Etats-Unis, Brésil : rôle mondial, dynamiques territoriales
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Etats-Unis, Brésil : rôle mondial, dynamiques territoriales
Introduction
Rien ne semble prédisposé pour comparer deux états en apparence aussi opposés que le
Brésil et les Etats-Unis : en 1982, lors de la première visite d’un président américain sur le sol
brésilien, Reagan s’exprime en ces termes à la sortie de son avion: « Je suis ravi d’être en
Bolivie ». Une autre manière de qualifier toute la distance économique qui sépare un état
qui est la 1ère puissance économique du monde face à un autre, confronté à tous les maux du
Tiers-mondisme : pauvreté, dictature, aucun poids sur la scène politique mondiale. Bref, le
rapport est déséquilibré et la comparaison ne peut s’évaluer que sous cet angle.
Pourtant, la situation n’est pas figée dans le temps et le Brésil change progressivement de
statut, basculant au statut de pays émergent : en 2010, il prête 14 Milliards de dollars au
FMI. En 2014, il devrait occuper la 5è place économique mondiale à la place de la France.
Dès lors, il est possible de poser la question du comparatisme, sous l’angle des oppositions
certes mais aussi sous celui des ressemblances, car il y a des points communs entre la
puissance d’hier et celle en devenir, à l’heure où, à l’échelle mondiale, le Brésil se révèle
comme un challenger de poids, un véritable concurrent à la puissance américaine. C’est ce
que nous verrons dans une première partie. En articulant le rapport entre sociétés et
territoire, nous observerons à l’échelle locale, l’importance des villes comme espaces de la
richesse, leviers du développement économique. Les villes brésiliennes et américaines
doivent donc être considérées ensembles sous cet angle, mais aussi à travers leurs
particularités qui sont autant de défis pour chacune de ces sociétés.
Finalement, l’échelle régionale reste la plus efficace pour mesurer le poids des différences
entre les 2 pays : les Etats-Unis maîtrisant un territoire très aménagé, le Brésil où une large
partie du pays est toujours dans la dimension du possible, en Amazonie particulièrement.
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Plan du cours
I. Le Brésil et les Etats-Unis sur la scène mondiale : révélateurs d’un monde en perpétuel
recomposition
1. Des pays qui possèdent un même héritage historique = contribuant à bâtir une société au
profil original
2. L’Amérique : une hyperpuissance planétaire
3. Le Brésil dans le monde
II. A l’échelle locale, la ville brésilienne et américaine est l’espace de la puissance et celui
des défis sociaux auxquels ces pays sont confrontés
1. Le Brésil des villes : les lieux de la puissance économique
2. New-York: une ville mondiale qui concentre les éléments de la puissance US
3. Des espaces de défis
III. échelle régionale : marqueur d’un aménagement du territoire différent : d’un territoire
maitrisé à un territoire du possible.
1. Etats-Unis : l’organisation régionale du pays témoigne d’une maitrise du territoire acquise
depuis 1890 (fin de la Frontière)
2. La Californie : une région qui synthétise tous les éléments de la puissance américaine.
3. Situations plus contrastés au Brésil : 4 régions très inégalement aménagées
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I. Le Brésil et les Etats-Unis sur la scène mondiale : révélateurs d’un monde en perpétuel
recomposition
1. Des pays qui possèdent un même héritage historique = contribuant à bâtir une société
au profil original
Des colonies qui ont acquis leur indépendance face à une puissance coloniale :
Brésil ancienne colonie portugaise, qui acquiert son indépendance suite à une guerre
contre la puissance coloniale dans les années 1820. Des pays neufs dont les sociétés
portent l’héritage du passé colonial. Au Brésil, la région du Nordeste est celle qui incarne
le mieux l’identité brésilienne et ses contrariétés : territoire de la pauvreté où domine le
Sertao, vaste région désertique, surtout, une région marqueur de la présence noire
dans le pays : Brésil, 2è état noir au monde (1er = Nigéria). 45% de la population noire vit
au Nordeste. Salvador da Bahia, capitale de la région est ainsi un symbole fort du
peuplement noir et du passé esclavagiste du pays (abolition en 1888). Ville « nègre »
avec son centre historique, le Pelourinho (« pilori »), espace réservé au poteau de
torture. La société brésilienne porte donc en elle les traces de ce passé sous domination
et esclavagiste dans laquelle. Population aux caractéristiques variées, héritage du
métissage, où les blancs continuent de se maintenir dans une position sociale
privilégiée.
Les Etats-Unis suivent un parcours similaire : à l’origine, territoire formé par 13 colonies
britanniques qui prennent leur indépendance en 1776. Guerre contre les anglais qui se
termine en 1787. 1ère république moderne de l’Histoire avec son 1er président Georges
Washington en 1789. La présence noire est ici aussi un héritage du passé esclavagiste
avec, encore dans l’histoire récente du pays (années 60), des moments forts qui
rappellent le fossé qui sépare encore les communautés. Par contre, les Etats-Unis se
distinguent du brésil pour avoir été, et continue d’être, une vaste terre d’immigration,
favorisant un brassage des populations (melting-pot) = 1 immigrant entre sur le
territoire toutes les 31 secondes, 8% des américains sont nés à l’étranger, en 1900 on
était à 15%. 100 Millions d’américains sont issus d’une minorité (Hispanique, Noir,
Indien, Asiatique). 14% de la population est hispanique, 1ère minorité devant les afro-
américains. Tous sont rassemblés sous le terme de Latinos : Chicanos (origines
mexicaines, naturalisés), Mexicanos (nouvellement arrivés). Ces deux groupes
représentent 60% des latinos. Suivent les portoricains, cubains. L’Amérique est la
première terre d’accueil au monde, mais les Mexicanos occupe une place à part dans ce
flot de migrants (+60% de croissance entre 1990 et 2006 : plus forte fécondité et
arrivées constantes de nouveaux migrants (représentent +50% des entrées totales). A
New-York, 12 Millions d’arrivées de 1892 à 1954. Ville dont l’histoire est liée aux vagues
migratoires. 60% des habitants à au moins 1 ascendant immigrant.
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Une situation qui inquiète de nombreux américains : chaque année, 500.000 mexicains
franchissent le Rio Grande. Le gouvernement Bush a voulu enrayer le processus (1200
Km de mur le long de la frontière).
