Etre Au Devenir 1 Mark Halevy

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Marc Halvy

DE LETRE AU DEVENIR Journal philosophique et spirituel Tome I

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A ltranger, ne demande son lieu de naissance, mais son lieu point davenir. Edmond Jabs

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Le livre de lUn

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AVANT-PROPOS(27 mars 1998)

Ce livre est n de la rencontre. Il est un carrefour. Il est au carrefour de regards habituellement distincts : celui de la science systmique, celui de trois philosophie holiste et celui de la mystique la moniste. Trois regards engendrent trois langages rarement mls tant est vive confusion de lagenres. Trois langages : celui de la rigueur, celui de la la peur des de la posie. logique et celui Ici, ils se parlent, se rencontrent, se confondent, se rpondent, se ressembler. suivent sans se Ordinairement, on les dit ennemis, incompatibles, allergiques lun Ici, peut-tre pour la premire fois, ils sunissent pour raliser lautre. tenter de parler de lineffable et de lindicible. Ici, ils sallient face limpossible, pour linaccessible.

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LHOMME ET LA SPIRITUALITE HOLISTE (5 avril 1996) Il y a 35.000 ans environ, lhomme, sapiens , a merg dans le monde. homo Et l cette mergence de lhomme au sein de la nature correspond un sapiens inou de la vie saut qualitatif sur la terre. En rupture avec le monde animal et vgtal, lhomme, naissent la conscience et la libert. La vie, jusqualors avec ou vgtale, tait purement animaleprisonnire du rgne de la nature et de la tyrannie de linstant de linstant,seulement prsent. Avec lhomme et sa pense, la vie dpasse la nature et entre de plainles espaces infinis et innombrables de labstrait, de limaginaire, bref de pied dans Avec lhomme et sa conscience libre, la vie saffranchit de linstant et la culture. la dure. dans sinstalle Avec lmergence de la conscience et de la libert, lhomme face au monde, installe le moi son inconscience et ses dterminismes. commencent la tension et la contradiction entre le moi Avec lhomme lunivers intrieur, intangible, conscient, libre et abstrait, et le monde qui qui est lunivers extrieur, tangible, aveugle, contingent et est matriel. Entre le moi et le monde sinstaure un dialogue, un rapport dialectique rponse ces tensions et ces contradictions. Dans ce dialogue nouveau comme toutes les se nouent angoisses existentielles et tous les questionnements mtaphysiques. Comment concilier mon inaltrable sentiment intrieur de libert avec videntes dterminations de mon environnement les extrieur ? concilier mon ineffable sentiment dappartenance lunivers Comment nature, avec linoue certitude de ma radicale et la altrit ? Comment concilier ce profond sentiment de la dure et de la finalit de lhomme, avec linstant qui coule inexorablement, accompagn de ses dincohrences, dabsurdits, de kyrielles dsordres ? concilier cet univers intrieur qui se pense en moi avec cet Comment extrieur qui se vit dans le univers monde ? Les mots, les concepts, les langages, les ides, les images que je porte qui nourrissent ma vie intrieure, se pervertissent ds quils franchissent en moi et de portes les mes lvres et se rvlent presque toujours impropres, inadquats, partiaux. partiels et Les tres et les choses du monde extrieur sy montrent rebelles et se bien souvent entrer dans leurs refusent grilles. et le monde nont gure le mme langage, et leur dialogue est Le moi bien des relents entach de dincommunicabilit.

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Le moi est-il dfinitivement condamn la solitude infinie dune vie recluse et strile ? intrieure La dualit du moi et du monde est donc fondamentale. Elle engendre tension entre ses ples. Cette tension forte engendre une douleur, une une une angoisse. Lhomme est allergique la dualit. Et pourtant, sans elle, souffrance, tension sans la quelle induit, comment lhomme progresserait-il ? Comment le mouvement de la pense, comment la dynamique de la vie se nourriraient-ils ? la contradiction induite par cette dualit moi/monde, il Pour rsoudre quatre solutions possibles. ny a que Soit la confusion des deux ples dans le magma Soit la ngation dun des deux ples et sa primitif. Soit la synthse des deux ples dans la troisime pointe du destruction. Toute laventure spirituelle de lhumanit tient dans ces triangle. Explorons-les. quatre voies. La premire voie renonce la dualit, la nie, la renie et retourne, par auconfusion, magma primitif indiffrenci. Cest la voie choisie par tous ces ces femmes qui ont hommes et toutes renonc, une fois pour toutes, se poser des vivent leur vie animalement, aveuglment, abrutis dans linstant, abtis questions, et qui limmdiat. par La deuxime voie rsout la dualit en niant le moi : le moi individuel danger. La seule ralit est le monde, et lhomme ne retrouvera la paix est un quen dtruisant cette volont de puissance quest son moi. Les et la srnit appellent cela la soumission du moi au monde. Cest la voie des idologues matrialistes philosophies et athes. La troisime voie, symtrique de la deuxime, rsout la dualit en ple : lelautre Le monde est une illusion. Seule lme immatrielle niant monde. idalisme radical spanouit dans certaines coles chrtiennes, surtout existe. Cet et anglo-saxonnes. germaniques Enfin vient la quatrime et dernire voie, celle o sinscrit la mystique, construction dynamique (de la rsolution dialectique) par la synthse des celle de la contradictions. Autrement dit, si les deux ples du moi et du monde existent bel et inconciliables et irrductibles lun lautre, alors cela signifie quil existe bien, et sont troisime ple mystrieux, cach, inconnu. Un troisime ple qui unit, un transcende dpasse, les deux premiers. Et ce troisime ple qui unit et transcende, troisime ple mystrieux et cach, sappelle lUn, tout simplement. LUn ce lieu absolu de rsolution de toutes les tensions et de toutes les comme comme principe absolu dunit et de cohrence de tout ce contradictions. LUn qui est. lnonc de cet acte de foi en la possibilit de la synthse en lUn, Avec commencent toutes les qutes religieuses et spirituelles de lhistoire des Ces qutes Hommes. refusent toutes de subir les douleurs de la contradiction et de et partent la dualit, toutes, sur des chemins divers, la recherche effrne de mystrieuse ide de lUn. cette

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De plus, chacun de ces chemins slabore sur un langage qui lui est luipropre et qui sortir enfin de la prison des langues permettra de profanes. En somme, chaque chemin possde son propre Pour lermite, ce sera le Silence. vhicule. Pour le moine, ce sera la Prire. Pour le fidle, ce sera lOffice. Pour lalchimiste, ce sera le Grand Pour le uvre. franc-maon, ce seront le Rituel et ses Autour de symboles. ces langages, autour de ces vhicules spirituels slaborent, moins intensment, la complicit, la solidarit, la fraternit, bref la plus ou ceux qui les partagent : la fraternit est dabord le partage dun communaut de langage commun ! Au milieu de toutes ces voies diverses que les hommes se sont des millnaires, se dgage une typologie assez simple, en inventes depuis somme. Il y a dabord les voies solitaires : celle du kabbaliste, celle de lermite. lalchimiste, celle de Il y a ensuite les voies communautaires qui peuvent se classer en catgories : quatre il y a la voie congrgationnelle qui regroupe une communaut de autour dun rite et dun credo, orchestrs par un officiant plus ou moins fidles institutionnalis ; il y a la voie monastique qui regroupe une communaut de autour de la prire et dune rgle de contemplatifs vie ; il y a la voie philosophique qui regroupe une communaut dartistes autour ou dintellectuels dune cole de pense ou de cration a enfin la voie initiatique qui regroupe une communaut dinitis il y ; dlus, autour de rites et de symboles agencs avec rgularit au sein ou ou moins prcis. dun ordre plus Jespre que lon aura compris a prioriaucune de ces catgories nest qu , mutuellement exclusive des autres. Les chemins vers lUn sont innombrables et tous finissent par converger pourvu que lon y marche assez longtemps et que lon y aille en lui, assez loin. A ce stade, nous sommes mieux arm pour dfinir lessence de la Cette dfinition tient en somme en peu de mots : la spiritualit est spiritualit. communaut initiatique visant harmoniser lhomme et le monde une enCette . lUn dfinition est simple, mais terriblement lourde de consquences. diffrents termes appellent bien des commentaires que je ne ferai pas ici. Ses limiterai ici napprofondir quun seul point : celui des rites et symboles Je me langage comme particulier de la qute. Souvenons-nous que les langues profanes usuelles se rvlent traduire et inaptes rapidement communiquer lessentiel, cest--dire le mystre, et le mne. Au cur de la contradiction entre le moi et le monde, les mots chemin qui y enferment lhomme dans une prison de solitude et dimpuissance. usuels spirituelle de lUn sest invent un langage propre, sacr, pour svader Chaque qute prison artificielle. de cette

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Toute communaut spirituelle a hrit du langage de ses aeux, chantiers de la maison de lUn, dpositaires des secrets de leur hommes des ces lments offraient videmment un langage incroyablement riche, cheminement. Tous se mtamorphosent en symboles et en pourvu quils rites.rite ordonne les symboles, il les assemble dans une structure Le des combinaisons incroyablement riches pour qui sait les cohrente, en dcrypter. Ici tout est symbole Mais ici rien nest idole ; prenons garde. Celui qui idoltre les objets, les les rites blasphme. Ces objets, ces paroles, ces rites jamais ne peuvent paroles, fins en des devenireux-mmes, que lon cultive idoltrement en toute strilit. La spiritualit est une qute vivante et pas une momie Il faudrait ptrifie. donc plutt dire : Ici tout est symbole vivant... Ces symboles, ordonns par les rites, constituent un langage vhicule sur le chemin la recherche de spcifique, un lUn. sont porteurs de Lumire. Ils Donc dclairement celui qui a les yeux Cette lumire-l nest pas la lumire matrielle du soleil et de la lune ouverts. Gensela quils ne furent crs quau quatrime dont dit jour. cette lumire-l est purement spirituelle ; elle est la Lumire de Non, quil latelle au premier jour de la Gense par sa premire lUn cra Parole : La lumire sera (Que la lumire soit) ! Avec cette lumire-l, lordre mergea du chaos. Ordo ab Et cette chaos . Lumire ne dit finalement quune seule chose : Il y a Toi, il y a Monde, et il y a lUn pour vous le rconcilier.? Quel Un Celui qui se cache dans les livres Celui quinvoque le prtre ; sacrs ; Celui qui dicte la loi ; Celui qui est source de cette lumire dont le soleil et la lune ne sont reflets les ples que ; Celui qui est au bout du chemin des Celui qui rpond au silence par la paix et la prire par le cherchants ; Celui qui silence ; engendre la beaut. Bref, celui auquel tous les mystiques du monde consacrent (con-sacreafin que, sur le chantier du Monde, srige son nt) leur vie temple. la route est trace. Voici, Il reste marcher.

