ETRE UNE FEMME SANS DOMICILE FIXE APRES 50 ANS … · 2ans 6 ans 26 Z plus de 50 ans célibataire 5...

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1 ETRE UNE FEMME SANS DOMICILE FIXE APRES 50 ANS ENQUETE ET REFLEXIONS

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ETRE UNE FEMME SANS DOMICILE FIXE APRES 50 ANS

ENQUETE ET REFLEXIONS

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Sommaire

Introduction 4Conditions de réalisation de l’enquête 5Chapitre 1 : La condition de la femme à la rue 7

A - La notion de genre en sociologie : notions de base et explication de termes issus de la sociologie .............................................................................................. 7

1- Le concept de genre..................................................................................... 72- L’ « identité féminine » .................................................................................... 7

B - Exploitation sociologique de l’enquête............................................................... 81- La condition de la femme ............................................................................. 82 - Une « survie identitaire »................................................................................ 93- L’importance du réseau................................................................................. 104 - Peurs et violences spécifiques ..................................................................... 125 - La gestion du « foyer »................................................................................. 12

C - L’organisation de la survie quotidienne des femmes à la rue.......................... 131- Le « choix » de l’habitat comme protection de l’intégrité physique............. 142- Les liens sociaux et familiaux..................................................................... 173- Les ressources financières et leur provenance .......................................... 194- Les repas et l’hygiène personnelle ............................................................. 215- Les activités quotidiennes .......................................................................... 226- Les femmes et leur santé ........................................................................... 25

A – Une mise à l’abri aléatoire : l’urgence mise en question................................. 27B – La présence des associations ........................................................................ 28

1- L’hébergement de longue durée................................................................. 282- Les centres de jour..................................................................................... 283- Maraude ..................................................................................................... 29

C – Un manque de soutien et de suivi administratif .............................................. 291- Les institutions............................................................................................ 292- Le cas particulier des services de police et des hôpitaux........................... 303- Les conséquences du manque de soutien ................................................. 31

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Nous remercions toutes les femmes qui ont accepté de répondre à nos questions, sans qui nous n’aurions pu réaliser cette enquête.Nous remercions également les institutions et associations qui nous ont accueillies dans le cadre de cette enquête.

Ce document est une production collective.

Ont réalisé l’enquête et/ou participé à la rédaction de ce document :

- Mme Corinne Lanzarini : sociologue- Mlle Bénédicte Luret : Master2 sociologie assistante chargée de mission Santé

Communautaire, association Emmaüs.- Mme Odile Maurice : Association « Voix de l’Enfant »- Mme Martine Deprez , bénévole retraitée INSEE- Mme Sylvie Druelle, chef service statistique DRASS- Mme Flore Kongo, Assistante sociale Chemin Vert Paris

Ce travail a été réalisé dans le cadre et avec le soutien du groupe « Femmes et Précarité » de la Mipes. Le pilotage du groupe et de la rédaction a été assuré par Florence Sabbah-Perrin, co-animatrice de la Mipes, assistée par Catherine Génin, Mipes.

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Introduction

Le groupe « Femmes et précarité » est né à l’automne 2002 de la volonté de professionnels de terrain intervenant dans le domaine médico-social, face au constat que peu d’études et de travaux étaient menés sur le thème de la pauvreté et la précarité vécue par la femme. Or à travers leurs expériences, ces professionnels avaient l’image d’une réalité fortement genrée : être une femme confrontée à la précarité ne générait pas les mêmes difficultés que pour un homme. Le groupe a donc souhaité se pencher sur cette réalité, afin d’avoir une image plus concrète et moins subjective.

Les travaux du groupe ont donc pour objectif d’alimenter ce savoir en se penchant sur la réalité des conditions de vie de la population féminine précarisée, afin de faire évoluer le regard porté sur ces femmes et, dans la mesure du possible, d’ impulser une évolution dans les conditions d’accueil et d’accompagnement qui leur sont actuellement réservées.Les travaux précédemment menés par ce groupe avec le support de la Mipes ont permis d’aborder « l’accueil des femmes en situation de grande exclusion », tout d’abord à travers une enquête réalisée auprès de 80 structures d’hébergement(rencontre Mipes du 21 janvier 2005 (1)). Une rencontre organisée le 26 janvier 2007 (2) a permis de poursuivre cette réflexion à travers deux tables rondes portant sur le lien avec la personne en souffrance et sur l’accueil des femmes en errance. L’intérêt d’une nouvelle étude qui s’adresserait cette fois directement aux femmes a alors été dégagé.

Cette étude s’inscrit donc dans la continuité de cette réflexion. Le groupe a décidé de centrer son enquête sur les femmes âgées de 50 à 65 ans afin d’aborder plus spécifiquement cette tranche d’âge de la vie particulièrement délicate, durant laquelle peuvent se cumuler les difficultés matérielles (aucune ressource, accueil en maison de retraite impossible ; difficulté majeure pour trouver un travail), familiales (soutien aux enfants encore nécessaire) et personnelles (fatigue du corps, usure psychologique, rupture conjugale …).Le groupe « femmes et précarité » s’est efforcé de dégager ce qui dans la réalité vécue par les femmes vivant à la rue est spécifique à leur condition de femme. Cette condition de la femme étant étroitement liée aux représentations que notre société occidentale se fait de l’identité féminine (qu’est-ce qu’être une femme ?), il est apparu souhaitable d’aborder cet aspect à travers la réflexion sociologique.

La première partie de l’exploitation de cette étude a donc été réalisée selon une approche sociologique, la seconde partie étant réalisée selon une méthode plus classique, évitant, tant que faire se peut, toute interprétation, ayant donc pour objectif la restitution la plus fidèle possible des propos des femmes rencontrées.

(1) « L’accueil des Femmes en situation de grande exclusion » : rencontre du 21 janvier 2005 http://www.iledefrance.fr/fileadmin/contrib_folder/Mipes/85055.pdf

(2) « Est-ce ainsi que des femmes vivent ? » : rencontre du 26 janvier 2007 http://www.iledefrance.fr/fileadmin/contrib_folder/Mipes/CR_RENCONTRE_26.01.07.doc

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Conditions de réalisation de l’enquête

L’enquête s’est déroulée sous la forme d’entretiens d’une heure environ, réalisés entre le dernier trimestre 2007 et le premier trimestre 2008. Les entretiens ont été réalisés soit à la suite de rendez-vous pris dans le cadre de structures d’hébergements, soit auprès de femmes vivant sur le macadam (tentes, parking).

L’entretien a été voulu comme un échange devant laisser à l’interviewée une large liberté d’expression, tout en abordant, autant que possible, les points suivants :

1° Le quotidien :- Quel est l’impact des saisons sur leur vie quotidienne ?- L’hygiène : comment font-elles pour répondre à leur besoin spécifique d’hygiène

féminine, - vêtements

2° Le réseau :- Quels sont les contacts qu’a la personne avec les institutions ?- Quel est son réseau personnel, familial, de proximité ?

3° Le suivi social : - les contacts avec les travailleurs sociaux,- le parcours,- les expériences positives ou négatives,- la connaissance du dispositif

4° La santé (soins et prévention) :- Le parcours- Le rapport au corps

5° Les peurs en tant que femmes et les stratégies de protection.

6° Leur avenir : comment l’envisage-t-elle ?

26 femmes sans domicile fixe ont pu être interviewées par des membres du groupe « femmes et précarité ». Les critères de sélection portaient sur l’âge, de 50 à 65 ans, mais sans conditions de ressources. Les entretiens ont été réalisés soit dans la rue, soit dans des centres d’hébergement, soit dans des permanences sociales ou centres d’accueil de jour.

Le tableau suivant présente les caractéristiques des profils des femmes interviewées.

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Nb Sexe Age TYPE Montant jour nuit jour nuit

1 A 54 veuve 62

garcons/4filles

garcons :14 et 17

filles + 18 ans

fait des ménages

Tente sur le trottoir

Tente sur le trottoir

1 an et 6 mois

Tente sur le trottoir

Tente sur le trottoir

1 an et 6 mois

1 an et 6 mois(avant squattait immeuble

2 B 52vit

maritalemt0

petits boulots

Tente sur le trottoir

Tente sur le trottoir

un an et demi

Tente sur le trottoir

Tente sur le trottoir

un an et demi

un an et demi( vivait avant

chez des amis

3 C 54

se dit célibataire

mais vit maritalemt

0 RMITente sur le

trottoirTente sur le

trottoir5 ans

Tente sur le trottoir

Tente sur le trottoir

5 ans 5

4 D 50 célibataire 0 RMI CMPstudio

depuis peu8 ans CMP

studio depuis peu

8 8

5 E 54 divorcée 0 aucune parking parking 15 parking parking 15 15

6 F 63 célibataire 31 fille/ 2 garcons

RMI chemin vertrue + chez

amis4 Chemin vert

rue + chez amis

4 4

7 Gplus

de 60 ans

célibataire 3 garconsde 35 à 40

anssuspension

RMIEmmaus Emmaus 2 ans Emmaus Emmaus 2ans

8 H

moins de 60 ans

célibataire 1 fille adulte ASSchemin vert (depuis ?)

chez amis + ch (où?)

5 anschemin vert (depuis ?)

chez amis + ch (où?)

5 ans 6

9 I 71 veuve 7 cotorep300

euroschemin vert(34

ans)foyer du

SamuSocialun mois

chemin vert(34 ans)

foyer du Samu Social

un mois

10 J 53divorcée 2

fois0

suspension RMI

pas ce mois -ci

pb papiers

Emmaus Emmaus 2 ans Emmaus Emmaus 2 ans 6 ans

11 k 56 veuve 2 adultes RMI amis amis amis amis 6 ans

12 L 54 célibataire 0 AAH studio studio 4 mois studio studio 4 mois des années

13 M 61 veuve 4de 30 à 45

ans

aucune ( attente dossier retraite)

halte des Femmes et chemin vert

Hotel 3 moishalte des Femmes

Hotel 3 mois 3 mois

14 N 52 divorcée 0 AAHhalte des Femmes

rue 3 anshalte des Femmes

rue 3 ans 3 ans

15 O 51 célibataire 0 AAHSecours catho +

autre assosrue 2ans

Halte des femmes

rue 2 ans 2ans

16 P 60 célibataire 0suspension

RMIrue rue 1 an rue rue 1 an

environ 15 ans

17 Q 64 célibataire 2 33 et 29 RMI rue rue 3 ans rue rue 3 ans 3ans

18 R 52 célibataire 0 RMI

Boutique solidarité Bichat

( depuis 1mois1/2)+

espace Insertion

rue 1 anESI Saint-

Martin(armée du Salut)

rue 1 an1 an et 10

mois

19 S 65 célibataire 1 fils adulte retraiteBoutique solidarité Emmaus

hébergée fils + amis

4 moisBoutique solidarité Emmaus

hébergée fils + amis

4 mois 1an et 4 mois

20 T 54 célibataire 0RMI + petits

boulotsrue ou chez des

amishébergée chez amis

5 ansrue ou chez

des amishébergée chez amis

5 ans 5 ans

21 U 67 veuve 9 retraite600

eurosEmmaus

salpétrière

CASP Maison Blanche

1 anEmmaus

salpétrière

CASP Maison Blanche

1 an

22 V 54 mariée 32 filles / 1 garcon

27,23 ,20 aucune Maison BlancheMaison Blanche

Maison Blanche

Maison Blanche

Maison Blanche

2ans et 3 mois

6

23 W 52 mariée 33 filles / 1 garcon

28,26,25 aucune Maison BlancheMaison Blanche

2ansMaison Blanche

Maison Blanche

2ans 2 ans

24 Xplus

de 50 ans

veuve 7 aucuneMaison Blanche

CASP

Maison Blanche CASP

2ansMaison Blanche CASP

Maison Blanche CASP

2ans 12 ans

25 Yplus

de 50 ans

veuve 0 aucuneMaison Blanche

CASP

Maison Blanche CASP

2ansMaison Blanche CASP

Maison Blanche CASP

2ans 6 ans

26 Zplus

de 50 ans

célibataire 517;14;12;16, un BB ?

aucuneMaison Blanche

CASP

Maison Blanche CASP

2ansMaison Blanche CASP

Maison Blanche CASP

2ans 2 ans

tps passé structure

enfants ressources lieu de vie semaine lieu de vie WK

Entretiens Femmes SDF 50 à 65 ans / grille de lecture

Nb d'années en errance

N° tps passé structureN

om age

situation maritale au

jour de l'entretien

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Chapitre 1 : La condition de la femme à la rue

A - La notion de genre en sociologie : notions de base et explication de termes issus de la sociologie

1- Le concept de genre

Le genre est défini comme l’ensemble des « fonctions économiques et sociales et les comportements, attitudes et aptitudes physiques et mentales que les sociétés assignent, plus ou moins exclusivement, à l’un et à l’autre sexe. » (1)

Si le sexe se rapporte aux différences biologiques entre hommes et femmes, le genre concerne les différences sociales.En conséquence, le fait de différencier socialement les sexes masculin et féminin conduit à comprendre la différence des sexes non plus uniquement en fonction d’un facteur biologique mais également en fonction de facteurs sociaux.Pour D. Kergoat, il n’est pas possible d’enfermer l’analyse sociologique au niveau des seules identités. (2) ; l’utilisation du concept de genre permet d’analyser de quelle manière sont construites les identités sexuées supposées naturelles – en particulier l’« identité féminine »– et permet a fortiori leur dénaturalisation.

2- L’ « identité féminine »

Si la question de l’« 'identité féminine » est au centre des débats féministes, elle est également au coeur de la sociologie et des sciences sociales.Peut-on parler d’identités masculine et féminine ? Sur quels fondements ? Comment conjuguer différence biologique et socialisation ? Faut-il les opposer ?La place que les hommes et les femmes occupent dans notre société amène à une socialisation différenciée des individus selon leur sexe. Si les hommes sont supposés « développer la capacité de se défendre, de participer au monde public, de prendre de décisions », les femmes sont, elles, sensées développer « le fait d'être affectives, l’empathie… ». Or les débats publics mettent en évidence que les différences entre hommes et femmes ne s’entendent pas exclusivement comme une construction sociale, mais comme une caractéristique supposée naturelle qui contribuerait à la réalisation d’une « identité féminine ».

La féminité et l’« identité féminine » renvoient aux attributs assignés au sexe féminin : attributs moraux (discrétion, dévouement, pudeur, retenue), physiologiques (santé et fécondité), esthétiques (beauté), sociaux (maternité, gestion du foyer)Il faut ajouter que ces représentations sociales lient la femme au foyer ; ce foyer déterminant le champ social attribué à l’activité des femmes.Les femmes sans-domicile, plus que les hommes, semblent donc bousculer ces représentations, notamment par rapport au logement.