Au final, la société brésilienne, malgré le fait que la présence de l’esclavage soit plus
récente, avec des noirs qui souffrent toujours de discriminations1 (dans la mentalité
collective brésilienne, avoir la peau claire représente toujours un avantage pour
s’insérer dans la société), semble paradoxalement plus apaisée, le vivre-ensemble y est
plus facile indépendamment des différences entre riches et pauvres (c’est là où se
constate le véritable fossé dans la société, le Brésil étant un des pays les plus
inégalitaires du monde). À l’inverse, les Etats-Unis, terre d’accueil par excellence qui se
donne à voir comme l’incarnation du rêve du Melting-pot2 : la fusion de tous les peuples
au sein d’une nouvelle nation qui les rassemble tous dans une identité commune,
souffre d’un vaste problème d’identité, d’une montée du communautarisme et d’un
refus d’intégration en particulier en direction des minorités hispaniques, une
immigration qui apparaît aujourd’hui comme un problème et une menace pour de
nombreux américains3.
Des espaces de conquête : les 2 pays se sont développés en partant à la conquête d’un
front pionner : vaste réserve de terre vierges sur lesquelles le gouvernement s’appuie
pour mettre en place une triple politique: économique (terres agricoles à mettre en
exploitation), un projet social (trouver une solution à la pauvreté qui gangrène les villes,
celles du Nord-est états-uniens du XIXe, celle du Brésil d’aujourd’hui), un projet
politique finalement : celui d’un jeune état qui se construit en nation à travers la
maîtrise de son territoire : elle est acquise en 1890 en Amérique avec la fin de la
Frontière (la Conquête de l’ouest se termine, la Frontière étant dans l’imaginaire
américain la limite qui sépare le monde civilisé, celui des colons, de celui des espaces
sauvages, n’existe plus).
Elle est inachevée au Brésil avec l’Amazonie qui reste toujours un vaste front pionnier.
Dans les 2 cas, l’état a du développer une politique de discrimination, voire
1 Institut brésilien de géographie et de statistique, enquête de 2011 : « Globalement, les noirs et les métis
touchent des salaires plus bas que les blancs et les asiatiques (salaires 2,4 fois plus élevés), meurent plus jeunes du fait de conditions de vie précaire, d'un accès difficile aux soins de santé et du fait de violences. » 2 Le terme vient d’une pièce de théâtre d’Israël Zangwill, 1908.
3 Samuel Huntington a relancé le débat sur les hispaniques en 2004 (Le défi hispanique) : peur d’un raz-de-
marée hispanique qui divisera le pays en deux. Moins intégrés, enclaves linguistiques (l’espagnol = 1ère
langue parlée en Californie). Pourtant, enfants de 3è génération maîtrisent parfaitement l’anglais et se sentent pleinement américains.
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d’extermination, envers les peuples natifs, indiens d’Amérique ou indiens d’Amazonie,
tous étant les grands perdants de la conquête des fronts pionniers4.
Rappeler une différence fondamentale entre les 2 pays qui est un des facteurs qui
explique le retard de développement du Brésil : la longue absence de démocratie.
Dictature militaire au Brésil de 1964 à 1984 : période durant laquelle le pays connaît
certes des progrès économiques fulgurants. On parle de « miracle », avec un taux de
croissance annuel autour de 10%. Les multinationales installent leurs usines pour
profiter d’une main-d’œuvre bon marché, les marchandises sont ensuite revendues à
l’étranger. Mais les bénéfices ne profitent qu’à une minorité proche du pouvoir, et
l’essentiel de la population reste confinée dans la plus grande pauvreté (50% de la pop.
pèsent 11% du PIB, dans le même temps les 20% les plus riches concentrent 67% du PIB
en 1976)
Après 1984 : retour à la démocratie mais les choix économiques du Brésil restent les
mêmes. La dette continue d’exploser, situation d’hyperinflation. 32 Millions de
brésiliens vivent dans l’indigence (1993).
Les années Lula (2002-2010) marquent une véritable rupture : Décollage économique
du Brésil se fait essentiellement sous ses 2 mandats. Mais il hérite d’un bilan désastreux,
héritage de la situation précédente : 50% des salariés travaillent dans le secteur
informel, 1% des habitants concentrent 53% des richesses nationales.
Son programme : permettre à tous les citoyens de manger 3x par jour. En 2010, fin de
mandat et 80% des brésiliens ont de Lula une opinion « favorable », l’ONU proclame le
Brésil comme « le champion mondial de la lutte contre la faim ». Un président qui
incarne le véritable virage démocratique du pays.
Dans le cadre des Etats-Unis : le décollage économique est plus précoce et les
explications habituelles insistent sur la présence de richesses naturelles nombreuses,
l’installation des migrants qui ont aménagé le territoire et exploité ces ressources, mais
ces raisons ne sont pas suffisantes : le Brésil regorge aussi de bras et de richesses.
L’impulsion première vient d’abord de sa démocratie qui permet d’attirer à elle l’énergie
créatrice de millions de migrants venus s’installer avec l’espoir d’y bâtir leur vie avec de
4 Un Creek centenaire, Speckled Snake, résume en ces termes la politique des Blancs en 1830 : « Frères, j’ai
entendu bien des discours de notre Grand-père blanc […], un tout petit homme. Ses jambes lui faisaient mal d’avoir été assis si longtemps dans son grand bateau et il mendiait un peu d’aide pour lui allumer son feu […]. Mais quand l’Homme Blanc se fut réchauffé au feu des indiens et nourri de leur bouillie de maïs, il devint très grand. En un seul pas, il enjambait les montagnes et ses pieds couvraient les plaines et les vallées. Ses mains se saisissaient des mers de l’Est et de l’Ouest tandis que sa tête reposait sur la lune. Alors il devint notre Grand-père. Il aimait ses enfants rouges et leur disait : « Allez vous mettre un peu plus loin de crainte que je ne vous écrase ». Frères, j’ai entendu bien des discours de notre Grand-père, et ils commencent et se finissent toujours ainsi : « Allez vous mettre un peu plus loin, vous êtes trop près ».
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liberté que leur accorde un tel régime politique. La démocratie favorise le
développement économique en permettant à chacun de se projeter individuellement
dans un projet collectif, celui de construire une nation, et d’en prendre pleinement
conscience dès lors que ses conditions de vie deviennent meilleures (ce qui ne sera pas
le cas de tous évidemment, mais forge un état d’esprit, particulier aux Etats-Unis, celui
du self-made man).
2. L’Amérique : une hyperpuissance planétaire
Puissance économique où domine l’innovation technologique :
En 2006, 1er investisseur mondial, 4è récepteur (Luxembourg, Chine, France). L’essentiel des
échanges de l’Amérique se fait avec l’Asie Orientale, U.E, ALENA : au cœur de la Triade et des
espaces moteurs de la mondialisation.
Innovation technologique à la base de la puissance économique du pays: RD = 37% de la
dépense mondiale (n°1). Pays qui attire des savants du monde entier = 1/3 des étudiants
faisant leurs études à l’étranger partent aux USA (visa spécial : H1B, réservé aux immigrants
très qualifiés pour 1 à 6 ans, autour de 300 à 350.000/an) où la qualité des universités est
toujours de dimension mondiale (Berkeley, proche de San Francisco = 24 prix Nobels depuis
1868).