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Le voyage sera long, parfois dcourageant sil ny avait la chaude qui marchent avec nous. amiti de ceux Il sera difficile, plein dembches et de doutes, plein de piges, plein de dejoies et souffrances, plein de dcouvertes. Il ne nous reste plus qu partir, quitter le Deux des conflits pour Trois du mouvement vers lUn. pntrer le Il nous reste faire le premier pas.

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DIEU EST-IL MATHEMATICIEN ?(Mousty, le 16 avril 1996)

Le problme pos peut encore sexprimer autrement. Lunivers est-il par des principes mathmatiques comme lont suppos des gnrations gouvern physiciens ? Ou, comme cela se disait au XVIIIe sicle, par la gomtrie ? de encore, comme le pensait Platon, au travers du mythe de la caverne, le Ou la ralisation monde est-il imparfaite dides parfaites et ternelles ?en affirmant la libert de lhomme et en utilisant le concept de La Bible, tend rpondre par la ngative. miracle, La mcanique quantique, se fondant sur des modles probabilistes et principe dincertitude, a, en tout cas, battu en brche les modles sur le dterministes strictement hrits de Newton et de Leibniz. Elle a ainsi ouvert une dabord, mais porte, troite bante dsormais, des rponses moins simples. La systmique, spcialement dans ses modles dattracteurs tranges thorie des bifurcations, a montr qu partir dun certain seuil de et dans sa comportement complexit, le des systmes nest jamais prdictible au sens mais quil se du terme, dterministe dcrit comme une trajectoire soumise des choix multiples bifurcations), dans un espace chaotique dont les valles sont creuses (les attracteurs qui sont, en fait, des centres de convergence situs dans le par des quen langage philosophique, on appelle des futur (ce finalits). Ainsi, au-del des modles obsoltes de la physique classique, voire physique systmique regarde lunivers entier comme un immense tre quantique, la complexe, plong dans des champs morphiques qui dfinissent le champ vivant, possibles, et voluant vers des attracteurs tranges qui se comportent des finalits vers comme des lesquelles tendent tous les mouvements, toutes les les bifurcations, toutes les mutations, toutes crations. des modles mathmatiques (dArchimde Einstein, en Le succs Galile et Newton) peut, ds lors passant par surprendre. Le paradoxe se dissout lorsque lon constate que les sens et lintellect par nature humains, , fonctionnent selon la pente de la plus grande conomie, cest-moindre consommation neurale. Or, il est videmment trs conomique dire de la faire entrer tout lunivers dans une seule de pouvoir quation. Cest pourquoi, galement, lesprit ne capte dans une image brute sens que les rgularits, les objets habituels aisment reprables, donc fournie par les et rejette tout comptables, le reste au rang de bruit sans intrt. slection partiale et partielle est lorigine de tous les langages, Cette vocabulaires. de tous les

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Lexprience montre quun tableau bizarre reste incomprhensible quy soient reprs des indices, rels ou imagins, qui permettent dy jusqu ce un objet ou dcouvrir une scne connus. Le tableau devient alors accept et va de mme pour les tableaux de la nature que nos sens fournissent compris . Il en Celui-ci y slectionne des lments habituels, familiers ou rptitifs, et y notre cerveau. reste dans limine le la poubelle du bruit, du parasite, de linterfrence, etc. gardant de lunivers que les lments habituels a tt Notre cerveau ne modliser ce quil aura retenu au moyen dun langage dont lessence fait de dexprimer mme est le comptage dlments identiques, dabord, et la forme de rgulires, ensuite : les lois mathmatiques. systmes simples de la physique classique, les lois Au niveau des semathmatiques faisaient dterministes. Au niveau des systmes plus flous de la physique quantique, les lois mathmatiques se faisaient probabilistes. Au niveau des systmes complexes de la physique systmique, les lois ense muent despace des tats dont la topologie non euclidienne se structure ravine, creuse trouve tordue, par des chodes, des attracteurs, des bifurcations. montr avait Einsteinla voie ds 1916 avec la relativit gnrale et ses recherches sur unifi, au le champ sein despaces non euclidiens pleins de courbures et de tensions. tenseurs de Malgr tout, la question demeure : les mathmatiques sont-elles un absolu et divin, fondateur de lunivers dans sa totalit, parce que Dieu est langage mathmaticien (et donc platonicien) ? Ou les mathmatiques sont-elles humain susceptible de modliser le comportement de certains morceaux un langage pas trop duniverscomplexes, pas trop soumis dimportantes interactions non le reste avec linairesdu monde ? La question est donc : les mathmatiques sont-elles un langage humain dautres, permettant lexpression de certains phnomnes parmi ou les mathmatiques sont-elle le langage divin lorigine de tous les convenablement choisis, et de toute volution, mouvement, mutation dans lunivers (en ce phnomnes bifurcations libres ou probabilistes des systmes comprises les complexes) ? Et la question subsidiaire, mais encore plus troublante, est celle-ci : en que les mathmatiques soient le langage de Dieu, les lois de lunivers admettant expriment, sont-elles immuables et universelles (absolues), ou sont-elles quelles locales et spcifiques volutives, (variables) ? Il est difficile de tenter une rponse rationnelle et logiquement deux questions fondamentales, car elles ressortissent fondamentalement construite ces mtaphysique. de la En effet, les sciences, en progressant, pourront toujours construire des mathmatiques ou pseudo-mathmatiques qui modliseront plus ou outils adquatement, un nombre toujours croissant de phnomnes de plus en moins complexes, de moins en moins rguliers (au sens classique de plus rgularit).

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Mais cette croissance, mme si elle tend devenir asymptotique, ne une preuve passoi que les mathmatiques sont ontologiquement constitue en lunivers physique. consubstantielles Aussi, la rponse la question Dieu est-il mathmaticien ? ne peutrecevoir une rponse que dans lexacte mesure ou lhomme connatrait elle totalit dj la du champ des mathmatiques, ce qui nest assurment pas le cas mathmaticiens contemporains clament eux-mmes que la part connue : les des mathmatiques est infime par rapport la totalit des champs du domaine probables. possibles Cela signifie donc que la question na aucun sens, comme na aucun question de se savoir si Dieu sexprime en sdfghj alors que personne sens la connat parfaitement cette langue sur terre ne sdfghj. Par contre, la question subsidiaire mentionne plus haut, elle, du point mtaphysique, a un sens profond. de vue En effet, toutes les sciences, mais aussi toutes les religions et toutes spirituelles et philosophiques, ont, quelques rares exceptions prs, les coles souvent postul, implicitement, voire inconsciemment, que la loi de Dieu est immuable, absolue, ternelle, universelle. Bref, Dieu serait platonicien ! dit, la Loi serait antrieure au monde, elle serait une Ide Autrement dfinitive, qui se ralise peu peu, tant bien que mal (sans trop de jeu de absolue, dans mots)le monde rel. Dieu serait donc idaliste. Lalternative cette loi absolue, fondatrice, originelle et immuable, modle totalement organique de ltre dont Dieu est la face inconnue serait un personnelle : tre en devenir, tendu en chaque lieu et chaque et finalit vers une instant,(pas forcment absolue, fondatrice, originelle et immuable) et chaque pas inventant le chemin qui lui permettra de latteindre. La(les) loi(s) ne alors que serai(en)t lexpression locale et temporaire de lune ou lautre solution efficace au problme de latteinte de la finalit, dans telle ou telle habituelle et typique. circonstance Les lois ne seraient alors plus quune des panoplies de la bote outils pour faonner ltre et le rapprocher de sa forme finale. Cette bote de Dieu peu peu, au outils se cre fur et mesure des inventions, des trouvailles, des essaishasards (pourquoi pas ?) du chantier du erreurs, des monde. Et parce que Dieu est paresseux, quIl a ses habitudes, et qu semblable, Il rpond par des solutions (des outils) semblables, lhomme a problme possibilit de les exprimer sous forme de rgularits et de lois eu la mathmatiques. Mais, fondamentalement, Dieu est essentiellement et continuellement (crateur), inventif, artiste comme est artiste ce peintre qui, avant que cratif toile, a une ide plus ou moins prcise de ce quil voudrait raliser, mais dentamer sa rinvente son projet chaque coup de pinceau, en fonction des effets, qui difficults, des maladresses, des heureux hasards qui mergent au fur et des sa cration. mesure de Au Dieu mathmaticien rpond alors un Dieu artiste !

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Et rien nempche, comme parmi les hommes, que des critiques dart (les physiciens) dcortiquent et analysent luvre de Dieu jusqu lui rationnels structures et trouver des des modles gomtriques, numriques, mathmatiques. Et rien nempche que le Dieu artiste soit, Lui aussi, sensible mathmatique, et que les mathmatiques fassent, elles aussi, partie de lesthtique outils. sa bote Nous voil ramens un tout autre Si Dieu est problme. un artiste comme ltaient les btisseurs de cathdrales, genre darchitecte est-il ? alors, quel Est-il plus ingnieur quartiste, fru de calculs et de plans dtaills, et parfaitement scrupuleusement dessins ? Est-il de ces architectes un peu bohmes qui ne tracent que quelques ouesquisses main leve, et qui laisse aux maons du chantier, le soin de croquis inventer leur guise sur le tout tas ? de ces matres duvre gniaux qui improvisent au contact des Est-il dersistances qui construisent un dialogue cratif avec leur la pierre, et uvre ? Dieu, par dfinition, parce que je Le nomme ainsi, est larchitecte du Cest vident. monde. Et la question qui se pose est celle-ci : quel genre Ingnieur, cest--dire idaliste et trs darchitecte est-Il ? Artiste, cest--dire thr et absent directif ? Matre, cest--dire improvisateur et ? Est-il gnial ou incomptent ? inventif ? Est-il raisonnable ou fou ?

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LES STRATES DE LHOMME(30 mai 1996)

Le dveloppement intrieur de lhomme, de chaque homme, nest pas processus continu et linaire. un Tant le cur (la sensibilit) que lesprit (lintellect) et lme (la dveloppent par niveaux quantiques, cest--dire par saut dune strate spiritualit) se dans un processus discontinu et non la suivante, linaire.lespace entre deux strates, comme entre deux couches Dans latome, il ny dans Le dveloppement intrieur de chaque homme est dlectrons a rien. succession de sauts dune couche infrieure une couche une suprieure. Dans lespace de lme spirituelle, comme dans celui du cur sensible, processus par sauts successifs se nomme en gnral initiation ; ce respectivement spirituelle et initiation esthtique. Dans lespace de lintellect, aussi, finalement. Car on parle bien mathmatiques ou la physique dinitiation aux quantique. Ces initiations impliquent laccs successif des niveaux de langage, de comprhension, de connaissance suprieurs qui font entrer, structuration, de saut, dans chaque un espace radicalement diffrent, radicalement hermtique qui sont rests aux tages tous ceux infrieurs. fondement incontournable de lingalit foncire des hommes L nat le lincommunicabilit entre eux. et de Il ny a pas de solution de continuit entre les diffrents niveaux de spirituelle, intellectuelle ou connaissance esthtique. Les ruptures nettes et franches qui sparent les diverses couches la successives de fragmentent lhumanit en communauts informelles connaissance, de femmes de dhommes et mme niveau, enferms ensemble dans leur couche , tous ceux de incompris des niveaux infrieurs et ne comprenant rien ceux des suprieurs. niveaux Toute vulgarisation est une tentative hroque pour reformuler une deconnaissance niveau suprieur dans le langage dun niveau infrieur. Toute forcment une trahison, quelque ncessaire et sublime vulgarisation est soit-elle. Lexemple de la physique thorique est assez parlant, et peut tre immdiatement aux autres espaces de la transpos connaissance. offre une vritable vision du monde, passionnante, Cette science immense, lgante, intrigante. Mais pour y pntrer avec fruit, de vivante, tapes conceptuelles, structurelles et mathmatiques sont impratives. nombreuses connaissance ne soffre dans toute sa splendeur qu un tout petit Cette qui les ont patiemment franchies tout au long dtudes ardues et nombre dlus laborieuses.