1

1. Mathieu N.C. (1991) « Identité sexuelle/sexuée/de sexe ? Trois modes de conceptualisation du rapport entre sexe et

genre », L’anatomie politique. Catégorisations et idéologies du sexe, Coté Femmes.2.

Kergoat N. (1988) Le syllogisme de la constitution du sujet sexué féminin. Le cas des ouvrières spécialisées, in Les

rapports sociaux de sexe : problématiques, méthodologies, champs d’analyse, IRESCO, 1988, 3 t.

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3- La violence symbolique

La « violence symbolique », concept développé par Pierre Bourdieu (1), est une forme de pouvoir s’exerçant sur les individus sans que la moindre contrainte physique n’y soit associée ; même s’il est observé un « cumul des violences » dans une majorité des situations.La "violence symbolique" s’exprime sous deux aspects :

- L’objectivité : par des règles, des lois, des mécanismes de régulation sociale- La subjectivité : dans les esprits, sous forme de pensées, de schèmes de perception (2)

Cette violence est l'aboutissement d'un processus qui s'élabore dans les institutions mais également dans les mentalités. Ainsi, elle apparaît comme le résultat d'une longue série d'expériences mais se présente comme « naturelle », « allant de soi ».

B - Exploitation sociologique de l’enquête

1- La condition de la femme

Si le nombre des femmes sans domicile fixe a tendance à augmenter ces dernières années, celles-ci restent minoritaires comparativement aux hommes. Signalons que cet écart de représentativité entre les hommes et les femmes est fortement dépendant de leurs conditions d’hébergement (3)

Sans-domicile usagers des services d’aide

hébergés en

chambre ou dortoir dansune structure collective

Occupant un lieu non

prévu pour l’habitation

(rue, abri defortune)

avec départ obligatoire

le matin

sans départ

obligatoire le matin

Chambre

d’hôtel

Logeme

nt aidé

Ensem

ble

Ensemble de la

population de 18 ans ou plus

Femmes 7% 10% 32% 39% 57% 36% 53%

Champ : personnes francophones de 18 ans ou plus, agglomérations de plus de 20 000 habitants, France métropolitaine.Source : enquête auprès des personnes fréquentant les services d'hébergement ou les distributions de repas chauds, janvier 2001, Insee

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1. Bourdieu P., Passeron J.C. (1970) La reproduction. Eléments pour une théorie du système d’enseignement, Les éditions de Minuit.

2. Ensemble de savoirs faire par lequel un objet réel et neutre est perçu, dans la pensée d’un individu, comme un objet sensé, lié aux catégories sociales (Bourdieu P. (1980) Le sens pratique, Editions de Minuit)soit Processus par lequel un individu perçoit et donne du sens à un objet réel et neutre en fonction de ses représentations sociales

3. D’après une enquête réalisée au cours d’une semaine du mois de janvier 2001 en France métropolitaine auprès des personnes fréquentant les services d'hébergement ou les distributions de repas chauds, les femmes ne représentent que 3% des personnes sans-domicile ayant séjourné plus d’un an dans la rue ou dans un abri de fortune. Parmi les personnes occupant un lieu non prévu pour l’habitation (rue, abri de fortune) on compte 7% de femmes contre 57% parmi les personnes hébergées en logement aidé.

Supprimé : 2

9

Si on constate donc que les personnes sans domicile fixe se recrutent, dans leur grande majorité, au sein du public masculin, la proportion de femmes semble cependant croître avec une étonnante célérité (1)

Comme nous l’avons vu précédemment, la femme sans domicile fixe dérange davantage nos représentations.Se pose donc la question suivante : en quoi est-ce différent d’être une femme ou un homme lorsqu’on est sans domicile fixe ?Au-delà de cette question, il s’agit aussi de savoir si l’on peut parler d’une condition spécifique des femmes « à la rue ».Il apparaît que la condition des femmes « à la rue », bien que présentant des caractéristiques comparable à celles des hommes, présente au quotidien des disparités traduisant l’existence de rapports sociaux de sexe.

2 - Une « survie identitaire »

Si l’on considère que la société conduit la femme à vivre le sans-abrisme de façon spécifique parce qu’elle est femme, les stratégies de survie de celle-ci seraient à analyser à partir d’une problématique spécifique : la survie identitaireEn fonction de leurs ressources, les femmes déploieraient des moyens leur permettant de se rendre invisibles, de correspondre au plus près de l’image de la « femme socialement intégrée » et d’assurer ainsi leur protection face aux agressions extérieures, qu’elles soient physiques, verbales ou symboliques.

Pour M.C. Vaneuville, la survie identitaire se manifeste à la rue du fait que « les femmes sont habitées par la honte (honte, symbolique ou non, d’avoir échoué dan leur rôle de mère) ; elles ressentent aussi le poids du regard extérieur, tout le poids qu’elles portent sur elles-mêmes. Elles ont faites leurs les représentations de la société sur la femme et elles savent qu’elles n’ont pas répondu aux attentes de cette société envers elles. Elles n’ont pas réussi, elles ne sont pas conformes, elles sont loin de tous les archétypes de tous les rôles traditionnels ; elles n’ont pas de foyer, rôle essentiel dévolu à la femme, elles n’ont pas su être mère, autre rôle fondamental, leurs enfants sont placés, second rôle fondamental, la souffrance les pousse souvent vers les toxiques et l’alcool représente pour elles la déchéance. » (2)

Or, la « nouvelle » visibilité de ce public montre les limites de ce qui est défini comme la « survie identitaire » spécifique aux femmes sans-domicile. Par conséquent, les femmes qui ne désirent pas être identifiées et stigmatisées comme « clochardes » accordent une grande importance à leur apparence physique ; il semble pour elles primordial de maintenir leur « corps propre ».La question de la propreté témoigne d’un souci d’invisibilité et de normalité même s’il faut noter que, pour certaines femmes, la stratégie de survie revient à négliger l’hygiène de soi afin d’écarter les « autres », et plus particulièrement les hommes et de se protéger des agressions sexuelles.(3)

1. A Paris, plus d’un tiers des usagers des services d’hébergement et de distribution des repas chauds pour sans-abri sont

des femmes : 37 % (Regards sur la parité : femmes et hommes, Paris, INSEE, 2004)

2. Vaneuville M.C. (2005) Femmes en errance. De la survie à l’existence, Chronique Sociale.

3. Notons que les processus de précarisation s'accompagnent d'une souffrance psychique alliant mauvaise image de soi et

sentiment d'inutilité sociale et peuvent également conduire à une véritable dégradation de la santé et de l’hygiène de soi.

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« Je n’ai pas acheté de vêtements depuis que je suis dans une situation financière catastrophique et j’invente des produits pour mon visage, mon corps, avec des plantes, de l’huile… c’est la débrouille tout le temps… »

« Je me lave avec des bouteilles d’eau, et je me maquille beaucoup. »« Mêmes dans les pires moments, j’ai toujours essayé de rester propre, de faire ma toilette, d’avoir des habits convenables, pour moi pour mon fils »

« Je ne veux pas que les gens sachent que je suis SDF » :« J’ai deux sœurs, dont une décédée […] ma mère est morte, mais mon père est toujours en vie…il habite le midi, il ignore ma situation »« Mes enfants et mes amis ne savent pas dans quelles conditions je vis actuellement, je ne veux pas les ennuyer avec tout ça. »« Mes enfants en France je les vois de temps en temps…. « au pays », les autres enfants ne savent pas que je suis en foyer. Ils croient que je suis en famille. »

On peut s’interroger sur l’implication des représentations sociales des rôles genrés et notamment du rôle de la femme traditionnellement assigné au rôle de mère dans la légitimation d’un « avantage » relatif des femmes sans-domicile sur les hommes quant à leur prise en charge institutionnelle. (1)

Ainsi l’existence d’une supposée « identité féminine » a longtemps été confondue avec la fonction maternelle. Les femmes « à la rue » avec enfants semblent susciter généralement un intérêt plus important que celui apporté aux femmes seules ou aux hommes. On remarque que les femmes seules avec enfants sont davantage prises en charge par les institutions, mais également par leur famille et leurs proches du fait de leur statut de mère.

Même si aujourd’hui une relative dissociation s’est opérée entre les rôles de la femme et de la mère, l’« identité féminine » reste marquée par l’idée que les femmes sont plus sensibles, plus vulnérables et de ce fait nécessitent une protection plus grande de la part des diverses institutions :

« Le fait d’être une femme, je pense que ça m’a plutôt aidée. Les personnes qui s’occupent de moi (médecin ; infirmière) le font pour soutenir une faiblesse qu’ils voient en moi en tant que femme. Je pense que les hommes dans la précarité sont moins aidés. »« La police n’embête pas les mamas. »

3- L’importance du réseau

Si les modalités de prise en charge des hommes et des femmes apparaissent comme favorables à celles-ci (le pourcentage de femmes augmente dans les types d’hébergement les moins précaires) les femmes semblent également bénéficier de réseaux de proches (ami(e)s, famille…) plus développés que ceux des hommes.

1. Marpsat M. (1999) « Un avantage sous contrainte : le risque moindre pour les femmes de se trouver sans abri »,

Population, n° 6.

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Qu’il s’agisse d’hébergement, de santé ou autre, les femmes semblent pouvoir s’appuyer davantage sur leur réseau comme soutien dans l’urgence : les réseaux sociaux et familiaux semblent se mobiliser plus volontiers lorsqu'il s'agit de venir en aide à une femme pour lui éviter de vivre le sans abrisme.

« J’ai beaucoup de visites de la famille : mes filles (j’en ai 4) et mes nièces. Elles viennent, s’assoient autour du feu, discutent…j’ai une dizaine de personnes de ma famille qui viennent chaque jour. »Concernant la santé « Et on se débrouille dans la famille »« Je dors à Paris dans le 18eme ou le 19eme arrondissement chez des amis que j’ai fait connaissance depuis chez nous. »« Je suis un peu chez mon fils, Chez des gens que je connais, à droite, à gauche »

Le fait que « le sans-abrisme qui touche l’homme est souvent lié à l’emploi tandis que celui qui affecte la femme trouve souvent sa source dans la rupture des liens familiaux » (1) appuie l’hypothèse selon laquelle le délitement du réseau engendre une grande précarité des conditions de vie des femmes :

« La famille, j’ai coupé les ponts depuis très longtemps. Pourtant je suis née à Paris, mais je ne veux plus les voir. Ca fait plus de 20 ans que je n’ai vu personne de ma famille. Je suis divorcée depuis 25 ans. »« J’avais pas de domicile, je vivais chez les parents et puis un jour, mon frère, il m’a dit tu ne rentres pas, mon frère enfin sa femme qui l’a dit. »« J’avais un studio avec ma fille puis en 2004 elle a trouvé un copain alors elle est partie vivre avec lui »

De plus, si les femmes sont socialement plus attachées à la famille comparativement aux hommes plus fréquemment attachés à un réseau de pairs, « les femmes plus que les hommes vivent leurs besoins en logement sous le mode de l’urgence, que celle-ci soit dictée par la survenance d’une violence domestique, une grossesse inattendue, une nécessité imprévue pour l’enfant, etc... » (2)

Les violences au foyer peuvent « pousser à la rue » ce qui constitue un facteur d'exclusion bien spécifique aux femmes :

Mme L a été hospitalisée à plusieurs reprises en psychiatrie, elle a été victime de mauvais traitements de la part d’un compagnon.Mme N a un ami, qui est professeur de comptabilité, elle va parfois chez lui, mais il est très violent et souvent il la met à la rue.Mme W est arrivée en France en juin 2006, suite à l’abandon de son mari et à des violences physiques et morales conjugales.4

1. Mina-Coull A., Tartinville S. (2001) « La femme sans-abri en France », in B. Edgar et J. Doherty ed., La femme sans-abri

en Europe, The Policy Press, pp. 159-171.

2. Bernard N. (2007) « Femmes, précarité et mal-logement : un lien fatal à dénouer », Courrier hebdomadaire, n° 1970.

Supprimé : ¶¶

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4 - Peurs et violences spécifiques

Les situations rencontrées par les femmes « à la rue » témoignent des violences subies qu’elles soient économiques, physiques, verbales ou symboliques. Les femmes sont confrontées à une multiplicité des types de violences mais également des agresseurs (hommes, autres femmes, membres de la famille, institutions sociales) :

« C’est dur d’être une femme dans la rue, on se fait agresser verbalement et physiquement. Moi ils m’ont pris ma sacoche et je ne suis restée que 15 jours à la rue, si j’étais restée plus longtemps, que me serait-il arrivé ? »« A la rue j’ai peur, je suis embêtée souvent par les hommes, ils m’ont déjà fait du mal, j’ai peur d’en parler. »

Concernant le sentiment d’insécurité et la mobilité des femmes dans les espaces publics, nombreuses sont celles déclarant spontanément leur peur de sortir seules, en particulier le soir. Les agressions subies dans les espaces publics semblent ainsi limiter le désir de mobilité de ces femmes. Les violences représentent une menace pour les femmes sans domicile fixe, qu’elles vivent ou non « à la rue », qu’elles aient subi directement ces violences ou non :

« Quand je dors à la rue, j’ai toujours peur des agressions, des voyous. »« A la fin de l’année 2004, en plein hiver, je me suis retrouvée à la rue. J’ai eu peur dans la nuit, et j’ai tel à une amie qui m’a hébergée dans un placard […] C’est très dur d’être à la rue, même la journée et la nuit dans les hôtels du 115, j’ai eu souvent peur

Certaines femmes envisagent la protection d’un homme comme une ressource sur laquelle s’appuyer. Si « le compagnon de route » ne fait pas lui-même preuve de violence, celui-ci représente parfois un moyen de se protéger des agressions « à la rue » de la part des autres hommes :

« Mais quand il (son ami) est absent, j’ai peur. Je me réveille très souvent la nuit. J’ai du mal à dormir. »« Heureusement, mon ami est toujours présent, surtout la nuit…la journée s’il doit aller quelque part je n’ai pas peur »

5 - La gestion du « foyer »

En considérant que les institutions d’aide sociale favorisent leur accès aux femmes selon un critère de genre, se pose également la question du rôle attribué aux femmes sans-domicile au sein de ces institutions, rôle spécifié par une « identité féminine » légitimant des structures adaptées et strictement à pour celles-ci.On peut se demander également dans quelle mesure les services et ateliers sont proposés par les institutions en fonction de présupposés qui existent sur les compétences propres des femmes(notamment en matière de taches domestiques)présupposés liés à desreprésentations sociales de genre :