Secteur industriel en reconversion : marqué par la désindustrialisation, surtout dans la
région des Grand lacs (fermeture et faillite des bastions de l’industrie traditionnelle : la
«ceinture de rouille »). Phénomène qu’il ne faut ni exagérer, ni considérer comme définitif :
toujours la 1ère puissance industrielle au monde, 12% du PIB dépend du secteur secondaire,
malgré un coût du travail élevé, x30 par rapport à la Chine : savoir-faire, secteur de la Haute-
Technologie (aérospatiale : 3 groupes (Boeing, Lockheed, Raytheon), pèsent 80 Milliards de $
de CA, contre 41 pour EADS, 370.000 emplois contre 113.000 (2005). Marché intérieur très
important : 50% avions civils pour les Cies US, 50% avions militaires pour le Pentagone.
Secteur dynamique : 2è exportateur de produits finis porté par un marché intérieur très
dynamique, la population est nombreuse (314 millions d’habitants) au pouvoir d’achat élevé
(1790 Milliards de CA en 2006 contre 1770 réalisés en Chine).
Logique financière prévaut sur la logique industrielle qui entraîne le mouvement des
« sociétés fantômes » : Hollow Corporations. Exemple de Mattel et poupée Barbie.
Conception du produit, publicité, marketing aux USA, mais délocalisation de la production
dans des pays à faibles coûts salariaux auprès d’entreprises locales qui sous-traitent avec
Mattel. A l’origine, production au Japon (1959), puis Taïwan, HK, Philippines et aujourd’hui la
Chine et les pays d’Asie du sud-est. L’histoire de la production de Barbie résume toute les
étapes du développement des pays de l’Asie Orientale.
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Depuis Bretton Woods, 1944, l’économie mondiale est pilotée par des institutions voulues
par Washington, créées sur son impulsion et qui reflètent sa vision libérale de l’économie.
Elles sont le plus souvent pilotées par elle depuis New-York (FMI, Banque Mondiale). Depuis
la fin de la guerre froide, cette domination n’est plus mise en contradiction par un autre
modèle idéologique, d’où le sentiment que la mondialisation est un pur produit du
libéralisme tel qu’il est pensé en Amérique.
Exportations US = 12% du PIB. Chiffre assez faible, impression que le pays est peu compétitif.
Erreur : la Balance des services est largement excédentaire mais elle ne compense pas la
balance des marchandises (2/3 des biens d’équipement sont importés. Chine = les USA
importent à hauteur de 24 Milliards et exportent en direction de la Chine seulement 4
Milliards, en 2005). Les USA sont un immense centre commercial qui regorge de produits
importés.
Puissance du secteur tertiaire avec l’exemple de Wal Mart : 1ère chaîne de distribution au
monde. CA = PIB Norvège, 2,5% PIB US, 1er employeur privé avec 1,3 Million d’employés.
Chaine fondée en 1962 par Sam Walton en Arkansas. Différentes tailles, de la supérette au
Supercenters de 24.000 m². Bush en 1992 : « le succès de Wal-Mart c’est le succès de
l’Amérique ». Illustre autant le succès que les dérives du monde capitaliste : une entreprise
qui paie 20% de moins que ses concurrents, difficile de souscrire à l’assurance médicale
proposée par l’entreprise (1 enfant sur 2 des employés n’est pas couvert), syndicats
interdits. 2700 magasins dans le monde en rachetant des entreprises locales pour s’imposer
sur le marché intérieur (Metro en Allemagne en 2006).
Une puissance politique et militaire
Sur le plan géopolitique, les Etats-Unis incarnent autant un modèle qu’un objet de rejet (le
11 septembre 2001 en constituant le point d’orgue). Dans tous les cas de figure, la plupart
des grands problèmes mondiaux ne peuvent se traiter sans la participation directe ou
indirecte de la 1ère puissance mondiale. Rappelons le siège au conseil permanent de l’ONU,
les moyens colossaux dont dispose la 1ère agence de renseignements au monde, la CIA, lui
permettant de mettre sous écoute (en toute impunité) les chefs d’état des principales
puissances mondiales. La question palestinienne, la lutte contre Al-Qaida, la pression sur
l’Iran sur la question du nucléaire, la stabilisation de l’Afrique, aucun dossier géopolitique ne
peut ignorer la parole de l’Amérique dont le réseau diplomatique est le plus vaste du monde
(plus de 150 ambassades dans le monde).
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Les USA n’ont jamais été aussi forts militairement depuis la fin de la guerre froide. Après
2001 et l’attaque terroriste, le budget de l’armée est en continuelle augmentation. Autour
de 692 Milliards de $ en 2010, soit 50% des dépenses militaires mondiales totales mais
seulement 4,8% du PIB US (1,5% pour la France, 2,8 pour la Chine, ce qui permet de
relativiser sa politique de militarisation comparativement aux dépenses américaines). 1ère
puissance nucléaire au monde, tant en terme de nombre d’ogives (plus de 2000) qu’en
terme de lanceurs. Plus globalement, les USA sont le seul pays au monde capable de projeter
des forces armées dans des délais de temps courts sur n‘importe quel point du globe, une
réalité qui trouve toute sa dimension à l’occasion de catastrophes naturelles (Banda Aceh le
26 décembre 2004, Haïti en janvier 2010 où les 1ers secours sur place ont été des soldats
américains).
La puissance culturelle : expression du soft power américain
Les spécificités de la culture américaine se fondent sur 2 dimensions dont la synthèse fait du
pays un modèle culturel que l’on est libre ensuite d’approuver ou de refuser :
Peuple de migrants, aux cultures riches et différentes. La culture américaine se
présente d’abord comme une synthèse de ces traditions, un espace de confluence où
ces héritages culturels différents se réunissent dans la volonté commune de partager
une même destinée, celle du peuple américain, qu’elle contribue à valoriser à travers
une énergie créatrice très dynamique pour donner naissance à une nouvelle tradition
culturelle, porteuse de valeurs spécifiques et productrice d’une mémoire commune.
Principe de l’Entertainment : la culture est vue comme une industrie qui étend à
l’échelle planétaire les principes qui la commandent. Défendre les valeurs nationales
et rechercher la rentabilité du produit ne représente en aucune manière une
contradiction pour un américain.