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Einstein et Bohr, pour ne citer quun exemple fameux, ont discut entre pendant prs de vingt ou trente ans quant linterprtation conceptuelle, eux structurelle et philosophique donner lquation de Schrdinger. de pouvoir esprer comprendre ne serait-ce que lobjet de Mais avant discussion, il faut tre capable de lire ladite quation. Or elle fait appel cette formalisme mathmatique dquation aux drives partielles qui nest un qu des universitaires ingnieurs, mathmaticiens ou physiciens, soit abordable individu sur peut-tre undix milles qui a franchi pas pas les multiples sauts de de structuration connaissance et mentale qui spare lhomme de la rue de ces sommets Cet individu-l scientifiques. a rompu davec lhomme de la rue : il ne parle plus le Il ne peut plus partager ses proccupations avec lui. Il lui est devenu mme langage. lorsque cet tranger. Ethomme de la rue, avec la certitude des imbciles ou la ignorants, se navet des pique dexprimer une opinion sur ces matires qui le infiniment, dpassent notre initi demeure muet, abasourdi, effondr devant le vanit de la ridicule etce discours, mesurant toute la distance immense quil faudrait franchir lui faire pour, peut-tre, esprer lui faire prendre conscience des profre avec fatuit. normits quil Dans tout domaine, il en va de Celui de mme. lintellect, des ides, des thories, des Celui de modles.la sensibilit, des arts, de lesthtique, des Celui de la motions. spiritualit, de la foi, du rite, du symbole, de la Et lessentiel, ici, est de bien comprendre clairement que, du fait du tradition. quantique et discontinu des dveloppements intrieurs, la fragmentation caractre lhumanit en niveaux hirarchiss nettement et radicalement spars de autres, des les uns est incontournable. Le symbole de lchelle de Jacob sied merveille ce phnomne : chelon correspond une hauteur de vue et donc une vision concevables chaque par ceux qui seulement ont su monter jusquel.Et la distance entre deux chelons successifs est grande ! Leffort de est norme, et de plus en plus norme au fur et mesure de la lascension monte. Beaucoup sarrtent en cours de route et abandonnent lescalade pour l demeurer pu arriver. Beaucoup, aprs un temps, commencent dailleurs o ils ont redescendre en se laissant glisser vers le bas, par paresse, par vieillesse, dsintrt. par Que lon comprenne bien deux La premire est que la monte sur lchelle des connaissances, na choses. rigoureusement rien voir avec laccumulation de savoir ou druditions. est que cette monte ne confre aucun pouvoir ou droit ou La seconde Au contraire, plus que probablement : elle implique plus de devoirs, plus privilge. dexigences, plus dexemplarits. Plus de solitude, srement.

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POUR EN FINIR AVEC LATHEISME ET LAGNOSTICISME (9 juin 1996) Lathisme et lagnosticisme, en tant que, respectivement, scepticisme indiffrence spirituels, sont probablement aussi vieux que ou lhomme. tant que systmes de pense, en tant que thories ou que Mais en ilscosmologies, sont tous deux enfants de la Renaissance, et ont atteint leur maturit XVIIIe sicle la fin du et pendant le XIXe ; ils sont largement en dclin depuis les de ce sicle. annes 60 Lathisme est une foi potentiellement dogmatique comme toutes les Dire fois. autres Je ne crois pas en lexistence de Dieu est un acte de foi qui dogme lorsquil est affirm : Dieu nexiste devient pas ! . Je ne crois pas que Dieu existe est logiquement et Dire identique laffirmation : Je crois que Dieu nexiste pas , qui est bien rigoureusement commenant, comme il se doit, par Je un Credo crois... . philosophes comme tous les logiciens ou tous les scientifiques, Tous les que soit leur spiritualit propre, reconnaissent dsormais cette vidence quelle linexistence de Dieu est une proposition aussi indmontrable que Son que existence. lagnosticisme qui dit Je ne sais pas , il ne dit rien. Puisque Quant indmontrable, personne ne sait ! Ainsi, bien logiquement, ou bien tout le Dieu est athes monde,comme croyants, est agnostique, ou bien lagnosticisme est un permettant flacon vide de fuir la question de la transcendance. Lagnosticisme est absurdit, soit donc soit une une lchet. Car cest autour de la transcendance que se noue le dbat entre athes croyants. Un peu de recul par rapport la gographie et lhistoire des et permet de religions voir distinctement que le mot Dieu, si charg daffect en chrtien, Occident nest quun mot, une tiquette dont la seule fonction est de mystre le dsigner de la transcendance. Il serait dommage de confondre ce dbat mtaphysique fondamental, lanalyse critique des dviances que les institutions religieuses (et avec lglise Catholique) ont engendres tout au long de leur spcialement histoire. Lathisme est une foi mtaphysique. Lanticlricalisme, le combat dnonciation (toujours lgitime et saine) de toutes les intolrances et de laque, la dogmatismes, de toutes les inquisitions et de tous les endoctrinements ou tous les conversions forcs, nont rien voir avec lathisme. Tous ces absolument compatibles tant avec la foi athe quavec la foi croyante ; ils mouvements sont tous du relventcombat quotidien des hommes de bonne volont pour les Droits lHomme et contre toutes les formes de doppression.

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Il faut donc exorciser lamalgame trop frquent entre ces mouvements et thiques lathisme mtaphysique, et bien voir quil ny a aucune relation de entre effet cause eux. Le nazisme ou le communisme sovitique, par exemple, sont dmonstration a contrario de ceci : quoique mtaphysiquement athes, la parfaite furent les plus ces rgimes oppressifs, les plus dogmatiques, les plus cruels, les plus qui furent intolrantsjamais sur Terre. Il est donc temps de dnoncer les idologiques qui simplifications cloisonnent le monde en deux camps : dun ct les forcment libres penseurs, laques, anticlricaux, dfenseurs des droits athes et lhomme de de gauche, et de lautre, les religieux forcment obscurantistes, bigots, intolrants, infods, oppresseurs et de droite ! Ce discours-l, tout droit venu du XIXe sicle franais na plus aucun a jamais euen sens (sil !). Au niveau de la forme, la question mtaphysique de la transcendance a longtemps (et est encore souvent) affecte par lusage du mot Dieu qui t trs longtemps perverti le sens et la en a porte. Quoiquen disent les militants de lantireligion, il ny a presque plus croire que les croyants croient en un Dieu anthropomorphe, noble et beau queux pour tout de blanc vtu, assis sur son petit nuage et contemplant, avec vieillard, compassion, cest selon, lhumanit mchancet ou souffrante.encore quelques croyants (clercs ou lacs) ignares et primitifs Il existe prennent les images bibliques ou coraniques ou vdiques au pied de la qui pis pour eux. lettre. Tant Ils ne reprsentent pas plus la ralit de la foi ou de spirituel dans lengagement une foi, que le paranoaque de lanticlricalisme ne srieux et le reprsentela cohrence de la dmarche philosophique et mtaphysique connu, comme tout le monde des athes superstitieux ; cela ne signifie athe. Jai lathisme soit une superstition. pas que Ces pralables tant poss, il nous est loisible de revenir la question celle fond :transcendance. de de la En toute gnralit, le problme de la transcendance et, donc de delexistence ou la non-existence de Dieu, revient ceci : croit-on lexistence, au-del lhumain (cest dire du relatif et du contingent), dun ou plusieurs de universels principes (pas forcment statiques) qui donnent tout ce qui est un cohrence dans sens et/ou une lespace et dans le temps ? Si la rponse est non, la foi est athe. Si elle est oui, la foi est Mais il faut croyante. tre cohrent avec ces actes de foi, quels quils soient. Par tre athe signifie aussi dnier tout sens aux recherches thoriques en exemple, en cosmologie, qui visent formuler les lois universelles qui prsident physique et des rpartitions des nergies dans lespace et dans le temps. En effet, ces lvolution prcisment parce quelles sont universelles et absolues, sont totalement lois, suprahumaines (mme si elles sont pniblement formules dans des humains langages comme les mathmatiques) : elles donnent sens et cohrence elles forment ce qui est ; une base de transcendance. Lexistence mme de ces lois typiquement un acte de foi maintes fois analys par les pistmologues est physiciens et cosmologistes eux-mmes, dont Einstein le croyant et et les Bohr lathe.

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Au plein sens des mots, lathisme rcuse autant le thisme religieux participe la plupart des religions occidentales du salut et de la foi en un (auquel personnel), que le disme philosophique (auquel participent, depuis Dieu Newton, le Galile et credo de la physique moderne la recherche de ses lois universelles). unitaires et Plus le temps passe, et moins la science est athe. Le clivage artificiel et entre raison foi, entre science et religion est enfin dpass et dnonc par les eux-mmes. scientifiques La question nest plus de savoir si Dieu existe ou non, mais savoir si bien de Dieu est mathmaticien ou artiste, si Dieu est prsent ou absent rapport lhomme, si Dieu est parfait ou en voie de perfectionnement, si par souffre des souffrances de lhomme ou leur est indiffrent, etc. Bref, le Dieu nest plus problme celui de lexistence de Dieu, mais bien celui de la recherche et connaissabilit de ses attributs. de la Nier lexistence de Dieu, symbole et source de toute transcendance, ipso facto dngation absolue de tout attribut divin quelque rationnel ou implique la soit-il. scientifique Si Dieu nexiste pas, cela signifie, en toute rigueur nexiste aucun absolu , quil daucune sorte, ni thique, ni moral, ni scientifique, ni esthtique, parce dfinition que, par du mot Dieu, celui-ci dsigne symboliquement la source et le tout absolu. centre de Si Dieu nexiste pas, lhomme redevient et reste la seule mesure de avec tout le relativisme, tout le subjectivisme qui cela toute chose, implique. Rien nest universel (pas mme la dclaration universelle des droits lhomme). de Lhomme est dfinitivement et totalement seul, face lui-mme, sans signification, sans esprance, sans communicabilit, prisonnier dune vie coince absurde entre deux nants froids et obscurs, jouet, chaque instant, du (il ne peut mme pas y avoir de ncessit, celle-ci tant transcendante hasard seul par dfinition). lhomme, Cet athisme-l (le seul qui ait un sens srieux et qui soit rigoureux et a bien peu dadeptes. dfendable) Mme les plus acharns de ceux qui se disent athes, ne rejettent ni des lois de la physique, ni luniversalit des principes thiques luniversalit deAbase. quelques malades mentaux, aucun deux nen viendrait part crimes dun Hitler, dun Staline, dun Pol Pot, au nom de la totale justifier les valeurs morales essentielles. relativit des Jen conclus donc que sauf quelques rares exceptions minemment il ny a pas dathe respectables, . Par contre, il existe de trs nombreux humains pour se rclamer de Pourquoi ? lathisme. Les rponses sont nombreuses, et sans beaucoup de corrlations entre elles. Derrire ltiquette athe , on trouve dabord tous ceux que le questionnement indiffre totalement, et qui nprouvent la question de mtaphysique Dieu quaux

