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samedi et dimanche Rencontre Denis Mollat, un héritier entreprenant P. 8-9 Spiritualité À Jérusalem, prier le long des murs P. 13 à 15 Exposition Les trésors africains du Musée Dapper P. 22 133 e année- ISSN/0242-6056. Imprimé en France Belgique : 1,90 € ; Canada : 5,60 $ ; Espagne : 2,30 € ; Grèce : 2,30 €; Italie : 2,60 € ; Luxembourg : 1,90 € ; Maroc : 27 MAD ; Portugal (Cont.) : 2,30 € ; Suisse : 3,5 CHF ; Zone CFA : 1 800 CFA ; DOM : 2,50 € samedi 23, dimanche 24 janvier 2016 — Quotidien n° 40398 — 1,80 € En 2015, un collectif a réalisé des photographies sur le thème des Métamorphoses d’Ovide avec des enfants de Bondy. Collectif Faux Amis/Hans Lucas Vive le latin et le grec ! De nombreuses voix s’élèvent pour dire que ces langues anciennes ont toute leur place dans la formation des plus jeunes P. 2 à 5

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Rencontre Denis Mollat, un héritier entreprenant P. 8-9

Spiritualité À Jérusalem, prier le long des murs P. 13 à 15

Exposition Les trésors africains du Musée Dapper P. 22

133e année-ISSN/0242-6056. Imprimé en France Belgique : 1,90 € ; Canada : 5,60 $ ; Espagne : 2,30 € ; Grèce : 2,30 €; Italie : 2,60 € ; Luxembourg : 1,90 € ; Maroc : 27 MAD ; Portugal (Cont.) : 2,30 € ; Suisse : 3,5 CHF ; Zone CFA : 1 800 CFA ; DOM : 2,50 €

samedi 23, dimanche 24 janvier 2016 — Quotidien n° 40398 —

1,80 €

En 2015, un collectif a réalisé des photographies sur le thème des Métamorphoses d’Ovide avec des enfants de Bondy. Collectif Faux Amis/Hans Lucas

Vive le latin et le grec !De nombreuses voix

s’élèvent pour dire que ces langues anciennes

ont toute leur place dans la formation

des plus jeunes P. 2 à 5

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Événement2

«J e ne sais pas, Athé-niens, quel effet mes accusateurs ont pu avoir sur vous. » Un doigt qui parcourt

à bon rythme le texte original, en grec ancien, Vinush lit à voix haute L’Apologie de Socrate. Puis il traduit en français ce passage de l’œuvre de Platon, déjà abordé en classe, avant d’en livrer un commentaire.

L’enseignant, Augustin d’Humières, l’aiguillonne avec bienveillance, lui demande de préciser le sens de tel ou tel mot. L’élève de terminale S n’a pas le temps de s’exprimer que déjà cer-tains de ses camarades soufflent la réponse, complices.

Et pourtant, quand ils sont en-trés au lycée Jean-Vilar de Meaux (Seine-et-Marne), ces douze jeunes gens, aujourd’hui en ter-minale, n’avaient encore jamais étudié les langues anciennes. Beaucoup, comme Vinush, avaient entendu parler du cours de grec lorsque, collégiens, ils bé-néficiaient d’un soutien scolaire dispensé par d’anciens élèves

d’Augustin d’Humières. « Au-jourd’hui, ce sont eux qui, à leur tour, se rendent dans les collèges des alentours pour jouer les am-bassadeurs », salue le professeur.

Ce qu’ils disent à leurs pairs pour les convaincre de choi-sir en seconde le latin et/ou le grec ? Que ces langues s’avèrent, comme le dit Yanis, « très utiles pour comprendre des termes scien-tifiques et aborder les symboles en mathématiques », que « l’analyse

des mots et la recherche de leurs fonctions ressemble à une résolu-tion de problème ». Que cette at-tention à la langue, cette progres-sion mot à mot, permet « d’être plus au clair » avec la grammaire et la syntaxe du français, comme le fait valoir Guillaume. Que « les notions de liberté et de démocratie sont nées en Grèce », poursuit le jeune homme.

Alors, oui, pour Guillaume, les langues anciennes demeurent bel et bien « intemporelles ». Et qu’on ne vienne pas dire à sa camarade Bruscilla – qui étudie latin et grec à raison de cinq heures par se-maine – qu’elles sont réservées aux élites. « C’est Jean-Vilar, ici, pas Henri-IV ! », s’esclaffe-t-elle.

Reste malgré tout une question

récurrente, qui traverse les débats autour de la réforme du collège, attendue pour septembre (lire les repères) : faut-il accorder une place prépondérante à la dimen-sion purement linguistique de cet enseignement ?

Le pédagogue Philippe Meirieu en doute. Ce qui compte, à ses yeux, c’est la modernité des textes anciens, « qui véhiculent l’essentiel des questions que se po-sent les jeunes aujourd’hui, celles des origines, de la rivalité mimé-tique, de l’identité, de l’amour et de la mort… et dont faute de mieux, ils vont chercher l’expres-sion dans une littérature de pa-cotille ou du cinéma gore ». Dans un esprit assez proche de celui de la réforme, il considère que l’en-

seignement de la civilisation est indispensable à tous, tandis que l’apprentissage de la langue doit être réservé aux seuls volontaires.

Pour Daniel Loayza, traducteur, conseiller artistique à l’Odéon-Théâtre de l’Europe et professeur de grec en classes préparatoires, c’est laisser penser qu’une langue n’est qu’un réceptacle alors qu’elle est une vision du monde, qu’il s’agit, patiemment, d’entendre. Pour tenter une autre approche, il propose de recourir à l’astro-nomie. « Les constellations an-tiques sont des étoiles qui brillent toujours et leur lumière nous par-vient dans le monde où nous vi-vons aujourd’hui, nous tentons de les comprendre avec nos points de vue, nos valeurs, nos préjugés de

Le latin et le grec rajeunissentAlors que la réforme du collège, attendue pour septembre, risque d’affaiblir l’enseignement du latin et du grec, de nombreuses voix s’élèvent pour affirmer que ces langues anciennes ont aujourd’hui encore toute leur place dans la formation des jeunes.

Schola Nova est une école privée fondée en 1995 et située à Incourt en Belgique. Julien Faure/Hans Lucas

« Les constellations antiques sont des étoiles qui brillent toujours et leur lumière nous parvient dans le monde où nous vivons aujourd’hui… »

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Événement 3

modernes et de voir ce qu’elles peu-vent nous apporter. On ne gagne pas en modernité en se coupant du passé mais en expérimentant cette lecture singulière qu’imposent les langues mortes, faite de lenteur et de vitesse. »

Daniel Loayza ajoute qu’« il faut veiller au moindre détail, relire un texte plusieurs fois, com-prendre une phrase dans son contexte pour pouvoir en saisir la logique interne et la transcrire en français. Lorsqu’ils reviennent à la littérature contemporaine, mes étudiants y apportent cette dis-cipline et attention particulières qu’ils n’auraient pas développées autrement. »

S’éloigner pour trouver, grâce à l’analyse de la langue, le sens mo-

derne des textes. Cette démarche est aussi mise en avant par Marie Cosnay, enseignante en latin de-puis quinze ans en zone rurale, aujourd’hui au collège François-Truffaut de Saint-Martin-de-Sei-gnanx (Landes). « On quitte la compréhension immédiate, on pose d’emblée qu’on ne comprend pas, on déconstruit la phrase pour recomposer une œuvre littéraire. Je dis souvent à mes élèves que leur traduction doit être jugée à l’aune de ce qu’on attend d’un texte contemporain. Avec L’âne d’or d’Apulée, on s’en donne à cœur joie ! », s’enthousiasme cette femme écrivain.

« Parce que le latin et le grec ancien ne sont plus parlés, on passe beaucoup de temps à obser-

ver, à analyser le fonctionnement de ces langues », abonde Isabelle Woydyllo, professeur dans un col-lège de Bagnolet, en Seine-Saint-Denis. Elle fait aussi valoir que ces langues permettent d’aborder « avec la distance du temps, de façon dépassionnée », des sujets qui pourraient paraître sensibles. « L’an dernier, nous avons étudié le thème du Déluge dans la Bible

et le Coran, mais aussi chez Ovide, pour montrer les liens qui existent entre les mythes et les croyances religieuses », témoigne-t-elle.

Dans ce va-et-vient entre passé et présent, les langues anciennes offrent tout simplement « des clés d’entrée dans notre quotidien, fait d’édifices à colonnes et de tableaux qui empruntent aux mythes de l’Antiquité », estime Élisabeth

Antébi, la fondatrice du Festi-val européen latin grec, dont la 10e édition se déroulera à Lyon du 24 au 26 mars sur le thème « Nous autres citoyens ».

Du côté des parents et des élèves, ce type de considérations, cependant, n’entre pas tou-jours en ligne de compte dans le choix du latin et/ou du grec. Et, s’il concède que dans un monde idéal, tous les élèves devraient apprendre une langue ancienne, le sociologue François Dubet suggère de rompre avec « cette maladie nationale, ce mécanisme infernal qui transforme chaque enseignement en mode de sélection et fait du collège une machine à trier les élèves, scolairement donc

Le latin et le grec rajeunissent

Schola Nova est la seule école à proposer, dans le primaire et dans le secondaire, un enseignement vivant de ces langues mortes. Julien Faure/Hans Lucas

« L’an dernier, nous avons étudié le thème du Déluge dans la Bible et le Coran, mais aussi chez Ovide, pour montrer les liens qui existent entre les mythes et les croyances religieuses. »

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Événement4

socialement. » Selon ce spécialiste de l’école, les expérimentations mises en avant dans des zones difficiles ne font que confirmer la règle générale : ces filières sont utilisées par ceux qui sont déjà favorisés pour créer des enclaves dans le collège unique.

Laurent Bigorgne, le directeur de l’Institut Montaigne, ne dit guère autre chose : « Ce qui est en jeu, souvent, ce n’est pas la trans-mission d’un héritage mais avant tout la capacité des élites scolaires à organiser le parcours de leurs enfants. D’ailleurs, la présence de ces langues au collège – leur place serait plutôt, à mon sens, dans l’enseignement supérieur – relève plus du corporatisme que du pro-jet pédagogique », estime-t-il.

À ses yeux, on se trompe de priorité. « Le vrai drame de l’école française, c’est le faible niveau de ses élèves en anglais, une lan-gue dont beaucoup vont devoir se servir au quotidien. C’est aussi, bien évidemment, le fait que 20 % sortent du primaire sans maî-triser la lecture ni l’écriture. Les moyens consacrés au latin et au grec sont autant de moyens qu’on ne consacre pas à l’apprentissage du français ni de l’anglais », glisse ce spécialiste des politiques pu-bliques.

De quoi faire bondir le linguiste Claude Hagège. Pour lui, les lan-gues anciennes doivent être en-seignées avec ténacité et ce dans un but qui dépasse de loin le por-tail de l’école. Pour faire reculer l’hégémonie de l’anglais, le cher-cheur rêve de faire du latin une langue commune européenne, qui, un peu comme l’esperanto, ne serait pas l’apanage de tel ou tel pays. « Cela demande natu-rellement beaucoup de volonté politique mais cela est possible », assure-t-il, en citant le cas de l’hébreu, sorti du seul cadre re-ligieux pour redevenir aussi, à la fin du XXe siècle, une langue du quotidien.Béatrice Bouniol et Denis Peiron

Pierre Judet de La CombeHelléniste

Pour ce chercheur et enseignant spécialisé dans la tragédie grecque, le latin est une langue morte qui met tout le monde à égalité.

Dans votre dernier ouvrage (1), vous soulignez que l’apprentissage des langues anciennes permet de lutter contre une tendance à lire un texte ou une tradition de manière figée. De quelle manière ?Pierre Judet de la Combe :

Pour se dégager de l’emprise de ces lectures figées, fondamen-talistes, il est essentiel de savoir lire. Toute tradition se construit de manière contradictoire, le sens d’un texte est toujours inscrit dans un mouvement historique. Ces langues, étrangères entre toutes car muettes, imposent un va-et-vient patient entre l’analyse grammaticale et le sens que le texte peut avoir pour nous. Elles nous apprennent qu’il n’existe pas d’identité figée.

Ajoutons que ces écrits, poé-tiques, politiques ou philoso-phiques, débattent d’immenses questions : la vérité, le réel, les relations entre sciences et religions… Bien entendu, les réponses apportées ne peuvent pas être reprises telles quelles, les anciens ne sont pas nous. Mais

ils ne sont pas non plus complè-tement autres, leur culture nous interpelle toujours. Lire Sophocle ou Homère, cela reste provocant. De très belles créations théâtrales ont lieu quand de grands acteurs ou metteurs en scène, tellement « perturbés » par cette lecture, se trouvent dans l’obligation d’in-venter.

En quoi cet apprentissage ne peut être réduit à des cours de civilisation ?P.J. de la C. : L’histoire n’est pas

qu’affaire de connaissance mais aussi d’expérience individuelle. Elle ne se résume pas à un en-semble de faits de civilisation. Quand, à partir de l’analyse de la langue, l’élève saisit le sens et l’originalité d’un texte, il fait l’ex-périence que rien dans la culture n’existe sans confrontations, ou-blis, reprises. Si l’on peut tenir ce raisonnement à propos de toute langue étrangère, il faut rappe-ler que le latin et le grec sont à la base des cultures américaines et européennes. Ignorer ce terrain commun me paraît injustifiable.

En outre, ce sont des langues non parlées, et de ce fait démo-cratiques. Comme il n’y a pas de connaissance familiale du latin et du grec, ces langues ne sont pas bourgeoises. Et si les enfants des milieux aisés sont globalement majoritaires dans ces classes, ce n’est pas vrai partout. Dans les quartiers défavorisés, cet ensei-gnement est même thérapeu-tique. Là où le français est à peine parlé, le latin est une langue morte qui met tout le monde à égalité et une langue assez simple pour permettre de travailler fa-cilement sur la syntaxe. Même si la grammaire latine n’est pas la grammaire française, les notions de sujet ou d’adverbe demeurent. Cet enseignement a une valeur sociale énorme, celle de donner aux élèves les outils qui leur per-mettent d’avoir du recul par rap-port à une langue, la leur, qu’ils ne possèdent pas bien.

Plus largement, quelle peut être la portée politique de ce rapport aux anciens ?P.J. de la C. : Nous ne pouvons

pas penser notre réalité en dehors de notre rapport au passé, comme s’il n’y avait que notre monde économique présent. Mais ce passé, nous ne savons pas ce que c’est. Il faut le découvrir, pour se donner les moyens d’envisager plus librement le présent. Ce re-gard, rétrospectif et ouvert à la fois, était le programme de la Re-naissance. Il est aujourd’hui me-nacé. Prétendre que notre iden-tité est fermée fait du monde un lieu de conflits où il est nécessaire de se préserver des barbares. Pour placer les gens en situation de se comprendre les uns les autres, le rapport aux anciens est essentiel, eux qui semblent si loin de nous. Si les traditions sont perçues dans leur dynamisme, elles ne seront pas des facteurs de fermeture et de raidissement. Que les élèves oublient ensuite le grec et le la-tin importe peu s’ils ont appris ce rapport personnel à l’histoire, à la langue et à la culture.Recueilli par Béatrice Bouniol

(1) L’Avenir des anciens, Albin Michel, 18 €.

Pour faire reculer l’hégémonie de l’anglais, le chercheur rêve de faire du latin une langue commune européenne.

Suite de la page 3. entretien

« L’enseignement du latin et du grec a une valeur sociale énorme »

L’enseignement du latin et du grec permet à des élèves d’avoir du recul sur la langue française surtout quand ils ne la possèdent pas très bien. Julien Faure/Hans Lucas

Samuel Kirszenbaum

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Événement 5

Dans ce pays au patrimoine culturel si dense, l’appétit pour l’apprentissage des langues anciennes est au plus bas. L’Italie cherche des solutions pour sauver Homère et Virgile.

En Italie, depuis sa suppres-sion dans les collèges en 1977, le latin est enseigné

dans les lycées classiques, scien-tifiques et spécialisés en sciences humaines. Les élèves ont entre 3 et 5 heures hebdomadaires de cours obligatoires durant deux ou cinq années, selon la filière choisie. Seul le lycée classique dispense également, en parallèle, un enseignement obligatoire du grec : 5 heures de latin et 4 heures de grec par semaine les deux pre-mières années ; puis 4 heures de latin et 3 heures de grec hebdo-madaires les trois dernières.

« Le liceo classico offre une for-mation pluridisciplinaire qui permet, comme aucun autre, de transmettre les racines de notre culture, les valeurs de la citoyen-neté et le sens critique », explique Irene Baldriga, directrice du ly-cée Virgilio à Rome. Fondé en 1936, cet établissement compte 1 400 élèves, dans plusieurs fi-lières. Mais son cœur historique est le lycée classique, qui ac-cueille des élèves issus de milieux très variés.

De père italien et de mère croate, Ivan Galenda passera son bac cette année. « Si je devais ex-pliquer à un enfant de 10 ans la question des flux migratoires, je lui parlerais d’Ulysse. C’est le

passé de l’humanité qui permet de comprendre le monde contempo-rain. » Son seul regret : « L’ensei-gnement trop philologique ! »

De fait, durant les deux pre-mières années, les élèves doi-vent maîtriser l’ensemble de la syntaxe latine et grecque, pour se consacrer ensuite à l’étude de l’histoire littéraire et à la lecture d’une anthologie de textes des

auteurs étudiés. « J’ai acquis un sens de la logique et de l’intuition qui m’aidera à bâtir mon avenir, je veux devenir réalisatrice de séries télévisées », explique de son côté Miranda Angeli, 18 ans.

Malgré la passion de ces élèves, on constate une chute drastique des inscriptions. Cette année scolaire, 5,5 % des élèves – dont 73 % de filles – ont opté pour la

filière classique, contre 10 % en 2008. « L’Italie est confrontée à une grave crise de la culture clas-sique », admet Carla Guetti, char-gée de la révision de la didactique au ministère de l’instruction, « Nous étudions donc des solutions pour rendre le liceo classico plus innovant. Il faut inverser le pro-cessus, avoir le souci de compré-hension avant de chercher à tra-duire. Moins de théorie et plus de Pompéi », résume-t-elle.

« Cette désaffection s’explique aussi par le succès croissant du lycée linguistique ou des sciences appliquées », affirme Paolo Cor-bucci, un des responsables du ministère de l’instruction. « Les familles orientent leurs enfants vers des voies qui leur semblent plus concrètes. Il est donc crucial de s’adapter aux évolutions socié-tales. »

Un premier pas est déjà accom-pli. Des stages obligatoires en en-treprise ont été introduits à par-tir de la 3e année de lycée. « Cela permettra aux élèves du liceo clas-sico de s’immiscer dans un sec-teur proche de leur filière (musée, bibliothèque, maison d’édition, centre de recherche) ou qui exige des capacités de management que donne l’apprentissage du latin et du grec », détaille Irene Baldriga.

Pour Carlo Albarello, profes-seur de latin, la défense de l’en-seignement des langues et civili-sations anciennes est aussi celle de l’égalité des chances et de la démocratie. « Mes meilleurs élèves viennent de milieux défavorisés », assure-t-il.

De son côté, Stéphane Gioanni, directeur des études pour le Moyen âge à l’École française de Rome, observe qu’il existe encore une fierté de la culture latine. « La plupart des Italiens connais-sent quelques vers en latin qu’ils récitent plus naturellement que les Français. L’Italie a des atouts uniques pour surmonter la crise du latin et du grec », estime-t-il. Cela n’en reste pas moins un vrai défi.Anne Le Nir (à Rome)

« Si je devais expliquer à un enfant de 10 ans la question des flux migratoires, je lui parlerais d’Ulysse. »

vu d’ailleurs

L’Italie cherche des solutions pour sauver les langues anciennes

Les Italiens gardent une vraie fierté de leur culture latine et de leur patrimoine historique, comme Pompéi.  F. Hecker

repères

Latin et grec dans l’enseignement secondaire

Un collégien sur cinq est latiniste. Selon les derniers chiffres disponibles, qui da-tent de 2014, 19 % des effectifs de 5e choisissent l’option la-tin. L’intérêt pour cette langue décroît ensuite : la proportion d’élèves de 3e qui étudient cette langue tombe à 15 %.