Si on applique ce modèle à l’exemple de New-York : la ville concentre une population issue
d’horizons particulièrement variés, 22 millions d’habitants dont 6 habitants sur 10 ont au
moins un ascendant issu directement d’un flux migratoire, elle incarne pleinement ce
foisonnement culturel qui fait le propre de la culture américaine, transcendée par la fierté
collective d’être américain, new-yorkais plus spécifiquement car la métropole occupe une
place à part dans l’imaginaire collectif américain5.
5 New-York n’est pas qu’un simple décor : la ville devient parfois un personnage à part entière,
particulièrement dans les films mettant en scène sa destruction. Détruire New-York est une obsession dans le cinéma US et un objet de fascination pour les spectateurs du monde entier: la planète des singes, 1968, avec une statue de la liberté à moitié enfouie dans le sable ; Le jour d’après, 2004, Armageddon, La guerre des mondes, 2005, Cloverfield, 2008. Détruire la ville, c’est détruire l’Amérique, avec ses symboles qui la représentent comme la Statue de la Liberté. Et quand la ville échappe au désastre, comme dans Ghostbuster II (1985) où la même statue, animée par l’énergie spirituelle des habitants de la ville, sauve New-York d’une menace surnaturelle, c’est pour mieux souligner le sentiment patriotique de la communauté, qui peut
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Woody Allen, dans un long plan-séquence ouvrant son film Manhattan [1977], embarque le
spectateur dans une longue description de la ville, ses quartiers, ses humeurs, à la tombée
de la nuit, la ville n’est plus un décor, mais nous entrons dans sa réalité à travers celle de ses
habitants qu’il prend plaisir à filmer pour en révéler l’énergie qui fonde à la fois l’urbanité
new-yorkaise mais fonctionne aussi comme un reflet de la mentalité américaine.
C’est dans ce sens que le cinéma américain contribue à jouer un rôle éminemment politique
(soft power), dans sa tendance à donner à voir une certaine image de l’Amérique,
consensuelle certes, parfois critique, qui rallie autour d’elle des spectateurs du monde entier
derrière un ensemble de valeurs mises en valeur pour en souligner leur prééminence
(liberté, individualisme, etc.).
3. Le Brésil dans le monde
Une puissance régionale à l’ambition mondiale : depuis 2003, le Brésil est à la tête du
G20 avec l’Inde et la Chine (groupe des BRICS : Brésil-Russie-Inde-Chine-Afrique du Sud).
Pays qui « pèse » en Amérique Latine : 1 habitant sur 2 est brésilien dans le continent.
pays gigantesque qui possède d’énormes richesses. Modèle économique qui en fait un
leader incontestable. Vieilles rivalités avec des pays voisins, l’Argentine en particulier,
mais le Brésil est une locomotive économique qui ne souffre pas de concurrence dans
l’espace régional.
Puissance économique de dimension mondiale : 1ère puissance industrielle d’Amérique
du Sud, 11 entreprises brésiliennes font partie des 500 premières mondiales en 2007.
10è place mondiale, peut-être au 5è rang en 2014 (position de la France aujourd’hui).
Grande puissance agricole : exporte 4,6% du volume alimentaire mondial. 1er rang pour
les agrumes, la canne à sucre, le café, 2è pour le soja, le tabac, le poulet, 3è pour la
viande bovine.
Présence d’importantes ressources naturelles. Exemple du pétrole avec des gisements
off-shore découverts en 2007 au large de Rio de Janeiro. Difficultés d’extraction (7000 m
de profondeur et 2000 de couches de sel) mais la possibilité à terme de se hisser au
niveau du Koweït avec, aux commandes, une entreprise géante, Petrobras dont 50% des
revenus reviennent à l’Etat. L’éthanol est une ressource importante au Brésil, 15% des
automobiles et 80% des nouvelles immatriculations roulent au biocarburant. Le pays est
autosuffisant sur le plan énergétique et devient une puissance exportatrice qui gagne en
puissance.
surprendre un spectateur français, mais demeure une réalité largement partagée par une majorité d’américains.
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Puissance diplomatique : les contributions humanitaires du Brésil x20 entre 2007 et
2010, notamment à destination de pays de la région Caraïbes (Haïti). Fort
volontarisme onusien avec une participation accrue aux missions de maintien de paix
(Minustah à Haïti pour aider le pays à lutter contre les trafiquants de drogue qui
gangrènent Port-au-Prince. Brésil très efficace dans ce domaine, grâce à l’expertise de
la Bopa - la police militaire - dans les favelas brésiliennes). « Nous sommes fatigués de
jouer en 2è division », Lula brigue un poste de membre permanent au Conseil de
Sécurité de l’ONU, fait passer le volume de casques bleus à 1300 hommes, faisant du
Brésil le 2è contributeur mondial, derrière l’Uruguay (7200 hommes). Veut faire
évoluer le Brésil, briser le regard traditionnel de l’Occident sur son pays : « un pays
d’avenir et qui le restera longtemps », disait Clémenceau du Brésil, en 1909.
Un activisme très important, mais non exempt de bévues : position ambiguë sur la
question nucléaire iranienne, le Venezuela et l’achat d’armes russes par Hugo Chavez.
Un silence contrariant dès lors que le Brésil va se plaindre du même type de
transactions entrepris par la Colombie auprès de son allié américain. Il critique le
Honduras pour l’absence de démocratie mais reste muet sur la situation à Cuba.
L’organisation de grands événements mondiaux sont des révélateurs de la montée
en puissance du Brésil : JO en 1016. Enjeu sportif, mais d’abord politique. Première
fois qu’un tel événement est organisé dans l’histoire de l’Amérique latine et le regard
du monde est fixé sur la capacité (réelle ou non) du Brésil à assurer la sécurité et à
organiser dignement un tel événement, après le succès manifeste de la Chine et de
l’Afrique du sud, autres pays émergents, dans les JO de 2008 et la coupe du monde de
football en 2010. Le budget pour les JO ont été fixés à 16,5 Milliards de $ (contre 11
Milliards pour les JO de Londres en 2012).
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II. A l’échelle locale, la ville brésilienne et américaine est l’espace de la puissance et celui
des défis sociaux auxquels ces pays sont confrontés
1. Le Brésil des villes : les lieux de la puissance économique
3 villes qui incarnent la puissance économique du pays :
Sao Paulo : capitale économique du Brésil, 35% du PIB national. Capitale du luxe, 4500
gratte-ciels, +700 nouvelles immatriculations/jour. Ville cosmopolite. Sao Paulo est le
lieu incontournable pour faire des affaires au Brésil. Urbanisation à l’américaine : CBD
(central Business district, le quartier des affaires), banlieues aisées en périphérie,
ghettos, shopping centers. Sa prospérité vient du café (avenue Paulista) et l’architecte
Oscar Niemeyer y a réalisé nombre de projets (béton courbe).
