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Extrait de la Revue Informatique et Statistique dans les Sciences humaines XIX, 1 à 4, 1983. C.I.P.L. - Université de Liège - Tous droits réservés. ARISTOTE. METAPHYSIQUE, Z, 3, 7, 8, 9 et 17. ESSAI DE CHRONOLOGIE RELA TiVE Mon Aristote. Métaphysique, Z, publié dans le précédent numéro de cette revue, laissait sans solution, je l'avouais en terminant, le problème du rapport existant entre Z3 et Z 7-9, d'une part ainsi qu'entre Z 17 et Z 7-9, d'autre part. Le pro- blème est Important. 11 s'agit du lien unissant, dans l'évolution de la pensée d'Aristote, la doctrine de la substance et la doc- trine du devenir. Je voudrais, dès lors, reprendre ici l'analyse stylométrique des textes en question en utilisant, pour leur classement, un nouveau critère. Le traitement Informatique des textes (1) a été fait, je le rap- pelle, au L.A.S.L.A. J'eus la chance d'y être accueilli, il y a quelques années, par le professeur Louis Delatte, dont je n'oublie point la bienveillance à mon égard. Les pages qu'on va lire sont d'aillem's le résultat d'une très étroite collaboration "interdisciplinaire", Sans doute doivent-elles moins à mes pro- pres lumières qu'aux avis autorisés du professeur Etienne Evrard, actuel président du L. A, S, L, A. Le pl'ofesseur Evrard, en effet, dont on sait la renommée dans le domaine de l'étude quantitative des textes, n'a cessé de m'accorder, dès le début de mes recherches, une aide à peu près quotidienne. Quant au docteur Joseph Denooz, lequel assume, aujourd'hui, la direction du L.A,S.L.A., il s'est chargé, avec autant de bonne grâce que de compétence, de résoudre, pour permettre mes analyses, de nombreux problèmes d'ordre informatique. J'ai comparé, dans mon précédent article, les textes dont je m'occupais d'après l'importance relative, dans ces textes, des catégories grammaticales et la fréquence relative des principaux conjoncteurs. Quelque éclairante que soit, cependant, cette comparaison, elle a le défaut de supposer que l'on envisage séparément la proportion, dans chaque texte, de chacune des parties du discours. La comparaison, dans cette perspective, porte sur l'importance, par exemple, du nombre des substan- tifs, d'une part, dans les textes comparés, par rapport au nombre total des mots, et du nombre des verbes, d'autre part, dans les textes comparés, par rapport au nombre total des mots. Or tout se tient. Les rapports, dès lors, dont je viens de parler, sont eux-mêmes en rapport les uns avec les autres. 175

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Extrait de la Revue Informatique et Statistique dans les Sciences humaines XIX, 1 à 4, 1983. C.I.P.L. - Université de Liège - Tous droits réservés.

ARISTOTE. METAPHYSIQUE, Z, 3, 7, 8, 9 et 17.ESSAI DE CHRONOLOGIE RELA TiVE

Mon Aristote. Métaphysique, Z, publié dans le précédentnuméro de cette revue, laissait sans solution, je l'avouais enterminant, le problème du rapport existant entre Z 3 et Z 7-9,d'une part ainsi qu'entre Z 17 et Z 7-9, d'autre part. Le pro­blème est Important. 11 s'agit du lien unissant, dans l'évolutionde la pensée d'Aristote, la doctrine de la substance et la doc­trine du devenir. Je voudrais, dès lors, reprendre ici l'analysestylométrique des textes en question en utilisant, pour leurclassement, un nouveau critère.

Le traitement Informatique des textes (1) a été fait, je le rap­pelle, au L.A.S.L.A. J'eus la chance d'y être accueilli, il y aquelques années, par le professeur Louis Delatte, dont jen'oublie point la bienveillance à mon égard. Les pages qu'on valire sont d'aillem's le résultat d'une très étroite collaboration"interdisciplinaire", Sans doute doivent-elles moins à mes pro­pres lumières qu'aux avis autorisés du professeur EtienneEvrard, actuel président du L. A, S, L, A. Le pl'ofesseur Evrard,en effet, dont on sait la renommée dans le domaine de l'étudequantitative des textes, n'a cessé de m'accorder, dès le débutde mes recherches, une aide à peu près quotidienne. Quant audocteur Joseph Denooz, lequel assume, aujourd'hui, la directiondu L.A,S.L.A., il s'est chargé, avec autant de bonne grâceque de compétence, de résoudre, pour permettre mes analyses,de nombreux problèmes d'ordre informatique.

