car pour Lucie, c’est aujourd’hui « indispensable dans la ligne managériale » et cela met en avant également « l’image d’une personne qui se met en zone d’inconfort, démontre une cer taine motivation et capacité d’apprentissage ». Pour son retour en France, après plusieurs entretiens de suivi et de préparation au retour, elle souhaitait revenir dans la production. Deux opportunités s’offraient à elle, la première dans le conditionnement et la seconde dans le remplissage. Ayant l’esprit de découverte et attirée par de nouvelles perspectives, « j’ai choisi le conditionnement car c’était une réelle découverte en termes d’activité, d’environnement et de collaborateurs alors que le remplissage, j’étais déjà beaucoup en interaction avec ». Ses missions aujourd’hui dans le conditionnement consistent principalement au suivi et à la gestion de la performance en atelier de production et au management des équipes, à la gestion de cas difficiles. In fine, les compétences qu’elle juge

Lucie, est manager opérationnel dans la branche conditionnement d’un sous-traitant pharmaceutique depuis 2 ans et demi. Elle manage une équipe d’une cinquantaine de personnes dont 6 responsables d’équipe sur 8 lignes de conditionnement en 3*8.

103APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

primordiales sont « la gestion de projet, la facilité de communication, la fibre d’aller vers les autres, de donner du sens au travail, de répéter, d’être persuasive et d’avoir un niveau d’exigence envers les collaborateurs tant en restant dans l’empathie. ». Ce qu’apprécie tout particulièrement Lucie, ce sont les possibilités d’évolution dans l’entreprise, « le turn-over interne est important, depuis 10 ans j’ai fait 5/6 postes, c’est très appréciable ». Cette mobilité est renforcée par les mesures mises en place par l’entreprise : plan de succession, détection des talents… Grâce à ces différentes expériences, elle a une vision du site industriel très large, elle connaît le fonctionnement et les contraintes de tous les services. Elle s’enrichit de cela, c’est son leitmotiv « le travail avec des profils, des compétences… différents, au final on s’enrichit de cela ».

Perception sur les difficultés de recrutement

Les embauches étant mises de côté pour le moment sur le site, il est difficile pour Lucie d’avoir une vision sur les difficultés de recrutement. Néanmoins, sa vision actuelle du secteur est plutôt positive : « le marché est dynamique dans la région, il y beaucoup d’offres d’emploi, plusieurs personnes postulent autour de moi et ont des entretiens (…). Cela bouge beaucoup au niveau de l’encadrement ». En l’interne, elle n’a pas l’impression qu’il y ait des difficultés à recruter dans la fonction de production. À l’inverse, certaines fonctions dans les services techniques comme le conditionnement peuvent manquer d’attractivité, avec une image « archaïque de mise en carton » alors que ces métiers (ingénieurs maintenance…) demandent des compétences très techniques, très qualifiées, et « qu’il est parfois très difficile de recruter en interne ». Par ailleurs, Lucie met l’accent sur le fait qu’il est « facile » d’aller de la qualité à la production, par exemple, mais beaucoup moins l’inverse, « car quand on est en production on voit la qualité comme une contrainte ».

In fine, si un point devait être mis en avant sur les difficultés de recrutement, il porterait sur l’écart existant entre les jeunes formés et les attentes opérationnelles. Pour Lucie, « on les met en difficulté, car on attend d’eux une connaissance du site et du secteur rapide, avec des prises de décisions rapides ». De son point de vue, l’accompagnement des nouveaux arrivants cadres devrait être plus important, « il y a moins de formalisme pour ce public et cela manque ». Sur le même sujet, Lucie pense que l’apprentissage/alternance est primordial pour commencer dans la vie active. Outre se former sur des cas concrets, cela permet aussi de se tisser un premier réseau professionnel de plus en plus important par la suite.Enfin, elle accorde une place toute particulière aux compétences transversales et aux compétences comportementales dans les recrutements en interne (voire externe en cas d’ouverture de poste). « La technique, je n’y accorde pas une grande importance cela s’apprend (…) mais la partie posture managériale, autonomie, motivation, c’est des fibres de base/naturelles ».

