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HISTOIREDES

ROUMAINS DE TRANSYLVANIE

ET DE HONGRIE

2-E EDITION

BUCAREST1940

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ROUMAINS DE TRANSYLVANIE

ET DE HONGRIE

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2-E EDITION

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Origine et permanence des Roumains enTransylvanie.

Les regions comprises entre les Carpathesroumaines et la riviere de la Theiss étaient ha-bitées a l'époque d'Hérodote par les Agathyrses,d'origine évidemment thrace, ainsi que le montrele nom même de la nation, et ayant les relationsles plus étroites avec le rameau dace de lameme souche. Or les Roumains sont incontes-tablement les descendants de ces Daces et deleurs congéneres getes, établis tour A tour surla rive droite et la rive gauche du Danube,ainsi que des autres elements thraces et illyriensdenationalises par une colonisation romaine lente,accomplie d'abord par des immigrations de pay-sans venus d'Italie, bien avant la conquéte deTrajan. Le territoire des Agathyrses et de leursvoisins de meme origine, mentionnés dans lesmemes pages de l'historien qui a recueilli aucinquieme siecle a. J. Chr. les connaissances deshabitants grecs du littoral sur les peupladesbarbares habitant l'intérieur, etant done, des le

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debut, un pays thrace et ayant appartenu ensuiteA ces Daces eux-mêmes, dont la capitale, Sar-misagethuza, l'Ulpia Trajana des Romains, alaissé des ruines imposantes, facilement recon-naissables dans les montagnes du côté de Hateg,A GrAdi§te, fait partie évidemment de l'heritagele plus ancien et le plus authentique de la nationroumaine actuelle. Cette presence des Agathyrsescivilises, exploitant les mines d'or de cette pro-vince, puis l'établissement de l'Etat dace, quidoit figurer parmi les fondations les plus im-portantes des barbares, ayant des relations con-tinuelles avec le monde romain et lui emprun-tant avec intelligence, nous dirions meme avecpassion, les elements nécessaires pour formerune nouvelle civilisation mixte, sont, a vrai dire,les premiers titres de possession que peuventpresenter les Roumains d'aujourd'hui en ce quiconcerne la Transylvanie et les provinces voisines.

L'oeuvre accomplie par les Romains, qui onttransmis A ceux qui portent encore aujourd'huileur nom et parlent une langue dérivée, danstout ce qu'elle a de plus essentiel, du latin,serait un second titre de possession en faveurdes héritiers de leur nom et de leur langue.

Personne ne pretend aujourd'hui, parmi lesgens senses, mettle parmi ceux auxquels lesconnaissances d'ethnographie et d'histoire nesont pas tres familieres, que le peuple roumain,tel qu'il se présente actuellement, est le conti

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nuateur sans aucun melange, sans aucune tare,pourrions-nous dire, des Romains dans le senspurement latin de ce terme. On eat arrive apouvoir fixer que le premier élément romain quia pénétré dans la Dacie, dont la Transylvanie&sit le centre, la citadelle dorninante, ont étéles paysans italiens contraints a abandonner lapéninsule a cause du surplus de population etdu travail accompli exclusivement par les escla-yes, ainsi que par suite de l'extension du regimedes villas de luxe et de l'approvisionnement del'Italie par les denrées venues de provinces voi-sines. Etant plus nombreux que les Illyriens etles Thraces voisins, ayant les rnêmes occupationsque ces habitants plus anciens de la péninsuledes Balcans, ils arriverent a les dénationaliserpar un proces de transformation ethnique dontles sources contemporaines, consacrées a latransmission des évenements politiques, ne pou-vaient et ne devaient pas parler. Ces élémentsthraco-illyriens romanisis s'étendant de soi-même,sans aucun concours et sans aucune incitationde la part des officiels, sur la rive gauche duDanube, l'Empire ne fit que suivre cette expan-sion, accomplie par des Italiens de race pure.Lorsque, apres plusieurs guerres contre les Da-ces, dont les dernieres furent portées par Trajan,devenu a la fin de ses efforts militaires maitrede la Dacie entiere, une colonisation officielle

f ut entreprise, surtout pour fonder ces villes

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indispensables a une oeuvre de civilisation ro-maine, les nouveaux venus, appelés par l'Empireet protégés par ses armes, organises d'apres seslois et vivant sur ce nouveau territoire pourservir des raisons d'Etat, appartenaient, ainsi quele montrent les inscriptions aussi bien que lesquelques lignes consacrées a cette oeuvre parles historiens, aux differentes races qui, a titred'égalité politique, vivaient dans l'orbis romanus".Ils fraternisaient seulement par la langue et parles intérets, par le regime politique auquel ilsservaient, par leur activité entiere. On peut sedemander cependant quelle fut la part de cestard-venus dans la formation du peuple roumaindont la premiere base est représentée par lesThraco-Illyriens et la seconde par l'immigrationitalique paysanne, capable seule d'amener ladenationalisation de cette grande masse de bar-bares qui aurait bien résisté a l'influence deschercheurs d'or et des aventuriers, des fonction-naires et des soldats établis dans la provinceque Ia Rome impériale avait établie sur les bordsdu Danube et dans les Carpathes.

Mais, en tous cas, ces colons, intelligentset actifs, faisant partie d'une civilisation sup&rieure, qui représentait la plus grande forcepolitique organisée du monde antique, sont lesprécurseurs des Roumains actuels, auxquels ilssont lies, non seulement sous le rapport de leurrace, bien mélangée du reste, mais surtout

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par une transmission non interrompue de civi-lisation populaire et par un incontestable heri-tage de droits. Chaque oeuvre accomplie poursoumettre la nature aux besoins de l'humanitécrée un titre a celui qui est arrive a l'accompliret a tout organisme national qui, sous n'importequel rapport, en derive et qui peut donc tou-jours, au moment ou il se sent en etat de trans-former ses prétentions en des faits, réclamer cetheritage et légitimer ainsi son action.

On a voulu nier ces droits en prétendant quela population romaine établie par la conquete deTrajan et on ne pensait pas aux ancetres thraces,ni a cet autre element romain dont nous avonsOche de prouver l'existence, a rift quitter, al'epoque d'Aurelien, vers l'an 270 de l'ere chre-tienne, cette province envahie par les Goths etperdue d'une maniere irremediable pour l'Empire.Cette théorie, nominee habituellernent d'apresle savant autrichien Robert Roesler, qui l'a sou-tenue avec un certain talent de polémiste, maisavec une preparation historique insuffisante etsans aucune objectivité scientifique, dans sesRumänische Studien" (1871), rnais qui a étenonc6e avant lui par d'autres érudits et quit

enfin, a trouve des délenseurs acharnés dans lemonde scientifique hongrois, intCressé A établirdéfinitivement cette vérité historique" favorableaux intérets du magyarisme a outrance, admetque les regions des Carpathes ont été un ter

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ritoire vide d'habitants, completement isolé dansle grand mouvement des peuples qui eut lieu Ala fin de l'époque antique et que, par consequent,les premiers barbares qui s'y établirent ne por-terent atteinte a aucun droit antérieur, gullsfurent en effet les fondateurs d'un nouvel ordrede choses, ne devant rien A des prédécesseursgulls n'auraient presque pas trouvés. Les Rou-mains seraient venus bien tard, au XIII-e ou auXIV-e siecle, en bandes d'immigrants, de patres-chassés par les troubles des Balcans, et ils au-raient été acceptés, bien qu'indésirables" auplus haut degré, par la nouvelle population hon-groise et saxonne établie en Transylvanie et dans-les regions voisines, grace aux héritiers de Saint.Etienne, premier roi apostolique de la Hongrie.Des hordes pareilles A celles des Bohémiens, un.peu pourléchées cependant de christianisme-oriental, rebelles A toute civilisation et incapables-de l'emprunter A leurs cohabitants, tels seraientles ancêtres des 4.000.000 de Roumains quivivent en Hongrie. N'ayant aucun passé, dansle sens historique du mot, ils n'auraient droit A.aucun avenir.

II y a trente ans que M. A. D. Xenopol, pro-fesseur A l'Université de Jassy, a répondu, dans.un ouvrage consacré A ce probleme d'histoire,la téorie de Roesler" (1885). II a mentionne-entre autres la conservation, impossible autre-Jnent que par le maintien de la meme population

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travers les ages, des noms antiques des prin-cipales rivieres telles qu'elles sont denommiespar Hérodote (Pruth, Séreth, Olt, Mur4, etc.). Lecritique roumain n'a pas oublié le nom des mon-lagnes et, s'il ne pouvait citer aussi un grandtimbre de localites correspondant aux villes del'epoque de Trajan et de ses successeurs, c'estque le regime urbain avait completement cessedans ces regions éloignées de Byzance et desintérets economiques qu'il créait et gull a fallureprendre, dans des formes rurales, A une époqueplus récente, une oeuvre de colonisation abou-tissant a l'établissement des villes. Ces arguments-dnt été souvent discutés sans pouvoir convaincreles philologues, employant leurs methodes spe---dales pour arriver a des conclusions qu'ils opposent résolument a celles des historiens, ettrautant moins les défenseurs d'une these pollrtique qui s'efforce de se cacher sous le vetementde l'argumentation scientifique.

Nous croyons pouvoir multiplier les arguments.et ajouter a ceux qui sont déja bien connus un-certain nombre d'arguments nouveaux qui nesont pas susceptibles d'etre refutes par des arguties-de polémique ou par des faits appartenant audomaine de la philologie.

II est certain que jamais une population indi-gene ou ayant des racines dans le passé le plus.eloigné d'un territoire et, plus que cela, unepopulalion composée d'agriculteurs et de pâtres,..

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-en seconde ligne, ne s'est décidée facilement Aune emigration. On se rappelle ce qui s'est passeen Sicile il y a quelques années, apres les trem-blements de terre, aux consequences terribles,qui n'ont fait cependant partir personne ; on serappelle Naples, vivant depuis des siecles, avecious les villages environnants, sous la perpétuellemenace du Vésuve. L'etre humain est essentiel-lement conservatif dans ses masses et, pourgull se decide a quitter un territoire, cédant ades raisons politiques comme celui de l'abandonde la Dacie par les legions et les fonctionnairesd'Aurelien, il faut qu'il jouisse d'une vie écono-mique tres avancée, demandant pour garantieune defense pléniere et sOre.

Celui qui est habitué A etre protege par une puis-sante armee, par une flotte invincible, par unediplomatie supérieurement outillée, renoncera évi-demment, au moment oh il sera dépouille deces conditions nécessaires a son existence, auterritoire plutot que de renoncer a sa manierede vivre. La Bretagne a aussi ete abandonnéepar le monde officiel romain, les Qaules ne conser-verent au sixieme siecle, en fait de dominationromaine, que le petit territoire de Syagrius,mais personne n'a osé prétendre que la popu-lation elle-méme ait suivi ses chefs en retraiteet les troupes de l'Empire quittant la province.En ce qui concerne la Dacie, elle a eté toujours.un territoire de frontiere, une marche, un bou-

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levard de l'Empire ; elle était habitude aux combatsavec les barbares voisins; une grande partie desDaces vivaient dans les montagnes, pres desfrontieres, et risquaient souvent des incursionssur le territoire qui avait appartenu A leurs ancetres.II y avait sans doute une grande difference entreles habitants des cites de l'intérieur, sises presdes grandes routes et defendues par des stationsrapprochees de legionnaires, et entre les terri-toires plus dloignes qui, bien que défendus pardes fortifications, des fosses dont on retrouveles traces jusque bien loin dans les valldes desClrpathes, étaient continuellement en contactavec ce monde de rudes soldats, qui etait tropbien connu, par des relations journalieres, pourpouvoir constituer un objet d'effroi assez terriblepour provoquer toute une emigration.

A cede des villes il y avait la campagne, oh_l'ancien regime des daves" daces subsistait, abri-tant del paysans de race mdlangde, dans les-quels vivait l'ancien esprit, opiniAtrement local,des Daces.

Avaient-ils des intérets tellement puissants pourles determiner a abandonner une terre transmisede generation en generation aux représentantsplus ou moins purs de la meme race ? Si lapopulation de Johannesburg et de Pretoria, deBloemfontain, tous ces chevaliers de l'aventuredans le domaine du gain, seraient contraints departir par une catastrophe politique, est-ce que

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les Boers, fermiers de siecle en siecle dans lescampagnes du Transvaal et de l'Orange, est-ceque les indigenes soumis ,dep.uis longtempsleur influence émigreraient pour suivre ces ex-ploiteurs de leur travail et ces détenteurs tempo;raires d'une partie de leur, territoire ? L'Empireaurait-il somme ses audens sujets, leurimpose de se chercher de nouvelles habitations-sur la rive droite du- Danube ? Cette Moesie-etait tres bien peuplée, elle avait des villes nom-breuses : quel pouvait etre le profit, pour laprovince ou pour l'Empire, de la presence decette grande masse de population rurale, d'originedemi-barbare, qu'il aurait fallu forcer A abandonnerses villages pour troubler, de l'autre Ole dufleuve, dans leur possession des habitants plusanciens et ayant au moins les mêmes droits A.la protection de l'Empire romain?

On pourrait objecter que la disparition complete-des villes dans ces regions de la Dade n'estexplicable que par la disparition totale de lapopulation urbaine, qui, n'ayant pas été detruite-par les barbares, a dn quitter l'enceinte de sesmurs. S'il est vrai que la Bretagne, l'Afrique,l'Iberie, certains territoires de la Germanie ontconserve, meme apres le depart du monde officielleurs anciens centres urbains, dont le nom seconserve jusqu'aujourd'hui dans une forme cor-respondante aux langues nouvelles, s'il est vraique la Provence a retenu jusqu'A ce moment

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Fig. i. Vieux prêtre roumain (Transylvanie)

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ses bases romaines en ce qui concerne le grail-pement de la population et, avec les mines.rornaines, la nomenclature ancienne, en echangel'Occident de la Péninsule Balcanique, sauflittoral de l'Adriatique, qui se présente dans desconditions spéciales, n'a rien garde d'une vieurbaine, bien qu'il ait pu presenter A l'époqueimperiale des centres de l'importance de Lederata,.Ratiaria, Bononia, etc. La partie orientale de lapéninsule a bien conserve jusqu'aujourd'hui sesvilles: Nicopolis, Andrinople, Philippopolis,lymbrie, Démotica, etc., mais dans cette regionii ne s'agit pas seulement de la tradition romaine,.mais bien d'une oeuvre de civilisation beaucoup .plus ancienne, d'une couche plus profonde decivilisation grecque, plongeant dans l'epoque la,plus lointaine de l'antiquité. On peut objecteraussi que, si les noms classiques ne se sontpas conserves dans la Dobrogea, ce districtcompris entre les bouches du Danube et lelittoral de la Mer Noire a maintenu sous dill&rents regimes politiques la vie urbaine, malgrétoutes les invasions et les devastations bien réellesdes barbares, A cause de l'existence de cettememe couche grecque, seule capable de fairedurer des villes qui avaient, outre leur valeurpolitique pour l'Empire romain, un caractered'importance économique et, nous dirions meme,de fatalité géographique, destine a les rendreimmortelles.

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Non seulement les pâtres, les agriculteurs n'ont-pas quitte la Dacie, parce qu'ils n'avaient aucuneraison de s'y decider et que l'Empire ne les-contraignait pas a cet acte d'expatriation, alorsflue les barbares étaient bien contents d'avoirsous leur main des provinciaux capables de lesnourrir et de les enrichir, mais il faut admettre-certainement qu'une partie mettle de la classesuperieure resta. Ces lonctionnaires n'apparte-naient pas a une hierarchie pareille a celle queNapoleon ler. imposa a l'Europe; ils ne dépen-daient pas nécessairement des ordres venus deRome; une grande partie parmi eux avait un-caractere local, nous dirions: communal oudistrictuel ; ils étaient mêlés a cette populationde propriétaires médiocres dont on trouve les-traces dans la Dobrogea, mieux connue par desinscriptions plus nombreuses ; comme l'oeuvrede la propagande chretierine avait depuis long-

-temps commence, des l'époque de Trajan , ilfaut admettre que les chefs religieux étaient enetat, comme on le voit dans le Noricum parla Vie de Saint Sevérin", de remplacer l'Etat14 oit il faisait défaut. Chefs politiques et mi-litaires, ces eveques, ces pretres chrétiens étaienten état de donner a cette population appui etdefense.

En ce qui concerne la vie économique, les-villes qui se conservaient sur la rive droite duDanube et qui subsisterent sans interruption a

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travers les siecles qui torment le moyen-Agesuffisaient, par leurs foires et par les voyagesperiodiques de leurs marchands, qui ont laisséleurs traces dans les monnaies que l'on decou-vre dans toute l'étendue du pays au Nord dufleuve, pour entretenir les besoins d'une civili-sation qui n'etait pas partout absolument déchue.Ces villes, ayant aussi une influence religieusesous le rapport hierarchique, maintenaient souscette forme un regime romain dans ce domainequi &sit moins sujet que les autres aux vicissi-tudes de la fol tune.

Rien ne manquait donc, au moment oil lesSlaves apparaissent, pour que ces regions dontles historiens ne parlent pas, parce qu'aucunevenement politique intéressant ne s'est passésur leur territoire, eussent une vie participantsous presque tous les rapports a celle des re-gions oii l'Empire s'était maintenu dans touteson organisation militaire. Du reste, comme onle sait bien, cet Empire ne considerait la pre-sence des barbares sur la rive gauche que commeun accident temporaire; Constantin-le-Grand etJustinien passerent le fleuve pour rétablir les .

anciennes frontieres, ils exercerent une influenceprofonde et durable sur la rive gauche du fleuve,et plus tard des empereurs byzantins du VII-esiecle, comme Maurice, s'efforcerent de la rétablir. Auraient-ils entrepris leurs expeditions coil-tenses et souvent accompagnees de dangers.

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seels s'il ne s serait agi que d'une oeuvredefensive, et non d'un contact renouvele avec-des elements appartenant sous le rapport duAroit et aussi sous celui des relations journalieres

l'existence de l'Empire? On peut dire que ja-mais les relations entre les deux rives du Danube,rtellement naturelles que ces rives ont eu sou-vent la meme population, les memes interêts,Ies memes formes religieuses, culturelles et po-litiques, ne cesserent A une dpoque qui, pourttre obscure, ne signifie nullement le complet.abandon, le desert, le néant.

Loin de disparaitre sur la rive gauche duDanube, la population d'origine romaine fut sanscesse accrue par les nombreux captifs que lesbarbares qui dominaient dans ces regions trans-portaient sur leur territoire, et il faut se rap-peler ce qui fut accompli sous ce rapport parles Huns d'Attila, ainsi que par le nombre tiesimportant de citoyens roinains soumis aux in-.cursions periodiques de ces barbares et qui, sevoyant abandonnés par l'Empire, incapable declefendre ses sujets, cherchaient un abri assure-et des conditions de vie beaucoup plus com-modes dans les pays m8mes soumis A la domi-nation des envahisseurs.

Its restaient romains, Romani, dans ces nou-velles habitations, oil ils rencontraient un sigrand nombre de congéntres que leurs domi-inateurs n'avaient cure de denationaliser, con-

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ception tout-a-fait moderne, qui ne pouvait pasentrer dans le cercle restreint d'idées des Tou-raniens ou des Goths des derniers siecles derantiquite. Les uns et les autres, se fondant dansune meme masse, parlant la merne langue, con-servant les memes traditions, entr'autres celled'un ordo romanus" nécessaire sous un empe-reur qui existait quelque part et qui devait ti-cessairement venir a son heure, restent desRomani", malgre leur soumission temporaire aun roi ou a un khagan étranger a leur race.Car, si la population d'origine romaine a perdu,en Occident, apres quelque temps, ce nom rap-pelant leur sujetion A l'Empire et leur origineethnique, c'est que, dans les regions ayant ap-partenu a l'ancienne Rome, des Etats germani-ques furent etablis, qui, ayant un caractere du-rable et adoptant la religion chrétienne dans saforme catholique qui était aussi celle des sujetsont dté en état de produire, dans un siecle oudeux, un amalgame des conquérants et des con-quis qui fit de ces derniers des membres de lanation nouvelle, sous un nom emprunté au do-minateur étranger. On avait été Romain" dansles Gaules ; on resta Romain" jusqu'a ce quele Franc devint un fils fidele de ITglise catho-lique et apprit l'usage de la langue latine tellequ'elle était parlée par le peuple. Des ce mo-ment, comme l'Etat restait, comme il ne pou-vait plus etre remplace par l'Empire, definitive

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ment disparu, comme la difference religieuse,qui itait le fait principal de separation, n'exis-tait plus, l'ancien Romain trouvait meme un a-vantage a etre aussi bien Franc que les autresfrancs plus tard Français , abandonnant ainsiune infériorite politique et légale gull n'avaitaucun motif de goater d'une facon particuliere.Au contraire, en Orient, outre la presence de laRome Nouvelle, de Constantinople, de ses droits, deses preentions, souvent manifestées par des actionsmilitaires ou des actes politiques, si ceux desanciens citoyens romains qui avaient eté rejetéspar l'invasion du COté du Sud furent appelésdans la nouvelle langue de Mat, le grec, desRhoinées (Pcilicaoc), les autres, sépares des sujetspermanents de l'Empire par la couche d'invasiondes Slaves, continuerent a porter, pour eux-memes,ainsi que pour les &rangers, le nom de Ro-mani, les Rol/Atli" de\ la langue roumaine,parce qu'ils n'etaient pas salmis a un Etat barbareou bien parce que leur sujetion a des dominateurstouraniens n'était que passagere. Les Huns, lesAvars et leurs successeurs a travers le moyen-Age n'adopterent jamais le christianisme (saufles Hongrois, venus trop tard en contact avecle centre d'habitation de Romains), et par con-.sequent il n'y avait ni permanence des Etatsbarbares, ni possibilite d'un melange sous labénédiction de la meme foi.

Les Slaves ont t ohabité en Transylvanie, aussi

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bien que sur le versant danubien des Car-pathes, avec cette population romane. Si on trouveleurs rois", de simples chefs d'imigration,sur les bords des rivieres valaques dans les raresmentions des chroniques byzantines du VII-esiecle, il ne faut pas en conclure qu'une popu-lation slave manquait dans la region septentrionalede la Transylvanie et dans les districts voisins.II y avait des Slaves dans la Pannonie entiereet dans toutes les regions qui s'etendaient Al'Est de cette plaine. Nous admettrions memevolontiers que les Sarmates, dont il est questiondans les pages des historiens romains du IV-esiecle et qui habitaient dans les vallées transyl-vaines, avaient du sang slave. On s'expliqueraitainsi la predominance des noms slaves caracte-ristiques, d'un tres ancien cachet, dans la no-menclature geographique de la Transylvanie. Eton aurait de la sorte une couche slave primitive,datant des temps les plus anciens et mélangéeA la couche thrace dans ces regions monta-gneuses. L'element slave est connu au peupleroumain sous un triple caractere, ainsi que leprouve sa langue. Il y a d'abord des $chei(Selma), dont le nom, la derivation. latine purele prouve , est tres ancien; puis des Serbes(Sarbt), nom sous lequel sont compris aussi lesBulgares, et enfin des Russes (Rigi, Rusciort),dont le nom se rencontre dans certaines localitésde la Valachie aussi bien que dans la Transyl-

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vanie elle-meme. Nous croirions volontiers queles chei" représentent l'élément le plus ancien,que les Serbes" sont ceux qui se sent ajoutesaux restes de ces elements presque complete-ment assimiles au moment de la grande migra-tion slave vers le Sud; quant aux Russes", ilsappartiennent, évidemment, A une époque beau-coup plus récente, mais, en tous cas, pas mo-derne.

La langue des Roumains a recu des termesnombreux, sinon des sons, de la part de cesSlaves, qui ont 6te, non seulement des voisins,mais aussi des camarades, en ce. qui concernele labeur des champs et les combats. Des ecri-vains ayant des vues qui n'ont rien de communavec la science, ont meme exagere l'importancedes nombreux mots slaves qui se trouvent enroumain et qui appartiennent pour la plupartaux notions non-essentielles de cette langue, carelle conserve pour tout ce qui a trait aux di--ments memes d'une vie populaire civilisee lesanciens mots latins. On a voulu meme que lesRoumains eussent emprunté les notions de cettecivilisation populaire aux Slaves sans se deman-der quelle serait la source oil les Slaves eux-mêmes, venus du Nord, auraient pris ces elementspour les transmettre A une population qui, bienque négligée par l'Empire et barbarisée par lescirconstances, était tout de meme en relationscontinuelles avec cette rive droite du Danube

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qui appartenait a Byzance et qui etait havers&par des routes, jamais oublides, qui menaientvers le grand centre de la civilisation de l'Orient.On se demande s'il est possible que des foyersde civilisation apparaissent spontanément au mi-lieu des tentes d'un peuple en etat de migrationet s'il n'est pas beaucoup plus plausible d'ad-rnetfre que tout ce que ces barbares présentent,dans leur vocabulaire ou autrement, en fait decivilisation n'est qu'un relict du foyer permanentde civilisation que fut la Rome d'Orient et queses rayons (leaches devaient necessairementéclairer d'abord les populations se trouvant sursa route avant d'atteindre leur but au milieu desbarbares. On se rendra compte, dans un avenirplus on moins eloigné, que, si la philologie offredes informations supplémentaires, essentiellementimprecises, a l'histoire, elle ne peut presquejamais servir a elle seule pour fixer des faitshistoriques et des courants de civilisation. Le motne signifie pas la chose elle-même, car les motspeuvent se remplacer les uns les autres au cou-rant de la mode et selon le hasard des domi-nations successives. Fautl admettre que lesmots anglais qui ont envahi, tout dernierement,le vocabulaire français représentent en memetemps tine couche de civilisation nouvelle, dontl'étendue équivaudrait a celle de l'emploi de cestermes au XIX-e et au ..XX-e siecle?

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Slaves et Roumains ont eu dans les temps lesplus anciens une meme organisation. Les Rou-mains ont emprunté aux Slaves la notion poli-tique des chefs militaires appelés voevodes etmeme un tertne nouveau pour leurs anciensjuges" (judices), celui de knezes. Mais il s'agitd'institutions que les Slaves eux-memes avaientempruntées a d'autres : on admet que kneze"équivaut a l'ancien mot germain Konung, et,quant aux voévodes, ils ne paraissent pas de-river des Herzäge" des Germains, mais biendes duces de l'Empire carolingien, établis dansla Pannonie et sur le Danube moyen, de memeque les Slaves moraves, croates et serbes em-prunterent au ,Carolus" la notion de leur oat,roi. 11 ne faut pas oublier aussi que, a côté deces notions d'emprunt, les Roumains conserve-rent avec piété la notion politique ancienne duDomn (dominus) et d'un lmpdrat (imperator).Du reste, les Hongrois eux-memes prirent a lameme source leur Ban (slave: pan, passé peut-etre par la filiere avare), leurs voevodes, le titreest porte par les prédecesseurs des rois magyars;ainsi qu'on le voit par des sources byzantines,et leur kirdly lui-meme, qui est: Carolus, enpassant par la forme slave de : kral.

De meme que les Slaves, les Roumains é-talent distribués par vallées, chaque van& for-mant une unite politique. Cette unite politiques'appelle chez les Slaves joupa, le chef de la

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joupa, &ant le joupan. II parait que jamais chezles Roumains ce norn n'a été employe. Le chefde la van& était le voevode, le kneze ou juge,ayant sous ses ordres, avec ou sans l'autoritemilitaire, un groupe de villages.

Ces formes politiques tres anciennes ont existeaussi en Transylvanie: la preuve en est quedans le langage populaire on distingue les Rou-mains selon les rivieres aupres desquelles Bshabitent. On dit par exemple : Oltean, Murfisean,Jiian, Somesean, Bistritean, d'apres les rivierescorrespondantes : Olt, Mut*, Jiiu, Somes, Bis-trita. C'est un phenomene tout-A-fait particulier aces regions de cohabitation roumano-slave. Onne rencontre jamais en Occident quelque chosequi leur corresponde, le territojre ayant un nomqui derive de la tradition historique, et non duseul element géographique de la riviere. Unautre caractere commun est celui d'une plusgrande extension de la notion de famine. gllene va pas si loin que la zadrouga des Slavesméridionaux, famille nombreuse, habitant sur lememe territoire, ayant, pour ainsi dire, pourplusieurs maisons le meme foyer de traditions etde droit ; mais les villages roumains sont pourl'époque ancienne de grandes families formiesautour de l'habitation de l'ancetre, défricheur dudesert, et rappelant toujour le nom de ce mq,de ce fondateur du meme sang, en meme tempscréateur de la notion geographique et souche de

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la race. Ainsi le village de Negreqti" signifieaussi les descendants de Negrea, fondateur etancêtre, Albe§ti ceux d'un Albu, et ainsi de suite..Les étrangers ne peuvent entrer dans le villagequ'en qualite d'adoptés par un mariage ; ilsperdent leurs ancien nom de derivation genea-logique et reçoivent celui auquel ils ont droitpar leur femme. -C'est pourquoi le beau-pere estUn pere" : tata socru, la belle-mere une mere" :-mama soacra, le beau-frere un frere" tratecumnat

Les chroniques byzantines mentionnent le nomdes Roumains, qui sont pour ces Grecs des.BAcixoc, des Valaques ou Vlaques, le normdonne par les Allemands et les Slaves a toutepopulation romaipe, en Orient, aussi bien queen Occident, celui de Velche ou de Valaque,ainsi qu'on le sait bien, a la fin du X-e siecleseulement; mais on trouve dans des documents-dalmatins 'des Roumains dont les noms portentradicle final caractéristique, Dracul, Negul, desle IX-e siecle, sans parler des noms geographi-ques nouveaux appartenant a une langue ro-mane qui n'est pas le latin medieval de la côtedalmatine, mais bien l'origine même du roumainactuel, dans des écrits appartenant a l'époque deJustinien Valaques des Byzantinssont des kervanadchis", des conducteurs decaravanes, qui sont nommés en grec des hoditai",ce qu'on avait traduit précédemment par bri-

lui-merne.Les

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Fig. 2. Jeunes filles roumaines de Transylvanie

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gandsTM, vagabonds", routiers". Mais on peutse demander si, a une époque oii la popula-tion romane, évidemment beaucoup moins nom-breuse, des Balcans, car on le voit bien par lenombre actuel de cette population, qui n'a ce-pendant ete décimée par aucune catastrophespeciale a la nation , apparait dans les sourceset joue un role historique qui s'accrolt pendantles siecles suivants, soutenant des Empires bul-gares, des royautés serbes, des conquetes by-zantines, l'autre population roumaine, de beau-coup plus importante, qui se trouvait sur la rivegauche, ne devait pas avoir des commencementsd'organisation politique, que seul le manque decontact avec la civilisation byzantine nous ern-peche de connaltre. Ces knezes, ces voevodesont dil jouer sans doute un role qui ne serajamais ilucide en consultant des pages écrites,mais qui a dti exist& pour qu'on constate plustard, des le XI-e et le XII-e siecle, la situationqui sera analysee dans ces pages pour l'élémentroumain sur la rive gauche du Danube et dansles vallées de la Transylvanie.

Mais on objecte que les documents hongroisse taisent en ce qui concerne cette population.II faut remarquer d'abord .que nous n'avons enfait de documents hongrois que ce qui a étésauve lors de la terrible devastation accornpliepar les Tatars au milieu du XIII-e siecle. En tout,on a pour la Transylvanie, pendant bien deux

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siecles, quelques dizaines de documents conservesau hasard, grace a des circonstances particulieres:nous n'avons pas mettle entre nos mains lesdiplômes de colonisation des Saxons, datant duXII-e et du XIII-e siecle, et cependant ces po-pulations colonisées, jouissant de privileges spé-ciaux, ont da employer tous les efforts possiblespour conserver cette preuve essentielle de leursdroits.

Deuxiemement: les bandes hongroises qui ontenvahi la Pannonie a la fin du IX-e siecle nereprésentaient guere une civilisation demandantdes actes écrits pour sa vie historique ; la pin-part des notions culturelles dans le magyar sontempruntées aux Slaves. Un savant francais, M.Sayous, en a fait le calcul, qui est tout-a-fhitconcluant; le vocabulaire finno-ougre des bar-bares était extremement simple. II a fallu l'assi-milation des Slaves, une Mfluence germaniqueprolongée, introduisant des elements appartenanta la civilisation romaine, et enlin l'adoption parle Saint Siege et les efforts tenaces de l'gglisecatholique pour élever cette nation, pareille auxHuns et aux Avares, a un niveau correspondanta celui des barbares déja affinés par la civili-sation de l'Occident. Il n'y eut meme pas, jus-qu'apres l'an 1000, un Etat hongrois, mais bien,de meme que pour les Bulgares de la PéninsuleBalcanique et pour tous les Touraniens de lasteppe, un ring, un camp, au-dela duquel s'eten.

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dait la zone pacifique du tribut et la zone trou-blée du pillage periodique. Le roi 8tienne lui-meme ne porte qu'une seule fois le nom de ,rexHungariae", ce qui suppose un territoire politiquebien Mini, et meme cette fois il ne s'agit qued'un document de donation accorde a des nonnesorthodoxes fixées dans ce pays, et ce documenta été redige d'abord en grec ; pour le reste, ceroi Etienne, destine A devenir un saint de l'Eglisecatholique, un saint politique de cette Eglise,apres avoir été d'abord le dux, le voevode Vaik,dont le nom correspond au nom slave de Voico,au nom roumain de Voicu, s'intitule rex Hun-garorum", done le roi national, et non territorial,d'une bande, et non d'une nation (comparezThéodoric, roi d'Italie, avec Odoacre, roi de sessoldats établis en Italie, mais n'ayant aucun lienpermanent avec cette terre).

Partout, les Hongroisi. plus nombreux que. lesBulgares, puisqu'ils ont conserve leur idiome enPenrichissant de termes empruntes a la popula-tion conquise, ont rencontré cette populationslave et roumaine. Les documents ne peuvent lecacher : il s'agit de villages hongrois, ahungarici",a ceté d'autres villages slaves, slavki". II estquestion aussi de Croates, de Russes". Un,grand nombre d'anciens noms de localités sontconserves dans une forme plus ou moins recon-naissable ; quant a ceux qui appartiennent auxHongrois eux-memes, ils ressemblent absolumentaux noms qui furent donnés par les pâtres va-

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laques nomades des Ba leans ou par les Tatars Arest de migration aux endroits oit s'arretaientde preference leurs troupeaux et leurs !nudespillardes.

D'ailleurs, l'etablissement des Hongrois auraitéte impossible comme formation politique per-manente sans la presence de ces elements ante-rieurs qui furent pour la Pannonie les Slaveseux-mêmes, pour la Transylvanie et toutes lesregions s'étendant A l'Est de la Tisa des Rou-mains, comme héritiers des Slaves, dont ils onttransmis aux Hongrois, l'ayant conservée pourleur propre usage, l'ancienne nomenclature geo-graphique, plus ou moins scythe, en ce quicancerne certaines de ses origines. On sait bienquelles étaient les occupations primordiales dela race hongroise, peuple finno-ougre : ils senourrissaient du produit de leur chasse, de laOche et du butin gagné contre l'ennemi. Celane suffisait pas sans doute pour avoif une civili-sation politique, qui est impossible. Cette civilisa-tion il a fallu l'emprunter, et les anciennes racesitaient IA pour la fournir.

Il faut ajouter aussi d'autres remarques essen-tielles pofir bien comprendre cette situation pre-sentee d'une maniere si peu correspondante A lalogique par la passion nationale et par les in-térêts passagers du moment. On demande, ainsiqu'on l'a vu, aux Roumains de prouver leuranciennete par des documents, alors qu'ils n'ont

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pas eu eux-mêmes un Etat, de sorte qu'il leurfaut chercher ces preuves dans les actes de leursconquérants. Nous répondrons en rappelant qu'icette époque la nation n'était guere l'essentiel:l'essentiel était l'état social, l'occupation ou lareligion ; ce qui intéressait c'était si l'individudont il est question dans les actes de donationest un chretien on un paTen, et surtout s'il estun Are, un agriculteur, un artisan, un guerrier,un homme libre ou un serf. La langue importaittres peu, toutes les langues parldes étant en-globees dans le meme discre'dit, comme languesdu vulgaire, le latin &ant seul la langue quel'on doit parler, si les moyens de culture lepermettent. Le service social qu'on pouvait ren-dre a son maitre et protecteur, a son roi, &ailce qui devait etre consigné nécessairement dansle document, car on ne faisait guere de l'histoire,ni de la polémique nationale dans des actesrares et cotiteux, qu'on rédigeait avec une cer-taine difficulté et qu'il fallait circonscrire dansles formes- les plus breves d'une diplomatiedebutante.