« Je travaille, je fais des ménages »

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« Moi je suis prête à faire n’importe quel travail dans le ménage, dans les magasins. »« J’aimerais m’installer en tant que couturière à domicile »

La condition des femmes « à la rue » est marquée par la suspicion : la femme honnête et intégrée reste au foyer. Ainsi la femme « à la rue » transgresse les règles sociales et familiales préétablies notamment par rapport à la sédentarité supposée du champ domestique auquel les femmes sont socialement assignées.Les institutions participent ainsi en partie à la reproduction du modèle traditionnel en proposant aux femmes un « réapprentissage » de la gestion du foyer et une revalorisation de leur « image de femme » conforme aux attentes de la société :

« Je me suis inscrite à une activité de poterie […] je me suis aussi inscrite à la couture car je sais coudre. »« Je me déplace ici tous les jeudis à l’atelier couture. »« Je fais l’atelier couture, lecture et écriture et puis il y a une coiffeuse et une esthéticienne qui viennent »

Les représentations des rôles genrés peuvent conduire au fait que les femmes participant à la vie collective des diverses institutions ont intégré l’idée que c’est leur condition de femme qui justifie cette participation :

« Tout le monde travail ici, et c’est normal pour une femme, une femme doit travailler […] Tout le monde fait le ménage, une femme ça doit travailler. »

Précisons que cette reproduction des rôles genrés est également visible à l’extérieur des institutions d’aide sociale, les représentations des rôles de la femme et de l’homme sont très présentes « à la rue ». Si l’homme protège la femme, comme nous l’avons vu précédemment, la femme quant à elle s’occupe de l’entretien du foyer et de l’intendance :

« Je m’occupe de P. Je range la tente…c’est important pour moi […]Avec la tente, c’est plus facile. J’ai bien aménagé, j’ai récupéré des matelas dans la rue et des couvertures et draps dans un vestiaire. Je fais régulièrement les courses et j’ai un petit réchaud pour cuire »« Je range tout autour de la tente, pour qu’il n’y ait pas de problème […]Je fais attention de manger équilibré. Je fais mes courses tous les jours pour pas que ça s’abîme. »

Les institutions d’aide sociale en tant que prestataires de services (accueil, ateliers divers…) participeraient donc potentiellement à une différenciation des modes de fréquentation et à une normalisation des attentes relatives à cette fréquentation selon le genre des personnes qui les sollicitent.

C - L’organisation de la survie quotidienne des femmes à la rue

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La survie quotidienne des femmes rencontrées, son organisation, ses temporalités5 sont fortement dépendantes des relations qu’elles entretiennent avec les institutions d’aide sociale et de ces dernières dépendent leur habitat. Mais ce qui est structurant dans les « choix » de résidence, de relations personnelles, de relations avec les institutions d’aide sociale, c’est la nécessité absolue dans laquelle les femmes sont de protéger leur intégrité physique. Entendons par protection de leur intégrité physique, la protection contre les agressions physiques destinées à spolier d’un territoire, à s’approprier des biens matériels voire à s’arroger des droits sur le corps des femmes. Toutes les femmes font mention d’agressions ou de risques d’agression et de la peur qu’elles ressentent lorsqu’elles vivent à la rue ou sont accueillies provisoirement en institution. Celles qui ne mentionnent pas de peur à la rue, expriment leur soulagement et leur bien-être à être durablement hébergées dans un lieu protecteur et protégé. Et toutes mettent en place différentes tactiques pour se protéger.

1- Le « choix » de l’habitat comme protection de l’intégrité physique

Le « choix » de l’habitat des femmes dépend étroitement de la nécessité qu’elles ressentent de se protéger des divers risques d’agressions de la rue. Chaque modalité d’hébergement, de la plus institutionnalisée à la moins institutionnalisée, montre, soit de manière directe, soit en creux, les risques et la peur auxquels doivent faire face ces femmes. Les types d’hébergement, les relations sociales et/ou amoureuses constituent des réponses aux risques encourus.

Où vivent les femmes rencontrées ?

- 7 Habitats sous tente/hall d’immeuble/escalier/rue : n°1 (campement de sinistrés du squat), n°2 (dans un jardinet au dessus d’un parking), n°3 (dans un petit parc), n°14 (dalle d’immeuble + 115), n°16 (rue), n°17 (hôtel, hall d’immeuble, escaliers), n°18 (sur le bord d’un Canal).

- 1 Habitat dans un parking : n°5

- 7 Habitats par le 115/amis/famille : n°6 (plusieurs amis/compatriotes chez qui elle « tourne »), n°8 (ami), n°11 (plusieurs amis chez qui elle « tourne), n°13 (rue + 115 + hôtel), n°14 (rue + hôtel + 115), n°15 (rue + 115), n°19 (plusieurs compatriotes et son fils alternativement), n°20 (chez différents amis).

La rue (tente, parking/hall d’immeuble / escalier)

On trouve donc 15 situations de femmes qui :- soit ne s’adressent aux institutions d’aide sociale pour leur hébergement, que de

façon ponctuelle par l’intermédiaire du 115 qui leur proposera donc un hébergement d’urgence, à renouveler chaque jour. Elles privilégient une organisation qui pèse sur leurs ressources personnelles : soit elles se payent une chambre d’hôtel, soit elles dorment dans la rue. Les appels sporadiques au 115 interviennent lorsqu’elles sont au bout de leurs capacités à faire face seules aux contraintes et dangers de la survie à la rue.

1 Temporalités : Il s’agit de l’organisation temporelle de la survie qui dépend des horaires d’ouverture et de fermeture des institutions fréquentées. Ces derniers sont à « géométrie variable » en fonction des heures (ouverture le matin et/ou l’après-midi, fermeture de midi à 14h, ouverture le jour ou la nuit), des jours (ouverture la semaine et non les fins de semaine ou l’inverse), en fonction des périodes de l’année (ouverture durant les périodes scolaire, fermeture les jours fériés…).

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- soit ne s’adressent jamais aux institutions, vivent sous tente, dans des halls d’immeuble ou des parkings et sont à la merci d’un « nettoyage » plus ou moins musclé des lieux.

a - Différentes exploitations de l’espace public

Une installation discrète :

Il semble que l’isolement et la discrétion de l’installation, si elle protège des mauvaises rencontres et des risques de vindicte du voisinage commerçant et résident, permette aux instances officielles d’opérer le déménagement ou l’expulsion tout aussi discrètement. Une tente isolée, dont les occupants passent beaucoup de temps à s’invisibiliser face aux résidents habituels du quartier, peut faire l’objet d’un débarrassage discret et rapide. Les professionnels du maintien de l’ordre, hier protecteurs des campeurs, deviendront, en obéissant aux ordres, les déménageurs plus ou moins compréhensifs des mêmes campeurs. C’est ainsi que la femme n°3 a été déménagée et a « disparu ».

S’apparente à la vie sous tente « discrète », la vie dans un parking, un hall ou une dalle d’immeuble, des escaliers. Il s’agit d’occuper le plus discrètement possible des espaces publics privatisés régulièrement le temps d’une nuit, tout en n’installant pas de protection visible.

Une présence revendicative :

La femme qui campe, avec d’autres compagnes d’infortune suite à l’incendie de leur squat, peut le faire sur un trottoir, dans un espace public « ouvert » et « visible ». C’est cette visibilité du campement qui, paradoxalement, semble protéger les campeurs de tout déménagement forcé ; en plus d’une certaine « légitimité » à vouloir rester à proximité de l’ancien habitat, sinistré et interdit d’accès, dans lequel toutes ses possessions sont restées et sont devenues inaccessibles. Cette visibilité a déjà attiré la commisération publique, des militants divers, voire des élus. Il ne saurait donc être question de « nettoyer » la rue sans s’attirer la vindicte publique et politique. Cette femme qui campe en collectif devant son ancien immeuble sinistré, utilise la tente comme moyen de pression sur les pouvoirs publics pour 1/ récupérer ses affaires restées dans son appartement et 2/ demander son relogement en milieu ordinaire. Le campement est une forme de mobilisation d’ex-mal-logés sinistrés qui continuent simplement à demander, comme ils le faisaient déjà lorsqu’ils vivaient dans le squat, un logement adapté. Le campement est un moyen de pression. Les activités quotidiennes ne dépendent pas des institutions d’aide sociale : elle se lave chez ses enfants ainsi que ses fils, elle continue à travailler, le campement sert de lieu de rencontre, de discussion et d’abri nocturne ; mais elle n’a pas fait d’investissement personnel (comme l’achat de la tente par exemple) pour ce type d’installation.

b - L’hébergement protection

- La tente : L’habitat permanent sous tente constitue pour ces femmes une protection efficace (si elles sont en couple et/ou si elles se cachent) et permet de reproduire les caractéristiques d’intimité de l’habitat ordinaire. On comprend à quel point le fait de vivre en couple constitue une protection dans la survie à la rue, lorsque la femme n°2 explique l’angoisse dans laquelle la plonge les absences régulières et parfois prolongées de son ami. En effet, ce dernier a l’habitude de « partir »

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quelques jours, la laissant seule de jour comme de nuit. C’est lors de ces périodes d’absence qu’elle consomme le Lexomil ® qu’elle a pris soin d’emprunter à une amie.

- La connaissance du quartier :Un deuxième type de protection provient de la connaissance du quartier : les femmes sont installées dans la rue du quartier dans lequel elles habitaient précédemment, dans le hall ou les escaliers d’un immeuble de leur ancien quartier (où elles ont parfois encore des amis). Cette connaissance antérieure et parfois ancienne du quartier est ce qui constitue à leurs yeux une protection (n°14&17) par la proximité rassurante de lieux et d’habitants connus.

- La proximité avec un commissariat :Un troisième type de protection peut aussi provenir du voisinage avec un commissariat. Les personnels ont connaissance de l’installation et sont donc censés assurer la protection de leur « voisine » (n°5). Pour s’assurer de leur bienveillance, cette dernière s’est d’ailleurs séparée de ses « amis de galère » qui ont un comportement dans l’espace public de nature à attirer les remontrances policières plus que leur protection : ils boivent et deviennent violents. Il est probable que leur violence soit dirigée aussi vers elle (mais elle ne le dit pas). Or, elle ne peut guère attendre de protection policière si elle est repérée comme faisant habituellement partie du groupe. Elle opère donc une séparation afin de se protéger des violences internes au groupe et d’accéder, en cas de nécessité, à la protection policière. Deux autres femmes, vivent seules dans l’espace public : la femme qui vit sous tente au bord d’un Canal (n°18) et celle qui vit à la rue accompagnée d’un chariot détourné de la SNCF (n°16). Celles-ci fréquentent des institutions d’aide sociale pour d’autres demandes que l’hébergement (repas, douches, RMI). Pour elles, la solitude constitue une forme de protection.

Les hébergements amicaux

7 femmes rencontrées sont hébergées alternativement par des amis, de la famille, le 115 ou en hôtel.

Les femmes recourent avec précaution à l’hébergement amical, familial ou par des compatriotes (qui sont parfois distingués des amis, sans que je comprenne exactement ce que cela recouvre pour elle).Elles ont souvent recours à plusieurs personnes, qu’elles sollicitent deux ou trois jours de suite, rarement plus, comme s’il ne fallait pas lasser les bonnes volontés. On peut supposer effectivement que les amis ou compatriotes sont dans une situation économique et sociale à peine plus enviable que la leur ; l’hébergement est donc un effort considérable et ne peut durer trop longtemps sous peine de lasser définitivement et de faire perdre non seulement un toit mais une amitié. Certaines soulignent d’ailleurs qu’elles ont eu recours aux hébergements amicaux ou familiaux, mais que les amis ou la famille « les ont mis dehors » ; lassés, sans doute, des problèmes sociaux, familiaux et économiques de leur amie/tante/nièce/belle-sœur… En perdant une possibilité d’hébergement, elles perdent parfois une protection amicale ou communautaire qu’elles ne retrouveront parfois qu’à la faveur d’un hébergement institutionnel plus durable.

Les hébergements institutionnels durables et précaires

Les femmes hébergées en institution se sentent généralement protégées et se reposent de leurs malheurs. Sauf celles qui signalent qu’elles ont vécu en hébergement institutionnel des situations « pires » que d’être sans aide ; nous y reviendrons.

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- 8 femmes vivent, au moment de l’entretien dans un CHRS ou un centre de stabilisation.- 3 femmes dépendent du 115 pour un hébergement sporadique.- 2 vivent dans un studio.

1. En CHRS et plus encore en hébergement de stabilisation :Les femmes s’installent, se reposent, se retrouvent et, parfois, s’ouvrent à des relations sociales, à des activités collectives dans et hors du centre. Mêmes celles qui sont limitées dans leurs déplacements à cause de problèmes de santé et/ou des situations illégales au regard de leur autorisation de séjour en France, se sentent bien ou mieux ; rassurées et au calme après les tempêtes médicales ou sociales (n°23). Pour ces femmes, une forme de prise en charge « totale » semble leur convenir : l’hébergement, les relations sociales, les activités proposées par le centre, les relations avec le personnel, les repas… La femme n°10 ne sort pas beaucoup ; elle « ne traîne pas dans les rues » et préfère rester dans le centre et profiter des activités proposées. Elle est reconnaissante de cette prise en charge. La femme n°21 se retrouve « au calme » dans un centre de stabilisation au point que l’éducateur lui dit qu’elle « devrait se bouger » car elle ne va pas « passer sa vie ici ». Une autre (n°7) apprécie peu les relations obligées avec ses compagnes de chambre imposées par l’institution ; néanmoins, elle préfère limiter ce type de relation que de devoir faire face aux dangers de la rue.

2. Les femmes hébergées en CHU et/ou dépendantes du 115 pour leur hébergement

Elles sont en situation plus précaires : les hébergements sont aléatoires, non durables et souvent peu avenants. La femme n°13, va de centre d’hébergement en hôtel par l’intermédiaire du 115. Une femme signale qu’elle a déjà partagé une chambre d’hôtel avec deux autres inconnues, dont une dans son lit. Les horaires extrêmement matinaux pour quitter le centre sont aussi fortement critiqués : l’heure du lever est à 5h30 ou 6h suivi d’un petit déjeuner et d’une douche (n°9). La femme n°15, qui dépend elle aussi du 115 pour dormir dans un lit, se fait hospitaliser pour deux semaines par son psychiatre, lorsque la vie à la rue l’a trop épuisée.