J'ai comparé, dans mon précédent article, les textes dont jem'occupais d'après l'importance relative, dans ces textes, descatégories grammaticales et la fréquence relative des principauxconjoncteurs. Quelque éclairante que soit, cependant, cettecomparaison, elle a le défaut de supposer que l'on envisageséparément la proportion, dans chaque texte, de chacune desparties du discours. La comparaison, dans cette perspective,porte sur l'importance, par exemple, du nombre des substan­tifs, d'une part, dans les textes comparés, par rapport aunombre total des mots, et du nombre des verbes, d'autre part,dans les textes comparés, par rapport au nombre total desmots. Or tout se tient. Les rapports, dès lors, dont je viens deparler, sont eux-mêmes en rapport les uns avec les autres.

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La proportion de chacune des parties du discours est, end'autres termes, liée à la proportion de chacune des autresparties du discours. D'où la nécessité d'exprimer, si possible,le résultat de la comparaison des textes en tenant compte de celien. C'est ce que permet de faire le calcul du coefficient decorrélation totale, ou linéaire, de Bravais-Pearson. Ce coef­ficient, r, qui varie de 1 à + l, est obtenu de la faconsuivante:

r(~T)2 1

n

Cette longue formule, en vérité, quoi que l'on puisse, à pre­mière vue, redouter, est facile à appliquer. Voici, par exemple,comment se calcule le coefficient de corrélation auquel donnelieu la comparaison, dans la Métaphysique, de iJ. 7 et de R 1.

iJ. 7/H(Il)

'1' X2 '1'2 XT(R1)

1. adjectifs 17 19 289 361 3232. adjectifs-pronoms, 46 39 2116 1521 1794pronoms, numéraux3. adverbes 33 41 1089 1681 13534. articles 51 66 2601 4356 33665. conj. de coord. 37 38 1369 1444 14066. conj. de sub, 17 6 289 36 1027. particules 25 42 625 1764 10508. prépositions 12 23 144 529 2769. substantifs 60 101 3600 10201 6060

10. verbes 63 47 3969 2209 2961~ 361 422 16091 24102 18691

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Le graphique 1, que l'on trouvera ci-joint, illustre, d'autrepart, la notion de corrélation linéaire. J'ai porté en abscisse lesvaleurs de X (= tJ.7) et en ordonnée les valeurs de Y (= H 1).La plus grande partie des points ainsi définis se répartit à peuprès symétriquement de part et d'autre d'une droite. Ce n'estau reste point par hasard que j'ai choisi pour exemple la compa­raison de tl7 et de H 1. Une corrélation, en effet, a d'autantplus de chances d'être linéaire, et de pouvoir, par conséquent,être exprimée par r, qu'elle affecte des échantillons de plusgrande taille. Or aucun des textes dont il va s'agir ici n'estaussi bref que tl7, où l'on ne compte que 361 mots. Quant àHI, texte de 422 mots, il ne constitue pas, lui non plus, untrès long passage. Je puis donc, semble-t-il, légitimement faire,pour les textes dont je vais m'occuper, l'hypothèse de lalinéarité.

Une fois constatée, cependant, la différence existant entre descoefficients de corrélation, Il importe encore de déterminer lasignification de cette différence. D'OÙ le rÔle du "test d'égalitéde deux coefficients de corrélation" (2). Le test dont il s'agit,lequel permet la comparaison des coefficients pris, chaque fois,deux à deux, suppose connu l'indice z de Fisher correspondantà l'indice r de Bravais-Pearson. La formule permettant d'obtenirz est la suivante :

1 + r1z =-

2log e

1 - r

Notons toutefois que l'on trouve généralement, dans les manuelsde statistique, une table indiquant les valeurs de z corres­pondant aux valeurs de r. Il est donc aisé de calculer :

(z 1 - z 2)

A 1 101- 3 +~

l! est encore plus aisé de calculer :