Si les Hongrois avaient domind des le com-mencement les regions oil, a present, la popu-lation dominante, parfois la population exclusiveest celle des Roumains, il aurait bien fallu queles noms de localités de ces pays, nous en;tendons ceux donnés par les Hongrois a cotede ceux qui ont &é conserves par les Roumains

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correspondent parfaitement aux noms que lesHongrois ont donne A d'autres localités similairesdans d'autres provinces de leur domination. Ehbien, on constate le contraire: la Transylvanie etles regions voisines ont une nomenclature tout-A-fait particuliere, inexplicable sans la presencenon discontinuée du meme peuple, qui n'est pasle peuple magyar, et cette nomenclature corres-pond parfaitement A celle qu'on rencontre dansles provinces restées libres A l'égard des Hon-grois, la Valachie et la Moldavie. On trouve desnoms identiques: il y a un Ia§i dans le districttransylvain de Ffigara, de meme que Ia0 (Jassy),capitate de la Moldavie, et un autre village deIa0 dans les regions de l'Arge§, en Valachie ;Galati n'est pas seulement le nom du grand portdanubien de la Moldavie, mais aussi celui deplusieurs villages en Transylvanie, et A savoird'un bout A l'autree des environs de Bistritajusqu'a l'Olt, en face de FAgAra§. Le nom deSlatina,-donné aux salines, nom d'origine slave,se rencontre aussi d'un bout du territoire rou-main A l'autre. Et, en outre, les noms de villagesen relation avec les descendances familiales dufondateur.ancetre forment un caractere communpour les établissements rournains, du côte- de laTransylvanie, aussi bien que sur l'autre versantdes Carpathes.

Du reste, il ne faut qu'une recherche plusattentive dans les documents, dans ces brefs

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.documents sporadiques échappés a une devas-tation complete, pour retrouver des traces del'élément roumain A une époque tres ancienne.Fejér a publié dans son Codex Diplomaticus"(vol. I, pp. 428 439) un document de donationde la part du roi Geyza pour les Bénédictinsde Gran, auxquels il accorde des possessionssur la Theiss, dans le territoire ethnique roumain.On y rencontre des villages de pêcheurs (villepescatorum), dont les noms se terminent en tb",en roumain thu". Ils pouvaient bien etre desMagyars, en tenant compte de leurs occupations,mais il faut se rappeler aussi que sur les terresclonnées A l'Eglise, en Hongrie et ailleurs, oncommencait par coloniser des populations des-tinées A procurer un revenu supérieur aux moi-nes. Il ne s'agit donc pas des habitants qu'onavait trouvés, mais bien de ceux qui avaient ététransport& dans un certain but. A cOté de cespêcheurs on trouve des udvornici, dont le nomslave (qui veut dire: portier), représentant unecertaine catégorie inférieure des officiates, a éteemprunté sans doute aux Slaves (de dvor-porte),mais cela ne signifie nullement que l'emprunta été direct. Et il y a aussi sur ce vaste domainedes porchers et d'autres serfs (quindecim domusservorum cum terra sua, que magna est), donc{les serfs ayant cependant leur terre, qui estetendue". Est-ce que cela ne signifie pas lesanciens habitants, qui seuls pouvaient etre cid--

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chus en ce qui concerne leur situation socialemais qui gardaient néanmoins leurs propriétes,si étendues?

En ce qui concerne meme la nomenclature,.et non la qualite des habitants, on se heurte &tine piscina que vocatur Rotunda". Le nom estlatin, évideminent, mais il est aussi roumain(rotund), et il faut observer que dans cet acte,,que nous analysons plus longuement pour faireresortir ce qu'une analyse plus attentive peutxecueillir dans ce domaine, jamais la traductionlatine n'est donnée a la place du terme originalmagyar, et une seule fois a côté de ce terme :Aranyos, Aureus. 11 y avait meme, dans cesparages, une ancienne cite de Cerigrad", cequi signifie ,Tschernigrad", la Cite Noire (cLMaurocastron a la bouche du Dniester), par op-position a la Cite Blanche", Belgrad, Balgradpour les Roumains, Fehervar pour les Hongrois,a l'entree de la Transylvanie, sur la riviere duMufiq. Y avait-,i1 des Slaves de ce cOte ? Maisils etaient partis depuis longtemps pour peuplerla Peninsule Balcanique et y submerger l'élémentoriginaire roman ! Ceux qui vivaient a Cer-nigrad" avaient le meme caractere cue ceux quiformaient la population du Belgrade transylvainet qui la torment jusqu'aujourd'hui, gardant setal'ancien nom slave (car il n'y a pas de nouveaumorn roumain).

Parmi les chefs de cette population confide

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aux moines, on rencontre meme des juges selonl'usage roumain (Andreas judex foveam fodit),.et y avait-il chez les Hongrois, dans les tempsles plus anciens, une institution similaire a celledes knezes, des juges roumano-slaves ?

L'Eglise obtint des possessions en TransylvaMe aussi, et l'un des villages lui appartenant setrouvait sur les bords de la riviere du Cri.Dans le document de 1075, le nom de cetteriviere est rendu dans la forme roumaine actu-elle : fluvius qui nuncupatur Crys" (en roumainCri), et nous observerons partout dans les do-cuments que la forme ancienne du nom desrivieres est la forme roumaine, dont la formemagyare actuelle ne se détache que lentementet avec des tatonnements visibles. Et, enfin,aupres des terres Pelu", Zettu", dont noushesiterons a fixer le caractere national originaire,il y a le mot de montagne Sorul (en roumainSurul, le Grisatre) que la philologie magyare ne.parviendrait a s'approprier que difficilement.

Il n'existe pas urce histoire authentique de laconquete magyare; ces pêcheurs, ces chasseursde betes et d'hommes n'etaient, guere des écri-%Tains assidus de leurs exploits. Pour le mondeallemand et le monde byzantin, qui écrivait eneffet, en latin et en grec, ce qui se passait versVan 900 du We de la Pannonie avait un intéretmediocre, et, il faut bien le dire, si l'argumentex silentio, qui dénie aux Roumains une exis

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tence a l'epoque ou les sources se taisent surleur compte, a une valeur, on pourrait se de-mander si le silence de ces sources byzantineset allemandes sur le fait de la conquete hon.-groise implique peut-etre la nom-existence decette conquete elle-me-me...

II y a eu cependant des chants populaires, et,sur la base de ces chants, un ecrivain, d'uneépoque beaucoup plus récente, a rédigé, sansdonner son nom, la chronique des origines quiporte le nom du anotaire anonyme du pi Béla"(Anonymus regis Belae notarius). On compteplusieurs rois de ce nom, mais, en dehors d'au-tres arguments, il y en a un qui fixe decide,ment l'epoque oil ce produit littéraire a pu etreélabore. A chaque page presque il est questiondes Bulgares et des Blacci" (Valaques), aux-quels les Flongrois auraient eu a faire au mo-ment de leur invasion. Mais cette relation etroiteentre les uns et les autres, l'importance politiquedes Bulgares et la forme particuliere de Blacci"donnée au nom des Valaques, qui s'appellentcependant pour les Hongrois Oldh, donc Olaci,Olahi, Olati, nous renvoient A l'epoque ob unedynastie valaque se trouvait A la tete des Bul-gares ayant reconstitue leur Empire, donc A celleob Pierre, Assan et Ioniifi ou Joannice établirent,vers l'an 1200, l'Empire de Trnovo. C'est donede Bela IV qu'il s'agit, et non pas d'un de sesprédécesseurs.

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Le compilateur ne s'est pas borne A reproduireles chansons de geste des ancetres sur laconquete ; il a cherche A les amplifier, don-nant des explications en relation avec lesnorns de localité, créant donc de toutes piecesdes legendes héroIques et guerrieres inspireespar ces noms, transforniant une etymologie quilui paraissait probable dans un act reel de laguerre d'occupation. Dans ce récit il est questionde dues", par consequent de voévodes, chefsindépendants des Roumains et des Bulgares, quiauraient oppose une resistance et offert une al-liance aux conquerants. On rencontre ainsi lesfigures héroTques d'un Gelu, d'un Menumorut,dont le nom est inspire peut-etre aussi par celuide la region qui s'appelle aujourd'hui le Mar-moros, de meme que Gelu" est, en 1075, dansl'acte que nous avons cite, une montagne, et il

pourrait etre mis en relations avec le châteaude Gyalti, pres de Kolozsvar, en roumain Cluj,-et avec le fondateur éponyme de Gyula-Fehérvár,ancienne capitale de la Transylvanie , les figuresde Glad, de Salan , et nous nous demandons aussisi ce Salan, d'origine geographique probablementaussi, ne correspond pas A ce territoire du Za-rand, qui subsiste dans les yanks du massif duBihor jusqu'aujourd'hui. Celui qui accompli laconquete est le duc hongrois Tuhutum. Pre, dela riviere de l'Amlas, Gelu aurait offert une ba-taille et aurait &é tud ; ses compagnons donnent

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3a main", offrent la paix aux vainqueurs, qui nesont pas en etat de les soumettre sans cet acte-de pacification volontaire (l'écrivain n'oublie pas.de dire que la localite rappelle dans son non.),

cet acte, ce qui signifie qu'il a cree l'acte surla base du nom de la localité). Menumorut, qui-tire son autorité de l'empereur de Constantino-ple", crée comme héritier le fils d'Arpad, legrand chef de l'invasion hongroise, Zoltan, au-quel il a fait épouser sa fille. Trois autres chefs.entrent dans le pays du côté de la riviere du"Tätnös, en roumain Timis, out ils rencontrent des.Coumans, et il y a aussi des Petchénegues. Or,Coumans et Petchenegues ne peuvent apparaitreensemble qu'A la fin du XII-e et au XIII-e siecle_Le voevode local est Glad, sorti de VidinUrscia" (qui signifie : Orsova) et a present cachedans la citadelle de Me (rocher ou, en roumain,cheia, clef, terme employe aussi pour les defiles.de montagne). II se soumet et garde l'administration de son territoire. II ne faut pas oublierles trois knezes (knezes des Bulgares"), quiapparaissent aux côtés de Glad. Nous croirionsvolontiers que la legende de Saint Gerard, qui,groupe les événements autour de la personned'Achtoum (il doit etre la meme personnalitéque Tuhutum), seigneur de la cite du Maros(Merisena"), baptise a Vidin, puise A la memeepoque dans le meme repertoire de legende etemploie les memes moyens de creer, a l'aide de

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ces renseignements vagues, poétiques, une his-toire, qui dans ce cas spicial, a aussi un carac-tere local et religieux, qui manque a l'écrit de-l'Anonyme.

Au XIV-e siecle, des compilations nouvelles.de l'ancienne histoire hongroise représententSaint Etienne, celui qui, de fait, remplaça la con-féddration de tribus campées dans certains ter-ritoires par une organisation unitaire sous le roicouronné par le Siege apostolique, comme leconqudrant de la Transylvanie. Il aurait dcarté-son propre oncle Gyula (c'est Gelu qui revientcomme Magyar dans une autre forme, dont il

faut rapprocher, a notre avis, le Gylas" deConstantin le Porphyrogénete) et le prince des-Bulgares et des Slaves des montagnes, Kean,dont le nom appartient certainement a la no-menclature authentique de la légende 1

On ile peut contester que Saint Etienne voulutdtendre son autoritd de l'autre OM des mon-tagnes qui bordent a l'Occident la Transylvaniesans que pour cela il edit pu arriver vraiment ases fins. A qui appartenaient cependant jusqu'ace moment ces riches yanks, ces montagnespleines de minéraux utiles et de mdtaux pré-cieux ? Certainement a la population aborigene:mais cela n'exclut pas l'influence politique des

1 On a propose (Oncful, Originile Principatelor, Ru..carest 1899, p. 130) de voir dans ce nom celui du klagan,_ce qui nous paralt tree difficile.

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barbares touraniens qui avaient leurs camps del'autre côté des Carpathes ou dans la steppe ;Petchénegues d'abord, jusque vers 1100, etCoumans apres ce terme. Les barbares devaientavoir, au point de vue militaire, cette citadelletransylvaine pour dominer plus facilement lasteppe, mais leur domination se bornait A de-mander A certaines epoques, oü ils se rappro-chaient du territoire soumis, le tribut, seule obli-gation des vaincus et des proteges.

Pour les Hongrois, pendant longtemps la Tran-sylvanie fut seulement un terrain vague, quis'etendait au-delA de la foret", c'est-A-dire desmontagnes impénétrables, couvertes de sapins:c'est le sens d'Erdély", nom qui s'est conservejusqu'aujourd'hui pour designer cette region, queles Roumains appellent Transylvanie par unsouvenir classique, ou Ardeal par un empruntau terme magyar. Mais cela ne signifie, pas uneemigration ultérieure, parce que pour eux laTransylvanie ne formait pas un territoire politiquedistinct et ne pouvait le former : elle n'était qu'uncertain nombre de vallCes, formant, avec d'autresvallées, de l'autre câté des Carpathes; le PaysRoumain", la Tara-Romdneased. II fallut la con-quete etrangere pour creer un terme distinctif,et nous rappelleront sous ce rapport le fait,appartenant a l'histoire moderne, que la Bessa-rabie et la Bucovine n'existaient pas pour lesRoumains sous ces noms, puisque ces districts

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faisaient partie de la principauté moldave etqu'ils n'etaient pour eux qu'une collection dedistricts de cette Moldavie; la Moldavie elle-meme n'obtint ce nom, donne d'apres une riviere,qu'au moyen-age, quand elle fut detachée de cepays roumain" unitaire, vers la moitié du XIV-esiecle.

Pour les conditions, anterieures a la con-quête, de cette Transylvanie, un savant quin'est pas Roumain et n'a eu aucune attache,fittce meme de sympathie, avec le peuple rou-main, un Allemand, écrivait, il y a quelquesannées de cela, dans l'Archiv fiir siebenbilr-gische Landeskunde, Neue Folge", H, p. 318, cequi suit : Pendant tout le XI-e siecle, la Tran-sylvanie n'est pas mentionnée par les historienset dans les actes que tres rarement. Dans lesdocuments, une seuIe lois: la forteresse qui s'ap-pelle Turda (cagrum quod vocatur Turda) en1075", dans le document déja cite. Dans l'in-tervalle, jusqu'en 1075, il faut considerer ce payscomme un territoire de frontiere dispute entreles Petchénegues et les Hongrois. Les rois Sa-lomon et Ladislas en sont encore a combattrecontre les Coumans pour cette province et surson territoire. Vers la lin du regne de ce dernierprince, ce combat, au moins en ce qui concernela domination de la province du Nord-Ouest,peut etre considéré comme termine. Mais lapartie du Sud-Ouest reste, jusqu'au milieu dut

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XII-e siecle, comme une domination mal assuree,bien que sans cesse réclarnée par la Couronnede Hongrie, un desertum, qui ne fut réellementgagne que par la colonisation (des Saxons) au-temps du roi Geysa et meme en partie pluslard encore, par l'établissement de l'Ordre Teutondans la Burzenland (le territoire pres de la ri-viere Barsa, aux environs de Brapv-Kronstadt).

En ce qui concerne les relations entre Rou-mains et Coumans, on ne peut se défendre d'ad-mettre l'hypothese, basee sur l'emprunt riciproquedes noms (Borz, celui d'un chef couman de 1211,<levient le nom roumain de Borzul, Borzea), quele christianisme, adopté par les Coumans memeavant la catechisation violente accomplie par lesChevaliers Teutons, amena un commencementd'amalgame entre les deux nations et que, par-contre, tres souvent, sous le mini des Coumans,-comme sous celui des Tatars, ce qui est prouvepar un passage de la chronique de NicephoreOregoras, au XIV-e siecle il faut entendre lesRoumains .

' Ed. de Bonn, I, p. 204.

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II.

Saxons et Roumains en Transylvanie.

II y a une theorie de l'établissement deSaxons en Transylvanie tout Jussi parfaite, aupoint de vue de la logique apparente, que buss&quant a la réalité, que l'ancienne theorie, aban-dorm& mettle par les savants magyars de bonsens, de l'établissement des Hongrois sur cettemdme terre transylvaine, dans une region de,,clésert" completement denude d'habitants. Ense basant sur le mot desertum", qui se retrouvedans le privilege du roi André II et qui, ern-prunté a un acte antérieur, n'a guere que le sens .de territoire mal peuple, ou ayant une populationa laquelle le roi ne trouvait pas bon d'accorderdes privileges, dont il ne reconnaissait done-pas le caractere politique perinanent, utile auroyaume , on assure que le roi Geysa appela,au XII-e siecle, pour peupler ce desertum", les.Saxons. Ils y seraient arrives avec une consciencenationale prononcee et, dépositaires d'une civili-sation supérieure, habitant des villes, voire mdme-nobles, ils auraient fonde dans cette Transylvanie

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des Petchenegues et des Coumans, récemmentacquise a la Hongrie, une colonie ressemblanta celles que les Français, les Anglais, les Hol-landais établirent au cours de l'histoire moderne,sous leur drapeau national, et en extirp ant par-fois la population aborigene, en la faisant disparaitre comme inutile, dans certaines regionsextra-européennes. Les Chevaliers Teutons, ap-pelés par le roi André II un siecle plus tard,seraient venus pour completer dans la Burzen-land" l'oeuvre accomplie par leurs congeneresallemands, s'avançant jusqu'audela des Alpesde Transylvanie, des Carpathes roumaines, pourfonder, dans une vallée de la future Valachie, layille de Câmpulung, qui existe encore (Langen-aue, en allemand). Le roi aurait eu des preoc-cupations rnilitaires, pour garder la frontiere.Ces hôtes du roi, hospites regii", auraient jouid'un commencement de constitution, ou du moinsles caracteres de cette constitution, devant aboutirplus tard a l'autonomie de l',Universitas Saxo-num", se seraient dessines assez visiblement.Ces nouveaux hatbitants de la Transylvanie, dontle nom primitif, atteste par les documents, estTeutonici ultrasilvani", appelés aussi, par unterme populaire, Saxons, auraient donc étabhdans le desert" une nouvelle marche germaniqueen Orient, sous l'igide des rois de Hongrie.

De fait, il en est tout autrernent. Des la findu Xl-e siecle, on constate en Occident un sur-

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plus de population, qui ne pouvait pas vivre,dans les conditions primitives du travail agricolea cette époque, entre ses anciennes limites. Ellecherchait A se dégorger du côté de l'Orient, cequi provoqua, entre autres, le grand phénomenedes croisades, impossible, malgré les récits exa-Ore's, exaltés des pelerins, malgré le grandcourant d'enthousiasme religieux de l'an mille,malgré les intérets de commerce des républiquesitaliennes et du besoin de defense de l'Empirebyzantin contre les Turcs, sans admettre ce fait.Or il est inadmissible qu'un grand mouvementde population se prononce dans une certainedirection et sous une certaine conduite sansqu'il se continue par lui-inme, se créant spoil,tanément un lit pour son expansion ulterieure.Le pelerinage prepara la croisade, la croisadeelle-méme prépara l'émigration urbaine des lta-liens et l'émigration rurale des populations ger-maniques. Ces faits se passerent lentethent, sansattirer l'attention des chroniqueurs, sans provo-quer des mesures d'Etat, sans nous laisser despreuves écrites. Les emigrants allemands se déta-chaient surtout du côté du Rhin, du Rhin inférieuret de la Moselle, et c'est pourquoi le privilege pon-tifical de l'an 1191 appelle les Saxons, d'apres lestermes employOs par Geyza le colonisateur ,

Flandrenses", en roumain populaire Flondori".

' Zimmermann Werner, Urkundenbuch, I, pp. 2-3

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Ils venaient par petits paquets, souvent sansaucune invitation particuliere du roi, qui lesacceptait pour des raisons surtout fiscales dontil a été question plus haut. II est tres admissibleque l'Eglise catholique, a laquelle le roi avaitaccordé, des le temps de Saint Etienne, unepartie du territoire a l'Ouest de la Transylvanie,oil avait ete cree le diocese transylvain, dontle centre etait a Fehérvár, ait contribué a cemouvement de colonisation. On les a acceptes-sans aucune crainte pour l'avenir au point devue national. L'Allemand était, non seulementl'initiateur a la civilisation, parfois le tuteur poli-tique pour la Hongrie, mais plus que cela: ildtait le fondateur des villes et meme le coloni-sateur de regions étendues a l'Ouest du royaume,ou se conservent jusqu'aujourd'hui les Hienzen".

Et il faut tenir compte aussi qu'une partie desAllemands fut attirée spécialement a cause deleur occapation particuliere utile au royaume,pour commencer le travail des mines de sel,d'argent, a Szathmár (le nom est absolumentinexplicable, bien que l'ancienne qualificationsoit Szathmar-Némethy, Szatmar allemand", sansadmettre comme origine Satu-Mare, gros vil-lage", en roumain), a Deés (en roumain Dej), aRodna (dont le nom, appartenant au patrimoineslave, signifie: exploitation de mines). Certainsmonasteres de Transylvanie, comme la grandeabbaye des Cisterciens a Kerz (en allemand le

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mot signifie cierge", ce qui n'a pas de sens ;le mot roumain est Carta), avaient attire aussides colons allemands sur leurs terres.

Les premiers Saxons s'établirent dans troisvillages pres de Fehérvár, A l'epoque de Geyza.Les noms de ces villages sont intéressants : l'und'eux, Karako, n'est autre qu'un Cricov roumain(il existe une riviere de ce nom en Valachie),Crapundorph s'appelle en hongrois Magyar-Igen,et Roms est en roumain Romos. Les habitantsdevaient un tribut annuel de 500 marcs d'argenten deniers de Cologne. Puis, plus tard, A di-verses reprises, par des mouvements spontanés,cette colonisation s'accrut, sans former cependant,au dessus des groupes établis au hasard, uneseule et meme communauté, jouissant des mêmesprivileges constitutionnels envers le royaume.Ce n'est qu'en suite, par une revision des pri-vileges et par une uniformisation des différentessituations, qui s'étaient formées d'elles-memes,que le grand privilege du roi André H créa lanation saxonne de Transylvanie dans le sens quele moyen-Age donnait au mot de nation". Elleeut aussi son chef : le comte de Hermannstadt,ville dont le nom roumain, Sibiiu, vient de lariviere que les Saxons eux-memes continuent Aappeler Zebin (dont le nom allemand du pays:Siebenbiirgen), ainsi qu'une organisation parti-culiere, indépendante de l'eveque de Transyl-vanie, sous un prevôt risidant dans le meme

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centre. Ce n'est que plus tard encore 1, quoiqu'on dise, que ces communautds rurales, dvi-demment rurales, administrdes par des chefs,les gerebs" (forme magyare du nom de Grafen,collates), dont nous montrerons bientôt l'origine,devinrent, par la force des circonstances, et nonpar une decision raisonnée, des villes, faisantpar consequent des Sa 4.ons l'élement essentiel-lement urbain de cette Transylvanie dont l'Clé-ment nobiliaire, officiel, était celui des Hongroisconquerants et l'element fondamental, tradition-nel-rural, celui des Roumains. Ce n'est qu'en1224 que les Saxons hirent reconnus officiellem-ment9 comme une seule nation, unus populus,avec un seul juge, unus judex; mais des 1199leur prevot, Didier, qui ne résidait pas cependanten Transylvanie, avait la haute situation de chan-celier de la reine 3. Le privilege cite a ce sens,qui découle de sa lettre même, que le roi &sitpréoccupé surtout du soin d'empêcher la pertedes privileges initiaux de la part des elementsplus faibles et plus isolés de ces Saxons. Il ne

' Cf. Rudolph Briebrecher, Der gegenwdrtige Standder Frage fiber die Herkunft der Rumdnen, Hermannstadt1897; Franz Zimmermann, Zur siebenbilrgisch-deu-tschen Geschichtsschreibung, besonders fiber die Be-siedlungsfrage, dans les Mittheilungen des Institute furOsterrelchische Geschichtsforschung, Erganzungsband", VI,pp. 724-725.

2 Zimmermann-Werner, loc. cit., p. 34.' Ibid., p. 5 et suiv., no. 7 et suiv.

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s'agit donc pas d'une action commune entreprisepar une population ayant le sentiment de sonimportance pohtique et de sa mission nationale,et il faut écarter tout aussi bien l'idée d'une co-lonisation semblable a celle que la Prusse contem-poraine avait entreprise en Pologne, au detrimentde l'élément indigene polonais. 11 ne faut jamaisintroduire dans ces choses du moyen-age lecaractere de projets bien etudies, de méthodesuniques, d'actions ininterrompues, qui signaleles faits correspondants A une dpoque plusrécente. Le caractere individuel, local, occasion-nel est celui qu'il faut admettre toujoiirs, et lescirconstances elles-mémes interviennent ensuitepour creer des corps organiques sans que cescorps organiques se soient rendus compte, aumoment de leur etablissement, de ce qu'ils de-vaient signifier pour l'avenir. Tout est conserva-tion, preservation, et non attaque consciente dela part de ces hommes dont le sentiment do-minant était certainement, d'un bout a. l'autre dumoyen-Age, la peur.

Y avait-il des Roumains en Transylvanie a cemoment? Aucun évenement fatal ne les avaitdétruits, et rien n'avait pu determiner leur mi-gration. Nous affirmons meme que les nou-veaux venus se servirent de l'expérience etdu travail de ces aborigenes, dont la situa-tion inférieure derive du manque de privileges,et non d'une immigration, ne prouvant pas

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leur caractere 4tranger, mais bien leur caractereindigene, mais qu'ils adopterent aussi par leurinoyen certaines des institutions particulieres acette terre. Le moyen-age n'assimile jamais; iiagglomere. .Toute idée d'un Mat unitaire, em-ployant partout les memes moyens pour arriverau même but, lui est étrangere ; raisonner autre-ment c'est confondre les siecles et melanger lesétats d'ame pour arriver par Ia confusion a l'er-reur. Partout oil on pouvait se decharger dufardeau de l'administration sur les traditions dela vie locale, on le faisait volontiers, et il n'yavait pas de mal a la chose.

C'est pourquoi le roi de Hongrie fut repré-senté en Transylvanie par un voévode ; or il n'y aa la tete d'aucune des anciennes provinces duroyaume un dignitaire de ce titre, alors que levoevode, duc, représente la premiere formed'organisation des Roumains et des Slaves, ainsiqu'il a été dit plus haut. Des voévodes de moin-dre importance se rencontrent, du reste, anX1V-e siecle dans les territoires, de populationrournaine, en totalité ou en partie, du Marmoroset des corntés d'Ugocsa et de Beregh. D'ailleursla royauté hongroise adopta tout aussi bien lescnezes-juges, dont nous montrerons le role im-portant dans toutes les provinces habitées parles Roumains au X1V-e siecle, en relation avecles intérets particuliers de la royauté angevinedans ces regions.

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Un écrivain saxon affirme qu'aujourd'hui encoredans le district de Bistritz-Bistrita les chefs de villa-ges sont appelés Grafen ou gerebs1. Or les villagesroumains, les groupes de villages se trouvaientsous l'autorité des juges ou cnezes, dont les.fonctions correspondent parfaitement a celles deces Grdfen, alors que jamais, dans les villagesde l'Alsace, de la Flandre, l'administration desvillages n'a fonctionni de cette façon et danscette forme. Les mimes conclusions que pourla dignité du voivode s'imposent done pourcette organisation villageoise des Saxons, et il

est certain qu'un peuple prouve sa permanencesur un territoire tout aussi bien par le maintiende ses institutions, adoptées par des colonsplus récents, que par la transmission des nomsde localité et par la fréquence des mentions leconcernant dans les documents 6crits. On peutmeme aller plus loin: lorsque l'organisation sa-xonne fut completement terminie, elle compre-nait des Stith le, des sedes, des sieges", ce quisignifie sieges de justice", qui étaient au nom-bre de sept. Or Tien dans le monde germaniquene nous montre l'existence d'une pareille divisionde la communauté nationale; au contraire, pourles Roumains, elle est naturelle, et on la ren-

' Arehiv far siebenbürgische Landeskunde, Neue Folge,p. 357. Bistritz est un nom slave, mais les Saxons

l'appellEnt aussi Nösen, ce qui vient, par les Bournains,du slave: nijni, nouveau'.

3

11,

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contre d'un bout A l'autre de leur extensionnationale. Le siege" appartient au juge" et parconsequent la sedes" est dquivalente au judi-.catus". II faut ajouter que les Szekler eux-mêmesforment une espece d'universitas, divisde ensedes, alors que nulle part ailleurs le peuplehongrois ne connait ce phenomene d'organisationpolitique et que les principautes roumaines d'au-delà des Carpathes furent crdées par la reuniondes divers judicatus, ou judge en roumain, dansun vodvodat, de droits plus etendus. En Tran-sylvanie mettle, au XV-e siecle, les frontieresoccidentales etaient confides A la defense despaysans roumains, dont les villages dtaient grou-Os sous cette forme de sedes olachicales, qu'onappelle aussi: districts. Estil besoin d'insisterdavantage pour montrer l'identite de sens desjudete" roumains, cercles de jurisdiction", avecles institutions similaires, et certainement poste-rieures, des Saxons et des Szekler?

La colonisation continua, sans qu'elle puissesupposer, plus que dans les cas precedents, lemanque d'une population indigene. Le roi AndréII, qui confirms en les unifiant les privileges desSaxons, appela, de Terre Sainte, dont ils appor-terent un regime special envers les paysanssujets, les Chevaliers Teutons pour leur confierla garde des Carpathes contre les Coumansencore paIens. Ils bâtirent un certain nombrede châteaux en bois ou en pierre, fonderent

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la ville de Kronstadt et certains des établis-sements voisins, puis, s'étendant en Valachie,fixerent comme premier point de depart pour laconquête de la Coumanie, devenue chrétienne, cetteville de Campulung, leur Langenaue, dont il a étéquestion dans le chapitre précédent. Puis, commeleur puissance commençait a inquiéter le roi parson caractere d'indépendance, sous le rapport del'organisation ecclésiastique aussi, qui devait ttreautonome, ce territoire leur fut repris, malgrél'opposition du Pape.

Plus tard encore, apres que la vallee de laUrsa eat été organisée de la meme facon parles Teutons, une autre vallée, du cOte de la PetiteValachie, celle de la riviere du Lotru, aurait etéconfiée a un comes Corlard, fils de Christian(Chrétien), en 1233 ', mais des doutes se sontmanifest& sur l'authenticité du document.

De cette facon la Hongrie défendait les deuxpassages principaux vers le territoire cournan dela Valachie : celui de Bran, ou devait s'éleverplus tard la citadelle de Tärzburg (en hongroisTärcsvgra), du côte de Kronstadt, et, du cOtéde la Tour-Rouge (en roumain Turnul-Ro§u).

La colonisation s'arrêta là. Elle n'avait pas creéune province unitaire, mais bien des regionsparticulieres dont les conditions nationales et his-toriques étaient tout-A-fait différentes et qui n'a.-,

1 Zimmermann-Werner, loc. cit., p. 58, no. 67.

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vaient entre leurs autonomies aucune autre relationque la reconnaissance de l'autorité superieure duroi et certains droits els A la Couronne : le ter-ritoire royal, encore non parcele, pour etre dis-tribué aux emigrants, avec ses chateaux ; le ter-ritoire episcopal, avec ses colons indigenes etitrangers ; le territoire saxon, terre royale dansson essence, mais cedee A perpetuite, sous lacondition de remplir certaines obligations, auxSaxons ; le territoire teutonique, qui subsistapendant quelques dizaines d'années. Mais endehors de ce territoire ii y avait tout le pays,comprenant de larges rivieres, des vallées fer-tiles et surtout des forets impenétrables, sem-blables a la grande fork bulgare", qui s'éten-dait de Belgrade jusqu'à Nich, ou de la for&du Marmoros, mentionnée dans des documentsau commencement du XIV-e siecle, qui appar-tenait aux anciens propriétaires de la pro-vince entiere. C'est IA le sens de cette silvaBlaeorum et Bissenorum" (foret des Vlaques etdes Petchenegues), que l'on trouve, avec lamention de ses rivieres", dans le privilegeroyal de 1224 Ole du territoire des Saxonset odes Szekler du pays de Sebus" (Sepsi enhongrois ; en roumain Sebm et c'est la formeprimitive du nom) et du pays de Draus" : celasignifie le territoire non cede auxdits Saxons et

Ibid, a cette date.

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'

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auxdits Szekler et en meme temps celui surlequel ne s'étendait pas l'autorite des chatelainsroyaux établis aux points stratégiques de laprovince. II est le dernier refuge de la Tara-Romdneascd, du pays roumain, dans ces regionsenvahies par l'étranger.

En ce qui concerne la langue elle-rnéme, sile roumain compte un grand nombre de termesempruntés au hongrois et ayant non seulementun caractere technique, mais aussi un caractereen relation avec les phénomenes fondamentauxde l'eme, et cela s'explique par la longue co-habitation des deux peuples dans les regionsmoldaves des Szekler, aussi bien que, pent-etre,par leur cohabitation a une époque plus ancienne,alors que les Hongrois habitaient au Nord desbouches du Danube, les termes saxons man-quent completement dans le roumain. En échange,cette langue roumaine, que le Saxon du Nordemploie souvent pour entrer en contact avec soncongentre du Sud de la Transylvanie, qui parkun dialecte allemand different du sien, a fourniun assez grand nombre de termes au dialectesaxon, et parmi ces termes il y en a qui con-cernent des notions vraiment fondamentales:nous nous bornerons a signaler, pour prouverque les Roumains n'ont jamais été un peuplede pâtres dans ces regions des Carpathes, leterme de del, partie d'un champ, terme slave

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transmis par ces Roumains, qui ont conservepour la meme notion le derive de : delniti".Du reste ii y aurait tout une etude a faire surces emprunts entre les trois langues, et l'histoirede chacun des trois peuples n'aurait qu'à se fé-liciter des résultats certains fournis par une etudedenuie de toute preoccupation politique.

Mais, puisqu'on pourrait contester, de la partdes gens habitues a ne rien admettre qu'avecle document écrit a l'appui, le bien-fonde de cesappreciations, puisqu'il y a encore des éruditspour lesquels la mention formelle d'un acteauthentique forme la seule preuve dans cesquestions d'une si delicate complexite, qui de-mande souvent l'intervention de tous les moyenssubsidiaires pour arriver a la connaissance de laverde, venons aux mentions formelles de rile-ment roumain, que l'on rencontre a partir del'année 1206.

1206: donation faite a un Ragusain, Jean leLatin. Parmi les noms de localités on trouve :Barancuth", ce qui signifie la Fontaine de l'A-gneau, terme appartenant a la vie pastorale, queles Hongrois ne représentaient pas en Transyl-vanie. On doit admettre par consequent la tra-duction hongroise, et ces traductions des termesroumains sont habituelles dans tous les docu-ments hongrois. Lewench" ne peut correspondrequ'au nom roumain de Lovnic, d'origine slave ;

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et nous verrions volontiers dans Cowrnh" uncorn" (en roumain: bois de cornouiller). Lesmoms des serfs mentionnés peuvent avoir aussiun caractere roumain

Dans la delimitation du Burzenland" pourles Chevaliers Teutons, la localité actuelle deTart lau, en roumain Prejmer, est nommée Tor-tillou", ce qui suppose une formation slave cor-respondant A celle de Ra§nov, conservée encorepar les Roumains, pour le Rosenau des Saxons,qui en est évidemment derive. Les noms de lo-calité de toute cette region peuvent etre ramenisA des premieres formes roumaines, en partiepastorales.

En 1219, mention d'un yob/ode du nom deJunke" (d'autres lisent Nevke"), mais ce quiintéresse c'est sa qualité de voevode et celledes udvornici" qui lui sont soumis. A côté<rune quantite de noms pouvant etre interpret&dans toutes les langues possibles, tellement ilssont estropies, on rencontre la frontiere diteMirolosu" qui paraft etre Miràs Mu, et surtout lePrawn Mihu la, ou Micula, ce qui signifie : leverger de Mihul on Micul (formation du &etaen a).

En 1222, dans un nouveau privilege pourl'Ordre Teutonique 2, il est question des vais

' Ibid., 1, pp. 8-9, no. 16; cf. ibid., pp 19-20, no. 3Lpp. 22-24, no. 34.

' Ibid. A cette date.

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seaux que les dits chevaliers peuvent faire passersur la riviere du Mur4 pour transporter le selr.exploité probablement dans les montagnes d'Ocna.en Moldavie. Le nom de vaisseau, kerep" oukurb", correspond au nom roumain de corabie",au nom grec de xccpcipn, bien que les Magyarsaussi eussent emprunte ce terme aux uns ou auxautres, et on ajoute que ces vaisseaux ne paie-Tont rien per terram Siculorum aut per terramBlacorum" (version : per Siculorum terram autBlachorum"). II y a done un Pays des Roumains,.une Tara-Romaneasca", voisine du pays desSzekler, du territoire détache de l'autonomie rou-maine pour l'attribuer a ces gardiens de la Iron-tière, et cette terra" n'est autre que la silvedont il a &é question plus haut. II n'y a aucuneraison pour en faire des unites territoriales dif-ferentes, et cette terra' avait certainernent souautonomie, puisqu'elle est assimilée a celle desSzekler, qui était des le debut presque autonome.

En 1223, donation au monastere des Cisterciens-déjà cite.

11 y a d'abord a relever un terme slave: laterre de Borodnic (Borothnk), ce qui signifie, enslavo-roumain, brodnic", derivant de ,,brod",.gué de riviere. La region plus tard moldavedes bouches du Danube est nominee encore auXIII-e siecle, aupres de la Coumanie, comme ter-Moire appartenant aux Brodnici, qui correspon--dent aux vain= des Byzantins, population de

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pecheurs .et de passeurs de rivieres. Et en memetemps on confirme aux dits moines une terramexemptant de Blaccis, ce qui signifie un nouveauterritoire pris aux Roumains, a leur autonomie pa-triarcale, toter-6e par le roi, territoire entre désor-mais dans le domaine nouveau des privileges de laprovince. Certains noms de localités aussi seraientpassibles d'une interpretation dans notre sens.

En 1224 le roi met fin a cette autonomie enaccordant cette terra, dans son intégrité, commenouvelle donation, aux Chevaliers Teutons

En 1228, donation faite par le roi André d'unterritoire sur la riviere du Muràs.