Rio de Janeiro : ancienne capitale jusqu’en 1960. Traverse ensuite une période de
déclin. Infrastructures désuètes, transports publics saturés, urbanisation sauvage,
corruption, drogue. Aujourd’hui, Rio vit une renaissance : industrie navale,
automobile, pharmaceutique ; tourisme (plage de Copacabana, festival) ; pétrole au
large de Rio sur une bande de 800 Km sur 200, 85% du pétrole brésilien y est extrait.
Son PIB dépasse celui du Chili. Attire une main-d’œuvre qualifiée, souvent étrangère.
Vitrine culturelle du pays : coupe du monde de football (2014), JO (2016), des
occasions pour lancer de vastes projets de rénovation urbaine (zone portuaire, centre
historique dégradé).
Brasilia : ville créée ex-nihilo sous la dictature militaire. Projet utopiste de déplacer le
centre de commandement à l’intérieur du pays pour faciliter la mise en valeur du
territoire brésilien en-dehors du Sudeste. Urbanisme sous la conduite de Lucio Costa,
Oscar Niemeyer. Ville hostile aux piétons, faite pour l’automobile à une époque où elle
représente le symbole du développement. Son plan au sol représente une forme
d’avion dont le nez pointe vers l’Amazonie, un axe central monumental d’où partent
des axes perpendiculaires. Ville très inégalitaire entre quartiers résidentiels et « cités
satellites » où 80% de la population doit subir de longs trajets quotidiens pour se
rendre à leur travail.
Capitale politique du Brésil (1er sommet Amérique du Sud/Pays arabes), mais une ville
à l’image négative dans l’imaginaire collectif : isolement, loin des réalités de la société.
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2. New-York: une ville mondiale qui concentre les éléments de la puissance US
Mégapole de 22 millions d’habitants (7% de la Pop), 3è ou 4è ville mondiale derrière Tokyo, Bombay, Mexico. Des lieux et des institutions incarnent cette puissance : Manhattan = cœur économique du pays (CBD), Siège de l’ONU, Siège de la plus grande bourse mondiale (12,7% des emplois de la ville, 36% des richesses produites viennent des activités financières). Ville = point focal des flux de toutes natures qui sont à l’origine de la puissance économique et financière (finance, transports aériens, internet)
Concentration de 4 éléments de domination à l’échelle mondiale: Lieu qui concentre les centres de commandement de l’éco mondiale (25% des sièges
sociaux des 500 plus grandes Entreprises mondiales). Présence des sociétés de finance.
Lieu de l’innovation (technologie, mais aussi culturelle6).
Marché pour les nouveaux produits.
New-York incarne pleinement la notion d’ « Hintermonde » : notion qui s’oppose à la
notion d’Hinterland (modèle centre /périphérie). Ici, l’Hintermonde présente un centre
qui se déconnecte de sa périphérie et communique en réseau avec d’autres centres
urbains dans le monde, avec lesquels il communique et entretient des relations de
toutes natures (économiques, financières, culturelles, etc.). toutes les villes ne sont pas
confrontées à cette situation. L’hintermonde suppose un certain seuil d’entreprises,
d’activités mondialisées, concentrées dans un même quartier (CBD), mis en relation
avec d’autres CBD grâce à des réseaux de communication, matériels (aéroports),
immatériels (flux internet) particulièrement denses. C’est le réseau des hintermondes
entre eux qui constitue l’AMM, l’Archipel Métropolitain Mondial et pilote l’économie
mondiale.
New-York/Londres: sœurs siamoises? Question posée par le magazine Newsweek
en novembre 2000 : et si Londres et N-Y étaient devenues une seule et même ville ?
Photo avec une jeune fille et Tee-shirt « I Love NY-LON ». L’océan Atlantique les
sépare mais les interconnexions sont nombreuses : réseaux d’affaires, échanges
culturels. Complémentarité plus que concurrence (entreprises qui disposent de leurs
services financiers à N-Y et services non financiers à Londres : comptabilité, services
juridiques, publicité).
6 Forte influence des milieux de la mode, monde des enchères dans le milieu des Arts (Christie’s, Sotheby’s). Le
marché de l’art émerge dans les années 50, autour de figures comme Andy Warhol, le Pop Art (tableau d’Impressionnistes vendus à +d’1 Milliard de $). Foisonnement artistique qui se prolonge par des écoles, universités, des équipements culturels (Metropolitan Muséum, N-Y City Ballet, Broadway).
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Déconnection entre l’hyper-centre (CBD) et le reste de la ville, confrontée à ses
propres problèmes, complètement ignorées par le centre qui se vit dans l’espace
urbain comme une « île » déconnectée du destin de la ville. L’hintermonde pose le
problème de l’éclatement du fait urbain. Un élément qui est pris en compte dans la
hiérarchie des villes globales. Parmi les critères d’évaluation, un concerne la qualité
de vie : services de base, accès à la santé, loisir, libertés personnelles y compris celle
de mouvement. 1ère = Vancouver, Paris en n°10, New-York n’apparaît pas dans les 10
premières (par contre, n°2 pour la puissance financière derrière Londres et flux
d’information).
3. Des espaces de défis
Les Favelas, les territoires de l’insécurité : la société brésilienne est une société
violente : en 30 ans, 3 Millions de personnes ont péri de mort violente, 37.000 morts/an
sur la route, 50.000 homicides/an (90% ados et hommes de -39 ans) et seulement 5%
sont sanctionnés par une condamnation. La police a une réputation de violence
également : responsable de 375 morts aux Etats-Unis en 2006 contre 1330 morts rien
qu’à Rio de Janeiro, soit une moyenne de 4 morts/jour attribués aux policiers. En 2008,
toujours à Rio, sur 23 arrestations, 1 finie abattue par la police.
La violence se concentre d’abord en ville, plus particulièrement dans les quartiers des
favelas (bidonvilles construits sur les hauteurs): Sao Paulo, 3% des hommes y seront
assassinés entre 2010 et 2020 (6% à Rio). Les favelas regroupent 54 Millions d’habitants
au total, 1/3 des villes brésiliennes possèdent des favelas. On en compte 1000 rien qu’à
Rio pour 30% de sa population sur 3,7% de son territoire. La plus grande, Rocinha a
gagné +80% de pop en 10 ans (plus d’1 million d’habitants).
Territoires des narcotrafiquants, guerres de gangs (« Tropa de Elite » de José Padilha,
2007 ; « la cité de Dieu » de Fernando Meireles, 2002).