~(z 1 - z2) y ~

2

Ce que, pour notre part, nous pouvons faire. Dans la premièredes deux formules, en effet, dont il vient de s'agir, la

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distinction de ni et n s'explique par ie fait que deuxcoefficients de corréfation distincts n'expriment pasnécessairement ie résuitat du même nombre de comparaisons. Ornous ne nous occupons ici que de la fréquence pius ou moinséievée, dans nos texte, des mêmes dix catégories grammaticales.Pour nous, en d'autres termes:

.Ji = vî5 = 1.8712

Quant au résultat obtenu en multipliant (zl-z2) par 1.871, unetable, que l'on trouvera, une fois de plus, dans tous lesmanuels, en fait connaltre la "densité de probabilité". Cettetable indique notamment que, pour une valeur obtenue de 1. 96,la différence existant entre deux coefficients n'a que 5 ,84chances sur cent d'être due au hasard, et peut être considél'éecomme hautement significative. Cette table, si l'on préfère,mesure précisément la différence, plus ou moins grande, exis­tant entre deux coefficients.

Si nous voulons, dès lors, envisageant, par exemple, dans laMétaphysique, H 1 et Z 8 et , dans la Physique, A 8-9, quel'on a de bonnes raisons de regarder comme formant un en­semble homogène (3), situer chacun de ces textes par rapportaux autres, deux possibilités s'offrent à nous.

Nous pouvons, bien entendu, comparer à chacun des deuxautres les coefficients de corrélation respectivement calculéspour Phys., A 8-9 et Z 8, pour Phys .. A 8-9 et H 1 et pour Z8 et H 1. Pour Phys., A 8-9 et Z 8, r = 0.9326; z =1.68. PourPhys., A 8-9 et H l, r = 0.7163; z = 0.90. Pour Z 8 et H l,r = 0.8253; z = 1.17. D'où

(1.68 - 0.90)~ 1. 46. P = 0.1374

(1.68-1.17),J3:5 = 0.95. P = 0.2541

(1.17-0.90),J3:5 = 0.51. P = 0.3503

Nous pouvons aussi compal'er chacun de nos trois coefficients(0.9326; 0.8253; 0.7163) à celui qui, s'élevant à peu près à0.99, à quoi correspond un indice z de 2,65, exprime la cor­rélation presque parfaite existant, par exemple, dans la Méta­physique, entre A 8-10 et B (r = 0.9907) (4). Deux textes

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apparaîtront, dans cette perspective, d'autant plus semblablesl'un à l'autre, quant à la distribution proportionnelle de l'en­semble des catégories grammaticales, que la différence entre0.99 et le coefficient exprimant la corrélation de ces textes aurade plus nombreuses chances d'être due au hasard. Point n'estbesoin de dire que cette nouvelle méthode permet, mieux que nefait l'autre, de classer précisément plusieurs textes par rapportà l'un d'entre eux en partant du plus semblable ou du plusdifférent. En ce qui concerne Phys., A 8-9, Métaphys., Z 8 etMétaphys., H l, nous avons vu que la différence entre Phys.,A 8-9 et Métaphys., H 1 est celle qui a le plus petit nombre dechances d'être due au hasard. On classera donc Z 8 et Phys.,A 8-9, d'une part (colonne A), en partant du plus semblable àH 1 et H 1 et Z 8, d'autre part (colonne B), en partant duplus différent de Phys., A 8-9. Il Y a entre les deux classe­ments, une parfaitecorrespondance :

A

(H 1)

Z 8: (2.65 - 1.17)yî5= 2.77P = 0.0086

Phys., A 8·9: (2.65-0.90)# =3.27P = 0.0019

B

Hl: (2.65-0.90) y3.5 = 3.27P = 0.0019

Z 8: (2.65-1.68)v!:f5 = 1.81P = 0.0775

(Phys., A 8-9)

Le manque de corrélation parfaite entre Phys., A 8-9, et Méta­p~ys., H 1 apparatt ainsi comme ayant 19 chances sur dix milled tre dÜ au hasard. Le manque de corrélation entre Z 8 et H 1a 86 chances sur dix mille d'être dÜ au hasard. Le manque decorrélation entre Z 8 et Phys., A 8-9 a, quant à lui, 775chances sur dix mille d'êtrËÏdil au hasard. Il en résulte que Z8 se trouve situé entre H 1 et Phys., A 8-9, et qu'il diffèremoins de Phys., A 8-9 que de H -1-.-