11 faut s'arrêter au norn de Mogorreuu", qu'onpourrait lire tout aussi bien Mogorrenn" = Ma-gureni, on a risque l'itymologie magyare Mo-gyoth puis sur la villa Luer", qui est levillage roumain de nos jours Lueriu" ; sur d'au-tres noms roumains, parmi lesquels Zaku sig-nifie Secul, la riviere seche, et peut-etre Biku,nom de rnontagne, en roumain : Piscul.

En 1230, donation du We de Szamos-Ujvár,Gherla, dans le coin Nord-Est de la province :une localité du nom cte Devecsér, en roumainDiveciori 2.

1 Ibid., k cette date.Ibid., p. 49, no. 57. D'autres etymologies ont et&

propoeees, parlois avec succes, assez récemment, parNicolas DrAganu, dans un gros ouvrage &lite par l'Acaidémie Roumaine.

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En 1231, testament du comte Nicoras, frered'Ugrin, ancien archeveque de Gran. II mentionnedes biens-fonds entre la Tisa et le Mur4, avecdes noms de personnes et de localités qui nesont guere hongrois et parmi lesquels on trouveune Woyla, qui est sans doute roumaine. 11 y est-fait mention aussi de la coutume de laisser lamaison paternelle au cadet des enfants, coutumequi n'est pas hongroise et qui se rencontre au-jourd'hui encore chez les Roumains'.

Trois ans plus tard, en 1234, le Pape s'eccupede ces hales qui passent a l'Eglise orthodoxeen raison de leur cohabitation, dans l'éveche desCoumans, établi par les Teutons, avec les Wa-lati" ou V alaques, ayant des rites .speciaux etennemis du Siege romain. 11 faut remarquer d'a-bord que ces Valaques ont leurs éveques, des,wpseudo-episcopi", ne dependant sans. doute d'au-cun Siege slave ou grec, car ce sent des chor-éveques héréditaires, comme il y ea eut aussidans les Gaules. Leur autorité s'etendait, sansaucun doute, sur tout le territoire de l'iveche desCoumans, done sur les deux versants de la mon-tagne. Et, alors, serait-il possible d'admettre quedes emigrants venus depuis quelques années puis-sent avoir toute une organisation hierarchique etqu'ils fussent meme en &at de dénationaliser, en

1 Fe*, loc. cit., 1, p. 230.

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leur laisant .adopter leur rite hérétique, ces ou-jets du royaume de Hongrie, Hongrois, Teutonsde l'Ordre et autres catholiques, qui deviennenttin seul et meme peuple avec les dits Valaques*,abandonnant leurs devoirs de sujétion enversrtglise d'Occident 1 ?

En 1238, confirmation de privilege pour lesSaxons de Karako et Krapundorf. Parmi les nomsde localitt, certainement non magyars et ayanttin caractere prononce roumain, on trouve lamontagne de Zuhodol, ce qui signifie Suhodol,en slave: riviere, vallée seche, la montagne Geminus (en roumain Geaminul), la colline Pastorea(en roumain Pistoreni), etc.

8 ZimmermannWerner, loc. cit., I, p. 60, no. 69.

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Les Roumains de Transylvanie jusqu'il'établissement de la dynastie angevine.

La grande invasion des Tatars, vers le milieukdu XIII-e siecle, changea bien des conditions-dans le royaume de Hongrie, qui en fut dévaste.d'un bout a l'autre ; elle dut produire des con-sequences nombreuses aussi pour cette partie dupeuple rournain qui habitait les pays soumis A.la Couronne de Saint Etienne.

Les Roumains eurent cependant a en souffrirbeaucoup moins que les autres, que les Saxons,par exemple, dont certaines des villes, telleRodna, furent completement détruites. Populationpauvre, vivant dans des villages situes souventloin des grandes routes que traversaient lesbarbares, ils n'eurent pas A subir des pertesimportantes en ce qui concerne leur avoir, quiétait la terre ou les troupeaux. On pourraitmeme dire qu'ils y gagnerent, car une oeuvrede civilisation politique, qui s'etablissait un peuA leurs dépens, fut entravie pour quelque tempspar la grande poussée des Touraniens. II faut

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tenir compte aussi de ce fait que sans l'invasion.tatare, qui établit entre les Carpathes et le Danubeune nouvelle domination, celle de la Horde d'Or,les rois de Hongrie auraient soumis peut-etrela Coumanie entiere, empechant ainsi le develop-pement de cette organisation roumaine qui avaitdéjà commence par l'existence des voévodats etcriezats de Sénéslas, Litovoiu, Jean et Farcaq,mentionnes a cette epoque 1. Ilressortirait meme dutemoignage de Mathieu de Paris que les Roumains,nommés, eux aussi, par cet écrivain Valvi", ouVandali" (Valci", Valaques), auraient accom-pagné les guerriers des hordes et partagé leurbutin. En tous cas, un vide s'était produit a lasuite de ces faits de guerre et de pillage dansla Transylvanie et les regions voisines égale-ment. Aussitôt apris la retraite des barbares,le roi envoyait le voevode de Transylvanie Lau-rent pour rassembler de nouveau ses sujets",et l'eveque de Transylvanie constatait que parsuite de la persecution ennemie des Tatars, son.diocese est arrive a un tel état de rareté deshabitants que, du moment de l'invasion jusqu'àpresent (mink 1246), il n'y a pas d'habitants,ou en tres petit nombre seulement, a Fehervir,et sur d'autres biens-fonds de l'Eglise 2a.

Apres la retraite des envahisseurs, le roi de

' Ibid., p. 74.7 Ibid., pp. 71-72, nos. 79 -81.

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Hongrie, preoccupé de refaire son royaume, eutl'arnbition d'en etendre les limites, vraisembla-blement pour empecher cet établissement desTatars en Valachie et en Moldavie, dont il a etequestion plus haut, en attirant dans la Coumanie,abandonnee par ses anciens maftres, les Che-valiers Hospitaliers. II leur cédait ses droits reelsou plutót presumes sur les cnéziats et les voé-vodats dont il a déja &é question. Les chevaliersdu grand-precepteur Raimbaud, Francais de lan-gue, seraient établis dans la citadelle, de fon-dation récente, de Severin et dans tous les paysjusqu'à la riviere de l'Olt et meme au-dela, payscomprenant des terres cultivees, appartenant ades seigneurs, des pecheries, des moulins, despacages, des églises, des mines de sel, une viecommerciale necessitant l'emploi de la monnaiea l'effigie du Ban hongrois de Severin (dont lenom sert encore a designer en roumain la mon-naie : bani°).

L'acte de donation, date de 1247, est bien-tot confirmé par le Pape. 11 ne paralt pascependant avoir eu des suites, ou du moinsdes suites durables. 11 intiresse pourtant Phis-toire des Roumains de Transylvanie parce quece qui y est dit au sujet de la Coumanie doits'appliquer nicessairement a cette parcelle deterre roumaine restée en quelque sorte autonomeau-dela des montagnes : on ne peut, en effet,parler de frontiere entre la Transylvanie et ces.

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'districts coumans", parce que l'unite politique'des vallées existait encore, que, en ce qui-concerne celle du Nu, le territoire de Hategitait réuni a ceux qui font partie de la Rouma-nie actuelle et que le futur duché de Ffigaras-faisait un tout avec le reste de la vallée de l'Olt.On peut dire que la souveraineté des rois deliongrie ne s'étendait pas de la meme maniere

jusqu'aux frontieres de ces droits, qu'elleznait de plus en plus, se transformant en pré-tentions vagues, jusqu'à cette limite du Danubeoh Bela 1V croyait pouvoir faire des donationscomme celle de 1247.

Le voevode Laurent, qu'on rencontre encore-en 1248, fit tons ses efforts pour rétablir l'ancienordre en Transylvanie, ménageant et soutenanten premiere ligne les autres elements de la po-pulation aborigene, qui fournissaient au roi desrevenus plus notables et mieux assures. Ce pre-mier vothrode transylvain, constaté par des do-cuments, auparavant on disait seulement : voé-vode, sans ajouter transylvanus', chercha afaire revenir les Saxons fuyards, ainsi que lesserfs des domaines de l'Eglise. Un acte concer-cant le rappel des deux elements contient des-noms de localites qui paraissent roumains: Fata",Gege", Bochunaw. Dans celui qui concerne leterritoire de l'eveque de Transylvanie Untie

' Ibid., p. 71, no. 79.Voy. plus haut.

détei-

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d'habitants par suite de l'invasion, il faut si-gnaler : Herina, ancien souvenir daco-hellénique-des salines, Byolokol ou Bylokul, en roumainBileag, et on retrouve la postposition caracteris-tique de l'article. Dans un acte du meme voé-vode, concernant le transport du sel sur la riviere-du Mur4, cette riviere est nommée encore, a ladroumaine: Morisius (en roumain Mur4, en hon-grois Maros) ', et il taut se rappeler le role des.brodnici roumains, des gardiens des gués, quenous avons rencontrés aussi plus haut.

En poursuivant, jusqu'à l'6poque on le nombredes documents s'accroit de facon a ce qu'une-argumentation dans ce sens soit totalement inu-tile, les traces de l'existence d'une populationroumaine en Transylvanie au cours des do-cuments contemporains, on se trouve, en 1252,,devant un acte qui fixe la clélimitation entre les.terres des Roumains de Kerz, des Saxons de-Barasu (Brasov, Kronstadt) et des Szekler de Se--bus', en roumain Sebe§, en hongrois aussi Sepsi,ce qui signifie figalisation des paysans roumainsen ce qui concerne hz possession de la terre avecles Saxons et les Szekler, qui paraissent n'avoirHi definitivement itablis dans ces regions que-par suite des mesures de defense militaire prisespar les Teutons au commencement du XIII-esiecle.

1 Ibid., A la date de 1248.

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En 1256, on rencontre de nouveau cette si-tuation de parité entre les Szekler et les Rou-mains. II est question de certains revenus duroi, de dimes sur les brebis et les bestiaux, ,exparte Siculorum et Olacorum*, en exceptantseulement les terragia" des Saxons, rnais nonceux des Roumains se trouvant sur le meme-territoire royal concede aux dits Saxons '.

On pourrait poursuivre la mention des nomsgéographiques A facture roumaine A travers desactes de propriété qui s'etendent jusque vers lalin du siecle. On trouvera ainsi le mot Vecul"pour une montagne (Vechiu1)1, puis, plus tard,en 1261, plusieurs noms de localités ayant lemême caractere 8, et, pour ne citer que les exem-ples les plus caractéristiques : la vallée Hata-culg", ce qui signifie hotarul", dans une deli-mitation pres de Cluj-Kolozsvar, en 1297 4.

Des l'année 1260 on voit les Roumains parti-ciper, comme element libre, avec un caracterenational distinct, aux guerres des rois de Hon-grie. Les troupes royales qui combattent contreles Tcheques A Kressenbrunn, sur la riviere deIla March (Morava), contenaient aussi des Russes<le Galicie, d'autres Ruthenes et Tatars* et unequantité innombrable de gens inhumains (in-

' Ibid., 13. 80.4 Ibid.' Ibid., pp. 84-85, no. 94.4 Ibid., p. 208, no. 278.

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liumanorum hominum) : Coumans, Hongrois etdifférents Slavons, et mdme des Szekler et desValaques (Siculorum quoque -et Balachorum), desPetchénegues, Ismadlites et schismatiques, ainsique des Grecs et des Bulgares, des Rasciens etdes Bosniaques héretiques" '. Il ne s'agit pas desfuturs Moldaves, soumis alors a l'influence duroi de Galicie, mais bien des Roumains deTransylvanie, ainsi que le prouve leur mentionaupres de celle des Szekler. C'est, de fait, lapremiere mention des Routnains comme elementmilitaire dans les campagnes des rois de Hon-grie, car le document publii par le chanoine J.Karicsonyi, dans la revue Szdzadok, amide 1912,no. 4, pp. 292-294, qui prouverait la participa-tion des Roumains avec les Saxons, les Szekleret les Petchenegues a un combat contre lesBulgares de Vidin, sous la conduite du comte deSibiiu-Hermannstadt, ne comprend pas un témoi-gnage contemporain : il est question, en effet, dessouvenirs tardifs d'une expedition qui aurait addirigde au commencement du XIII-e siecle contreces Bulgares, mais la date n'est pas antdrieureA l'année 1250.

Ajoutons un autre acte, publie par le memedrudit, dans la mdme revue, armee 1910, pp.1-24, et oft l'on trouve la mention des Roumainsau commencement du XHI-e siecle. C'est un

' Aussi dans nos Actes et fragments, III, p. 76.

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rapport politique intéressant la Hongrie et tired'un formulaire de correspondence. Il est fondé,il est vrai, sur des actes authentiques, mais danslequel on se permettait toute espece d'omissionset d'ornements rhetoriques.

Nous avons déja dit que l'invasion tatarecontribua a accroitre, sous certains rapports,l'importance de l'élément roumain. Ceci est vraimême sous le rapport militaire. En diet, toutesles regions au-dela des Carpathes appartenaientdésormais au Khan de la Horde d'Or et, pourdéfendre le royaume des invasions qui pouvaientse produire a cheque moment, l'organisation desSzekler, s'étendant sur les deux versants desCarpathes moldaves, jusqu'assez loin, n'etait passuffisante. II fallait transformer la Transylvanieentiere, avec sa population rournaine aussi, dansune marche hongroise, ayant une organisationspéciale et soumise a l'autorité de chefs respectés,capables d'entreprendre a cheque moment, avecles elements disponibles de 'la province, nonseulement une oeuvre defensive, mais aussi, enégard aux empiétements des Tatars en Bulgarieet aux vicissitudes de la decadence impérialebulgare, une attaque énergique vers le Danubeet au-dela du Heuve. C'est pourquoi une Hon-grie au-dela du Danube" s'est formée, vers l'an1260, sous la conduite du jeune roi Etienne,premier-ne de Bela.

A ce moment les Bulgares, excites par le

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roi de Bohême, avaient envahi, des 1260, lesregions du Banat de Severin, soumises auxHongrois, on le Ban Laurent fit prendre unepartie des envahisseurs, afin d'effrayer les au-tres 1. Etienne, duc de Transylvanie" princedes Coumans" , lesquels portaient souventdes noms empruntés aux Rournains : Borchol,Borciul, ou bien leur transmettaient leurs noms,comme celui de Keyran, qui rappelle le dis-trict de Cilvaran-Sebq ou Caransebeq, dansle Banat de Timipara , voulut etre inde-pendant, meme aux dépens de l'unité politi-que hongroise et par trahison envers sonpere, qu'il osa combattre avec ses fideles, en grandepartie des bans" des regions transylvaines, d'uneorigine probablement roumaine, comme Alexan-dre, fils du comte Demetre et autres compagnonsd'ttienne. Aide par cette noblesse locale et cer-tainement aussi par les chefs de la populationrournaine libre au-delà des Carpathes, ce princetraversa la Valachie pour aller combattre lesBulgares et les Byzantiris jusqu'à Plevna. Aumoment ou les troupes de son pere cherchent ale soumettre, il se defend dans le chateau deFeketig", qui pourrait etre Feketehalom, enroumain : Codlea, tout pres de l'ancienne frontiere,du age' de Bra§ov-Kronstadt. II est servi par lesCoumans et cloit cependant les combattre de temps

' Ct. Hurmuzaki, Documente, 1, pp. 298-299, no. 217;p. 317, no. 29g.

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en temps ; puis ces Coumans se retirent, en 1288'sur le territoire des Tatars, oil ils rencontraientdes congeneres melange's aux Roumains et vivantcomme sujets du Khan '.

Apres la reconciliation du prétendant Etienne,du jeune roi", avec son pere, la Transylvanie-obtint un nouveau voévode, Nicolas, qui est enmeme temps comte du district septentrional deSzolnok. Desormais la parité constitutionnelle desRoumains avec les elements étrangers en Tran-sylvanie est définitivement admise ; les chefsroumains prennent part aux assemblees de laprovince, a côté des Saxons, qui s'etaient revolt&contre le roi Ladislas IV, le contraignant I veniren personne dans cette province troublee, et acôté des Szekler et des nobles hongrois, ainsiqu'on peut le constater au mois de mars 12912.Parmi ces nobles roumains, se trouvait, mal-gre la descendance hongroise qu'il invoque, sansdoute Ugrinus, Ban de Severin, des 1268, quiavait comme heritage de ses ancêtres, ainsiqu'il en est fait mention expressement dans ledocument des possessions a Fagarag et aZumbothel (Sambfita), dans ce meme districtde l'Olt 2.

1 Les renvois sur les pages 61-62 du livre roumain cor-respondent que nous abrigeons.

' Zimmermann-Werner, loc. cit., p. 177, no. 224.' Ibid.

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Tel le était la situation des Roumains A la findu XIII-e siecle. L'extension politique de la Hon-grie les avait trouvés en Transylvanie sous leursvoévodes et leurs juges de districts, qui servi-rent de modele pour le voevode au nom du roide Hongrie et pour les Sieges de justice desSzekler et des Saxons. La nouvelle souveraineténe changea rien aux anciennes conditions d'ad-ministration de la province, basées, comme par-tout en Hongrie et en Europe, sur une traditioncommode, acceptee generalement par les sujets ;elle garda un passe qui ne pouvait pas offus-quer, ni constituer un danger, A une époque oilridee nationale n'avait pas même commence Apoindre. A We de la Transylvanie du roi et deses chAtelains, de celle de l'eveque catholique,de celle des Saxons, des Szekler, des ChevaliersTeutons, il y eut une Transylvanie roumaine,autonome, avec des villages parsemés dans lagrande foret, ayant aussi un territoire. Les roisen détacherent A leur gre des territoires pour enfaire des donations A leurs Hales ou A l'Eglise,jusqu'A ce qu'une mesure definitive céda auxTeutons, dont l'heritiere fut la Couronne elle-meme, tout ce territoire. II garda cependant unregime fiscal particulier et des obligations mili-taires mettant ses habitants sur le meme piedque les Szekler autonomes, gardiens de la fron-tiere. Participant aux aventures militaires dujeune roi Etienne, les Roumains, sous leurs

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bans" portant des noms tires du calendrierorthodoxe, releverent encore une situation mili-taire déja acquise pendant les combats de laroyauté hongroise apres l'invasion des Tatars.Une parité politique genéralement reconnue en futla consequence. Les documents de la fin duXl ll-e siecle sont la pour le prouver. Des noblesroumains catholiques conservaient le beneficede leur terre. Les Roumains participaient, enoutre, dans une assez large mesure aux hon-neurs du royaume, aux honores regni".

Et, rnaintenant, mettons en regard de ces con-clusions, strictement tirdes des faits, les illusionspassionnées de ceux qui font venir, a ce mo-ment meme, oil la Peninsule Balcanique n'ex-pulsait pas ses habitants par des commotionspolitiques qui ne se sont pas produites, et oala Hongrie, a la fin de la dinastie arpadienne,n'offrait rien de particulierement attrayant, aumoment enfin ou entre la Bulgarie et la Serbie,d'un côté, et la Hongrie, de l'autre, il y avaitencore l'organisation puissante de l'Empire tatarede NogaI et de Tocte, les Roumains en pe-tites bandes, semblables aux Tziganes, pour de-mander a la munificence des maitres de laHongrie, des défenseurs des terres transylvainesle privilege de fixer leurs tentes quelque part aubord de la route I En dehors du caractere illo-gigue de cette théorie, qui ne repose sur rien d'es-sentiellement humain dans les relations entre les

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peuples, y a-t-il un seul fait, nous ne deman-dons pas une mention dans les chroniques oules documents a ces critiques, qui demandent,eux, a chaque moment, des mentions dans leschroniques et les documents aux Roumains eux-memes pour qu'ils prouvent ainsi leur existence ,y a-t-il, disons-nous, un seul fait qui puissesoutenir ces elucubrations intiressées ? Le cha-noine Karácsonyi pretend tirer cette conclusiond'un acte royal, date de ranee 1293 ', qui ordonnede rappeler les Roumains serfs qui s'étaient enfuisdu bien-fonds de Zekes, en roumain Secas, ceuxque le pere du roi avaient admis comme habi-tants sur les terres du chapitre de Fehérvár. M.Karácsonyi croit pouvoir en déduire qu'il estquestion dans cet acte de toute la populationroumaine se trouvant en Transylvanie et quiaurait pu, par consequent, etre comprise entreles limites d'une simple propriété ! De son ON,le professeur Szádeczky publiait dans la revue,souvent citée, Századok", armee 1908, page 577et suivantes, un acte, date de Penn& 1292, parlequel un particulier recoit la permission du roide pouvoir rassembler des Roumains et lesretenir apres les avoir assembles sur ses biens".Cet acte peut-il avoir autre signification quecelle de la presence des Roumains parmi leselements non fixes encore dans la province,

' Ibid., pp. 195-196, no. 264.4

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elements qui appartenaient sans doute aussi ad'autres nationalites, sans en excepter les Saxonseux-memes, bien qu'attachés par leurs privilegesa leurs terres de donation royale ? Car ce n'étaitpas la nationalité qui donnait l'envie de se cher-cher de nouveaux gites, mais bien la situationde serfs mécontents de leur maitre et toujoursa la recherche d'un patron plus doux pour leurpersonne et plus liberal pour le produit de leurtravail.

A ce moment la dynastie arpadienne s'eteint:un nouveau regime commence pour la Hongrie,et pour les Roumains de Transylvanie aussi, sousles rois de la dynastie angevine.

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IV.

La nouvelle situation des roumains sousles Angevins.

Lorsque Charles-Robert parvint A gagner sonheritage hongrois, apres de longs combats etmalgre l'opposition acharnée du vothrode, devenude fait indépendant, de la Transylvanie, Ladis-las Apor, il inaugura un systeme politique quela Hongrie n'avait pas connu jusqu'alors. LesArpadiens conserverent jusqu'au bout les basesprimitives de leur pouvoir: descendants des an-ciens chefs de la migration et de la conquete,ils resterent toujours attaches A la tradition. Roismagyars du pays de la Hongrie, qui resta tou-jours le centre et le but de leur action, sansavoir un caractere national dans le sens moderne,ils furent des souverains nationaux dece pays,transmis de generation en generation comme unpatrimoine. L'extension politique du ate de laSerbie, de la Bulgarie, de la Coumanie, sans par-ler de la Croatie conquise par le roi Coloman,n'avait pas contribué A transformer cette royaute-locale et nationale dans un Etat ayant des am-bitions impériales ; seule la croisade entreprise

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par le roi André, qui se considérait commel'heritier des empereurs latins de Constantinople,a un caractere qui tranche sur la physionomiepolitique habituelle du royaume sous les rois del'ancienne race.

II en est tout autrement sous les Angevins. Cesont des &rangers qui restent des &rangers, nondans le sens qu'ils chercheront a imposer auxHongrois de vieille roche la suprématie politiqued'une autre nation, mais bien dans celui d'unimperialisme aux allures féodales, tel que Char-les d'Anjou l'avait etabli a Naples et que cer-tains rois de France, a partir de l'époque dePhilippe-le-Bel, chercherent a l'imposer a l'Eu-rope entiere, impérialisme qui ne tient compted'aucune nation privilegiée, d'aucun droit histo-rique sur le territoire de son heritage et emploiesans distinction tous les peuples pour arriver aune domination de plus en plus etendue jusqu'agagner la couronne impériale, a Constantinople ou a Rome, qui est le but dernier de sesvoeux. Charles-Robert et son fils Louis-le-Grandveulent avoir les pays dont les noms sont com-pris dans les titres des rois arpadiens et, de plus,soumettre les pays roumains echappés au jougtatar, pénétrer sur le Danube, dans la Serbie etla Bulgarie en meme temps, et marcher, sous ledrapeau de l'eglise catholique, contre les Turesinfideles, vers la domination universelle a Con-stantinople. Un pareil ideal supposait des effortsmilitaires incessants et la favorisation constante

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de tous les elements nationaux qui pouvaient etreemployes dans des combats sans cesse renouve-les. Or les Roumains avaient gagné, des la moitiedu X1II-e siecle. un role militaire qu'ils conserve-rent et étendirent sous les Angevins et grace auxAngevins eux-memes, qui se rendaient comptede la valeur de cet element oriental fidele a seschefs et d'instinct adonnes a tout essor de con-quête et de domination. Ils obtiendront une or-ganisation nouvelle, fondee sur leurs anciennescoutumes, sous des chefs appartenant a leur na-tion, et pourront donc jouer au cours du XIV-eet XV-e siecles pour la premiere lois un r6lehistorique ininterrompu.

Le voevodat de tradition obtint, de par la re-connaissance de l'Etat, un nouvel eclat. Lesvoevodes seront, sous les rois angevins, descomtes; on les rencontre sous la nouvelle dy-nastic dans les districts de frontiere. En 1326,a Hudus ou Hydus (Hodos, en roumain), duOtt de Nagyvarad-Oradea, on trouve un voé--vode qui y habite" (considet et commoratur):Neagul. 11 &sit sans doute le descendant dechudes anciens voevodes du district de Bihor toutentier'. Toute une nouvelle série de voévodeset autres chefs apparaitront dans cette regionau cours du XIV-e siecle: un Ivan, ayant pourfreres Boch" (Voicu ?) et Bale; un Nicolas deZlatna (en slavon Slatina), fils de Candea (Kend

' Hurmuzaki, Documente, I, p. 598, no. 474.

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dans le document), ayant pour parent un Blaise,un Vladislav, un Tatomir, un Stoian '. A Hal-magiu (dans le document : Holmad) on trouvele voevode Byharch, qui y habite aussi ; et, sil'acte en fait mention, cela ne signifie guere quele voevode avait des droits sur ce village, maisbien qu'il y résidait, son autorité pouvant etrebeaucoup plus &endue.

On rencontre dans le Banat un voévodeBogdan, fils de Micul", lequel, avant 1335, you.lait passer en Hongrie, quittant sa terre", et cefait itait d'une importance si grande, que le roidut envoyer par trois fois chancelier, l'archeve-que de Kalocsa, qui employa une année entiereA sa mission 2. Mais il parait qu'il s'agit, nond'un voevode d'émigration, ni meme d'un cheflocal, habitant dans le Banat, mais d'un de cesprinces roumains de la Transalpina" coumane,constitude en principaute de tout le pays rou-main", qu'on rencontre aussi dans une lettrepontificale de l'année 1345 '. Citons Egalementle voevode Radu de Kuvesd (en roumain Cuie0i),en 1370 4.

' Ibid., p. 304; p. 469, no. 387. Voy. J. Bogdan, Ori-ginea Voevodatului la Romdni, dans les Annales del'Acad6mie Roumaine', XXIV, p. 197, note 6.

' Hurmuzaki, Documente, I, pp. 637-638, no. 509;Miluilyl, Diploame maramurd$ene, I, pp. 11-13, no. 5.Cf. lorga, Sate fi preofi ln Ardeal, p. 134, note; Bog-dan, Voevodatul, p. 196.

' Hurmuzaki, I, pp. 697-698.4 Ibid., l', pp. 166-167, no. 129.

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Fig. 4. Entre jeunes gens (Transylvanie)

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La frontiere la plus importante était cependantvelle du Nord et de l'Est, oit l'ennemi etaitpresenté par les paTens tatars et lithuaniens, sanscompter la rivalité avec la Pologne, qui cher-chait a s'attribuer les provinces russes de laGalicie, en pleine decomposition politique. Ontrouve ces voevodes dans le Maramur4, puisdans les comités déjà cite d'Ugocsa (le nom estroumain : Ugocea ; comparez Bratocea, etc.) deBeregh (cf. le village Bargfiu, du We de Bistrita,en Transylvanie). En 1370 on constate dans ce-dernier comté, qui appartenait a la reine, repré-sentée par un comte hongrois, le droit des Rou-mains, de la communauté de nos ValaquesTM,

leur voCvode, destine a les représenter-sous tout égard, sauf celui des droits de pro-prieté de la Couronne. Le comte susdit devrarenoncer a sa coutume de nommer d'autres of-ficiers a la place du voévode"1. Dans le comtévoisin d'Ung, on rencontre, en 1383, les héritiersde feu Stanislas, ancien voevode des Roumains-tle la reine", et il est dit expressement2 que :les Roumains du Maramur4 et d'autres regions

royaume de Hongrie" jouissent de la memeliberté", c'est-a-dire des mémes privileges d'or-ganisation autonome.

Cette province, bien qu'elle abritat un grand

loc. cit , pp 63-64, 75-76, 78.Cf. ibid., p. 64, no. 35, puis p. 77, et Hurmuzaki,

11, p. 214, no. 161.

re-

(retire

du

Mihályi,

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nombre d'hôtes du roi" dans ses villes, dont-Campulung (Hosszümez4i) au moins, ainsi quele nom le prouve, est d'origine nettement rou-maine, et des moines catholiques ayant leurs.convents pareils a celui des Cisterciens deTransylvanie, etait consider& encore au XIV-esitcle comme un territoire extérieur, non seule-ment de la province transylvaine, mais du royaumeentier. 11 fallait frayer un chemin a la culture

travers la grande foret seculaire.Sous ce rapport, aussi bien que sous celui de

la defense militaire, le voevode pouvait etre utile,et on le trouve des l'année 1299. En 1303 ilcumulait également la situation de comte d'U-gocsa ', et la situation était héréditaire, car lefils du voevode cite en 1303, un magister",occupait la meme fonction de comte du Mar-moros en 1326 2. Parfois on mentionne des voé-vodes qui paraissent n'avoir sous leur jurisdic-tion qu'un seul village, mais ii s'agit, commepour les parties occidentales de la Transylvanie,d'une residence, et non d'une circonscriptionadministrative. Un de ces voevodes, Bogdan,résidant a Cuhea, fut le fondateur de la princi-pauté de Moldavie, oü ii remplacait Sasul vothrode,bale du roi Louis et fils d'un autre representantde l'autorité royale au-dela des Carpathes, ducôté de Baia, Dragoq, qui fut le premier a s'é-

' Bunea, loc. cit., p. 160.ZimmermannATerner, ouvr. cite, I, p. 407, no. 450.

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tablir sur les bords de la Moldova, formant unboulevard de defense de la Hongrie de ce Ott"de la province tatare. Bale, le fils de Sasul,obtint la situation voevodale dans ce Maramou-reche, abandonne par le rebelle Bogdan. Son frereDrag ou Dragu lui est associé.

On pensait A ce moment A remplacer la Mol-davie, perdue dans son role de marche hongroiseau-delA des Carpathes, par une nouvelle marchetransylvaine, s'étendant du Maramoureche, parBistrita et le pays des Szekler, jusqu'aux environsde Kronstadt. Un Andre, fils de Latzco, réunit plu-sieurs fonctions dans ces parages au moment oilBogdan se detachait definitivement, avec ses pos-sessions, du royaume de Hongrie. Pour renforcerla nouvelle marche, Louis-le-Grand eut l'idée d'yetablir des Roumains, descendants de l'anciennedynastic originaire du Maramoureche, creantainsi une espece de province rivale, attribuée aulegitimisme des descendants de Dragos, en facede la province rebelle des descendants de Bogdan.C'est pourquoi Bale (Balica) ne porte pas seulementle titre de comte du Maramoureche, mais aussi,enteautres honneurs", celui de chAtelain des for-teresses de ce meme Maramoureche, ainsi que deKävdr, au Nord de la Transylvanie, et de Rodna.On lui permet de bAtir sur ses possessions le grandmonastere roumain de Saint-Michel, A Peri (K6rt-vélyes), que les deux freres soumirent directementau Patriarcat de Constantinople comme stauro

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pygie, a l'occasion d'un de leurs voyages dipla-matiques au nom du roi, et l'extension de laJurisdiction de cet exarque de Peri montre re-tendue du domaine des petits-fils de Dragos.II comprend les comtés d'Ugocsa et de Beregfr,d'Abaujvár et meme les regions transylvainesvoisines, Ciceul (Csicsii), de Unguras ou Bolo-vinis (hongrois : Balvanyos), et de Bistrita. Les_fils de Bale furent chatelains a Tecsd, et celuide Drag devint le fameux voévode de Tran-sylvanie Barthélemy ou Birtoc. Et a côté decette grande famille du Maramoureche, dont ilsera question aussi plus loin, il faut mentionnercelle de Doboca, alliée a la dynastie valaqued'Arges. A partir de l'année 1336 on rencontresouvent comme archidiacre d'Ugocsa, de Tylegdet de Doboca, aussi comme doyen parmi les.chanoines de Orade, un magister" qui s'intituleLadislaus Vaivoda" et qui etait le fils du voe-vode Laurent. On rencontre aussi un homo-nyme, magister" aussi, fils de Nicolas, troi-sieme fils de Jean et neveu du precedent (1366).Ladislas de Doboca, fils de Ianus Meister"et neveu du Ban Michel, qui était donc un Rou-main, obtint en fief du prince valaque Vlaicu,trois villages du duché de Ffigaras, et a cetteoccasion le prince declare que Ladislas estson consanguineus", son parent de meme ori-gine. Ladislas avait un fils du nom de Nicolas,et la famille était alliée, a ce qu'il parait,

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aussi a celle du Ban Laurent et du voevodeLaurent, fils de ce dernier. En Valachie, sous leprince Mircea, et plus tard encore, on rencontredes membres de la famille DobAcescul, qui sem-ble etre la meme 1.

C'est l'époque oil l'élement roumain, du Mara-moureche au moins, sinon celui de la Transylvanieaussi, contribue essentiellement A la formationdes nouveaux Etats representant la meme race-en deca des Carpathes. Il y a donc un courant-d'émigration, d'expansion ethnique, se dirigeantvers le Sud et le Sud-Est et en Oat de créer denouvelles formes politiques appartenant A la raceroumaine et alors on doit se poser cette ques-tion : comment peut-on concilier la directionincontestable de ce courant avec l'idde absurdethine immigration de l'élément roumain venantde la Peninsule Balcanique et suivant, par con-sequent, une direction tout A fait opposee, du Sudau Nord et au Nord-Ouest ? Et il faut mention-ner aussi ce fait, tres significatif, qu'au momentoit les adversaires de la continuite des Roumainsau Nord du Danube les font venir de certainsrecoins mysterieux des Balcans, les empereursbyzantins s'efforcent de gagner pour leurs guer-

' Pour la documentation, nous renvoyons A l'ouvrageroumain que nous résumons ici, p. 741 nous ferons demerne pour toutes les citations d'une trop grande dtenduepour etre reproduites dans une publication commecelle-ci.

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res des soldats roumains, qu'ils engagent sur lesbords du Danube et qu'ils font combattre pourleur cause jusque dans les vallées de l'AsieMineure. Dans les Balcans meme on peut suivre,dans la vie de la population roumaine, cantonnde-dans ces yanks, la meme direction, qui est dureste génerale pour toutes les nations d'Orientvers le Sud et le Sud-Est: les Roumains qui setrouvaient dans les Balcans ont completementdisparu; au contraire les Roumains du Pinde se-sont maintenus et ils ont fait de la Thessalie uneGrande-Valachie et se sont rneme étendus plus-loin, jusque dans la péninsule du Mont Athos eL

certains moments, dans le voisinage de Con-stantinople méme.

Revenons a la politique des Angevins enversles chefs traditionnels des Roumains.

On trouve des cnezes, des juges, dans chaque-region de cette province. Ils ne sont pas des-chefs de colonisation comme ceux qui ame-nerent des Roumains par petits groupes en Ga-licie, sous l'égide des rois de Pologne, attXIV-e siecle. Leur r6le est celui de chefs per-manents d'une population établie sur le territoire.ancestral.

Des 1301 on trouve au milieu des Szekler le-cntze Ursul, a la tete d'un ,village roumain",c'est-a-dire de droit roumain, remplissant cer-

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taines fonctions dévolues spicialement aux Rou-mains 1.

Ces villages servaient a l'entretien et a ladefense du chateau royal d'Udvarhely, et leshabitants remplissaient aussi des fonctions mili-taires, mais non en qualité de cavaliers. Entre1360 et 1370 un autre village roumain", ayant

sa tete un cneze pareil, est consacré au ser-vice de la forteresse de Balvanyos 2. En 1383.le chateau de Salgo, pres de Hermannstadt,était servi par les Roumains d'un village mis.sous les ordres du cneze Vladimir (Fladmenss),qui avait les pouvoirs nécessaires pour conclure-un vrai traite avec les magistrats saxons duvoisinage. Ils habitaient probablement le gros.village" valaque, Grossdorf pour les Saxons, quiporte également le nom de Saliqte, de selo",.en slavon : village. C'etaient des pâtres qui gar-daient la frontiere et, cotnme on leur attribuaitdes incendies frequentes dans les villages pri-vilegies du voisinage, Vladimir accepta que letemoignage de sept personne hit suffisant pourfaire perk sur le bacher ceux qui seraient pre-venus de ces mefaits. La situation etait en effet-bien curieuse, vu qu'on défendait a ces soldats

1 On trouvera la mention de plusieurs de cee Ole%vil!c olachalee" ou ville olacee" I la page 76 de rou-vrage roumain.

Hurmuzaki, I, p. 142, no. 104 ; p. 227, no 177.