Perspectives d’évolution professionnelle

Lucie commence à réfléchir à la suite après 2 ans et demi à ce poste. « Au bout de 2 ans et demi dans le conditionnement, je commence à vouloir découvrir autre chose ». Sans plan de carrière prédéfini, elle aimerait reprendre la voie scientifique. Elle s’est ainsi positionnée récemment sur un poste interne en qualité de laboratoire : « Quand j’ai vu l’offre, je me suis dit, c’est une opportunité à prendre de par mon profil et cela reste un métier de management plutôt qu’expert ». Pour l’avenir à moyen terme, elle ne sait pas, et se questionne même « (…) pourquoi pas faire autre chose et sortir de l’industrie ». En termes de formation, ce qu’elle voudrait avant tout, c’est pouvoir reprendre la pratique de l’anglais dans son métier : « Dans mon futur, c’est quelque chose que je voudrais voir plus présent ».

–8–

104

MONOGRAPHIE SECTORIELLE : LES INDUSTRIES PHARMACEUTIQUE ET CHIMIQUE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

Formation

Son parcours de formation est atypique dans le sens où il s’est réalisé en deux temps. Tout d’abord, une première formation en BTS maintenance industrielle en 1997. Milieu plutôt masculin, cette orientation est un vrai choix personnel, adorant la technique et le travail manuel. Après une première longue expérience professionnelle, Nathalie fait le choix en 2008 de reprendre ses études « pour pourvoir évoluer, pour m’ouvrir les portes, avoir plus de choix ». En effet, après près de 10 ans dans l’entreprise et 8 ans sur le même poste (responsable d’équipe conditionnement), elle se projette dans la suite de sa carrière, souhaite changer de métier mais avec son seul BTS et son expérience, elle sait que c’est insuffisant pour accéder à d’autres postes. Elle se lance ainsi, en accord avec son entreprise, dans des études d’ingénieur généraliste sur une période de 18 mois.

Trajectoire professionnelle

Titulaire d’un BTS en maintenance industrielle, Nathalie, via son réseau postule dans une entreprise locale de l’industrie pharmaceutique alors en plein recrutement. Elle n’a donc aucune difficulté à s’insérer sur le marché du travail. Elle occupe un poste de technicienne de maintenance au bloc seringue de l’entreprise. En 2001, elle intègre le service conditionnement en tant que responsable d’équipe. Après sa formation d’ingénieur, en 2008/2009, elle intègre le service méthodes maintenance pour intégrer en 2012 le poste de responsable opérationnel en métrologie. Aujourd’hui, elle travaille en étroite

–NATHALIE, 44 ANS, MANAGER OPÉRATIONNEL, MÉTROLOGIE–

collaboration avec les services qualité et production notamment avec un objectif de simplification des procédures. Ses points forts sont sa connaissance de l’entreprise et son expérience de plusieurs niveaux hiérarchiques et plusieurs services. Pour ce nouveau poste à responsabilité, Nathalie a suivi deux formations internes de certification car elle n’avait pas de formation en métrologie à la base. In fine, ce fut un challenge personnel : « le poste me semblait intéressant, avec beaucoup de choses à améliorer, à reconstruire et avec une partie technique et de relations régulières avec la production mais aussi l’assurance qualité ». Dans la métrologie, l’approche est sensiblement différente des autres services, avec un langage et des objectifs qui différent : « il faut un discours qui fasse consensus, être souple, avoir un relationnel aisé, une bonne capacité d’adaptation et un bon mode de communication ». Les compétences clés sont pour elle, les compétences managériales et organisationnelles (fixer des objectifs cohérents) et avoir une certaine souplesse/adaptabilité.

Perception sur les difficultés de recrutement

Aujourd’hui, il n’y a que très peu de postes ouverts à l’extérieur car le site est en pleine mutation organisationnelle. Néanmoins, Nathalie évoque une expérience assez récente de recrutement en CDD : « nous avons tenté il y a un an de prendre un CDD mais nous n’avons pas trouvé le bon profil. Par manque de candidatures, ils sont tous en postes ». Au final, Nathalie recourt, de temps en temps, à de la prestation. Elle trouve ainsi les ressources, les compétences

Nathalie est manager opérationnel à la direction des services techniques d’un sous-traitant pharmaceutique, dans le département métrologie depuis 2012. Elle a sous sa responsabilité 7 personnes. Ce service contrôle les instruments de production du site et leur validation périodique.

105APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

et les expériences adéquates malgré un surcoût au final. Elle va même encore plus loin : « je peux facilement trouver chez des prestataires des compétences particulières et très opérationnelles qui peuvent faire défaut dans mon équipe ». Son regard sur les métiers est également très intéressant et met en lumière la hausse de qualification attendue par les entreprises. Prenant l’exemple de la maintenance, elle explique : « avant c’était plutôt des régleurs, en première intervention, pas de gestion, de support data, de planification ou gestion de projet. Mais aujourd’hui c’est différent, on demande tout cela avec en plus la compétence organisationnelle qui va avec et la qualité ». Par ailleurs, elle met en avant le changement de mode de fonctionnement du secteur des industries pharmaceutiques ou du moins de son site : « la pharmacie d’il y a 10/15 ans c’est fini ». Aujourd’hui la ligne à suivre c’est le pilotage de la performance, la gestion par les coûts, la maîtrise des processus et l’exigence des résultats. Au final, cette mutation du secteur et des organisations ne convient pas à tous : « Dans l’état d’esprit, cela ne convient pas à tout le monde. Donc nous avons beaucoup de turn-over ces derniers temps dans tous les services et surtout dans la ligne managériale ». Concernant le renouvellement de la main d’œuvre, l’apprentissage est, pour elle, le meilleur moyen aujourd’hui pour se former quel que soit le profil. L’accès aux écoles et aux étudiants ne posent pas de difficultés majeures notamment en apprentissage. Néanmoins, elle pointe du doigt le relatif manque d’autonomie de ces jeunes : « ils ont du mal à se positionner et à prendre des initiatives ». Pour Nathalie, certains modules de formation ne sont pas assez dispensés ou du moins pas assez tôt dans le parcours : « les jeunes mettent beaucoup de temps à accepter les mises en situation assez rapidement sur des projets, avoir des objectifs, présenter un plan d’actions, un planning, les difficultés et solutions envisagées… ». Ainsi, elle a par exemple demandé à une école avec laquelle elle travaille régulièrement d’avancer le module de gestion de projet dans le parcours de formation. Une des

causes des difficultés de recrutement est donc l’évolution technologique et la complexité des processus qui va avec. Si l’on prend l’exemple de la maintenance, « aujourd’hui les mécaniciens, électromécaniciens sont dépassés par l’automatisme et la complexité des process ». Il y a une augmentation du niveau de qualification attendu tant sur le plan technique que sur les aspects comportementaux. Ce dernier aspect est par ailleurs un point clé : « c’est très fortement demandé en termes de changement pour nous en CDI mais aussi dans les entretiens en recrutement et avec les prestataires (…) C’est un facteur déterminant pour évoluer ». In fine, pour réduire les tensions dans l’entreprise, Nathalie pense qu’il faut améliorer la partie formation en interne et mieux accompagner les nouveaux arrivants cadres notamment les jeunes. Le développement de l’apprentissage, oui (« La maturité n’est pas la même pour ceux passant par l’apprentissage. Les jeunes en ressortent grandis. »), mais aussi la montée en compétences des personnes en position de formateur : « (…) cela manque de remise en question avec un niveau d’approche pédagogique qui n’est pas forcément le bon. Un bon technicien ne fait pas forcément un bon formateur ».

Perspectives d’évolution professionnelle

Suite à des mouvements de réorganisation dans son service, Nathalie regarde un peu les opportunités qui pourraient s’offrir à elle en interne. Elle vient notamment de se positionner sur un poste en maintenance, qui lui fera néanmoins perdre la prédominance assurance qualité/process dans son activité. Elle n’a pas de plan de carrière prédéfini et est consciente que cela peut nuire à son évolution en tant que manager. Ce qui l’attire, c’est la diversité des missions à faire au quotidien et elle n’est pas fermée à d’autres industries dont les passerelles avec l’industrie pharmaceutique sont proches telles que l’agroalimentaire ou la chimie, fortement présentes dans la région.

–8–

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MONOGRAPHIE SECTORIELLE : LES INDUSTRIES PHARMACEUTIQUE ET CHIMIQUE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

107APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–ANNEXE–

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–9–

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ANNEXE

APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

–CODES NAF DES SECTEURS ÉTUDIÉS–

Industrie agroalimentaire 10.1 Transformation et conservation de la

viande et préparation de produits à base de viande

10.2 Transformation et conservation de poisson, de crustacés et de mollusques

10.3 Transformation et conservation de fruits et légumes

10.4 Fabrication d’huiles et graisses végétales et animales

10.5 Fabrication de produits laitiers10.6 Travail des grains ; fabrication de produits

amylacés10.7 Fabrication de produits de boulangerie-

pâtisserie et de pâtes alimentaires10.8 Fabrication d’autres produits alimentaires10.9 Fabrication d’aliments pour animaux11 Fabrication de boissons 12 Fabrication de produits à base de tabac08.93 Production de sel