Reste à trouver, pour le classement de nos textes, des pointsde repère. Il n'est pas sans importance, à cet égard, que Z 8se situe,d'après mes critères, entre H 1 et Phys., A 8-9. Est,en effet, supposée connue,en H l, 1042 a 29-31, la doctrineselon laquel!e ni la matière ni la forme ne sont soumises à lagénération et à la corruption. Or la Physique, A 9, 192 a25-34, établissant que la matière est ingénérable et

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incorruptible, Z 8 apporte, aur ce point, un complément àl'exposé de la Physique. "De même que l'on ne produit pas lesujet, c'est-à-dire l'airain, lisons-nous en 1033 a 28-29, demême on ne produit pas non plus la sphèl'e". D'autre part, Z 8se réfère encore, en 1033 a 25-27, à la distinction que fait laPhysique, A 9, 191 b 35-192 a 25, entre la matière et laprivation. Cela s'accorde parfaitement avec les résultats del'analyse stylométrique. C'est donc par rapport à laMétaphysique, H l, et à la Physique, A 8-9, quej'entreprendrai de situer les textes dont je vais m'occuper.

On observera, à ce propos, que, rompant en visière à l'opinioncommunément partagée, je n'envisage plus à présent Z 7-9comme formant un traité du devenir. Il doit, dans le fait,s'agir, la suite ïe montrera, d'une série de trois dissertationssur le devenir. Quant aux diverses parties de H, elles deman­dent, elles aussi, quoi que j'aie pu précédemment faire, à êtresituées les unes par rapport aux autres et par rapport auxautres parties du corpus al'Ïstotelicum. Devront donc êtreséparément considérés, dans les pages qui viennent, H 2, quisuppose, en 1043 a 2-3, Z 17, ainsi que H 3, qui suppose, en1043 b 4-14, Z 17 et se réfère, en 1043 b 16-18, à la doctrinede Z 8. Devront, d'autre part, entrer encore dans notre clas­sement Z 15 et 08, qui se réfèrent eux aussi, l'un et l'autre,respectivement en 1039 b 26-27 et en 1049 b 27-29, à laditedoctrine, N 2, qui se réfère probablement (5), en 1088 b 23-25,à 08, E 2, que n'est pas sans évoquer l'exposé de Z 9, et",7, auquel se l'éfère, en 1026 a 33 - 1026 b 2, E 2.

De là les tableaux ci-joints, 1 et Il, A et B. Le premier de cestableaux indique seulement les fréquences absolues des catégo­ries grammaticales. Dans le tableau Il, A, les textes sontclassés en partant du plus semblable, d'après nos critères, à H1. Dans le tableau Il, B, on part du moins semblable à Phy­sique, A 8-9. J'indique, pour chaque texte, le coefficient decorrélation, l'indice z, le résultat obtenu en multipliant (2.65 ­z) par y3.5 et le nombre de chances d'arriver par hasard àl'écart constaté.

Le graphique 2 illustre simultanément le tableau II, A et letableau Il, B. Sont portées en abscisse les valeurs de z expri­mant, pour chacun de nos textes, le résultat de la comparaisonavec Phys., A 8-9. Sont portées en ordonnée les valeurs résul­tant de la comparaison avec H 1. On voit que l'ensemble despoints ainsi déterminés tend à se situer de part et d'autre

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d'une droite. Le style d'Aristote, dans les écrits qui nousoccupent, parait donc bien varier progressivement. Or li existeune correspondance, chez notre auteur. entre ia variation dustyle et l'évoiution de ia pensée. Bornons-nous à reiever lespoints suivants.

1. - Ce n'est pas seuiement pour H 1, Z 8 et Phys .• A 8-9 quele classement des textes fondé sur la stylométrie s'accordeavec les références qu'Aristote fait, au moins implicite­ment, dans ies passages dont nous nous occupons, à sespropres exposés. Rien d'étonnant, d'après les tableaux lI,A et 11, B ainsi que le graphique 2, si H 2 suppose Z 17,si H 3 suppose Z 8 et Z 17, si Z 15 suppose Z 8 et si E 2suppose I!. 7. 08, qui se réfère à Z 8, est évoqué en N 2.Il se situe, d'après nos critères, entre N 2 et Z 8.