L’apprentissage du latin est da-vantage présent dans les éta-blissements privés (21 %) que dans les collèges publics (16 %).

Le choix de cette option est marqué socialement : en 5e, 12 % des élèves d’origine sociale défavorisée apprennent le la-tin, contre 31 % de leurs cama-rades venant d’un milieu très favorisé.

Le grec ancien, lui, est enseigné à partir de la 3e (3 heures par semaine).

Avec la réforme du collège, attendue pour septembre prochain, chaque élève devra suivre, entre la 5e et la 3e, des enseignements pratiques in-terdisciplinaires (EPI) dans au moins 6 des 8 domaines défi-nis par le ministère, dont les « langues et cultures de l’Anti-quité ».

À cela s’ajoute, pour ceux qui le souhaitent, un ensei-gnement de complément da-vantage axé sur les aspects linguistiques : 1 heure en 5e, 2 heures en 4e et 3e (contre, aujourd’hui, 2 heures en 5e et 3 heures en 4e et 3e). En prin-cipe, ceux qui choisissent cette option peuvent suivre de façon continue l’EPI « lan-gues et civilisations de l’Anti-quité ».

Une érosion au lycée : latin et grec font partie des enseigne-ments d’exploration (1 h 30) en 2de générale et technologique. Le latin y est choisi par 5 % des élèves. En 1re et en terminale, son apprentissage s’inscrit avant tout dans les séries lit-téraire et scientifique (7 % de leurs effectifs). Il est impos-sible, en revanche, de conti-nuer à apprendre cette langue dans la voie technologique.

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Sport6

Comment donner du mouvement à un objet inerte comme une automobile ? Cette question sous-tend toute l’œuvre de Jean Graton, auteur de « Michel Vaillant », le célèbre pilote héros de bande dessinée. Sa belle-fille a recomposé et agrandi certaines cases pour en extraire l’essence artistique, créant ainsi des œuvres appelées « art strips », qui font l’objet de trois expositions à Nantes et à Paris.

A 92 ans, Jean Graton, l’auteur de Michel Vaillant, a posé le crayon depuis long-temps. Bien que ma-

lade, il coule une retraite tran-quille à Bruxelles, capitale de la bande dessinée, où ce Nantais d’origine s’est installé à la fin des années 1940. C’est son fils Phi-lippe qui a repris les rênes de la maison d’édition portant son nom.

Le nouveau patron coécrit les scénarios et supervise, avec sa femme Dominique, graphiste de métier, le dessin des nouvelles aventures du célèbre pilote. Le 75e épisode sortira en juin sous le titre Renaissance, avec une intri-gue se situant à Paris.

Une belle histoire de famille et d’héritage, en somme, comme il en existe parfois dans la trans-mission d’entreprises artistiques. Celle-là semble bien se passer,

au contraire de sordides empoi-gnades judiciaires qui ont terni la postérité d’Astérix ou Tintin, pour ne prendre que des héros à la notoriété comparable à Michel Vaillant, dont le premier album, Le Grand Défi, date de 1959.

Cette entente tient en partie à la relation privilégiée entre Jean Graton et sa belle-fille, pourtant pas spécialement intéressée par les voitures et la BD tradition-nelle à son arrivée dans la mai-son, il y a vingt ans. « En regar-dant les planches originales des premiers albums, j’ai eu un vrai choc artistique, car j’avais devant moi d’authentiques œuvres d’art. » Durant des années, elle fera des essais d’agrandissement, lan-cera des scanners pour analyser les couleurs, retrouver les coups

de gomme mal effacés… Ce tra-vail l’amènera à concevoir des « art strips », des illustrations de la taille d’un tableau reprenant des éléments de voitures, de dé-cors ou de personnages, extraits de planches de la période dorée de la série, jusqu’au début des années 1970. Dix-huit cases ainsi réinterprétées font l’objet d’un circuit d’expositions, qui dé-bute à Nantes le 28 janvier (1) et trente tirages de ces art strips, le terme consacré pour ce type de travail, seront vendus – de 900 à 3 200 €.

L’auteur, Jean Graton, a suivi le travail de sa belle-fille avec un intérêt d’abord amusé, puis de plus en prononcé. « Il se considère comme un simple artisan racon-teur d’histoires et pas comme un

artiste, dit-elle. Mais quand je lui ai montré les premiers essais, il s’est pris au jeu et s’est montré encore plus exigeant que moi dans les choix. » Toute la difficulté était en effet de conserver dans la nou-velle composition la personnalité des personnages principaux et surtout le mouvement, essentiel dans un univers où la création se heurte à l’inertie du sujet princi-pal, l’automobile.

Les peintres de marine dispo-sent du vent et des vagues pour induire le mouvement, les dessi-nateurs d’avions ou de chevaux ont l’inclinaison des ailes ou la position des pattes pour induire le déplacement. Les spécialistes de l’automobile n’ont rien. Une voiture est un objet mort posé sur une surface plane.

Ils doivent donc recourir à des artifices extérieurs : les lignes de vitesse (les traits dessinés autour

et derrière la voiture), la position des roues par rapport à la route et surtout les bruitages : les fameux « Vroum », « Vroap-vroap » et autres « Hhiiii », à la typographie et à l’inclinaison étudiées pour produire un effet d’accélération, de rétrogradage ou de freinage.

Si elle fait partie du plaisir de lecture, cette grammaire sonore passe inaperçue aux proportions d’un album. Une fois agrandie aux mesures des art strips (de 80 cm à 150 cm de large), elle saute aux yeux, comme l’évi-dence que Jean Graton est un grand artiste qui… s’ignore.Jean-François Fournel

(1) Du mardi 26 janvier au samedi 30 janvier à Saint-Herblain, près de Nantes (Ford Store). À Paris au Salon Rétromobile, du 3 au 7 février à Paris Expo (Porte de Versailles), puis du 10 février au 19 mars au BMW Store, avenue George-V.

S’il te plaît, dessine-moi une voiture…

biographie

Jean Graton, dessinateur des Trente Glorieuses

Né à Nantes en 1923, ouvrier à 16 ans, Jean Graton est devenu le dessinateur symbole des Trente Glorieuses, âge d’or de l’automobile et de la bande dessinée classique, type Tintin. Dans cet album biographique abondamment illustré, sorti en novembre dernier et rédigé par Xavier Chimits,

journaliste spécialisé dans l’automobile et Philippe Graton, le plus jeune fils de l’auteur de Michel Vaillant, on croise quelques célèbres et joyeux compagnons de tra-vail de Jean Graton : Jacobs, Goscinny, Uderzo, Morris, Franquin, Graton, Peyo, Charlier, Jijé, Greg, Martin, Tibet et tant d’autres.

Jean Graton et Michel Vaillant. L’aventure automobile, par Xavier Chimits et Philippe Graton, Éditions Hors Collection, 59 €, 320 pages.

Michel Vaillant Art strips

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Regards 7

Quand le bandeau tombe en lambeauxLa chronique de Geneviève Jurgensen

Je n’étais pas encore debout ce matin-là que j’enten-dais déjà la radio dans la pièce à côté annoncer la mort du cinéaste italien

Ettore Scola. À un admirateur qui lui demandait, après tant de grands films, ce qu’il lui restait encore à faire, il rétorqua : « Mourir, ça, je ne l’ai jamais fait ! »

Europe 1 continuant à dérou-ler son bulletin, j’ai entendu un conseil de poids : pour garder le moral, écouter au réveil la sonate pour deux pianos K448 de Mo-zart (1). On en trouve sur YouTube une interprétation par Daniel Ba-renboim et Lang-Lang, habillés comme un clavier, l’un tout en blanc, l’autre tout en noir. On peut leur faire confiance pour faire pas-ser le message du bonheur, la com-binaison de leurs générations et de leurs cultures jointes à leur goût de séduire offrant, avec leur talent,

la synthèse enivrante des mille raisons de vivre qui nous restent quand on se surprend à en cher-cher.

« Le cauchemar » (Der Alptraum). Ainsi était titré le 7 janvier, dans le quotidien allemand Die Zeit, un article signé Anant Agarwala. Cauchemar vécu par les très nom-breuses femmes victimes d’agres-sions et si peu secourues, cauche-mar pour ces mêmes femmes qui craignaient de voir leur malheur alimenter l’hostilité des xéno-phobes. Au fil des jours, ce cauche-mar fut aussi celui de découvrir que ceux qui, par leur statut, étaient là pour défendre les victimes, no-tamment la police, la presse, les responsables politiques locaux et nationaux, avaient eu du mal à ouvrir les yeux sur ce qui s’était passé au même moment en de nombreux endroits du pays. Sans doute, comme les victimes elles-

mêmes, tous ces gens n’avaient-ils jamais, même en cauchemar, rêvé que puissent être commis des actes aussi bas et coordonnés, minant cruellement le chemin sur lequel le pays avait voulu s’engager. Un million de réfugiés en un an, et tant d’autres à venir, c’était un si beau pari ! En attendant, tout le monde est inquiet, les réfugiés les pre-miers, innocents qui doivent, alors que tout était à la fois si bien en Al-lemagne mais forcément si trauma-tisant et laborieux aussi, montrer leur réprobation d’actes qui ne sont pas les leurs.

La vérité émerge peu à peu, ajou-

tant une composante au cauche-mar : l’Allemagne, souvent citée comme une société exemplaire, n’a pas voulu voir la question des sans-papiers vivant depuis longtemps nombreux sur son sol, parmi les-quels furent identifiés des auteurs des exactions préméditées de la Saint-Sylvestre. Pourquoi traiter les problèmes avant d’y être obligé ?

Fermer les yeux est de règle par-tout. Il y a six ans, des élections ap-prochant, un rapport de la police anglaise fut tenu secret par peur d’encourager un parti nationa-liste et de créer des tensions entre communautés. Ce rapport révélait l’existence d’un réseau d’hommes, en large part pakistanais, actifs de longue date, recrutant de toutes jeunes Anglaises de la région, les Midlands de l’Ouest (Birmingham notamment), pour les prostituer. Près d’une sur deux vivait chez ses parents, beaucoup d’autres, vulné-

rables entre toutes, vivaient en foyer.Elles furent pendant des an-

nées sacrifiées à l’idéal du « vivre-ensemble », qui fait partie de ces bonnes intentions dont l’enfer est pavé. Sauf que se bander les yeux pour préserver son rêve, c’est faire l’enfer de l’autre. Jusqu’au moment où le bandeau tombe en lambeaux. Là, il faut bien se regarder dans les yeux de l’autre. Adieu les cli-chés. Le reflet de soi n’est pas ce-lui sur lequel on fantasmait. Alors, on renonce ? Quel dommage que rien d’important ne se fasse sans aller contre son vœu le plus pieux. Tant mieux si écouter Mozart peut nous y aider, il y a mille raisons de vivre, l’amour et la beauté sont les premières. Vivre ensemble en fait partie. Rien de tout cela n’est acces-sible à qui redoute la vérité. (1) Dans Tout déprimé est un bien por-tant qui s’ignore, du professeur Michel Lejoyeux.

L’Allemagne n’a pas voulu voir la question des sans-papiers.

MADE INALGERIAGÉNÉALOGIE D’UN TERRITOIRE

EXPOSITION20 JAN. - 02 MAI 2016

MARSEILLEEn partenariat avecExposition réalisée avec le concours exceptionnel de

MADE INALGERIA

MUCEM.ORGL’Arba, 1888, feuille de la série au 1/50 000 de l’Algérie éditée par le Service géographique de l’Armée (détail), INHA,Archives Poinssot (Archives 106) © Bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art, collections Jacques Doucet, photo Nicolas Fussler.

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Rencontre8

Aux « trois M » (Montaigne, Montesquieu, Mau-riac), traditionnellement attachés à la gloire littéraire de Bordeaux, il convient désormais d’associer celui de Mollat. La première librairie indé-pendante de France, passée de père en fils, célèbre ses cent vingt ans.

Sous ce patronyme, l’enseigne fa-miliale et ses longues vitrines déco-rées de livres brillent comme l’un des fleurons du centre historique. Les « trois M » peuvent bien faire une place à cette dynastie qui, depuis 1896, œuvre pour que soit transmis le legs de leur esprit. Cette boutique labyrinthique, à la fois millésimée et hors d’âge, désuète et futuriste, avec ses dix-huit kilomètres de rayonnages aux senteurs mêlées de bois et de pa-pier broché, poursuit une tradition de continuité. Les Bordelais tiennent pour vertu le souci de la longue du-rée. Chez Mollat, le fonds se taille la part du lion. Et l’usage de porter la

blouse pour recevoir les clients n’a été abandonné qu’au crépuscule du XXe siècle.

Denis Mollat, l’héritier matois de cette dynastie, voit régulièrement des passants traverser sa boutique, sans

s’arrêter, pour le plaisir de la prome-nade, humant au passage le parfum singulier d’imaginaire rassemblé dans ce temple biscornu de l’esprit. D’autres viennent tous les jours mu-sarder, feuilleter, discuter avec l’un

ou l’une des 55 libraires, passer d’une niche à l’autre de ce dédale voué aux livres, dans leur infinie diversité.

Le regard cerclé par des lunettes à montures colorées, Denis Mollat re-çoit au deuxième étage de l’immeuble

Denis Mollat, un héritier entreprenant

Denis Mollat est, entre autres, vice-président de la Chambre de commerce et d’industrie de Bordeaux et président du Cercle de la librairie. Lea Crespi/Pasco

Mollat, première librairie indépendante de France, affaire de famille transmise de père en fils depuis 1896, est dirigée par un médecin féru de technologies.

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Rencontre 9

du XIXe siècle, à l’adresse où Montes-quieu fut locataire d’une dépendance aujourd’hui disparue du couvent des Ursulines. Nous sommes en territoire mexicain. El señor Mollat, consul ho-noraire, règne sur les 80 mètres carrés d’extraterritorialité concédée par la France à ce pays lointain. Fonction-naire de l’État mexicain, il en repré-sente les intérêts et assure les fonc-tions qui lui sont déléguées comme de faciliter la délivrance des passe-ports, signer les livres de bord des navires qui font escale, rendre visite aux sombres héros exilés qui végètent dans nos geôles.

Il a succédé à un armateur, un né-gociant en cacao, un exportateur de rhum. Quatrième titulaire de cette charge, il la prend très au sérieux. « J’ai même failli être séquestré par des zélotes bordelais du sous-com-mandant Marcos, plaisante-t-il. Mon titre me vaut la protection des ser-vices secrets. Aussi ce plan a-t-il été déjoué. » On sent chez Monsieur le Consul honoraire comme une pointe de regret que son sourire en coin ne dément pas.

Denis Mollat est un cartésien qui aime les plaisirs de la vie, un hédo-niste méthodique qui connaît les bonnes tables et les grands crus, un pragmatique inventif, d’une cour-toisie pateline, discrètement secret. Membre de différents cercles ho-norables où cette ville affine sa dis-tinction, Denis Mollat ressemble à Bordeaux dont il est l’un des ambas-sadeurs, en même temps que son émanation.

Petit-fils unique, fils unique, il était promis sans le vouloir, ni le sa-voir, à prendre le relais de l’affaire familiale. Après quatre ans passés au Samu, thèse de doctorat d’anes-thésiste-réanimateur en poche, tenté par la psychiatrie, il a troqué sa blouse blanche de futur médecin pour celle de libraire. Son père ne l’avait jamais préparé à cette tâche, ni même prévenu. « Je n’ai rien ré-clamé, dit son fils. On m’a confié ce qu’on attendait de moi. Il suffit d’être dans les bonnes dispositions. »

Le 1er avril 1982, le docteur Denis Mollat est entré dans la boutique fa-

miliale – dont, depuis son enfance, il n’avait quasiment jamais franchi le seuil – pour ne plus en sortir. « J’exerce un métier que je n’ai pas appris ; j’ai appris un métier que je n’exerce pas », résume-t-il. Il arrive encore au docteur Denis Mollat, ma-rié à un médecin dont le prénom, Constance, vaut brevet de vie conju-gale, de rédiger des ordonnances qui font la joie des pharmaciens.

Sa fantaisie ne s’arrête pas là. Le bon docteur Mollat a longtemps pi-loté des aéronefs et des hélicoptères. « J’ai arrêté, lâche-t-il, parce qu’il faut beaucoup de liberté d’esprit. » Il se rattrape avec des drones qui vo-lent parfois dans le bureau de son enclave mexicaine, au milieu des dernières caméras qu’il vient d’ac-quérir pour nourrir son site Internet.

En 1989, William Mollat, son père, qui patrouillait chaque jour dans les allées de sa librairie, avec un mot pour tous, s’efface. Après sept ans de réflexion passés à observer et com-prendre les mécanismes de cette entreprise, les rouages des relations avec les éditeurs et les clients, De-nis Mollat prend les commandes. La Fnac vient de s’implanter et Virgin ouvre un Mégastore au bout de la rue, avec le but avoué de supplan-ter cette librairie jugée obsolète. Les stratèges anglais commencent par débaucher le principal et omnipré-sent collaborateur de Mollat. Déjà, d’autres enseignes historiques bais-sent définitivement le rideau. On ne

donne pas cher de la peau du jeune docteur Mollat. Saura-t-il éviter ou retarder le naufrage annoncé ?

« Tout était pensé dans ma tête, dit-il. Je ne suis pas un angoissé. La mé-decine m’a appris la sérénité, le recul, la gestion des priorités et un certain sens pathognomonique, la certitude du diagnostic sûr. » Les vers de La Fontaine dans Le Lion et le Rat résu-ment sa manière d’être : « Patience et longueur de temps/Font plus que force ni que rage. » Alors que Bordeaux s’interroge, Denis Mollat se lance dans de vastes travaux pour agrandir sa librairie, achète les pas-de-porte du voisinage absorbés dans le laby-rinthe. « L’enseigne Mollat appartient à cette ville, commente-t-il. J’étais persuadé que les Bordelais étaient in-timement attachés à l’écrit. »

Virgin a plié bagage et déposé le bilan. La Fnac appâte aujourd’hui le chaland en vendant des cafetières et de l’électroménager… Mollat dis-pose désormais de près d’un hectare de locaux regroupés en plein centre-ville dont il est propriétaire, atout décisif pour voir venir. Sa structure logistique, qui réceptionne chaque jour trois tonnes et demi de livres, est située dans les entrailles de l’im-meuble. Le stock est redistribué dans les rayons de la librairie, d’où partent les commandes Internet. « C’est notre réponse à Amazon, explique le patron. Tout est à portée de main. La compétence et l’expertise en plus. »

En un siècle, la surface de la li-brairie a été multipliée par vingt…Le centre-ville devenu secteur pié-tonnier et l’arrivée du tramway qui s’arrête devant sa porte ont fait faire un bond à son chiffre d’affaires. Chaque année, Mollat vend près de deux millions de volumes. Quel est le secret d’une bonne librairie ? « Un centre-ville attractif et un bon sys-tème de transport. Beaucoup de titres en rayon, des libraires autonomes, à l’écoute des clients, capables, à tout moment, de savoir les conseiller. »

Au passé, Denis Mollat préfère l’avenir. « Un curieux compulsif qui re-doute de s’ennuyer, une extraordinaire rapidité intellectuelle, complète son attachée de presse, Aline Pôté. Pas-sionné par la technologie et le numé-rique, il a toujours une étape d’avance, y compris sur ses jeunes employés qu’il initie aux dernières inventions. Il lit les modes d’emploi jusqu’à la dernière ligne avant de se lancer dans l’expéri-mentation. »

Rencontres avec les auteurs et conférences se succèdent chaque jour au troisième étage de la librai-rie. Elles sont filmées et diffusées en direct sur Internet. Comme pour les livres, ce fonds d’archives est dispo-nible pour tous.