La ville, territoire des avancées sociales : Exemple de la bolsa familia : depuis 2003,
l’Etat verse une aide mensuelle aux plus pauvres à condition que les enfants soient
scolarisés et vaccinés (si revenus inférieurs à 23 euros/mois, l’Etat verse 23 euros + 8
euros/enfant de moins de 15 ans. Maximum, 3 enfants. Salaire minimum au Brésil = 180
euros/mois). Le montant versé permet donc aux plus pauvres de subvenir à leurs
besoins, de sortir de la misère, sans pour autant toucher suffisamment pour basculer
dans l’assistanat. L’argent est systématiquement confié à la mère, qui se voit remettre
une carte bancaire (pas d’argent liquide) et l’ouverture d’un compte. 1 brésilien sur 4
profite de la bolsa familia : plus grand programme de transfert d’argent vers les
pauvres au monde (catégorie qui passe au Brésil de 34% à 25% de la population en 3
ans). Politique qui a une dimension d’abord urbaine, les plus pauvres vivant dans les
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favelas, et qui contribue à modifier le visage même des villes (à Rocinha, 90% des
habitants possèdent une télévision).
Retour de l’Etat dans les territoires des favelas : électricité, Wifi gratuit, bâtiments
reconstruits par les municipalités, logement gratuit pour les plus pauvres. Mesures
précédées par un retour en force de la police pour chasser les narcotrafiquants. Retour
en 3 étapes :
Envoi des troupes de choc de la police militaire (les BOPA). Scènes de guerre
civile, combats de rue.
3 mois plus tard, le relais est confié à une UPP (Unité de police pacificatrice) :
police classique qui correspondrait en France à une police de proximité,
construction de commissariats dans les Favelas. Présence policière pour rassurer
la population et décourager le retour des trafiquants.
Rétablissement de la puissance publique par des mesures symboliques (citées
plus haut).
Le problème des inégalités économiques et sociales aux Etats-Unis
Inégalités sociales déjà très fortes déjà très fortes au XIXe. C’est en ville qu’on les mesure le
plus : à Philadelphie, on compte en moyenne 55 familles ouvrières par immeuble, le plus
souvent 1 pièce/famille, sans collecte d’ordures, sans toilettes, sans point d’eau. A N-Y, pas
d’évacuation des eaux usées qui s’écoulent dans les caves où logent les plus pauvres.
Epidémie de Typhoïde en 1837, de Typhus en 1842. Les riches désertèrent la ville mais les
pauvres y restèrent et moururent en grand nombre. Des conditions de vie difficiles qui
engendrent des mouvements de révolte, violence contre les riches, contre les noirs
également, mouvements de grève et manifestations, voire des retours au pays pour un
certain nombre de migrants (Les cendres d’Angela, Franck Mac Court, 1997, adapté au
cinéma par Alan Parker en 1999)
Aujourd’hui, derrière le « rêve américain » (déjà dénoncé dans la comédie musicale West
Side Story en 1957), les problèmes de pauvreté et d’inégalités demeurent un vaste
problème dans un pays libéral, qui considère que l’élévation sociale dépend d’abord du
talent et des efforts de chacun.
A travers la valeur médiane des prix de l’immobilier, on peut saisir la diversité et les
inégalités sociales dans la ville. New-York est l’une des villes les plus chères du monde : 1
appartement sur Central Park coûte en 2009 entre 10 et 30 Millions de $. A l’opposé, la
mortalité infantile est un facteur qui permet de saisir le contraste des inégalités selon les
quartiers, elle évolue jusqu’à un maximum de 16/°° (25% des quartiers ont une mortalité
infantile supérieure à 9/°°), un record au sein des grandes métropoles de la Triade (Paris en
comparaison connaît un maximum de 9/°° pour une moyenne à 7/°°). Le problème de
l’insécurité est aussi un autre facteur qui permet de comprendre le poids des inégalités
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sociales au sein d’une société où 283 millions d’armes circulent en toute légalité. Elle est un
objet de fascination (les séries TV le démontrent) autant qu’un sujet de peur et de
préoccupation. A N-Y, Rudolf Giuliano, maire de 1994 à 2001, ancien procureur général, lutte
contre la petite délinquance, culture du résultat dans la police. Beaux immeubles du centre
sous vidéosurveillance, Gated Communities en périphérie7.
Les problèmes des inégalités à l’échelle du pays : 12% de la population vit en-dessous du
seuil de pauvreté (804$/mois). 45 Millions d’américains vivent sans couverture sociale (pays
classé 37è par l’OMS pour l’inefficacité de son système de santé). La loi garantit un niveau de
remboursement des soins entre 75 et 90% des sommes pour des dépenses inférieures à
2250$ et supérieures à 3600$. Entre ces deux sommes, l’assuré assume lui-même les frais
(ce qu’on appelle le « Donut Hole »). 40 Millions d’américains bénéficient du Walfare
capitalism : système d’assurances privées, prises en charge par l’employeur. Projet du
président Bush de privatiser complètement le système de santé (comptes d’épargne
individuels) remplacé depuis par le projet d’Obama de fonder une véritable assurance-
maladie sur le modèle français, mais refusé par une large part de la population.
L’Ouragan Katrina, été 2005, illustre le poids des inégalités au sein de la société américaine
avec la situation à la Nouvelle-Orléans : 80% de la ville sous les eaux du lac Pontchartrain
après que les digues protégeant la ville aient cédé. 1500 morts en Louisiane, 700 portés
disparus, 30 Milliards de dégâts. Impression d’une sélection des victimes en fonction du
niveau économique et de la couleur de peau. Pourtant, ville à majorité noire (66% de la pop.)
et pauvre (1 ménage sur 2). Mais le sauvetage a été difficile à organiser : Louisiane, état le
plus pauvre du pays et l’aide fédérale à peu assisté les victimes. 1 an après la catastrophe,
350.000 personnes étaient toujours sans abri pour une ville de 600.000 Habitants (situation
d’abandon bien rendue dans la série à succès Treme).
Autre défi propre aux villes américaines : gérer le problème de l’étalement urbain
4/5è des américains vivent dans les 274 Aires Urbaines. Les villes s’étendent (« urban
sprawling ») : elles couvrent 16% du territoire (3x la France). Contre 10% en 1970. Cités
tentaculaires (Denver, 1600 mètres d’altitude, s’étire sur 25 Km, plus grand centre urbain
dans un rayon de 900 Km).
Etalement qui entraîne des problèmes de gouvernance dans la ville :
Espaces péricentraux : quartiers plutôt pauvres, ghettos et forte ségrégation raciale
(Harlem, Bronx à New-York). La dégradation de ces quartiers entraîne la fuite des
résidents les plus aisés. De grands projets de rénovation ont été menés depuis les
7 Llewellyn Park, plus ancien lotissement privé des USA, 1854, lieu de retraite pour les citoyens de New-York
pour se reposer dans des maisons de campagne. Idéal pastoral : design curviligne des rues, espace entouré de bois. Aucune activité industrielle ou commerciale n’y est autorisée. Pas de bruit, de nuisance, pas d’industrie, la pauvreté y est absente. Lieu de résidence de la bourgeoisie new-yorkaise, on y trouve la résidence de Thomas Edison.