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heures des angoisses primaires de la souffrance aigu ou de la peur de Cest dommage pour eux, car, lorsque survient langoisse, rien nest la mort. pour laffronter positivement. prt en eux On trouve ensuite tous ceux qui, par humanisme, dnoncent et condamnent( combien nombreuses) de certaines institutions religieuses, exactions les le pass que dans le prsent. Ceux-l confondent a-thisme et atant dans conspuant religion. Entel Pape ou tel Ayatollah, ils croient parler de Dieu, mais ne en fait que racontent la turpitude humaine o Dieu na rien voir, lhomme tant libre. On trouve aussi tous ceux qui, juste titre, se gaussent des superstitions, des des saint-sulpiceries. Ceux-l sont trop intelligents bondieuseries et en un tel Dieu, model dans le pltre et le carton pte des pour croire primaires. Ceux-l ne anthropomorphismes sont pas forcment athes : ils condamnent toute lgitimit) seulement (en toutes les idoltries. On trouve encore tous les attards du rationalisme et du scientisme militants qui, malheureusement, ont arrt leur progression culturelle, philosophique, intellectuelle et psychologique aux certitudes du XIXe sicle. Ils nont voulu voir pas vu ou que les dcouvertes scientifiques, techniques et culturelles XXe du sicle ont compltement rhabilit, face la triomphante raison sensibilit, dantan, la lintuition, lanalogie, le globalisme, lincertitude, complexit, la symbolique, les ritulies, la crativit, les sentiments, limpermanence, la prsent beaucoup des limites de la raison humaine. Elle nest plus cet etc. On sait universel, capable lui seul de venir bout de tous les maux, de toutes absolu souffrances des hommes. Mme la science la plus mathmatise se les ptrie dactes de foi essentiels (ne serait-ce que celui de ladquation reconnat mathmatique pour traiter de la modlisation de la nature) et de du langage intuitives et dmarches symboliques o la raison na plus rien voir. On pourrait multiplier les exemples de tous ceux-l qui se disent le athes, mais qui sont pas forcment. Ltiquette athe leur est commode pour se placer dans une case lchiquier socioculturel occidental. Surtout en terres de catholicit et de expriment dislam, ils ainsi leur opposition au totalitarisme pass et prsent des hirarchies et institutions clricales qui prtendent reprsenter ces religions. Les protestantismes comprennent mal ce mot athe qui, pour eux, grandpas (hormis nagure aux USA o athe tait souvent devenu na sens de communiste ), peut-tre parce que la dmarche protestante, hors synonyme excs fondamentalistes et vanglistes populaires, est prcisment le quelques libre examen berceau du et de la tolrance religieuse. Le Judasme, quant lui, est toujours aux prises avec les deux dmons lassimilation et du sionisme qui, tous deux, mnent un athisme de par indiffrence, par honte ou rejet de la tradition et de ses apparent plus conviction relle. particularismes, que par

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Ltiquette athe , quoiquen nette rgression aujourdhui, signifiait de gauche parce que les socialismes historiques du XIXe sicle se galement toujours prtendus athes , et que cet athisme-l tait plus une sont presque sociale et verbale lendroit des bourgeois et des clricaux de droite provocation position quune authentiquement mtaphysique. peu tout cela sous ltiquette, mais, on le voit bien, rien On trouve un srieusement mtaphysique au sens clair et srieux de ny est ceTous ces athes nont que peu voir avec lathisme. Il faudrait plutt mot. nommer a-religieux car leur attitude est bien plus culturelle, sociale ou les rellement morale que mtaphysique. Ils confondent presque toujours foi et religion, sous que, alors nos yeux, la spiritualit individuelle de la foi prend de plus en plus le les sur pasinstitutions collectives des religions. Cette confusion tait probablement excusable il y a un petit sicle ; elle dele devient moins chaque jour qui moins en passe. Il est impratif, dans loptique de louverture lautre, et de la respect rciproques, de bien faire, dsormais, la distinction entre trois tolrance et du savoir : niveaux, le niveau mtaphysique de la foi o se place lattitude authentiquement athe, des religions o se situent la-religion voire le niveau sociologique lantireligion, le niveau politique des glises o lon trouve la-clricalisme et lanticlricalisme. Nagure, ces trois niveaux taient confondus sous les tiquettes religion dun ct, et d athisme de lautre. Aujourdhui, cet tronques de plus admissible, amalgame nest parce quil na plus de sens. Un seul exemple : combien de chrtiens se rclamant de la catholicit, pas aujourdhui, condamner, combattre ou ignorer les dlires du Vatican ne voit-on Pape, prcisment au nom de leur foi, de leurs vangiles et de et de son leury a donc moyen dtre croyant sans tre ni religieux, ni clrical ; Il religion. linverse, on voit certain militantisme athe se matrialiser en comme, paranodes institutions et anticlricales, ptries dagressivit, dintolrances, de dogmatismes, qui fanatismes et de ne sont que des fossiles dbiles dun XIXe sicle scientiste compltement rationaliste et dpass. donc, en conclusion, pour que le mot athe reprenne son Je plaide sens de rejet de toute forme de transcendance, et soit purifi de ses seul et vrai dantireligion contresens et danticlricalisme. sont dsormais trangers les uns aux Ces trois concepts autres.

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DE LIMPERMANENCE A LA (28 septembre 1997) PERMANENCE A lorigine des temps, il ny a quun ocan informe et tumultueux conqute deltendue peine dnergie la entrouverte. Cest le royaume de limpermanence Mais, pure. ds cette origine et probablement, avant elle il y a un dsir, projet, une finalit (le projet est datteindre la finalit qui est la un satisfaction du dsir). Cette tlologie sexprime par une tension qui vise dployer temporelle de lnergie en crant de ltendue spatiolordre. le principe de la paresse Cest Ce principe maximale. sexprime successivement comme le principe de la minimale, ou comme celui de loptimisation informationnelle. Il se dcline perturbation deux selon forces antagonistes et complmentaires qui sont la force nguentropique qui organise (qui cre de lordre par la complexit), et la entropique force qui uniformise (qui cre de lordre par luniformit). ce principe et de ces forces sur lnergie informe (inLaction de ci.forme) celleAinsi apparaissent des formes qui contribuent latteinte de la finalit. formes introduisent une certaine permanence phmre au sein de Ces primordiale. limpermanence Plus une certaine classe de formes contribue la finalit, de faon elle est efficace. rptitive, plus Elle devient alors une structure plus ou moins stable laquelle la tendanceaura nature recourir chaque fois que le problme auquel elle rpond seAinsi voit-on merger successivement, les quarks, les nuclons et prsente. atomes stables, les molcules stables, les virus, les unicellulaires, les lectrons, les etc. protozoaires, Chaque tage de cette poupe russe slectionne, parmi la multitude combinaisons possibles des structures de ltage infrieur, les seules des contribuent le structures qui plus efficacement la finalit. Ces combinaisons ne sont pas prdtermines, mais elles sont mesure dans un processus de cration continue o rien nest crit et o inventes au fur et sexprimente, en tous lieux, tout instant, par essais et tout erreurs. Ces structures, puisquelles sont efficaces, se multiplient et deviennent plus la norme quelles sont plus frquentes et donc plus visibles. Elles dautant autour delles, un univers qui leur sera dautant plus favorable induisent, plus nombreuses. quelles y seront

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Elles engendrent, peu peu, leur tour, des structures plus complexes unissent dans des assemblages de plus en plus qui les labors. de ces assemblages, parce quils ont atteint un haut degr de Certains gagnent la capacit sautocomplexit, reproduire. Ainsi, le schma des structures efficaces parvient se perptuer malgr limpermanence des tres qui les portent. ces structures informationnelles auto-perptues qui Ce sont haut niveau de permanence dans ce monde dimpermanence constituent le plus foncire. humain est une telle structure informationnelle semiLADN semi-permanente du simple fait que la molcule dADN varie permanente (on note individu lautre, lgrement dun et quelle volue dans le temps, au fil des mutations gntiques). se passe comme si le principe de paresse maximale Ainsi, tout passage de limpermanence matrielle et nergtique, vers lmergence impliquait un certaine permanence structurelle et dune informationnelle. Passage du chaos naturel et matriel, lordre culturel et immatriel (informationnel). Mais lmergence de ces structures efficaces, induit son tour, dattracteurs tranges dans lespace des phases de lunivers. Et, leur lapparition attracteurs tour, ces (qui expriment formellement lexistence et lefficacit de ces abstraites) structures structurent le temps et lhistoire, et induisent des leur sont compatibles comportements qui ou utiles : ce sont les lois de la nature. tout se passe comme si la finalit, par tension tlologique, Ainsi, lmergence de structures qui, en se rpandant et en se multipliant, induisait univers qui est de plus en plus favorable leur induisent un perptuation. La prolifration des structures efficaces appauvrit le champ des possibles, en induisant des lois et des processus de structuration de plus combinatoires strotyps (donc efficaces, complexes et en plus permanents). Cette prolifration et ces processus de structuration correspondent dveloppements fractals, dont les structures lmentaires constituent les des les motifs. germes ou Le modle de la poupe russe, dj voqu, symbolise bien le homothtique propre cette logique processus fractale. La notion de bifurcation sclaire aussi assez bien la lumire de ces considrations. En effet, prenons les nuclons. Par combinatoire, ils engendrent, parmi delinfinit cocktails nuclaires possibles, de lordre de deux cents isotopes dans le tableau stables classs priodique de Mendeleev. isotopes, un bon nombre sont chimiquement peu fconds, Parmi ces striles. Mais certains dentre eux seront chimiquement trs actifs et voire leurs proprits au sein dun univers chimique qui leur sera propre ; par dclineront carbone sera exemple, le le germe de toute la chimie organique terrestre, do tres vivants. sortiront tous les Une telle dclinaison spcifique est une bifurcation ; de mme, dans le vivant, la bifurcation cellulosique a engendr, dun ct, tout lunivers monde lautre, et de vgtal,tout le monde animal qui, lui-mme, a connu dimportantes bifurcations