3. Le logement individuel après l’erranceDeux femmes ont trouvé un logement personnel seule ou par l’intermédiaire d’une institution. Même si leur situation financière est difficile, leur logement constitue une protection et leur permet de limiter des relations indésirables tout en entretenant des relations avec les institutions d’aide sociale, restée indispensables.

2- Les liens sociaux et familiaux

D’une manière générale les relations sociales sont utilitaires lorsqu’elles proviennent des institutions d’aide et c’est parfois aussi le cas des hébergements par des « compatriotes ». Peu de femmes signalent avoir des ami-e-s, et même les hébergeants ne sont pas toujours classés dans cette catégorie. Il s’agit souvent d’un subtil mélange entre amitié, affectivité familiale et relations obligées (liées à un passé commun ou à une appartenance commune).Les relations affectives existent dans un cadre conjugal et parfois avec les enfants ou le reste de la famille. Mais le plus souvent, les femmes ignorent ce qu’il est advenu de leur famille, y compris de leur-s enfant-s (par éloignement spatial et/ou temporel) voire, ont sciemment choisi de ne plus fréquenter aucun membre de leur famille.

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L’exception de la situation n°1

Cette femme vit, rappelons-le, sous une tente devant l’immeuble sinistré et interdit d’accès qu’elle squattait, entretient des relations avec ses enfants indépendants, différents membres de sa famille et s’occupent de ses deux fils mineurs qui vivent avec elle. Elle est dans une posture revendicative au regard du logement. Sa famille la soutient en l’accueillant ainsi que ses fils pour prendre une douche et c’est elle qui souhaite rester dans le campement. Elle entretient des relations avec les autres femmes qui campent comme elle, avec qui elle revendique un accès à leurs affaires et à un logement. Il n’y a donc pas de coupure dans la vie de famille ; la situation matérielle extrême n’a pas entamé les relations ni le soutien.

Les autres situations : des relations complexes, utilitaires et affectives

C’est loin d’être le cas des autres femmes. Celles qui sont en couple sous tente, sont repliées et dépendantes affectivement de leur conjoint. La femme n°2 signale une amie chez qui elle prend une douche de temps en temps et qui lui fournit les psychotropes qui l’aide à faire face à son angoisse lorsque son concubin ne rentre pas, parfois plusieurs jours de suite. La femme n°3 dit qu’ils n’ont « pas d’amis ». Elle n’a pas vu sa famille depuis 5 ans, mais des échanges téléphoniques réciproques existent avec son père et sa sœur. Ces femmes qui vivent en couple, sont repliées sur cette vie commune qui apporte à la fois protection et quelques obligations ménagères qui semblent incontournables. Néanmoins, la protection reste aléatoire car elle est étroitement dépendante du mode de vie du conjoint. On voit que pour la femme n°2, ce mode de vie l’amène à s’éloigner d’elle régulièrement ce qui la met dans une situation d’angoisse. Un autre homme a vu ses papiers disparaître définitivement suite à une altercation avec des policiers. Sans papier, il ne perçoit plus de RMI et l’organisation de la vie quotidienne, qui repose pour l’essentiel sur la femme, devient ardue pour elle. La femme n°4 n’entretient aucune relation avec personne, dit-elle : elle n’a plus de famille et dit qu’elle a perdu tous ses amis « en même temps que son magasin et son argent ». La seule relation sociale qui lui reste, et qui lui est venue en aide, est la gardienne de son immeuble. Cette dernière l’a aidé à déménager dans son studio actuel, avec son mari et des amis. Les seules relations affectives qu’elle connaisse sont celles qu’elle entretient avec son chien. Sa vie tourne essentiellement autour du bien être de ce dernier qui, seul, lui donne « une raison de vivre ». La femme n°9 n’entretient de relation avec personne. Elle ignore où vivent ses fils et ce qu’ils deviennent ; elle signale « un copain » qui lui donne des cigarettes.

Les femmes hébergées par des amis et/ou compatriotes maintiennent ces relations pour autant qu’elles réussissent à répartir la charge de leur accueil sur plusieurs amis, ou sur des amis et de la famille (n°19, 20). La femme n°6 répartit ses demandes d’accueil entre des compatriotes et la fille d’une cousine. La femme n°8, qui vivait avec sa fille, entretient toujours des relations avec elle, mais cette dernière vivant maintenant en couple, elle est hébergée chez différents amis, en alternance. La femme n°11 est hébergée par différents amis, mais elle signale qu’elle n’a pas confiance en eux (pourtant, c’est l’un d’eux qui a refait son dossier de RMI de manière efficace). Elle ne voit plus ses enfants, ni sa sœur. Les femmes qui ont de la famille mais ne la voit plus sont nombreuses : n°13 parce qu’elle veut cacher sa situation. Les femmes n°14&15, la femme n°17, qui n’a plus de nouvelles de ses enfants depuis 15 ans. Elle a néanmoins quelques amis qui l’ont d’ailleurs aidée à retrouver un appartement.

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Les femmes d’origine étrangère sont souvent coupées de leur famille depuis leur arrivée en France. La femme n°21 a, 5 enfants, « au pays ». Elle est venue en France pour aider une de ses filles ; ceux qui sont au « pays » ignorent tout de sa situation et pensent qu’elle est prise en charge par sa famille en France. Elle leur cache que ces modalités d’hébergement n’ont pas duré et qu’elle est à la rue, puis en centre d’hébergement. La femme n°22 est dans la même situation : elle est venue pour aider son fils et les hébergements amicaux ont cessé à cause des activités délinquantes de ce dernier. Elle se retrouve donc à la rue, puis en foyer, et ne voit plus son fils. Son mari et ses filles sont au « pays ». Les femmes n°23, 24, 25, 26 sont dans le même type de situation, en provenance de pays divers. Qu’elles soient venues pour des problèmes de santé ou pour aider des enfants en France, elles n’ont pas été accueillies durablement, sont passées par la rue ou directement en centre d’hébergement. Elles n’ont pas revu leur famille (mari, enfants) depuis plusieurs années.

Les femmes qui vivent en hébergement sont contraintes d’entretenir des relations civiles avec leurs co-hébergées, ce qui génère parfois de la solidarité (n°10). La femme n°7 explique qu’elle et ses co-hébergées règlent leurs éventuels conflits entre elles ; elles s’organisent collectivement pour le nettoyage de leur linge. Les femmes rencontrées ne signalent pas de développement d’amitié mais entretiennent généralement des relations civiles voire solidaires avec leurs coreligionnaires. Il s’agit surtout d’organiser la vie quotidienne et éventuellement de la rendre plus facile : ménage de la chambre, cuisine, lessives. Ce sont ces nécessités d’organisation de la vie quotidienne qui sont à l’origine de relations sociales.

D’autres femmes entretiennent plutôt des relations avec les institutions d’aide sociale ; ces dernières ne remplacent ni l’amitié ni la famille, mais permettent de mieux vivre et de se sentir soutenues (voir la partie sur les relations aux institutions).

3- Les ressources financières et leur provenance

Les femmes rencontrées sont pauvres ; sans que nous sachions toujours exactement à combien s’élèvent leurs ressources.

- 2 femmes travaillent de manière déclarée ou non (n°1&2)- 1 femme bénéficie d’allocation liée à la perte de son emploi (n°8)- 8 femmes bénéficient du Revenu Minimum d’Insertion (n°3, 4, 10, 11, 16, 17, 18, 20)- 9 femmes n’ont aucune ressource (n°5, 6, 7, 13, 22, 23, 24, 25, 26) ; les trois premières ont bénéficié du Revenu Minimum d’insertion, mais celui ci, au moment de l’entretien, a « disparu ». Comprenons que le versement est interrompu parfois depuis plusieurs mois sans que la femme interrogée ne sache ni pourquoi ni comment y remédier, nous y reviendrons.

- 3 femmes perçoivent une retraite (n°9, 19, 21)- 3 femmes perçoivent une Allocation Adulte Handicapée (n°12, 14, 15)Ces deux dernières sources de ressources ont pour propriété d ‘être versée régulièrement à la suite d’une seule instruction de dossier. Ces femmes bénéficient donc de ressources régulières sans qu’il soit nécessaire de dépenser du temps et de l’énergie à leur maintien.

Le RMI : une ressource « qui a tendance à disparaitre»

Certaines disposent du RMI pour elle même ou en provenance de leur conjoint. Il est à noter qu’un couple peut disposer d’un RMI pour personne seule, chacun ayant son revenu (n°3). En effet, se déclarer en couple fait perdre des ressources importantes et ne présentent

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aucun intérêt puisque la vie en couple n’est pas reconnue pour l’accès à un logement ou à un hébergement de couple. Une autre caractéristique du RMI est la rapidité avec laquelle il peut « disparaître ». C’est d’ailleurs souvent la phrase qui revient, le RMI a été suspendu ou supprimé, sans qu’elles sachent pourquoi. Plus difficile encore que la perte du revenu est la difficulté voire l’incapacité dans laquelle sont ces femmes de remédier à la situation. La complexité des démarches administratives pour obtenir le RMI et le garder semble dépasser un certain nombre de ces femmes, que le revenu soit pour elle ou leur conjoint. Car en effet, il arrive que le RMI « disparu » (n°2) du conjoint prive ce dernier de ressources. Cette perte impose à la femme de « faire de petits boulots » pour remplacer les ressources perdues alors que son conjoint est dans l’incapacité d’entrer en relation avec les institutions qui lui permettraient de constituer et de suivre un dossier, et dans l’incapacité aussi de fournir les documents administratifs nécessaires (papiers d’identité perdus par exemple).Une femme (n°11) explique qu’elle doit le versement de son RMI à un ami (un de ceux qui l’héberge) et à sa capacité à mener à bien des démarches administratives complexes.

Relation ressources / type d’hébergement

Il n’apparaît pas clairement de lien entre le fait de disposer de ressources régulières, même faibles, avec le type d’hébergement à l’exception notable de l’hébergement chez des amis. (Vivre sous la tente peut se faire avec le RMI (n°18), ou avec deux RMI (n°3), ou encore sans aucune ressource financière institutionnelle (n°5).).On peut donc noter que les femmes hébergées chez des amis sont pratiquement toujours pourvues d’un minimum de ressources : retraite (n°19), RMI (n°11&20), Assedic (n°8) ; une seule ne dispose d’aucune ressource (n°6). Comme si, pour qu’un hébergement amical puisse perdurer malgré la précarité des uns et des autres, il fallait au moins que l’hébergée dispose d’un minimum d’autonomie financière.

Hormis donc, ces femmes hébergées chez des particuliers, on ne note pas de lien entre l’entrée et/ou le maintien dans des centres d’hébergement (CHU, CHRS) et la présence de ressources, alors qu’on pourrait penser que l’hébergement le plus précaire (CHU) ne serait utilisé que par des femmes sans ressource et l’hébergement le plus durable (CHRS, centre de stabilisation) ne serait accessible qu’aux femmes pourvues de ressources régulières, les situations sont beaucoup plus diversifiées. La femme n°13 est hébergée régulièrement en CHU et par l’intermédiaire du 115 et n’a aucune ressource (ce qui paraît « logique »), mais c’est aussi parmi les femmes sans ressource que l’on trouve celles qui sont hébergées en centre de stabilisation. Cette observation est à croiser avec le statut du séjour en France. En effet, l’illégalité de leur séjour interdit l’accès à certaines ressources. Mais on peut relativiser cette remarque avec la connaissance du mode de fonctionnement d’autres centres de stabilisation. L’un d’eux, à Paris, accueille des personnes sans ressource. Le travail social des personnels de ces lieux consiste en partie à permettre aux hébergés d’accéder à « l’insertion sociale » dont font partie les ressources financières régulières.

D’autres femmes disposent de ressources régulières, le RMI, et n’accèdent pour autant à aucun centre d’hébergement. Elles vivent dans une tente (au bord d’un canal pour la femmen°18 ou dans un parc) et ne sollicite aucun hébergement institutionnel. Par ailleurs, il n’apparaît pas non plus de lien évident entre le fait d’être hébergée régulièrement et durablement dans une institution d’hébergement et le fait d’accéder ou de percevoir des ressources régulières. Ainsi, la femme n°13, qui fait régulièrement appel au 115 et est

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hébergée en CHU, ne rencontre manifestement aucun professionnel dont l’action soit de nature à l’aider à obtenir des ressources régulières.

Enfin, le versement régulier d’une RMI n’implique pas un accès à un hébergement institutionnel, puisqu’il peut justement permettre d’éviter d’y avoir recours, à l’instar de la femme n°16 qui dort à l’hôtel à ses frais tant que ces ressources personnelles le lui permettent. Les ressources régulières permettent de vivre chez des amis, et d’éviter le recours aux centres d’hébergement.

4- Les repas et l’hygiène personnelle

Les repas, leur régularité et leur composition sont étroitement dépendants du type de lien entretenu avec les institutions, et du type de ces dernières. Il en va de même de l’hygiène et de l’accès aux lieux qui permettent de l’assurer.

Les repas :

- Le petit déjeuner et le diner :Les femmes hébergées en CHRS, CHU ou en stabilisation prennent les repas proposés par l’institution. Les CHU fournissent le petit déjeuner et le dîner quand les autres centres proposent les 3 repas (n°7, 9, 10, 21, 22, 23, 24, 25, 26). Les autres femmes s’organisent pour faire leurs achats et leur cuisine (n°2&4) ; d’autres enfin, disposent d’aliments qui proviennent de dons ou d’achats ou de récupération dans les marchés (à Rungis pour les n°16&17). Celles qui sont hébergées chez des amis bénéficient, comme en CHU du petit déjeuner et du dîner. Pour ce dernier repas, elles fournissent parfois les denrées alimentaires, voire confectionnent le repas.

- Le repas de midi :Reste le repas de midi, quand on est sorti du CHU, quand on a quitté l’appartement des amis, quand on dort dans la rue. La relation avec les institutions prend là une certaine importance puisque les assistantes sociales fournissent des adresses de différents lieux qui fournissent des repas gratuits, des cartes d’accès à des restaurants sociaux. Il y a donc toute une organisation pour accéder à des lieux de distribution de repas gratuits ; organisation à mettre en place en fonction des jours et horaires d’ouverture des uns et des autres. Certaine de celles qui vivent sous la tente font leurs achats et préparent leur repas à proximité de leur tente. La possibilité de le faire dépend parfois de la proximité avec une paroisse (qui permet de brancher la bouilloire), des relations avec les commerçants et les habitants du quartier.