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de frontiere de porter des arcs en dehors del'exercice de leurs fonctions militaires. D'autresRoumains, habitant les villages saxons, partici-perent A la conclusion de cet acte, et parmi eux-on retrouve un cneze CAndea 1

Dans l'angle du Sud-Ouest de la province,Au Ole de Hateg, on trouve en 1363 ces cnezesroumains qui prononcent des sentences dans lesproces de leurs congéneres, de concert avec lesnobles et les vieillards" ; parfois ces cnezessont employes A surveiller le défrichement desanciennes forets, ce qui ne signifie nullementlu'ils étaient les chefs d'une population récem-ment immigrée. Pres de Cluj, oa il y a éga--lement une foret infestée souvent par les bri-gands, les Roumains sont charges de surveillerles routes et forment un village privilégid ayantcette unique mission : ce sont des gens fibres,payant cependant, selon la coutume valaque",la quinquagesima, c'est-A-dire un mouton surcinquante de leurs troupeaux, au roi ou memeA la vine 2. II sera rnontre plus loin quelle est ladifference entre les cnezes ayant des attributionspolitiques en relation avec le passe et ceux quiitaient créés sur le modele de ces anciens jugespar le roi de Hongrie, en vue de certains ser-

I Zimmermann-Werner- Muller, ouvr. cite, II, pp. 565-566,no. 1170

2 Hurmuzaki, I, p. 402, no. 336; 1 2, p. 73; p. 74, no.55, p. 397. Cf. p. 246, no. 191; II, p. 51, no. 40.

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vices qui devaient etre pretés a la Couronne ouA diffirentes communautis politiques.

Dans le Banat, on rencontre, au cours de cememe siecle, des kenezii° comme chefs de.villages.

Enfin, du côte du Maramoureche, oil les villagesroumains sont tres nombreux, ressortissant del'autorité royale seule, on voit souvent des guer-riers recompenses pour leurs services dans les-batailles par une donation de la part du sou-verain, qui leur attribue, comme nobles, des.situations pareilles A celles des knezes. Tel unStanislas, qu'on rencontre dans un défilé demontagne en 1326. Ces cnezes sont héréditaires,.et ils peuvent avancer A la dignité de voévode._Il arrive même que des villages sont fondés parle cneze, qui, comme en Moldavie plus 'tardayant obtenu du roi une possession quelconquenon habitee, rassemble ses congéneres pour enformer les habitants de nouveaux villages. Les.villages de Giule0i, Dragomire0i, Vfince§ti, dontle nom montre une colonisation, ne rappelleraientpas, selon la coutume, un ancetre commun, maisbien le cneze colonisateur, ancien soldat du roi.La plupart des villages du Maramoureche portentdes noms en relation avec cette nouvelle coutumeintroduite par les Angevins. Enfin, du cOté duBanat, on voit des cnezes qui transmettent deJeur propre autorité le droit de coloniser surleur terre A ceux qui s'offrent A le faire et ne

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ronservent que le droit de juger dans des procesde larcin et d'incendies. Une troisieme categorie-serait enfin celle des cnezes auxquels on conferele droit d'administrer un village, mais sans let-lres royales, pour qu'ils remplissent plus tarddes fonctions militaires 1. Parfois les cnezes seconfondent, et de plus en plus, avec une anciennesituation constitutionnelle hongroise, celle desdobagiones castroram, des chefs de soldats ayantl'obligation de servir une forteresse. Ce iobagio",d'origine petchénegue ou ouralo-alteque, &sitpresque un noble, et ce n'est que plus tard qu'il-déchut, jusqu'à ce que son titre signifia un simpleserf de la glebe.

Nous avons cite dans notre ouvrage roumainun grand nombre de donnees, tirées pour laplus part du premier volume donne par feu N.Densusianu A la collection roumaine Hurmuzaki,dans lequel on peut voir nettement l'equivalencedu iobagio" avec le kenesius". Dans la plu-part de ces exemples on retrouve encore rat-lribut: royal" reuni au titre du iobagio".

Dans le Banat seulement, le cneze devientassez rapidement un simple juge de village, oupour citer une definition contemporaine, celui

' MihMyi, ouvr. cite, p. 120; Zimmermann-Werner-ouvr. cite, II, p. 256, no. 862. Cf. l'ouvrage recent

tie M. Helmut Haufe, Die Wandlung der Volksordnungtm Rumiinischen Altrelch, 1939.

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qui conserve les revenus des villageois, les ad-ministre et fait les paiements" ; il a la chargede ramener les paysans qui s'enfulent et chercheA gagner d'autres habitants pour son maitre. IIest un homme libre, mais s'il veut quitter sonvillage, il doit payer d'abord son terragium"et ses dettes.

Les mesures royales destintes a assurer lesfrontieres en colonisant une population toujours_prete a agir contre l'ennemi produisirent néces-sairement des mouvements de caractere migra-toire au milieu de la population roumaine, maisil ne s'agit que de changements ayant un ca-ractere local. Si le roi prend A un certain momentdes mesures d'ordre, et non de persecutionnationale, qui etaient encore impossibles, contreles malfaiteurs" de toute nation", mais surtoutroumains", il insiste sur cette qualité nationaleseulement parce que le nombre des rebelles Al'ordre devait etre plus grand parmi ceux deshabitants de la province qui etaient plus pau-vres et plus opprimés. Ces mesures sont cer-tainement tres séveres, comme partout au moyen-Age. Cinquante témoins suffisent pour qu'un pre-venu de larcin ou de brigandage Boit tue, memes'il est noble, les témoins &ant cependant demerne qualité. L'Olacus communism, le roumainsimple paysan, peut porter témoignage dans lesmemes conditions que d'autres membres de laplebe sociale, et il peut invoquer A l'appui de

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ses assertions contre un noble des cnezes desa nation et rnême de ces cnezes de village, dedegré inférieur, qui n'ont pas de lettres de con-firmation de la part du roi. Les simples villa-geois suffisent pour un témoignage, rnais il fautque leur nombre soit plus grand que celui destémoins de la partie adverse.

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V.

Les Roumains de Transylvanie a partir de lamort du roi Louis jusqu'à l'epoque de

Jean Hunyadi.

Les traditions du roi Louis furent suivies apressa mort aussi A l'égard des Roumains pendantquelques dizaines d'annees. Des villages de droitvalaque sont crees sur differents points du ro-yaume, et les cnezes ont le privilege de lesadministrer sous tous les rapports. On rencontreces villae, dites roumaines ou cneziales, jusquevers la moitié du XV-e siecle dans les docu-ments assez nombreux, mais il faut avouer quel'institution voévodale ne put se maintenir apresla mort du roi qui avait cherche a en faire lescomtés roumains des parties orientales de songtat.

Le premier successeur de Louis fut Sigismondde Luxembourg, époux de Marie, fille ainde duroi defunt. C'était un empereur en germe, parson ambition aussi bien que par ses relations-de famille, bien avant son election comme roi(les Romains. Plus que pour Louis, la Hongrie

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n'était pour lui qu'un point d'appui, et il ne sesoucia guere de la défendre meme contre lesinvasions répétées des Turcs. Sa royauté hon-groise et bohémienne devait le soutenir dans sestentatives de soumettre A son autorité l'Europecatholique entiere et meme de se presenter enOrient comme representant imperial de l'ideecatholique. Il se trouvait mieux en Allemagne,dans les villes de l'Empire, en Suisse, ou iifaisait brciler Jean Huss, en Italie, ou ii venaitceindre la couronne des Cesars, que dans l'héri-tage de son beau-pere ou sur les confins desCarpathes et du Danube, ou ii &sit appele pourtenir tete au Sultan. Il ne croyait guere etre lechef d'un Etat unitaire et, en ce qui concerne laTransylvanie, 11 ecrivait au Pap; en 1412, quec'est un pays de différentes nations et langues"(promiscuarum gencium et linjuarum), en citant,aupres des nobles hongrois, des Saxons et desSzekler, les Roumains qui cohabitent avec cesnations et autres schismatiques" et declarantgull est pret A garantir et A étendre les privi-leges multiples et imrnenses" accordés A tousces habitants par les anciens rois. Sous sonregne on retrouve, presque A chaque pas, Al'occasion des combats contre les Tures, degrandes families roumaines participant d'unelarge maniere A la defense de la province: lesTrentul, les Conia, les Heem, dont Benoit, quifut sous Louis-le-Grand Ban de Vidin.

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Souvent l'empereur et roi fait des donationsaux braves qui se sont distingues sous sesdrapeaux, aux vita (d'ou vient le nom roumainde viteaz, brave), qui equivalent aux chevaliersdans cette marche orientale. II est superflu deciter de noms, d'autant plus que nous les avonsdonnés dans la forme roumaine, beaucoup plus,etendue de cet ouvrage (p. 84). On trouve memedes roumains comme pages de la reine Marie,tel ce Jean, fils de Dragomir, apparenté A lafamille de Dragos, qui arriva par la suite A4tre un des plus grands officiers de la Cour 1.

Il y a des fideles, mais il y a aussi des rebellesparmi ces Roumains qui jouent par consequentun role politique tres appreciable: lorsque leprince valaque Dan envahit le Banat avec unearmée puissante", un grand nombre de Rou-mains se rassemblent autour de lui, et ils sontmassacres dans la (Waite 2. Au commencementdu regne de Sigismond, les Roumains Ladislaset Michel, fils de Dan, avec leurs compagnonsLadislas et Zank, sont battus pres de Temesvár 3.Et il faut signaler ce fait que par suite du nou-veau danger pour le royaume qui vient de lapart des Turcs, l'importance relative des diffé-rentes provinces est changée: les regions oit l'on

1 Hurmuzaki, I, p. 312.2 Ibid., pp. 302-306.' Ibid., p. 458.

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colonise les braves, oci l'on organise la defensemilitaire, ne sont plus celles du Nord et duNord-Est, oU la Pologne s'est annex6e la Galicieet oil un autre gendre du roi Louis a obtenu etretenu l'heritage royal du roi defunt, auquel ap-partenaient les deux royaumes catholiques del'Orient. La Moldavie, de son côté, s'est tenementconsolidée, que toute idée de la soumettre, del'incorporer au royaume, a (III etre abandonnee.De ce cote aussi bien que du dote de la Va-lachie, il ne peut s'agir que d'une influence, sousforme de suzeraineté, exercée par la Hongrie aunom des souvenirs arpadiens, mais surtout dela foi chrétienne et de la defense commune con-tre les Infideles ; au contraire, du cote du Banatet des districts situés au Sud-Ouest de la Tran-sylvanie, le danger est toujours present, puisque-les Turcs, arretés sur la ligne du Danube Va-laque par la valeur militaire des princes ou parleurs banes de soumission directe, tournentleurs efforts vers ces regions oil ils peuventatteindre une proie plus riche, peut-etre au prixde moindres efforts.

La defense n'était guere possible a l'aide desmercenaires seuls. Le roi Sigismond employspendant longtemps un Florentin, Pipo Spano, deson vrai nom : des Scolari, qu'il annoblit en luiattribuant le fief d'Osora et en lui confiant la dignite-de comte de Temesvir-Timisoara. Pendant de lon-gues annes, cet Italien, disposant d'une partie

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des revenus de la Transylvanie et employantdes congeneres dans différentes fonctions de laprovince, combattit aux côtés du prince valaqueDan II pour empecher l'invasion des Ottomans.Plus tard, les Chevaliers Teutons furent établisA Severin, sous Klaus de Redwitz, qui disposaitdes memes rnoyens et avait les memes alliesnaturels. Mais ce systeme se montra bientOt trescoCiteux et assez défectueux : il valait mieux em-ployer l'elément indigene, brave, tres peu pre-tentieux et habitué A cette guerilla de montagnequi ne peut jamais etre confite A des &rangers.C'est pourquoi, a Ole de comites regii, des ca-marades du roi dans ces guerres, auxquels lesouverain créait une situation féodale et otficielletout-a-fait éminente, A côté des transfuges desluttes politiques de la Valachie et qui ont néces-sairement un rang superieur, on trouvera cesdistricts valaques du dole de Vajda-Hunyad, enroumain Inidora, de Hateg et de Banat (ob oncomptera sept de ces organisations militaires), quisont en état de tenir tete aux efforts de pene-tration faits par les bandes turques.

Ces luttes, sous des chefs appartenant A lanation, devaient creer A la longue ce qui avaitmanqué jusqu'A ce moment aux Roumains: laconscience de leur valeur nationale, qui étaitbien nécessaire au commencement de cette époquemoderne, qui signifie, en meme temps que l'éta-blissement des Etats sur un territoire Mini, les

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commencements de cette conscience nationalequi dominera les siecles suivants. Et cette cons-cience sera renforcée, en ce qui concerne cesRoumains de Transylvanie, par les relations que-se sont créées les princes de Valachie, plus tardceux de Moldavie aussi, dans cette provincevoisine, a les rois de Hongrie ont dil leur con-firer des fiefs pour s'assurer de leur alliance,necessaire A un si haut degre pour la defensedu royaume.

Des le regne de Louis-le-Grand, 1365, lorsquece roi songeait a fonder sur le Danube un Ba-nat de V idin, forme d'un de tronçons de l'an-cienne Bulgarie impériale, on crut s'assurer duconcows du prince valaque Vlaicu en el-ant ensa faveur, sous le titre de duché, correspondantA celui qui fut attribué par Jean-le-Bon aux.apanages donnés A ses fils, la province de FA-gfira, qui représente la partie transylvaine dela vallée de l'Olt. Le prince valaque avait le droitde coloniser avec ses boiars ce nouveau fief, etil ne manqua pas de faire valoir ce droit. Sesnobles valaques obtinrent des champs et desforets ; ils établirent sur leurs biens des paysansroumains de différentes contrees et des Tziga-nes, esclaves de leur patrimoine. Le prince seréservait seulement le droit de recueillir l'impôten argent, le jugement des crimes et le privilegesupérieur de confirmer en son nom tout juge-ment de propriété. Ils ont bientOt des serfs, les

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vecini, les paysans recueillis dans le voisinage,qui trouvaient avantage A s'établir sur les biensdu maitre. C'est une image réduite de la prin-cipauté valaque sur cette terre transylvaine quicontinuait A appartenir, sous le rapport de ladependance politique, au roi. Sous le cornman-dement supérieur des burgraves, des ,,pArcAlabi"qui resident dans la forteresse, les boIars pretentle service militaire. Ils sont obliges, selon ledroit Modal, A assister aux conseils du repri-sentant de leur prince et aux jugements selonun droit qui est celui de la Valachie. Le sys-teme fiscal est également celui de la principautévoisine, avec sa dime sur tous les produits dela terre et un seul impOt en argent destine plustard a former le tribut da au Sultan.

Ce regime se conserva pendant le reste duXIV-e siecle, jusqu'A une époque assez avancéedu siecle suivant. Le duche de Ffigäras appartenait ou devait appartenir au prince valaque,qui n'oubliait jamais de le réclamer, s'il etaitcede éventuellement A d'autres. En plus, le princeMircea, second successeur de Vlaicu, obtint,au moment oil son alliance etait nécessaire A

Sigismond, en conflit avec son beau-frere, le roide Pologne, disireux de gagner aussi la couronnede Hongrie, comme complement de son fief,les villages roumains des environs de Hermann-stadt-Sibiiu, de sorte qu'il pouvait s'intituler dé-sormais (vers 1387) duc de FilgAras et d'Amlas"

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(en hongrois Om les), d'apres le nom d'un de cesvillages. Un des fils de Mircea, Vlad Dracut,delivra dans le second quart du XV-e siecle desdiplômes d'inféodation a ses bolars dans leduche de Figiras, dont il etait l'heritier.

Les anciens droits des paysans de cette terrede l'Olt n'en furent pas amoindris : on les voltconserver leurs cnezes, leurs jures, leur vieillards,qui exercaient les fonctions traditionnelles. En1438, ils sont meme en mesure d'organiser avecleurs propres forces une révolte, qui fut repriméecruellement par le comte des Szekler.

Pour ce fief transylvain II fallait un eveque, etles princes de Valachie ne manquerent pas del'établir. On rencontre en 1466-9 un &Nuegalliciensis" qui traverse la province recueillantses revenus, das par les pretres roumains, du côtede Hermannstadt Sibiiu, aussi bien que de Orade,et dans le Maramoureche. II s'appelait Macariuset avait ete moine du couvent, inconnu autrement,de Saint-Cyprien a Constantinople. 11 avait acceptél'acte d'Union de Florence, et le pape Calixtel'avait sacre éveque. La residence de ce prélatn'était pas A Galatil de l'autre côté de l'Olt, enface de la forteresse de Fagiras, comme nousl'avons cru, car il s'agit d'un éveque de Galicie.

Revenant aux nobles de caractere militaire dela Transylvanie a l'epoque du roi Sigismond, onles retrouve aussi bien dans le Banat que dans

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ce territoire du Hateg, ob ils sont attestes pardes documents nombreux, et dans d'autres regionsde Transylvanie 1.

Beaucoup plus haut que tous ces chefs deguerriers roumains s'eleva une personnalite emi-nente, qui appartient a la Hongrie par le grandrole qu'elle remplit au profit du royaume dontelle devint le capitaine-géneral, le gouverneur, lepere d'un des plus grands de ses rois, du seulqui fut grand a l'époque moderne, Matthias, maisqui resta Roumain par ses origines paternelleset maternelles, par le milieu ob il naquit etpassa ses premieres années, par son prerniernom de lancu, qui fut garde non seulement parles Roumains, mais aussi par tous les chretiensorthodoxes des Balcans, alors que celui qui l'avaitporte se faisait appeler Jean de Hunyad. II restaRoumain enfin par le grand role qu'il remplitau profit de la chretienté et contre les Turcs, enemployant en premiere ligne ses Roumains deTransylvanie, les guerriers des districts valaques"et leurs congeneres des deux principautes, mol-

Aave et valaque, avec leurs princes, souventapparentés a sa Maison, a leur tete.

En 1409 le roi Sigismond confiait le petitchateau de Hunyad au roumain Voicu, fils deSerb, simple aulae miles, c'est a-dire guerrier au

' Leurs norns et la mention des documents relatifs a eux,

a la page 93 de l'ouvrage roumain.

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service du roi. On connait toute la famille, dontles noms sont cites dans le document. II a deuxfreres, Mogo§ et Radu, et un troisième, Radu,né d'une autre femme, ainsi qu'un fils, Jean. Jeande Ffunyad naquit plus tard. On le distinguaitde son frere en l'appelant lancu. Ce fits deVoicu servi d'abord comme vitéz", commechevalier mercenaire aux gages de celui quivoulait l'engager, comme condottiere; en Tran-sylvanie, en Hongrie sous un Csdk, sous Fran-cois de Csandd ; puis il passa au service del'eveque d'Agram, des Visconti de Milan, quil'employerent de 1433 a 1435. II servit ensuitesous les drapeaux du roi Sigismond, auquel ildonna des garanties territoriales. Bientôt il devintun des grands dignitaires du royaume: personnalitdillustre au XV-e siecle, un des premiers soldatsde l'Europe, il s'opposa continuellement a l'in-vasion turque, traversa plusieurs lois la PdninsuleBalcanique, parvint jusqu'i Varna, oh l'atten-dait la defaite, au moment ou il espérait pouvoirs'embarquer pour mener son roi, le Polonaisqu'il avait amend dans le pays, Vladislas, AConstantinople, pour l'établir dans la vine im-périale comme restaurateur de l'Empire latin auxddpens de ce basileus" grec qui n'dtait pas endtat de se défendre. Apres cette Mane, il ras-sembla de nouveau, plusieurs lois, les forces dontil disposait et fut jusqu'au bout l'ennemi capitaldes peens", qui sut barrer h route aux Tures

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avançant vers l'Occident. Glorifie par le Pape,l'opinion publique europeenne entière concentrapendant longtemps l'idée chretienne dans soncaractere offensif, dans sa personnalite infatigableau millien des combats, qui reunissait A l'opi-niAtreté particuliere A la race roumaine un cou-rage Untie de taste et de vanité en face dudanger.

Ses camarades furent tres souvent des Rou-mains, originaires des districts dont il a étéquestion plus haut, membres des families Bizere,Ciorna, qui donna vers 1450 un Ban de Severin,Mu§na, Chendri§, MAcica§, les descendants deceux qui avaient combattu sous Sigismond enBosnie contre Chrvoie duc de Spalato, et quiavaient accompagné le roi Albert, successeur deSigismond, dans ses guerres, Simon, originaire duMaramoureche,fut aux côtés de Hunyadi jusqu'auxfrontieres de la Romanie" byzantine, en 1443 ;

le frere de ce Simon, Georges Mare§, tomba encombattant contre les Turcs. Un grand nombredes habitants du Mararnoureche obtinrent des fiefsA cette époque, en recompense de leurs servicesmilitaires.

Parmi les Roumains du Banat, certains avaientservi sous Pippo Spano, et des villages leuravaient été accordés pour des actes de bra-voure. Deux membres de la famille MAcica(en hongrois MacskAssy) avaient eté tiles, sousles yeux de Sigismond, dans le combat de

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Goloubatch ; un Jean Chenderq avait defenducontre les Tures la Porte-de-Fer, qui fermait al'Occident l'acces en Transylvanie. Pendant la

longue campagne de Hunyadi, le Roumain JeanUngur, conduisant plusieurs rnilliers de cavaliers,rompit les rangs des Turcs a Niel), pour perirensuite dans le choc pres de la riviere de laMorava, ou il obtint un eloge peu mediocrepour la large profusion de son sang" 1. Un ho-monyme devait combattre a Jaice, en Bosnie, aChabatz, en Serbie, puis contre les Bohémiens,les Polonais, les Autrichiens, contre le grandprince moldave Etienne, sous Matthias, fils deHunyadi, et ce dernier pouvait citer parmi sesfideles dans les grandes batailles de Zlatitza et

de Varna, du Champ du Merles, a Cossovo, sescongéneres Dej et Ladislas, du Banat le cnezeTheodore qui lui donna son propre cheval af(ossovo et le sauva ainsi des mains de sesennemis" 2.

On peut dire que l'importance principale dejean Corvin Hunyadi dans l'histoire universelleest celle qui reside dans son caractere représen-tatif de l'élément roumain en Hongrie et dansson droit de decision indiscutable A regard del'élément roumain de Moldavie et de Valachie.

1 Non ultimam laudem cum sanguinis sui largaeffusione reportavlt; Hurmuzakl, I', p. 762, no. 620.

' Ibid., pp. 742-744, no. 615; II ', r. 270.

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II accomplissait une mission que ces Roumainsdes principautes n'auraient pu accomplir parleurs propres princes, car chacun d'eux étaitempeche par la tradition de se mdler dans lesaffaires du pays voisin, et tous deux étaient tropfaibles pour aspirer a réunir a leurs forces cellesdes Roumains de Transylvanie. Ce grand roled'histoire universelle a été joué par la race rou-maine grace au Corvin, jusqu'au moment oh,apris la defense heureuse de Belgrade contreMohammed II, le héros mourut, encore jeune, ala suite de ses fatigues incessantes pour la dé-fense de la civilisation chrétienne de l'Occidenteuropéen. Son action comprend les efforts col-lectifs de la nation roumaine entiere, d'un bouta l'autre de son expansion, et en meme tempsceux de ses allies naturels dans l'Orient del'Europe.

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VI.

Phénoménes nationaux dans la viedes Roumains de Transylvanie au courant

du XV-e gide.II ne faut pas se tromper cependant sur le

caractere de Jean Hunyadi et des nombreuxRoumains qui l'accompagnerent pendant ses ex-peditions dans la Peninsule Balcanique et quigagnerent la gloire sous ses drapeaux. Bien quenes parmi les Roumains, bien que parlant cer-tainement le roumain dans le cercle plus res-treint de leurs families, bien que gardant dansla vie locale les anciennes traditions du pays,par lesquelles ils fraternisaient avec les paysansqui n'avaient pas quitté leur humble situation,ils étaient nécessairement des catholiques, con-dition tout aussi indispensable pour les digni-taires du royaume de Hongrie que la professionde la foi orthodoxe pour ceux qui voulaientjouer un role A Byzance, l'authenticité" del'orthodoxie byzantine trouvant son correspon-dant dans le caractere apostolique du royaumede Saint Etienne. Ils faisaient partie, par ce chan-

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gement de religion, qui n'impliquait pas unchangement de langue, de la nation politiquehongroise, qui avait un sens au moyenage etne peut avoir de sens en dehors des frontieresde cette époque. Catholiques et Hongrois, leurrole n'était en relation qu'avec l'Etat, de languelatine et de tendance féodale, tel que l'avait cré6les Angevins, et il serait bien erroné sans doute,de les considérer comme des Magyars, commedes renégats ayant abandonné délibérément tinenationalité a laquelle ils auraient eu la con-science d'appartenir. Mais ils n'étaient pas plusdes Roumains. Etre catholique, arriver a desdignites d'Etat, jouer un role politique, tout celasignifiait etre en dehors de tout ce qui concer-nait une seule nationalite et les intérets de cettenationalité. Cela pouvait etre indifferent pour lesMagyars, auxquels, comme ils formaient la no-blesse, l'Etat appartenait, mais cela signifiait toutautre chose pour les Roumains, auxquels cetEtat était &ranger et qui n'avaient sous le rap-port ethnique aucune participation A la conduitedes affaires.

Au moment oa des voévodes arrivent a etreseulement les représentants de la noblesse ma-gyare dans certaines localités, comme du côté deInidoara (Vajda-Hunyad) et de Baia-de-Cri (KOrtis-13ánya), on en trouve d'autres cependant dontl'instinct national est assez puissant pour leur fairesuivre, non les drapeaux du royaume de Hongrie,

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mais bien ceux des principautés roumaines voi-sines. Un phénomene intéressant sans doute, ap-partenant aux plus anciennes preuves de la solida-rite roumaine est celui de ces guerriers de Tran-sylvanie ou du Banat qui viennent accroitre lesrangs des armées moldaves et valaques. Nousciterons le cas d'un Lado de Bizere '. Les cnezesde Raupr, dans le pays de Hateg, parmi les-quels un pretre, se mêlent en Moldavie auxquerelles pour la succession du prince Alexandre-le-Bon ''. On pourrait citer aussi d'autres cas danslesquels des Roumains de Transylvanie, apparte-nant A la classe guerriere, ou de simples paysans,participent aux discordes intérieures des deuxprincipautes. Le Jean Vitéz, combattant a telledate en Valachie, peut etre Hunyadi.

Il y eut mtme une participation de la classepopulaire roumaine de Transylvanie et des regions voisines aux grands mouvements religieuxet sociaux qui agiterent, des la fin du XIV-esiecle, les couches profondes de la populationdans ces regions. Le mouvement hussite gagnatoute la masse slovaque habitant le Nord de laHongrie, et elle détermina plus tard la creationd'une autonomie guerriere de cette race slave,dont l'esprit était forme par la réforme religieuse.

, Apres sa mod, son fits, Ladislas, obtint la rdhablli-tation, pour sa mémoire1 Hurmuzaki, XV, p. 647.pp. C52-653.

' Ibid., p. 592 et suiv.

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Du OW du Maramoureche, les Hussites hongrois,il y eut meme des Hussites polonais étaient

tres nombreux, et les Roumains furent atteintspar la propagande de ce mouvernent, religieuxet social, en meme temps qu'essentiellementpaysan. Car on pourrait meme dire que le hus-sitisrne est la forme rurale de la Réforme, dontle lutherianisme ultérieur conquit surtout lesclasses urbaines et le calvinisme une elite poli-tique et culturale. Au moment ou des Hussite&hongrois passaient en Moldavie pour &trapperaux mesures de persecution de cet empereurSigismond qui fit périr Jean Huss sur le bacherA Constance, ils donnerent la premiere traductionen langue vulgaire d'une partie de 1'8criture; desEvangiles, des 1416, dans la ville de Trottr, aumilieu des Carpathes, et il fallut tout une séried'efforts, qui durerent jusque vers 1450, de lapart de l'Eglise catholique, pour étouffer cemouvement en Transylvanie, aussi bien que dansles regions roumaines voisines. Cette profondetransformation religieuse, consistant surtout A

donner au peuple l'Ecriture dans sa proprelangue, crea les premiers monuments de lalangue littéraire roumaine. Ils apparaissent dansune contrée qui pourrait etre limitee entre la par-tie orientale de la Transylvanie, le Maramourechevoisin et certaines regions moldaves qui leurcorrespondent. On traduisit, tant hien que mai,d'apres un texte slavon, mais en employant unvocabulaire d'un caractere latin tres prononce,

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le Psautier, les Evangiles, les Actes des Apotres,bref cette partie de l'Ecriture que les Hussitesalfectionnaient. On pourrait penser, en ce quiconcerne la place meme ou cette oeuvre a puetre conservée et d'oU elle fut propagée par descopies, au monastere de Peri déjà cite, creationde la famille de Dragn qui était cependant,vers 1456, en pleine decadence, n'ayant plusqu'un seul moine dans ses cellules, ce qui n'exclutcependant pas la possibilité que des copiesaient été faites dans les monasteres moldavesvoisins.

Ce mouvement hussite eut aussi des conse-quences purement sociales, qui atteignirent, enmeme temps, une partie des habitants magyarsde la Transylvanie et la plupart des représen-tants de la classe rurale roumaine dans le Nordde cette meme province.

Des soulevements de paysans, provoqués parI'aggravation de la situation sociale de l'elementrural, qui dégénéra lentement, non sans uneinfluence du gouvernement aussi, vers le servage,peuvent etre signalés, au XIV-e et XV-e siecle,dans le district de FigAra§, dans celui de Hateget dans le Banat, sans qu'on puisse poursuivreleur développement, ni fixer cntierement ce qu'ily avait de politique et de social dans leur ca-ractere. II en est tout autrement pour la granderévolte de 1437.

L'eveque de Transylvanie, Georges Lepes,

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propriétaire de nombreux villages, eut l'idée dedemander le paiement de la dime en argentpour trois ans, sous peine d'excornmunication.L'operation exercee dans les memes regions pardes membres de la noblesse magyare ou ma-gyarisée contribua a accroitre l'effervescence po-pulaire. Les terres des Saxons, que l'on comp-tait aussi parmi les oppresseurs, furent devastees.Une grande masse de revoltes, appartenant aux-deux races qui comptaient des serfs parmi leurspaysans, Roumains et liongrois, se rassemble-rent sur la montagne de Bobalna, pres d'Olpret.On negocia avec les rebelles, et le voévode deTransylvanie, Ladislas de Cs* crut pouvoir sepermettre de torturer ceux qui lui avaient etemandés pour conclure une convention. Unebataille formelle resta sans résultat. II fallut re-prendre les négociations: trois magistri, repré-sentants de la classe plus elevée des villages,un fils de magister et un quatrieme paysan,des villages de Kend", Zeck et Vaidahaza,ainsi que de la ville de Cluj, qui portaient destitres de capitaines, de vodvodes (belligeri), debannerets (vexilliferi) de la société" (universi-Jas) des paysans, vinrent soumettre les préten-tions de leurs commettants. II n'est pas questionbien entendu, d'une declaration nationale : cespauvres gens ne connaissaient guere que leurssouffrances et ne désiraient que leur relevement.Ils ne revaient pas d'une réforme inspirée par

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des principes, fussent-ils meme ceux de la reli-gion chrétienne ; leurs ddsirs se bornaient a fairerespecter la bonne tradition dans les rapportsentre maftres et sujets. Une idde politique eXis-tait n6anmoins : les Saxons formaient une uni-versitas, done un corps constitutionnel ; une autreuniversitas 6tait celle des nobles, qui procédaientenvers les paysans, en cette qualité, comme tineconféderation sociale ; a leur tour, les paysansosaient se proclamer universitas eux-mêmes, cequi signifiait la cr6ation, fut-elle meme tempo-raire, d'une nouvelle forme constitutionnelle.

Ils voulaient que leurs maitres acceptassent lapetite monnaie pour l'accomplissement de leurs de-voirs, et qu'ils admissent le droit de quitter leursterres apres avoir payd les dettes aux-dits maitres.Ils réclamaient l'abolition de la dime, de toutere devance de la neuvieme partie des grains etdes vins, la transmission des biens a la veuve duserf défunt, l'admission du testament de la partdu meme; ils offraient, conformdment aux loisde Saint Etienne", de payer, le jour du saintroi, dix deniers par an, d'acquitter le revenu dilpour l'usage du moulin, de fournir une journéede travail aux champs, fauchage ou moisson,d'aider A la reparation des moulins; mais lesmaitres devaient renoncer a la dime sur lespores et les abeilles, que payaient les serfs des-tines au service des forteresses. On ne songepas a contester le droit du roi et de ses fondés

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de pouvoirs d'exiger la quinquagesima". Lesfonctionnaires de la Chambre royale pres dessalines respecteront la coutume a regard despaysans employes A leur exploitation et ne seréserveront pas le monopole de vendre du yin ;pendant les expeditions, les paysans s'offrentlournir des provisions au prix normal, mais per-sonne ne s'avisera dorénavant de leur arrachertes provisions sans paiement. On ne troublerapas inutilement le pays sous prétexte d'expédi-.lions, sans avoir préalablement recueilli les in-formations necessaires ; si les paysans admettentque ceux parmi eux qui se revolteront soientpunis de mort, ils n'entendent pas que la no-blesse continue ses actes de cruauté A leurstlépens; dans leur naïveté, ils ajoutaient que, sil'on découvre que les lois de Saint Etienne netontiennent pas ces conditions, ils y renonceront.Cornme moyen de garantie, le capitaine et deuxvieillards de chaque village devaient se rassem-bler chaque année sur la meme montagne (6juillet).

Ils n'arriverent pas A leurs fins : l'associationentre le gouvernement de Transylvanie, les noblestt les Saxons était dejà un fait accompli le 16septembre de la meme année Cette ,union fra-ternelle", conclue a Kapolna (en roumain Ca-pAlnea), assurait, comme de coutume, l'empereurabsent d'une fidélité absolue ; II était libre derejeter les demandes que l'association lui prd-

A

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senterait A genoux. On s'engage réciproquementa un approvisionnement commode pour lesarmées futures, promettant de ne jamais détacherles serfs du territoire auquel ils appartenaient.

Vers la fin du mois, une nouvelle bataille futlivre au peuple", alors que la majorité despaysans avaient déjà quitté le camp de la re-voile. II s'agissait de briser la témérité" desrebelles, qui paraissaient vouloir renouveler stircette terre de Transylvanie les exploits qui ontrendu celebres les Hussites. Le 6 octobre il fallutbien que les paysans vaincus acceptassent uneautre convention avec leurs vainqueurs. Parmiles délégues on rencontre le capitaine Michel deVireag, un Roumain, et un certain nombre depaysans, originaires des dillérents villages duNord et de l'Ouest de la province ; de l'autreWe, la noblesse est représentée par ses delégués,parmi lesquels on retrouve aussi un Roumain,Jacques de Dragh". II s'agit, cette lois, d'unesimple reglementation humaine" des devoirsdu paysan non fibre. II paiera un florin d'or, aulieu de la petite monnaie désirée par les villages,pour chaque charrue A huit boeufs, ou bien ildevra payer la valeur du florin en bestiaux eten yin: pour ceux dont l'avoir serait moindre,cette obligation etait réduite en proportion; chaqueindividu devait etre soumis A une capitation de42 deniers; trois foi par an il fallait offrir despresents ; les maitres étaient autorisés A deman,

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der un jour de travail par an, sans specifier lamaniere dont il sera employe ; le serf sera juge-dans le- village méme, tout en conservant k droitd'appel devant les magistrats de la ville voisine;ceux qui avaient déserte leurs champs et n'a-vaient pas racheté leurs dettes pourront êtreramenes a la glebe et retenus durant quinzejours, terme pendant lequel ils pouvaient encoreobtenir leur délivrance. A l'avenir les paysansseraient libres de partir sous certaines conditions,qu'on s'ingéniait a rendre aussi lourdes que pos-sible. Tous les villages doivent leurs contingentspour la defense du pays; celui-la, ffit-il memeun ancien capitaine, qui transgresserait ces points,périra de la main de son maitre.

Cette convention ne pouvait avoir cependanttine valeur aussitôt reconnue dans toutes lesregions atteintes par la revolte ; les troublescontinuerent du cOte de Cluj, les paysans pu-rent meme pénétrer dans les faubourgs de la-ville, et le vothrode dut appeler les Saxons a sonsecours. Dans un nouveau combat, le capitaine,un Magyar, fut tire et neuf des siens empalespres de Turda.

La convention n'etait pas definitive: il fallaitsoumettre a l'approbation de l'empereur. Si-

gismond venait de mourir; son successeur, Albertd'Autriche, crut devoir faire des reprimandesseveres a l'eveque fauteur de ces troubles, eniui intimant de laisser circuler librement les

la

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paysans. D'ailleurs il n'avait su que bien tard cequi s'était passe, grace a la connivence du voé-vode avec les representants des privilegies: cen'est que le 6 levrier 1438 que ce dignitaireavait daigne communiquer a son souverain qu'ilavait conclu une alliance avec les barons, lesnobles et les premiers des Saxons et des Szekler"pour obvier au mouvement des misérablespaysans" (nefandissimi rustici), mais, ajoutait-il,aussi contre les Turcs, ce qui devait sourire aun prince dont la courte carriere royale fut con-sacree A l'oeuvre de croisade. Une diete de Tran-sylvanie avait raffermi ce contrat social" des

.mattres reels de la Transylvanie '.

A côté de ce mouvement culturel, en état deproduire des oeuvres littéraires en dehors destroubles sociaux que nous avons analyses et qui,&ant donnee la preponderance des Roumainsdans la classe des serfs transylvains, ont aussiuncaractere national ou tout au moins une impor-tance pour la nation routnaine, on peut constater,a la meme époque et surtout du temps oft Jeande Hunyad conduisait la defense de la chretientécontre les Turcs, d'autres agitations ayant lecaractere religieux, mais non celui du hussitismecombattant contre la religion catholique. II s'agit

' Hurmuzaki, I', pp. 613-614, no. 519; p. 614 et auiv.,IJOB. 520-521; pp. 621..622, 623-627, 636, no. 536. Cf. ausaip. 637, no. 537; pp. 641-642, no. 541; ibid., XV, pp.26-27, no. 42 ; ainsi que pp. 24-25, no. 37.