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successives qui ont donn lieu des univers parallles, par exemple celui insectes par rapport celui des animaux squelettes des internes. Ainsi, lorsque certains cosmologistes stonnent aujourdhui, que les cosmologiques sont idalement celles qui sont ncessaires la possibilit constantes lunivers, de la vie et de lhomme, ils pchent par idalisme platonicien. de postulent implicitement que lunivers rpond des ides pures ternelles En effet, ils prexistantes tout, prcisment ces fameuses constantes et cosmologiques. linverse qui est vrai : ce sont les structures lmentaires Cest pourtant mergeant du chaos initial qui, peu peu, en prolifrant, ont induit un leur est de plus en plus favorable. univers que Les constantes cosmologiques ne sont que des consquences dun cration et dinvention continu, qui, plus le temps passe, converge vers processus de structuration une mga- universelle, de plus en plus ordonne, dont les constantes cosmologiques ne sont que les reflets dans le cerveau des physiciens. pas des sont Elles ne a-priori, ni des causes. Il ny a pas dide pure, prexistante et Il ny a ni ternelle. plan, ni loi, ni norme Il ny a quun dsir, une tension tlologique qui induit des milliards de prtablis. dinventions et de tentatives de forme, dont certaines russissent et qui, milliards quelles parce russissent, induisent une force structurante dans leur univers rendre le leur afin de plus favorable. Il y a, en somme, un processus dialectique non dterministe, entre la les formes quelle induit. finalit et Plus les formes inventes sont efficaces envers la finalit, plus elles processus universel leur tre plus favorable. Ainsi les lois et leurs influencent le cosmologiques naissent des formes quinduit la constantes finalit.signifie aussi que les lois de la nature sont dautant plus Cela permanentes quelles sappliquent des formes archaques et universelles et quelles deviennent dautant plus spcifiques et fluctuantes quelles lmentaires, et superstructures complexes sadressent des mergentes. Plus on monte dans lchelle de la complexit, moins les lois (cest-modalits de structuration et de dveloppement fractal) sont dire les stabilises : premirement, puisque ces niveaux-l de complexit sont de loin les plus rcents, qui leur correspondent, doivent encore largement tre les lois mises au et inventespoint, deuximement, par effet combinatoire li prcisment ce haut niveau decomplexit, le nombre de bifurcations potentielles crot chaque bifurcation exponentiellement,entranant avec elle tout un univers de possibles selon des modalits chaque fois diffrentes et dveloppements Dieu nest inventer. pas un ingnieur qui trace, avec prcision les plans de son les raliser ensuite avec projet, pour minutie. un artiste qui a rv de crer un monde rpondant Son dsir, Dieu est improvise son uvre au fur et mesure des satisfactions que le hasard et qui lui Son gnie ou apportent.

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Dieu nest pas platonicien ! Dieu est expressionniste.

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HOLISME ET MONISME :REGARD ONTOLOGIQUE

(3 octobre 1997)

Toute la philosophie depuis Platon, toute la science depuis Dmocrite, la bref toute connaissance occidentale depuis le miracle grec est une multiple, du diffrenti. connaissance du Toute cette connaissance se fonde sur la sparation essentielle entre le observequi pense, et les objets qui sont perus dans leur apparence et sujet et leur essence. penss dans La philosophie classique demande : quelle est lessence dune table aulapparence des tables que je del de regarde question na doublement aucun Cette ? Dabord, il ny a pas dessence table , il ny a que des tables relles, sens. diffrentes dans leur forme, leur substance et leur toutes fonction. Par contre, il y a un mot table qui nest quun mot (donc une artificielle) invent par des hommes pour dsigner une classe dobjets convention une dfinition rpondant arbitraire base sur quelques proprits communes que possder les sont censes membres de cette classe la diffrence de tous les autres dfinition objets ; dailleurs assez imprcise comme le dmontre aisment comparative des diffrents dictionnaires dans les diverses langues lanalyse humaines. lobjet table nexiste pas en lui-mme. Cest le regard de Ensuite, travers de ses fentres de perception, partiales et partielles, qui cre, lhomme, au limage dun objet spar auquel on collera ltiquette table . artificiellement, fentre, changeons dchelle, changeons dinstrument dobservation, et Changeons de en tant quobjet, disparat, purement et simplement. Ce que lhomme la table , table-ci nest appelle cette quune reprsentation mentale, induite par ses sens et imperfections ; cette reprsentation mentale nest quune image leurs amas particulier subjective dun dnergie plus ou moins organis, que ses sens et ses didentification formelle et conceptuelle ont arbitrairement spar du processus lunivers. reste de Cette sparation objectale na absolument rien dobjectif. Elle que les ralits fonctionnelles des sens et du cerveau de nexprime lhomme. table nest que le rsultat de la lecture subjective, partiale et Ainsi, la dun phnomne local, arbitrairement slectionn par les sens humains. partielle, aucun noumne. Elle na La question classique de la philosophie classique na donc plus de sens que lon se place dans une vision holiste et moniste de ds lors ltre.

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Mais, si les objets nexistent pas en eux-mmes, mais ne images purement humaines de vagues sur locan de lun, toute constituent que des conceptuelle perd tout sens, toute physique objectale est mtaphysique absurde. Que peut-on dire de labsolument un qui soit autre chose que : il est labsolument un ? Est-ce la fin de toute philosophie et de toute La rponse science ? est doublement non. Dabord, parce quune philosophie et une science purement ont parfaitement un sens, ds lors quelles se savent telles et quelles phnomnologiques toute prtention parler de lessence des choses ou de abandonnent ltre. philosophie et cette science ne parlent plus que des Cette humaines des phnomnes observs, et des relations exprimentales ou reprsentations entre ces reprsentations : elles refltent donc exclusivement le thoriques linfluence des mcanismes psychosensitifs de lhomme, sans navoir rien fonctionnement et sur les phnomnes eux-mmes, ni, surtout, sur leurs causes et dire ni origines. parce quune approche strictement phnomnologique Ensuite, nullement une rflexion ontologique et mtaphysique sur ltre en luininterdit pourvu mme, quelle lui soit distincte, sans confusion des genres. rflexion ne pourra jamais prtendre quelque vrit absolue Cette mais pourra formuler des hypothses et modles jouissant de quelque que ce soit, vraisemblance. Cette vraisemblance sera induite de la confrontation avec rsultats de la philosophie et de la science purement phnomnologique les question plus haut. donc Il y a donc une dmarche dialectique entre lapproche perceptions et des reprsentations humaines, et lapproche ontologique phnomnologique des que le reflet de fantasmes mystiques dnus de caractres et critres de qui nest intrinsque. vrit Cette approche ontologique est, en fait, un norme effort de synthse, hypothtique, rassemblant dans un modle conceptuel compact, le plus purement faits et de reprsentations possible de phnomnologiques.centre de lontologie holiste et Penser lUn est au Et cette moniste.pense ne porte que sur un nombre extrmement restreint de LUn tant questions. Un, il ne peut tre divers ou multiple dans aucune de ses Il ny a donc quune substance unique, dveloppant, dans un espace dimensions. forme unique unique, une (mme si cette forme varie de point en point), et, dans un unique, temps un histoire unique (mme si cette histoire varie dinstant enLe nombre des questions qui pourrait encore subsister, se restreint de instant). pas : en pas Quelle est la nature de la substance de Quelle ltre ? est la structure de la forme de ltre dans Quelle est lespace ? la structure de lhistoire de ltre dans le Mme ? temps les questions sur lespace et le temps nont plus de sens, ds dfinit, arbitrairement, lespace comme le lieu (rel ou imaginaire) de la lors que lon temps et le forme, comme le lieu (rel ou imaginaire de lhistoire).

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La question de la nature de la substance de ltre, elle non plus, na puisque cette substance tant unique, elle est ce quelle est, et ce quelle aucun sens, dfinissable est nest paspuisque incomparable avec quoi que ce soit. avec un pas de plus, ds lors que lon dfinit lhistoire comme la Et, ltre dansde temps, ou la forme comme lhistoire de ltre dans forme le toutes les questions, il nen reste quune lespace, de seule : est la forme de lUn dans son Quelle lieu partir de cette question fondamentale, diverses sous-questions A? dcliner, chaque fois que lon fragmente un concept en souspeuvent se concepts. Par exemple : la forme de lUn est-elle fixe ou variable, prdtermine crative, fruit dun hasard ou dune ncessit, ou etc ? ces sous-questions dcouleront toutes les coles mtaphysiques De Mais ces questions nont pas de sens. Elles ne font que polluer la question classiques. ontologique avec des concepts humains inadquats. Puisque issus de phnomnologique, ces concepts induisent une fragmentation de ltre, lapproche quen restaurant sournoisement la distinction entre objet (ltre, lUn) et ne serait-ce (lhomme qui pense ltre avec ses concepts sujet artificiels). questionnement mtaphysique dclinant la question unique, Ainsi, tout entrer la rflexion dans le domaine de la philosophie et de la science fait phnomnologique. Lontologie holiste doit donc sortir de la prison des concepts et des rejoint lElle proccupation typiquement bouddhiste, notamment dans ides. une Zen et tibtaines, qui placent lveil au-del de tout concept et de toute ses coles plnitude la ide, dansde linstant totalement vcu, en communion avec lUn absolu. Lontologie holiste ne pourra-t-elle donc qutre non conceptuelle (voire anticonceptuelle) et mystique ? Puisque lontologie holiste implique labolition de lobjet (de tout objet), implique aussi labolition du sujet (de tout elle sujet). implique donc labolition du Moi (de tout Elle Et, donc, ce nest pas moi qui pense lUn, cest lUn qui me pense ici et Moi). maintenant. Je ne suis quune partie locale et phmre de la forme de maintenant. lUn, ici et L est le point dentre dans lontologie Dans labolition du Moi. holiste. Dans lidentification de tout avec lUn (le monisme holiste est un Mais lUn est plus que le Tout, puisquil pense tout, notamment panenthisme). enLUn est forme et il est substance : il est substance in-forme. Et cette moi. information (linformation dcrit une forme). Et la transformation (tant forme est lespace que dans le temps) de linformation tant pense, lUn est dans est pense : il substance etil est substance pense.essentiel de bien comprendre quil ne peut sagir, ici, de Il est dsastreuse dichotomie matire/esprit due Platon et qui a empoisonn reconduire la trop philosophie occidentale pendant deux millnaires et toute la demi. est substance-pense et non pas substance et Ltre pense.