Pour les 120 ans, le site station- ausone.com sera entièrement re-fondu. Denis Mollat va ouvrir dans un ancien garage, à deux pas de la li-brairie, un espace de 300 places pour des conférences, des expositions, des concerts, du spectacle vivant, avec un studio d’enregistrement, équipé en technologies de pointe. « La culture, dit-il, va devenir une affaire d’investis-sement privé. »

À Paris, Denis Mollat, président du Cercle de la librairie qui édite Livres Hebdo et gère la base de données Electre, est engagé dans la définition d’un nouvel outil de lecture universel pour tablettes. « Je n’ai jamais dévié : le livre demeure au centre. Tout vient de là et y retourne. »De notre envoyé spécial à Bordeaux Jean-Claude Raspiengeas

« Passionné par la technologie et le numérique, il a toujours une étape d’avance, y compris sur ses jeunes employés qu’il initie aux dernières inventions. »

Bio express

24 avril 1953 : naissance à Talence (Gironde).

1er avril 1982 : arrivée à la librairie Mollat.

1982 : doctorat de médecine.

1985 : installa-tion de la Fnac à Bordeaux.

1990 : installa-tion de Virgin, à moins de cent mètres de la librairie Mollat.

1996 : nommé consul honoraire du Mexique.

2010 : publi-cation aux Éditions Mollat, en édition bilin-gue, des Œuvres complètes d’Ausone de Bordeaux (310-395), le seul poète gaulois d’expression latine.

2012 : lance-ment de Station Ausone, pre-mière étape du développement des plates-formes numé-riques de la librairie.

2016 : 120 ans de la librairie Mollat.

coups de cœur

Belle-Île-en-Mer

J’aime aller sur cette île parce qu’il faut attendre, être à l’heure, traverser pour enfin arriver. J’ai là-bas une prédilection pour les tempêtes en hiver, quand le bateau ne passe pas tous les jours.

Venise

Parce qu’il y a de l’eau partout, qu’il n’y a ni voitures, ni vélos. Parce que c’est la ville où le piéton est roi.

Bordeaux

J’aime marcher dans cette ville où je découvre encore aujourd’hui des rues étonnantes au hasard de mes pas. J’aime aussi la traverser en tram. Parcourir Bordeaux est un plaisir toujours renouvelé.

Tempête hivernale près du phare de la pointe des Poulains à Belle-île-en-Mer. Deschamps /Alpaca /Andia

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Portfolio10

Marraines, parrains...t Michèle et André, avec Noémie et Charlène, 6 ans, parrainées depuis trois ans. « Notre histoire s’est construite très progressivement. C’était important de rassurer la maman », dit Michèle. André ajoute  : « Le vendredi soir, je vais les chercher à la sortie de l’école. Toute la journée, j’y pense, j’ai les yeux qui sourient, j’ai hâte. » Et Noémie et Charlène de répliquer : « André, on l’appelle “coquinou” car il nous fait souvent marcher. Alors, pour le faire marcher à notre tour, on se fait passer l’une pour l’autre. »

Stéphanie Lacombe a photographié, le temps d’une journée, les liens qui se sont créés entre des enfants et des adultes mobilisés par l’association Parrains par’ mille.

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Portfolio 11

Ces marraines et ces parrains sont très présents. Ils partagent des fous rires et des moments de compli-cité avec leurs filleules et filleuls. Pourtant, ce sont

des marraines et parrains un peu spéciaux. Ils n’ont pas été choisis par les parents des enfants qu’ils aident à grandir. Ils ont répondu à l’appel de l’association Parrains par’ mille (1) créée en 1990 par Catherine Enjolet, soucieuse d’offrir à des enfants « un changement de décor et des plaisirs simples à partager » (lire La Croix du 29 décembre 2015). Ils sont près de 4 000 à avoir, ainsi, choisi de donner de leur temps à un enfant ou à un adolescent isolé ou fragilisé, de le soutenir, de créer avec lui des liens affectifs et éducatifs, dans le respect du rôle et de la place des parents. Le temps d’une journée, les belles rencontres, les liens affectifs, les fous rires qui en sont nés, ont été saisis par Stéphanie Lacombe qui, depuis dix ans, photographie le quotidien des familles, notamment à table et dans leur habitat. « J’aime rencontrer les gens, entrer chez eux, en banlieue ou en province. J’aime leur humilité », dit-elle. Son travail, empreint parfois d’humour, d’autres fois de gravité, entend questionner notre société mais se veut sans jugement. Il dit la banalité du quotidien, la complicité partagée, les liens (extra)ordinaires tissés parfois pour la vie.Photos Stéphanie Lacombe, texte Paula Boyer

(1) www.parrainsparmille.org

t Anne-Marie et Sephora, 7 ans, parrainée depuis deux ans. « Sephora a une sensibilité artistique, elle adore inventer des histoires, les mettre en scène, danser et chanter. Cet été, nous l’avons emmenée voir la mer pour la première fois », raconte Dominique. « Je me suis baignée même si j’avais très froid. J’ai ramassé des coquillages pour offrir à ma maman. J’ai fait tellement de cartes postales que j’en étais fatiguée », se souvient, de son côté, Sephora.

t Sophie et Eva, 8 ans, parrainée depuis deux ans. « La maman d’Eva qui est camerounaise souhaitait être épaulée dans l’éducation de sa fille par quelqu’un qui l’aide à accéder différemment à la culture française. Aujourd’hui, nous nous voyons quasiment toutes les semaines. Eva est toujours partante pour faire du sport… » « On fait du sport ensemble », confirme Eva qui, fille unique, est ravie d’aller chez les amis de Sophie « qui ont plein d’enfants de (son) âge ».

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La Croix a sélectionné pour vous une croi-sière d’exception au c œ u r d e l ’ E u r o p e organisée par Rivages du Monde. Nous vous invitons à la décou-verte d’une zone géo-

graphique, carrefour des grandes civilisations : Grecs, Romains, Byzan-tins, Ottomans et Illyriens y laissèrent leur empreinte constituant aujourd’hui un joyau du patrimoine mondial. Cette croisière à la croisée des chemins sera aussi l’occasion de mesurer com-

À la croisée des peuples et des cultures

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Avec vous à bord :Un INVITÉ d’HONNEUR

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Organisation

❒ Je souhaite recevoir une documentation sur la croisière « À la croisée des peuples et des cultures », du 20 au 30 octobre 2016COUPON à retourner à : RIVAGES DU MONDE-LA CROIX – 19, rue du Quatre-Septembre - 75002 Paris

Ces informations sont destinées à Rivages du Monde. Elles sont enregistrées dans notre fi chier clients à des fi ns de traitement de votre demande de renseignements et le cas échéant de votre commande. Conformément à la loi « Informa-tique et Libertés » du 6 janvier 1978 modifi ée, elles peuvent donner lieu à l’exercice du droit d’accès et de rectifi cation à l’adresse suivante : Rivages du Monde – 19, rue du Quatre-Septembre – 75002 Paris. ❐ J’accepte de recevoir des informations et offres commerciales de Rivages du Monde et de son partenaire La Croix par voie électronique.

CRX12Informations et inscriptions : www.rivagesdumonde.fr – 01 83 96 83 38 – [email protected]

Civilité (Mr, Mme, Père, Sœur) Prénom

Nom :

N° Rue, avenue, bld, impasse, chemin

Lieudit/Boîte postale Cplt d’adresse(Résidence, Escalier, Bâtiment)

Code postal Ville

Tél. : Email : ......................................................@.............................................................................

Jean-ArnaultDÉRENS,Journaliste et historien, rédacteur en chef du Courrier des Balkans, il collabore

également à de nombreux titres de la presse francophone. il donnera trois conférences sur les Balkans dans l’histoire, la tragédie yougoslave, l’Albanie.

Dennis GIRA,Spécialiste du dialogue interreligieux, enseignant dans les Instituts catholiques de Paris et de Lyon

et au Centre Sèvres. Il donnera deux conférences sur les fondements et les défi s du dialogue.

Enrico LETTA,Directeur de l’Ecole des affaires internationales de Sciences-Po Paris. Premier ministre du gouvernement italien en 2013-2014, ce

chrétien engagé vient de démissionner de son mandat de député du Parti Démocrate italien pour embrasser la vie professorale. Il interviendra sur le thème : l’Europe va-t-elle tourner le dos à la Méditerranée ?

Marie-FrançoiseBASLEZ,Professeur émérite d’histoire des religions de l’Antiquité à la Sorbonne. Auteur de nombreux

ouvrages, elle donnera trois conférences sur la méditerranée orientale, carrefour des cultures et des religions.

Grèce - Albanie - Croatie - Italie du sud du 20 au 30 octobre 2016

Sous la direction artistique de Jean-François Vinciguerra, baryton-basse et metteur en scène, vous assisterez au Stabat Mater de Pergolèse, A tempo, d’après les confessions de saint Augustin, Opéra Gala en compagnie de Mozart, Rossini, Donizetti…Avec Tatiana Probst (soprano), Delphine Haidan (mezzo-soprano), et Thomas Palmer (piano).

Un PROGRAMME MUSICAL EXCLUSIF

bien cette région est restée une des frontières essentielles de l’Europe. Berceau de différentes religions qui s’entremêlent, d’un brassage inces-sant de populations, cette région sym-bolise un « Orient » qui interroge et interpelle l’Europe. Nous irons plus loin dans cette compréhension grâce à des invités exceptionnels. Ce voyage sera aussi un temps de rencontres entre nous, membres de la rédaction et lecteurs. Venez avec nous partager cette aventure humaine et culturelle.

Guillaume Goubert, Directeur de la Croix

Sous la direction artistique de Jean-François

Une CROISIÈRE de 11 JOURSà bord du M/S Astoria

Organisation

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le billetPar Anne-Marie Gérard*

Plus de marche pour dormir

Juste au bas de notre im-meuble, il y avait comme un renfoncement, une marche

sous une embrasure, juste devant la porte d’une boutique. C’est là que Pierre dormait. Il est arrivé en même temps que nous dans le quartier. Voilà douze ans déjà. Il partait tôt, bien avant l’ouverture de la boutique. Il ne gênait per-sonne. Et pourtant, un jour, un rideau de fer... et plus de marche pour dormir. Désormais, pour trouver Pierre, il faut aller près du Franprix, sous une autre embra-sure, sans marche contre la pluie. Les gens du quartier lui donnent un coup de main, de la nourriture, un duvet… Et puis ce dîner gratis, au resto d’à côté, une fois par se-maine, repas offert par le gérant. Pierre lit beaucoup assis sur les marches de l’église. Il aide aussi beaucoup : une vieille dame a du mal à marcher… une poussette à porter… De temps en temps, il com-munie. Il fait partie de la famille. Et il invite ses amis à venir sous le porche de l’église. Là, au moins, on est bien.

Il y avait comme un renfonce-ment, une marche sous une embra-sure. C’est là que Pierre dormait. Et je regarde le tableau de Rembrandt sur la miséricorde du Père. Le Père court à la rencontre du fils. Nul be-soin d’atteindre la Maison. Le Père est là et il peut reposer. Il repose sa tête contre le cœur du Père. Pierre n’y pouvait rien, s’ils l’ont viré. Mais en chassant Pierre, ils L’ont chassé, Lui. Jésus nous dit qu’il est le blessé abandonné sur la route, le prisonnier, l’homme qui a faim et qui mendie à nos portes. Jésus est le prodigue dans les bras du Père.

Il y avait comme un renfonce-ment, une marche sous une em-brasure… Aujourd’hui, Pierre a un nouveau toit pour l’hiver. Ce n’est pas encore les Bras du Père. Mais cela y ressemble… Juste en dessous de l’église, une salle, des amis, et un lit pour reposer la tête.

* Anne-Marie Gérard, mère de famille, est théologienne. Proche des communautés Foi et Lumière et de l’Arche de Jean Vanier, elle a travaillé comme journaliste à RCF et à la revue Unité chrétienne (Lyon)

Comprendre. Le concile panorthodoxe P. 16

Transmettre. Est-ce qu’un méchant peut devenir gentil ? P. 19

Contempler. La création d’Eve à la cathédrale de Monreale, en Sicile P. 18

Hadas Parush/Flash 90-REA

Religion&spiritualité

Prier le long des murs P. 14-15

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Religion&spiritualité14

A Jérusalem, prier le long du murBethléem (Cisjordanie)De notre correspondante

U ne journée d’hiver s’achève à Beth-léem. Il est 17 h 30 et déjà, la Cisjor-danie est plongée

dans l’obscurité. Au nord de la ville, en direction de Jérusalem, les passants sont rares. Soudain, les soldats israéliens qui contrô-lent le passage des voitures au check-point se font vigilants : une dizaine de piétons se sont ras-semblés au pied du mur. Voilà qu’ensemble, ils longent le bé-ton sur une centaine de mètres, côté palestinien, reviennent, et font ainsi quatre ou cinq allers-retours. L’étrange procession se répète chaque vendredi depuis bientôt douze ans. L’habitude en a été prise en 2004, l’année où ce pan du mur a été construit.

Initié par une communauté de franciscaines à Bethléem, ce cha-pelet hebdomadaire concerne avant tout des voisins, chrétiens palestiniens et religieux catho-liques vivant à proximité. Aux beaux jours, quand vient la sai-son des pèlerinages, des visiteurs de passage se joignent aussi au groupe, qui a pu atteindre jusqu’à une centaine de personnes.

Touristes et pèlerins en Terre sainte gardent souvent un souve-nir marquant de ce mur grisâtre de huit mètres de haut, censé sé-parer Israël de la Cisjordanie mais bâti sur des terres palestiniennes (lire les repères). Beaucoup le franchissent aussi sans en être vraiment conscients, assis dans le car qui les conduit de Jérusalem à Bethléem.

Avec le rendez-vous du ven-dredi soir, pas question de jauger le mur de loin : les chrétiens pré-sents récitent leur chapelet au

plus près du béton, qu’ils effleu-rent parfois du bout des doigts. Jérusalem s’élève derrière la bar-rière de séparation, à moins de dix kilomètres. Là-bas, au cœur de la Vieille Ville, les fidèles juifs se recueillent sur un tout autre mur : dit « des lamentations », il est le dernier vestige du temple juif de Jérusalem (lire ci-contre).

Frère Peter, un lassalien améri-cain, vit à Bethléem depuis 2004. Prier sur le mur de séparation est pour lui une manière de pro-tester contre ce symbole de di-vision. « Je vois les conséquences

du mur sur la vie des Palestiniens qui m’entourent, le déni des droits de l’homme, la violence qu’il en-gendre… Alors je prie pour qu’il tombe. Et pour que tombe l’ani-mosité entre ces deux peuples. » Sœur Erika, une franciscaine al-lemande, voit plutôt cette prière comme une « contribution à la paix ». « Dieu est capable d’accom-plir des choses qui nous dépassent et de renverser des situations qui nous paraissent bloquées, assure-t-elle. Encore faut-il le lui deman-der, et y croire ! »

Et les Palestiniens qui vivent

derrière le mur, y croient-ils en-core ? Pour les musulmans (98 % de la population), la journée de prière du vendredi est souvent l’occasion de manifester contre le mur qui morcelle leur terre et les empêche de se déplacer libre-ment. Quelques-uns en profitent pour s’y recueillir quelques ins-tants, notamment quand ils n’ont pas pu se rendre à la mosquée Al-Aqsa, à Jérusalem, faute d’autori-sation de l’armée israélienne.

Quant aux chrétiens, ils pren-nent part à des rendez-vous di-vers, comme par exemple le

« Chemin de croix contempo-rain » qu’organise environ une fois par mois l’organisation Sabeel (« chemin » en arabe), un centre œcuménique palesti-nien (1). La douzième de ses sta-tions, celle de la mort du Christ, se trouve toujours au pied du mur, côté palestinien, mais le lieu exact peut varier (au niveau de Jérusalem-Est, Ramallah ou Bethléem).

Parmi les lectures proposées par Sabeel, cette prière : « Tout comme ce mur matériel sépare des voisins, divise des familles et maintient les gens en captivité, nos murs d’orgueil, de colère et de peur nous séparent de ceux que tu nous as commandé d’aimer, en les enfermant dans nos stéréotypes et nos préjugés. »

Chacun entretient avec le mur un rapport particulier. Clémence Handal, chaleureuse grand-mère palestinienne de Bethléem, a pris l’habitude de faire son signe de croix à chaque fois qu’elle approche la palissade. « Car la croix est à la fois la souffrance du Christ et son triomphe. » La croix de Clémence, c’est la haute cloison qui « prive (sa) maison de soleil » et la sépare de Jérusalem. « Au moins, le ciel reste ouvert ! », lâche-t-elle.

En Terre sainte, on prie aussi là où le mur n’est pas encore construit. Notamment dans la vallée de Crémisan, en contrebas de Bethléem, où un tronçon de-vrait prochainement être érigé et priver une soixantaine de familles chrétiennes de l’accès à leurs champs d’oliviers. Pendant des années, une messe était célébrée chaque vendredi sur les pentes de la colline ; mais l’été dernier, le tracé du futur mur a changé, et le lieu de la prière avec.

Des chrétiens palestiniens arrachent des petits morceaux de ciment au mur érigé par Israël à Bethléem. Ils les offriront au pape François lors de sa visite. Nasser Nasser/AP

Croire. Le mur de béton qui déchire la Terre sainte depuis 2002 est devenu un lieu de prière pour les croyants vivant à proximité

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Religion&spiritualité 15

C’est désormais à Beir Ona, au fond de la vallée, que des fi-dèles se rendent tous les di-manches, après la messe dans la paroisse voisine de Beit Jala.

Là où il est présent, le mur s’est progressivement couvert de graf-fitis, dessins colorés et pleins d’esprit mais qui « adoptent un langage de colère », comme le déplore Ian Knowles. Ce Britan-nique jovial vit à Bethléem où il enseigne à des Palestiniens l’art de l’icône. En 2009, il a entrepris d’en dessiner (ou « écrire ») une sur le mur, où elle trône toujours aujourd’hui, désormais entou-rée de quelques petites images pieuses. Pensive sur son croissant de lune doré, l’imposante Vierge Marie accroche le regard, et pour cause : des feuilles d’or ont pour l’occasion été déposées sur le béton !

« En introduisant du sacré dans quelque chose d’aussi maléfique que ce mur, j’ai voulu contribuer à casser son pouvoir », explique Ian Knowles. Selon lui, une telle barrière est un défi pour les chré-tiens : comment aimer son pro-chain quand on ne peut plus le voir ? C’est auprès de cette icône que s’achève le chapelet qui a lieu chaque vendredi soir à Bethléem. À la nuit tombée, le gris du mur se fond dans l’obscurité, tandis que le doré de l’auréole mariale luit toujours.Mélinée Le Priol

(1) Un réseau s’est également constitué en France : les Amis de Sabeel France (www.amisdesabeel-france.blogspot.com)

entretien

« Un face-à-face avec Dieu »

Jacquot GrunewaldRabbin franco-israélien

Ce rabbin d’origine strasbourgeoise qui vit à Jérusalem revient sur la notion de mur dans la Bible et sur le rôle du « Mur des lamentations » dans la tradition juive.

Qu’en est-il des murs dans la Bible ?Jacquot Grunewald : S’il y est

aussi souvent question de rem-parts (le mot apparaît 133 fois dans l’Ancien Testament, NDLR), c’est parce que c’était l’époque des guerres perpétuelles ! Cela n’a rien d’exceptionnel : dans la France médiévale aussi, les châteaux étaient protégés par des murailles. Dans la Bible, il y a l’épisode bien connu des mu-railles de Jéricho qui s’écroulent au son de trompettes, au moment de la conquête de Canaan. Ce ré-cit, il ne faut bien sûr pas l’inter-préter de manière littérale : les ar-chéologues assurent d’ailleurs ne pas avoir trouvé en ce lieu de murs correspondant à cette période.

Prie-t-on au pied des murs, dans la Bible ?J. G. : Au moins une fois, oui,

quand le prophète Isaïe annonce au roi Ézéchias, malade, qu’il va mourir (2 Rois 20). Alors, le mou-rant « tourna son visage contre le mur et pria Yahvé ». On peut voir dans ce geste le besoin de ne pas être dérangé, de ne regarder ni à droite ni à gauche pour privilé-gier le face-à-face avec Dieu. On retrouve ce geste aujourd’hui, dans les prières juives au pied du Mur occidental de Jérusalem.