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de cette croisade, patronnée par Hunyadi, qu'elledevait soutenir dans ses efforts contre les Tureset qui allait etre accompagnée d'une oeuvrede reunion a l'Eglise catholique, entreprise contrel'orthodoxie invétérée, contre l'ancienne loi ori-entale des paysans roumains. D'un cote, cespaysans etaient relevés, en ce qui concernel'emploi de leur langue dans l'Eglise, par lapropagande hussite ; d'un autre côté, un mouve-ment social leur donnait pour la premiere foisla conscience de leurs droits humains enversl'oppression de leurs maitres gulls étaient enétat de troubler dans la jouissance de droitsusurpés récemment, et enfin les efforts faits pourles ramener dans le bercail de l'Eglise catholiquedevaient influencer par t.action sur la creationdes premieres formes hierarchiques de l'ortho-doxie transylvaine.

On rencontre un évtque grec, Jean de Calladont nous avons retrouvé ricemment un dis-cours tenu, en langue grecque, devant le roide Hongrie, qu'll exhorte A entreprendre l'oeuvrede croisade. Car il parait en effet que l'auteurdu discours et l'eveque Jean de Calla sont lamême personne. En 1453, cet éveque de Callaparlait devant le roi. Or, cornme c'était le momentoh se preparait la grande expedition pour ladelivrance de Belgrade menacée par le SultanMohammed II et que Hunyadi était secondé parle celebre moine italien Jean de Capistrano,

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cornmindant d'une multitude bariolde de croisésappartenant aux basses classes et animée d'unfanatisme catholique peu commun, on prit desmesures contre l'eveque des Roumains, qui !waitéte denonci par le predicateur Michel Székely.La maison de l'hérétique hit brill& au moisd'avril, ses biens furent confisques. Le 15 de cememe mois, ce prelat vagabond, qui, quelquesmois auparavant, avait da se presenter a Temes-var. devant Hunyadi et Jean de Capistrano, étaitexpédie a Rome pour y faire bénitence et obtenirl'absolution de ses 'Aches. Les pretres qui avaientété consacrés par l'intrus, durent etre soumis aune catechisation de la part de Székely 1.

Ces efforts faits pour gagner les Roumains aune autre confession contribuaient, ainsi qu'il a&é dit, a accroitre une agitation presque perma-nente depuis quelques dizaines d'années. Onrencontre souvent des plaintes contre ceux quiabandonnaient les biens de leurs maitres saris

T Les actes. dans Wadiing, Annales Minorum, armee14563 Xénopol, dans la Revista pentru istorie, arheologiesi filologie, VII, p. 387 et suiv.1 Boro§, dans PUnirea(Blaj), 1897, nos. 15, 18, 21, 29 et suiv.; Bunea, Vechileeoiseopii, op. 6-73 lerarhia Romdnitor din Ardeal siUngaria, Blaj 19)4, pp. 115-116 ; lorga, Sale si preofi,p. 316; Istoria Bisericli Romdne, Is Z. Pichsanu, dansla Cultura crestind, III, pp. 162-1G5 ; Revist a !storied,X, pp. 178-179. Pour toute cette premiere partie del'ouvrage, ce que nous avons ajouté dans notre Histoiredes Roumains, 111 et IV.

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remplir les conditions prévues par la coutuneet les conventions. Hunyadi admettait leur pas-sage sur les terres des Saxons, ou ils trouvaientun regime plus favorable ; plus tard cependant,le roi Ladislas restituait aux nobles tous droitssur ces serfs en rupture de ban.

C'est pourquoi, des 1459, les nobles, les Sze-kler et les Saxons renouvelaient leur contratd'alliance. Cette fois, on prenait aussi des me-sures contre l'absolutisme royal, de la part dunouveau roi Matthias, fils de Jean de Hunyad.L'administration transylvaine était, du reste, toutaussi désireuse que ces privilégies de conserverune autonomie profitable A ses membres meme.En 1463 on prévoit que les serfs, qui, lors d'uneexpedition, resteraient dans le pays pour la de-fense des forteresses, doivent etre de sang ma-gyar", mesure tres importante, parce qu'ellemontre la méfiance qui pesait, non seulementsur les sentiments des paysans envers leursmaitres, mais, spécialement, sur les sentimentsque pouvaient avoir les paysans roumains entant que membres de leur nationalité. C'etait unernaniere de reconnaitre pour la premiere foisqu'il pouvait y avoir, du Old de cette massenombreuse d'un peuple soumis, d'autres senti-ments que celui de l'oppression sociale.

' Hurmuzaki, I, p. 147.

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Tout cela n'était cependant pas en état d'em-pecher les progres naturels de cette masse. Lesdistricts roumains du Banat se réunissent denouveau, apres la mort de Hunyadi, pour for-mer une seule unite politique et militaire dansla constitution du royaume. Les villes sont en-vahies par des paysans qui abandonneht les do-maines des nobles. On voit, dans le Banat sur-tout, des Roumains figurer A la tete des ma-,gistrats municipaux : André Dan, A Caransebq ;les chAtelains de Severin defendant ce Banatsont des Roumains: Michel de Ciorna et PierreDanciu. A OrA§tie, il y a non seulement unmagistrat municipal roumain, tlu par les Sa-xons, les Hongrois et les Roumains", mais unevraie dynastie, qui commence par Ladislas, secontinue par le magistrat Mathieu et donnera ala Hongrie un représentant done des qualitéssupérieures et jouissant de l'autorité de l'arche-veque Nicolas Olahus. Si en 1504 les Saxonsprotestent contre la nomination d'un nouveaumembre de cette dynastie, Etienne, originaire desbannis de la principaute valaque, leur protesta-tion reste sans effet: un nouveau Mathieu serale successeur de son pere a l'époque ob sonfrere, ce Nicolas Olahus, etait, en 1520, seer&take royal. Ceux des Roumains qui restaientencore attaches aux chateaux royaux quittaientleurs postes, et il &ail impossible de les y ra-mener. En vain les catholiques, les chrétiens",

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se plaignaient-ils A l'éveque de Transylvanie desdégAts causes par ces schismatiques en pleinmouvement de conquete. Un nouveau renouvel-lement de la confederation des privilegies n'avaitrien produit en ce qui concerne la defense del'ancien état de choses 1.

Les districts appartenant précédemment auxRoumains gardent leur caractere d'homogeneitéethnique a ce commencement du XVI-e siecle oitl'autorité ro) ale va en s'alfaiblissant sans cesse ;et une nouvelle ere se prepare pour la Transyl-vanie des la fin du XV-e siecle, oil des actes deprivileges sont accordés pour les habitants duHateg, consider& comme les défenseurs natu-rels de la frontiere contre les Turcs et jouissantd'exemptions pour leurs services 2.

L'héritage de Jean de Huriyad, dans le dis-trict de son origine, appartenait encore A sarace, qui le garda presque exclusivement jusqu'ànos jours. Si ces districts roumains conservaientleur caractere, il en était de meme du Banat, quireprésentait tout un territoire aux limites biendéfinies, oh, avant la colonisation serbe, qui corn-

' Hurmuzaki, I', p. 1-4, no. 133; XV, p. 60, no. 104 :,Totius Sedis, signantei Saxonam, Hungarotum acWalachorama ; cf. ibid., p, 169, no. 2 9 ; p. 519, no. 316 ;p 533, no. 430 ; II', p^. 138-139, no. 129 ; pp, 323-324,no 237 ; XV, p. 229, no 414 ; IV, p. 392, no. 348, p.545 et suiv.

' ibid., pp. 358-359, no. 216.

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mence par petits paquets au XVI-e siecle, etavant les grandes mesures de transformationdues a l'administration impériale au XVIII-e siecle,tout appartenait aux Roumains, les villages aussibien que les premiers centres urbains: CaransebmLugoj, ces centres urbains aussi bien que leschateaux royaux ayant a leur tete des seigneursexclusivement roumains. On retrouve sans cesse,aux premieres places, et il serait superflu deciter le grand nombre d'actes qu'a réunis dansses travaux M. Frederic Pesty et dont nous don-nons un résumé, avec d'autres renseignements,dans une étude qui vient de paraftre dans lesEtudes et documents" de l'Académie Rou-maine , des membres des anciennes familiesdu Banat : Mutnic, Macica, i§man, Marga, Gar-li§teanu, lignée dont l'un des représentants fut:apres 1480, Ban de Bosnie. On les appelaitMacskássy, Mutnoky, Gerlestey, ce qui ne lesempechait pas d'être Roumains, .de parler leroumain dans leur famille, de représenter larace roumaine dans ce pays, qui vers 1550

se nommait la Valachie Citérieure". Ce Banatavait donné a la Hongrie. au moment oil fttienneBáthory, représentant de la noblesse magyare

1 Ladislas OM prit aussi part A la confédération de1467. Voy. egalement Iorga, Sate f i preoti, p. 112 et suiv.Un Etienne OM, en Hongrie, vers cette époque, dansHurmuzaki, 112, p. 169, no. 1 8. Cf. Histoire des Rou-mains, V, chapitre 1.

6

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en Transylvanie, défendait la frontiere du royaumecontre les Turcs, le camarade de combat et devictoire de ce V ()el/ode, Paul le cneze, que, parle meme procédé d'assimilation superficielle, ca-ractéristique a la societé magyare, on appelaitKinizsy.

Mais ces progres des Roumains n'étaient nul-lement soutenus par le roi a demi-Roumain de laHongrie, fils de Jean de Hunyad et d'une femmede la noblesse, de race melee Elisabeth Szilágyi.Vrai type des princes de la Renaissance, ayant 116-rite de la tradition du roi--empereur Sigismond,indifferent a tout ce qui concerne la race et ou-blieux des origines de sa propre famille, ce grandroi employa tous ses efforts a tendre vers l'Occi-dent, a conquérir la Boheme et les pays autrichiensjusqu'a Vienne, oh il devait finir ses jours. Siles Saxons trouverent son regime fiscal pesantet les nobles ses prétentions politiques d'abso-lutisme insupportables, les classes populaires,qui ont toujours apprécie sa justice, passée enproverbe, n'eurent pas toujours a se loner desmesures prises a leur egard. En fin de compte,il fut plus génereux envers les Saxons, qui vou-lurent le renverser en 1467, qu'envers tous lesautres habitants de la Transylvanie. Il réunit ala ville de Hermannstadt le village roumain deR4inari, donne d'abord en garantie par lesbourgeois a Pierre Gereb. Bien que ces anciens

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fiefs des princes valaques Vlaicu et Mircea .eus,sent été reserves pour abriter les bannis vala-ques en 1467, deux ans plus tard et malgrd lesprotestations de la famille Gereb ils furent ac-cordés a l'Universitd des Saxons. Si les Gerebregagnerent Figir, en 1471, ils ne disposaientque de la forteresse, car, l'année suivante, ledistrict redevenait terre saxonne. Les noblesdépossédés ne se résignaient pas a. cette situa-tion ; toutefois le dernier mot resta a l'Univer-site allemande. En 1523 cependant le maitre dudistrict était le representant du noble magyarJean Bornemissa; d'un autre côté, la provincede Rodna et sa vallde" furent confirmdes auxSaxons de Bistrita.

Tous les droits dtaient accordés contre lesRoumains aux Saxons, qui se plaignaient queces barbares, errant avec leurs troupeaux, di-truisent leurs semailles et causent des degâts

leurs champs. Ils avaient la permission deprendre des garanties sur les troupeaux, de tuermdme les brebis, pour montrer par la trace dusang la place oit la violation des bornes avaiteu lieu ; les coupables pouvaient être poursuivisn'importe oh par les officiers saxons, qui pou-vaient meme pénétrer dans les maisons et exi-ger que les habitants pretent serment T.

' On ne pouvait toutefols pas leur prendre les habits,il est interdit d'engager des gardiens de nuit roumainsHurmuzaki, IP, pp. 192-194, no 177.

a

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Si les Roumains s'avisaient de former, sansune permission expresse, un nouveau village,les Saxons n'hésitaient pas A le detruire, et leroi leur donnait raison 1.

En ce qui concerne les paysans vivant sur leterritoire royal attribué aux Saxons, ils avaientle privilege de ne pas payer la quinquagesima,alors qu'elle &aft exigee avec la derniere séverite

sur leterritoire du chapitre de l'éveche transylvaie.

Tout cela devait preparer un nouveau mou-vement, pareil a celui de 1437. Cette fois lesRoumains ne furent pas parmi les promoteursdes troubles. Il était question d'une croisade, etun capitaine, fameux par ses exploits contre lesTures, un Szekler, Georges Dozsa, obtint la per-mission de rassembler des troupes ; au lieu deles diriger toutefois contre les Tures seuls, ilinscrivait également sur son drapeau la guerrecontre les nobles infideles" et, se disant: princeet capitaine supreme de Farm& benie des croi-ses, soumis au roi de Hongrie seul et non auxnobles aussi", il cornmença des hostilites contreiles gens des châteaux. Le roi ordonna en vainde détruire ces paysans et gens du peuple".

1 Ibid., p 299, no. 267. Renouvellement des meaures en1504; ibid., p. 521, no. 319; XV, pp. 165-166, no. 306.

" Ibid., IP, p. 186, no. 168; pp. 347 348, no 306; cfp. 182, no. 162; pp. 201-202, no. 186.

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Le mouvement s'etendit sur la Transylvanie en-tiere et meme sur le Maramoureche voisin, ohil gagna aussi les nobles, ce qui est dit expres-sement dans une des resolutions prises apresque la révolte fut étouffee T.

Or ces nobles appartenaient, ainsi qu'il a eta.

dit dans un autre chapitre, a la race roumaine.Les faux croisés penetrerent, de mettle que dansl'autre grande revolte paysanne, dans les fau-bourgs de Cluj, avec la permission du ma-gistrat. On appela les Serbes, sous la conduited'un des refugies, allie a l'ancienne dynastieroyale Yakchitch, pour les combattre. Les noblesfurent battus, certaines places du Banat et de laTransylvanie occupées, et le mouvement paraissaitdevoir menacer aussi la partie voisine de laHongrie. On cr.& un camp pres d'Arad, destinea le combattre, et on employs le sentiment del'orthodoxie commune pour attirer du côte desSerbes restes fideles ceux des rebelles qui ap-partenaient a ltglise orientate.

Le 15 juillet, Jean Zdpolya, voivode de Tran-sylvanie, destine a etre un des rois de concur .rence de la Hongrie apres la catastrophe deMohács, vainquit, sous les murs de Temesvir,

1 Nobiles comitatus m tramurusiensis rusticis adhae-sisse putantur. Et, quia mimes bre nobiles comitatusrnararnurusiensis partem rusticorum tenuisse et cunctiseorurn previa perniciosique actibus participasse dicuntur6 ;ibid., II', p. 202.

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les soldats sauvages de Dozsa, lequel, tombe encaptivité, fut bade A petit feu 1.

Le résultat fut l'établissement legal du servage,tel qu'il est codifié dans les mesures atroces ducode de Verb6czy, un vrai Doomsday-book, sur-tout pour la population nonmagyare de laHongrie. II devait porter ses fruits naturels.

Ibid., IP, p. 160, no. 149 ; p. 161, no. 150 ; pp. 188-189, no. 165. Cf. S. S. Secula, Romdnii In revoluflunealtti Gheorghe Dosa, dans la revue Arckiva Societd(ii;Wail/ice fi literare din !aft, VIII, p. 125 et suiv. ;Hurmuzaki, IP, p. 233, no. 183; pp. 235 et suiv., 244-245, no. 191 Pour la participation des Set bee I la révoltevoy. ibid., pp. 205-206; cf. ibid., XV, pp. 227.228, no.411; pp. 233-234.

'

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Fiefs des princes roumains en Transylvanieet creation des &aches roumains

dans cette province.

II paraft que, des le regne du roi Matthiasles Roumains de Transylvanie avaient, en dehorsde l'organisation encore primitive d'un evechepour la partie occidentale de la province, constatéa l'epoque de Jean de Hunyad, un autre convent,plus au Nord que la residence de Jean de Calla,du côté de la riviere du Muds, a Ramer (enhongrois Remete; le mot signifie; hermite), dansia montagne. On lit sur le frontispice de l'églisel'inscription suivante, de date plus récente: I'd-glise présente a été premierement bâtie sous leroi Matthias, en l'année 6895" (de la Creationdu monde, soit 1486-7). II est possible toutefoisqu'il s'agisse de l'eglise catholique qui a precedele cloitre orthodoxe des Roumains.

Partout, dans tous les coins de la Transylvanie,une hierarchie religieuse roumaine commencait

VII.

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A poindre A ce moment. Elle compensait lemanque d'organisation politique, l'impossibilitéd'obtenir autre chose que l'autonomie militairede certains districts de frontiere, le inanque d'uneclasse dirigeante, vu que ceux qui se trouvaientnaturellement A la tete des Roumains avaientpasse, par l'adoption de la confession catholique,dans les rangs d'une aristocratie hongroise aucaractere international. Parfois ces chefs religieuxportaient le titre de protopopes, qu'on rencontreaussi bien dans le monde byzantin, d'ou le nomest emprunté, que dans celui des nouvelles priit-cipautés roumaines ; c'est un protopope qui areprésenté la Moldavie, aux dotes de l'evequemetropolitain, au Concile de Florence. Cette ins-titution orientate correspond parfaitement A celledes choréveques qu'on rencontre des les premierssiecles du moyen-Age dans les Gaules et autresregions de l'Occident. L'Eglise catholique deHongrie reconnaissait, ainsi que la domination poli-tique, A ces protopopes la qualité d'archidiacres.II paratt qu'un protopope du Hateg, donc pourune autre province roumaine, existait déjà avantl'année 1514 (un document moldave en fait lamention). En 1503 il y avait un autre protopopepour les pretres roumains du cede de Belényes.(en roumain Bein, puis Bei4), et l'acte d'exemp-tion, accorde par l'eveque catholique d'Orade,mentionne des privileges qui seraient contenus

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dans les diplômes de nos prédécesseurs,".Des l'année 1456, la ville qui s'était form&

sous le château de Inidoara avait une égliseorthodoxe, autorisee par le roi Matthias lui-metne,et des 1503 on voit fonctionner comme protopopede cette ville Pierre, originaire du village voisinde Socet, et on le rencontre jusqu'en 1526.

Dans le Maramourtche, qui etait resté roumain,on trouve toute une série de guerriers apparte-nant h cette race dans des diplômes du XV-esiecle, concernant des descendants de cnezes etvoevodes qui s'étaient distingués méme dans lesguerres du roi Matthias contre la Moldavie.L'existence d'une organisation hiérarchique étaitd'autant plus possible que ces regions, avec leurschâteaux, avaient été accordées en fief a GeorgesBrancovitch, despote de Serbie et a ses succes-.seurs, dont un des soins principaux dtait, sansdoute, de proteger l'orthodoxie. En 1479, le,Metropolite de Belgrade" obtint de ce memeroi Matthias l'exemption de taxes pour les pretresde rite grec clang cette province. L'eveque s'in-titulait des 1491 éveque des Ruthenes"., car un

1 lorga, Istoria Bisericil, I, 1-Cre dd., p. 1711 Are-ress, Acta et epistolae relationum Transylvaniae Hun-gariaeque cum Moldavia et Valachia, I, Budapest 1914,pp. 66-67, no. 54. Cf. !toga, Neamul Romdnesc hi Ar-deal $i Tara Ungureascd, II, p. 637 (il y a une secondeddition). On connalt les dvéques Dan (1503), Jean (1638),et Pierre (1554).

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duché russe avait été fondé pour des emigresde Galicie appartenant A cette nation des leregne du roi Louis-le-Grand, et il résidait aussibien A Munkács que dans l'ancienne residenceépiscopale du monastere, souvent cite, de Peri,de fondation roumaine. Si Peri regagna sonautonomie en 1494, sous un nouveau roi, FM-goumene, exarque selon la tradition du Patriarchede Constantinople, devait dependre du Siegede Transylvanie, qui pouvait etre considéré commearchiepiscopal, en relation avec ce modeste prélatdu Maramoureche 1.

Un éveché A la maniere grecque, portant cetitre meme, ayant une residence permanente, estcelui de Feleac (en hongrois: Felek), pres de lacélebre fork de Cluj, dCfendue par un villageroumain, qui fut colonise expressément dans cebut. Un éveque de provenance byzantine, Marc,s'y établit apres 1453, au moment de la grandeemigration grecque vers l'Occident, et y achetaune maison du pretre roumain de cette localité.Marc prépara pour lui succéder un fils de cepretre, Danciul, dans lequel nous devons recon-naftre ce Daniel, archeveque de Severin", cet

1 Derniere edition de Mihályi, loc. cit., pp. 606-607.Voy aussi ibid., pp. 624-625, no. 360. Cf. outre Bunealoc. cit., forge, Sate $1 preofi, et pour ce qui a trait al'argumentation, Studli fi documente, XII, pp. 43-44, alnsique l'article de M. Zenobius Pacli§anu, dans la revueUnirea (Blaj), de 1915, no. 2.

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&eche était tenu a succéder a l'éveché catholiqueetabli dans cette citadelle par les rois de Hongrie,

qui signe sur un livre des evangiles, y men-tionnant l'érection de l'eglise de Sainte Parascevepar ses soins. En Moldavie méme, qui avaitdepuis longtemps une organisation ecclesiastiqueparfaite, on reconnaissait a ce seul Siege deTransylvanie le caractere canonique, puisque letrésorier du prince Etienne-le-Grand, passant aVoccasion d'une mission par le village de Feleac,en 1496, fit don d'un splendide gvangéliairerelié en argent a l'église metropolitaine deFeleac".

Danciu eut pour successeur Pierre, plutôt pretrequ'éveque, les circonstances ayant été complete-ment changees et la vie ecclésiastique roumainede la Transylvanie étant orientée dans une autredirection en 15383.

De fait, toute organisation ecclésiastique perma-nente et canonique des Roumains de Transylvanieet toutes les consequences de civilisation nationalequ'elle pouvait avoir auraient éte impossibles sansla domination des princes de Moldavie et de Va-lachie, sous la forme de donations, apanages oude fiefs, dans certaines regions de Transylvanie

I Cipariu, Archivu, pp. 776-777. Cf. Bunea, Eptscopiile,p. 11 et suhro forge, Sate .FI preoli, pp. 320-322 ; Annalee de l'Académie Roumaine, III, Mats, p. 41.

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qui leur furent cédées tour A tour par les roisde Hongrie pour s'assurer de leur fiddlite commeallies du royaume.

On a vu plus haut que cette terre de ROI-as.appartenait au XV-e siecle au prince VladTepes, et, nous ajouterons A son successeurRadu-le-Beau dgalement : nous avons mentionnéde merne les cessions faites en faveur des Saxonsapris cette date, cessions qui furent solennelle-ment confirmées par des diplOmes des années1469 et 1472.

II parait cependant que les Roumains n'ac-ceptaient que bien difficilement l'administrationdes nobles hongrois de cette famille des Gereb,aussi bien que celle de l'Universit6 des Saxons.C'est probablement une des raisons, l'autreétant l'opportunité politique du moment, pourlesquelles la forteresse de FfigAras et son districtfurent confiés des 1479 A tin des plus puissantsboYars de Valachie, Udriste, qui vécut jusqu'en1483, ayant pour successeur A FAgAras, l'evequecatholique de Transylvanie. FAgiras de meme queles villages des environs de Sibiiu-Hermannstadt,connus sous le nom du territoire d'Amlas, ancienfief du prince Mircea, furent réclarnés par undes princes valaques du commencement du XVI-esiècle, Radu-le-Grand. Un peu plus tard, Mihnea-le-Mauvais fit une invasion dans ce district pouraffirmer ses droits traditionnels, et un documentnous fait savoir qu'il avait des adherents parmi

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les descendants des anciennes families colonisCespar Mircea, qui avaient garde A travers toutesles vicissitudes, et qui ont conserve jusqu'au-jourd'hui enpere, la conscience d'une origine plusnoble et le nom, caracteristique pour les prin-cipautes roumaines au-dela des Carpathes, debolars, ces nobles &ant devenus tour A tourde simples hobereaux et enfin des paysans ayanten plus de leurs voisins line conscience historique._

Le pays de Szekler, réuni jadis a une partiede la Moldavie, avait garde toujours des relations_hes étroites avec le territoire moldave. Comme-les rois de Hongrie et la noblesse de Transyl-vanie essayerent A plusieurs reprises de trans--former ces paysans libres et privilegies en desimples serfs, ceuxci n'hésitaient pas, A chaque-moment difficile, de passer la frontiere pours'etablir, sous n'importe quelles conditions, surle territoire du prince voisin. ll en résulta que,des l'année 1470, ce prince, qui était alors Etienne-le-Grand, considerait les Sieges" d'Udvarhely-Odorheiu, de Ciuc-Csik et meme les autres commeune annexe de ses possessions: surtout apres.qu'gtienne efit pillé le pays des Szekler, presque-tous les Sieges lui payaient la dime au lieu dela payer au roi. Dans le grand combat viclo-rieux des Moldaves contre les Turcs, A Vas lulu,(janvier 1475), Etienne comptait les Szekler parmises auxiliaires militaires; l'ordre du roi Matthiasde secourir son voisin dans l'intéret de la chrd-

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lienté n'était pas nécessaire : ils suivaient leurinclination et leur coutume. De la sorte, l'in-fluence des princes moldaves s'étendait surtoutes les parties sud-orientales de la Transyl-vanie, le souverain hongrois dtant occupé dansdes regions tout-a-fait éloignées et incapable de-consacrer une attention soutenue a cette Tran-sylvanie ou il était souvent remplacé par desvoévodes enclins a la révolte.

En 1457, apres la grande révolte transylvaine,Matthias envahit la Moldavie, qu'il dut quitterapres le combat malheureux de Baia, portant sur-son corps les traces des fleches des paysansmoldaves. La reconciliation avec le prince moldavem'eut lieu que plusieurs années apres, au momentoa le mdme danger ottoman menaçait la prin-Tipauté et le royaume. Pour s'assurer désormaisdu concours d'Etienne, le roi Matthias lui cédacomme places de refuge deux des plus importan-tes forteresses de la Transylvanie: Ciceu (Csics6),non loin de Bistrita, dans l'angle Nord-Est de la'province, et Cetatea-de-Balta (Ktildillovár); aumilieu mime de cette Transylvanie, sur la rivierede Tarnave. Chacune de ces forteresses était la.capitale d'un district comprenant un tres grandnombre de villages, soixante err ce qui con-cerne Ciceu, et, si Cetatea-de-Balti représentaitune place tres fréquentCe a l'occasion des foiresannuelles, Ciceu, avec le voisinage de la grande-cite saxonne de Bistrita et des Carpathes mol-

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daves, pouvait fournir l'occasion permanente de-completer l'influence politique mentionnee plus.haut dans le pays des Szekler par l'annexion decette autre region de Transylvanie, ce qui aurait-Byre au prince moldave un tiers de la province,s'étendant du Maramoureche jusqu'aux environs.de Bra§ov.

Et, de meme que les princes de Valachie, ayant-obtenu le fief de FAgfirav, chercherent aussitOt A.consolider leur domination, étant utiles aussi a.leurs congéneres, le grand prince moldave, douéd'un talent politique beaucoup superieur a celui,de ses voisins valaques, ressentit aussitOt Ianecessite d'organiser, sous le rapport hiérarchique,les Roumains transylvains soumis A son autorité-et a son influence. Sur la riviere du Somm.dans le village de Vad, oü il y avait un passageimportant de la riviere (le nom hongrois estRhev), une eglise gothique, d'assez grandes pro-portions, semblable a celle de Feleac, fut bAtiepour servir a un nouvel éveque. Ce prelat, éIuen Moldavie, recommande par des lettres duprince, resta toujours dans la dependance hierar-chique de la principauté voisine, ce qui créait un,lien d'une importance extreme entre le pays here-ditaire d'Etienne et le fief, habité par des Roumains,qu'il venait d'obtenir en Transylvanie.

Mais cette extension, par les fiefs et les apa-nages, des princes roumains, ne s'arreta pas la._Lorsque Radu-le-Grand, prince de Valachie, deja

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Tnentionné, envoie A Bude, pour préter l'hommageet demander, en meme temps, une place deTefuge de l'autre côté des montagnes, un de ses13oTars, le roi Vladislas, successeur de Matthias,Tépondit au don, en chevaux de guerre, épervierset cimeterres turcs, fait par son vassal, en cédant4 ce dernier le bourg d'Aldy6d" (en roumain :Stremt), au mois de janvier 1508. La possession4tait accorilée en meme temps A la fine de Radu,Anca, et au frere de ce prince, Vlad. Radu avait.demande expressérnent ce fief A cause de lasituation géographique de la localité.,.Si Algyógypassa bient6t entre les mains d'un noble hongrois,un des successeurs de Radu, BAsärabA IV ouNeagoe, obtint A son tour, en 1517, la possessionde ce domaine, pour lui et son fils, Théodose.Plus tard, des boYars chasses par les discordespolitiques de la principauté, le logothete Horvat,le ban PArvu, le trsorier Vancea, puis des suc-.cesseurs de leur lignée, eurent la jouissancede Gioagiu '.

En 1526, un autre Radu, lui aussi prince deValachie, surnommé Radu de la Afumati, obtint.du roi Louis II, successeur de Vladislas, malgrel'opposition de l'Université des Saxons, en 1526,la possession d'Alvincz (en roumain : Vint) et deBorberek (en roumain : Vurper). Un diplomate

1 Les actes relatifs A ces fiefs ont éte publiés ricemmentpar M. Veress, dans son ouvrage cite.

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saxon bien connu, Georges Reicherstorffer, enreclamait la possession, soutenu par son patronle roi Ferdinand. Des nobles transylvains, des.Hongrois, entre autres Etienne Mailat, dont il seraquestion plus loin, s'y installerent, mais apres la.révolte de ce dernier contre le rival de Ferdinand',Jean Zdpolya, prince de Transylvanie, un troi-sieme Radu, prince valaque, Radu PaIsius, obtintce domaine, qui contenait aussi six villagesvoisins, dont les noms nous ont éte conserves,Ajoutons que le secrétaire de ce prince avaitaussi des villages transylvains du côté de Inidoara,

Un nouvel &eche, celui de Geoagiu surgirade ces possessions des princes de Valachie dansles regions occidentales de la province.

Tous ces évechés représentent, bien entendusous l'egide des princes valaques ou moldavesl'organisation des masses populaires roumainesde Transylvanie. Dans ces belles églises de pierre,dues A la munificence des princes de la memerace, ainsi que dans les edifices plus humblesfrequentés par les paysans roumains, les nobles.de cette meme nation n'avaient plus leur place.Nous avons observe cependant que cette dena-tionalisation ne pouvait avoir le sens modernequ'elle itait plut6t une adaptation volontaire qu'unacte force, qu'une abdication nationale ou unetrahison. Les representants les plus brillants de-la race roumaine, qui occupaient des dignités

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importantes dans le royaume de Hongrie, de-vaient avoir les memes relations et le mettle état(l'ame que ce puissant seigneur de la race deDragq qui fut Barthelemy Drágfy, tour a tourBan de Severin et voevode de Transylvanie. Lachronique slavone du regne d'Etienne-le-Grand,prince de Moldavie, mentionne l'intervention pa-cificatrice accomplie en 1497 entre ce prince ettntre le roi de Pologne, Jean-Albert, envahisseur-de ses Etats, par Barthelemy, envoyé du roi deHongrie, et dans ces lignes il est dit que levoevode Birtoc" etait parent d'Etienne, qui lerenvoya avec de grandes demonstrations d'amitieet des presents importants; d'un autre cóte?Dragfy declare qu'il avait suivi une invitation{l'Etienne. Ii parait meme qu'il fut employe pre-cédemment, alors qu'il avait une importancebeaucoup moindre dans sa patrie, du cóte de'Calla, la grande vile genoise, avec laquelle laMoldavie entretenait de frequentes relations. Ceciie serait pas impossible, d'autant plus que toutlait croire que Jean Hunyadi, dans les premieresannées de sa carriere, a été au service du princevalaque Vlad Dracul -comme simple chevalier,vitéz". On s'expliquerait ainsi d'autant plus fa-cilement les pretentions qu'avait Hunyadi dedescendre des princes de Valachie et le corbean-dans le blason de sa famille, corbeau que l'onretrouve dans les armes valaques, et qui fit que

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les Hunyadi furent nommés par des ecrivains ayantl'esprit latin de la Renaissance, Corvini.

A cOté d'un capitaine de l'importance de Bar-thelemy Drágfy, les nobles se maintenaient dansle premier quart du XVI-e siecle aussi bien quependant toute l'époque précédente. La familleKendeffy, dérivant du Roumain Candea, avaitdes domaines étendus et meme des esclavesbohémiens, comme les boYars de Valachie ; elledisposait de vingt.-neuf villages formant sondomaine '.

Lorsqu'en 1522 il fallut fixer la frontiere entrela Transylvanie et la principauté valaque du Ottde la riviere du Jiiu, ceux qui furent déléguéspar le voevode transylvain, Jean Zdpolya, fontpartie des nobles roumains du Hateg, qui por-tent leurs noms nationaux dans un diplôme slavondu prince Bisarabi Neagoe: un Candres, unCandea, un Saricin, un Nalaczy, un Stanciul,un lancul, un Miclaus, etc., dont les noms debapteme sont hongrois, parce qu'ils étaient nobleset catholiques, mais qui gardent leurs surnomsroumains et continuent a vivre au milieu despaysans de leur race dans les anciens villagesroumains de Richitova, Raul-lui-Barbat, Tusnea,WOO, Mujna. Les noms des montagnes aussisont absolument roumains.

Au moment oil le fils de Barthelemy Dragfy,Jean, tombait sur le champ de bataille de Mollies,

' Ibid., II', p. 314 et suiv.

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en combattant contre les Turcs pour le dernierroi de Hongrie, Louis 11, et oii les regions men--tionnees de la Transylvanie gardaient leur petitenoblesse roumaine, le Banat avait pour chefs unGarli§teanu et un Micica§, de Sebe§ (plus tardCaransebe§, par la reunion avec le centre voisinde Cfiviran). Un nouveau Ban appartenait aussia la noblesse roumaine de confession catholique.Dans cette ville de Sebe§ ou Caransebe§, le chefde la municipalité était le Roumain Etienne Stoica,qui fit meme le voyage de Bude pour obtenirla confirmation des privileges de cette ville, dontle capitaine, en 1523, Jean le Vitéz, était aussiun Roumain. Les anciennes families Bizere, Floca,etc., n'ont pas disparu; leurs fils se rendaientaupres des commandants roumains des forte-resses pour apprendre l'art militaire. 11 arrivaitparfois que des Roumains, comme les freresCucavita, originaires de Mehadia, abandonnaientla foi latine pour revenir a l'herésie" orientateorthodoxe de leurs ancetres '.

La disparition du royaume de Hongrie fufune perte pour les Roumains soumis jusqu'alors.a la Couronne de Saint Etienne. L'oligarchietransylvaine, réunie par l'acte de 1437, l'Uniatrium nationum, restait de fait, sous des princes.d'une autorité contestée, ayant toujours des con-currents éloignés a combattre et un suzerain

I Ibid , 112, pp. 448, 451. Pour les mitres, comparez leacitations donnees A la page 125 de l'ouvrage rournaln.

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turc a reconnaitre, la vraie dominatrice de cetteprovince, dont elle essaya de modifier la cons-titution dans le sens de ses propres intdrêts.Le resultat de cet état de choses aurait éte encorepire pour les Roumains si ce changement s'etaitopéré rapidement et facilement, sans tout uneere de troubles, qui permet aux voévodes voisinsde Moldavie et de Valachie de s'immiscer dansles affaires de Transylvanie.

Tout ce qu'on aura a l'avenir dérivera de cetteimrnixtion. L'epoque des privileges est close;rarement quelques Roumains, particulierementclout's, s'éleveront a la dignité nobiliaire, a unesituation supérieure parmi les dignitaires de laprovince. L'epoque de l'autonomie locale estcompletement terminée. Ces princes de Transyl-vanie, de race hongroise, dépenseront tous leursefforts pour arriver a creer quelque chose quipuisse ressembler a une administration moderne;tous les privileges leur sont odieux, et ils pro-fiteront de n'importe quelle occasion pour essayerde les affaiblir ou de les écarter completement.Les Roumains de Transyivanie n'auront donedésormais d'autre appui que celui des princesroumains voisins, dans leur double qualite depropriétaires de fiefs et d'apanages dans cetteprovince et d'allies des partis qui combattentpour la domination. Et ces princes, suivant lapolitique de Mircea et d'Etienne-le-Grand, conso-lideront leur influence en accroissant l'importance

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des évechés roumains déjà établis dans différentesregions de la Transylvanie.

ll y avait un grand avantage a cette manierenouvelle de se défendre et de s'imposer, car lesprivileges représentaient une scission entre Rou-mains : ceux qui en bénéficiaient se detachaientdu reste de la nation, qu'ils affaiblissaient de lasorte, tandis que par cette nouvelle vole, del'organisation hierarchique, de la creation d'uneEglise canonique, reliée au Siege valaque deTArgovi§te et a celui moldave de Suceava, ongagnera d'abord une solidarité roumaine completeen Transylvanie meme, une conscience profonded'unité roumaine dans cette region et, en secondeligne, le sens plus prononcé des relations natu-relies entre les Roumains de Transylvanie etceux qui formaient la population des Principautés.