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Il est tout la fois substance pensante et pense Mieux, il rifiante.ny a plus de distinction possible entre substance et pense, substance dsinforme, donc sans forme mme chaotique, est identique car une au vide et En effet, sans forme, la substance serait absolument uniforme, nant. plate , sans la moindre variation : cest bien la dfinition prcise du totalement pas (qui nest videla vacuit). Ainsi, ce qui est, est forme, donc information, donc pense. Ltre est LUn est pense. Mais une pense en voie de ralisation, de pense. substantification.juifs et les kabbalistes parleraient de Parole Les mystiques Les spirituels chrtiens diraient quil est un Verbe en voie cratrice. Et si ltre est dincarnation. un verbe, une pense, une forme, une parole, alors question ontologique devient : lunique Que pense lUn ? Or, toute pense tant un effort de rponse un questionnement, problme ontologique devient : lunique Quelle est la Question que se pose Quelle lUn ? est la Question ? Sa pense tant la recherche de la rponse sa Question, et le monde qui le peuplent, tant les lments vivants de cette rponse en marche, et les tres cette question, cest connatre tout lUn, et cest atteindre la connatre connaissance absolue. ces lignes, nest que de lUn en train de penser, Or, celui qui pense par maintenant. Donc, au-del de mon ego, cest lUn qui pense par moi, en ici et travers moi, au de cette illusion quest mon moi. Donc la Question se pose en moi, puisque jen suis un lment de luvre. rponse Aussi pour connatre la Question, me suffit-il de lcouter se poser dcouter la pense penser en en moi, et moi. voie de la connaissance ontologique est donc la mditation, au sens La du terme, au-del de tout concept et de toute projection et de toute oriental reprsentation. couter la Question qui se pose Il faut apprendre Non pas mes questions,la Question. en moi. mais Celle qui justifie mon existence pour peu que jen devienne un lment rponse... (et l nat toute la rflexion thique et de sotriologique). couter la Question qui se pose en coute, Isral... moi. Le bruit du chaos, le silence du vide et la musique des systmes autant de bribes de rponse. Et cette rponse est en marche, en cours organiss sont Elle est une cration continue dune uvre dart, dun pome cosmique dlaboration. pour lui-mme. de lUn Il faut couter cette cration Il faut entendre la question laquelle cette cration luvre. Il faut couter et entendre au fond de mon silence rpond. Question, intrieur. est-il dit...

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La Question ontologique essentielle et unique et centrale, origine et fin connaissance. de toute Mais la pense nest pas que discursive. Le mot question renvoie la intellectuelle et rationnelle qui nest pas toute la pense ; la pense est pense potique et symbolique, mystique et aussi extatique. Le mot Question est ds lors trop restrictif. Il faut plutt parler de ce detitillement le fait perptuellement sortir de son quilibre statique pour ltre qui tomber le faire dans le mouvement, comme la marche qui nest marche et dans le dsquilibre voulu et avancement que contrle.donc exprimer lorigine et la source de la force cratrice de ltre Il faut mot plus large et plus gnral que Question. Ce mot est dans un Dsir. la question nexprime rien de plus quun dsir de vrai, mais il est Car dautres dsirs possibles que celui du bien vrai. est le dsir de lUn ? Quel Voil reformule, dans sa plus grande gnralit, la question En abandonnant le mot Question au profit de Dsir, la question ontologique unique. base a gagn en gnralit, donc en non ontologique de conceptualit. ds lors : Elle devient Quel est le dsir de ce qui lUn ? implique que : Il faut apprendre couter le Dsir qui dsire par moi et dont je suis le vhicule . linstrument, loutil et Et puisque Dsir il y a, il y a concomitamment volont de satisfaire ce LUn est donc dot de volont, car si tel ntait pas le cas, le monde qui dsir. au rponse est dsir, ne saurait tre. Le monde est donc le fruit de la volont deCette volont aussi scoute et sexprime en lUn. Ma volont est son reflet dautant plus dform et perverti que lcoute moi. ouest faible inexistante. Et lexpression la plus efficiente de cette volont recourt la notion Puisquil y de finalit. a dsir et question, puisquil y a volont de satisfaire ce rpondre cette question, il est ais dadmettre que la finalit de ltre dsir et de satisfaction et cette rponse. est cette Cette formulation finaliste permet dchapper aux classiques dterministes qui partent de la source (le dsir et la volont de la expressions tracent de l satisfaire) et le chemin quelles croient unique, alors que rien ne permet lUn la libert de crer et dinventer tous les chemins possibles dinterdire tout moment. devrait-il tre rduit une machine horlogre, alors que Pourquoi lUn est en lui, qui est lui, a lexprience de la crativit et de la le moi qui libert parviens tre libre et cratif, cest que lui, qui sexprime par moi, Si je ? videmment aussi. lest Si la vague possde certaines proprits ou potentiels, combien plus locan dont elle nest quun les possde piphnomne. est manifestement limite. Mon libre arbitre nest Mais ma libert triompher que de certaines contraintes, mais non de capable de toutes.

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Quen est-il de la libert de lUn ? Ma crativit quelque fconde soit-elle, nest certes pas infinie, et il est problmes dont elle ne se sort bien des pas. Quen est-il de la crativit de Ainsi, lUn ? quelque inconnu et inconnaissable soit lUn, il appert quil connat et un volont de le satisfaire, que cela induit une finalit ltre, et que le la dsir cette plnitude (lautre mot pour totale satisfaction du dsir originel ) chemin de construit la fois sur de la libert cratrice et sur des contraintes soit le dsir serait immdiatement satisfait et lUn naurait nul inertielles (sinon, besoin dtre). Il est assez facile didentifier les notions de contrainte inertielle et substance , car la seule proprit immdiatement connaissable de la de prcisment son potentiel de rsistance au mouvement et la substance est transformation. bien quil est possible de dcliner toute une ontologie Bref, on sent spcifiquement holiste et moniste, en concdant peu la dialectique classique. conceptuelle Il faudra nanmoins, chaque pas, se mfier des concepts utiliss : question, dsir, volont, libert, crativit, inertie, immanquablement finalit, etc. fois, la mtaphysique holiste ne peut rellement Encore une del de tout concept, dans lcoute intrieure immdiate du dsir et de la spanouir quaunous gouverne, nous justifie et nous finalit qui valorise. Cependant, il est encore un aspect qui peut tre mdit : lUn est en enmouvement, transformation, en mtamorphose, pouss par son Dsir vers sa la satisfaction finalit qui est de ce dsir ; cest donc que lUn nest pas satisfait de son et cette insatisfaction traduit son Dsir et sexprime dans la souffrance tre actuel, que lhomme de son tre subit et observe et nomme le Mal (encore un concept. mais quun mot, qui nest une dfinition, une tiquette neutre qui exprime, comme en concept central de Dsir). ngatif, le Mais le problme nest pas l pour lheure. Le problme est celui de que lUn en mouvement ne peut dsirer que deuxatteindre un tat dtre comprendre autre : chosesrester en perptuel ou . Atteindre un tat dtre Devenir signifie que la pense de lUn a conu un projet pour finalit de se construire avec dautres attributs, plus ou moins autre qui a ou moins plus prdfini, fix. LUn, ds lors, se comporte selon le mode idaliste :le projet revient ralisation de lide de perfection quil sest lui-mme la assigne. un ingnieur. LUn est Rester dans un perptuel signifie que le dsir est celui de la perptuelle jouissance du mouvement qui est cration pour la cration, devenir joie de linvention, de lexprimentation, de la mtamorphose pour la crativit pure. Ici, lUn se comporte selon le mode existentialiste : il volue sans autre que de jouir du plaisir de se crer, de plus en plus divers, de plus en plus projet de plus en complexe, plus joyeux. LUn est ici un artiste.

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Et rien nempche de penser que ces deux modes peuvent trs bien seinteragir, etlun lautre, au fil des transformations. Cest cela substituer la Dans les deux cas, le Mal, qui est lexpression de linsatisfaction et de la libert. souffrance de lUn, sexprime bien clairement : pour lingnieur, il est linachvement de luvre, pour lartiste, il est les rats dans luvre. Distance davec la perfection, dans les deux Perfection projete dans le premier cas, perfection vcue dans le cas... La dialectique possible entre les deux modes dvolution de lUn, induit second. richesse inoue dans les hypothses faire pour approcher de lUn et une comprendre tenter de le un peu. A la fois rationnel et idaliste (ingnieur), et fantasque et existentialiste lUn ouvre tous les chemins possibles, tout en offrant une comprhension (artiste), claire de simple etlexistence du Mal dans ltre : son imperfection qui est sa qui se rpercute au travers de tous les tres qui peuplent son tre, et qui souffrance, et de sa souffrance. souffrent Mais comment limperfection est-elle possible au sein mme de ltre absolu ? Un Cest prcisment sur ce point que lholisme moniste se dtache religions et thologies classiques o Dieu est un tre idal et parfait, hors totalement des monde, pur esprit, pure perfection acheve, nayant aucun besoin ni dsir du (pourquoi donc a-t-il cr ce monde dimperfections et de douleurs, alors ?). LUn nest pas Dieu. Dieu est un concept dhomme, invent par lhomme, pour y fonder une esprance : lesprance dun salut loin de ce monde de larmes et de souffrances. se sait imparfait. Il nest pas cet tre idal et parfait, LUn est et vivant ! puisquil est La vie est, par essence, mouvement, transformation, volution, Tout mouvement mtamorphose. implique un tat ou un lieu que lon dsire quitter, tat ou un lieu que lon dsire et/ou atteindre. Ces dsirs expriment forcment une insatisfaction, donc un manque, non-plnitude, donc une imperfection. donc une Lholisme moniste ne peut donc pas rencontrer les thologies thistes LUn nest classiques.pas un dieu parfait. LUn est labsolu unique qui contient tous tres et tous les dieux quils les sinventent. des religions et des mythologies relvent de lapproche Les dieux phnomnologique. Seuls les mystiques de toutes les religions qui ont su se hisser audieux phnomnologiques, sont sur le chemin de lUn. Leurs crits et dessus de ces tmoignages dmontrent, depuis toujours, la totale convergence de leurs croyances toutes les philosophiques et religieuses, ds quelles se dbarrassent de carcans phnomnologiques issus de la nature culturelle et cultuelle de leurs de peuple, tel telle langue, de telle culture, etc. Quen est-il, ds lors de La souffrance lesprance ? est-elle inluctable et le salut impossible ?

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Y a-t-il place pour une sotriologie dans le cadre holiste et Mais de ? moniste quelle sotriologie doit-il sagir Sil ? sagit dun salut individuel, il faut se rappeler que le Moi lui-mme, pas en une vague changeante et fluctuante la surface de nexiste quil est lUn. Le locan desalut dune vague, dune forme, dun piphnomne na Pourquoi vouloir sauver quelque chose qui nexiste pas en aucun sens. lui-mme ? par contre, dun salut global, le problme est tout autre et Sil sagit, minemment vident. Comme je suis partie intgrante de lUn, comme je que par ne suis lui, le salut dont il sagit, ne peut tre que son salut auquel je puisquil participe ny a de moi quen lui. Or son salut nest rien dautre que la ralisation de son dsir, donc delradication de toute tout mal et souffrance. Mon salut revient donc seulement assumer ma raison dtre une forme, une vague vivante la surface de locan vivant, nayant qui est dtre que de finalit dautre servir son Dsir, son projet, sa finalit, donc sa perfection. Toute limite, tant dans lespace que dans le temps, que lhomme se mme et lui-choses, relve purement de lapproche phnomnologique donne aux que trahir et ne fait les imperfections de ses sens et de son cerveau. de vue ontologique, lUn est un, indiffrenci, continu, ternel Du point o(au sens son existence remplit la totalit de la dure, et donc du temps, que infini ou non). celui-ci soit Ainsi le moi nexiste quen tant qupiphnomne. Ou plutt, cest lUn seul qui existe en moi ici et maintenant. Donc je participe de son et lui son indiffrenciation, de sa continuit et de son unit, de ternit.la mort est-elle radicalement un faux problme, et, par suite, sont Ainsi, deautant faux problmes ceux dau-del, de rcompenses ou punitions, lme individuelle, dimmortalit de de rsurrection des morts, du paradis et de lenfer, etc. de rincarnation, prise en son sens le plus symbolique de Seule lide decontinuit la vie au-del des avatars piphnomnaux, pourrait avoir quelque ide est dailleurs bien prsente dans les trois mystiques monistes Cette sens. originelles quelles soient juive, hindoue ou chinoise. Rptons-le, il ny a de moi que dans lUn !