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années 90. Volonté d’attirer des activités dynamiques, économique et culturelles. Par
exemple à Time Square, projet entamé en 1992, la rénovation est financée par Walt
Disney Cie qui y installe ses bureaux, le quartier a été débarrassé de ses boutiques
pornos laissant la place à un centre commercial et à des bureaux de grandes firmes.
Espaces périurbains : quartiers pour classes plus aisées (les grandes banlieues
pavillonnaires qui ont été célébrées dans certaines séries, comme Ma sorcière bien-
aimée dans les années 60, depuis, objet de répulsion, comme on le constate de façon
récurrente dans les films de Tim Burton, lui-même ayant grandi dans l’une de ses
banlieues en Californie. Le mouvement de périurbanisation commence dans les
années 1920-1930 sous la forme de lotissements destinés aux classes supérieures.
Localisés le long des axes ferroviaires et des voies de tramway. Le géographe Jean
Gottmann dénonce, dans les années 1960, leur consommation d’espace à travers la
maison individuelle entourée d’espaces verts. La voiture, le pavillon, le jardin privatif
définissent après 1945, les éléments de l’American Way of Life. Paysages monotones,
uniformes, dont le développement suit celui des 30 Glorieuses et qui s’éloignent
toujours plus des centres urbains, d’où un problème d’identité pour ces habitants et
de gouvernance pour les autorités communales (autour des questions de fiscalité par
exemple : ces habitants, plutôt aisés, se désolidarisant des problématiques générales
de la ville dont ils ne se sentent plus membres à part entière).
III. échelle régionale : marqueur d’un aménagement du territoire différent : d’un territoire
maitrisé à un territoire du possible.
1. Etats-Unis : l’organisation régionale du pays témoigne d’une maitrise du territoire
acquise depuis 1890 (fin de la Frontière)
Densité moyenne de 31 hab/Km², donc un territoire qui paraît peu occupé.
Conséquence de sa superficie (16x la France, soit 9,3 Millions de Km², 4è rang mondial,
4500 Km d’Est en Ouest, soit la distance de la Mer Caspienne à Lisbonne, 2500 Km du
Nord au Sud, distance de Stockholm à Athènes), de milieux naturels contraignants et
d’héritages historiques (peuplement par l’Est).
L’espace américain est marqué par des vides et des pleins qui témoigne d’une parfaite
maîtrise du territoire. Répartition de la population selon une logique d’archipels :
Région de grands lacs et la Megalopolis de Boston à Washington : densités
équivalentes à l’Europe sur un espace étendu.
Ailleurs : polarisation des densités autour de grandes métropoles, mais dont le
territoire s’étend sur un périmètre restreint (San Francisco, Los Angeles, San
Diego, Dallas-Houston, Nouvelle-Orléans). Quelques pôles isolés (Phoenix,
Denver).
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La population américaine n’est pas figée : esprit pionnier qui génère une redistribution de la
population à l’échelle interrégionale :
Sun Belt : espace plus peuplé que le Canada, qui s’étire du Sud de la Megalopolis
jusqu’à la façade Pacifique. Espace qui attire les hommes, les activités. Espace qui
s’ouvre également en direction des frontières (Mexique et Canada), via des ports et
des Hubs aéroportuaires.
Nord-est : également polarisé par l’espace de la Mégalopole. Peuplement historique
des Etats-Unis, 1ères villes aujourd’hui tendance à la conurbation.
Espaces intérieurs semblent laissés de côté : Middle West Grandes plaines =
agriculture / Montagnes Rocheuses = Parcs naturels et Tourisme donc espaces
récréatifs).
Les réseaux de transports, denses, participent de la puissance américaine. Ils s’étirent
d’Est en Ouest avec quelques axes Nord-Sud (le long de la côte Pacifique, Axe du
Mississippi, de New-York à la Nouvelle-Orléans). Axes qui se croisent à des points
nodaux (Hubs, carrefours terrestres). La longueur des réseaux est exceptionnelle : 6
Millions de Km de routes, 270.000 Km de voies ferrées, canaux reliant le Golfe du
Mexique au St-Laurent puis à l’Atlantique.
2. La Californie : une région qui synthétise tous les éléments de la puissance américaine.
Un état qui a les dimensions de la Suède, avec la population du Canada. 7è puissance
économique mondiale. Elle condense de nombreux éléments de la puissance américaine :
Puissance du secteur tertiaire : Silicon valley qui regroupe des centaines d’entreprises
de Haute technologie. Poids important des universités californiennes : établissements
publics mais soutenus par des fonds privés, des établissements privés, comme Stanford,
à la réputation mondiale. Au total, le secteur universitaire regroupe 10 campus sur tout
le territoire, de Berkeley le plus ancien à Merced, le plus récent (2005). 200.000
étudiants et 7500 chercheurs. Etat d’esprit tourné vers la compétition, la recherche de
l’excellence, illustré par le sport. La réussite dans le sport est un élément important dans
le processus de sélection universitaire.
Puissance politique : son gouverneur, Schwarzenegger, dirige une région extrêmement
riche, centre d’impulsion à l’échelle nationale, parfois à contrecourant des décisions de
l’état fédéral : en 2006, il refuse de doubler les effectifs de la Garde Nationale, dans un
contexte nationale de politique sécuritaire, il applique les principes de Kyoto alors que
les USA n’ont pas signé le texte (même si la Californie reste le 12è pollueur mondial). En
2007, 3 ans avant la loi proposée par Obama, il était déjà favorable à la mise en place
d’une couverture santé universelle.
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Puissance urbaine et culturelle : Los Angeles domine avec 4 millions d’habitants,
capitale mondiale du cinéma. Incarne la puissance de l’Entertainment avec Hollywood,
petit bourg situé à 5 Km du Downtown de L.A, qui devient, entre 1915 et 1930, le cœur
de la production cinématographique. Le panneau « Hollywood » devient un symbole
mondial (il est installé en 1923). Présence des Majors : Universal, Paramount, Columbia,
Fox, MGM, même si les USA ne sont pas les plus grands producteurs de films au monde
(Inde Nigéria), ils sont le pays qui exportent le plus leurs films.