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VIII.

Un concurrent moldave a la domination dela Transylvanie : Pierre Rares et son oeuvre.

Au moment ou le royaume de Hongrie s'écrou-lait sous les coups des Tures, les princes deMoldavie gardaient toute leur situation antdrieuredans leurs apanages transylvains. Du temps duroi Louis II, certains villages furent meme reunisa ces fiefs, malgr6 l'opposition des Saxons etdes families nobles hongroises, comme celle desBethlen. Si on essayait d'empecher cette annexion,les burgraves mold ayes, comme Sabbas de Cetatea-de-BaltA, en 1515, n'hésitaient pas A se mettre Ah tete de leurs soldats, fantassins et cavaliers,tt A combattre contre ceux qui tentaient unemain-mise de droit. Les proces qui furent in-tentés A ces puissants seigneurs qu'etaient lesprinces voisins resterent toujours sans issue. Onpeut observer meme la tendance des cnezesroumains de la vallée de Rodna, appartenant audistrict de Bistrita, qui avaient obtenu deuximportants villages roumains du voisinage, dese détacher du district saxon pour essayer d'une

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autonomie traditionnelle ou pour se tenir a ladisposition des seigneurs moldaves du voisinage T.

En septembre 1523, ces cnezes de la van& deRodna se presentent devant le magistrat deBistrita avec trois pretres ou popes, ce quisignifie hieromonaques, demandant qu'on leurpermette de reconstruire l'ancien cloitre, recem-ment detruit, situé pres des villages de HordAuet de Telciu. Pour le moment, aucune décisiorkne fut prise A ce sujet.

Le moment n'était d'ailleurs pas propice pources creations ; l'anarchie avait commence a pro-duire ses resultats. Une nouvelle révolte de paysans,dont le point de depart se trouvait parmi cescolons serbes que le royaume de Hongriecroyait pouvoir garder toujours fideles a sesintérets, éclata en 1527. Le chef du mouvement,que le peuple nommait l'Homme Noir et qui sefaisait intituler le Tzar Ivan, pedant volontiersde sa dessendance des anciens ,maltres de Cons-tantinople, n'etait qu'un Serbe du vulgaire. II

attaqua la citadelle de Timisoara et tua LadislasCsáky. Les missives de ce mysterieux personnages'adressaient, non seulement aux Slaves se trou-vant dans le royaume de Hongrie, mais a tousles orthodoxes, et notamment aux Roumains deTransylvanie et des pays voisins, leur promettant

' Pour tout ce qui concerne ces faits, voir les sourcesdans l'ouvrage rouma in, pp. 428-129

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Fig. 7. Eglise en bois (Transylvanie)

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de les délivrer de la cruauté des seigneurs etdes nobles envers leurs sujetsa. Quand la revokeatteignit la region du Hateg et de Inidoara, levoCvode du pays se rappela que les Rou-mains de Transylvanie sont beaucoup plus nom-breux que les Serbes de Hongrie et ont la memereligion que ces Serbee. Cependant les nobles,dont les intérets étaient différents de ceux de lamasse des paysans, résisterent, cherchant a em-pecher les bandes du Tzar Ivan de pénétrerdans la vallée du Mura§, et ils s'attirerent lesmesures les plus cruelles de vengeance de sapart. Mais bient6t, sur les bords de la Tisa,la révolte fut étouffée, et son chef perk, commejadis Dozsa.

Cependant les villages roumains auraient eu rai-son de sontenir cette nouvelle jacquerie : ils soul-fraient non seulement par le fait des nobles,mais aussi par celui des Saxons, dont le jougdevenait de plus en plus pesant. Un prélat hon-grois, Paul Thomory, qui avait administré pendantquelque temps le district de Figfira§, constatel'injustice barbare du systeme employé a l'égarddes Roumains, et cependant il affirme aussi,tout en relevant les abus commis par les digni-taires saxons, que le Saxon doit etre préféré,ainsi que cela avait lieu de notre temps, auRoumain, car autrement ce pays ne ferait bien-t6t plus ancune difference, s'il devait peser avec

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la meme mesure l'intérêt du catholique et celui

du Roumain ta.Un vengeur devait bientOt paraltre, et ce hit

ce prince moldave, remarquable par son intel-

ligence rusée, par son indomptable foi dans samission et dans la justice de ses prdtentions,ainsi que par son énergie comme guerrier, PierreRarm fils d'Etienne-Ie-Grand et le quatrieme dessuccesseurs du h6ros.

Son ambition devait être suscitée et entretenuepar le parti autrichien et imperial du roi Fer-dinand et celui, plutot local que hongrois dansle sens national, 'de Jean Zapolya. Des l'annde1527, au moment oil les bandes du Tzar Ivanddvastaient certaines parties de la Transylvanie,des envoyés de Ferdinand faisaient savoir auprince moldave que, s'il prêtera son appui AFerdinand, le roi lui cédera Bistrija et son dis-

triCt" 2.De son OH& Zipolya ayant été averti de ce

A Omittimus nos querimonias castellanorum, que nobisscribunt ad scripts, et coram dixerunt: tantum hoc estut Saxo preferri debet, ut erat tempore nostro, Walacho :alioquin regnum illud erit cito indifferens, si equamensura ponderatur negocium catholici ut Wolachii."

' 11 serait difficile de renvoyer sans cesse aux sources ;nous nous bornerons A signaler que la documentationentiere se trouve dans le chapitre respectif de notreouvrage roumain. Nous nous contenterons dans cet ou-vrage-ci de renvoyer seulement aux passages les plusimportants.

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qui se tramait, d6putait a Pierre son fidele JeanCs611 pour s'entendre avec le voévode et luilaisser en gage certains biens et droits de do-mination qui nous appartiennent dans la circon-scription de cette vile de Bistrita, qui est notre"1.Le vot3vode devait pouvoir les occuper sansretard. Za'polya s'excusait envers les habitants,en mentionnant le caractere provisoire de cettecession. II parait que ce prince obtint A ce mo-ment le bourg de Reteg, dans les environs, quiavait appartenu, d'ailleurs, aussi a Etienne-le-Grand.

Mais Ferdinand, qui avait remporte la victoiresur Zapolya, chercha A son tour A gagner l'appuidu Moldave, évidemment au prix de nouvellescessions. Des assurances formelles furent donnéesen 1528. Ces offres cependant ne suffirent pas a

faire entrer en action le Moldave, qui s'arrttaitlonguement sur les propositions qui lui venaientdes deux cOtds et ne se Wait qu'au momentou il savait que son intervention pouvait produiredes r6sultats décisifs. 11 inclinait plutOt pourZapolya, se rendant compte instinctivement quela Transylvanie ne pouvait appartenir aux Fer-

' Cum... Petro Wayvoda nostro (I) moldaviensi con-cordare certaque bona et jura nostra possessionaria inpertinenciis istius civitatie nostre bIstriciensis existenciaet habits ipsi titulo pignoris obligare debebit"; Hurmuzaki,XV, pp. 298-299, no. 546. Cf. lorga, Documentele Bistrifei,I, pp. xix-xx.

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dinandistes, malgre l'appui dévoué que leur four-nissaient les Saxons, cédant au sentiment de lacommunaute de race. Du reste, les Roumains deTransylvanie soutenaient presque tons la memecause. Le roi János" recut A Nagy-Vdrad unedeputation des nobles du pays du Hateg, ayantA leur tete Jean de SAncel (en hongrois Zancsdly)qui lui firent l'hommage de leur dévouement.Dans les actes de cette meme armee 1528, ontrouve des lettres de Zipolya adressées auxfamilies roumaines OP mentionnées, de cetteregion transylvaine. A la diete de Vasarheiu,Nicolas -de Buituri et Stanciu de Matesti se pré-senterent pour tnanifester dans le meme sensfavorable a Zdpolya. Les nobles du Maramourecheconnaissaient ce prince du temps ou il avait ad-ministré dans leur voisinage, car il était originairedu Czips. Et, en ce qui concerne le Banat, une lettredes habitants de Sibiiu-Hermannstadt A ceux deBrasov-Kronstadt dit nettement, A l'époque oilZápolya se trouvait A Ceanad, aide par les Tures,que l'intention secrete des habitants de Caran-sebes, Lugoj, etc., parait etre celle de soutenirledit roi Jean. Et ce sentiment de sympathie poursa cause, commun aux Roumains de Moldavie,de Valachie, de Transylvanie, s'explique par lefait que le regime inaugure par Zápolya n'avait,

ainsi qu'il a été dit , rien de particulierementmagyar, qu'il représentait plutôt la continuation

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d'une tradition locale, chere a toute nation quihabitait depuis des siecles cette province.

Parmi ceuk qui joutrent un grand rOle dansces querelles de Transylvanie, il faut signalerparticulierement une personnalité émirrente parses talents, mais qui, conduite par une ambitionplus forte même que ses moyens, devait finirdans l'obscurité d'une prison de Constantinople.Avant l'heure malheureuse de sa captivité, il

avait connu peu a peu les premieres situationsdans la province, dont il fut considéré pendantdes années comme un vrai chef, le seul en état,A un certain moment, de tenir tete aux invasionsvictorieuses du prince moldave. Cet autre Rou-main est Etienne Mai lat, dont le nom, qui estaussi celui de certains boYars valaques de lameme époque, est écrit par les contemporainshongrois et etrangers en general: Majláth. En1509, ce Mai lat achetait le village de Tantari(en hongrois Szimyogszegh), de la famille hon-groise Forró. Le siege de cette famille roumaineétait Comana, un des plus anciens villages dece district de Fàgäraf. Les noms de ses fils sontd'anciens noms caractéristiques roumains. Plustard, Matthias Mai lat soutiendra un proces contrePaul Thomory, le chatelain de Figfir déjà men-tionné. Quant A Etienne, il prenait possessions,au cours *le l'été de l'année 1528, de cette cita-delle de Ffigfira, ayant appartenu jusqu'alors

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audit Thomory, et commencait de cette facon sacarriere.

Les invasions moldaves en Transylvanie, dontle but cache etait peut-etre tres ambitieux, ten-dant A la domination de la province entiere,souvent incapable de se défendre, commencentavec l'année 1529. Une premiere attaque saccageacompletement le pays des Szekler, qui n'osaplus jamais suivre une autre direction politiqueque celle du prince moldave voisin. Les Szeklerfurent soumis", dit la chronique moldave, qui nese trompe pas, les anciennes relations de vas-sante avec la Moldavie ayant été et pour delongues années completement rétablies. On avaitimpose a ces gardiens de la frontiere de recon-naitre aussi les droits supérieurs de Zdpolya, eton voit bientôt ces Szekler recevoir des or-dres formels du prince moldave, auquel ils sesoumettent sans murmurer.

Apres cette premiere expedition, des le prin--temps de l'année 1529, la ville de Bistrita payeA Pierre Rare§ le revenu habituel, cede par leroi Louis II A un prédécesseur de Pierre, pours'assurer de son appui. C'était le premier pasque la Moldavie eat entrepris pour la possessionde l'importante cite saxonne. Aussitert les repré-sentants de l'empereur firent tuer le chAtelainde Ciceu et occuperent Cetatea-de-Baltd. Pierre futdédommage de cette offense par la promessefaite par Zdpolya, au mois de juin, de lui aban-

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.donner Bistrita avec son territoire. Des le moisde mai, il considerait les Saxons de Bistrita.comme ses sujets et fideles" (lobagiones etfideles).

Bientet les troupes moldaves, commandées par4e Grand Vornic Grozav, entrerent en Transyl-vanie. Mai lat essaya en vain de leur resister. Le-gouverneur de Transylvanie laissait a Dieu lesoin de punir le barbare". Les troupes, entréespar les defiles du Nord, cherchent a occuperapres avoir retabli un burgrave a Ciceu, le chateauvoisin de Ungurag. L'armee conduite par Grozavgagnait bientet la grande victoire de Feldioara, quisignifiait l'écrasement total des troupes saxonnesfideles au roi Ferdinand. Toute la region tombaau pouvoir des Moldaves, dont l'avantgarde pe-fietra jusqu'aux environs de Alba-lulia, l'ancienneCapitale de la province.

Pendant ties mois entiers, Bistrita résista auxprétentions de Pierre, qui parvint cependant, nonsans avoir employe les armes, a établir ses sol-dats dans le chateau convoité de Ungurag. Ceratait pas ce qu'il avait desire, son ambition,étant restée jusqu'au bout celle de commanderclans Bistrita elle-meme, qu'il considérait commefaisant partie de ses propres bats. Mais, si lebut politique poursuivi ne fut pas atteint, lapresence sur cette terre transylvaine des soldatsmoldaves eut des diets notables pour les pro-

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gres des Roumains dans ce coin du Nord-Estde la province.

Parmi ceux qui se présenterent pour combat-tre sous les drapeaux de Pierre Rarm on ren-contre l'eveque de Vad, Anastase, successeur dece Barlaam, dont on conservait une piece devetement portant dans une inscription la datede 1527. Anastase, le nouvel 6veque, connaissaitles langues étrangeres. II n'était pas seulementun excellent soldat, mais aussi un diplomateavisé, et Pierre le chargea d'obtenir un sauf-conduit pour les habitants de Brasov. Il &sitprobablement Transylvain d'origine, mais s'etaitforme, selon la coutume des moines cultives decette province, en Moldavie et, A savoir, dans legrand monastere de Putna, fondation d'Etienne-le-Grand, auquel en 1538 il faisait un don de2.000 ducats de Hongrie '.

Vers la fin de l'annee 1529 Rarm qui atten-dait d'un avenir prochain la soumission completede Bistrita et qui disposait, ainsi qu'il a étd dit,des Szekler, développait un nouveau point deson programme de conquete en Transylvanie.Entrant en personne dans cette province, avec

1 lorga, Istoria Armatei, I, p. 250, note 3. Voy. Hur-muzaki, XV, p. 337, no. 624 $ Cipariu, Acte .yi Fragmente,p. xtv$ Bunea, Vechile episcopii, p. 20$ cf. Hurmuzaki,XV, p. 354, no. 660; Dan. Mdndstirea P ulna, Bucareat1905, p. 215, no. 5; Bogdan, Docamentele lui Stefan-cel-Mare, 1, pp. 71-72.

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une puissante armée, il se dirigea vers Bra-§ov, avec l'intention de soumettre cette villega1ement a l'autorité, qu'il reconnaissait ldgitime,

du roi Jean. II se saisit du village de Prejmer,garda, et oh fonctionna quelques mois plus

tard, en 1530, un bureau de douanes moldave,ce qui signifie des intentions formelles d'an-nexion L. Et il faut ajouter qu'il entendait dis-poser aussi des revenus de ce village 2.

Bra§ov elle-méme, la grande ville saxonnedu Sud-Est, fut attaquée et cernée pendant assezlongtemps. En faisant semblant de soutenir lacause de Zdpolya, Pierre demandait Phommagepour lui aussi. 11 ne consentit a partir qu'apresque la ville se hitt rachetée par le payement de10.000 florins, en se confiant A sa protection et

sa ddfense" 3. Et il faut ajouter qu'une som-mation pareille fut adressée a la ville de Sighi-§oara, qui se racheta de la meme maniere 4. Raresaccordait deux villages dans ce pays de la BarsaA ses secrdtaires hongrois et il parfait dans sesndgociations avec les déldgués de Bra§ov de

,Quod Sua Magnificencia telonium in Prasmar erigerevolebat ; ,Petrus Vaiwoda moldaviensis telonium inPrasmar erigere volebat' ; Quellen der Stadt Kronstadt(Brass6), II, pp. 188-190

Hurmuzaki, XV, pp. 358-359, nos. 670-671.,Sein Genadt wolt uns beschiczen und beschirmen' ;

p. 340, no. 629.4 ibid., p. 348, no. 649.

qu'il

'

Ibid.,

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,certains villages de messire Mai lat, qui appar-tiennent a la cite de Figira§"1.

Par le traite conclu avec cette ville, Pierre seconsiderait corn me vrai maitre de la Transylvanie,ce district de Fagan§ également, et il accordaitaux marchands de Bra§ov, non seulement leprivilege du trafic dans son pays, mais aussidans toutes les regions transylvaines I.

En 1538 Rare§ proclamait hautement qu'il aconquis cette province le sabre a la main etqu'il ne la cedera a personne", ni a Ferdinand,ni a un autre, ajoutant, par un reste de scru-pules, que Zdpolya lui seul pourrait en reclamerla possession. S'adressant a des envoyes transyl-vains, il leur parlait dans ces termes: Vousetes mes sujets, conquis par le sabre ; quelautre prince pourriez-vous avoir?". Et MarcPemflinger, l'aventurier saxon qui avait obtenu deFerdinand les fiefs de Ciceu et Cetatea-de-Baltàet qui revait d'étendre ses possessions jusqu'auDanube valaque et jusqu'a Plevna, écrivait en1530 que ce traitre moldave veut la province

' Czw reden vonn Her Maylat seiner Deafer halben,die czw Fugrasch gehorrere; Hurmuzaki, loc. cit. Cf. letraitd du 3 novembre, qui permet aux habitants de Bra-sov de se soumettre au roi vainqueur ; ibid., p. 341. IIavait méme occupd la vile de Medias A un certainmoment ; Ursu, Auswärtige Politik Peter Raree, p. &

' Veress, loc. cit., pp. 208-209, 211 ; Hurmuzaki, 114,pp. 60-61.

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pour lui-meme". On ne pouvait parler plusfranchernent, ni dévoiler plus nettement les butspoursuivis par cette politique habile et energiqueen même temps. Elle tendait A utiliser la riva-lite entre Zdpolya et Ferdinand, la soumissiondes Szekler, la faiblesse des Saxons vaincus etla sympathie naturelle de la race roumaire pourréunir A Mat rnoldave cette riche province voi-sine, habitée dans la plus grande partie par lameme nation.

Cependant Zdpolya venait d'etre établi par lesTurcs A Bude, en 1530, et il commencait déjà afaire des reserves en ce qui concerne la situation-de Rare§ en Transylvanie, oil il traitait formel-1ement le pays de la 'Ursa comme sa possession.Le roi de Hongrie et prince de Transylvanie parla grace du Sultan confiait le soin d'administrertette province A Etienne Báthory, son lieutenantroyal" ; du reste il ne manqua pas, certainement,sur l'intervention de Rares, de recommander auxSaxons de Bistrita une soumission entiere enversleur puissant voisin. On. finit par s'entendre : siles burgraves moldaves ne co.mmandaient pasdans la forteresse, les droits de suzeraineté deRare§ furent formellement reconnus. On lui payarégulierement le cens dit de Saint-Martin et, dansles environs, les soldats et les dignitaires mol-daves se trouvaient aussi bien dans Ciceu,Reteg, Ungurasu que dans Rodna elle-meme,

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dont l'exploitation des mines profitait au Tresormoldave. Chaque année le lipn de vassalité étaitreconnu par les bourgeois de Bistrita, qui dé-putaient A leur suzerain le magistrat lui-memeou quatre jurés de la Ville, quatre du territoire,ainsi cite deux des quatre gerebs".

Mais l'année 1531 vit l'invasion de Rares dansla Pocutie polonaise, qu'il réclamait comme he-ritage de son pere, Etienne-le-Grand, une guerredifficile, qui devait l'immobiliser pendant phi-sieurs années et, en merne temps, Zdpolya seprésentait en Transylvanie et faisait acte de sou-veraineté A Alba-Julia.

En 1532 le Sultan Soliman lui-meme, vraimaitre des destinées de la Hongrie, envoyaitcomme gouverneur dans cette Transylvanie cefils batard de doge vénitien, Louis Gritti, auquel.on attribuait des projets de domination sur lepays, ainsi que sur les deux provinces roumai-nes voisines. Ce ne fut qu'en 1534 que PierreRares trouva le moyen d'intervenir pour satisfaireau moins son désir de vengeance envers cet&ranger qui venait récolter sur le territoire oilil avait semé dans le sillon ouvert par son,sabre victorieux, Bistrita elle-meme commencaitA se detacher d'un suzerain qu'elle n'avait jamaisaime, qu'elle n'avait accepté qu'avec un sentimentde proionde révolte et dont elle considerait lesdroits comme tine profonde humiliation infligepar le malheur des temps.

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En fdvrier 1533 un eveque roumain, Hilarion,.se présentait devant le Conseil de la ville pourdemander la confirmation du privilege concer-nant ce cloitre valaque pres de Flord Au, dont il.a été question plus haut, et il obtenait aussi laloret voisine de chenes, le moulin construit parl'eveque, ainsi qu'un territoire de pacage pourles brebis I. Ce n'était pas un successeur cl'A-nastase qu'on rencontrera comme soutien, puis .

comme ennemi de Pierre Rares, mais bien un&Nue roumain particulier, que Bistrita consen-tait a dtablir sur son propre territoire, sans et-taches avec la Moldavie, un eveque de concur-rence, qui devait contribuer a affaiblir la situa-tion des Moldaves dans ces parages.

Venons maintenant a cette intervention contre-Gritti, dont il a ete question plus haut. Cettelois le prince de Moldavie apparut comme re-présentant de la cause du roi Ferdinand, Gritti&ant en apparence un adherent de Zdpolya, etil considérait Mailat comme son ami et allid.Le Vénitien, ayant tue sur des soupcons de tra-hison le vice-voevode de Transylvanie, EméricCzibak, avait excite une revolte generale de lanoblesse transylvaine. Le Moldave feignit dejouer le rOle de mddiateur et ami; le comman-dant de ses troupes entra dans le pays au mo-

, Ibid., XV, p. E66.

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ment oU Gritti était assiégé dans la ville deMedias ; le représentant du Sultan chercha unrefuge dans le camp moldave, mais il fut exe-cute et ses enfants envoyés A Rares, qui les fitclisparaitre.

Ceci contribua A faire élire comme Voivodelie Transylvanie Etienne Mailat, qui se declara-aussitOt pour la cause de Ferdinand. Ce roi desRomains n'était guere dispose A accorder auxMoldaves la possession des cites cédées parlapolya, préférant en faire don A Marc Pem-flinger, dep. cite. Cependant une confirmationfut accordée, bien qu'assez peu sincerement, ence qui concerne Ciceu, Cetatea-de-Baltá, Unguraset Bistrita et, en echange, le prince de Moldaviefit hommage au nouveau maitre de la Transyl-vanie. Pourtant la dechéance de la politiqueiinauguree par Rares continua rapidement. En1536, Ungura§ fut occupée par Zapolya, quiy envoya Mailat. Quelques semaines plus tard,le meme voévode fit disparaitre le représentantde Rare§ dans le pays des Szekler ; Bistrita seule-continua A payer le cens A son suzerain.

Deux ans apres, le Moldave, attaqué par leSultan Soliman, auquel il avait éte denonce parles Polonais, devait quitter sa principauté pourse refugier en Transylvanie. Passant par Vasar-heiu, ou il trouva des amis parmi les Szekler,il put se refugier dans sa citadelle de Ciceu,-oil les siens, le burgrave et l'eveque Anastase

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leur tete, penserent bientOt A le livrer a sesennemis. Des fideles du prince déchu étaientdisperses dans les villages appartenant au dis-trict de Bistrita.

Ayant pris la decision de se rendre A Con-.stantinople pour demander pardon au Sultan etregagner sa situation perdue, Pierre réussit A

rentrer en Moldavie au commencement de ran-née 1540.

Celui qui l'avait remplacé pour quelques mois,8tienne, dit LAcustá (Sauterelle), n'avait pas.manqué de demander a Mailat la restitution desfiefs transylvains. II avait aussi des pretentions.sur le chateau de Szent-Lélek dans le pays desSzekler, qui avait appartenu A son prédécesseur.II demandait aussi au roi Ferdinand la posses-sion de Ciceu et de Cetatea-de-BaltP.

De son côte, Rarq ne paraissait pas dispose-oublier ce qu'il avait pris jadis en Transyl-

vanie et ce que cette politique lui avait rapporté..Des l'année 1542, le secrétaire royal Pierre Po-rembski écrivait ce qui suit : Si le Val/ode de-Moldavie entrerait dans le pays, beaucoup sontd'avis qu'il a une entente avec les Szekler, quisont des gens ruses, perfides et inconstants, etcertains Roumains ont une grande partie de la.

Veress, ouvr. cite, pp 300-301, no. 258 ; ibid., pp.304-305, no. 264 et. en general, ibid., pp. 302.305 ; C. Giu-rescu, dans le Buletinut Cotnisiei Istorice, I, pp. 282-284..

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province, qui se reunira facilement a lui, parcequ'il sont de méme langue" 1.

Précieuse declaration, qui montre que la com-prehension des relations nécessaires entre lesRoumains de Transylvanie et ceux des Princi-pautés était entree déjà dans les conceptionspolitiques des representants de la classe do-minante en Transylvanie.

Zapolya était mort A cette dpoque, laissantpour successeur un enfant age de quelquesjours, comme régente une étrangere, la reineIsabelle, file du roi de Pologne et d'une prin-.cesse italienne et, comme conseiller, Martinuzzi,4veque de Orade, un Slave, ainsi que le SerbePétruvitch, chef des nouveaux colons du Banat.De fait, la Transylvanie obéissait a Mai lat, quiportal a ce moment le titre de capitaine, prd-tendant représenter les seuls intérets du roiFerdinand.

Pierre Rare.5 avait abandonné sa grande poll-lique en ce qui concerne la Transylvanie, maisil ne pouvait en meme temps renoncer a ses

1 .Si Vaivoda moldaviensie ingredietur regnum, pie-rique homines (di.: omnes) suspicantur quod habeatintelligentiam cum Siculis, qui aunt homines versufi,-callidi, inconstantes. Et aliqui Valachi possident bonamTegni partem, qui levl de causa, propter linguae socie-tatem, illi (dd.: illis) adhaeserunt*.; Hurmuzaki, Il , pp.306-307, no. 171 $ cf. Ibid., X, p. in.

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droits de possession sur Ciceu et Cetatea-de-Baltàces deux forteresses avaient ete mises en gage.par Zdpolya a sa femme, et la reine devait etre-contrainte de les restituer. Des le commencement,le Moldave demanda aux habitants de Bistritade payer le cens habituel, mais ce qui le préoc-Cupait surtout c'etait de se venger de Mai lat.Penetrant en Transylvanie en 1541, Pierre fitsemblant de vouloir attaquer Bistrita, et, s'etant-réuni aux troupes valaques, ii contraignit bientôtMai lat A faire sa soumission. Envoye A Constan-tinople, ce dernier devait y mourir en prison.

Pendant cette meme annde, les deux grandsdomaines moldaves de Transylvanie furent re-dames A la diete de Vasarheiu. Au mois deseptembre de l'année suivante, 1542, on crai-gnait une attaqtte des Moldaves contre Brasovcontre Sibiiu ou Flgiras, mais Rares se dirigeavers Cetatea-de-Balti, qu'il soumit de nOuveauA son autorite. Apres cette occupation, on s'at-tendait cependant A le voir se cliriger du ctite-de Medias, mais Ciceu resta encore au pouvoir-de ses ennemis, A cause de Martinuzzi, quiarrivait avec des troupes supérieures en nombre,et d'autres troupes garnisonnerent contre lui laforteresse de Unguras, pendant que revaluefaisait elever, cornme un nouveau boulevard ducôté de la Moldavie, les fortifications de Cher la(en hongrois Szamosujvár), ce qui permit a.

Bistrita de cesser le payement du cens de Saint

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Martin. Apres de nouvelles tentatives, faites en1543 et 1544, Rares obtint les domaines qu'ilavait reclamés, mais apres que les murs desforteresses eussent ete completement détruits. 11ne s'agissait donc plus que d'une dominationadministrative par des délégués civils du voevode.

Les fils de Rares, Elie et Etienne, se melerentaussi aux affaires de Transylvanie, sans pouvoirnourrir les grands projets de leur pere. lls gar-daient Rodna et les villages voisins; les minesd'argent fournissaient le materiel pour la monnaiemoldave.

En 1550, une courte expedition commandéepar Etienne, avant l'arrivée du prince lui-meme,n'eut aucun résultat important. Apres une in-cursion des Szekler, qui avaient brisé leurs liensavec la Moldavie, 8tienne lui-meme, qui avaitsuccédé a son frere, s'avança jusqu'aux environsde Brasov. Martinuzzi avait ordonnd d'arreterles officiers moldaves de Rodna, qui fabriquaient-de la fausse monnaie hongroise.

Un troisieme successeur de Pierre Rares,Alexandre Lapusneanu, entra en Transylvanie, etil parait avoir occupe le chateau de Beth len (enroumain : Beclean). S'il revint, en 1556 et 1557,avec le prince valaque, son voisin, Petrascu-le-Bon, dont on a retrouvé depuis peu le sceaudans cette terre de Transylvanie , leur but n'étaitautre que d'obtempérer aux ordres du Sultan,qui leur avait impose de ramener dans sa Ca-

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pitale la reine-veuve Isabelle ; puis, comme cetteprincesse avait repris aux Moldaves Rodna,ceux-ci s'en vengerent par une nouvelle attaque.

On croyait a ce moment que le Sultan avaitl'intention de réduire les provinces soumises AIsabelle, en faisait tirer une ligne de frontiere(le Cetatea-de-Baltä A Deva et dans le districtde SAlagiu, en réservant pour lui la possessiondu pays de la BArsa, avec le grand centre decommerce de Brasov.

La reine devait restituer, tout de meme, auprince Alexandre la possession de Cetatea-de-Balta., et, comme on tardait dans l'exécution decet ordre, le prince moldave fit battre les envoyésd'Isabelle avant de passer la frontiere. Bientôton trouve les représentants du Moldave dansles deux forteresses qui appartenaient A sespredécesseurs, et A Rodna des émissaires d'Ale-xandre empechent l'exploitation des mines auprofit de la reine.

Le dernier des princes de Moldavie qui pensaaux chateaux céd6s en 1475 par le roi Matthias AEtienne-le-Grand fut ce bizarre aventurier JacquesHéraclide, dit le Despote, qui devint prince deMoldavie apres l'expulsion de Upusneanu. Ceprince anachronique, qui était inspire par lesidées de conquetes et de gloire de la Renaissance,songeait A conquérir la Transylvanie, mais il

entendait aussi se reserver le titre de prince de

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cette province. II y avait des personnes de l'im-portance de Forgdch, eveque de Orade, quicroyaient que cela pouvait lui reussir 1.

Le Despote rnenaçait Jean-Sigismond, fils deZdpolya, de lui arracher Ciceu et Cetatea-de-Baltd, meme si elles seraient enfouies dans sapoitrine. On sait, d'un autre eta, qu'il avaitl'intention de revolter les Szekler, ces anciensauxiliaires des princes de Moldavie en Tranpsylvanie

Pendant tout ce temps, les evechés fondes parles princes rnoldaves continuaient a exister dansleur forme premiere.

Le 19 juillet 1546, Pierre Rare annonce auxhabitants de Bistrita qu'il a elu le moine Tara-sius comme eveque de Vad, et il dit : notreeveque", ce qui fixe bien le caractere que devaitavoi; ce prelat. Sa situation allait etre celle deson prédecesseur, et ses droits étaient tenuss'etendre sur tous les villages oil se trouventdes pretres roumains. On Voit de la sorte quela tentative des bourgeois saxons d'avoir uneveque separe pour leur territoire avait echoué.

1 Archly far siebenblirgische Landeskunde, I', p. 289et suiv.; Bunyitay, A ',dm& piispökok, Nagy-Virad, 18830. 419 et suiv. Le reste des renvois, tree nombreux. dansle chapitre correspondant de Vouvrage roumain.

2 Gratiani, dans Legrand, Deux vies de Jacques Ba-silikos, Paris 1889, p. 197 1 Hurmuzaki, 114, p. 328.

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Quatre anndes plus lard, le 5 janvier 1550, leprince elie recommandait a son tour commedveque de ce diocese, en relations avec l'Eglisemoldave, Georges, successeur de Tarasius. Ondemanda a la vine une recommandation &ritepour que le nouvel élu put exercer sa jurisdic-tion et recueillir ses revenus

II est indubitable que l'autorité de ces prdlatsdevait s'étendre aussi bien stir le pays des Szek-ler que stir le Maramoureche voisin, qui conti-nuait a avoir un caractere purement roumain etoft les fonctions de comte et de vicomte étaientsouvent remplies par des reprdsentants de l'an-cienne noblesse, comme ce Melchior Pogan quel'on retrouve en 1560 a la tete de la province.Ii faut ajouter aussi qu'en echange des influ-ences civilisatrices qu'amenaient en Transylvanieces moines, formds dans les couvents de Mol-davie, les princes de cette province employaientdes secrétaires originaires du Banat ou de dif-férentes contrées transylvaines. II serait possiblememe que ce noble Nicolas le Valaque", quiest envoyé en 1523 au roi Ferdinand, soit lefutur archeveque Nicolas Olahus, dont il a étequestion. auparavant. Un secrdtaire originaire deLugoj, dans le Banat, se retrouve, aussi aupresdu prince valaque, contemporain, Radu.

' Les actes relatifs A ces deux évéques se trouventdans le volume XV de la collection Hurmuzaki.

".

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Bien que le district de Figäras, sous l'admi-nistration de la veuve de Mai lat, Anne Nádasdy,qui employait souvent les boIars du pays, pros-Omit en ce moment et que, malgre les protes-tations et les mesures atroces des Saxons, lespatres roumains, ayant des conventions aussiavec les princes de la Valachie voisine, pouvaienttraverser comme auparavant les montagnes et lesvallées, la forme ecclésiastique imposee par cesprinces valaques, anciens maftres du pays, avaitdisparu. Il n'y avait pas d'eveque du dad deFig Aras; il fallait que ces regions du Sud de laTransylvanie fussent réunies A celles de l'Ouestsous l'autorite de nouveaux éveques.

Alors que les nobles du Hateg et du districtde Inidoara continuaient leur autonomie ante-rieure, les documents mentionnent aussi descnezes et des fonctionnaires inférieurs, appeléscrainici", ce qui sigmfierait : hérauts d'armes ,on trouve la lettre, datée de 1553, par laquellele chAtelain de Inidoara recommande le pretreJean de Pesteana, qui, nomm, par le voévodedu pays comme éveque roumain de cette pro-vince de Transylvanie", pour la province en-tiere, par consequent, et, non pas pour un dis-trict determine , se rend A TArgoviste pour yetre consacrel. Il s'agit sans doute d'un succes-

1 Presque tous les actes concernant ces dveques sontpublids dans notre volume XV de la collection Hurmuzaki,

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seur des anciens protopopes, de ce Pierre quenous avons rencontre jusqu'en 1562. Jean n'eutpas de successeur et, vers 1582, on allait revenir,dans une forme calviniste, a l'ancienne organi-sation des protopopes.

Des l'époque oh des princes valaques avaientleur domaine a Stremt, une nouvelle residenced'éveque dut etre établie dans ces regions presde la riviere du Muras. En 1557, en effet, lareine Isabelle, se basant sur toute une tradition,sur des droits ab antiquo, confirma comme evequeChristophe, un moine forme a Mole slavo-grecque, en ce qui concerne le rite, qui lui avaitete recommande. C'est le premier des evequesde Geoagiu, dont il sera question aussi par lasuite.

Enfin, dans la region du Hateg, l'érection d'uncouvent roumain destine a abriter un nouveleveque est due a la fille du prince valaqueMoIse, Zamfira, qui, établie définitivement enTransylvanie, oh elle se maria A Etienne Kesserii,puis a Stanislas Nisowski et enfin, sur ses vieuxjours, au prétendant au trône transylvain quefut Paul Markházy, est la fondatrice en memetemps de reglise du monastere de Dansus, batieavec des pierres prises aux ruines de Sarmisé-gethouza, ancienne capitale du roi Decebale, etdu couvent de Prislop, oh elle fut enterrée aumois de mars 1580. Les possessions de Zamfira,

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s'etendant de ce côté, forrnaient un des plusbeaux domaines de la province.

Il n'y avait done aucune region de la Tran-sylvanie habitee par les Rournains oir la munifi-cence des princes de Moldavie et de Valachien'eat créé une organisation religieuse a l'usagedes Roumains de la province voisine, et le cou-vent, la residence de l'eveque, ne signifiait passeulement un acte de bonne politique, mais enmeme temps il entrainait toute une influence decivilisation, destinée a faire éclore bient6t surcette autre terre roumaine un mouvement culture], qui allait donner une conscience nationalea cette partie non-libre des Roumains.

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IX.

Les Roumains de Transylvanie et laréforme religieuse.