Les pratiques d’hygiène corporelle et vestimentaire

- L’hygiène corporelle :La vie à la rue met à mal les pratiques d’hygiène corporelle et vestimentaire. Les femmes le soulignent de manière directe ou indirecte en expliquant de manière détaillée comment elles font pour rester propres, changer et laver leurs vêtements.

Une femme dit « même dans les pires moments » elle a toujours essayé de « rester propre, de faire sa toilette, d’avoir des habits convenables » (n°22).

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Comme pour accéder à des denrées alimentaires et des repas réguliers, l’hygiène corporelle et vestimentaire dépend aussi des relations aux institutions : l’accès aux toilettes et aux douches est facilité par l’hébergement institutionnel. Les centres d’hébergement (d’urgence, CHRS ou de stabilisation) permettent un accès libre aux sanitaires. Il est à noter toutefois, que dans les centres d’hébergement d’urgence, les horaires sont réduits soit au matin soit au soir. Généralement, les personnes qui sont hébergées chez des amis peuvent aussi bénéficier d’une douche le soir ou le matin. Celles qui vivent hors des institutions d’hébergement s’organisent avec des amis, de la famille, les douches municipales, le voisinage, la paroisse, ou les lieux d’accueil de jour. Elles ont accès à une douche chez des enfants (n°1) ou des amis qui les ont hébergées la veille (n°11, 19), une autre se lave à un robinet de la paroisse voisine (n°2) ou auquel elle remplit des bouteilles (n°5). Il est à noter que des Espaces Solidarité Insertion ordinairement mixtes proposent des journées strictement réservées aux femmes, que ces dernières sont heureuses de pouvoir utiliser (n°18) ; d’autres fréquentent des lieux réservés en permanence aux femmes. Les femmes qui ne vivent pas en institution n’accèdent parfois pas tous les jours à une douche. La femme n°2 fait sa toilette au robinet de l’église en face de sa tente, et prend une douche chez une amie une fois par semaine.

- Les vêtements :Les vêtements des femmes interrogées proviennent généralement de vestiaires gratuits dans le centre d’hébergement ou indépendants ; la femme n°5 reçoit, par les maraudeurs les produits d’hygiène et les vêtements, qu’elle jette lorsqu’ils sont sales. Il est à noter que, comme pour les hommes, les vêtements les plus difficiles à trouver sont les chaussures et surtout les sous-vêtements. Les femmes qui s’habillent dans les vestiaires, achètent leurs sous-vêtements en magasins. Lorsque les vêtements sont sales, soit les femmes utilisent les laveries automatiques payantes ou gratuites dans des centres d’accueil de journée, soit elles les jettent et vont en chercher d’autres.

5- Les activités quotidiennes

Leurs activités quotidiennes reproduisent les schémas d’organisation de vie des femmes de milieu populaire.Ce qui fait la différence dans les activités quotidiennes des femmes est la fréquentation ou la non fréquentation d’institutions d’aide et le fait de travailler ou de ne pas travailler.

Le travail ou la recherche d’un emploi

C’est ainsi que la femme n°1 qui travaille le matin et le soir, passe le reste de sa journée sur le campement. En quelque sorte, elle monte la garde devant l’immeuble sinistré qui contient encore ses affaires devenues inaccessibles. La femme n°20 travaille toute la semaine et ne dit rien de ses autres activités. Une autre propose ses services dans des activités bénévoles auprès d’autres personnes démunies (n°7). Certaines femmes qui ne travaillent pas entretiennent des relations suivies avec toutes les institutions à leur disposition qui leur permettrait de le faire. L’une se rend chaque jour à l’ANPE, répond à des annonces, consulte Internet et se présente à des concours de la fonction publique (n°8, 10) ; une autre fréquente assidûment un « espace d’insertion » où elle peut consulter les annonces des journaux, faire des lettres et des CV (n°18).

Les activités quotidiennes hors travail

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Lorsque les journées ne sont pas structurées autour du travail ou de sa recherche, elles peuvent l’être autour d’activités domestiques ou de démarches administratives et sociales : Les activités domestiques :Celles qui vivent sous tente en couple reproduisent les activités ménagères dont elles estiment devoir s’acquitter en tant que femme chargée d’un ménage. Elles rangent les papiers et les vêtements, lavent, font les lits, aèrent la tente, nettoient… Elles jouent donc leur rôle de femme dépositaire du bien être ménager du couple (n°2&3). Les femmes qui résident sous des tentes, expliquent qu’elles s’occupent de l’organisation de la vie quotidienne : rangements, nettoyage, aération des literies… Lorsqu’elles vivent en couple, elles pratiquent ces activités ménagères dans une répartition traditionnelle des rôles : les hommes travaillent à l’extérieur ou touchent le RMI et elles s’occupent des papiers, des repas et du travail ménager. Le travail ménager consiste à ranger et protéger les papiers et divers dossiers de l’humidité et des intempéries ; plier les couvertures et duvets afin de les protéger de la boue qui ne manquera pas d’être ramenée avec les chaussures par temps de pluie. Car en effet, cacher sa tente derrière un bosquet dans un parc public (n°3) ou la planter sur un petit jardin au dessus d’un parking (n°2), suppose de marcher dans l’herbe et la terre mouillées. A l’instar de nombreuses femmes logées mais pauvres, elles se mettent à travailler à l’extérieur (en plus du travail ménager) lorsque le RMI de leur conjoint a été supprimé, alors qu’il constituait la principale source de revenu du couple. Même en situation extrême, les femmes apportent ce que certains appellent à propos du salaire féminin « un salaire d’appoint » et elles connaissent aussi la double journée de travail : le travail domestique continue à leur échoir alors qu’elles ont un travail « salarié ».Les femmes hébergées en centre ne sont pas nécessairement exemptées de tâches ménagères, un certain nombre de femmes (n°7, 10) participent aux activités ménagères demandées par la structure dans le cadre de la vie collective du centre. Dans les entretiens, aucune protestation n’apparaît sur la nécessité de participer aux activités ménagères.

- Les démarches administratives :Une bonne partie des activités consiste aussi à maintenir sa situation administrative et financière : CAF pour le RMI, Assistante sociale pour la domiciliation, la carte de transport ; les services médicaux pour les soins indispensables en cas de longue maladie : diabète, Hypertension artérielle, psychiatre…

Un certain nombre de femmes disent qu’elles ne font « rien » de leurs journées (n°3, 4, 5, 6) et une autre explique qu’elle s’ennuie et trouve les journées longues, que les activités proposées ne les intéressent pas (n°13) ; d’autres encore ne parlent tout simplement pas de ce qu’elles font de leurs journées.

- La fréquentation des structures :Une partie des femmes occupent ses journées grâce aux activités proposées par les institutions avec lesquelles elles sont en contact. Certains centres d’hébergement proposent des ateliers, une bibliothèque, ou simplement la possibilité d’y rester la journée et de se reposer. D’autres femmes participent à diverses activités dans les lieux d’accueil de jour. Généralement, les ateliers proposés sont d’ordre créatifs : poterie, peinture, couture (n°7, 10) ; d’autres activités se rapprochent des services comme la coiffure et l’esthétique (n°18, 25). Un des objectifs des institutions d’aide sociale en direction des femmes est de les protéger des dangers de la vie à la rue et, lorsqu’elles sont à l’abri, de leur proposer des activités destinées à leur faire retrouver les attributs de la féminité réputés perdus sur les chemins de l’errance. Toute une partie de l’aide sociale en direction des femmes tourne autour de ce qui soutient, incite voire oriente fermement les femmes dépendantes de l’aide sociale vers les

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activités et les apprentissages dits « féminins ». C’est ainsi que les femmes aidées par l’aide sociale (qu’elles soient ou non à la rue) « apprennent » à gérer un budget, à préparer des repas équilibrés, à éduquer leurs enfants, sont incitées plus ou moins directement à adopter une tenue vestimentaire et corporelle « féminine » ; à savoir : des vêtements qui mettent le corps « féminin » en valeur, une coiffure et une chevelure entretenue régulièrement en s’approchant le plus possible du professionnalisme, un maquillage qui signe des soins réguliers au corps et sa mise en valeur. Ces différents éléments font souvent défaut aux femmes sans-abri et pour cause : comment afficher une « féminité » dans la rue sans attirer des convoitises et sans exposer aux dangers de la rue, particulièrement aux agressions masculines et avec quels moyens matériels gérer son budget, préparer des repas équilibrés… Les professionnels des institutions d’aide sociale orientent donc une partie de leurs actions vers ces activités dites « féminines » qui leur semblent indispensables pour l’insertion sociale de ces femmes pauvres. Parallèlement, les femmes demandent et sont dans la nécessité de rechercher une protection contre les fréquentes agressions masculines. Aussi, une manière de les protéger consiste à proposer des activités traditionnellement féminines sans interdire officiellement l’accès aux hommes ; le simple fait de savoir que les hommes des classes populaires ne se déplaceront pas pour des activités « de femmes » (la couture ou la cuisine) réserve un espace-temps spécifiquement pour elles. D’autres institutions proposent aussi aux hommes de se faire couper les cheveux, mais ce qui est proposé aux femmes va bien au delà et recouvre ce que les femmes sont censées demander comme service de beauté à leur coiffeur : une couleur ou une décoloration, une coupe, un coiffage, des soins… En matière d’esthétique, il s’agit d’apprendre ou de ré-apprendre à soigner sa peau, son visage, toutes pratiques que les hommes des classes populaires n’envisagent pas mettre en œuvre pour eux-mêmes.

Certaines organisent seules les activités de leurs journées : parcs et jardins avec le sandwich du midi et un peu de lecture lorsqu’il fait beau (n°11, 19), la Mosquée de Paris pour la bibliothèque et la cafétéria (n°12). La présence à l’extérieur est étroitement dépendante de la météorologie. Dès que cette dernière devient incompatible avec l’installation à l’extérieur, il faut se protéger : dans des magasins, des bibliothèques ou des institutions.

Certaines femmes multiplient les lieux répondant à leurs différents besoins, quand d’autres fréquentent un seul lieu et sont présentes dans l’espace public lorsqu’il est fermé. La femme n°14 qui vit dans la rue ne fréquente qu’un lieu institutionnel. Ce dernier est ouvert tous les jours, y compris les fins de semaines : elle y mange, y prend sa douche et lave ses affaires. Elle n’en fréquente aucun autre, en dehors du 115 pour quelques nuits à l’hôtel ou en CHU. La femme n°19 ne fréquente qu’un lieu d’accueil de jour. Lorsque ce dernier est fermé en fin de semaine, elle se promène, va dans les magasins ou reste dans les parcs quand il fait beau ; et retourne le soir dormir chez ses amis ou son fils qui l’hébergent alternativement. Certaines femmes hébergées, particulièrement en centre de stabilisation n’en sortent que très rarement (n°21, 22, 23, 24, 25) : elles participent à la vie du centre mais n’en sortent pas pour d’autres activités dans d’autres institutions (il est à noter que certaines sont contraintes de limiter leurs sorties car elles sont en situation délicate au regard de leur séjour en France). Un certain nombre de femmes attachées à leur centre d’hébergement n’en sortent que si elles n’ont pas d’autre choix : pour un rendez-vous à l’hôpital dans le cadre d’une maladie chronique par exemple.

D’autres enfin, ne fréquentent qu’un seul lieu ; non pour les activités proposées, mais pour l’attachement qu’elles ont développées avec les personnes qui y sont présentes et les accueillent. La femme n°9, si elle sort du centre d’hébergement, va au service social, le

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même depuis 34 ans. La femme n°21 sort un jour par semaine et traverse tout Paris pour une activité de couture dans l’accueil de jour qu’elle a connu lorsqu’elle était à la rue (donc en situation très difficile où elle se sentait très en danger). Elle a développé un attachement au lieu, au personnel et au groupe « couture ». C’est ce groupe qui « lui donne le moral ». Elle y conçoit des aménagements pour sa chambre dans le centre de stabilisation : nappe, rideaux, draps… dans lequel elle se sent installée.

- Deux organisations particulières :Deux femmes montrent une organisation hebdomadaire très structurée. L’une qui vit sous une tente au bord d’un canal (n°18) et une autre qui est hébergée en CHRS (n°10).La première organise ses journées en fonction de l’ouverture des différents lieux d’accueil nécessaire à sa vie quotidienne :

- Elle se rend tous les matins de la semaine au même endroit pour y prendre son petit déjeuner. Elle y passe une partie de la matinée pour lire et discuter avec les personnes et les autres usagers.

- Elle revient au même endroit, toute la journée, pour la journée réservée aux femmes.- Elle se rend quotidiennement à l’espace insertion pour consulter les journaux, écrire

des lettres de motivation et son CV.- Les fins de semaine (où les autres structures habituellement fréquentées sont

fermées), elle se rend dans un autre accueil de jour s’il fait froid et/ou s’il pleut. C’est là qu’elle a sa domiciliation administrative, qu’elle prend sa douche et qu’elle va chez le « coiffeur ».

La seconde, hébergée en CHRS, participe aux activités proposées par le centre : ateliers créatifs, de jeux, prêt de livres. Dans le centre elle participe aux activités ménagères des espaces collectifs et de sa chambre ; elle s’organise avec les 4 autres femmes de sa chambre pour collectiviser le linge à laver (laver 11kg de linge en même temps est moins onéreux que de faire chacune sa lessive). Elle rencontre aussi régulièrement son assistante sociale pour sa demande de logement, se rend à l’ANPE pour un emploi ou un stage et maintien du versement de son RMI.

Ces deux femmes peuvent décrire des activités quotidiennes régulières, mais c’est la première, qui vit sous une tente, qui a organisé l’emploi du temps le plus structuré. En effet, elle est plus dépendante, pour ses besoins de base, de différentes institutions ouvertes à des jours et horaires variables. Dans la description de son emploi du temps, la seconde n’a pas besoin de parler de l’alimentation ni de l’hygiène, car le tout est assuré par l’institution qui l’héberge. Par contre, la première fait entrer dans la description de son emploi du temps les repas et douches car elle doit pour cela faire appel à diverses institutions aux horaires d’ouverture variés (ouverture la semaine pour l’une, les fins de semaine pour l’autre).

6- Les femmes et leur santé

Le rapport de ces femmes à la santé est complexe et entraine différentes sortes d’attitudes vis-à-vis du soin.

Certaines femmes ne se soignent pas pour des raisons matérielles : absence ou manque de ressources, absence de CMU, ou manque d’hébergement stable. La santé passe au second plan face à leur situation.