2. - Z 8. qui pourrait constituer "un développement de Z 17"(6), n'apparatt certes point, dans notre classement, anté­rieur à ce texte.

3. - C'est à la iumière des développements consacrés, en Z 17et en Z 8, à l'antériorité de la forme par rapport aucomposé que semble bien devoir être Interprété, si l'ons'en rapporte à notre classement, Z 3.

4.- Z 8 vient, d'après nos critères, avant Z 9, lequel vient,quant à lui, avant Z 7. Une évolution doctrinale que l'onn'a point, jusqu'à présent, remarquée, correspond àl'ordre ainsi déterminé par la stylométrie.

La cause efficiente de la génération est constituée, d'après Z 8,1033 b 8, soit par l'art, soit par la nature, soit par quelquepuissance. On trouve en Z 7, 1032 a 12-13, une énumération unpeu différente. Il y est question de la nature, de l'art et duhasard. Cela se comprend si l'exposé de Z 9 sur le rôle de lamatière dans la production accidentelle se situe, comme il faitdans notre classement, entre Z 8 et Z 7. Il existe au reste uneétroite affinité, selon nos critères, entre Z 9 et E 2. lequelconcerne, on le sait, l'être par accident. Le coefficient decorrélation au calcul duquel donne lieu la comparaison des deuxtextes s'élève à 0.9671 (z=2.04).

Aristote, d'autre part, dit au début de Z 7, 1032 a 13-14,comme il le dit au début de Z 8, 1033 a 24-27, que tout ce quidevient devient, par quelque chose et à partir de quelque

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chose, quelque chose. Est cependant donnée, en Z 7, uneprécision qui n'est pas en Z 8. "Ce quelque chose, dit lePhilosophe en 1032 a 14-15, je l'entends selon chaque caté­gorie". (Tricot). Comment ne pas songer au passage de Z 9,1034 b 8-19, qui complète le développement établissant en Z 8que la forme est ingénérable ? Le développement de Z 8 serapporte uniquement, en effet, à la forme substantielle. Or Z 9ajoute que ce qui est vrai de la substance, par exemple de lasphère d'airain, dont il s'agit en Z 8, est encore vrai desautres catégories. Point de génération, par conséquent, lors del'altération ou du changement quantitatif, de la qualité ou de laquantité. Z 7 est donc, à cet égard plus proche de Z 9 que deZ 8.

Les passages qui se rapportent, en Z 7, en Z 8 et en Z 9 àl'identité spécifique du générateur et de son produit appellentd'ailleul's une remarque semblable. C'est à la loi selon laquelle"l'homme engendre l'homme" (1033 b 32) que s'attache l'exposéde Z 8. Quant à Z 9 et à Z 7, ils font, l'un et l'autre, ap­paraître cette loi comme régissant aussi, en un sens, lesproductions artificielles.

Si l'exégèse des textes, par conséquent, fournit au moins uneraison de situer Z 9, comme fait la stylométrie, entre Z 8 et Z7, elle ne fournit, en revanche} aucune raison de situer, commefait l'éditeur de la Métaphysique, Z 8 entre Z 7 et Z 9.

Christian RUTTEN

NOTES

(1) Ont été utilisées, pour la Métaphysique, l'édition de Jaeger(Oxford, 1957) et, pour la Physique, l'édition de Ross(Oxford, 1936).

(2) Cf., pour ce qui suit, P. DAGNELIE, Théorie et méthodesstatistiques, vol. 2, 2e éd., Gembloux, 1975, p. 314-316;321-322; 407; 426.

(3) Cf. M. UNTERSTEINER, Aristotele. Della Filosofia, Rome,1963, p. 93-95.

(4) Cf. ma communication sur Métaphysique, M et N, à pa­raître dans les Actes du Xe Symposium Aristotelicum.

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(5) Cf. J. ANNAS, Aristotle's Metaphysics. Books M and N,Oxford, 1976, p. 200.

(6) B. Dumoulin, Recherches sur l'évolution de la penséed'Aristote, II. Analyse génétique de la Métaphysique,Thèse dactylographiée. Strasbourg, 1979, p. 224.

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