Le Mur des lamentations ?J. G. : Oui, mais la tradition

juive n’utilise jamais ce terme, lui

préférant « Qotel » ou « Mur occi-dental ». L’expression « Mur des lamentations » a probablement été inventée par les voyageurs chrétiens qui observaient les juifs y prier : il faut dire que le seul mo-ment où ceux-ci avaient le droit de s’y rendre, c’était le jour de l’anniversaire de la destruction du Temple, où on lisait les La-mentations de Jérémie.

Pourquoi ces larmes ?J. G. : Ce mur est le seul rap-

pel tangible de la présence du Temple d’Hérode (détruit par les Romains en 70 après J.-C., NDLR). Ce n’est pas à proprement par-ler un mur du Temple, dont il ne reste rien aujourd’hui, mais un mur de soutènement : il conte-nait la montagne du Temple, et le Temple s’élevait juste au-dessus. C’est ce qui en fait un lieu si im-portant pour les juifs. Il cristallise une forme de nostalgie.

Que s’est-il passé pour le mur après la création d’Israël ?J. G. : Les accords d’armis-

tice de 1949 prévoyaient que les juifs pouvaient venir prier au Mur. Mais ces accords n’ont pas

été respectés. Ne pouvant plus accéder au Qotel, les juifs es-sayaient de l’apercevoir de loin. En juin 1967, à l’issue de la guerre des Six Jours, Israël a conquis la vieille ville de Jérusalem. Pour ne pas créer de problèmes avec les musulmans, l’esplanade leur a été laissée, tandis que les juifs retrouvaient leur mur. Les petites maisons qui l’entouraient ont été détruites et une vaste place a été construite juste devant.

Et qu’en est-il du mur qui sépare Israël de la Cisjordanie ?J. G. : Bien sûr, cette barrière

de séparation pose mille et un problèmes politiques. Mais au moins, elle a permis de mettre un frein aux attentats-suicides des « hommes-bombes » palestiniens de la seconde Intifada. Je crois que ce mur n’a aucune raison d’être définitif et qu’on le reti-rera quand nous aurons des ga-ranties de sécurité. Nous n’allons pas garder quelque chose d’aussi horrible.Recueilli par Mélinée Le Priol (à Bethléem)

Au pied du Mur, à Jérusalem, le pape François, le rabbin Abraham Skorka et le musulman Omar Abboud. Kobi Gideon/GPO/REA

repères

En mai 2014, le pape François a prié devant le mur

Le 25 mai 2014, lors d’un pèle-rinage de trois jours en Terre sainte, le pape François a fait un arrêt imprévu devant le mur de séparation, à Bethléem. Il a demandé au convoi officiel de s’arrêter pour s’y recueillir quelques minutes, le front et la main posés sur le béton.

Les prières chrétiennes orga-nisées sur le mur ont princi-palement lieu au niveau de Jérusalem et de Bethléem.

À notre connaissance, il n’existe pas de prière juive sur ce mur. Les initiatives musul-manes, toutes spontanées, ont souvent lieu le vendredi, jour de prière.

Le 10 janvier dernier, l’armée israélienne a empêché les évêques de la Coordination Terre sainte de se rendre là où un nouveau tronçon du mur devrait être érigé, dans la vallée de Crémisan, près de Bethléem, car ce chantier est « militaire-ment stratégique ».

La construction de cette « bar-rière de sécurité » a commencé en 2002, après la seconde Intifada. L’ancien premier mi-nistre israélien Ariel Sharon entendait protéger les civils israéliens d’éventuelles incur-sions terroristes en Israël.

Les deux tiers des 712 km pré-vus ont déjà été édifiés.

Les Palestiniens l’appellent « mur de l’apartheid » ou « mur de la honte » : son tracé, censé suivre la ligne d’armistice de 1949, « grignote » les terres de la Cisjordanie pour intégrer près de la moitié des 150 colo-nies juives, illégales au regard du droit international.

« Je vois les conséquences du mur sur la vie des Palestiniens qui m’entourent, le déni des droits de l’homme, la violence qu’il engendre… Alors je prie pour qu’il tombe. Et pour que tombe l’animosité entre ces deux peuples. »Frère Peter, lassalien américain qui vit à Bethléem

Là où il est présent, le mur s’est progressivement couvert de graffitis, dessins colorés et pleins d’esprit mais qui « adoptent un langage de colère ».

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Religion&spiritualité16

Le grand concile panorthodoxe

Qu’est-ce que le « concile panorthodoxe » ?

Attendue depuis un demi-siècle, la te-nue d’un concile ras-semblant toutes les Églises orthodoxes

à Istanbul, siège du Patriarcat œcuménique de Constantinople, constituerait un événement his-torique de premier ordre, compa-rable sur le papier à celui de Va-tican II dans l’Église catholique. Le dernier concile œcuménique reconnu par l’ensemble des 14 Églises orthodoxes remonte en effet à… 787, avant le schisme avec Rome. Des synodes inte-rorthodoxes se sont par la suite tenus jusqu’au XVIIe siècle, mais il a fallu attendre la conférence de Rhodes (1961) pour que l’idée d’un « saint et grand concile or-

thodoxe » soit relancée par le pa-triarche œcuménique Athénago-ras, l’homme du rapprochement avec le pape Paul VI. L’objectif de cette assemblée : résorber les di-visions accumulées entre Églises orthodoxes au cours des siècles afin d’offrir au monde un témoi-gnage de foi commun et actua-lisé. Une commission interortho-doxe débute alors ses travaux et des conférences préconciliaires se succèdent sur plusieurs décen-nies. Jusqu’à ce que les primats, début 2014, se mettent finale-ment d’accord sur un lieu – la ca-thédrale Sainte-Irène d’Istanbul – et une date : la Pentecôte 2016.

Dans quel contexte se prépare-t-il ?

Depuis l’ère Athénagoras, l’ef-fondrement du bloc soviétique

et la fin du conflit Est-Ouest ont profondément reconfiguré le monde orthodoxe. Avec l’indé-pendance retrouvée, des Églises ont pu renaître de leurs cendres, comme en Albanie. D’autres ont connu une vitalité nouvelle, sur fond de compétition croissante entre Moscou et Constantinople. De retour sur le devant de la scène après plus de soixante-dix ans de persécutions, l’Église orthodoxe russe (120 millions de fidèles, soit le tiers des or-thodoxes dans le monde) dis-pute au Patriarcat œcuménique son leadership historique sur l’orthodoxie mondiale. Tandis que les conflits de juridiction se multiplient aux marches de l’ex-empire soviétique (Estonie, Ukraine…), la diaspora fait l’objet d’une guerre juridique sans merci

entre les deux sièges patriarcaux. En France par exemple, la récente récupération par Moscou de la cathédrale de Nice, placée durant la période soviétique sous la ju-ridiction de Constantinople, est emblématique de ce climat de tension.

Quelles sont les questions débattues ?

La liste des points à discuter est longue et n’avait jamais fait l’objet d’un consensus jusqu’aux dernières discussions. Parmi les questions les plus épineuses à résoudre : l’ordre de préséance entre Églises. Moscou, de fon-dation plus récente, aimerait bien remonter dans le classe-ment du fait de son poids démo-graphique. Viennent ensuite la manière de proclamer l’autono-

mie des Églises (sur ce point, les évêques sont tombés d’accord autour d’un projet de texte lors de la dernière conférence pré-conciliaire achevée en octobre), le statut juridique de la diaspora, ou encore l’unification du calen-drier liturgique – en particulier la date de Pâques : faut-il s’en tenir au calendrier orthodoxe ou célébrer la principale fête chré-tienne en même temps que les catholiques et les protestants ?

Les « relations de l’Église or-thodoxe avec le reste du monde chrétien » ont également fait l’objet d’un préaccord en octobre – le mot « œcuménisme » ayant toutefois disparu des textes de-puis 1986. Quant au projet de texte sur la « mission de l’Église orthodoxe dans le monde contemporain » (paix, justice, liberté, etc.), il ne recueille tou-jours pas l’assentiment des Russes et des Géorgiens en raison de sa dimension interreligieuse.

Cadenassé depuis la confé-rence panorthodoxe de 1976, cet ordre du jour tient résolu-ment à l’écart les grands dé-fis d’aujourd’hui. « La Russie et l’Ukraine, soit les deux peuples orthodoxes les plus nombreux de la planète, sont en guerre et les hiérarques ne prévoient même pas d’en parler », déplore ainsi l’historien de l’orthodoxie An-toine Arjakovsky (1).

Pas un mot non plus sur l’éco-logie, la gouvernance mondiale, les grandes questions bioé-thiques ou la révolution numé-rique. « Les grandes priorités de l’agenda planétaire sont absentes du tableau de bord panortho-doxe, au risque de mettre hors jeu des Églises pourtant dotées d’une riche tradition théologique

En 2010, le patriarche Bartholomeos Ier a célébré la divine liturgie au monastère de Sumela, en Turquie. Ferhat Uludaglar/ZUMA/REA

Comprendre. Annoncée pour la Pentecôte 2016 après plus d’un demi-siècle de préparation, la tenue d’un concile panorthodoxe à Istanbul n’est pas pour autant acquise.

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Religion&spiritualité 17

et synodale pour aborder la mondialisation », regrette Carol Saba, chargé de la communica-tion de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France (AEOF).

Le concile a-t-il des chances d’avoir lieu ?

À moins de six mois de l’échéance, rien n’est vraiment joué. Si la représentation des Églises au concile est enfin ré-glée avec l’envoi d’un même nombre d’évêques par déléga-tion, les discussions achoppent toujours sur le mode de fonc-tionnement de l’assemblée. Les décisions doivent-elles être prises à l’unanimité ou par un vote majoritaire ? Quid du statut des laïcs et des observateurs non orthodoxes ? Après s’être séparés à Athènes, le mois dernier, sans même émettre de communiqué, les évêques doivent en rediscuter ces jours-ci à Genève.

Entre-temps, la situation géo-politique s’est encore durcie. Le conflit en Syrie et les tensions di-plomatiques entre Moscou et An-kara rendent difficile la perspec-tive de réunir 400 évêques (dont le patriarche Kirill de Moscou) à Istanbul sous la responsabi-lité du gouvernement turc. Alors

que Moscou laisse à nouveau planer le doute sur sa participa-tion, Constantinople serait prête à faire une concession sur le lieu du concile – à Genève, où le Pa-triarcat possède un centre –, ce que d’aucuns interprètent déjà comme un signe de déraillement du processus. Enfin, le regain de tension entre les deux sièges pa-triarcaux autour de la reconnais-sance des Églises de République tchèque et d’Ukraine, mais aussi les bisbilles entre Antioche et Jérusalem qui revendiquent chacune la juridiction sur les orthodoxes du Qatar, montrent l’immensité de la tâche à accom-plir d’ici au mois de juin. « Les agendas nationaux et les cou-rants conservateurs à l’intérieur de chaque Église pèsent plus que jamais sur les discussions, ré-sume le P. Nicolas Kazarian, pro-fesseur à l’Institut Saint-Serge et chercheur associé à l’Iris. Mais quitte à en rabattre sur ses résul-tats, le patriarche œcuménique Bartholomeos fera tout pour que ce concile ait lieu afin d’envoyer au monde le signal d’une nouvelle ère pour l’orthodoxie. »Samuel Lieven

(1) Auteur de En attendant le concile de l’Église orthodoxe, Cerf, 688 p., 44 €.

la question posée par Manon (5 ans)

Est-ce qu’un méchant peut devenir gentil ?

Les enfants ne vivent pas dans une bulle. Face à une actualité traumatisante,

ils ressentent l’inquiétude de la société. Alors qu’elle passe la porte d’un grand magasin avec sa maman, Manon, 5 ans, lui demande : « Pourquoi le mon-sieur il regarde dans ton sac ? » La maman, un peu prise au dé-pourvu, balbutie : « Pour empê-cher d’entrer les gens qui sont… méchants ! » Elle ne veut pas trop inquiéter sa fille mais le mot est lâché. Ce mot « méchant » juste-ment les enfants le connaissent bien, tant ils divisent naturel-lement le monde en gentil/ mé-chant.

Nous essayons de moduler le jugement des petits en leur ex-pliquant qu’il nous arrive à tous d’être en colère ou de faire du mal, et ainsi leur faire décou-vrir que les relations et les sen-timents sont plus complexes dans la réalité. Mais comment leur parler de ces adultes qui sont dans les faits de « vrais » méchants ? Et même des… « su-per-méchants » pour employer leur vocabulaire issu des dessins animés ! Ils en ont forcément entendu parler, ne serait-ce que par leurs pairs, ou à l’occasion de la minute de silence dans leur

école. Que leur dire sur ces ter-roristes que nous-même, nous peinons à comprendre et encore plus à pardonner…

Et l’Évangile, que nous dit-il sur les méchants ? « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, afin que vous soyez les fils de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons » (Matthieu 5, 43-45) Par ces paroles, Jésus nous invite à briser le cycle de la violence. Il ne nous dit pas de tout accep-ter, même les brutalités, mais il nous demande de ne pas réagir à la violence par la violence. Il nous fait entrevoir un Dieu qui ouvre toute grande sa porte à tous les hommes y compris les méchants.

Mais ce n’est pas facile d’ai-mer comme Dieu, sans son aide. Les chrétiens le prient qu’il leur donne la force de pardonner et peut-être… d’aimer à nou-veau. Les musulmans croyants, comme les chrétiens et les juifs, reconnaissent les vertus du par-don. Et le pape François, qui vient d’inaugurer l’Année de la miséricorde, nous appelle à dé-passer cette violence : « Rester sur le chemin du mal n’est autre que source d’illusion et de tris-tesse. La vraie vie est bien autre chose. Dieu ne se lasse pas de tendre la main. »

Mais comment transmettre à un enfant ce désir de tendre la main ? Peut-être simplement lui donner envie de grandir dans ce monde et l’assurer que, par de petits gestes d’amour, la violence peut reculer et les méchants, changer.Évelyne Montigny

repères

L’Église orthodoxe

Issue du schisme de 1054 avec l’Église de Rome, l’or tho doxie (en grec, conforme à la juste doctrine) est une communion d’Églises indépendantes au plan juridique mais intime-ment liées entre elles du point de vue de la foi et de la doc-trine. Si aucun chef d’Église n’a l’ascendant sur les autres, à l’instar de l’évêque de Rome dans l’Église catholique, le patriarche œcuménique de Constantinople (siège de l’Apôtre André) exerce sur les autres Églises une primauté d’honneur dont les modalités

sont contestées. Son seul vé-ritable pouvoir est de réunir le concile universel rassem-blant tous les évêques de l’or-tho doxie, qui ne s’est encore jamais réuni depuis le schisme avec Rome.

La population orthodoxe, au-jourd’hui estimée entre 150 et 200 millions de fidèles, est surtout présente dans les pays de tradition orthodoxe, au pre-mier rang desquels la Russie, les pays d’Europe de l’Est et la Grèce. Mais plus du tiers des orthodoxes sont issus de l’im-migration en Europe occiden-tale, en Amérique du Nord, mais aussi en Afrique subsaha-rienne où leur présence est en augmentation.

dans la Bible

Zachée, l’incroyable rencontre

Zachée est le chef des collec-teurs d’impôts de la ville de Jéricho, en Palestine. Les ha-bitants de la ville le considè-rent comme un traître parce qu’il collecte l’argent pour les Romains qui occupent le pays. Et comme Zachée est très riche, ils le soupçonnent de garder pour lui une partie des sommes. Mais lui a dans le cœur le désir de voir ce Jésus dont toute la ville parle, parce qu’il guérit les malades. Alors il se mêle à la foule qui se masse le long de la route.

Zachée est tout petit. Donc, il décide de monter dans un arbre pour mieux voir. Jésus aperçoit ce petit homme perché sur sa branche qui le cherche du regard. Et ce que Zachée n’osait espérer, il le lui offre en l’appelant : « Descends vite Zachée. Je voudrais m’arrê-ter dans ta maison. » On ima-gine la stupeur de la foule qui considérait Zachée comme un méchant. En partageant du temps avec Zachée, Jésus veut dire que Dieu accueille tous les hommes, quels que soient leur vie et le mal qu’ils ont fait. Et qu’il est toujours possible de changer de vie. Il suffit souvent d’une main qui se tend…

Entrée à Jerusalem, de Giotto (détail) CC/Wikimedia

Jésus ne nous dit pas de tout accepter... mais il nous demande de ne pas réagir à la violence par la violence.

Transmettre. Que dire sur ces « méchants » que nous-mêmes peinons à comprendre.

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Religion&spiritualité18

« Os de mes os, chair de ma chair »

« Alors l’Éternel Dieu fit tomber un profond sommeil sur l’homme, qui s’endormit. Il prit une de ses côtes et referma la chair à sa place. L’Éternel Dieu forma une femme de la côte qu’il avait prise de l’homme et il l’amena vers l’homme. Et l’homme dit : “Voici cette fois celle qui est os de mes os et chair de ma chair ! On l’ap-pellera femme, parce qu’elle a été prise de l’homme.” C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair » (Genèse 2, 21-24).

Cette fameuse côte d’Adam, qui paraît une partie bien insi-gnifiante de sa personne pour un événement aussi capital que la naissance d’Ève, ne laisse pas de laisser songeur. Pierre Barthé-lémy, journaliste scientifique, a un peu creusé la question et, s’ap-

puyant sur les travaux du profes-seur de biologie Scott Gilbert, il a suggéré que cette « côte » serait une erreur de compréhension et de traduction du texte originel, et que l’os prélevé sur le premier homme serait en réalité l’os pé-nien, appelé « baculum », que de nombreux mammifères mâles ont et que l’homme n’a pas (ou n’a plus) (1).

Cet os-là est symboliquement beaucoup plus riche qu’une simple côte, et il manque effec-tivement à l’homme, qui en re-vanche a gardé toutes ses côtes…

Une figure doubleComme la création d’Adam, le

thème de la création d’Ève a été énormément représenté, depuis les premiers siècles, et malgré le défi qu’il représente pour les artistes. Comment représenter,

en effet, une telle opération, une femme formée à partir de la côte d’un homme ? Les artistes s’y sont pris de plusieurs façons, soit représentant la scène en deux temps (1. Dieu extrait la côte. 2. Ève se dresse à côté d’Adam endormi), soit en une seule figure double, un peu monstrueuse, où le torse d’Ève est « greffé » sur le flanc d’Adam, pour signifier qu’il en sort.

À la Renaissance, ce motif aberrant est habilement « lissé » : Ève surgit derrière son compa-gnon, visuellement jointive à la ligne de son flanc, mais sans que les deux formes soient liées l’une à l’autre.

Très tôt le thème revêt une si-gnification symbolique. Comme la création d’Ève est immédia-tement suivie de l’union de l’homme et de la femme par Dieu,

le thème fonde le sacramentum magnum, le mariage religieux ; et au-delà, pour les chrétiens, il est l’image du lien entre le Christ et l’Église.

Cette mosaïque du XIIe siècle montre le Créateur sous les traits du Christ, assis sur la sphère du monde, tenant le rouleau de la Loi dans une main, et de l’autre faisant jaillir, par simple injonc-tion et non par opération chirur-gicale, Ève du flanc d’Adam.

À peine créée, celle-ci s’élance vers son Créateur dans un su-perbe et irrépressible élan. Ce motif de la créature « à deux troncs » rappelle, en outre, qu’à l’origine Adam fut créé « homme et femme ».Manuel Jover

(1) Voir Passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2012/07/11

Dieu crée Ève à partir d’une côte d’Adam endormi. Cette scène fait partie d’une grande mosaïque byzantine qui orne la cathédrale de Monreale, en Sicile. Les mosaïques, exécutées par des artistes locaux et d’autres venus de Constantinople, couvrent une superficie totale de 6 340 mètres carrés. Hemis/Alamy

les saints du week-end

Samedi 23 janvier

Saint Parménas (Ier siècle)

Il fut l’un des sept premiers diacres ordonnés par les Apôtres. Tous furent choi-sis par l’assemblée des dis-ciples pour leur sagesse et l’Esprit Saint qui les remplis-sait (Actes des Apôtres 6, 1-6). Selon la tradition, Parménas est mort martyr à Philippes, en Macédoine.