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« Je ne suis jamais malade. Je n’ai pas le temps ni l’argent. »« Cela fait 8 ans que je n’ai pas eu de check-up. J’ai une grave anémie et quelque chose au poumon, mais je ne me fais pas suivre. »« J’ai un problème aux yeux de la cataracte mais pour être soignée, il faut avoir un toit, pour prendre des médicaments régulièrement. »

Parmi les femmes qui ont recours aux soins, plusieurs situations se dégagent : Pour certaines femmes, les problèmes de santé rythment leur vie .Elles ont recours aux soins et leur santé passe au premier plan. D’autres ont recours aux soins mais en priorisant les soins.

« J’ai un médecin traitant, il me soigne bien. »« J’ai eu beaucoup d’ennuis de santé. J’ai un médecin traitant. Je suis suivie à l’hôpital St Louis pour ma thyroïde. »« Mon problème, c’est ma santé. »« J’ai des soins psy car on a trouvé que j’avais besoin d’aide. »« J'ai 3 dents arrachées et des caries partout. Jamais de dentiste, seulement le médecin pour l’hypertension. »« Je soigne mes dents. C’est prioritaire pour moi. »

Parmi elles, celles qui ne connaissent que le psychiatre comme professionnel de santé :« Mon psychiatre est aussi mon médecin traitant. »« Mon médecin traitant est avenue Parmentier. Il fait tout, pour les dingues, pour tout, il connaît ma vie par chœur. »

Certaines femmes ont une attitude intermédiaire, recourant aux soins mais à la dernière minute, d’autres se soignent mais sans l’aide d’un médecin.

« Je vois le cardiologue quand cela ne va pas du tout ( CMU, hôpital) »« Je fuis les docteurs et dès que je ne me sens pas bien je file chez l’herboriste du coin pour acheter des tisanes »« Je me soigne toute seule (car pas de sécu). »

Enfin, certaines femmes refusent de se soigner, malgré les propositions de soins.« Mme T a une santé fragile, mais refuse de se soigner. Elle a des problèmes d’addiction. »« Mme P a des problèmes psychologiques mais refuse de l’admettre et refuse de rencontrer un spécialiste. »

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6 Bibliographie :Livres témoignages de femmes à la rue

Angèle Elisabeth (d’), « Une ex-SDF », Edition l’Officine, 2006 Brigitte (avec la collaboration de Véronique Mougin), « J’habite en bas de chez vous », Oh éditions, 2007 Perréal Lydia, « J’ai 20 ans et je couche dehors », J.C Lattès, 1995

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Chapitre 2 - Le rapport aux institutions

A – Une mise à l’abri aléatoire : l’urgence mise en question

Pour les femmes interviewées « passer » par le 115 est tout un problème et pour celles qui le pratiquent, elles parlent toutes des difficultés pour obtenir la communication …

« Je dois appeler le 115 pour me loger, c’est dur de les avoir… Il faut appeler vers 8 heures 30 le matin pour savoir si il y a de la place et où …… s’il n’y a pas de place on peut essayer de les rappeler le soir, mais souvent c’est négatif et là je dors dans la rue, et toute la journée j’ai peur quand je n’ai pas de place le matin. Je passe de centres d’hébergement à l’hôtel à la rue … ».

Les femmes parlent du 115 comme d’un hébergement d’extrême urgence, à renouveler chaque jour ….ce qu’elles ne font pas puisqu’elles alternent entre la rue et les hôtels qu’elles se paient elles-mêmes.

Les femmes interviewées ont pratiquement toutes été en relation avec le 115. Elles ont toutes un sentiment négatif : difficultés pour obtenir le 115 au téléphone, propositions de lieux d’hébergement aux conditions sanitaires catastrophiques avec la crainte d’être agressées, d’être volées. Elles ne comprennent pas pourquoi des lieux d’accueil ne sont pas réservés aux femmes…Elles aimeraient que soient créés des lieux où elles peuvent se poser et se reposer en tout tranquillité après des journées éprouvantes à errer et à faire face à la violence de l’errance …

« Le 115 c’est compliqué…Il m’envoie parfois loin… et je suis handicapée pour marcher. »« C’est fatiguant … On dort mal … »« Je suis passée de centres d’hébergement en centres d’hébergement avec le 115 » « Un voisin a appelé le 115 … qui a fourni une couverture, un duvet et un repas chaud mais je les vois plus…. »« Le foyer du 115 n’en parlons pas ! C’est horrible ! … Il y avait des drogués, des gens qui boivent … On ne pouvait même pas parler avec eux …. L’hygiène c’était horrible. Les gens ce n’est pas le même monde, moi je ne suis pas une droguée, je ne suis pas une femme qui boit alors qu’est-ce que j’ai à voir avec ces gens-là. » « J’ai téléphoné au 115 pour expliquer ce qui se passe. Ils m’ont dit d’aller au responsable mais comment trouver le responsable à part courir à droite, à gauche… »

Les femmes interviewées ont en grande majorité le sentiment d’obtenir des réponses nonadaptées à leur situation de précarité et n’offrant souvent aucune sécurité. Les hôtels sont souvent sales, sans aucune hygiène, et les gérants pratiquent la surpopulation dans des chambres exiguës. La vie nocturne dans les hôtels et les centres d’hébergement d’urgence ne semble guère leur convenir.

« Avec le 115 j’ai tout connu… des nuits d’hôtel où je dormais parfois dans un grand lit avec une autre femme que je ne connaissais pas …et nous partagions la chambre avec une autre femme que je ne connaissais pas …et qui dormait dans un lit de 90 …et au bout de quelques jours il fallait partir... »

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« On restait toute la journée à attendre avec nos sacs.. Et un bus, immonde, nous emmenait pour la nuit. Il fallait faire la queue longtemps, debout, pour s’inscrire. On dormait dans des draps en papier … »« C’est très dur d’être à la rue, même la journée …et la nuit dans les hôtels du 115, j’ai eu souvent très peur … »« Pendant ma galère avec le 115 j’ai fait une dépression … Je me suis rendue seule au CPOA qui m’a fait hospitalisée … »« Avant j’étais à Ivry, mais il y avait beaucoup de problèmes avec les femmes avec qui on était dans les chambres. Les femmes sont horribles, elles ne respectent pas l’hygiène surtout. Je pensais qu’on s’aiderait entre nous et c’est plutôt le contraire ? Je refuse ce type de foyer d’urgence ».

B – La présence des associations

1- L’hébergement de longue durée

Parmi toutes les femmes que nous avons rencontrées, huit d’entre elles résident dans des établissements type CHRS ou centres de stabilisation tenus par les associations Emmaüs, le CASP, les Petits Frères des pauvres, et sont très satisfaites de pouvoir se poser et vivre pour un certain temps une vie calme, réglée avec « un toit » sur la tête et un lit (le même) pour dormir. Elles apprécient ce moment après les tourments qu’elles ont endurés.

« Ici chez Emmaüs, c’est très bien, je ne veux pas aller à l’hôtel c’est épouvantable, c’est très cher et pas terrible, et en plus on est seule ».« Avant dans les foyers, je n’étais pas tranquille et je traînais dehors avec mes sacs ».« A Maison Blanche, je me pose un peu. On nous respecte. Je mange régulièrement ».

Elles ont l’impression d’y vivre une vie normale, avec une participation aux travaux ménagers qu’elles jugent normale, même si quelques petits désagréments de cohabitation sont signalés, elles font en général « avec ».Quand elles sont « bien » quelque part, elles ne sont pas très loquaces mais font bien la comparaison avec l’hébergement d’urgence qu’elles ont connu avant.

2- Les centres de jour

Durant la journée, de nombreuses femmes fréquentent les centres de jour. Certaines y sont uniquement domiciliées, d’autres, plus nombreuses y utilisent les sanitaires. Ces centres, en plus des douches, offrent des repas, mettent à disposition de ces femmes des machines à laver et souvent un vestiaire. Les femmes ont leurs habitudes au cours de la semaine, ou, restent fidèles à un centre. Les femmes hébergées en situation de longue durée ne fréquentent pas ces centres de jour, puisqu’elles ont tout sur place mais les femmes qui vivent en couple, ou chez des amis ne les fréquentent pas non plus.

Les centres proposent des ateliers à ces femmes, couture, cuisine, théâtre, coiffure, esthétique…(occupations féminines par excellence) et les femmes les fréquentent pour ne

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pas rester seules, pour ne pas avoir froid ou être sous la pluie, elles se retrouvent dans ces centres dans lesquels elles peuvent également trouver de quoi se nourrir et se vêtir.

« Je viens à la Halte toute la journée, et aussi le week-end. Je suis au chaud, et je mange ici et je prends ma douche et lave mes affaires. C’est mieux que rester dans la rue ».« Je prends ma douche deux fois par semaine au Secours catholique et deux fois par semaine, je mange chez eux. Les autres jours, je mange dans une autre association et le week-end, je mange à la Halte des femmes ».

« Mme R fréquente la boutique Solidarité Bichat tous les jours ou presque, depuis 1,5 mois. Elle arrive à 9h tous les matins et prend un petit déjeuner (café pain yaourt).Elle se rend au centre pour lire, discuter avec les autres usagers et les membres de l’équipe qu’elle décrit comme des gens très bien avec lesquels tout se passe bien. Elle préfère attendre le mercredi pour la douche, « Journée de la femme ».

3- Maraude

Pour celles qui dorment dans la rue, leur opinion sur la maraude n’est guère reluisante.« Quand les restos du cœur passant me voir, ils me donnent des produits pour l’hygiène et de vêtements ».« On nous apporte des tas de bouffe, j’en ai trop, tout s’abîme. Ils passent nous voir en vitesse, ils disent « Bonjour, ça va, bon courage. Bonne nuit ». Je peux crever dans mon trou à rats, tout le monde s’en fout ».

C – Un manque de soutien et de suivi administratif

1- Les institutions

De façon générale, les femmes interviewées portent un jugement négatif sur les institutions : Mairies, ANPE, Caisses Allocations Familiales, Préfecture, Justice… à l’exception notable des services de police et des hôpitaux.

Face à la complexité des circuits administratifs, elles se sentent perdues.

« Mes démarches avec la justice n’avancent pas …. On m’envoie d’un endroit à l’autre … certains me disent d’attendre, que c’est long … mais je veux que justice soit faite … »« Je n’avais pas de papiers.. J’ai du me battre pour les avoir … J’ai lutté… »« La CAF ce mois ci je n’ai pas eu de RMI car j’ai mal rempli un papier. Les papiers c’est très compliqué….»

Elles attendent beaucoup des institutions (logement, emploi…) qui ne répondent pas forcément à leurs souhaits, à leurs besoins, ce qui a pour conséquence d'augmenter chez elles un sentiment d'injustice, de non compréhension, voire d'aviver leur colère.

« Les institutions françaises, je ne les comprends pas … je suis née sur le territoire français et ils veulent que je parte.. Ils m’ont épuisée. Toutes ces démarches pour me donner le droit de rester.. »

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« Je passe mon temps à l’ANPE et de toute façon personne ne répond quand on leur écrit.. »« Je tombe sur des emplois qui sont réservés aux Rmistes et au retour à l’emploi.. C’est injuste … »« Je voudrais trouver un emploi à l’accueil dans une mairie. J’ai postulé car il y avait 90 postes à la Mairie de Paris avec aucun diplôme exigé et aucune limite d’âge … »Je me demande qui ils prennent et quels sont les pistons … »

2- Le cas particulier des services de police et des hôpitaux

Seuls les services de police et les hôpitaux trouvent grâce aux yeux de certaines. Les services de police :

La majorité des femmes interviewées ne se sent pas en danger par rapport à la police, à l’exception des femmes en situation irrégulière. Elles choisissent parfois de vivre pas très loin d’un poste de police pour se sentir en sécurité et être sous protection …

« On a acheté une tente et on est venu ici, car il y a des policiers autour du parc et du quartier. On se sent en sécurité … » « Dans ce parking, je suis tranquille.. Je suis à côté d’un commissariat, ils me connaissent. Avant j’étais au dessus du parking, les flics ils venaient toujours me contrôler et il fallait toujours que je change d’endroits …… »« La police n’embête pas les mamas … »

La peur des policiers est ressentie donc par les femmes en situation irrégulière et elles vivent dans la crainte de sortir, de prendre les transports en commun et elles se limitent à un territoire proche de leur lieu d’accueil.

« J’ai peur quand je sors à cause des gendarmes, des policiers, car je ne suis pas en règle avec les papiers…. »« Je me cache de la police, je vis dans ma chambre enfermée …. »

Les hôpitaux :Plusieurs femmes interviewées se sentent bien accueillies dans les hôpitaux, bien prises en charge par les équipes médicales et aidées pour les démarches administratives.

« J’ai eu beaucoup d’ennuis de santé. J’ai un médecin traitant. Je suis suivie à l’hôpital St Louis pour ma thyroïde. »« J’ai des soins psy car on a trouvé que j’avais besoin d’aide. »« L’hôpital, ils suivent mon dossier … Les médecins m’ont fait mon dossier pour mon recours.. »

Au delà du mot "institutions", ce sont les personnes qui les représentent et donc à qui elles s'adressent et auprès desquelles elles s'attendent à trouver plus d'aide, qui sont mises en causes dans les propos recueillis. En particulier, le jugement porté sur les travailleurs sociaux est très négatif et a fortiori quand ces derniers semblent être à l’origine de la perte des droits.

« Je n’aime pas les travailleurs sociaux. Ils me promènent de l’un à l’autre. Pendant des mois, je n’ai pas touché le RMI car ils n’avaient pas envoyé les papiers qu’il fallait, en tout cas je n’avais rien reçu….. Les assistantes sociales disaient qu’elles ne pouvaient pas s’occuper de moi car je n’étais pas de leur secteur…. »

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« Depuis que je suis sous la tente, j’ai rencontré une AS qui m’a proposé une nuit à l’hôtel « une nuit et après on verra ». Elle se fout de moi et je ne veux plus la voir ».« Je déteste les AS. Pendant deux mois, je me suis retrouvée sans un euro, …rien. Je me suis rendue à la mairie du 17ème. L’AS me reçoit, elle a 19 ans environ. Elle paraît très jeune. J’étais dans un état de détresse…Je marchais à pied depuis des mois. J’étais épuisée. Je voulais des tickets de métro et un peu d’argent (10 Frs c’était avant les euros). Elle m’a répondu « si vous voulez une soupe chaude, je peux vous donner des adresses…le reste je ne peux rien faire pour vous, les dettes c’est vous qui les avez faites, vous aviez des goûts de luxe ». Je me suis sentie très blessée et non accueillie. On ne regarde que l’enveloppe extérieure (j’étais bien habillée). Je ne retournerai jamais à la mairie ».« Je n’aime pas les travailleurs sociaux, ils me promènent de l’un à l’autre. Pendant des mois je n’ai pas touché le RMI car je n’avais pas envoyé les papiers qu’il fallait…et les assistantes disaient qu’elles ne pouvaient pas s’occuper de moi car je n’étais pas de leur secteur ».