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DE LA DIALECTIQUE DE LTRE ET DU (6 dcembre 1997) DESIR Tout mouvement, tout changement, toute mutation, toute ncessite indispensablement une transformation dualit. En effet, qui dit mouvement dit tension entre deux ples distincts par au moins une de leurs caractristiques. Il ny a l rien de ncessairement lapplication du principe central de toute mcanique, de toute plus que thermodynamique. classique avait tabli une dualit qui a t lourde de La pense grecque consquences sur toute la pense occidentale : celle de lesprit et de la Lesprit subtil, immatriel et pur est lantithse de la matire pesante, matire. vile. Leur interaction induit tous les comportements humains, bons sils inerte et lme contre la matire, mauvais sils polluent lme par la favorisent matire.dualit-l a induit toutes les formes Cette Notamment lidalisme chrtien qui a fait de ce monde essentiellement didalismes. le matriel lieu du mal en face dun au-del, lieu divin et totalement spirituel, donc immatriel, lieu de perfection et de dlices ternelles. Cette partition occidentale est essentiellement spatiale. Elle dcoupe deux espaces distincts, mais contemporains : lespace de ce bas monde ltre en celui est , quide la matire, du mal et de la souffrance, et lespace du monde de qui est celui lau-del de lesprit, du bien et de la batitude. mondes communiquent et interfrent entre eux, ils ont des Ces deux contact : de points ainsi, lme individuelle, immatrielle et ternelle de lhomme, participant en tant quepar nature du monde spirituel, est incarne dans un corps impur qui matriel lemprisonnera jusqu la bienfaisante libration de la Cela induit, naturellement une haine de la matire en gnral, et du mort. immonde en particulier, spcialement dans ses aspects les plus corps la chair . jouissifs, ceux de Le pch nest ds lors rien de plus que la pollution de la puret lme par limmonde matrialit sous quelque forme spirituelle de quelle dtonnant, ds lors, la schizophrnie dlirante du monde Quoi soit. dchire entre un corps matriel rel quil abhorre et une hypothtique chrtien, spirituelle quil tente en vain dapprhender ? Lomniprsence du pch, me et diable du de la culpabilit est probablement la caractristique la plus forte de la chrtienne, hritire directe de lidalisme grec classique de Platon et culture dAristote. cette partition idaliste est purement spatiale, en ce sens On la dit, juxtapose au cur de lhomme deux mondes distincts, lun matriel et quelle lautre spirituel et pur. immonde,

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La spiritualit orientale, essentiellement juive, explique le mouvement, transformation, la mutation du monde dans une autre dialectique, non la mais temporelle : celle de ltre-Un et de sa plus spatiale, Finalit.a quun seul monde, un seul tre, un seul Il ny Mais cest espace. un monde en devenir qui se dploie dans la dure, depuis la du dsir jusqu sa ralisation. naissance Cette ralisation est le moteur de tout mouvement, de toute toute transformation. mtamorphose, de Cest donc sa finalit qui cre et qui entrane le Au dbut, monde. il y avait le Dsir... Un dsir mystrieux dexplosion. Ltre davant le big-bang matriel tait confin dans le temps pur. Il sortir de cette unidimensionalit. dsira En inventant la substance primordiale qui est lnergie, il inventa le ltendue, donc lespace gomtrique trois dimensions. Et son dsir volume, substance poussa cettestendre et sorganiser dans ce nouvel espace qui nest dploiement, quadri-dimensionnel, du prcdent, que le unidimensionnel. En se complexifiant, la matire atteignit des niveaux dorganisation nouveau big-bang devint possible vers les espaces immatriels de la tels quun linformation. pense, de Cest lhomme qui, sur cette terre, est porteur et moteur de ce second De quatre, big-bang. le nombre de dimensions possibles pour ltre On comprend devient infini. aisment que cette dialectique orientale dbouche autre une tout sur mtaphysique et une tout autre thique que la dialectique occidentale . spatiale de lesprit et de la matire, du pur et du vil, se A la partition une partition temporelle de lEtre Ici-et-Maintenant face sa Finalit qui substitue raliser est de son dsir originel. Delle dcoule une thique de chantier, de une thique ; construction de contribution positive ou ngative la finalit de ltre-Un. A lthique occidentale idaliste du Bien et du Mal absolus et fixes, lis dfinis par la nature intrinsque des deux mondes en prsence dans et orientale oppose ltre, la vision une thique pragmatique et opportuniste obsde de la ralisation du dsir, seule mesure du bien ou du mal qui nont plus aucun seule absolu sens et fixe. Bref, au risque dinterprtations outrancires et caricaturales : la fin (la du Dsir) justifie les moyens (les actes qui y contribuent ralisation positivement). issus de lorganisation de la substance dans lespaceTous les tres participent de et la ralisation de ce dsir, donc de et cette Finalit. temps, sont complexes, plus ils en sont coresponsables dans la mesure o la Plus ces tres la complexit croissance de induit la possibilit de choix non dterministes, donc la Cette Finalit agit sur ltre (et donc sur tous les tres quIl contient) libert. prcisment comme un attracteur trange au sens prcis que donne la chaos ce thorie du concept.

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Ltre-Un et le monde qui en est lexpression, inventent chaque chaque lieu, le meilleur chemin pour se rapprocher de cette finalit instant, en monde se Le cosmique. cre donc continuellement et continment. Les rgularits et les lois que lhomme observe dans le monde ne dedisentque ceci : il existe des chemins privilgis plus efficaces que plus rien cette finalit, dautres vers ce qui nexclut nullement que, dans certains cas, dautres exceptionnels ne puissent tre emprunts ici chemins ouMais, bien videmment, une question centrale demeure : quel est ce l. dsir dont la ralisation constitue la finalit cosmique de ltre, donc de mystrieux est ce qui toutet de toutes les cratures qui y vivent ? Ce dsir est lultime mystre. Il rgit tout ce qui est. Il fonde tout ce qui est. Il juge tout ce qui est. Il moteur et la jauge de tout. est le Quel est-il ? Pour le savoir, deux voies complmentaires traditionnelles souvrent, soffrent nos dchiffrements : celui de la Rvlation et celui de deux livres la Le livre de la Rvlation parle notre intuition, soit directement par les Nature. mditations et les exercices mystiques, soit indirectement par les crits des grands inspirs : Mosh, Mahomet, Lao-Tseu, et les paroles Bouddha, de la Nature parle notre entendement, soit directement par Le livre etc. lobservation, soit indirectement par les crits des scientifiques et ltude et des savants. ces livres et ces efforts Que disent Ils disent dabord quils sont encore loin de comprendre la finalit de aujourdhui ? que certains de ses aspects commencent tre bien ltre, mais perus.sciences et mystiques convergent en ceci que ltre emprunte, en Mais chose, deux voies complmentaires, deux voies qui contribuent toutes toute ralisation deux la du dsir. La premire voie est celle du vide, de Cest la voie luniformit. entropique. La seconde est celle de la vie, de la Cest la voie complexit. nguentropique. Ces deux voies se conjuguent, sinterpntrent, se combinent en pour conduire des processus homostatiques complexes qui chaque tre, chacun, une forme doptimalit entre correspondent, elles.formule de cette optimalit exprime le secret de la nature La Que sait-on de cette formule aujourdhui du Dsir. Pas encore grandchose... ceci prs quelle revient optimaliser une ? densit dinformation. forme, une Il y a derrire tout cela comme un principe esthtique, une recherche et dharmonie de beaut. En outre, ces processus homostatiques induisent des cycles sortes de mouvements spirals qui tourbillonnent dans lespace des enchevtrs, des viennent lillusion dun temps cyclique et le mythe de lternel retour, si phases. De l dans la culture classique. prsents

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Les deux dialectiques en prsence (loccidentale et lorientale) sont rapport un particulier au gnral. dans du La dialectique spatiale occidentale devient un cas particulier de la orientale ds lors quon rduit celle-ci un seul instant de lchelle dialectique deEn effet, sur cet instant prcis, tout ce passe comme si lexpression la dure. hic et nunc, du dsir ou de la finalit de ltre, devenait une exigence particulire, spirituelle donc, hors de ce monde rel immatrielle, imparfait. passe comme si, rduit dans linstant, lattracteur trange flou Tout se chaotique, devenait un impratif fixe et et absolu. En passant de trois dimensions quatre, la mtaphysique et lthique, et didalistes dterministes, deviennent relativistes et cratrices.les gomtries, en passant de trois dimensions quatre, elles Comme non euclidiennes . deviennent Le Temps est cette curieuse dimension qui rintroduit la cration et limpermanence dans le monde. Lidalisme occidental classique est une vision de sdentaire scuritaire, visse lespace et incapable dintgrer la dure, immobiliste et lincertitude, le foisonnement, lvolution, linnovation, linvention limpermanence, permanente.pas un ingnieur mathmaticien ; Dieu est un artiste obsd Dieu nest rve quil prend pour modle. par son Et lartiste ne rpugne pas aux beauts formelles et aux lgances mathmatiques, mais elles ne sont quun parmi ses langages concises des deLidalisme occidental est une vision dingnieur pour qui la vrit et la Beaut. sont graves dans lairain, une fois pour toutes, de toute norme ternit. Le finalisme oriental est une vision dartiste, o tout est inventer tout enle temps, afin de crer la perfection dont il tous lieux, rve. est un rveur ! Dieu

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PISTEMOLOGIE(11 dcembre 1997)

Le rapport de lhomme et du monde sinscrit au travers de trois univers parallles. Le monde en lui-mme, lunivers rel, est le premier de ces univers : il est, hors quil est ce de lhomme, mais en contact permanent avec lui au travers des sens. Le deuxime univers est lunivers image, celui qui est constitu des monde telles que les ont perues les sens et telles que les a enregistres images du Cet univers la mmoire.image est organis et structur au travers de connexions neurophysiologiques complexes. Le dernier univers est lunivers modle qui, au moyen de nouvelles neurophysiologiques, reformule et interprte lunivers image en crant connexions des mots, concepts et des thories. Ces trois univers se nourrissent mutuellement. Lunivers rel fournit des sensations lunivers image. Celui-ci fournit de nouveaux faits ou lunivers relations modle. Mais, linverse, respectivement par le questionnement les rtroactions se font galement. et laction, Cependant, linterface entre lunivers rel et lunivers image (les sens) et est partialfonctionne au travers dune fentre grillage et partiel. Il dformante. Les sens fournissent lunivers image, donc, par suite, lunivers vision de lunivers rel filtre et triture par les mcanismes modle, une qui les sous-tendent. psychophysiologiques Les sens dcoupent la ralit en objets distincts et spars, leurs bandesdu fait de . La mmoire, par souci dconomie, simplement passantes fugace, le tnu, le nenregistre paslinsignifiant, lvanescent ; elle se concentre sur le rcurrent, le stable, le reproductible, le rptitif. De plus, elle ne capte permanent, le informations qui lintressent , cest--dire celles quelle sait que les les mots et par exploitablesles concepts de lunivers modle. Le langage induit le regard. Le regard cre lobjet. Lobjet devient image. Limage devient mot. Cette boucle pistmologique conduit une conclusion essentielle : et lunivers rel lunivers humain (o se dploient les univers image et modle) sont mais disjoints. connexes La vision du monde par lhomme, et le monde en lui-mme, diffrent infiniment.