Dimanche 24 janvier

Saint François de Sales (1567-1622)

Né le 21 août 1567 au château de Sales, dans une famille noble savoyarde, il part étu-dier à Paris où il se destine à une carrière juridique. Mais en proie à une crise spirituelle, il devient prêtre puis évêque de Genève. Il réside toutefois à Annecy, Genève étant à cette époque la « Rome » des calvi-nistes. Prédicateur et écrivain, il favo-rise l’introduction en France de l’Oratoire et encourage la réforme des carmels lancée par sainte Thérèse d’Avila. Il fonde avec sainte Jeanne de Chantal, sa grande amie, l’ordre de la Visitation pour mettre la vie religieuse à la portée des femmes affaiblies par la maladie. Auteur d’une Introduction à la vie dévote, il est docteur de l’Église et pa-tron des journalistes, en raison des nombreuses « gazettes » qu’il a écrites à destination des calvinistes. Il est également le saint patron des sourds-muets pour avoir pris sous sa protection pen-dant dix-sept ans un sourd-muet, Martin, et l’avoir lui-même patiemment enseigné et catéchisé.

Contempler. « La Création d’Ève », mosaïque, vers 1174, cathédrale de Monreale, Italie

Prier.

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Religion&spiritualité 19

Où en es-tu dans ton écoute de Dieu ?

S elon quels critères éva-luez-vous une année ? Quels paramètres utili-sez-vous pour affirmer « c’était une bonne (une

moins bonne ou une mauvaise) année » ? Nous sortons de la pé-riode des vœux. Combien de SMS ont été échangés depuis le début du mois ? Chacun de nous pos-sède sa formule pour souhaiter aux autres le meilleur des pos-sibles. Mais que deviennent-ils, ces vœux, au cours d’une an-née ? De qui ou de quoi dépen-dra la réalisation de ce que nous souhaitons ? Quant aux critères d’évaluation, ils changent en fonction du point de vue. L’agri-culteur ne portera pas le même regard sur une année de produc-tion que l’artiste, l’écolier, le chô-meur, l’entrepreneur. Naissances et décès nous marquent profon-dément dans l’appréciation du temps, ainsi que la reconnais-sance ou non par autrui de ce que nous sommes au fond de notre existence. Et pour Dieu ? Une année bonne, qu’est-ce que cela signifie ?

Notre texte en donne une idée. Il renvoie au prophète Isaïe et à ses paroles de consolation. L’homme de Dieu s’adresse à un peuple découragé et humilié dans sa captivité, pour lui parler d’une « année favorable accordée par le Seigneur ». Cette expression dé-signe dans le Livre du Lévitique une année jubilaire. Elle doit se fêter tous les cinquante ans. Elle comporte des impératifs sociaux et économiques forts. En effet, la Loi mosaïque prévoit qu’au cours d’une telle année, tous les esclaves seront affranchis, les dettes remises, les terres aliénées

rendues aux familles. Une année de grâce n’est donc pas une année de magie. Ce ne sera pas Dieu qui mettra en place cette réorganisa-tion mais le peuple, appuyé sur la parole de son Seigneur. Ceux qui au cours de la cinquantaine d’an-nées n’auront pas subi de grandes pertes, sont invités à se dessaisir de tout ce qui entrave la liberté d’autrui. Ceux qui n’auront rien perdu devront s’appauvrir volon-tairement au profit de ceux qui ont subi la perte de leurs terres, de leur argent ou de leur indé-

pendance. C’est comme s’il s’agis-sait de rétablir une égalité des moyens et des chances que la vie par elle-même n’instaure jamais.

L’Évangile nous parle de Jésus

qui, au cours d’un temps de prière à la synagogue de Naza-reth, est invité à proclamer à haute voix ce passage d’Isaïe. « L’Esprit du Seigneur est sur moi… il m’a consacré… il m’a en-voyé annoncer une année favo-rable… » À l’écoute de ces mots, une question s’impose avec force : qui est le « je » qui s’ex-prime dans ce texte ? Qu’en dira le Nazaréen ? Renverra-t-il au temps du prophète ou aux pré-dications du Baptiste ? Luc nous surprend. Il met une seule phrase dans la bouche de Jésus. Mais elle suffit pour nous bouleverser.

« Aujourd’hui, dit le Christ, aujourd’hui cette écriture est ac-complie pour vous qui l’enten-dez. » Cette indication du temps bouscule. Elle me renvoie à moi-même, m’arrache à mes pessi-mismes et à mes rêveries. Elle interpelle. Où en es-tu dans ton écoute de Dieu ? Qu’attends-tu de lui ? Que ses promesses se réalisent sans que tu aies à bou-ger dans ta foi ? Non, nous ne sommes plus dans la synagogue de Nazareth mais propulsés dans notre propre quotidien.

Dieu m’entraîne sur un chemin inattendu et pas très raisonnable pour la logique habituelle. Cet homme à Nazareth ouvre comme une porte permettant d’entrer dans l’année de grâce. Celle-ci se réalise seulement si je perçois et accueille cette vérité. Alors elle pourra devenir en moi une dy-namique puissante et me porter à la rencontre de ceux que la vie a endettés de manière multiple. L’Esprit du Seigneur est aussi sur moi, et il m’envoie apporter un changement.Agnes von Kirchbach

Dieu m’entraîne sur un chemin inattendu et pas très raisonnable pour la logique habituelle.

l’Évangile

Troisième dimanche du temps ordinaire

(Lc 1, 1-4 ; 4, 14-21) Beaucoup ont entrepris de composer un récit des événe-ments qui se sont accomplis parmi nous, d’après ce que nous ont transmis ceux qui, dès le commencement, furent témoins oculaires et serviteurs de la Parole. C’est pourquoi j’ai décidé, moi aussi, après avoir recueilli avec précision des informations concernant tout ce qui s’est passé depuis le début, d’écrire pour toi, ex-cellent Théophile, un exposé suivi, afin que tu te rendes bien compte de la solidité des ensei-gnements que tu as entendus. En ce temps-là, lorsque Jésus, dans la puissance de l’Esprit, revint en Galilée, sa renommée se répandit dans toute la région. Il enseignait dans les synago-gues, et tout le monde faisait son éloge. Il vint à Nazareth, où il avait été élevé. Selon son habitude, il entra dans la sy-nagogue le jour du sabbat, et il se leva pour faire la lecture. On lui remit le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur. » Jésus referma le livre, le ren-dit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : « Aujourd’hui s’ac-complit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. »

Autres textes : Né 8, 2-10; Ps 18b; 1 Co 12, 12-30.

Lundi 25La conversion de saint Paul, Apôtre. (Actes 22, 3-16 ou bien Actes 9, 1-22 ; Ps 116, 1, 2 ; Marc 16, 15-18.) St Ananie, com-pagnon de St Paul, chré-tien de Damas, martyr, † Ier siècle ; Amarin, Priest.

Mardi 26St Timothée et St Tite, compagnons de St Paul. (2 Timothée 1, 1-8 ou Tite 1, 1-5 ; Ps 95, 1-2a, 2b-3, 7-8a, 9-10a ; Luc 10, 1-9.) Bx Michel Kozal, évêque auxiliaire de Wloclawek (Pologne), martyr à Da-chau, † 1943 ; Albéric, Paule, Pauline, Mélanie.

Mercredi 27Temps ordinaire. (2 Samuel 7, 4-17 ; Ps 88, 4-5, 27-28, 29-30 ; Marc 4, 1-20.) Ste Angèle Me-rici, fondatrice des Ur-sulines, † 1540 à Bres-cia ; Angéline, Angélique, Angy, Dé-vote, Julien.

Jeudi 28St Thomas d’Aquin, prêtre, dominicain, docteur de l’Église, † 1274 à Fossanova (Ita-lie), enseveli à Toulouse. (2 Samuel 7, 18-19, 24-29 ; Ps 131, 1-2, 3a, 4a, 5, 11, 12, 13-14 ; Marc 4, 21-25.) Louans, Thomine, Tom, Tommy.

Vendredi 29Temps ordinaire. (2 Sa-muel 11, 1-4a, 5-10a, 13-17 ; Ps 50, 3-4, 5-6ab, 6cd-7, 10-11 ; Marc 4, 26-34.) St Gildas, ermite écossais, fondateur d’un monastère dans la presqu’île de Rhuys (Bretagne), † 570 ; Sul-pice, Villana.

Samedi 30Temps ordinaire. (2 Sa-muel 12, 1-7a, 10-17 ; Ps 50, 12-13, 14-15, 16-17 ; Marc 4, 35-41.)Ste Bathilde, Reine des Francs, fondatrice de plusieurs couvents, † 680 ; Alda, Cynthia, Jacinthe, Martine.

Dimanche 31Quatrième dimanche du temps ordinaire. (Jérémie 1, 4-5, 17-19 ; Ps 70, 1-2, 3, 5-6ab, 15ab, 17 ; 1 Corinthiens 12, 31 – 13, 13 ; Luc 4, 21-30.) St Jean Bosco, fondateur des Salésiens, † 1888 à Tu-rin ; Ste Marcelle, † 410 ; Bobin, Gaud, Tobias.

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Religion&spiritualité20

à lireSoutenir les monastèresavec des boîtes surprises

Chanter pour les chrétiens d’Orient

Redonner du sens à la consommation : c’est l’objectif de « La Box de Séraphin », lancée fin novembre.

Inspiré des offres de livraison de produits à domicile, ce projet propose chaque mois à ses abon-nés un ensemble surprise de cinq à six produits d’abbayes, « équi-tables et artisanaux » : alimen-taires, mais également de soins et de bien-être.

Son concepteur François Bar-ber, catholique de 48 ans, avait déjà créé il y a cinq ans Carpe Deum, une application smart-phone « d’aide à la vie sociale et spirituelle au quotidien » via le partage d’intentions de prière. Par son engagement religieux mais aussi par son parcours pro-fessionnel dans la distribution et l’épicerie fine, François Bar-ber a été amené à rencontrer de nombreux moines, et à prendre conscience de leurs difficultés à vendre leurs produits.

« Leurs produits de qualité souffrent d’un manque de no-toriété et de distribution », ex-plique-t-il. Mais pas question de devenir un site marchand. Son entreprise, sorte d’« inter-face médiatique », ne retient

que deux à trois euros de béné-fice par box (l’offre mensuelle de base est de 39 €).

L’objectif est également de faire mieux connaître l’histoire des ab-bayes françaises, et même étran-gères puisqu’on recense, parmi les fournisseurs, un monastère tchèque et un autre indien. Pour

la première box, une douzaine ont été contactés. Une centaine d’abonnements avaient été sous-crits pour décembre, soit environ 330 box distribuées.Antoine Terrel

http://laboxdeseraphin.fr/

« On pense à vous dans la tour-mente, on vous le dit, on vous le chante les larmes aux yeux » : mobilisés pour les chrétiens d’Orient, une quinzaine d’ar-tistes chrétiens se sont unis pour chanter leur soutien à leurs frères éprouvés. Le collectif, plus réduit, avait déjà enregistré un CD sorti

en décembre 2014. Le titre À nos frères d’Orient se veut un message de solidarité et un geste concret. Ces « Enfoirés » catholiques chan-tent ainsi au profit de l’Œuvre d’Orient, qui soutient les actions de prêtres et d’évêques locaux en faveur de la population. ADF-Bayard Musique, 4,90 €.

Les sept degrés de l’échelle d’amour spirituel

de Jean Ruysbroeck, texte traduit et présenté par Claude-Henri Rocquet Artège-Poche, 144 p., 6,5 €

L’allé-gorie de l’échelle, empruntée au songe de Jacob dans l’Ancien Testament, est pré-sente dans toute la littérature spirituelle :

Pères de l’Église, théologiens, auteurs mystiques… Pour le mys-tique flamand Jean Ruysbroeck (1293-1381), cette montée de sept degrés à « l’échelle d’amour » invite à l’abaissement, à partici-per à l’humilité du Christ pour s’épanouir en Dieu. Introduite par Claude-Henri Rocquet, cette lettre de conseils adressée à une moniale maîtresse de chœur de son couvent peut se lire et se méditer dans la solitude. Mais elle prend aussi l’aspect d’un véritable chant liturgique, entre-coupé de silences et de pauses méditatives.Samuel Lieven

Au monastère de Beaufort. Florence Brochoire

Vivre. à ne pas manquer ce week-endParis Journée « Bernanos et l’enga-gement ». Deux tables rondes réuniront Gilles Bernanos, pe-tit-fils de l’écrivain, Guy Coq, philosophe, Samir Siad, comé-dien, et Marion Richard, ensei-gnante. Dimanche de 12 heures

à 19 heures. Théâtre de l’Épée de Bois, Cartoucherie (12e). 01.48.08.39.74 ou www.epeede-bois.com

LyonMesse des poètes et des écrivains à l’occasion de la Saint-François-

de-Sales. Lyon 2e, sanctuaire Saint-Bonaventure, place des Cordeliers, dimanche à 19 heures.

Sur France CultureÀ l’occasion de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, l’émission « Orthodoxie » réunit

le P. Emmanuel Gougaud, direc-teur de la revue Unité des chré-tiens, la pasteure Jane Stranz, responsable des relations œcu-méniques à la Fédération protes-tante, et le P. Ivan Karageorgiev, prêtre orthodoxe. Dimanche à 8 h 07.

foi est la fine pointe du diamant de la liberté humaine ». Bref, un livre profond, bourré de formules qui font mouche, et à mettre entre toutes les mains… tant il est vrai que « passer du statut de non-croyant à celui de croyant est un bonheur sans égal » !Claire Lesegretain

La méthode simple pour commencer à croire

par Pierre Durieux, Artège, 145 p., 10,90 €

Ce père de famille, directeur de cabinet du cardinal Philippe Barbarin, dit avoir été inspiré par Allen Carr et sa Méthode simple pour

en finir avec la cigarette. Avec talent et enthousiasme, il veut aider tous ceux qui n’ont pas en-core « résolu la question de Dieu » à trouver une réponse. Non pas en leur démontrant que Dieu se-rait utile, ni que l’athéisme serait inutile. Mais que l’incrédulité est d’abord liée à l’endormissement de la pensée et qu’une prise de conscience suffit à s’en libérer. Persuadé que « la foi est la pre-mière question qui devrait inter-roger toute notre vie », l’auteur revisite les preuves habituelles : l’annonce par les prophètes juifs d’un sauveur envoyé par Dieu ; les miracles et signes qui jalonnent l’histoire du christianisme ; la promesse d’un bonheur à portée de main… Par cela, Pierre Durieu invite avant tout ses lecteurs à « plon-ger dans la rencontre » avec Dieu, par la prière… et la communion avec d’autres croyants. « On ne comprend rien à la foi chrétienne si l’on ne voit pas qu’au-delà des apparences se joue un conflit entre des forces invisibles dont l’enjeu est notre liberté, insiste-t-il, en considérant également que « la

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passion(s)par Jean-Claude Raspiengeas

Demain, c’est maintenant

Comment ne pas y voir un signe, une vague qui monte de la base, l’amorce d’un

retournement, un désir de tout changer ? Le film Demain déjoue toutes les prévisions. Sorti dans la foulée de la COP21, le docu-mentaire de Cyril Dion et Mélanie Laurent aurait dû s’essouffler au bout de quelques semaines selon la loi habituelle de l’exploitation cinématographique. Il voit, au contraire, les spectateurs affluer (400 000 entrées pour l’instant), séance après séance, obligeant les distributeurs à doubler le nombre de copies.

Cette libre randonnée, à travers le monde, à la recherche de soli-darités qui ont fait leurs preuves par des actions locales, identi-fiables, reproductibles, transpo-sables, est en passe de devenir l’un des événements de l’année. La planète est en danger, ses ha-bitants aussi. Cette balade pointe l’impasse suicidaire dans laquelle nous a entraînés le productivisme à outrance, dévoyant nos modes de vie, nous empoisonnant, nous asphyxiant, minant la démocratie en l’annexant au profit d’intérêts particuliers.

Dès l’origine du projet, le finan-cement participatif a dépassé les besoins de la production. Un site Internet le prolonge (demain-le-film.com), boîte à idées qui offre une gamme variée de perspec-tives. Un vent frais de grand bon-heur traverse ce film lumineux, éclairant, enthousiasmant, qui donne de l’espoir, cette denrée rare, et une vivifiante envie d’agir pour en finir avec un modèle condamné qui nous condamne. Salutaire et bienvenue cure de désintoxication. Quoi de plus convaincant que l’exemple ? Demain, c’est l’an 01 réalisé. À notre mesure, nous avons tous le pouvoir de changer le monde, dit ce film. Prenons-le, sans attendre. Demain, c’est maintenant.

Demain, film de Cyril Dion et Mélanie Laurent, en salles. Lire aussi La Croix du 2 décembre 2015.

Danse. Le Bolchoïsur grand écran P. 24

Télévision. Au nom du fils P. 28

Théâtre. « Conte d’hiver », mis en scène par Declan Donnellan à Sceaux P. 23

Elena Fetisova Johan Persson

Disque pectoral en or venant du Ghana. Archives Musée Dapper/Hughes Dubois

P. Javaux Productions

Culture&loisirs

Trésors africains au Musée Dapper P. 22

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Culture22

Trois ans après le décès de son fondateur, Michel Leveau, l’établissement parisien puise dans ses propres collections des pièces de toute beauté pour rendre hommage à son regard éclairé.

S on port altier, la cam-brure de ses reins, ses lèvres entrouvertes sur de petites dents taillées en pointe fascinent les

Occidentaux depuis plus d’un siècle. Dans sa région d’origine, les Grassfields du Cameroun, où les pics rocheux côtoient de spectaculaires cascades, cette statuette bangwa – 85 cm de bois sculpté avec fougue – avait été dotée des attributs d’une fécon-dité rayonnante et des emblèmes royaux : collier de perles, parure en dents de léopard… Sonnaille dans la main droite, tête en ar-rière et jambes à demi pliées, elle est saisie en plein mouvement, comme prête à bondir au son du tambour rituel.

Rapportée en 1899 par Gustav Conrau, un employé de l’admi-nistration coloniale allemande, cette « princesse bangwa » a fré-quenté les salons des plus grands collectionneurs, de Charles Rat-ton à Helena Rubinstein. Elle a même été photographiée par Man Ray, en 1930, enlacée par la muse guadeloupéenne de l’artiste, Adrienne Fidelin. Elle danse aujourd’hui au milieu de cent trente œuvres d’art réunies par le Musée Dapper pour un splendide panorama des cultures africaines. À l’occasion de son 30e anniversaire, l’établissement privé rend ainsi hommage à son fondateur Michel Leveau, mort il y a trois ans.

Sans être lui-même collection-neur, ce polytechnicien, qui a fait carrière dans l’industrie minière et dans l’enseignement, a consa-cré une large partie de sa vie à promouvoir le patrimoine afri-cain, qu’il estimait injustement négligé par les institutions eu-ropéennes. Pendant trente ans,

il s’appliqua à acquérir pour le Musée Dapper, qu’il fonda en 1986, une collection d’œuvres d’une rareté ou d’une qualité plastique exceptionnelles, à l’image de la statue-autel soninke datant du Xe siècle. Puisant dans un fonds riche de près de 4 000 pièces, sa veuve Christiane Fal-gayrettes-Leveau, au-jourd’hui à la tête de l’établissement, offre à travers cette exposi-tion une belle traver-sée du continent noir, de l’Afrique centrale, au rez-de-chaussée, à celle de l’ouest, à l’étage.

Nul besoin d’être spécialiste pour apprécier la beauté magnétique des reliquaires kotas, ornés de cuivre et de laiton ciselé, ou des délicates têtes féminines en terre cuite akan du Ghana, dont les visages se-reins rappellent tantôt la statuaire khmère, tantôt l’art précolom-bien. De même, on ne peut res-ter indifférent face à l’étran-geté du masque Troh, monstre aux yeux exor-bités recouvert d’une croûte de végétaux et de sang séché, si craint des po-pulations qu’il n’était jamais porté sur la tête lors des cérémonies !