Région qui incarne la puissance économique du pays insérés dans la mondialisation:
l’exemple du vin. 1ère région agricole américaine, 3% de la SAU mais 10% de la valeur
agricole totale. Concernant la situation de la vigne, le climat et le sol lui sont favorables,
renaissance de la viticulture après 1970. 2 bouteilles sur 3 consommées aux USA
viennent de Californie. Forte présence dans la vallée de la Sonoma, production de
qualité (Chardonnay, Merlot, Cabernet Sauvignon). Production tournée vers
l’exportation à partir de 2003 (crise de surproduction), mais offre de plus en plus
tournée vers la qualité : vins médaillés dans des compétitions internationales. 4è
producteur mondial (Italie, France, Espagne, la Chine est 5è mais montée en puissance
qui va reconfigurer la hiérarchie mondiale). CA = 14 Milliards de $. Exporte vers 133 pays
(GB, Canada, Japon). 200.000 emplois en Californie.
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3. Situations plus contrastés au Brésil : 4 régions très inégalement aménagées
Le Sudeste : Région la plus dynamique du pays : IDH moyen = 0,8-0,9 (IDH, indice de
développement humain. Indicateur statistique mis au point par l’ONU dans les
années 90 pour pallier à l’inconvénient de considérer la situation d’un pays sous
l’angle unique de sa richesse ou de sa pauvreté. Besoin d’un indicateur nouveau, plus
complet, qui prenne en compte le niveau de développement de la société. Un pays
peut être riche, mais, pour des raisons diverses, faire le choix de ne pas en faire
profiter sa population. Et inversement : Cuba est globalement pauvre, mais son
système de soin est très performant. L’IDH prend en compte 4 indicateurs : le
PIB/hab, et 3 indicateurs sociaux : espérance de vie, scolarisation, mortalité infantile.
L’Indice va de 0 à 1, O étant le plus bas, 1 étant le plus élevé. La France à un IDH
autour de 0,98). Région qui concentre 60% du PIB national, les villes les plus
peuplées, les plus riches. Région elle-même peuplée (78 millions d’habitants sur 194
millions pour une région qui représente 10% du territoire national). Région qui
incarne le dynamisme économique, culturel du pays.
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Le Nordeste : le territoire de la pauvreté : le Sertao, région désertique qui se trouve
au cœur du Nordeste.
Une région marqueur de la présence noire dans le pays : Brésil, 2è état noir au
monde (1er = Nigéria). 45% de la population noire vit au Nordeste. Salvador da Bahia,
capitale de a région est ainsi un marqueur fort du peuplement noir et du passé
esclavagiste du pays (abolition en 1888). Ville « nègre » avec son centre historique, le
Pelourinho (« pilori »), espace réservé au poteau de torture.
Le Mato Grosso : un territoire révélateur de la puissance agricole du Brésil et des
défis environnementaux auxquels il est confronté. « Mato Grosso » = « Grosse
Forêt » en Portugais. Espace composé de collines et de plaines, présence de forêt
(antichambre de l’Amazonie ». aujourd’hui, déboisage énorme, paysage de champs
de cannes à sucre.
Mato Grosso = ferme du Brésil. 1/3 de l’éthanol mondial y est produit, dont 85%
sont réservés au marché intérieur. 7,8 Millions d’ha aujourd’hui, 14 Millions prévus
pour 2020. Enormes investissements de la part de l’état, de sociétés privées dans une
région grande comme 2x la France.
Questions sociales et environnementales très importantes : problème du statut des
coupeurs de cannes à sucre, qui travaillent 8 mois par an dans des conditions
terribles : mal payés, syndicalisme bloqué avec la menace des grands propriétaires de
recourir à la force mécanique, santé fragile (coupent 10 Tonnes/jour, soit l’équivalent
d’un marathon/jour).
La question environnementale concerne la déforestation et les méthodes agricoles
utilisées, en l’occurrence le recours à la technique du brûlis (mettre les champs en
feu = feuilles de cannes détruites mais pas la tige). Le besoin en terres pour la
production d’Ethanol repousse l’élevage et les culturelles traditionnelles dans les
périphéries, plus particulièrement en direction de l’Amazonie.
L’Amazonie : conquête de l’Amazonie dans les années 60. La dictature militaire traite
la région comme un front pionnier :
Dans l’exemple du Brésil, c’est donc le moment où le gouvernement permet aux
pauvres de favelas de partir vers l’Amazonie avec l’espoir d’une vie meilleure en
cultivant la terre. Vaste mouvement de déforestation, doublé de la mise en
construction de routes transamazoniennes et du déplacement de la capitale à
l’intérieur du pays.
Dans les années 70 : le gouvernement, pour augmenter la rentabilité de
l’exploitation de l’Amazonie, en confie la gestion et l’aménagement à de grands
groupes privés. C’est le point de départ du mouvement des « Sans Terres »,
représentés par le groupe de premiers venus, qui vont se faire exproprier par ces
grands propriétaires dans un contexte où la loi reste confuse (les sans terres
possèdent des lopins attribués mais les ont agrandi en « rognant » sur les marges de
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la forêt, et les grands groupes se prévalent de l’invitation de l’Etat pour justifier
l’expropriation des petits paysans). Aujourd’hui, ce sont 4,5 millions de paysans qui
forment le groupe des sans-terres. Beaucoup de violences dans un espace où la
présence de l’état est faible. Les grands propriétaires sont à la tête de troupes
privées, corruption des magistrats, policiers. Problème des assassinats des
opposants. Manaus, capitale de l’Amazonie, est l’une des villes les plus violentes du
monde.
Le problème de la déforestation est toujours d’actualité car elle a atteint un seuil
problématique, fruit de l’accumulation des politiques précédentes (en 30 ans, on a
supprimé l’équivalent du territoire de la France + Belgique + Luxembourg + Suisse +
50% de l’Allemagne. Pour une forêt primaire qui représente 1/3 des forêts tropicales
mondiales). Aujourd’hui, la protection de l’Amazonie progresse, avec Lula, il y a une
prise de conscience politique plus forte et les associations non-gouvernementales
considèrent que le rythme de la déforestation actuelle ne constitue plus un danger
pour la forêt.
Le cas particulier des Indiens d’Amazonie : 1 million, soit 0,5% de la population
totale. 600.000 vivent dans des réserves. Problème en apparence mineure, mais :
Les 635 réserves occupent 12% de la superficie totale du Brésil. Responsabilité et
implication de ces populations dans la gestion paysagère et économique de
régions périphériques.
Incarnent une facette de la diversité culturelle du Brésil. Nécessité de protéger
des populations qui s’adaptent mal à la vie moderne (taux de suicide élevé,
problème de l’alcoolisme) qui possèdent des cultures élaborées et menacées
d’extinction (Guarani et visibilité mondiale du problème des Indiens Brésiliens
avec la figure de Rauni et de son soutien par des stars internationales comme
Sting, le groupe Sepultura, brésilien lui-même. Personnage accueilli par des chefs
d’Etat, etc.).