A ces influences il faut ajouter celle, presquepermanent; des rifugies valaques et moldavesque les discordes intérieures dans les deux prin-cipautés chassaient au-delã de la frontiere tran-sylvaine. On les retrouve partout, dans le paysdes Szekler même, oil les boIars avaient desamis. Du côté de FAgár on se rappelait lesanciennes relations avec la Valachie, désormaisdéfinitivement interrompues. A Bra§ov, oil BA-saxab6-Neagoe avait bâti une belle eglise, de-diée A Saint Nicolas, que Pierre Cercel, le favoride Henri III de France, avait tout récemmentornde et agrandie; a Sibiiu, oil mourait en1559 le boIar Mircea, familier de la reine Isa-belle : a Sighi§oara, a Bistrita, a Orfi§tie, ()it

ces emigres donnerent une vraie dynastie demagistrats. En 1553 il fallut penser, pour satis-faire les princes voisins, a concentrer ces emigresdans certaines villes qui devaient etre pour euxune espece de domicilio coatto. Le logothete

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Jean de Pitesti, qui avait épousé la princesseStana, fille du prince valaque Mircea Ciobanul,s'établit sur le bien-fonds de Cetea, pres deAlba-Julia, oil il éleva ses lilies, dont l'une futmariée A Pierre Rdcz, noble transylvain d'origineserbe ou roumaine. Cette famine a, du reste,une grande importance au milieu des Roumainsde Transylvanie, et il en sera question plus loin.Partout, ces émigrés apportaient avec eux deslérnents de civilisation, un sentiment de corn-

munauté roumaine et, en même temps, le prestigede leur titre, de leurs richesses, de leurs attachesaux dynasties regnantes dans les deux princi-pautes. Le pauvre serf roumain pouvait admirerdans ces seigneurs et ces grandes dames desreprésentants de meilleur alloi de sa proprerace, alors qu'il peinait sur ce sol transylvainqu'il faisait fructifier pour ses maitres.

Il faut tenir compte aussi des relations decommerce, tres actives, entre les Principautés etla Transylvanie. Depuis que les Saxons, si actifsjusqu'au XV-e siecle, avaient renoncé aux voyagesde l'autre OM des montagnes, jugeant que ledanger n'était pas compensé par le gain, desmarchands roumains des deux pays voisins ye-naient sans cesse offrir leurs produits et acheterceux de la Transylvanie, ou bien s'approvisionnerdes marchandises que les Saxons achetaient enAllemagne et ailleurs. De lourds chariots, remplisde poisson du Danube, des troupeaux de boeufs

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moldaves, des transports de produits d'outre-mertraversaient incessamment la province, et lesmarchands ne s'arretaient pas seulement dansles grandes villes, mais aussi dans les principauxvillages, dont les habitants avaient, sous ce rap-port aussi, l'occasion de connaltre ce que l'in-dependance, ou du moins l'autonomie, avait pudonner a leurs freres plus heureux. Ajoutonsaussi les courriers, les estafettes, portant desnouvelles des princes pour les magistrats, lesnobles, les princes de Transylvanie, et recevanten échange des dons pour eux-mêmes ou pourleurs maitres. Ils arrivaient presque journel-lement a Sibiiu et surtout a Brasov, oil onveillait a leur entretien, leur procurant du yin,du pain, du caviar, de l'huile, pendant les longscarein es.

Les liens hiérarchiques entre l'Bglise moldaveet valaque, d'un altd, et ces modestes évéchdsde Transylvanie, de l'autre, étaient aussi extre-mement precieux. Les éveques de Vad, venantdes cloitres moldaves, et surtout de Putna, nenégligeaient jamais de rester en correspondanceavec leurs lieux d'origine. De simples pretrestransylvains venaient obtenir leur consecrationdans une des capitales des Principautds. On ades informations pr6cises en ce qui concerne despretres de la communauté de Brasov, dite Schei

ce qui ne signifie nullement Bulgares", maisdésigne seulement des ,Slaves", depuis long-

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temps remplacés par les Roumains, le Bolgirszékdes Hongrois n'étant que la traduction de ceterme A une époque oil le Slave était pour leMagyar un Bulgare : on sait qu'un de cespretres finit ses jours dans le monastere valaquede Râncficiov, en 1572, et que, plus tard, sonsuccesseur a Bra§ov est un pretre de nod, villesitude A la confluence de la lalomita avec leDanube.

Les expeditions, que nous avons mentionnées,des princes roumains en Transylvanie, quandVon voyait hotter les drapeaux A l'aigle et aubison, de la Valachie et de la Moldavie, contri-buaient a donner aux Roumains attaches a laglebe une conscience supdrieure de ce que pou-vaient accomplir dans d'autres conditions desmembres de leur propre nation. On se rendaitbien compte, meme parrni ces multitudes, étran-geres aux connaissances et aux preoccupationspolitiques, que le sort de la Transylvanie dé-pendait phis ci'une lois de l'action de ces voé-vodes de leur race, et cela faisait naitre desespérances, qui, bien que souvent déçues, nes'en élevaient pas moins, avec une force encoreplus grande, pour preparer un effort politique,même pour les paysans non-fibres, soumis auprince de Transylvanie.

Cependant un arret eut lieu dans cette influencevenue d'outre-monts: les princes de Moldaviesont occupds par leurs conflits avec les Tures,

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les Cosaques, les Tatars; les princes de Valachie,successeurs de Mircea Ciobanul, végetent dansleur residence de Bucarest. Une seule lois onput voir encore une armee roumaine en Tran-sylvanie: en 1585, lorsque Pierre Cercel, dis-gracie par le Sultan, se refugia dans cette pro-vince a la tete d'une. armee, drapeaux déployés:pour etre cependant dépouille et emprisonnépar le gouvernement de cette province.

En échange, un autre facteur de civilisations'ajouta pour relever encore la situation desRoumains de Transylvanie et de Hongrie. Lecatholicisme venait de succornber dans la grandebataille qui avait été livree dans les villes saxonnespar le luthérianisme, et par le calvinisme dansles chateaux des nobles hongrois. Le princeJean-Sigismond, soumis a des influences héréti-ques, comme celle du médecin Biandrata, montraitune tolerance encourageante a regard des in-novateurs. Des 1557, la confession lutherienneetait légalisee par la Diete; le calvinisme dut at-tendre jusqu'en 1564, tandis que les Ariens, lesunitaires de Cluj, attendirent jusqu'en 1571. Il yeut bien quelque sincérité dans les mesures quifurent prises tout d'abord pour faire bénéficierles Roumains des avantages qui devaient resulterde l'adoption de ces nouvelles formes religieuses..Les Saxons se mirent a repandre les connais-sances nécessaires par un catéchisme, traduit al'usage des Roumains des l'année 1544. Le peintre

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Philippe, souvent employé dans des ndgociationsavec la Valachie, se chargea d'imprimer cetopuscule, qui ne s'est conserve que par unecopie manuscrite, intercalée dans un recueil reli-gieux du commencement du XVII-e siecle. Deleur OM, les bourgeois de Brasov prenaient, le12 mars 1559, la decision d'inculquer aux Rou-mains du faubourg de chei le meme catéchisme,et des 1565 un prédicateur fonctionnait pour lesRoumains

Pour des motifs de propagande, mais surtouten vue du gain qui devait en résulter, on pensabient6t A établir en Transylvanie, et notammentA Brasov, une imprimerie A caracteres slavons,destinée A publier aussi bien des ouvrages re-ligieux roumains en relation avec le principe dela Réforme que des ouvrages slavons destinesA are vendus en Valachie et en Moldavie. Undes réfugids, le diacre Coresi, qui n'était pasGrec, ainsi qu'on l'a cru et n'avait rien A faireavec l'fle de Chio , se chargea de cette oeuvre.Médiocrement cultivé, ii n'était pas en état dedonner des traductions par ses propres efforts;il se borna a rassembler d'anciens manuscrits

' Hurmuzaki, XV, pp. 517-518, no. 937; p. 522, no.956; ibid., II, pp. 371-372, no. 218. Cf. PAc4anu, dansla Cultura creftind, I, pp. 45 et suiv., 518 et suiv. Voy.aussi Quellen zur Gesch, der Shull Brasscf, IV, p. 80;lorga, Istorla literaturil religioase, pp. 64-65, 71 ; Stinghe,ouvr. cite, p. 3,

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gull prciparait pour l'impression, en corrigeanta tort et a travers, sans aucun systeme, a l'aidede quelques clercs de Brasov, comme ce prttreMichel, fils du pope Dobre, qui avait fait desetudes en Serbie. Conlorm6ment a la decisionde rdforme religieuse prise en 1559 par le ma-gistrat de la ville, Hans Benkner, un 8vangileroumain parut par ses soins des l'année 1561.il n'était pas destine a la lecture des laics, maisbien pour l'Eglise, ainsi que le montrent lesindications slavonnes pour l'office et l'epiloguepour les pretres roumains et les fideles quidevaient etre catechises par ce moyen. Uneedition roumaine des Actes des apôtres, sur labase de l'Ancien Testament hussite, suivit aus-sit6t. Benkner, dont le gendre &sit mete auxagissements du Despote" en Moldavie, continuace commerce de livres en caracteres cyrilliens.Comme les originaux slavons étaient beaucoupplus faciles a vendre que les traductions rou-maines, Coresi donna un Evangdliaire slavonen 1562, un Octoique (livre de chants), unSbornic, ou Recueil pour l'office divin, en 1568 ;tine nouvelle edition suivit en 1580, ainsi que plu-sieurs Psautiers des deux types; slavon et slavo-roumain. Tous ces livres n'Etaient évidemmentpas destines aux seuls Roumains de Transylva-nie, mais plutôt aux Roumains plus riches etplus cultivis qui s'empressaient d'acheter cesproduits des presses de Brasov dans les deuxPrincipautés.

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Le rOle de patron de ces publications enlangue roumaine etait partagé entre Benkner,1e representant de l'esprit commercial saxon,de plus en plus faiblement influence par l'espritde propagande de réforme, et entre tel noblehongrois, comme Nicolas Forró, originaire d'unvillage pres d'Enyed, en roumain Aiud, proprie-taire de bien-fonds étendus dans le pays desSzekler, agitateur bien connu, qui avait menieét6 condamne a mort par le gouvernement tran-sylvain. Tres riche et disposant d'une vraie armeede 3.000 combattants, avant ensuite des relationsavec Benkner et genéralement avec les habitantsde Brasov par le fait que des membres de safamille avaient possédé le territoire de Bran, dansle voisinage de cette ville, il pouvait s'intéressersous tous ces rapports a l'oeuvre de Coresi,sans compter que ses sentiments chaleureux pourla réforme religieuse de Calvin devaient y con-tribuer. 11 fit traduire du hongrois le premierlivre de prieres en roumain et y ajouta dans lameme publication un commentaire des 8vangiles,de meme source (1564). Tout en simulant lerespect envers l'hierarchie ecclesiastique et lesseigneurs terriens et en affirmant que le butde ce commentaire n'est autre que celui decritiquer ceux qui en sont dignes, ce livre n'enattaquait pas moins l'emploi de la langue slavonnedans l'office divin, recommandant de renoncera la mauvaise coutume de .balbutier" dans cequ'il appelait la langue serbe" de l'Eglise.

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De son côte, le prince Jean-Sigismond n'allapas jusqu'a décréter une nouvelle religion d'Etat,selon la conviction qui lui avait éte inculquéepar ses intimes, car cela aurait signifie choquerles privileges d'autonomie religieuse des dill&rentes categories politiques du pays. Mais, si onne trouve pas toute une oeuvre de propagandedans le sens des nouvelles doctrines religieuses,on rencontre A chaque pas les traces d'uneaction continuelle et energique, destinée A gagnerla masse des paysans roumains A la Réformecalviniste. ll ne fallait pas penser aux nobles, quisuivaient les nobles hongrois, avec lesquels ilsformaient eux-même un corps social et politique,dans l'adoption du calvinisme. On se rend comptefacilement du motif qui inspirait cette politiquereligieuse, bornée A ce seul element national desRoumains. Les relations nombreuses et essen-tielles, dont il a été question plus haut, quiexistaient entre cette population roumaine non-libre et les habitants des deux Principautés de-vaient inspirer, ne ffit-ce que d'une manierevague, des apprehensions légitimes aux princesde Transylvanie : ils se rendaient bien compteque, plus ces relations seront étroites, et plusl'organisation roumaine de Transylvanie, qui endérivait, progressera et se perfectionnera, plusles attaches de cette nombreuse population avecl'etat devaient en etre affaiblies.

II n'y avait, bien entendu, pas d'irrédentismeroumatn A cette époque. Si Pierre Rare§ de.

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sirait avoir la Transylvanie, c'était seulementl'effet nature! de l'accroissement de sa puis-sance, qui cherchait, par un instinct fatal, as'étendre pluted du Ole' oil il trouvait unebase nationale plus Are. Ces tentatives pou-vaient cependant se répéter et creer A la longueun état d'esprit plus nettement caractérisé chezles sujets roumains des maitres de la Tran-sylvanie, aussi bien que chez leurs freresd'outre-monts. Il en aurait ete tout autrement siun des elements les plus puissants de ces rela-tions continuelles, celui de l'hierarchie ecclésias-tique, aurait pu ere supprimé. En gagnant parla propagande ou meme par la force ces pau-vres villageois, opiniAtrement lies A leur ortho-doxie grecque", au calvinisme, on créait uneEglise roumaine tout-A-fait indéperidante de cellede la Moldavie ou de la Valachie. Elle employaitune autre langue d'office, elle reconnaissaitd'autres dogmes, elle était orient& dans uneautre direction, elle avait une nouvelle formed'organisation, absolument differente de l'autre,l'eveque &ant remplace par un superintendantet le pretre n'étant plus que le chef d'une egliselocale; et, en meme temps, cette Eglise avaitpour ainsi dire, un caractere civil, car elle de-pendait en tout du prince. C'etait le prince quifaisait examiner les candidats A la fonction desurintendant, c'était lui qui leur fournissait deslivres qu'il avait fait verifier, en ce qui concerne

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l'authenticité de la foi, par ses propres déléguesreligieux du calvinisme magyar ; c'était lui quifixait la date des reunions religieuses, des sy-nodes, et qui employait toutes les mesures dontun Etat petit disposer pour contraindre les pre-tres A participer A ces reunions. C'était, de fait,un espece de secularisation et, en meme temps,d'individualisation locale de ces eglises roumainesde Transylvanie, qui n'étaient jusque là que desemanations religieuses et culturelles en memetemps de la vie, plus avancée, parce qu'elle étaitplus libre, des Roumains compris entre les Car-pathes et le Danube.

Cette politique commence vers 1560. A cettedate il y avait peut-etre encore un éveque de Vaddependant de la Moldavie. On ne saurait dire si,dans la partie occidentale de la province, l'i-vague Jean de Pesteana, dont on ne connalt pasla residence, s'était maintenu et s'il avait perse-vere dans sa premiere direction orthodoxe. AGeoagiul-dedos, ou nous avons vu etablir parla reine Isabelle un thieve du nom de Chris-tophe, qui était un adherent de l'ancienne écolestrictement grecque", Sabbas avait depuis rem-place ce Christophe. Vers 1560 le grand sei-.gneur féodal de cette region était MelchiorBalassa, qui avait en meme temps la possessionde SAtmar, de Baia-Mare, de Zlatna, centre rou-

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main pres des mines d'or, de Petrosani, a la Iron-tiere de la Petite-Valachie, de Leta, d'Amlas, l'an-cien fief de Mircea, et de Geoagiu merne. C'étaitun réformé, et, comme il lui semblait que Sabbasne montrait pas un zele suffisant pour la propa-gation de la doctrine, il intervint aupres d'Isabelle(morte le 15 septembre 1559) pour le faire rem-placer par un protégé dont il connaissait les.sentiments religieux, Georges, originaire d'Ocna(en hongrois Vizakna), pres de Sibiiu. Mais bien-Mit Balassa passait du cOté de l'empereur, aveclequel Jean-Sigismond continuait la longue luttede son pere, et ce prince proceda donc, des le10 avril, a la reintéigation de Sabbas, qui auraprobablement consenti a soutenir la nouvelleaction de l'Etat, d'autant plus que, comme on leverra aussito5t, il ne demandait a ces anciens-éveques qu'un semblant d'adhésion a la ré-forme.

A ce moment il n'y avait plus d'eveché dans.le Sud de la Transylvanie, bien que des couvents,des fondations médiocres de villages abritaientquelques lois deux ou trois moines illettrés. Ils.s'y maintenaient sous le regime de cette famine-des Mailat et des Niclasdy, qui, bien que calvi-niste, conservait des relations avec l'orthodoxie-traditionnelle des Roumains, ainsi qu'on en a lapreuve par le fait que le précepteur d'EtienneMailat, qu'il mentionne dans sa douloureus

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lettre, datée de Constantinople, était un moinede l'ancienne tradition, Joseph Macarius '.

Nous avons dit que l'existence de l'ancien&eche orthodoxe de Vad n'est pas formellernentattestée par les documents; cependant, en 1563,11 est question, dans une letire du chancelier deTransylvanie, d'un viddicA", d'un éveque, qui,se trouvant dans Bistrita d'une maniere occulte",devait etre envoyé au roi, dans un but qui n'estpas nettement specifié. Il ne s'agit pas certaine-ment d'un eveque moldave ou de quelque espion,mais bien de l'eveque de Vad, et on peut savoirle but pour lequel il entreprit le voyage A laCour royale: Jean-Sigismond célébrait, A ce mo-ment meme, en grande solennité, les noces decelle gull appelait sa soeur adoptive", Helene,fille de Nicolas Kérépovitch, Serbe orthodoxe,originaire du Banat, ancien Ban de Caransebeset dont la mere, Ursule Gerlestey, appartenait Ala famille roumaine, bien connue, des GArlisteanudu meme Banat, avec le jeune prince de Vala-chie, Pierre, fils de Mircea. Une fille, Tudoritanaquit de ce mariage, qui fut bientôt rompu.Helene revint en Transylvanie, oh son frere"princier lui crea des revenus.

Ceci nous ramene au développement A traversle XV-e siecle de cette noblesse roumaine can-

' Hunnuzaki, II', p. 419, no. 254.

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tonnée dans certaines regions, qui ayant adoptésuperficiellement les caracteres distinctifs de lanoblesse magyare, conservait cependant toutesses attaches avec le peuple. II faut bien la présenter pour se rendre compte de la vie integratedes Roumains a cette époque, sans que pourcela une relation particulière eta existé entre'humble Eglise du peuple, calviniste par décretofficiel, mais de langue roumaine, et l'Eglise.calviniste, de langue magyare, de ces nobles.

On rencontre comme vice-voévode de cetteprovince, a l'époque des luttes pour la nouvelleforme constitutionnelle de la Transylvanie, FrancoisKendy, appartenant aux anciennes families rou-maines du Sud-Ouest, et, dans le Banat, un Jeanfloca, un Nicolas Gaman, qui se retrouventcomme chatelains de Caransebq (1531) ; puisun Pierre de Tarnava, chatelain de Lugoj, unJean Olah, un 8tienne Pobora, un Martin deRacovita, parmi les chefs de cette province. En1551, au milieu de la lutte que les tuteurs dejean-Sigismond soutinrent contre les Turcs pourla possession du Banat, ces descendants desanciennes families nobles rournaines s'unissentpour demander que la dignité de Ban soitrétablie au profit d'un des leurs 1 Les Turcs, deleur côté, traiterent avec ces nobles comme avec,un corps militaire et politique constitué, pour

' Ibid., p. 537.

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leur faire accepter dans certaines conditions ladomination du Sultan. La Valachie Citérieure"concentree de plus en plus du côte de Lugojet:de Caransebes, non par l'immixtion de l'élémentnouveau des Serbes, mais par la retraite naturellede la vie politique roumaine en dehors desfrontières récemment créées par la conqueteturque et la fondation du pachalik de Timisoara,conservait son caractere national ; tout au plussi l'influence de la domination du regent Petro-vitch mele des noms serbisés aux anciens nomsroumains, a Caransebes et ailleurs ; mais, desque Petrovitch fit la tentative de briser les an-ciens privileges, ces nobles se leverent unani-mement contre ses intentions. Leur comrnunaut6était si puissante que souvent, sur l'exhortationdes barmis valaques, elle intervenait dans lesaffaires de la principauté voisine, et on croyaitqu'elle pouvait disposer d'une vraie armee de10-16.000 guerriers nobles et paysans. La villede Lugoj obtint de la reine Isabelle un blasonspecial, qui en montre le caractere nettementmilitaire I.

Wine lorsque ces nobles roumains du XV-esiecle quittaient leur province d'origine et rem-plissaient des fonctions supérieures a la Cour,ils conservaient une conscience nationale : unepreparation supérieure leur permettait de mettre

1 Les renvois nombreux doivent 41tre cherches auxpages 167-168 de l'ouvrage roumain.

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en relation avec l'ancien passe romain toute leurrace. C'est ainsi que Nicolae Oldh, devenu ar-cheveque de Grau, fait introduire dans son di-plenne de noblesse, qui est dti sans doute a saplume habile, cette phrase qui renseigne plussur les sentiments de ce denationalise" quetoute explication possible: les Roumains des-cendent de Rome, la dominatrice du monde.Ils ont ete établis sur le Danube pour defendrel'Empire contre les barbares" et its s'appellentencore Roumains dans leur langue". Il n'oubliepas d'ajouter qu'ils ont donne naissance a JeanCorvin, pere du celebre roi Mathias". PaulMore, de la famille d'un ancien Ban de Severin,etait qualifid de Roumain par l'évéque AntoineVerancsics, ce qui signifie que les étrangersaussi savaient reconnaltre l'origine de leurs col-legues roumains 2. Et, dans cette classe meleede dignitaires qui avaient la direction des affa--res en Hongrie, on trouve quelquefois encoredes cas ob des nobles catholiques, d'origineroumaine, revenaient a leur ancienne confessionorthodoxe.

Quant aux paysans, ils vivaient encore sousle regime des cnizes ou juges, qui ne remplis-saient plus que des fonctions de police dans les

' Hurmuzaki, II 4, p. 491 s lorga, dans Annales del'Aca-diode Roumaine, XVIII, p. 2, note 3.

' Scito tamen... quod Valachus es me non IgnorareNHunnuzaki, II 4, p. 219, no. 124.

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villag8 et jugeaient les proces entre les ha-bitants.

Il ne faut pas croire que la généralite des..paysans roumains se fussent trouvés a ce mo-ment dans l'etat humble et oppress6 des serfs;il taut en exempter d'abord les grandes massesqui vivaient sur les biens des Saxons et qui,s'ils etaient établis depuis des genérations surces terres et n'étaient pas de nouveaux venus,jouissaient en théorie des memes droits que lapopulation d'autre race dont elles étaient voisi-nes. ll est vrai que, suivant les anciennes tra-ditions de haine contre ces indigenes, les Saxonss'évertuaient de toute maniere a réduire les droitsdes Roumains; ceux-ci résistaient cependant avecacharnement et, comme dans le cas de Romos,ils affirmaient nettement l'egalité nécessaire de-leurs droits puisqu'ils remplissaient tout ce quidécoule de l'égalité des charges, et ils finissa-lent par remporter la victoire '.

Comme on s'adressait a eux, a leur Arne, pourleur demander d'adopter une nouvelle formereligieuse, cela ne pouvait rester sans consé-quences pour leur situation sous d'autres rap-ports. En meme temps, on se rendait compte,.

I Ibid., XV, pp. 514-525, no. 959 ; pp. 617-618, no. 11571-p. 628, no. 1160; 11, p. 14 et suiv., nos 12-13 ; 11, p. 48-49, no. 31; pp. 403-406, nos. 166-107; pp. 603, 613

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dans les cercles qui avaient la direction desaffaires, que la regime de servage que voulaitintroduire le regent etait a la longue le plusgrand danger pour l'existence meme du royaumeet pour la domination de l'oligarchie hongroise-elle-même. Martinuzzi prit des mesures dans unsens plus liberal: il abolit la nouvelle contribu-tion rnensuelle, la dime de la laine, des pores,des abeilles", des cedulae" et réforma l'anciennequinquagesima, en décrétant que sur 25 brebison n'en pouvait prendre qu'une seule avec sonagneau, sur cinquante, une brebis avec sonagneau et une agnelle (on employait meme leterme roumain de mioara" dans l'acte latinrédigé par le regent de Hongrie); sur 75 brebis-on en prélevait deux avec deux agneaux et uneseule agnelle, et il en &aft de meme pour lenombre de 100 ; celui qui aura moins de 25brebis paiera deux deniers pour chaque tete.Pour ne pas rendre trop lourde la charge del'entretien des cnezes, leur nombre fut réduit Aun seul par village; ceux qui recueillaient laquinquagesima devaient se contenter d'un fro-mage et d'un sac de laine, tel qu'on en fabri-quait pour les pâtres (et encore une lois le do-cument emploie le mot roumain sac" dans laforme hongroise sac"). Outre les cnezes et lesguerriers au service de leurs seigneurs terriens,les prêtres roumains étaient exemptés de cettequinquagesima, dfie par les simples paysans, et

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ne devaient donner que des peaux, un sac, undrap, un bat 1.

Plus tard ces charges furent sensiblementaccrues, en 15522. Et l'eveque se rendait biencompte de l'incitation a l'infidélité et a la rdvoltequi devait résulter de l'état de servage, appliqueavec toutes les rigueurs d'une tradition inhu-maine : ceux qui sont oppresses pretent facile-ment foi a des paroles semblables", dit-il; nousaurons fourni nous-rnemes le pretexte a l'actede trahison qui arriverait a se produire si nousmaintenons les paysans dans un tel état d'op-pression, qui, a l'exception du seul acte de leurarracher femme et enfants, nous permet d'exercertoute espece de cruautés a leur égard; Dieului-meme serait plus facilement réconcilie par larestitution de la liberté a la classe paysannes.Et, plus tard, gagne a la cause de Ferdi-nand, ce meme éveque Martinuzzi, jusqu'alorsun des principaux appuis d'Isabelle, interve-.nait aupres du general commandant des troupes

' Ibid., 114, p. 421, no. 257 ; ibid., p. 430 et suiv.2 Ibid., 115, pp. 1-2, no. 1.5 Homines in oppressione constituti verbis ejusmodi

facile credunt... Hujus defechonis occasionem (st quidtale acciderit) nos soli damus, cum in tante oppressionerusticos teneamus, ut, excepto hoc uno quod uxores etliberi illis non eripiantur, omnem crudelitatem In illosexerceamus. Deus quoque per hanc rustic's redditamlibertatem facillus placaretur" ; ibid., 115, p. 605, no. 381.

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impériales, Casts ldo, pour la liberté de nospaysans" i.

Les serfs n'étaient pas seulement roumains,mais aussi hongrois; cependant une consciencenationale commençait A créer des distinctions enfaveur de ces derniers. Se Ion la decision de laDiete de Vasarheiu, il fallait sept témoins pourconvaincre de crime le Hongrois et il n'en fallaitque trois contre le Roumain 2. Et on peut bienparler de cette conscience nationale A un momentoil une autre Diete demandait au roi Feydinandque le voevode de Transylvanie soit nécessaire-ment de nation hongroise, de nacione hun-garica" 3.

Alin que l'on puisse se reprCsenter plus exac-tement les sentiments de la classe dominante Al'égard des Roumains, nous laisserons suivre cesquelques lignes que consacre A cette populationnombreuse, laborieuse et fidele, h laquelle lesnobles et les prélats devaient en fin de comptetoute leur richesse, un des premiers représen-tants de l'esprit de la Renaissance en Hongrie,le célebre historien Francois Forgdch, prélat deHongrie: Attendu que les deux pays valaquessont si proches (sic!), il y a en Transylvanie unepopulation roumaine tellement nombreuse que

' Ibid., pp. 621-622, no. 391.' Ibid., 11', pp. 206-207.8 Ibid., II', p. 662.

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presque un tiers des champs labourables estentre ses mains '. Mais ils sont tellement rudeset au-dessous de la condition humaine (omnibushominibus degeneres), qu'il ne peuvent etre civi-lists par aucun exemple et aucune loi. II n'y ena pas un seul qui possede une maison supé-rieure aux écuries des nobles. Plusieurs familiesvivent sous le même toit, qui est rudimentaire.Ils se nourissent tous de la même maniere: laplupart ne gotitent jamais le pain, surtout l'été,car ils passent 1'06 dans les forets et les taillis;leur vetement est le meme pour les femmescomme pour les hommes, et ils le fabriquenteux-mêmes. Ils oignent leurs chemises de suifpour éviter la vermine et ne les quittent qu'apresles avoir completement déchirées. Pour la memeraison hommes et femmes oignent leurs cheveuxde suif ou de graisse. Leurs corps sont blancs,mais puants. Ils sont rebelles a toute espece detravail. Si l'un cl'entre eux tombe malade il

l'attribue seulement au travail, même s'il l'auraitaccompli quelques années auparavant; c'est pour-quoi ils sont tous des larrons. Pour ce motif nospredécesseurs ont établi un magistrat specialayant la mission de les condamner a mort, lequelchaque année traverse le pays entier et les juge.Cette fonction existe encore aujourd'hui. Ils se

' ,Tanta est in Transilvania illorum copia, ut tertiampene agrorum partem occupent.'

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nourissent de millet parce qu'on peut le cultiverplus facilement; quant A la culture du blé et dela vigne, il ne s'y livrent pas, car elle deman-derait un labeur superieur, et en vain".

On s'efforcait cependant de donner a ceuxqu'on traitait de la sorte une Eglise réformée.Ils étaient donc capables de choisir entre uneconfession et l'autre, et on s'efforgait de leurprouver par des arguments theologiques. Cesbarbares, incapables de civilisation, vivant dansdes tanieres, quittant leurs vetements seulementapres l'usure complete, ennemis de tout travail,allaient devenir donc, dans la conception offi-cielle, un des soutiens principaux de l'Eglise del'Etat : une contradiction flagrante qui se main-tiendra plus tard aussi et qui est bien naturelledans un Etat qui s'appuie stir une population Alaquelle on a intéret A denier toute espece de droit.

En 1562, avant que la confession calvine attété reconnue par la diete, l'éveque Sabbas deGioagiu avait repris son Siege. II n'habitait pasune ville, mais avait seulement une maisondans le village de Lankerem (en roumain Lan-cram), pres de Sas-Sebq. Il ne tint pas sapromesse envers ses patrons, et, comme il cou-tinuait A professer l'orthodoxie, on le contraignitA abandonner la province '.

I Bunea, lerarhia, pp 303-304, no. 3: spontanearnejusdem calugeri ex hoc regno nostro Transilvaniae e-

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Histoire des Roumains de Transylvanie 191

On le remplaea par le premier surintendantcalvin, Georges de Szent-György (en roumain :San-Georgiu, probablement originaire de la %rail&de San-Georgiu, pres de Hateg). Son nom prouvequ'il appartenait a la classe des nobles, et il

venait done d'un des districts habit& par la no-blesse roumaine. Car il ne faut pas le confondreavec Georges de Vizakna-Ocna et Georges,évequede Vad, presque ses contemporains.

Cela a chi se passer apres 1564, lorsque la

relorme de Calvin hit officiellement admise parla diete. A ce moment la propagande du gou-vernement commence au milieu des Roumains.

La diete de 1566 donne a Georges la missionde precher dans les villages la vraie foi; ceuxqui s'y montreraient recalcitrants devront fournirla preuve de leur orthodoxie, car ils serontsoumis autrement a des chatiments séveres; leséveques, ainsi que les pretres, seront considéréscomme traitres envers l'Etat et devront quitterle pays

On a vu que Sabbas avait du prendre cettedecision. En 1567 Georges était intitulé évequeet surintendant des églises roumaines". un nouveau

gressionem, ob abrenunciationem ptofessionis evangelicaeet doctrinae christiande factam". Cf. egalement l'acte du2 juillet 1569, identique, chez Piclisanu, dans la CulturaCrestind, I, pp. 285-286.

' Hurmuzaki, IP, p. 601 et suiv., no. 301.

'.

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titre pour une situation tout-i-fait différente decelle qu'avait eue ses prédecesseurs.

Comme les Roumains s'obstinaient A garderleurs Wines, le balbutiement" des syilabes sla-vones dans l'office et tout ce qui tenait a leurancienne loi", le prince ordonna, le 26 octobre1567, aux pasteurs des eglises roumaines sisespartout dans ce pays de Transylvanie" de sesoumettre au surintendant, de frequenter les sy-nodes, de donner les revenus habituels a leurnouveau chef, de cesser les offenses a sonegard, de corriger leur conduite, sous la menaced'être poursuivis par l'administration entiere, jus-qu'aux voévodes et cnezes de villages. Un nouvelordre, du 1 1 novembre, portait que la langueserbe" soit partout remplacée par cette vraielangue rournaine, pour le bien general" 1

L'eveque Sabhas avait reside pres de Sas-Sebes. Le surintendant, sans etre admis dans lacapitate du pays méme, avait sa demeure dansun village voisin, a Tius. Au cdmmencement del'année 1568, ce surintendant, qui s'intitule ,lepretre Georges, éveque roumain", s'adresse auxhabitants de Bistrita pour leur faire savoir queleurs conationaux de Brasov entretiennent depuistrois ans un prédicateur roumain chretien, unde nos disciples", et que, dans tin synode recent,

1 Ibid., 11', pp. 3-6, no. 3; 1P, p. 707, no. 375; pp. 717-718, no. 380; ibid. XV, pp. 625-626, no. 1168.

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Histoire des Roumains de Transylvanie 193

-term dans ce village, les habitants roumainsdu district de Bistrita ont eu aussi leur fepre-sentant. Cependant la propagande n'avance paset l'evtque Georges meurt sans avoir eu la satis-faction de voir avancer, 8'11 était sincere lui-meme , son oeuvre.

Le 8 Wrier 1569, apres une nouvelle Dietequi prit des mesures pour convertir les paysansrotunains, le prince nommait un autre evequeou surintendant general des églises roumainesde ce pays de Transylvanie. Cette fois aussion avait choisi un noble sur le territoire roumaindes regions occidentales de la province, origi-naire des environs de Inidoara, Paul Tordassy,ou, en roumain, Turdas. Il s'intitulait pretre eteveque des Roumains".

Le prince recornmandait de ne pas lui faireviolence, de lui accorder une garde personnellechaque fois que la necessite l'exigerait. Cecisuffit pour se rendre compte de la sympathieque sa propagande devait inspirer aux paysans.II pouvait habiter dans l'ancienne maison epis-copale de Lancräm, et ses revenus itaient fixesa un florin par an pour chaque pretre; le clergédu village lui-même devait recevoir de chaquefamille une meule de loin '.

' Ibid., II', pp. 656-657; XV, p. (35, no. 1183i cf.Bunea, lerarhia, pp. 304-305i Hurmuzaki, XV, p. 635,no. 1183; Bunea, loc. cit , pp. 304-3051 Pftcliaanu, dansla Cultura Crqtind, 1, pp. 255-286. Cf. le méme, ibid.,pp. 421 et suiv., ainsi que p. 660.

9

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La mission de Tordassy était celle de rassem-bler des synodes, tout aussi vains en ce quiconcerne le résultat reel que ceux tenus par sonprédécesseur. A Aiud (Enyed), le 16 octobre1569, il ordonnait d'abandonner tout ce qui dansla tradition ne concordait pas avec- les Ecritures,de renoncer au culte des saints ou d'autresmorts", de faire chaque semaine une lecon decatéchisme aux paroissiens, de propager la con-naissance du Credo, du Pater et des prieresusuelles, ceux qui ne les connaftraient pas n'ayantpas le droit de recevoir les derniers sacrements.Les pretres serbes" devaient etre chasses, c'est-a-dire ceux qui employaient encore le slavondans l'office ; les autres avaient le droit de con-tracter un second mariage. On a encore de luiune convocation pour le synode qui devaits'ouvrir au commencement de l'année 1571 dansla ville de Cluj. Les prêtres devaient s'y rendremunis de l'argent nécessaire pour acheter lePsautier de Coresi et son Office, qui ne nous apas eté conserve ; autrement ils seront mis al'amende et verront leur bétail séquestré. Aucours de cette rneme armee, le 14 mars, le prince,qu'on ne peut pas considérer comme un ennemides Roumains dont il parlait aussi la langue,selon le temoignage de l'italien Gromo, qui con-naissait parfaitement la Transylvanie ', mourait

1 Revista istoria, I, p. 67.

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en professant la foi arienne, apres avoir été tour"A tour catholique, luthérien et calviniste.

L'incohérence de sa propre conscience ne pro-duisit cependant pas une même incoherencedans son action religieuse, qui est en ce quiconcerne les Roumains, parfaitement unitaire.Dans des buts manifestement politiques, ii avaitcherche A organiser, ainsi qu'il a été dit, Velement villageois roumain en une Eglise d'Etatcompletement sournise A ses ordres et formantmime, A l'égard des autres nationalités moinsfideles et conscientes, un vrai instrumentumregni. 11 aurait été possible que son successeurIfit un Roumain.

Gaspard Bekes, ancien page de Jean-Sigismomf,auquel ii avait été recommandé par Pétrovitch,avait été fermier de la clime royale et prefet dutrésor, chargé de missions A la Porte et aupresde l'empereur Maximilien. Ne vers 1520, il etaitle fils d'un simple noble, Roumain du Banat,Ladislas de Cornet, Dambovita et Gávo$tea, quiavait rempli pendant quelque temps les fonctionsde Ban de Lugoj. Lui-meme représenta pendantplusieurs années A la Cour les intérets de ceshabitants roumains de la Valachie Citérieure",oil, pendant les derniers temps, les fonctionssupremes avaient eté exercees par Nicolas Ke-

repovitch, dont la fille épousa le prince de

Valachie, Pierre. Gaspard avait acheté au filsd'Etienne Mai lat, Gabriel, la citadelle de Ffigfiraq,

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au prix de 30.000 thalers, et il y vivait au mi-lieu d'une population roumaine au moment ofila mort inattendue de son souverain lui fit perdreun heritage depuis longtemps convoité.