Baignant dans une ambiance tamisée, ce ré-pertoire de formes extrê-mement variées (du na-turalisme à l’abstraction) témoigne de la diversité des cultures qui forment au fil du parcours une mo-saïque composite. Certes,

ce type de présenta-tion a ses limites ; le

visiteur a parfois l’im-pression de survoler le propos, mais le catalo-

gue, rédigé par d’émi-nents spécialistes, offre de plus amples explica-tions sur les fonctions de ces objets, liés au culte des ancêtres, aux rites de passage, aux pratiques magiques ou thérapeu-tiques.Cécile Jaurès

« Chefs-d’œuvre d’Afrique », jusqu’au 17 juillet au Musée Dapper, 35 bis rue Paul-Valéry, 75116 Paris. Rens. : 01.45.00.91.75

ou dapper.fr

Le Musée Dapper sort de ses réserves

Statue -autel soninke en bois,

Mali. Archives Musée Dapper/Hughes Dubois

Figure de reliquaire

en bois, cuivre et laiton, Congo.

Archives Musée Dapper/Hughes Dubois

Statuette de bois, plumes et tissus, Côte d’Ivoire. Archives Musée Dap-per/Hughes Dubois

Tête en terre cuite akan, Ghana. Archives Musée Dapper/Hughes Dubois

Un musée discret mais actif

Ouvert en 1986, le Musée Dapper doit son nom à Olfert Dapper, un humaniste hollandais du XVIIe siècle. Sans jamais avoir foulé le sol africain, il a condensé des récits de voyage pour rédiger une Des-cription de l’Afrique exempte de tout jugement de valeur méprisant. D’abord situé dans un hôtel particulier, particulièrement exigu, de l’avenue Victor-Hugo (dans le 16e arrondissement de Paris), le musée a investi, en 2000, le bâtiment voisin de la rue Paul-Valéry, plus fonc-tionnel mais sans lumière naturelle. Malgré sa relative discrétion, cet établissement privé a su s’imposer comme un lieu de référence pour les amateurs d’art africain et caribéen. La cinquantaine d’expositions organisées en trente ans a témoigné d’une approche à la fois rigou-reuse et pédagogique de thèmes variés, des rituels initiatiques aux pratiques liées à la gastronomie. Avec, à chaque fois, une ouverture originale sur l’art contemporain.

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Culture 23

Au Théâtre des Gémeaux, à Sceaux, l’Irlandais Declan Donnellan signe une mise en scène éblouissante de « Conte d’hiver », cette œuvre inclassable de Shakespeare.

Ecrit sur le tard par Sha kes­peare, en 1616, son Conte d’hiver figure parmi ses

œuvres les plus folles, les plus baroques. Il emprunte à tous les genres – drame, comédie, farce, tragédie, pastorale, roma­nesque… Brouille la géographie – Sicile et Bohême sont voisines. Fond Antiquité et XVIIe siècle en une même époque incertaine. Joue du Temps, au point d’en faire un personnage. Démulti­plie coups de théâtre et du sort jusqu’à l’invraisemblable qui de­vient plus vrai que le vrai.

Qu’on en juge : pris de jalousie, un roi de Sicile décrète soudaine­ment que son épouse, enceinte, le trompe avec son plus cher ami, le roi de Bohême. Il tente d’em­poisonner celui­ci, fait enfermer celle­là, ordonne de faire dispa­raître l’enfant dont elle accouche

et qui, pour lui, est fruit de l’adul­tère. Un oracle lui donne tort. Il l’ignore. Il est puni : son premier garçon meurt. Accablée par ce dernier coup, la reine succombe à son tour. Comprenant ses erreurs, le roi s’enferme dans la solitude et la contrition.

Mais si la petite enfant, pré­nommée Perdita, avait survécu,

recueillie par un berger ? Si elle devait lui revenir, seize ans après, fiancée au fils du roi Bohême in­justement accusé ? Si son épouse, au terme d’un long sommeil, était appelée à se réveiller ? S’il ne fal­lait voir en ce Conte que matière enchanteresse à réflexion sur la vie et la mort, l’incertitude de la destinée, l’étirement du temps

qui délivre de la chute, conduit à la rédemption ?

Revenant à cette pièce vingt ans après s’y être mesuré une première fois, c’est le regard que défend l’Irlandais Declan Donnellan avec ce spectacle éblouissant de grâce et d’intelligence. Hormis un banc et une cahute de bois blanc qui se fait, selon les cas, mur, prison, chambre mortuaire, navire en per­dition, guinguette ou écran vidéo pour fantôme de la reine, loup des bois menaçant…, aucun élément ne vient troubler le vide du pla­teau. Aux effets et lourds décors, Donnellan préfère les simples moyens du théâtre, métamorpho­sant l’espace vide en antre, récep­tacle de tous les imaginaires. Ceux provoqués par sa mise en scène riche en inventions ; ceux du spec­tateur, nourri aussi par des acteurs au jeu formidablement physique. Courant, dansant, se démenant, réunis en chorals, ou perdus, re­pliés sur eux­mêmes, ils font mer­veille dans les instants de douleurs comme dans les moments de fêtes, paysannes et autres.

Ils sont quatorze, uniques par leur manière d’échanger leurs re­

gards, leur façon de se prendre la main, leur maîtrise dans l’art de traduire les sentiments. Ainsi Or­lando James, interprète du roi de Sicile qui, tombé dans l’enfer de la paranoïa, manipule son épouse et le roi de Bohême, dans une sé­quence d’anthologie, afin de leur faire prendre les attitudes justi­fiant ses obsessions.

Natalie Radmall­Quirke est l’épouse, la reine ; Edward Sayer le roi de Bohême ; Eleanor McLou­ghlin la douce Perdita, la pétu­lante Joy Richardson Pauline. En eux, par eux et tous les autres, passent sentiments et émotions, ramenant de l’âge adulte à celui de l’enfance. Celle­ci fût­elle sacri­fiée. En une ultime séquence, De­clan Donnellan temporise l’allé­gresse finale par un furtif passage de l’enfant mort, qu’emporte pour toujours, dans la nuit, le Temps.Didier Méreuze

Théâtre des Gémeaux, Sceaux (92). 20 h 45 (dimanche 17 heures), jusqu’au 31 janvier. Spectacle en anglais, surtitré en français. Rens. : 01.46.61.36.67. www.lesgemeaux.com. Au Théâtre du Nord à Lille, du 3 au 7 février.

Après l’hiver, vient le printemps ?

Orlando James et Natalie Radmall-Quirke. Johan Persson

sélection

DVD CrosswindSorti en salle trop discrètement en mars dernier, Crosswind, œuvre d’un jeune Estonien, Martti Helde, mérite attention. Petit­fils d’un prison­nier ayant connu la Sibérie sous Staline dans les années 1940, comme nombre d’habitants des pays Baltes, le réalisateur a grandi avec les récits des déportés. Il met en scène les lettres qu’une femme écrivit pendant quinze ans à son mari, sans savoir s’il était encore vivant. Im­pressionnant, le dispositif opte pour un noir et blanc magnifié, et des personnages statiques entre lesquels la caméra se meut avec poésie.Arnaud SchwartzArp Sélection/Universal, 29,99 € le coffret DVD + Blu-ray

CD Adolf Busch et son QuatuorChef d’orchestre, leader du Quatuor Busch, référence absolue du qua­tuor à cordes, Adolf Busch est sans doute le plus grand violoniste alle­mand du XXe siècle. Ses débuts d’enfant prodige, ses tournées en soliste, en duo avec son gendre pianiste Rudolf Serkin et en quatuor, la création du Festival de Lucerne, son exil aux États­Unis, son enseignement… en font un artiste essentiel. Il est aussi une référence morale en des temps particulièrement troubles, décidant dès 1933 de ne retourner en Alle­magne qu’une fois « pendus Hitler, Goering, Goebbels ». Ce qu’il fera en 1949, pour y mourir trois ans plus tard. Ses enregistrements HMV (1929­1949) réunis ici sont d’une importance capitale.Bruno Serrou16 CD Warner Classics.

Crédit Mutuel Centre Est Europe, Timken Foundation, M. Thomas Dietschweiler, M. et Mme

William et Judith Scheide

musee-unterlinden.com

Le nouvelUnterlindenBienvenue

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Balade24

Conférences

Des philosophes à l’hôpitalMardi 26 janvier, les philosophes Cyn-thia Fleury et Frédéric Worms pronon-ceront la leçon inaugurale de la toute nouvelle chaire de philosophie de l’Hôtel-Dieu, à Paris. Ouverts à tous, des cours magistraux réguliers seront consacrés à des thématiques liées à l’hôpital, comme « Le vivant : humain et non humain », « La technique et ses limites » ou encore « Santé et environ-nement »… Le choix du lieu ne doit rien au hasard. Là où se jouent « la nais-sance, la maladie, l’accident, le suicide, la mort », il s’agit de « réinventer la rela-tion au soin, à la maladie, à la vie, et aux autres ». Et faire de l’hôpital, un espace public citoyen et scientifique.Leçon inaugurale le 26 janvier, de 18 h à 20 h, Hôtel-Dieu, 1 Parvis de Notre-Dame, 75 004 Paris, bât. B, esc. 1, 5e étage. Entrée libre sur inscription : www.hotel-dieu.chaire-philo.fr puis disponibles sur ce même site

Musique

Un hommage à Pierre BoulezDécédé le 5 jan-vier dernier, le compositeur et chef d’orchestre est honoré ce mardi 26 janvier à 20 h 30 dans la grande salle de la Philharmonie de Paris. Sur entrée libre, ce concert-hommage per-mettra aux ama-

teurs mais aussi à tous ceux pour qui

la musique de Pierre Boulez reste un monde inexploré, de la décou-vrir servie par des interprètes fidèles et convaincus : l’Ensemble in-tercontemporain, l’Orchestre de Paris ou celui des élèves du Conser-vatoire de Paris. Des extraits du Dialogue avec l’ombre double mais aussi des Notations pour orchestre ou de Pli selon pli sur des poèmes de Mallarmé figurent au programme… Ce concert trouvera un écho tout particulier dans cette salle inaugurée il y a un an et en faveur de laquelle Pierre Boulez avait usé de toute sa (grande) influence au-près des pouvoirs publics.Emmanuelle GiulianiEntrée libre sur réservation au 01.44.84.44.84. et sur www.philharmoniedeparis.fr

La Mégère apprivoisée, ballet de Jean-Christophe Maillot, est retransmis en direct du théâtre moscovite par Pathé Live dans plus de 140 cinémas ce dimanche. On ne saurait trop en recommander la découverte.

MoscouDe notre envoyée spéciale

Regard furibond et poings serrés, La Mégère apprivoi-sée fait son entrée en scène

et en salles. Ce féroce et magni-fique ballet en deux actes est retransmis en direct du Bolchoï dans plus de 140 salles en France par Pathé Live ce dimanche. Iné-dit sur les scènes françaises, il a été créé par Jean-Christophe Maillot pour l’institution russe en 2014, avant d’être distingué par le Masque d’or du meilleur spectacle chorégraphique. C’était la première fois en vingt ans que le chorégraphe français

acceptait de créer pour une autre compagnie que la sienne – les ballets de Monte-Carlo, qu’il di-rige depuis 1993.

Adaptation très libre de la pièce de Shakespeare, cette Mé-gère n’entend pas être l’histoire aux accents machistes d’une aca-riâtre furie (Katharina) domptée par son mâle prétendant (Pe-truchio). Leur combat est ce-lui de deux personnalités hors normes, ingérables, que seul un amour à l’avenant peut cana-liser – parmi d’autres couples contrastés. Ce tourbillon, em-porté par les airs de Dmitri Chos-takovitch, se révèle aussi drôle qu’émouvant.

Pour veiller à ce que le piquant de l’œuvre ne s’émousse pas, le chorégraphe est revenu la se-maine dernière à Moscou chauf-fer à blanc ses interprètes, qu’il tance, éreinte et porte aux nues avec un égal enthousiasme. Dans les rôles de la rousse démone et du goujat titubant, Ekaterina Kry-sanova et Vladislav Lantratov ont

reçu les Masques d’or du meilleur danseur et de la meilleure dan-seuse en 2015 pour leur interpré-tation à couper le souffle. Leur incandescence n’éclipse cepen-dant pas les autres artistes, parmi lesquels la jeune Olga Smirnova, 24 ans, récemment nommée « prima ballerina ».

C’est que Jean-Christophe Maillot, s’appuyant sur la tech-nicité des danseurs du Bolchoï rompus aux exigences du ballet classique, est allé mettre à nu les personnalités dans des rôles taillés sur-mesure. Le moindre re-gard, le plus petit geste s’en trou-vent puissamment habités. Les dix caméras prévues pour cette retransmission ne seront pas de trop pour saisir ces subtilités. Au ballet des corps s’allie celui des images, selon un découpage mil-limétré, pour les spectateurs de plus de cinquante pays.Marie Soyeux

Dimanche à 16 heures. Liste des cinémas participants sur www.pathelive.com

Un dimanche au Bolchoï sortir

Bianca et sa gouvernante (Anna Tikhomirova, à droite). Jean-Christophe Maillot tenait à travailler avec cette danseuse, aussi a-t-il développé ce personnage, esquissé dans la pièce de Shakespeare.  Elena Fetisova

Cynthia Fleury. Lucas Pajaud/Hans Lucas

Pierre Boulez en octobre 2008. Rolf Haid/afp

À LA UNE DES MÉDIASLOUIS DaUfreSne

ChAqUE LUNDI À 7h08

retrouvez un journaliste de sur un dossier de la semaine

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Art de vivre 25

Ingrédients (pour 4) : 4 petites joues de bœuf, 1 oignon,

2 clous de girofle, 1 feuille de laurier, 1 branche de thym, 1 carotte, 1 poireau, 1 bouquet de persil plat, 1 bouquet de ciboulette, 1/2 bouquet d’estragon, 4 c à soupe de vinaigrette, 50 g de beurre, 2 c à soupe d’huile végétale, du gros sel, du sel, du poivre.

Placer les joues dans une grande casserole. Ajouter l’oignon épluché et piqué des clous de girofle, ainsi que la feuille de laurier, le thym, la carotte épluchée, le poireau soigneu-sement nettoyé et du gros sel. Couvrir abondamment d’eau froide. Porter à ébullition. Faire cuire 2 h 30, à petits bouillons.

Laver les herbes. Les effeuiller. Couper la ciboulette en morceaux de 3 à 4 cm de long. Les placer dans un saladier. Les arroser de vinaigrette. Mélanger soigneusement le tout.

Égoutter les joues. Les saler légè-rement. Les poivrer. Les faire griller des deux côtés, sur feu assez vif, dans le beurre et l’huile.

Servir les joues bien grillées, ac-compagnées de la salade d’herbes.

Précisions du « boucher » Desnoyer :La joue n’est pas le seul morceau de bœuf bon à bouillir. S’ajoutent le gîte, la langue, la queue, le paleron, le plat de côte, la basse côte, le bourguignon-jumeau qui, de même que la joue, sont, aussi, parfaits braisés, comme le sont le gras-double cuit et le rumsteck. On retrouve ces deux derniers morceaux dans le rayon des viandes à griller, aux côtés de la bavette, du filet, du tournedos, de la côte de bœuf, de l’entrecôte, et, toujours, du paleron et de la basse côte. Sont à rôtir bavette, rumsteck, basse côte, côte de bœuf, entrecôte, filet, paleron rosbif, tournedos. Peuvent se manger cru : la bavette, le filet, le rosbif, le rumsteck.

goûter

Les recettes d’un « grand » boucher pour tout savoir sur comment acheter, choisir et cuisiner sa viande au meilleur coût, au plus sûr goût.

«S uivez-le bœuf ! » C’était le slogan diffusé, au dé-but des années 1960, sur l’écran

de l’unique chaîne de la télévision française ! Mais quel bœuf ? Il en est tant : charolais, limousin, salers, au-brac, gasconne, blonde d’Aquitaine… Et quel morceau choisir à l’heure de le mettre dans son assiette ? De l’araignée à l’onglet, en passant par les basses côtes, côtes, entrecôtes, hampe, gîte arrière, gîte avant, collier, poitrine, tendron, macreuse, flan-chet, bavette, bavette à pot-au-feu, ai-guillette baronne…, on en dénombre une trentaine. Pour s’y retrouver, une seule solution : s’adresser à son bou-cher… ou se plonger dans Morceaux choisis d’Hugo Desnoyer (1) – le « bou-cher des stars », mais aussi des plus grands chefs de Paris.

Dans cet ouvrage, sous-titré Les meilleures recettes d’un boucher pas-sionné, cet enfant de la Mayenne ne raconte pas seulement son parcours, qui l’a mené de Laval, où il est né, à l’orée des années 1970, à la « capi-tale » où il s’est installé à sa propre enseigne, en 1998. Il témoigne de sa passion, de son « plaisir du tou-cher, du contact avec la matière ». Il évoque sa pratique, tant au sein de sa boutique, avec ses employés et sa clientèle, qu’au dehors, quand, levé dès 4 heures du matin, il part sur les routes de Charente, d’Avey-ron, du Cantal, de la Dordogne, de la Vienne… en quête des bons éleveurs (et des « bons abattoirs », insiste-t-il), garants de bonnes bêtes. Comme ces « limousines âgées de 4 à 5 ans, ayant fait deux ou trois veaux et qui sont bien nourries » qu’on lui livre « cou-pées en quatre morceaux », qu’il « dé-monte » et conserve au moins quatre semaines dans ses frigos, « le temps de rassir » !

Les bonnes joues du bœuf d’Hugo Desnoyer

Un boucher passionné Martin Colombet/Hans lucas

jardiner

Le programme de votre futur potager

Un potager, ça se pense ! Profitez des périodes de froid où vous ne pouvez pas sortir au jardin pour le rêver et le dessiner.

P renez un cahier, un crayon, et listez tout. Tenez compte de la rotation des cultures, indispen-

sable : il faut changer chaque année l’emplacement des légumes d’une même famille pour ne les faire reve-nir que tous les trois ou quatre ans au même endroit.

En effet, une plante prélève tou-jours les mêmes éléments dans le sol, entraînant une carence. En appli-quant la rotation, le sol se renouvelle avec la culture suivante, permettant aux différents types de racines d’amé-liorer sa texture, d’éviter sa fatigue et de limiter la prolifération de nuisibles et de maladies.

Incluez les bonnes associations dans votre plan. Marier les légumes par affinité est un gage de réussite. Les plantes ont, entre elles, des at-tirances ou des rejets. Les conseils donnés dans de nombreux ouvrages s’appuient sur les observations des jardiniers depuis des centaines d’an-nées, et, depuis peu, sur des analyses scientifiques, grâce à l’isolation des substances de chaque plante. Si les plantes s’influencent, il n’y a pas tou-jours d’explications rationnelles.

Le jardin n’est pas une science exacte : le sol, le climat, la façon de cultiver, tout compte. Le voisinage de certains légumes peut modifier les goûts des autres, les accentuer ou les affadir, ralentir leur croissance ou au contraire l’augmenter, chasser les nuisibles ou leur tendre un piège.

N’oubliez pas de prévoir des fleurs. Pour le décor, mais aussi pour la bonne santé de tout ce petit monde. Vivant, diversifié, équilibré et sain, voici les qualités requises pour un po-tager prolifique.

Commandez dès à présent graines et plants, en axant ces achats sur des valeurs sûres, mais aussi sur des nouveautés, ou sur des légumes que vous n’avez jamais cultivés. Pour gar-der une grande part d’étonnement et d’enthousiasme lors de la culture et des récoltes…Noémie Vialard

La recette Joues de bœuf croustillantes, salade d’herbes

D’après Morceaux choisis. Les meilleures recettes d’un boucher passionné, par Hugo Desnoyer. éd. First. 2015. 85 re-cettes, 240 p., 14,95 €.