Cependant, quand les jugements sont positifs, ce sont plutôt des travailleurs sociaux dans les associations dont il s’agit, que leur statut soit celui d’assistante sociale ou non.

« Depuis quelques temps, je suis suivie par une assistante sociale de Chemin vert et par une psy de ce service, j’étais dans un tel désarroi. L’assistante sociale, elle me comprend beaucoup. Pour le moment je n’ai pas d’argent, l’AS ne veut pas faire le dossier RMI car elle est en train d’établir le dossier de préretraite »..

3- Les conséquences du manque de soutien

Ce manque de soutien a souvent des conséquences importantes, ponctuelles ou durables, sur les conditions de vie des personnes. C'est le cas de la perte temporaire d'allocations. Mais d'autres sont beaucoup plus préjudiciables car elles touchent à la liberté de la personne, à la perte de confiance vis à vis de la société...

« Un avocat nommé d’office s’est occupé de moi… Mais mon dossier ne l’intéressait pas. J’ai reçu un avis de quitter le territoire français.. » « J’ai eu un avocat nommé d’office qui n’a pas fait grand-chose. Je n’ai plus confiance en personne vu que je faisais confiance à mon avocat et qu’il n’a rien fait … »

...à l'accès et au recours aux soins. Ainsi, certaines femmes ne se soignent pas, faute de CMUC, d’AME ou faute d’hébergement stable ou car la santé passe au second plan face à leur situation.

« Je ne me soigne pas, je ne prends pas de médicaments parce que à la pharmacie c’est cher et je n’ai rien ». « J’ai un problème aux yeux de la cataracte mais pour être soignée, il faut avoir un toit, pour prendre des médicaments régulièrement. »« Je ne suis jamais malade. Je n’ai pas le temps ni l’argent ».« Je ne suis pas souvent malade. Je ne peux pas me le permettre ».

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ETRE UNE FEMME SANS DOMICILE FIXE APRES 50 ANS

ENQUETE ET REFLEXIONS

Conclusion

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COMMENT VOIENT-ELLES LEUR AVENIR ?

Toutes les femmes interrogées ont répondu à la question « Votre avenir comment l’envisagez-vous ?... », et ces réponses sont empruntes d’un très grand pessimisme sur l’avenir. L’une d’entre elle nous a dit « n’attendre plus rien, sinon la mort » et « se sentir trop faible pour se battre et se défendre ».

En grande majorité, elles ont des « rêves » réalistes de réinsertion dans la société. Elles disent souvent que le logement est la première condition de réinsertion pour ne plus peser sur leur entourage, et sur la société, pour ne plus être regardées comme des parias.

« Je sais que je fais partie de l’exclusion, car je n’ai plus les moyens financiers, les gens ont une image négative. La société nous rejette car on dérange ».« Je veux avoir un appartement pour moi et P. Je veux me marier aussi, à la mairie du VIIème ».« Je veux, moi, avec Mme K qui fait le nécessaire, obtenir un logement…un logement pour rester chez moi, pour ne pas être dans la rue, pour ne pas fatiguer les gens chez eux ».

Après elles chercheront du travail, ou un stage rémunéré à l’ANPE. Elles veulent toutes travailler, faire des ménages, garder des enfants, l’une d’entre elles veut faire de la couture à domicile, une autre veut monter une association pour apprendre le vitrail à des stagiaires.

« J’ai des capacités pour travailler, et je cherche un stage rémunéré à l’ANPE pour me remettre à niveau ».

Deux d’entre elles veulent repartir en Province, l’une dans les Vosges pour « travailler dans le monde agricole », l’autre pour la Province (sans précision), où elle cherchera un logement et du travail. Un troisième rêve : simplement de partir dans le midi, au soleil, « si on lui rétablit son RMI ».

« J’en ai marre de Paris, c’est trop pollué, et les gens n’aiment plus les gens comme moi…on est trop nombreux dans la rue ».

Chez les étrangères, en particulier si elles sont malades, on note leur volonté de rester en France.

« Je ne veux pas retourner « au pays », à cause des enfants qui sont en France ».« J’avais un accord pour soins jusqu’en décembre 2008, la Préfecture a demandé un recours car d’après eux, le traitement peut se faire au « pays »…Je ne peux pas retourner au « pays »…J’ai peur, et l’Etat ne défend pas le droit des femmes dans notre pays ».

Enfin, nous avons pu constater au fil des entretiens qu’elles se sentaient mieux, et plus rassurées dans un lieu d’hébergement pérenne (Maison Relais, CHRS) plutôt que à la rue, à l’hôtel ou dans un Centre d’hébergement d’urgence.Mais, même hébergées dans ces structures, elles ne s’y sentent pas libres et aspirent à un logement indépendant.

« Je veux une chambre pour me faire à manger et qu’on me foute la paix ».

Logement et emploi, les « rêves » de ces femmes sont à l’identique de la population française. Leur organisation de vie ou plutôt de survie, leur schéma de pensée, leurs aspirations et leur combat sont à l’image de ceux du reste de la population. Leur situation pourtant fait d’elles des parias, des femmes que l’on a du mal à voir parce qu’elles dérangent nos propres schémas de représentations de la femme, une femme encore symbolisée par la beauté, la jeunesse, la maternité. Elles en sont conscientes et cherchent par tous les

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moyens à se faire discrètes, à s’intégrer dans le paysage pour éviter les agressions et la honte, pour conserver ainsi une image de soi le moins dégradé possible.

« La société nous rejette, car on dérange…pour les gens, nous les précaires, nous sommes trop originaux mais dans le sens négatif. Nous renvoyons une image négative de la société ».

Ces femmes sont pour l’instant peu nombreuses, les hommes représentant la majorité des personnes sans domicile fixe. Cependant, les organismes, associations qui accueillent ces femmes commencent à s’alerter de la progression de leur nombre dans leurs structures. Cette étude sur un échantillon restreint de personnes ne peut restituer que ce qui a été entendu, mais c’est un regard qui, nous l’espérons, ouvrira la voie à d’autres réflexions et actions, c’est pourquoi nous avons souhaité poursuivre la restitution de cette étude lors du colloque du 20 janvier 2009 par la constitution de deux tables rondes sur l’accompagnement de ces femmes à travers leur mise à l’abri et le suivi administratif et social.

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ETRE UNE FEMME SANS DOMICILE FIXE APRES 50 ANS

ENQUETE ET REFLEXIONS

Tables rondes Colloque du 20 janvier 2009

Présentation des interventions

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Restitution de l’enquête : « Femmes de 50 à 65 ans SDF »

par Mme Corinne Lanzarini ( sociologue) et Mme Odile Maurice ( Assistante Sociale)

Association « La voix de l’enfant » présentée par Odile Maurice ( Assistante sociale)

La Voix de l’enfant est une association Fédérative créée le 20 juillet 1981 et qui a pour but : « L'écoute et la défense de tout enfant en détresse quel qu'il soit où qu'il soit ».

Par les 76 associations qui l'animent, elle a pour mission notamment :- de défendre la dignité et l'intégrité de tout enfant et adolescent ;- de donner un état civil au plus grand nombre d’enfants pour qu’ils existent légalement et soient protégés ;- d’initier et de soutenir des programmes de santé primaire, de scolarisation, d’éducation, de prise en charge d’enfants des rues, de lutte contre la prostitution et le trafic d’enfants ;- de créer des Permanences et Unités d’Accueil Médico-Judiciaires en milieu hospitalier pour les mineurs victimes de violences sexuelles ou autres maltraitances ;- d’ester en justice et de représenter leurs intérêts ; - d'être une plateforme d'échanges et de coordination pour la protection et la défense des enfants ; - de mener avec des partenaires de différents pays, des programmes européens et internationaux ;- de rédiger et de soumettre des propositions pour l'application de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant, des Traités Internationaux et de la législation nationale ;- d’élaborer, de proposer et de soutenir des programmes de formation professionnelle ;- d'être un lieu de dialogue pour les associations membres et partenaires.

Elle est Membre de la Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme depuis 1986. Elle est appelée à apporter son expertise dans plusieurs Conseils d'Administration.

La Voix de l’enfant : http://www.lavoixdelenfant.org

Tables rondes : L’accompagnement des femmes sdf en question

1ere table ronde : La mise à l'abri des femmes sdf agées de 50 à 65 ans

Association « Emmaüs »présentée par Miggy Leste

(Responsable service Maraude Montesquieu Emmaus")

L’Association Emmaüs est une association loi 1901, créée en 1954 par l’abbé Pierre. Elle s’est donnée pour mission la lutte contre la misère, l’exclusion sociale et la pauvreté. Son action est fondée sur la mise en place de réponses à des situations dramatiques liées notamment aux évolutions sociales et économiques.

Pour répondre aux attentes et accompagner au mieux les personnes accueillies et rencontrées, l’association est dotée :

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D’équipes de maraude, D’accueils de jours, D’un accueil de nuitDe centres d’hébergements (CHU, CHRS, Stabilisation, Maison relais, Hôtels

sociaux…)D’une communauté de service (compagnons).

Je suis responsable de l’équipe maraude de Paris centre à l’association Emmaüs, elle a été créée en 1999 par Anne DE GOUY la Directrice de l'accueil de jour (AGORA).

La mission de la maraude est de permettre l’insertion sociale et professionnelle des personnes. Elle se fonde sur les rencontres et les liens construits dans la durée avec les personnes de la rue et de proposer une perspective d’évolution et de changement, de manière progressive, avec un passage de relais construit (ne pas rompre le lien brutalement).

L’action de la maraude vise a suscité des souhaits, des envies, chez les individus les plus désocialisés. Les aider à « voler de leurs propres ailes, entrevoir un ailleurs » pour trouver sens dans la formule « de la rue à la vie » qui illustre et légitime la mission d’Emmaüs.

La maraude d’Emmaüs est une maraude pédestre et elle se reconnaît dans les maraudes d’intervention sociale, celles qui s’inscrivent dans la durée et ont pour objet d’établir un lien social avec les personnes rencontrées et de leur proposer des solutions adaptées d’hébergement et/ou d’accompagnement social. Ces maraudes sont soit pédestres soit véhiculées.

La maraude propose une alternative à la rue. Pour cela, le maraudeur met en place une relation structurante qui permet aux personnes rencontrées de s’inscrire dans une mise en mouvement. Le travail social de rue participe à la cohérence entre les activités d’hébergement d’urgence et l’hébergement d’insertion, les accueils de jour, les actions transversales (santé, emploi, formation, animation).

Emmaüs : www.emmaus-france.org/

FNARS Ile-de-France présentée par Géraldine Franck

(chargée de mission FNARS régionale)

L’association régionale Fnars Ile-de-France, créée en 1985, rassemble actuellement 150 associations œuvrant pour l’inclusion sociale :

- gérant 290 établissements et services : des Centres d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS), des centres maternels, des foyers, des lieux d’accueil de jour, des centres d’accueil pour demandeurs d’asile, des collectifs de relogement, des ateliers et des chantiers d’insertion, des associations intermédiaires, des entreprises d’insertion, des espaces dynamiques d’insertion, des centres de formation et diverses associations de lutte contre les exclusions..

- menant des actions dans les domaines de l’accueil, de l’hébergement, de l’insertion, de la santé, de la culture, de la citoyenneté.

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Leur objet commun est d’agir pour tous les publics en difficulté et de réfléchir ensemblesur l’évolution des moyens pour l’insertion, en favorisant l’expression, la promotion et l’autonomie des personnes accueillies.

La représentation régionale Fnars Ile-de-France favorise la concertation entre les adhérents dans et entre les départements franciliens. Elle permet leur représentation auprès des services de l’Etat, des collectivités territoriales et d’autres partenaires. Elle pèse sur les décisions publiques, les lois et les mesures de lutte contre l’exclusion. Elle sollicite pour ses adhérents les moyens financiers publics et/ou privés et techniques nécessaires à leurs missions.

La Fnars Ile-de-France compte parmi ses partenaires : la Préfecture de Région Ile de France - le Conseil Régional Ile-de-France - la Mairie de Paris - la Direction Régionale du Travail de l’Emploi et de Formation Professionnelle, la Direction Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales, la Direction Régionale de l’Agence Nationale pour l’Emploi, l’AGEFIPH Ile de France, la Fondation Abbé Pierre, l’Association des Organismes HLM Région Ile-de-France, la Mutualité Sociale Agricole, ... des fédérations associatives, des organismes sociaux…

Fnars : www.fnars.org

Le « Samusocial »de ParisPrésenté par Thomas MARIE

(Directeur régulation du 115 samusocial de Paris)

Le 22 novembre 1993, le Dr Xavier EMMANUELLI – Président Fondateur du Samusocial de Paris lançait les premières équipes mobiles d’aide pour « aller à la rencontre des personnes, qui, dans la rue, paraissent en détresse physique ou sociale ».A l’instar du SAMU médical qui va au devant des blessés physiques, le Samusocial de Paris a été créé pour aller à la rencontre des personnes sans abri qui ne sont plus à même d’appeler les secours.La Fédération Nationale des Samu Sociaux rassemble une soixantaine d’adhérents répartis dans 40 départements. Le Samusocial International favorise la création de samu sociaux dans de grandes villes étrangères à Alger, au Mali et au Burkina Faso, par exemple.

Le dispositif MaraudesLa nuit : les E.M.A Chaque nuit, de 20h30 à 5h00, toute l’année, des équipes mobiles composées d’un infirmier, d’un travailleur social et d’un chauffeur interviennent dans les rues de Paris. Les équipes de maraude partent à la recherche des personnes sans abri, tellement désocialisées qu’elles ne demandent plus rien, pour prendre un premier contact et créer du lien avec elles, évaluer leur situation psycho-médico-sociale et leur proposer des solutions d’orientation adaptées. Les équipes de signalement vont à la rencontre des personnes signalées auprès du 115 de Paris et assurent leur transport vers les centres d’hébergement... 5 à 12 équipes mobiles d’aide de nuit réalisent plus de 42 000 prises en charge par an.Le jour : des maraudes dédiées. Opérationnelle depuis septembre 2005, la Maraude de Jour est essentiellement réservée aux personnes qui vivent sur des « territoires » et qui sont connues des Equipes Mobiles d’Aide. L’Equipe Mobile de lutte contre la tuberculose (EMLT) a été créée en décembre 2000. L’objectif général de l’équipe est de réduire la mortalité, la morbidité et la transmission de la tuberculose et de prévenir la résistance aux anti-tuberculeux au sein de la population des personnes sans-abri.