Automobile-aéronautique

29.10Z Construction de véhicules automobiles 29.20Z Fabrication de carrosseries et remorques 29.31Z Fabrication d’équipements électriques et

électroniques automobiles 29.32Z Fabrication d’autres équipements

automobiles 30.11Z Construction de navires et de structures

flottantes 30.12Z Construction de bateaux de plaisance 30.20Z Construction de locomotives et d’autre

matériel ferroviaire roulant 30.30Z Construction aéronautique et spatiale 30.40Z Construction de véhicules militaires de

combat 30.91Z Fabrication de motocycles

30.92Z Fabrication de bicyclettes et de véhicules pour invalides

30.99Z Fabrication d’autres équipements de transport n.c.a.

33.15Z Réparation et maintenance navale 33.16Z Réparation et maintenance d’aéronefs et

d’engins spatiaux 33.17Z Réparation et maintenance d’autres

équipements de transport

Chimie-Pharmacie 20.1 Fabrication de produits chimiques de base,

de produits azotés et d’engrais, de matières plastiques de base et de caoutchouc synthétique

20.2 Fabrication de pesticides et d’autres produits agrochimiques

20.3 Fabrication de peintures, vernis, encres et mastics

20.4 Fabrication de savons, de produits d’entretien et de parfums

20.5 Fabrication d’autres produits chimiques20.6 Fabrication de fibres artificielles ou

synthétiques08.91 Extraction des minéraux chimiques et

d’engrais minéraux21.1 Fabrication de produits pharmaceutiques

de base (destinés à la fabrication de médicaments par exemple)

21.2 Fabrication de préparations pharmaceutiques (dont les médicaments)

Mécanique-métallurgie

24.1 Sidérurgie24.2 Fabrication de tubes, tuyaux, profilés creux

et accessoires correspondants en acier

109APEC – LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE

24.3 Fabrication d’autres produits de première transformation de l’acier

24.4 Production de métaux précieux et d’autres métaux non ferreux

24.5 Fonderie25.1 Fabrication d’éléments en métal pour la

construction25.2 Fabrication de réservoirs, citernes et

conteneurs métalliques25.3 Fabrication de générateurs de vapeur, à

l’exception des chaudières pour le chauffage central

25.4 Fabrication d’armes et de munitions25.5 Forge, emboutissage, estampage ;

métallurgie des poudres25.6 Traitement et revêtement des métaux ;

usinage25.7 Fabrication de coutellerie, d’outillage et de

quincaillerie25.9 Fabrication d’autres ouvrages en métaux28.1 Fabrication de machines d’usage général28.2 Fabrication d’autres machines d’usage

général28.3 Fabrication de machines agricoles et

forestières28.4 Fabrication de machines de formage des

métaux et de machines-outils28.9 Fabrication d’autres machines d’usage

spécifique33.11Z Réparation d’ouvrages en métaux 33.12Z Réparation de machines et équipements

mécaniques 33.20A Installation de structures métalliques,

chaudronnées et de tuyauterie 33.20B Installation de machines et équipements

mécaniques

– LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DE CADRES EN PRODUCTION INDUSTRIELLE–Parmi les fonctions occupées par des cadres, les fonctions production industrielle et, dans une moindre mesure, services techniques sont identifiées sur la période récente comme des fonctions pour lesquelles les recruteurs éprouvent des difficultés à recruter. Cette étude fait le point sur la nature de ces difficultés, leurs causes et les solutions que les entreprises et d’autres acteurs des filières industrielles y apportent. L’étude s’est focalisée sur quatre secteurs d’activité qui représentent 60 % des recrutements de cadres en production industrielle et en services techniques : Mécanique-métallurgie, Automobile-aéronautique, Industries pharmaceutique et chimique, et Agroalimentaire. L’analyse de ces secteurs, diversement touchés par les difficultés de recrutement, permet de dresser un panorama des recrutements dans la production industrielle en France.

ISBN 978-2-7336-0946-0

www.apec.fr

L’étude a été réalisée par le département études et recherche de l’Apec :Pilotage de l’étude : Laurence BonnevauxAnalyse et rédaction : May Cha, France LhermitteDirection du département : Pierre Lamblin

N°2016-35AOÛT 2016

ASSOCIATION POUR L’EMPLOI DES CADRES51 BOULEVARD BRUNE – 75689 PARIS CEDEX 14

CENTRE DE RELATIONS CLIENTS

DU LUNDI AU VENDREDI DE 9H À 19HED

OBS

A02

21-0

9.16