Enfin, non content de se livrer à une petite histoire du bœuf et des diverses races – comme il le fait pour l’agneau, le porc et le veau proposés, de même, à son étal –, Hugo Des-noyer en décline les parties, à l’usage du consommateur, indique celle qui sied le mieux en fonction de chaque plat, donne des conseils sur la ma-nière de la viande – « rouge cerise, même pourpre », « persillée, c’est-à-dire veinée de gras qui fond à la cuis-son et apporte un goût et un moelleux incomparable ». Il ajoute : « On peut très bien se régaler avec un bourgui-gnon de bonne bête à petit prix. » Ou encore, avec ces joues de bœuf crous-tillantes, qui figurent en bonne place dans son carnet personnel de recettes ponctuant les chapitres.Didier Méreuze

(1) Boucherie Desnoyer. 45, rue Boulard, 75014 Paris. Rens. : 01.45.40.76.67 et www.hugodesnoyer.com

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Balade26

A une centaine de kilo-mètres de la bouillon-nante Barcelone, le mo-nastère de Santes Creus veille paisiblement sur

une vallée ondulante, entre vignes et arbres fruitiers. Ici, l’on ne croi-sera pas de religieux à l’habit blanc et scapulaire noir : les derniers moines cisterciens ont quitté le domaine en 1835, lorsque l’État a confisqué les biens ecclésiastiques. Mais l’édifice résonne encore de leur présence.

Sur la vaste place face à l’église de pierres dorées, l’histoire transporte au XIIe siècle, en pleine Reconquista, après la victoire des chrétiens sur les musulmans. À l’époque où les contours d’une Catalogne nouvelle s’esquissent, née de l’union en 1137 du comte de Barcelone, Ramon Beren-

guer IV, avec l’héritière du royaume d’Aragon, Pétronille. Le territoire catalano-aragonais n’a, dès lors, de cesse de s’étendre. Mais lorsque les moines cisterciens de l’abbaye de Grandselve, fille de Clairvaux, vien-nent s’installer en 1150 sur ces terres de l’Alt Camp, ils n’y trouvent que des friches. Grâce aux legs de familles nobles, et au bon vouloir du pouvoir royal, les moines vont alors participer au développement économique de la région. Et y laisser une belle em-preinte artistique, mélange de roman et de gothique.

Sérénité et grandeur. C’est ce qui émane de Santes Creus qui a connu de nombreuses transformations entre le XIIe et le XIVe siècle, passant d’un style sobre, dépouillé, à un gothique de plus en plus flamboyant que révèle

En Catalogne, sur la route des cisterciens

Le monastère de Poblet a la puissance d’une forteresse. Arturo Rosas/VWPics/Redux-Rea

Dans l’arrière-pays de la Costa Daurada, ce petit itinéraire autour de trois monastères révèle des trésors méconnus d’architecture et de foi

le cloître et ses chapiteaux au bes-tiaire extravagant. Certes, les moines cisterciens ont fait vœu d’humilité et de pauvreté, mais qu’il était difficile pour eux de résister à l’ambition des rois successifs exigeant une abbaye à leur image, riche et puissante ! En témoigne, dans l’église, le luxueux tombeau de Pierre le Grand (1240-1285) étincelant dans sa baignoire en porphyre de Sicile, surmontée d’un baldaquin en pierre sculptée. En 1376 pourtant, les religieux s’opposent au roi Pierre le Cérémonieux quand ce-lui-ci ordonne de fortifier le monas-tère. Ils obtiennent gain de cause. L’affaire s’arrêtera là, à quelques cré-neaux en façade. 

Pour prendre la mesure de l’in-fluence royale, il faut se rendre au monastère de Poblet, à une trentaine de kilomètres, dans le comté de la Conca de Barbera. Composé de trois enceintes et clos par une muraille défensive – Pierre Le Cérémonieux est allé au bout de ses ambitions ! –, l’ensemble a la puissance d’une forte-resse. Né lui aussi de la volonté du roi Ramon Berenguer IV, qui fait venir des moines de Fontfroide pour s’éta-blir sur ses terres, Poblet est un véri-table panthéon royal. L’église, haute de 28 mètres, ne renferme pas moins de 11 tombeaux impériaux en albâtre sculpté et de nombreuses sépultures prestigieuses. Tout a été pillé par les révolutionnaires au XIXe siècle, mais la restauration du sculpteur Frederic Marès, en 1940, leur a redonné leur splendeur.

Inscrit au patrimoine de l’Unesco, le monastère force l’admiration avec ses deux cloîtres superposés, son dortoir de 90 mètres de long à la charpente soutenue par des arcs diaphragme, sa tour lanterne sculp-tée comme de la dentelle… Trente moines y vivent toujours, la visite est donc guidée et il faut se retirer à l’heure du déjeuner pour ne pas trou-bler leur tranquillité.

À peine 30 kilomètres restent à par-courir vers le nord pour découvrir un troisième joyau cistercien, Vallbona de les Monges, petit monastère fémi-

idé

France

ESPAGNE

Catalogne

Aragon

50 km

Barcelone

Gérone

Tarragone

Montblanc

Lérida

MerMéditerranée

Poblet

Santes Creus

Vallbona deles Monges

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Tendances 27

nin. Délaissée par le pouvoir royal, la communauté, installée depuis le mi-lieu du XIIe siècle, n’a jamais eu beau-coup d’argent. L’apologie de saint Bernard adressée à Guillaume, blâ-mant le mode de vie des clunisiens et le luxe des édifices religieux, semble en ce lieu inscrite dans la pierre. Dans le cloître, nuls « singes immondes, lions féroces, centaures chimériques » et autres « frivolités » qui détourne-raient de la méditation. Le décor simple mais délicat renvoie à l’es-sence même de l’art cistercien. Même si se sont ajoutés, au fil du temps, des ornements plus fantaisistes, il se dégage de ce monastère, où vivent encore huit moniales, une pieuse authenticité. À l’image de cette Cata-logne méconnue, discrète et pourtant si riche.Tatiana Lucq

En pratique

Pour organiser au mieux son voyage en Catalogne (déplacements, hébergements, événements…), le site de Catalunya Experience : www.catalunyaexperience.fr

L’agence Via Nostra, spécialiste du voyage culturel, organise des séjours à thème avec de très bons guides. À noter, du 5 au 8 mai  «La Catalogne gothique» au départ de Toulouse, comprenant entre autres visites celle des monastères Poblet, Santes Creus et Vallbona. Consulter le site : www.vianostra.fr Tél. 05.61.55.24.80.

Pour tout savoir sur la route des cisterciens : www.larutadelcister.info

Le cloître de Santes Creus a été construit entre 1174 et 1225. Manuel Cohen/ Epicureans

Westend61/Getty Images

Gustoimages/SPL/Cosmos

La révolution du vélo électriqueD’année en année, l’engouement va croissant. Encore rares en France, ils représentent déjà un vélo sur cinq vendus aux Pays-Bas. Et ce n’est pas fini !

Tout le monde n’est pas Jean-nie Longo. Le vélo impropre-ment appelé « électrique » est

justement fait pour ceux qui ont une forme physique modeste ou qui n’ont pas envie de faire des efforts trop vio-lents. En réalité, c’est un vélo à assis-tance électrique (VAE) puisqu’il ne roule pas tout seul : grâce à son mo-teur dans le pédalier, il assiste l’effort du cycliste.

Le VAE permet ne pas arriver en nage au bureau, de monter des rai-dillons sans souffler, de se promener en admirant les paysages, d’autant qu’il existe désormais des VTT à as-sistance électrique. Pour les seniors, c’est idéal pour reprendre le sport…

Un VAE n’est pas difficile à utiliser : on clipse la batterie dans le cadre, un quart de tour de pédalier, et l’as-sistance électrique s’enclenche, sans bruit, si on a un vélo à capteur de pédalier. Si, en revanche, on possède un vélo de l’autre grande « famille », les vélos à capteurs de couple, l’assis-tance se met en route selon la pres-sion exercée sur la pédale. On est donc immédiatement assisté.

Sur tous les modèles, il y a trois niveaux d’assistance : faible, moyen et fort, selon que l’on tire plus ou moins sur la batterie.

En France, en 2014, il s’est vendu 77 500 vé-los électriques. C’est peu comparé aux 3 mil-lions de petites reines commercialisées cette année-là. C’est peu aussi com-paré aux 480 000 VAE com-mercialisés la même an-née en Alle-magne, et aux 223 000 VAE vendus aux Pays-Bas où ils représentent désormais 21 % du total des vélos commercialisés. « En Europe du Nord, d’intéressants sys-tèmes de location – ou de location avec option d’achat – boostent le marché », nuance toutefois Stéphane, mécani-

Le prixCompter en moyenne 1 900 € pour un vélo à

capteur de couple. Et 1 500 € pour un modèle de départ de gamme, avec capteur de péda-

lier. Contre 307 € pour un vélo traditionnel, selon l’Union nationale de l’industrie du vélo (Univélo).

« Il ne faut pas comparer, les produits n’ont rien à voir, c’est un tout autre univers », rectifie Stéphane, chez Delcayre, qui s’approvi-sionne en Allemagne. Les modèles haut de gamme sont, en majorité, produits en Europe quand les bas de gamme proviennent d’ailleurs. En raison de leur haute technicité et de leur autonomie plus élevée, les VTT électriques sont bien plus chers : à partir de 2 500 €.

La batterieLe moteur fonctionne avec des batteries. Préférez celles qui sont amovibles car plus fa-ciles à recharger chez soi, sur n’importe quelle prise électrique. Les caractéristiques de la batterie se mesurent en volt (V, générale-ment 36 actuellement) et en ampère-heure (Ah). Plus leur capa-cité est importante, plus l’autonomie sera importante. Cette der-nière varie de 40 kilo-mètres (7 Ah) à 180 ki-lomètres (18 Ah). Si la batterie est à plat ou tombe en panne, pas de souci , votre engin fonctionne aussi à la force du mollet ! En moyenne une batterie dure trois à quatre ans. Comptez 400 à 800 € pour la changer.

Le poidsC’est un point à ne pas négliger : le vélo élec-trique pèse de 20 à 30 kg, contre 13 à 17 kg pour un vélo classique. Enfin, si on veut transpor-

ter son VAE dans le coffre de sa voiture, il faut penser à un vélo pliant. À no-ter aussi, comme il est plus lourd et va plus vite (bien que sa vitesse soit limitée à 25 km/h), le choix du frei-

nage est important : il existe des freins classiques à patins, des

freins hydrauliques à patins et des freins hydrauliques à disques.

cien chez Delcayre (1), un magasin de cycles à Paris. Toutefois, selon les fa-bricants, le marché français pourrait tripler d’ici quatre ou cinq ans, d’au-tant que les acteurs du tourisme fran-çais ont découvert le filon et se sont mis à en louer.Paula Boyer

(1) Cycles Delcayre, 1, rue de la Plaine, 75020 Paris. Tél. : 01.43.73.06.10

Eshma-Fotolia

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Télé-radio28

Adapté d’une bande dessinée, le téléfilm Au nom du fils suit la quête d’un ouvrier brestois parti chercher son fils en Amérique du Sud. Un périple émouvant et lumineux.

Depuis la mort de son épouse, emportée par un cancer, Michel s’est replié

sur lui-même. Il ne sort de son petit pavillon que pour rejoindre le chantier naval brestois, où il travaille comme soudeur, et aboie plus qu’il ne parle à ses anciens camarades de lutte syndicale. « Soit on bosse plus pour gagner moins, soit on bosse moins pour crever plus vite », leur lance-t-il, amer. Sa relation avec son fils de 19 ans n’est guère plus apaisée : parti en Colombie après l’en-terrement de sa mère, Étienne ne donne plus de nouvelles de-puis six mois. Quand Michel ap-prend que ce dernier a sollicité sa grand-mère pour qu’elle lui en-voie de l’argent, il décide, sur un coup de tête, de partir en Colom-bie le retrouver.

Tendu par cette quête déses-pérée, le récit du beau téléfilm d’Olivier Péray, librement adapté d’un roman graphique (1), se centre sur la mue progressive

de ce père à la fois déboussolé et téméraire. Entre naïveté et mala-dresses, on partage ses bouffées d’espoir comme ses moments de découragement. Retrouver un jeune adulte dans un pays qui sort à peine de la guerre civile, traversé par des milliers de touristes, s’ap-parente à chercher une aiguille dans une botte de foin. Les autori-tés locales, comme l’ambassade de France, ne seront d’aucun secours.

Détroussé dès son arrivée à Bogota, ne parlant pas un mot d’espagnol, le quinquagénaire

découvre le quotidien noncha-lant des routards sur la « Gringo trail », la route du Nord emprun-tée par la plupart des jeunes Oc-cidentaux. Au fil des rencontres, Michel entrevoit peu à peu les contours d’une génération désa-busée, sans réelle conscience po-litique, qui entend bien échapper à une « vie d’esclave ». Michel réa-lise ainsi qu’il ne sait rien de son fils, de ses souffrances comme de ses aspirations profondes.

Des bidonvilles de Bogota aux plages de la côte caribéenne, en

passant par les hautes vallées de la Sierra Nevada, son périple se transforme en profond voyage intérieur, en renaissance après le séisme du deuil. Une belle aven-ture humaine portée par l’in-terprétation sensible et juste de Pascal Demolon (Michel) et la gouaille attendrissante de Lola Naymark (Charlie).Cécile Jaurès

Au nom du fils, vendredi à 20 h 55 sur Arte.(1) Signé Serge Perrotin et Clément Belin, il vient d’être réédité par Futuropolis.

La belle et surprenante collection « Duels » revient pour une troisième saison sur France 5, avec un premier numéro consacré aux antagonismes entre Paris et province.

Lorsque Dieu créa l’Hexagone et en fit le plus beau pays du monde, il fut pris d’un

doute. Craignant de faire des ja-loux, il y mit les Français. « Et en plus, ajoute à la célèbre blague la petite animation qui ouvre ce pre-mier documentaire de la troisième saison de » Duels », il les sépara en

deux : les Parisiens et les provin-ciaux. » S’ensuit une cocasse série d’images d’archives, témoignant de la grande créativité des Fran-çais pour se donner des noms d’oi-seaux et façonner des clichés, qui traversent les siècles.

Le film de Christophe Duchiron cherche dans l’histoire l’origine de ce clivage, met à mal certaines idées toutes faites, ouvre la voie d’une réconciliation possible. La décentralisation et le TVG ont notamment contribué à apaiser les antagonistes. « Je me sentirais mal sans Paris. Je me sentirais mal sans la province. J’adore les deux », résume pour sa part Fran-

çois Morel, l’ancien membre de la troupe Les Deschiens, au goût prononcé pour les accents régio-naux. « Têtes de veau », « têtes de chien » ou les deux, ce premier volet de « Duels » de 2016 parlera au cœur de chacun de nous.

Une petite analyse sur ce que les attentats de 2015, qui ont en-deuillé l’Île-de-France et provo-qué un immense mouvement de solidarité internationale, ont changé dans cette perception des uns et des autres aurait cepen-dant été la bienvenue.

Ce nouveau numéro marque l’ouverture de la collection do-cumentaire dirigée par Annick

Cojean à d’autres champs que les personnalités rivales. La dua-lité entre François Truffaut et Jean-Luc Godard, Jules Ferry et Georges Clemenceau, les Beatles et les Rolling Stones seront ex-plorées, avec la même inventivité narrative et formelle qui a fait le succès de la précédente saison (+ 25 % d’audience sur un an).

Au même titre que les face-à-face entre le KGB et la CIA ou en-core Airbus et Boeing. Une pro-grammation stimulante !Aude Carasco

« Duels », Paris-Province : une rivalité capitale, jeudi à 22 h 15 sur France 5.

A la recherche du fils

ma préférence

Je t’aime, moi non plus

Pascal Demolon et Gabriel Garnier.  Pierre Javaux Productions

ce week-end

SamediDocumentaire Serge et Beate Klarsfeld, Guérilleros de la mémoireÀ 22 h sur Public Sénat

À l’approche de la Journée inter-nationale de la mémoire des victimes de la Shoah, Public Sénat rediffuse le documentaire réalisé pour la collection « Em-preintes » de France 5 en 2011. Sa réalisatrice Élisabeth Lenchener brosse le portrait bouleversant du couple formé par Beate Kun-zel, Allemande luthérienne, fille d’un soldat de la Werhmacht, et Serge Klarsfeld, Français juif, orphelin d’un père mort en dé-portation. Leur histoire d’amour a débuté par une rencontre dans le métro. Unis par un même combat pour réveiller les consciences et entretenir la mé-moire de ce génocide, ils sont rentrés dans la légende. Le docu-mentaire sera suivi d’un débat animé par Nora Hamadi, en présence de Serge Klarsfeld et Élisabeth Lenchener.

DimancheÉmissions religieusesÀ 8 h 30 sur France 2

Les Chemins de la foi. 8 h 30. Sagesses bouddhistes. Quelles réponses donner aux enfants confrontés aux violences de la société ? Avec Serge Tisseron. 8 h 45. Islam. 9 h 15. Judaïca. La Fête des arbres. Avec le rabbin Jacky Milewski. 9 h 30. Soutien aux chrétiens d’Orient. Matinée œcuménique avec les ortho-doxes, chrétiens orientaux, pro-testants et catholiques. Visage d’espérance au milieu du chaos (documentaire). 11 h. Célébra-tion œcuménique en l’église Notre-Dame-du-Liban à Paris.

Retrouvez Robert Migliorini,Journaliste-blogueur sur le site de La Croix

(blog « Au cabaret du bon Dieu »)

sur RCFChronique

« Un air qui me rappelle »

DimanChe à 8 heuRes

RDVMÉDIAS

Radio

Chanson chrétienne, chanson profane

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Télé-radio 29

cette semaine

Chaque année, la pollution atmosphérique provoque des millions de morts prématurées et un nombre incalculable de maladies. De Paris à Pékin, une enquête édifiante, qui bouscule au passage quelques idées reçues.

Le grand mérite du documentaire de Delphine Prunault est de donner à voir la mobilisation planétaire au-tour de la pollution atmosphérique, bien au-delà de la seule probléma-tique des pics de pollution parisiens. Ce n’est pas pour rien que le docu-ment commence par l’Inde, dont 13 villes figurent au palmarès des 20 villes les plus polluées du monde. New Delhi dépasse tous les records, avec un parc automobile multiplié par deux en dix ans et des concentra-tions en particules fines parfois cent fois plus élevées que les plafonds conseillés par l’Organisation mon-diale de la santé.

Dans un souci de pédagogie, le documentaire fait le point sur les multiples sources de pollution : tra-fic automobile, industrie, mais aussi épandage d’engrais ou moyens de cuisson rudimentaires dans les pays en développement. Il montre aussi la mobilisation de médecins et de cher-cheurs du monde entier pour mieux en comprendre les enjeux sanitaires,

de Sao Paulo où un épidémiologiste entend pratiquer 2 000 autopsies, à Grenoble où 700 femmes vont être suivies pendant toute leur grossesse.

Les preuves s’accumulent depuis dix ans contre ce « tueur de masse » qui provoque, selon l’Organisation mondiale de la santé, 7 millions de morts prématurées par an, en facili-tant notamment l’apparition de ma-ladies respiratoires, maladies cardio-vasculaires et cancers.

Le document illustre aussi la grande difficulté de lutter contre ce fléau. De Mexico à Berlin, en passant par Pékin, les politiques mises en œuvre se heurtent à de nombreuses difficultés, que ce soit la corruption à Mexico, la recrudescence de la pro-duction d’électricité à base de char-bon en Allemagne ou la volonté in-dienne de se développer coûte que coûte.

Ultime difficulté mise en exergue par le documentaire : la pollution n’a pas de frontière. Traqué par des satel-lites, le « smog » chinois atteint ainsi la Californie en quatre jours ! De quoi plaider, à l’instar de l’un des cher-cheurs interrogés, pour une gouver-nance mondiale de la qualité de l’air.Emmanuelle Réju

Irrespirable, des villes au bord de l’asphyxie ? Documentaire de Delphine Prunault, coécrit avec Valérie Rossellini. Arte, 90 minutes. Mardi 26 janvier 2016 à 20 h 50.