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Le Réseau Souffrances et Précarité : L’hôpital Esquirol a créé en 1997, une équipe mobilespécialisée. Elle a pour mission d’aborder, rassurer et soulager les personnes les plus exclues souffrant de troubles psychologiques, voire psychiatriques afin de favoriser leur prise en charge et leur orientation.

Le 115 de Paris : une régulation 24h/24 du numéro d’urgence pour les sans-abriLe 115 est un numéro national départementalisé d’urgence et d’accueil des personnes sans-abri, gratuit et accessible de jour comme de nuit. Dans la capitale, sa gestion a été confiée au Samusocial de Paris.Le 115 assure 5 missions essentielles : écoute, évaluation, information, orientation, et hébergement. Il joue aussi un rôle d’alerte sur les problématiques des populations à la rue auprès des pouvoirs publics. La régulation est aujourd’hui organisée en 3 pôles de prisesd’appels : le pôle généraliste divisé en 2 dispositifs (front et backline), le pôle infirmier qui régule les places en LHSS et le pôle familles qui gère la mise à l’abri de plus de 2 700 personnes en familles.

Le dispositif du Samusocial comprend également :Le Pôle d’Hébergement et de Réservation Hôtelière pour l’hébergement des familles en hotel, L’Espace Solidarité Insertion « La Maison dans le Jardin », accueil de jour,. 2 Centres d’Hébergement d’Urgence (C.H.U.S) d’une capacité totale d’hébergement de 196 places hommes et femmes confondues, Un lieu d’hébergement : La Maison des femmes, 5 Lits Halte Soins Santé (LHSS) : des lits infirmiers ouverts 24h/24, 365 jours par an pour une capacité de 170 lits financés à 100 % par la CPAM.,Deux Pensions de Famille: « L’Alchimie des Jours » (Maison Relais)(2004) et une deuxième ouverte en sept 2005 (dans la Creuse).L’Observatoire du Samusocial de Paris qui à travers les études qui lui sont confiées observe à Paris les phénomènes d’errance, établit une typologie des publics, repère leur trajectoire et analyse les besoins et les indicateurs sociaux en vue de faire des propositions aux pouvoirs publicsSamusocial : www.samusocial-75.fr

« Les enfants du canal »Présenté par Christophe Louis

(directeur de l’association)Créé dans le cadre de l’action des Enfants de Don Quichotte sur le canal Saint Martin à Paris, au cours de l’hiver 2007, l’association a pour objet de créer et faire fonctionner des structures passerelles pilotes pour les personnes sans abri et mal-logés afin d’accéder à un logement adapté voir autonome.

L’association est née d’une réflexion entre personnes bien logées, mal logées et sans abris. Elle souhaite apporter par cet échange des innovations dans la prise en charge des personnes à la rue et au sein du dispositif social.L’association assure l’accueil, le suivi et l’accompagnement de ces personnes.

Les activités développées sont les suivantes :- la maraude : un dispositif qui intervient jour et nuit sur les 14ème et 15ème arrondissements

de Paris ;- l’accueil de jour : inconditionnel, ouvert 6/7 jours, animaux acceptés ;- l’hébergement : La Maison des Enfants du canal qui comprend 21 chambres individuelles

et 3 appartements collectifs ;- l’orientation vers les dispositifs de droit commun.

Supprimé : ¶

Supprimé : ¶

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Par ailleurs, basé sur un concept de « pairs-aidants », le programme des « travailleurs pairs » a été développé à l’association des Enfants du canal. Il est issu de la réflexion suivante : comment utiliser et considérer l’expérience de la rue comme un véritable outil de réinsertion de la personne, se reconstruire au travers de l’approche vers l’autre.

Ses objectifs sont les suivants :- soutenir et favoriser la relation à l’autre en utilisant l’expérience des personnes qui ont euun parcours de rue pour accompagner d’autres personnes toujours en situation de grande précarité,- élaborer avec la personne une insertion professionnelle par le biais d’une activité salariale et dans la continuité d’un cheminement personnel.

Les Enfants du canal : www.lesenfantsducanal.fr

2eme table ronde : Le suivi social et admininistratif des femmes sdf agées de 50 à 65 ans

Association « Petits frères des pauvres »présentée par Claire Pinard

(Directrice d'établissement association "Petits frères des pauvres)

Depuis l’élan donné en 1946 par Armand Marquis et, l’action des petits frères des Pauvres s’inspire partout où elle est vécue de valeurs fondamentales :

- la valeur unique et irremplaçable de chaque personne humaine,- la dignité de tout homme et de toute femme quels que soient leur origine, leur situation et leur état physique, psychique ou social, la liberté fondamentale de chacun, la fraternité et la fidélité- La fraternité : les petits frères des Pauvres s’engagent à renouer par des actions concrètes des liens de solidarité rompus ou distendus.- La fidélité : les petits frères des Pauvres placent leurs actions dans le temps. L’accompagnement peut durer plusieurs années

Leur mission : rassembler, vivre une relation fraternelle, rechercher la qualité de vie, alerter.

Association reconnue d'utilité publique, "Les petits frères des Pauvres " accompagnent des personnes souffrant d'isolement, de pauvreté matérielle, de précarités multiples. Ils interviennent aujourd'hui en priorité auprès des personnes âgées de plus de cinquante ans.

La fraternité Saint Maur accueille des personnes de plus de cinquante ans et les accompagne dans un projet de stabilisation et d'amélioration de leur qualité de vie. Depuis 20 ans, elle aide des personnes de plus de cinquante ans à quitter la rue.

Les petits frères des pauvres : www.petitsfreres.asso.fr/

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La maison des femmes du samusocial de ParisPrésentée par Armelle Langlement

La Maison des femmes est un lieu d’hébergement 7J/7, 24h/24 de 14 places qui propose aux femmes en errance un lieu adapté permettant de rompre l’engrenage des allers-retours entre la rue et les centres d’hébergement d’urgence.

Association UNCCASUnion nationale des centres communaux d’action sociale -

présentée par Claude Gascard ( Délégué régional)

Association fondée en 1926, l'UNCCAS fédère les Centres Communaux d'Action Sociale. Véritable tête de réseau, elle a pour vocation de représenter, d'animer et d'accompagner les CCAS/CIAS aux niveaux départemental, régional, national et européen.

Forte de plus de 4500 adhérents, l'Union représente plus de 90% des communes de plus de 10000 habitants et 70% des communes de 5000 à 10000 habitants.

Au début de chaque mandature municipale, l'UNCCAS renouvelle ses instances nationales et locales. L'UNCCAS se positionne comme outil politique et technique au service d'une action sociale de proximité efficiente; elle articule ses missions autour de 4 pôles d'activités stratégiques :- Pôle "politique" (interpellation des pouvoirs publics, veille et influence, stratégie d'alliance).- Pôle "réseau" (intégration, animation, positionnement et développement du réseau).- Pôle "politiques sociale" (compétences et bureau d'étude, expertise des dispositifs, conseils juridiques, audits).- Pôle "formation" (analyse des besoins de formation, plans de formation, création d'outils pédagogiques e-learning) ; l'UNCCAS a reçu l'agrément pour les formations d'Elus.

Union nationale des centres communaux d’action sociale : www.unccas.org

Association « Psychologues du Monde - Paris »présentée par Madeleine Cord (psychologue et psychanalyste)

« Psychologues du Monde » entend promouvoir l’équilibre psychique individuel et social. Elle est une organisation humanitaire non gouvernementale, nationale ayant pour objectif de restituer toute son importance à l’aide psychologique, sur le plan national et international.Les Psychologues de PDM s’inscrivent dans une démarche globale auprès de personnes dont l’équilibre psychique est menacé, voir atteint, à la suite d’une catastrophe collective ou individuelle, d’une détresse matérielle, physique et ou humaine.Leur action se centre sur la dimension psychique des personnes tant sur le plan singulier que collectif.

Leur action s’appuie sur la Charte de l’association, le code de déontologie des psychologues en particulier, le respect de l’intimité des personnes, de leur libre choix et de non-substitution aux acteurs légitimes.

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Elle se déploie en interventions d’évaluations, d’accompagnement, de soutien, de formation ainsi que de recherche auprès :- Des populations en détresse psychologique suite à des évènements traumatiques ou des situations extrêmes- Des professionnels, volontaires et bénévoles engagés sur le terrain- Des réseaux et associations partenaires- De l’opinion publique, des décideurs nationaux et internationaux.Actuellement ses actions et projets se déploient en France, au Cambodge, en Arménie et avec l’Ethiopie.

Psychologues du Monde - Paris : [email protected]

Association « Solidarités Nouvelles face au Chômage »présentée par Madeleine Cord (psychologue et psychanalyste)

Solidarités Nouvelles face au Chômage est une association loi 1901, créé en 1985 par Jean-Baptiste de Foucauld, président fondateur, indépendante de tout parti politique et de toute confession religieuse.

SNC lutte contre le chômage et l’exclusion grâce à une chaîne de solidarité privée composée de bénévoles et de donateurs à travers toute la France.

Les membres bénévoles forment des groupes d’accompagnement et d’appui dits groupes de solidarité qui proposent un accompagnement personnalisé aux demandeurs d’emploi.Chaque demandeur est accompagné par deux membres de SNC reliés à un groupe de solidarité. Cet accompagnement est centré sur la personne accompagnée, dégagé de tout souci de résultat immédiat, non limité dans le temps, il vise à aider la personne à trouver en elle des ressources pour reconstruire ses liens et pour trouver un emploi qui ait du sens

SNC a une fonction de reconstitution du lien social et créations d’emplois pour les personnes fragilisées par le chômage.

Témoignages

Association « Cap Intervalle »présentée par Catherine Meut (psychanalyste)

Pour les week-ends difficiles : INTERVALLE-CAP

Intervalle-Cap, association loi 1901 a ouvert à Paris deux lieux d’accueil psychanalytiques accessibles tous les week-ends, de 10 h à 19 h sans interruption, pour les adultes en situation de détresse psychique et sociale. Les accueils et les entretiens y sont gratuits. Ses praticiens, psychiatres et psychologues-cliniciens, proposent de répondre par l’écoute et la parole à nombre de situations de souffrance et d’urgence subjective. Les CAP sont des lieux-relais qui reçoivent les personnes de préférence sur indication des praticiens référents (médecins, psychiatres, psychologues), des intervenants sociaux et associatifs référents ainsi que des réseaux de soins de proximité. Cependant, on peut aussi s’adresser à Intervalle- Cap spontanément et se présenter sur place sans avoir pris rendez-vous.

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Un premier entretien d’accueil personnalisé avec un praticien permet d’apprécier la situation et la conduite à tenir pour le week-end. Les moments de pause et les entretiens, plusieurs si nécessaire, peuvent alterner et scander la journée. Ainsi, l’accueil et l’organisation du temps de présence dans le centre s’adaptent aux particularités de chacun. Cet accueil du week-end, favorise la continuité des suivis et le lien à l’Autre. C’est un travail de soutien qui vient en complément de celui des référents pour lutter contre les effets psychiques et sociaux néfastes liés à des moments de rupture, de fragilisation de vie, des événements traumatiques ou aux maladies et handicaps.

Intervalle-CAP n’est pas un service d’urgence psychiatrique même si ses praticiens peuvent accueillir en urgence : aucun médicament n’est prescrit sur place. La lutte contre l'isolement et l'exclusion - en relation avec la souffrance psychique, sociale ou familiale - sont les objectifs principaux de l'association Intervalle -CAP.

La prise de contact avec Intervalle-CAP se fait en semaine et le week-end au 06 68 21 55 20.Centre Belleville (pour les femmes) : 7 rue du Sénégal, 75020 Paris. Centre Nationale (pour tous) : 169bis boulevard Vincent Auriol, 75013 Paris.

Cap Intervalle : http://www.cap-intervalle.org

Association « CASP Maison Blanche »présentée par Andréa Bocaz

Lieu de vie pour femmes « Maison-Blanche »

Créé en janvier 2006, ce nouveau dispositif d’hébergement de 40 places s’adresse aux femmes en errance de plus de 45 ans et très désocialisées. Il vise à les stabiliser dans un lieu ouvert et sécurisant, à les aider à rompre avec la rue et à entreprendre des démarches pour rétablir des droits ou y accéder, pour retisser des liens affectifs, familiaux et/ou amicaux, et accompagner les résidentes vers une solution durable adaptée : maison de retraite, appartement thérapeutique, lieu de vie spécialisé, projet personnel ou familial…)

Créé à l’initiative de l’église Réformée de France pour faire face aux nouvelles pauvretés apparues à l’époque, le Centre d’Action Sociale Protestant (CASP) est une association reconnue d’utilité publique.

La mission du CASP étant de lutter contre toutes les formes d’exclusion et de détresse, ses équipes s’attachent à accueillir et accompagner toute personne en difficulté et en souffrance confrontée à des problèmes : - de logement,- de ressources et/ou d’emploi,- d’ordre juridique et administratif,- de nature psychologique et/ou relationnelle- de santé

Fondés sur le respect de la dignité et des consciences de chacun, mais aussi sur la responsabilisation des personnes, cet accueil et cet accompagnement s’adressent donc aux plus fragiles et aux plus démunis de notre société, dont le parcours de vie est la plupart du temps chaotique et douloureux. Leurs histoires et leurs espérances, singulières et multiples,

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nécessitent de la part des équipes du CASP la recherche permanente de solutions adaptées à chaque problématique.

Ses ressources financières proviennent de sources variées : - subventions accordées par des services publics,- versements émanant d’organismes privés,- dons et legs de bienfaiteurs,- participation des diaconats.

Avec plus de 230 salariés – constitués en équipes pluridisciplinaires pour répondre au mieux à la diversité des situations rencontrées quotidiennement – et une centaine de bénévoles, le CASP met à la disposition des publics qu’il accueille et accompagne plusieurs services d’accueil et d’aide à l’insertion et diverses structures d’hébergement, localisés essentiellement à Paris.

Lieu de vie pour femmes « Maison-Blanche » : http : www.casp.asso.fr