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Le monde rel en lui-mme est fondamentalement et dfinitivement et inaccessible inconnaissable lhomme. Lhomme invente, littralement, le monde dans sa tte et ne sait pas cetoujours quil invente, est son uvre, et nest pas identique au monde que monde rel. Magritte peignant une pipe a la sagesse de savoir que ceci nest pas mais bien la reprsentation dune pipe. Ainsi des univers image et une pipe , accessibles seuls modle, les lhomme. A ce stade, une conclusion essentielle simpose : la ralit et la des univers distincts et disjoints, tant en nature quen connaissance sont structure. ne peroit et ne comprend de la ralit que ce que lui Lhomme mcanismes neurophysiologiques de son permettent les cerveau. Lhomme est donc ontologiquement condamn une sorte de pistmologique : il vit dans un monde rel mais ne pense que dans un schizophrnie fictif. monde Face cette dchirure pistmologique, les philosophies classiques ont toutes sortes de solutions. invent Lidalisme nia le monde rel. Le rationalisme nia le monde fictif. La phnomnologie tenta le compromis et espra la convergence des deux mondes. asymptotique Cette dichotomie classique entre le sujet (et le monde subjectif, image, et modle) le monde objectif, rel, en soi) sestompe ds lors que lon lobjet (et catgories quitte les artificielles. En effet, il ny a pas, il ny a jamais eu de sujets et dobjets spars. Lobservateur Ltre est Un. et lobserv ne font quun dans lobservation ; cela la quantique, avec Heisenberg, la bien physique redcouvert. lhomme dun ct et le monde de lautre. Lhomme et le Il ny a pas font quun. monde ne Cest parce que son orgueil le pousse se vouloir diffrent et spar que lhomme devient schizophrne, et quil se cre les outils de cette du monde artificielle. sparation Mais cest oublier que le cerveau humain, et donc la pense et les humains ne sont que des mergences collectives de ltre par lesquelles langages mme qui cest Lui- Se pense. Cest oublier que les outils de la pense se sont construits peu peu, plusieurs dizaines de milliers dannes, par essais et erreurs, et que, si les pendant reprsentations cognitives humaines navaient pas atteint un niveau vraisemblance, lhomme naurait tout simplement pas suffisant de survcu. demeure pas moins que le monde subjectif et le monde objectif Il nen pas identiques, mme si, dans la pratique, ils sont ne sont homomorphes. Le renforcement de la qualit de cet homomorphisme est prcisment lobjet de lpistmologie classique et des mthodologies tout scientifiques. Mais le problme fondamental nen demeure pas moins.

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Cette sparation entre le monde rel et sa reprsentation humaine estontologique (donc incontournable) ou mthodologique (donc elle soluble) ? classique dapprhension du monde par lhomme, qui conduit La voie cettedroit tout sparation, est une voie externe : celle des sens et de leurs distorsions neurophysiologiques. limitations et Mais, comme lhomme et le monde ne font quun dans ltre, comme ils que deux mergences du mme tre, comme la distinction entre eux est ne sont illusion purement artificielle, induite par les sens eux-mmes, ne peut-on une une apprhension directe de ltre (et donc de ces diverses concevoir interne, sans plus passer manifestations) par voie par les sens ? Ne peut-on envisager, avec les mystiques de toutes les traditions aperception immdiate et globale de ltre dans son unit, aperception spirituelles, une svanouit, par essence, toute distinction entre sujet et objet, entre o homme, entre moi et a. monde et Si lhomme (comme toute manifestation de ltre dans le monde) est une vague sur locan qui veut connatre locan, alors souvrent lui comme deux voies. Soit il utilise les yeux de son cume pour observer locan de souvient quil soit locan par lextrieur, est il se lintrieur. voies ne sexcluent pas mutuellement, elles sont Ces deux Cependant, linverse de certaines traditions extrmes orientales, complmentaires. hypertrophi la voie externe : celle de lobservation, de lanalyse, de la loccident a conceptualisation. Il en a oubli lautre voie, jusqu latrophie presque complte. De l viennent les difficults pistmologiques et mthodologiques Occident, au dveloppement des sciences systmiques de la complexit lies, en dichotomies artificielles et les dficiences des sens mnent o les limpasse. En se concentrant sur des images mmorises, la voie classique sinscrit pas dans linstant vcu totalement ; comme dj soulign, lui externe ne tout lphmre, le fugace, le tnu, linsignifiant, lvanescent ; elle se chappent le permanent, concentre sur le rcurrent, le stable, le reproductible, le rptitif. Or prcisment, la complexit se joue tout entire dans linstant, au non peru fugace, tnu, vanescent, niveau du etc. l nat le malaise pistmologique de la science systmique et des De chaos. thories du Lautre voie doit donc tre explore, mme en Si la voie Occident. externe classique est la voie des sens et du cerveau gauche, cette voie intrieure du cerveau droit quelle est ? Faute de mieux pour linstant, appelons-la la voie de lintuition. Lide cl est Explorons-la. que la voie externe passe par les sens et travaille sur Par souvenirs. des contraste, la voie interne doit passer par lintuition et simmerger linstant vcu. dans Ne va-t-on pas l rejoindre les techniques de mditations prnes un par lespartout peu mystiques, et particulirement dveloppes dans les yogas les bouddhismes hindous et dans zen ou tibtains ? La voie est ouverte.

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MYSTIQUE DE LUN(12 dcembre 1997)

Exorde. Rien nest plus beau quune ode Rien nest lindicible. plus essentiel que la qute de Rien nest lineffable. plus dsespr, aussi. Le divin nest que le nom que donne lhomme la part inconnue et inconnaissable de lui-mme, du monde et de leurs existences. La part inconnaissable de ltre. Il gt la fois en de et au-del de En-de, lhomme.par immanence, par prsence effective en tout ce Au-del, qui est. par transcendance, par unit absolue de tout ce qui est. Lhomme prie le divin, le presse de questions et de demandes, mais le rpond ne car cest le divin lui-mme qui, en lhomme, sadresse ces divin pas, pose ces se prires etquestions et demandes. Gense. Avant le dbut de ce monde, ltre ntait que Unidimensionnel. dure. Et dans la dure, un Dsir mystrieux, Et le Dsir fit immmorial...clater le temps pur et inventa Et lnergie, ltendue. chair divine, unique, absolue, commena de stendre, de despanouir, se construire jaillir et de lespace.devint multidimensionnel. Ltre Et les flots bouillonnants de lnergie explosrent en un chaos orageux, dantesque, tumultueux. Comme une boule de feu qui se dilate et enfle et en tourbillonnant sur elle-mme, toute ltendue de envahit, ltre. monde nest que la peau de cette boule tournoyante qui Et le ltendue et la dure. spanouit dans Lunivers, tout ce que lhomme voit ou devine dans linfini des cieux, mince pellicule qui spare ltre qui vit, du nest que la Nant.

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Il nest que le front donde de ltre face au Nant. Frontire infime le entre lUn et Rien. Lhomme et toutes les cratures et lunivers physique tout entier priphrie la ltre. forment de Son manteau. Sa peau. Et le Dsir de ltre est un dsir de beaut, dharmonie, dordre et de Et le chaos perfection. engendr par linvention de ltendue, ntait rien de Alors le Dsir engendra la forme. Et il dsira la forme belle, tout cela. ordonne et parfaite. harmonieuse, Et lnergie qui est chair unique de ltre, substance unique de tout ce inventa la force pour atteindre la qui est, forme. force fut duale. Et la Par lune de ses faces, elle chercha Par lautre, elle construisit la luniformit. Et luniformit et la complexit se combinrent et engendrrent tous complexit. les tres. Et lnergie se condensa et devint matire comme leau qui se fige glaon. Et chaque glaon tait un grain. Et pousss par la force de devient grains se rassemblrent, saccrochrent et formrent des difices de plus complexit, les organiss, de plus en plus compliqus, de plus en plus en plus diffrents. Mais partout o agit la force de complexit, agit aussi la force que de leur quilibre naisse la beaut, lharmonie, lordre et la duniformit, afin perfection. Et leur quilibre prit cinq formes : ondulante et rayonnante comme la Feu ; amorphe et fluente comme lAir ; visqueuse et coulante comme lumire du minrale et fige comme les cristaux de la Terre ; foisonnante et lEau ; la Vie. mouvante comme Plus on monte dans cette chelle, plus la force de complexit triomphe y descend, plus la force duniformit ; plus on domine.cela, le Feu rpond la Vie, et lAir rpond la Terre. LEau se Et en elle-mme. rpondant Et la Vie par le Vert se fit vgtale. Sve. Enracinement dans le lieu Et et la dure. le Rouge se fit animale. Sang. Dracinement dans la Vie par linstant. et course Et les cinq formes senchevtrent et se compltent et se nourrissent mutuellement. Et elles inventent tout instant, en tous lieux, de nouvelles rpondre au Dsir. combinaisons pour Et ces architectures, parfois, crent de la beaut, de lharmonie, de perfection. de la lordre et

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Alors, elles deviennent Loi. Elles viennent enrichir la Mmoire de ltre qui les duplique chaque fois peut. quil Ainsi naissent les rgularits, de la Mais le gnie rcurrence. crateur des formes est infini. Perptuellement de architectures viendront enrichir la Mmoire et y crer de nouvelles nouvelles Lois. Ltre invente ses Lois au fur et mesure que se construit sa Rien nest crit. forme. Hors limpossible, tout est probable. La force de complexit engendre des cratures de plus en plus substance, dede la en plus libres pour la forme pure, de plus en plus affranchies plus Ainsi naquit la immatrielles. Pense, de la Vie. La Nature engendre peu peu la Cultur