La pollution de l’air, un problème mondial

À New Delhi, la capitale indienne, l’air est officiellement le plus dangereux de la planète.  Scientifilms

Documentaires VerdictLa collection documentaire « Ver-dict » plonge pour une 8e saison (de 6 épisodes) les téléspectateurs au sein d’une cour d’assises, en posant la question du rôle éventuel de la victime dans un passage à l’acte criminel. Les liens entre auteur et victime sont parfois complexes. Illustration avec le premier épisode diffusé ce samedi, l’affaire Petit-Dit-Chaguet (1/6), sur l’agression d’une femme sur le parking d’un centre commercial de Mourenx (Pyrénées-Atlantiques). Un « crime immotivé » que la cour d’assises de Pau a dû juger en décembre 2013.Chaque samedi à 17 h 10 sur France 5

Perdre sa vie à la gagnerSix à dix personnes meurent de maladies professionnelles chaque jour en France. Malgré le scandale de l’amiante, malgré les progrès technologiques, plus de deux mil-lions de salariés continuent d’être régulièrement exposés à des cancé-rogènes sur leur lieu de travail. Avec la crise économique et la pré-carisation des emplois, de plus en plus de Français doivent choisir entre « le salaire d’aujourd’hui » et la « santé de demain », comme le montre le documentaire alarmant de Liza Fanjeaux.Mardi à 20 h 40 sur France 5

Radio « Un autre jour est possible »À l’occasion du 43e Festival de la BD d’Angoulême, qui célèbre cette année le Japonais Katsuhiro Otomo, grand prix de l’édition 2015,

Tewfik Ha-kem revient toute cette semaine sur les grands maîtres du manga en compagnie d’un spécia-liste et d’un auteur. Le programme est allé-chant : Riad

Sattouf rendra hommage lundi à Shigeru Mizuki, récemment dis-paru, le scénariste Benoît Peeters décryptera mardi les albums de Jiro Taniguchi et, jeudi, Bastien Vivès racontera sa rencontre avec Otomo.Du lundi au vendredi à 6 heures sur France Culture

Otomo

Samedi23 janvierÀ noter16.05 Le choix de ma vie, téléfilm (TF1) ; 17.50 Cousu Main, téléréalité (M6). TF120.55 Les enfants de la télé, divertissement.23.25 Le grand blind test, divertissement.France 220.55 Le grand show : hommage à Michel Delpech, variétés.23.10 On n’est pas couché, talk-show.France 320.55 Le sang de la vigne, téléfilm.22.55 Pour Djamila, téléfilm. 2 Arte20.50 Un jour en Allemagne, documentaire.22.15 Genesis, documentaire.M620.55 NCIS : Los Angeles, série. 0

Dimanche24 janvierÀ noter 16.00 Clermont-Auvergnes/Bordeaux-Bègles, Rugby (Fr2) ; 18.40 66 minutes : grand format, magazine (M6).TF120.55 Non-Stop, film d’action. 0 23.00 Mentalist, série. 0 France 220.55 Le seigneur des anneaux : le retour du roi, film. 0 0.10 Faites entrer l’accusé, magazine. France 320.55 Miss Fisher enquête, série.0.55 Révolte au zoo, film de Rowland V. Lee.Arte20.45 L’évadé d’Alcatraz, film.22.35 Maria Callas assoluta, documentaire.M620.55 Capital, magazine.23.00 Enquête exclusive, magazine.

Lundi25 janvierÀ noter13.45 Une dangereuse éléve, téléfilm (M6) ; 15.15 Kidnappée par son oncle, téléfilm (TF1). TF120.55 Camping

Paradis, téléfilm.22.45 New York Unité Spéciale, série. France 220.55 Castle, série.23.05 Alcaline, le concert, magazine.France 320.55 Dalida, la femme qui rêvait d’une autre scène, documentaire.23.15 La France en docs.Arte20.55 Buffet froid, comédie noire.22.25 Police, film.M620.55 Top chef, téléréalité.23.10 Top chef, les secrets des grands chefs, magazine.

Mardi26 janvierÀ noter 13.35 Magnifique comédie, (Arte) ; 15.45 Conclusion hâtives, téléfilm (M6).TF120.55 Person of Interest, série.22.40 New York Unité Spéciale, série. France 221.00 Lille (L1) / Bordeaux (L1), football. En direct.23.00 Baisse pas ta garde, documentaire. 0 France 320.55 La stagiaire, série.23.15 Le divan de Marc-Olivier Fogiel, magazine.Arte20.55 Thema : Irrespirable, documentaire.22.40 Pour le bien de l’entreprise, documentaire.M620.55 Recherche appartement ou maison, téléréalité.

Mercredi27 janvierÀ noter 13.35 Le miroir se brisa, film (Arte) ; 15.45 Les justicières de la nuit, téléfilm (M6).TF120.55 Les experts : Cyber, série. 6 épisodes. 0France 220.55 Lanester, téléfilm policier. 0 22.30 Folie passagère, divertissement.France 320.50 Paris-SG (L1) / Toulouse (L1), football. En direct.23.30 Enquêtes de

régions, magazine.Arte20.55 Lore, drame.22.40 Claude Lanzmann, documentaire.M620.55 Patron incognito, magazine.22.35 Patron incognito, magazine.

Jeudi28 janvierÀ noter 13.45 client fatal, téléfilm (M6) ; 15.15 Une inquiétante baby-sitter, téléfilm (TF1).TF120.55 Section de recherches, série. 0 22.55 Section de recherches, série.France 220.55 Envoyé spécial, magazine.22.40 Complément d’enquête, magazine.France 320.55 Mes héros, comédie.23.05 Profession socialiste, documentaire.Arte20.55 Wolf Hall, série.22.55 Wolf Hall, série.M620.55 Once Upon a Time, série.23.30 Nouveau look pour une nouvelle vie, série.

Vendredi29 janvierÀ noter 13.35 La tulipe noir, film (Arte) ; 15.45 Au rythme de mon cœur, téléfilm (M6).TF120.55 Les invisibles : tous les pièges sont permis, divertissement.23.30 Vendredi, tout est permis avec Arthur, divertissement.France 220.55 Chérif, série.23.30 Taratata 100 % live, variétés.France 320.55 Thalassa, magazine.23.20 Elles se croient toutes Joly, spectacle.Arte20.55 Au nom du fils, téléfilm.22.30 Résistance aux antibiotiques, documentaire.M620.55 Elementary, série. 0 01.10 Californication. 0

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La Croix - samedi 23, dimanche 24 janvier 2016

Détente30

«Mes meilleurs veux », ai-je lu récemment sur un écran. Ajoutons-y une

voyelle et voilà le souhait intensé-ment formulé pour nos lecteurs en début d’année. Pourtant, dans son Dictionnaire françoislatin, sans trait d’union – il y a de quoi y perdre son français –, Robert Estienne donne la préférence au veu le plus dépouillé, « Veu, ou Vœu, Votum », en confirmant avec l’exemple l’op-tion prise : « Le veu que les anciens faisoyent au diable… » Le diable, justement, est dans le détail : faut-il choisir une orthographe phoné-

tique ou marquer par la présence du o l’origine latine du mot, votum, promesse faite à une divinité ? En 1680, dans son Dictionnaire fran-çois, Pierre Richelet reste dubita-tif : « VŒU. Prononcez veu. & même peut-être qu’on ne feroit pas trop mal de l’écrire comme on le pro-nonce », s’interroge-t-il. En 1694, l’Académie tranchera dans la pre-mière édition de son dictionnaire, ce seront les vœux. « Meilleurs en début d’année », proposent les ver-bicrucistes pour faire découvrir les vœux de bonne année. Avec, le o dans le e, pour le meilleur !

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A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U

mots croisés

Problème 865Horizontalement. – 1. Bonne adresse. Se mange facilement, se voit difficilement. Sa tenue est célèbre. – 2.  Attrape des oiseaux ou des poissons. Cela fait une grosse tête. Déplacées.  – 3. Biterrois resté longtemps sur la touche. Permit de détecter des maux en profondeur. Se dépeuplent pendant le carnaval. Port des Pyrénées. – 4.  À l’angle du Trocadéro. N’apparaît jamais sous le soleil. Préposition. Étaient bien trop petits pour Churchill. Unité de puissance... – 5.  Aussi. Réunion très éclairée. Sont téméraires. – 6. Évoque des gens qui sont passés. Personnel. Ils peuvent être de bouche. L’Europe.  – 7.  Cordons. Produire un son rauque. Change de nom quand elle a fait son temps. –

8.  Attachement. Dépôt de fonds. Écrivain autrichien.  – 9.  Enroulé. Le rouge et le noir, et c’est du jeu. Chercher à faire du neuf. – 10. Direction. Il orne la crèche. Retraite de Russie. S’avale pour recracher. – 11.  Soumis à un feu vif. Ville de Serbie. Homme à fables. Bon si on a les crocs. – 12.  Prit un air joyeux. Au fond de l’allée à droite. On y reste sans répondre. Sont ouverts avant le départ.  – 13. Des idioties. Rendra beau. Sur le calendrier. – 14. Pour qui est tout à fait contre. Fut conseiller. Alliance. Nom de baptême…  – 15.  Article. Camper sur ses positions. Non retenus. S’allongent en juin.

Verticalement. – A. On la met en garde. Son dévouement est total.  – B. Messe basse sans curé. Mer grecque. – C. Couvre. De do à do. On lui ajoute du bien pour plus tard... – D. Conjonction. Était tiré par les chevaux. Gaz dangereux. – E.  Tsar. Monnaie nordique. Possessif. – F.  C’est du nanan. On est rarement pressé de la rendre. Du sang pour San-Antonio. – G.  Mariages d’États. Rappel. – H. Réduisent la fortune. Qui sont souvent de service. – I. Inspira Rossini et Verdi. Langue d’Europe. – J. Coup de baguettes. Symbole chimique. Ville et terre d’Italie. Conclut bien des accords. – K. Père de Cinq-Mars (marquis d’). De plus. Cours parsemé d’oasis.  – L.  Force de frappe. Fait l’épeire.  – M.  Feux du ciel.

Ville de l’Édit de grâce. Il faudra que chacun s’en acquitte. – N. N’a pas le droit de son côté. À ne pas manger en herbe. Fait des mimis.  – O.  Redistribution des capitaux. Mauvais coups des cochons. Sans hauteur. – P. Travaille sans desserrer les mâchoires. On y pousse des cris persans. Trous borgnes.  – Q. Monnaie d’argent. Qui n’ont pas beaucoup fait l’enfant. – R. Ville du Brabant. Brecht lui accorda quat’sous. – S.  Appât. Empruntée pour suivre le lit. Lancé au manant.  – T. Résulte d’un dépouillement. Travailler aux pois. – U.  Brisé en éclats. Partie de cochonnet. Non dits.

Solutions du problème 864Horizontalement. – 1. Mobilisations. Spartes. – 2. Amiral. Menu. Têtes. Out. – 3.  Tomates. Utiles. Rieuse. – 4.  Intérimaire. – 5. Essence. Or. Une. Alpe. – 6. Mots. Agen. Ton. Elles. – 7. Air. Aletsch. Écriteau. – 8. Teigne. Hautaines. Pd. – 9. Abattoirs. Ga. Éole. – 10. Célibataire. Urubus. E.-M. – 11. Il. Sas. Tee. O.K. Éon. Usé. – 12.  Entasse. Déchet. Utes.  – 13. Ne. Réelle. Om. Hôtelier. – 14. B.D. Saisir. Péril. Nue. – 15. Évasé. Na. Merises. Sexe.Verticalement. – A. Mathématicienne. – B. Omo. Soie. Elne. – C. Bimestriel. B.A. – D. Ira. Ès. Isards. – E. Latin. Anabase. – F.  Île. Calebasses. – G. Siège. At. Élan. – H. A.M. Ététât. Lia.  – I. Teutons. Tièdes. – J.  Inter. Chorée. Im. – K.  Ouïr. Thaïe. Coré. – L. Lido. Ur. Ohm.  – M.  Stem. Netsuke. Pi.  – N. Ésaü. Ca. Thés. – O.  St. Intrigue. Ore. – P. Perré. Inaboutis. – Q. Asie. Été. Un tel.  – R.  Alèses. El.  – S.  Touilla. Usine. – T. Eus. Peuples. Eux.  – U. Stères. Demeurée.

la grille de Pierre Olivierlangage

Meilleurs vœux avec ou sans o

Par Jean Pruvost

Jean Pruvost, professeur de lexicologie à l’Université de Cergy-Pontoise et directeur éditorial des éditions Honoré Champion, tient la chronique Un mot, un jour chaque matin sur RCF.

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Détente 31

L

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0 800 29 36 87

0 825 825 832 0,18 € / appel

0 800 29 36 87

mots fléchés de Marcel Pagnol

sudoku

Grille n°0001

MOYEN DIFFICILE

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GROSSE MOUCHE

SALAIRE

UN FILM dE 1934

FER SYMBOLISé

FAIT L’ŒUFUN ART QUI LE

PASSIONNA

LE CéRIUM

HOMME dE CHAMBRE

BONNE dAME

VOUé À L’ENFER

SA RéGION

À L’ANCIENNE

PELLE dE BATEAU

BARRE dE FERMETURE

ARTICU- LATION

NATURELJEU

CHINOISFRUIT SANS

VALEUR

ARCHIVES dE LA TéLé

QUATRE À ROME

BOURGEONUN RÔLE

EN OR POUR RAIMU

déBUT dE PREUVE

ET LE RESTE

ATTRAPENT

dANS L’AL- TERNATIVE

IL PEUT FAIRE

SENSATION

éRIGEIL EST Né

UN 28 dE CE MOIS

RAJEUNIR

COMPTéS EN MOINS

MéMOIRE dE dISQUE

déTES- TERAS

éTABLE À COCHONS

ATOME CHARGé

ARTICLE ANdALOUEN FORME

d’ŒUF

LE ... DE MA MÈRE

COMMU- NAUTé

MOT QUI EXCLUTCRI dE

SURPRISE

dE QUOI TIRER

UN TRAIT

LA GLOIRE DE MON ... ,

ROMAN EN 1957

CENTIÈME dU YEN

GENTIL HéROS dE

SPIELBERG

CE QUE CHA- CUN dOIT

RéGLERéLAN

NON AFFECTé

ATTACHE dES FILS

PAS PLEIN NORd

ARBRE À GLANdS

L’... DES COLLINES

SOCLE dE BALLETRAVAUX AU LABO

PéNéTRANT

CONÇUES, IMAGINéES

BILLET dE TRAIN

COUSSIN

La solution de la grille fléchée

n°0001 paraîtra dimanche prochain.

Certains abonnés trouveront dans ce numéro un mailing La Croix.

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La Croix - samedi 23, dimanche 24 janvier 2016

L’humeur des jours32

Espérance

L’espérance de vie des femmes, en France, a diminué en 2015. On le savait que cette fichue année 2015, maudit

millésime, devait dans nos mé-moires être vite enfouie et re-misée dans le vieux galetas des choses à oublier, des saletés « à jeter un jour »… Mais de là à véri-fier par la statistique officielle ce que la seule observation de l’ac-tualité, générale et particulière, pouvait nous inspirer…

Voilà, c’est clair, c’est sûr et scientifique maintenant : 2015 fut une annus horribilis décou-rageante, à force de coups de ka-lachnikov ou de coups du sort s’acharnant sur certains d’entre nous, gens ou pays. Une année à vous couper la parole, à vous faire perdre tout goût de piapiater autour de l’actualité comme on le faisait avant l’été, ici, chaque semaine depuis deux décennies, avec la régularité d’un métro-nome à sang froid.

Mais on en avait perdu le goût. Un peu par peur de rado-ter. Beaucoup par rejet de cette fichue et répétitive actualité at-testant l’incapacité des hommes à vivre bien ensemble sur terre. À se demander aussi si on n’en avait pas perdu les capacités, vieillesse et nature aidant, de tricoter des phrases brodées dans le vide des pages blanches. « Trop vieux », se disait-on par-fois, allant jusqu’à se reprocher à soi-même d’avoir « l’âge d’Alain Juppé ». Il fallait se faire à l’idée du fatal remplacement des gé-nérations, et de laisser à de plus jeunes pousses les occasions du commentaire et le privilège du bla-bla.

Mais on se révolta contre le déclin annoncé de soi-même. Avec l’aide puissante et insis-tante de nombreux lecteurs (et lectrices !) qui écrivaient : « On vous attend et on vous attendra le temps qu’il faudra. » Ces adeptes du revenez-y, qu’ils soient ici pu-bliquement remerciés pour leur attachement au chroniqueur des jours avec ou sans humeur. Leur

soutien – et celui du journal – l’aura aidé à traverser la solitude de ce désert des mots où sa fai-blesse et le deuil l’avaient jeté.

Et puis il y eut un petit réflexe d’orgueil : comment ne pas être présent dans La Croix au mo-ment où le journal se lance dans la énième « nouvelle formule » de sa longue existence ?

Formule

Donc, nouvelle formule, dont les lecteurs diront si elle leur agrée plus et mieux que les pré-cédentes. Il lui reste à faire ses preuves comme à toute inno-vation. Quand nous étions à la tête de ce journal nous avions, nous aussi, lancé des « nouvelles formules » avec ce principe pa-radoxal constamment répété à la rédaction quand elle se mon-

trait frileuse : « On me dit qu’il ne faut pas changer pour changer. Au contraire, il arrive qu’il faille changer pour changer. » Après tout, il est mieux de se laver la tête chaque matin pour voir la vie en neuf et le jour sous le signe de la joie.

Une chose ne doit pas changer, dans la presse écrite : le primat de l’écriture. Elle est le support de la réflexion, de la culture lon-gue, de la perception des choses fines. L’alliée de la nuance contre la maladie du simplisme. Elle est une arme éprouvée contre la bê-tise, contre la méchanceté et la violence des sanguinaires. Une écriture qui sous-tend la révolte des justes contre les hordes sa-taniques, qui picote les fesses des puissants désagréables et menteurs, qui stimule par la vi-rulence de son humour ou les percées de ses formules dures l’ignoble prétention des domina-

tions du temps que sont l’argent, le fanatisme et la laideur.

2016, ce n’est certes pas le mo-ment de faiblir car la menace est là, tapie de tous côtés dans les ornières du chemin. La violence haineuse, le mépris des petits par les gros, l’abrutissement des foules par les amuseurs vulgaires ou les prophètes de bazar. Toutes les pièces d’un puzzle redoutable sont répandues sur la table, de-vant nous, pour constituer une image atroce auprès de laquelle les totalitarismes du siècle der-nier pourraient vite apparaître comme d’aimables églogues.

Ne pas laisser la terre se transformer en camp retranché pour se protéger de tout ce qui est autre. Ne pas laisser les vi-rus mentaux gagner nos esprits faibles et leur insuffler la haine, l’envie, le mensonge ou la tris-tesse. Voilà des éléments pour une nouvelle formule et pour

qu’augmente dans nos cœurs non pas seulement l’espérance statis-tique de vie mais l’espérance tout court et la joie d’être là.

Fidèles au poste, gratifiés de vivre comme l’avait dit Michel Tournier, qui voulait que sur sa tombe on mette en épitaphe un sobre « merci à la vie ».

Début

Il aurait fallu commencer par un des sujets de l’actualité. Mais lequel privilégier qui ne nous replonge dans l’affliction et la morosité ? Par la « déchéance » de nationalité et ses relents vi-chyssois ? Par le froid qui pince nos corps et crispe nos intel-ligences ? Par la succession de morts notoires qui accompa-gnent le début de cette année ? Par une sortie sur David Bowie et l’aveu inavouable qu’on n’en connaissait rien, ni la voix, ni la tête, ni les paroles et que le tour-billon de phrases qui accompa-gna sa sortie nous parut dispro-portionné quand tant de braves gens, saints discrets, quittent chaque jour cette terre sur la pointe des pieds sans qu’on fasse autour d’eux un tel foin au titre du marketing ?

On choisit donc, pour cette reprise, de ne rien choisir. Ni le bien, ni le mal. Juste de se re-mettre à taper sur son clavier avec entrain et la reconnaissance au cœur pour qui assura bra-vement l’intérim (merci, Gene-viève !), pour celle qui se remet à attendre quelles élucubrations elle va devoir illustrer cette se-maine (merci, Annie !).

Avec une pensée surtout pour celle qui n’est plus là et dont le subit départ a seul justifié un si long abandon de poste. C’était le genre : « pas mal cette semaine » ou « pas terrible celle-là… ». Mais lit-on La Croix là-haut ?

Et d’avance une gratitude pour vous qui, étant parvenus jusqu’au bout de cette chro-nique-là, aurez peut-être l’idée d’y revenir, à l’occasion, comme on se plaît à retrouver une mai-son familière.Br. F.

Le bout du cheminLa chronique de Bruno Frappat

le regard d’Annie Goetzinger