Au moment ofi un Roumain de Lugoj, JeanLuca, &ail capitaine de Munkács, oir un voévodeBunea disposait des forces rnilitaires de la villede Caransebe§, ou la famine lojica, qui donneraun chancelier a la Transylvanie, commencait agagner de l'importance, au moment oir cetteValachie Cttérieure" abandonnait l'Eglise catho-lique, devenant un des grands centres de laRéforme, Bekes apparait, avec son double carac-tere, comme la personnification du hobereauroumain, brave et habile, qui, appuyé sur la loinouvelle, ambitionne d'occuper les premieresplaces dans le pays, voire meme l'heritage duroi". Et il le méritait bien. Un contemporainitalien le décrit, dans les termes suivants: Rou-main, d'origine plébeienne, mais grand et belesprit, aimant naturellement le faste... II parteaux Ita liens en italien, langue qui lui est fresJamiliere" '.

Son adversaire fut le second Etienne Báthoryde Somlyó (en roumain : Simläu, territoire situéau Nord-Ouest de la Transylvanie et habité engrande partie par des paysans roumains). 11

n'avait lui-meme aucune relation de famille avec

' Ibid.

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la noblesse de cette race, a laquelle appartenaitBekes, mais André, frere d'Etienne, avait epousél'heritiere d'Etienne Mailat, Marguerite de Fágira.

Báthory était catholique, mais assistait a l'of-fice calviniste; cela caractérise aussi sa politiqueenvers les Roumains. La diete de 1571 ordonnale maintien de la situation laissée sous ce rap-port par Jean-Sigismond. Tordassy était libre depoursuivre son oeuvre de catéchisation calvi-

niste, et on le rencontre encore jusqu'au prin-tempi de l'année 1577; cependant l'Etat qui letolérait se gardait bien de lui accorder cet appuiénergique, bien inutile, qu'on rencontre pendantle regne du prince precedent.

Mais, des le 5 octobre 1571, Etienne se pre-valait de son droit de nommer les éveques et,exaugant la priere de ses conseillers, ainsi qued'autres personnes", parmi lesquelles probable-ment le prince de Moldavie lui-meme, il accor-dait le titre d'eveque au moine Euthyme".L'acte de nomination, tres prudent et reserve,

lui attribue seulement des droits sur les eglisesroumaines qui appartiennent a sa profession eta sa religion" ; il reserve .le consentement despatrons", et defend de molester ceux qui au-raient une autre opinion" (partis dissencientis).Autrement Euthyme pouvait .célébrer les mys-teres de l'8glise de son rite", ce qui mat pourmontrer qu'il n'est plus question d'un surinten-dant calviniste, de meme qu'il n'est pas question

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498 N. I orga

de la creation d'un &Nue d'Etat appartenant Ala confession orthodoxe '.

Euthyme venait de Moldavie, ou il avait étésupdrieur du grand couvent de Neamt et y avaitrdclige la chronique du regne d'Alexandre Là-pweanu. 11 semble que le nouveau prince deTransylvanie voulut éviter sa consecration dansun des Etats voisins, puisque l'eveque dut serendre en Serbie, aupres du patriarche d'Ipec ouPec, reconstitué par le Grand-Vizir MohammedSocoli, au profit de ses parents Macarius et An-toine, dont le successeur devait Etre le RoumainJean. C'était aussi une maniere de tdmoignerdes sentiments de fidélité A l'dgard du Sultansur les terres d'adrninistration directes duquel setrouvait ce nouveau patriarche. Apres son retour,Euthyme fut recommandd aux officiers de laprincipautd, ainsi qu'aux nobles disposes A to-lérer l'exercice de ses droits. 11 fallut une re-commandation spéciale pour qu'il at le droit defonctionner dans le district de Grade, confidaux soins de Christophe, frere du prince, et ob,en 1566 et 1569, des synodes avaient travailleénergiquement pour la propagation du calvinisme. Un troisieme acte de recommandation,date du 13 février 1573, concerne particuliere-ment le district de Maramoureche, ott nous avons

1 Li nomination a dtd publide a nouveau dans le vo-lume XV de la collection Hurmuzaki.

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Histoire des Rournains de Transylvanie 1N

les preuves qu'a ce moment la langue roumaineavait aussi un caractere officiel.

On a de cette façon l'extension réelle de l'au-torité d'un eveque orthodoxe en Transylvanie.Euthyme remplacait done tous les éveques derite oriental qui l'avaient precede; il se substi--Wait a leur autorite aussi bien dans le centre deia province elle-mdme que dans les districts del'Ouest et du Nord réunis a la Transylvanie sousle sceptre de Báthory. L'action de Jean-Sigismondavait donc eu ce grand avantage d'avoir cree un&eche unitaire pour tous les Roumains, bienque sous la forme calviniste que ces Roumainsiie voulaient pas adopter. Aussitht que les cir-constances changerent, l'eveché orthodoxe, res-taure, hérita de ce caractere genéralement roumainque continuait a réclamer la surintendance cal-viniste qui se mourait, totalement negligee, dansun coin obscur de la province.

Avant rad de l'année 1574, Euthyme quittaitle pays sans y avoir été contraint. II semble que,rappelé en Moldavie par le prince Jean-le-Terri-ble, pour participer au synode de destitution dereveque Georges de Roman, il prit la place dece dernier. On le voit passer par Brasov pourse rendre a sa nouvelle destination, et, des lemois de juin de la meme armee, Etienne Báthorynommait a sa place le moine Christophe, luirecommandant d'exercer les droits dpiscopauxsur les Roumains qui appartiennent i la Ioi

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roumaine ou grecque", car il faut traduirepar : roumaine" le terme de romana" qui setrouve dans l'acte de donation et qui ne peutsignifier l'8glise catholique '.

Cette meme année 1574 vit la fin de la grandelutte pour la possession de la Transylvanie, livreeentre Bekes et Báthory. Le premier avait étésoutenu aussi par les Szekler. II n'y a aucunepreuve que la noblesse roumaine ait sympathisepour sa cause. Au contraire, apres sa défaite,Bekes fut attaque dans les montagnes de Baia-Mare par les Roumains et autres paysans".

Peu apres son triomphe, Itienne Báthory étaitélu roi en Pologne et cédait l'administration dela Transylvanie a son frere Christophe, hommedoux et d'un caractere indécis.

Sous cette administration, l'éveché calvinistecontinua a déchoir. Un autre Tordassy, Michel,successeur de Paul, s'intitulait éveque élu", pourse distinguer de l'éveque nommé par le princesans une election préalable de la part de l'2glisevalaque, mais simplement sur la recommandationde certains nobles et princes voisins, éveque quiexergait son autorité sur certaines regions du Sud-Ouest de la Transylvanie et sur le Banat, en1582. C'est sous son égide que fut imprimée la

' L'acte de nomination tie trouve dgalement parmi lesdocuments que nous avons publies dans le volume XVde la collection Hurmuzaki.

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Histoirc des Roumains de Transylvanie 201

premiere traduction roumaine de l'Ancien Tes-tament, un des monuments les plus importantsde l'ancienne litterature roumaine.

Mais la place de Christophe, l'eveque ortho-doxe, avait éte prise par un Gennadius, qui étaitun Vrai eveque des Roumains de Transylvanie.Cette fuis, nous ignorons les conditions danslesquelles fut accomplie la consecration de Chris-tophe lui-meme , le nouvel eveque se rendit,comme l'avait fait Jean de Pesteana, en Valachie,pour y etre consacré, et il en revenait par Bra-sov, au mois de decembre 1578. Dans son titreil affirmait son caractere de chef spirituel detous les Roumains appartenant A l'ancienne loi;il mentionne la Transylvanie entiere et le dis-trict de Grade, laissant de cOte le Maramoureche,mais insistant sur le fait qu'il a sous sa crossevtoute la domination de Sa Grandeur ChristopheBáthory" '.

Il se disait Métropolite et se rendait biencompte de la valeur canonique de ce titre, puis-qu'il avail. eté consacr par Seraphin, le Metro-polite de Valachie, en mesure de donner desindications sous ce rapport. II devait avoir doneun suffragant, et ce suffragant ne pouvait tenirsous son autortte que cette region du Maramou-,reche et des parties voisines de la Transylvaniequi manquent justement dans le titre de Gen-

' Cf. notre Isteria Blsericil, I, aux pages 181-182.

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nadius, apres avoir figure parmi les provincessoumises a l'autorite- d'Euthyme. De fait, il etaitimpossible de laisser disparaftre l'éveche de Vad,que la Moldavie avait intéret a maintenir dansles regions voisines, soumises au prince tran-sylvain. La surintendance calviniste s'était déve-loppée sans aucune relation avec les anciennesformes épiscopales. On pourrait admettre quel'eveche orthodoxe, retabli par Etienne Báthory,bien que le Siege en tat occupé par un prelatvenu de Moldavie, etait la continuation de l'évechedu Sud qui avait sa residence a Geoagiu. L'e-veche de Vad subsistait donc a côté de cettenouvelle Metropolie, dans une situation subor-donnee. On le voit bien par la reconnaissance,

apres le depart d'Euthyme et avant l'année1575, quand Etienne Báthory quitta la Transyl-vanie , d'un moine Spiridon, comme successeurdudit Euthyme, mais seulement dans ces re-gions du Nord, a savoir les comtés de Turda,de Cluj, de Doboca, du Solnoc Intérieur, aux-quels furent réunis plus tard, sous ce rapport,aussi les comtés de Crasna et du SolnocMoyen '.

On connait l'extension de ce diocese par uneconfirmation de l'année 1585. Le grand propa-gandiste catholique, Possevino, qui traversa Acette epoque la Transylvanie, mentionne, dans.

I Bunea, Vechile eptscopii, p. 57, note 1.

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un livre consacré A cette province en 1584, lapresence A Alba-Julia (c'est-à-dire dans le voisi-nage immAiat de la capitale, ayant sa maison,dont il est parte dans un document, pres du lacet du jardin princier) du Métropolite qui a fondépresque toutes les eglises possédées A presentpar les Roumains en Transylvanie". Il s'agit, defait, d'une confusion avec les eglises calvinistes,formées tout récemment sous l'influence de l'Etat.Puis il mentionne la presence d'un autre évequedans le district de Dej et d'un troiieme ducôté de SimlAu, qui parait n'être que le pro-topope de SegheVi, car on rencontre en 1628un protopope Démetre de Silagiu, territoire dontla capitale était Simlfiu.

A la mort de Gennadius, une double mesurefut prise par le jeune prince Sigismond, fils et-

successeur de Christophe. Le 6 ftivrier 1585,

Spiridon fut confirmé, ainsi qu'il a eté dit plushaut, comme éveque de la secte grecque", cequi ne cadre guere avec le titre de surintendantqu'on lui donnait, plutot par une tradition dechancellerie que pour préciser le sens religieuxde sa mission, et, en ce qui concerne la situationmétropolitaine, le grand Siege episcopal laisséfibre par le défunt, le prince nommait, le 20mars, Jean, le superieur de Prislop, anciennefondation de Saint Nicodeme, refaite, ainsi qu'onl'a déjà dit, par la princesse valaque Zamfira.Suivant la tradition de Gennadius, Jean alla se

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faire consacrer en Valachie par le MdtropoliteSdraphin. Les relations avec la principautd va-laque, momentanément gAtees, du temps de Jean-Sigismond, par suite de la repudiation de laprincesse Helene, soeur adoptive" de ce prince,avaient dtd reprises sous les successeurs dePierre, et elles dtaient excellentes A ce moment..

Bientôt le Siege princier de Valachie appartintA ce grand rebelle contre les Turcs, destine A.

dtre le conqudrant roumain de la Transylvanie,Michel-le-Brave, qui prit possession de sa prin--cipauté au mois de septembre 1593. Participantdu côté des chrétiens A la guerre qui avait&late rdcemment entre les Impériaux et les.Turcs, Michel dut chercher un appui aupres de-son voisin de Transylvanie, apres avoir concluune ligue militaire avec le prince moldave.

En 1595, les troupes du Grand-Vizir Sinan sepreparaient A entrer en Valachie, oil, ayant dt4battues d'abord A Calugargni, elles furent libres.ensuite de prendre pour quelques mois posses-sion du pays, qu'on entendait soumettre A l'au-torité directe du Sultan. Avant ce moment decisif,Michel dut s'entendre, sous la forme d'un traitd,avec Sigismond Báthory, dont la vanité dquiva-lait l'impuissance sous tous les rapports et quivivait en meme temps dans les idées de gloireet de conquete de Rome ancienne, inculqudes.par les Jesuites, ses précepteurs, et, d'un autre

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Fig. ii. Page de l'Octoique roumain imprimé par Coresi enTransylvanie (1578)

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Histoire des Rournains cie Transylvanie 205

cOté; dans les traditions féodales du royaume-de Hongrie a l'époque de Matthias Corvin et-

de cet empereur et roi Sigismond dont il portaitle nom. A la tete de la brillante ambassade quise rendit a la Cour transylvaine pour conclurece traité, se trouvaient aussi le chef de l'Eglisevalaque, le Métropolite Euthyme, qui avait re-noué des relations étroites avec le Patriarcat deConstantinople, un autre clerc cultivé, Luc deChypre, célebre calligraphe et fondateur d'uneecole de copistes grecs, et enfin ce Théophile,.éveque de Ramnic, qui fut le patron de la lift&rature roumaine naissante. Le traité contenait des .clauses humiliantes pour la principauté valaque,qui abdiquait non seulement son indépendanceréelle, mais son autonomie meme en admettantle controle du roi" de Transylvanie et son irn-mixtion dans toutes les affaires politiques etadministratives. Mais, en (change, si les boYarss'étaient montres tellement oublieux des droits.et de l'honneur de leur patrie, les éveques surentgagner une clause d'une importance exception-nelle pour l'histoire de l'organisation ecclésiastiquede tous les Roumains, pour la solidarité del'hiérarchie de leur Eglise toutes les 6glisesvalaques des possessions de Sa Sérénitéli,dit dans ce paragraphe, seront soumises a lajurisdiction et aux ordres de l'archeveque deTargovi§te, selon les dispositions du droit ecclésiastique et de l'ordonnation de ce regne, et ila.

était-il

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pourront recueillir leurs revenus habituels et-coutumiers L".

On reconnaissait done en merne temps le ca-ractere parfaitement orthodoxe, canonique, de toutpoint pareil A celui de l'Eglise valaque, de cetEglise de Transylvanie, qui echappait definitive-ment au reseau de la propagande calviniste, dontil n'est Write pas fait mention, ce qui est biennaturel pour un prince qui, comme Sigismorid,"wait rétabli l'éveche catholique de Alba-Julia. Et,<run autre cc-it& les liens religieux et cul-turels entre la Transylvanie et la principautevalaque, existant depuis longtemps sans unereconnaissance officielle de la part d'un princeiransylvain, recevaient une consecration éclatante.D'ailleurs, presque au meme moment, tout enreservant le district seul de Figgras aux calvi-nistes, le prince de Transylvanie attribuait auMetropolite Jean le revenu d'un florin par anlire des Dietes antérieures avaient reserve pourle surintendant calviniste.

ll n'était plus question de l'eveche dependantde la Moldavie pour le Nord de la province.:Spiridon continuait peut-etre A fonctionner, mais

1 Omnes etiam ecclesiae valachicales in ditionibusSuae Serenitatis existentes erunt sub jurisdictione vel-dispositione archepiscopi tergovistiensis, justa ecclesi-astici lulls et ordinis illius regni dispositionem, proven-lusque suos solitos et ordin rios percipere poterunt';1-lurmuzald, III, pages 212 ou page 474.

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ses fonctions n'avaient plus fien LeMaramoureche seul continuait a dépendre del'eveque russe de Munkács, et le monde officiel con-fondait volontiers, ainsi qu'on le voit en 1582,Ruthenes et Roumains, en écrivant de sang-froidles Ruthenes qu'on appelle aussi Roumains".Un éveque Vladislas se rendait a la Cour en1597, mais ii faut tenir compte du fait que cesregions du Nord du Maramoureche n'apparte-naient pas au prince de Transylvanie, qu'ellesdépendaient de l'empereur et que, par conse-quent, cette organisation religieuse distincte étaiten relation avec une autre jurisdiction pnlitique.De fait, la Transylvanie entière appartenait, saufle district de Ffigfiraf, et il vaudrait mieux dire:la ville seule de Fagiraq, a l'eveque métropo-litain jean, et cet éveque dependait sous tous lesrapports canoniques de la Metropolie valaque.La grande oeuvre d'unité religieuse roumaineen Transylvanie sous la forme orthodoxe et de .la solidarité de cette Eglise avec 1'8glise de-

TArgoviOe était accomplie.La nouvelle Eglise devenait ainsi officielle,,

bénéficiant cependant des elements culturels.gagnés a l'epoque calviniste. On a vu ce quiavait été accompli a l'aide de la presse de Coresiipour la popularisation des anciennes traductionsdes Evangiles, des Actes des ApOtres et la re-daction de nouvelles versions de la liturgie, deslivres de priere et des commentaires des 8van

d'otiiciel.

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giles sous le prince Jean-Sigismond. A l'époqueoh Gennadius itait Métropolite de Transylvanie,son voisin valaque Séraphin lui preta, a sa de-mande, le célèbre Commentaire des banglesdii A Théophylacte, archeveque de Bulgarie, puisles prêtres de Brasov, du faubourg de chei :Jean, qui se faisait nommer, A la grecque, lani,et Michel, en firent une traduction, qui futaussitOt imprimée par Coresi, et non A Sas-Sebes, oh il avait transporte pour quelque tempssa typographie rudimentaire, mais bien A Brasovmeme, grace au patronage du magistrat de la vile,Luc Ffirschel: c'est la grande Cazania (livre de Pre-ches), parue en 1581. Les calvinistes du Banat etdes regions voisines de Transylvanie opposerent Ace grand ouvrage un autre, di gne de lui etrecompare, utilisant les originaux slavons, grecs ethébreux, mais s'inspirant plus directement d'unetraduction magyare. Le prédicateur de Caran-sebes, Etienne Fierce, le précepteur de la nou-velle école, qui avait remplacé celle des catho-liques dans la theme ville, Efrem Zfican, et unsecond prédicateur de Lugoj, MoIse Pestisel,qui employerent aussi les connaissances et letravail du protopope de Inidoara, Akyrius, suc-cesseur de MoIse, mentionné en 1582, unirentleur travail pour donner la traduction de l'AncienTestament.

11 aurait été naturel que les dépenses en fus-sent supportées par le Ban roumain de la pro-

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vince; cependant, au cours de ces derniers temps,une puissante propagande catholique, mende Warles ysuites, qui gagnerent beaucoup d'adhérents,_avait eu lieu. Leurs prttres insistaient sur le faitqu'il fallait employer le roumain exclusivementpour se faire entendre par ces nobles, portantdes noms et des prénoms hongrois, mais con-servant leur ancienne langue et ignorant pour laplupart le magyar.

Celui qui supporta les dépenses de la publi-cation de cette Palia fut un Hongrois, il fautse rappeler aussi l'exemple donne par NicolasForró, François Geszty, habitant Deva et por-tant le titre de capitaine de la Transylvanie etde la Hongrie", un futur combattant contre lesTurcs sur la ligne du Danube et représentantdu prince Sigismond en Moldavie. On s'expliqued'autant plus ces sympathies de Geszty pour lalangue roumaine mise au service de la Réformepar le fait que sa mere, Sophie, dtait la filled'une Clara Cândea, fille elle meme d'un Banroumain de ce nom. Sa descendance maternellesuffisait donc pour lui inspirer ces sentiments._

Le livre dut etre tres gotite dans ce Banatdont on pouvait dire, en 1584, que si Oradeest une vraie vine hongroise, Lugoj et Caran-sebq appartiennent a la Valachie .

3 Verna, IOC. cit., p. 63.

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X.

Michel-le-Brave et la Transylvanie.

Le traitd conclu par Michel-le-Brave, ainsi que,tlu reste, par son voisin de Moldavie, EtienneRfizvan, avec Sigismond , qui se voyait dejiroi de Serbie et suzerain des princes roumains,et qui considerait ses voisins, beaucoup plus Ca-pables sous le rapport militaire et dont l'un,Michel, avait le genie de la conquête, commelie simples capitaines soumis a ses ordres, qu'ildevait contrOler et qu'il pouvait remplacer, ceiraite ne dura que jusqu'à ce que Sinan-Pachafut contraint, par l'intervention réunie de Michel,d'Etienne et de Sigismond Báthory lui-mérne, dequitter le territoire valaque. Aussitôt le patrontransylvain dut renoncer formellement a ses droits,et l'ancien état de choses, l'autonomie a titre deparité des trois prineipautés, fut de fait rétabli,d'autant plus qu'en Moldavie Etienne Rizvanavait été remplace pendant son absence par leprotégé du chancelier polonais ZamoyskijeremieMovili.

1 Voy. plus haut, pp. 237-238.

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Michel resta cependant le grand ami de Si-gismond, qui comprenait, de son ate, les sa-crifices gull fallait faire pour maintenir dans sapolitique chretienne le prince de Valachie. Commecependant des difficultés surgissaient dans lasituation des deux pays envers les Turcs queles Irnpériaux ne parvenaient pas a vaincre, Mi-chel fit, A la fin de l'année 1596, un voyage enTransylvanie pour s'entendre avec celui qui gar-dait encore des illusions de suzerainete A sonégard. Une reception brillante lui fut faite. Au-devant du Valaque, qui arrivait A la tete d'unesuite de cinquante cavaliers, les nobles transyl-yains vinrent dans leurs voitures de luxe A ladistance d'un quart de mille. Le 31 décembre,Michel se rendait avec la meme suite A la Cour,oh l'attendait le nonce du Pape, Malaspina. IIpresenta des- dons de zibelines et de brocard etparla pendant une heure et demie, exposant lesdifficultés de sa situation. Quelques jours pluslard, il assistait, aux cOtés de Sigismond, A laliturgie catholique ; le soir, il prenait part A la.reception solennelle d'un tchaouch turc. Le

chancelier Josika lui offrit un banquet. Apresune audience de congé le prince valaque partitle 6 janvier 1597, emportant les dons precieuxfaits par son ami. II avait obtenu, outre des pla-ces de refuge, le village de Buia, pres de Sibiiu, et celui de Sena.

En meme temps, pour le gagner aussi par des

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concessions faites A sa religion, Sigismond luipermit de bAtir pour le Métropolite Jean un cou-vent sur la colline pres de la citadelle" 1

Une église rournaine existait antdriurement surcet emplacement, et l'ancien prince moldaveAaron, depose et emprisonné en Transylvanie,y avait été enterrd peu de mois auparavant. Ony voyait aussi le tombeau de Danciul de Br An-coveni, envoyé de Michel, et qui y était mortau cours de sa mission. Le sceau de la Metro-polie porte cependant le nom du MdtropoliteJean, et cette eglise métropolitaine dtait dédideaux trois Archanges, parmi lesquels se trouve le

patron de Michel. 11 y avait probablement unebAtisse primitive, en bois, et le cloitre bAti enpierres par Michel-le-Brave se trouvait sur unautre emplacement. Le nouvel edifice dtait né-cessaire pour que l'eveque Jean eftt vraimentune residence dans la capitate de la Transyl.vanie, ou il n'était auparavant qu'un h6te ayantline petite maison dans le voisinage de la ville.Quelques dizaines d'années plus tard, le célebrearcheveque de Kiev, restaurateur de l'Eglise or--thodoxe russe, Pierre Movili, qui dtait un desneveux du prince moldave jerémie, s'exprimaitainsi en ce qui concerne l'oeuvre accomplie parMichel: et il a transporté A Alba-Julia l'évechi

1 ,Monasterfurn in coll., penes civitatem sumptibus'Michaelis extrui permiserat praediisque donaverat6; Hut.muzaki, Ill, p. 287.

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(car precedemment les éveques vivaient ailleurs),ou il dure jusqu'aujourd'hui avec l'aide de Dieu,et il y a installé le premier &ague d'Alba-Julia,Jean, personnage pieux, bien pensant et simple" 1.

Bientôt cependant Michel devait jouer un bienautre rOle en Transylvanie que celui d'un amidévoue du prince, obtenant, en ichange de salidelité et de ses services militaires,. du grand'tie qu'il pouvait jouer sur le Danube et quipréservait la Transylvanie d'une incursion turque,des places de retraite et le droit d'élever uneéglise pour la residence d'un Métropolite de saconfession et de sa race. II est evident d'abordque, si Michel avait besoin d'un prince de Tran-sylvanie allie aux chrétiens, le besoin que res-sentait ce prince lui-même d'avoir un bon voisinde l'autre We des Carpathes était beaucoup plusgrand. De cette facon, l'ancienne importance des.Principautés, et spécialement de cette Valachie Aregard de la Transylvanie, reapparaissait. L'hum-ble politique des princes vassaux du Sultan de-vait les amener A négliger tout aussi bien l'élé-ment roumain en Transylvanie que le concoursque pouvaient leur fournir les princes roumains.voisins; remplissant strictement leur devoir en-vers la Porte, ils étaient assures de ne pas etre-inquidtés dans leur possession, et en meme temps

' Annales de l'Acaddmie Roumaine, XXVII, p. 12 et euiv.

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ils savaient bien que ces princes ne peuventjamais proceder de leur propre initiative, maisseulement par ordre du Sultan. II s'agissait doncd'obtenir les ordres nécessaires pour leur colla-boration. Tout cet ordre politique était maintenantcompletement renversé. La Transylvanie n'appar-tenait plus au Sultan; elle itait en etat de revoltecontre son ancien maitre et craignait un chili-ment en cas de (Waite, et le prince lui-meme,qui s'était declare pour la chretiente, en sacrifiantun assez grand nombre de nobles, parmi lesquelsun de ses proches parents, se rendait compteparfaitement que l'insucces de sa tentative signi-fiait la ruine de sa propre situation. La Valachieainsi que la Moldavie ne dépendaient plus deConstantinople; elles representaient l'avant-garde,exposee aux plus grands dangers, de l'offensivechretienne, entreprise de nouveau contre le mondeottoman. Et Sigismond avait commence par res-tituer a une partie de la population roumainede ses Etats le role militaire qu'elle ne remplis-sait plus depuis longtemps.

Des le mois de mai 1595, un nouveau Ban,Georges Dorbély, d'origine nationale indécise,prenait le commandement des nobles de laregion de Caransebe§, qui cessait de payer letribut de 2.000 ducats da au Sultan. Les placesappartenant au Banat turc, au pachalik de Timi-§oara, furent aussitOt attaquées. Les nobles rou-mains participerent énergiquement a cette oeuvre

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guerriere, mais ii ne faut pas oublier que lechancelier de Sigismond lui-meme, Josika, appar-tenait a ces regions. Si les soldats qui combat-tirent sous les ordres du Ban Georges Polatitch,Serbe ou Roumain, appartenaient en grandepartie a la race serbe, a signaler aussi ceTheodore Ladica", dont le nom signifie vli-dici", en roumain : éveque , des paysans rou-mains etaient metes nécessairement a ces bandespopulaires qui opéraient avec un acharnementde fanatiques contre les Turcs. II est superflu deciter des noms: on les trouve facilement dansles nombreux documents concernant ces com-bats livres dans le Banat '.

En ce qui concerne la Valachie, Sigismond,et, apres son abdication temporaire, en 1598,apres l'incapacité des Impériaux de retenir sonheritage, lorsqu'un autre Báthory, le cardinalAndre, obtint la cession de !a province, cecardinal lui-meme considerait, ainsi que nousl'avons déjà dit, les nouveaux liens établis parla lutte commune contre les Tures comme lacreation d'une unite politique s'étendant jusqu'auDanube et dont la direction devait appartenirau prince de Transylvanie. Le cardinal s'expri-mait nettement a ce sujet dans cette phrase deses propositions faites au Sultan : La Valachie,qui est notre possession et se trouve entre nos

1 Quelques-Lns, aux pages 188 et 189 de l'ouvrag:Toumain.

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pays, est notre province au merne titre que laTransylvanie". II ne mentionne pas la Moldavie,qui avait accepté la suzeraineté polonaise, re-connue aussi, en quelque sorte, par les Tures L.On a des lettres de personnages vivant sur lesdeux versants des Carpathes, d'ou il résulte quel'on considerait l'union militaire de 1595 commeune confusion politique parfaite. La Valachie etla Moldavie, dans leur ancienne qualite, n'auraientplus existe ; elle se seraient fondues dans uneunite politique supérieure chritienne, en relationavec les anciennes traditions du royaume deHongrie. Mais Michel pouvait se poser cettequestion : comme il se trouvait le plus exposé,comme il faisait des sacrifices supérieurs a ceuxdu prince de Transylvanie, dont l'insucces ausiege de Timisoara était evident, comme il étaitmieux doué et capable d'accomplir des chosessuperieures, il pouvait etre tente de rétablir cetteunite politique a son propre profit. D'autantplus que Sigismond Báthory avait abandonnédeux lois sa province et que le cardinal André,outre son inaptitude notoire et naturelle, avaitcommence des négociations avec les Tures, cequi constituait un danger pour la situation deMichel lui-même, sans compter les offenses quelui prodiguait la fatuite de ce jeune prince, élevéa la Cour de Pologne. Dans les derniers temps,

1 Hurmuzaki, III, pp. 321-322.10

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Michel avait eu, du reste, des relations aveccertains des Transylvains, qu'il employait, comme,par exemple, le Saxon Marx Schonkebonk, dansses relations avec l'empereur I. Mais, malgré lessouvenirs d'un vingtaine d'incursions victorieusesentreprises en Transylvanie par les princes rou-mains de Moldavie et de Valachie, malgré lesrelations récentes entre le voevode valaque et laprincipauté voisine, ce fut un vrai coup de foudrepour la plupart des chefs politiques de la Tran-sylvanie que !Invasion, accomplie a la fin dumois d'octobre 1599, par Michel, qui voyantdes ennemis tout autour de ses possessions:Turcs audela du Danube, Moldaves a l'Orient,le cardinal Báthory, de concert avec les Turcs,a sa frontiere septentrionale, risqua d'un seulcoup son propre avenir, sinon celui de sonEtat. II pénétra par le defile, depourvu de de-tense, du Me de Buzau, alors que ses troupesdu pays de l'Olt devaient pénétrer par la Tour-Rouge. B avait pris soin que les positions do-minantes fussent occupées a temps par ses sol-dats, de sorte que, sans aucune perte, il putpénétrer en Transylvanie et, suivant vers l'Ouestla ligne des montagnes, qui lui permettait dese retirer devant un danger éventuel, il penétra,en passant par la plaine de Brasov, jusqu'auvoisinage de l'autre grande ville des Saxons

1 Revista Istoricd, septembre 1915.

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dans le Sud, Sibiiu, dans les environs de laquelle,a Schellenberg, fut livrée la bataille unique quiremit le sort de la province entiere entre lesmains du vainqueur. Le cardinal n'avait pu ras-sembler une armee suffisante pour s'opposeraux forces importantes de Michel; les Szeklerpasserent du cOté de ce dernier, comme d'ha-bitude dans les conflits entre les princes rou-mains et ceux de la Transylvanie. Bs avaient unmotif de plus pour le faire, car la famille Báthoryavait réduit de beaucoup leurs anciens privileges,et, si Sigismond les avait restitues en 1595, al'occasion de l'expedition en Valachie, il avaitbientôt retire ces concessions. Une tres faiblepartie des forces du Banat, sous les ordres dePolatitch et d'un Roumain de vieille race, AndréBarcsai, s'était presentee dans le camp du car-dinal. Le soir du 28 octobre 1599, il n'y avaitplus d'arrnie transylvaine, et le cardinal, quis'était refugie du cOté de la Moldavie, fut tuepar des patres szekler, qui présenterent sa tetea Michel et en furent recompenses par le sup-plice qu'ils rneritaient.

André Báthory, qui venait a peine d'accomplirtrente ans, n'était pas &ranger a cette racevalaque qui avait renverse son tittle et provo-qué sa mort : sa mere était en diet Marguerite,fille d'Btienne Mailat, l'héritiere du duche deFfigarq et rernariée avec Jean Iffiu ; elle vivaitencore dans son heritage, ou on l'accusait demalefices.

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Si la victoire de Michel fut ddcisive, il fautl'expliquer aussi par ce fait que la Transylvanieraccepla, et non seulement parce qu'il se prd-sentait comme le reprdsentant de l'empereur, aunom duquel, aussi bien qu'en son propre nomet en celui de son fils, Nicolas Petrascu, il avaitdemandd l'hommage aux troupes et aux villes.Sa presence pouvait etre deplaisante pour cer-taines classes de la population, mais elle n'étonnaitpersonne. Nous avons montrd plus haut quel'unitd politique établie par le traitd du mois demai 1595 peut etre consider& comme le premierpas vers l'action politique de Michel. En outre,ce dernier avait employe, dans ses combatscontre les Turcs, A Calugäreni, Giurgiu et ailleurs,des troupes qui ne se distinguaient en rien decelles employees par les princes de Transylvanie.Citons, parmi les capitaines mis A sa dispositionpar les voisins, le Hongrois Albert Kiraly, le Rou-main 8tienne Bekes et ce meme André Barcsai,mentionnd plus haut. Rentrds dans leurs foyers,apres la victoire, ces soldats revenaient. avec lessouvenirs des exploits accomplis sous le drapeauvalaque et du riche butin obtenu sous la con-{Mite d'un chef capable, qui excitait l'enthou-siasme par ses vertus de grande bravoure per-sonnelle; or il etait impossible de gagner lesmemes succes et de jouir des memes privilegessous les drapeaux malheureux de SigismondBáthory. Il &sit naturel qu'ils préférassent le

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flistoire des Roumains de Transylvanie 221

capitaine victorieux A celui qui ne pouvait jamaistrouver la voie qui mene A la victoire. Parmi lesSzekler, une certaine partie itait restee sous lesdrapeaux de Michel et, au moment ou il entraiten Transylvanie, il avait A sa disposition 916cavaliers hongrois sous le capitaine GregoireMakci, outre ceux mis sous les ordres de Gas-pard Sibrik, un Flongrois aussi I. Sigismond avaitcommence par employer des Serbes, et main-tenant la plupart de ces Serbes, sous les capi-taines Petco, Nicolas, Marco, Jivco le Rouge,Jivco le Noir, Ivan Brancovitch, dont la familleoccupa ensuite des dignités importantes, JeanMirda, Nedelco, autre Marco, Miclfius, Démetreet le Roumain Radul, obeissaient A Michel. DeshaIdoucs, les mercenaires de frontiere de la Hon-grie impériale, s'offraient volontiers A le servir.Les Cosaques, commandés par Branitzki, Va-laoski, Oczesalski, Rastopcea, etaient familiers Ala Transylvanie grace au fait qu'ils y avaient étéintroduits par le voevode Etienne Báthory, devenuroi de Pologne. Apres la victoire, les artilleursdu prince et les trabants (doroban(i) de FrançoisThüry se réunirent aux autres soldats étrangersde Michel, qui disposait, en fait de Roumains,de ses boiars, de l'infanterie paysanne des Rou-ges" et des Moldaves ayant servi précédemmentsous les ordres du prince 8tienne RAzvan. Or

' Annales de l'Acadenue Roumaine, XX, pp. 468-472

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cette armee, plusieurs lois victorieuse, ressemblaitde tous points a celles qu'employaient les mem-bres de la dynastie des Báthory.

En plus, le prince Sigismond etait représentependant ces luttes comme le representant del'idde chretienne, et non comme celui de la racemagyare ; le pape l'avait créé capitaine de croi-sade, lui avait confie un drapeau, lui avait faitdon d'une epee sacrie. Michel-le-Brave ne voulaitrien autre que le succes de la chretiente contreles Infideles; toute sa carriere était celle dequelqu'un qui avait fait tous les sacrifices pourle triomphe de cette cause qu'il était en mesurede servir avec beaucoup plus d'éclat et avec dessucces infiniment plus reels que Sigismond.

II ne prétendait guere représenter une conqueteroumaine au profit de la race roumaine seule.Capitaine de l'Empereur, conseiller de RodolpheII, faisant profession de dévouement jusqu'au boutau chef de la chretienté occidentale, auquel ilavait preté hommage, au mois de juin 1598,dans ce monastere de Dealu, pres de 'Fargo-viste, sa Capitale, oil repose aujourd'hui sa teetranchée par le fer, it faisait tout son possiblepour ne pas porter atteinte aux privileges desdifférentes categories politiques de la provinceet ne pas froisser l'intérêt légitime de personne.11 est vrai qu'a son arrivée et a la nouvelle desa victoire, un frisson agita les masses malheu-reuses de la population roumaine de Transyl-

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Histoire des it oumains de Transylvanie 223

vanie: les fuyards de l'arm6e vaincue furent tudssur les routes par des individus de toutes es-peces, mais surtout des Roumains de Transyl-vanie", et il est dit même que des paysans,ividemment des paysans roumains, suivirent lesdrapeaux de Michel 2. Des bandes, composéesde paysans exaspérds par l'injustice, attaquaientles châteaux, qu'ils dévastaient et brülaient, dé-truisant tout ce qu'ils rencontraient sur leurchemin 3.

A la nouvelle de la (Waite", dit le chro-niqueur Szamosközy, qui se répandit rapi-'dement a travers le pays entier, les Roumains,qui, vivant dans les villages, occupent toute laTransylvanie, se révoltant, s'unirent aux Roumainstransalpins et étendirent leurs déprédations, enbandes et individuellement, d'un bout a l'autrede la province, confiants dans le fait que leprince appartenait a leur race. Se saisissant deleurs lances et de leurs arcs habituels, ils appa-raissaient sur les grandes routes et tuaient lesfuyards, dévastaient les chateaux, pillaient l'avoirdes seigneurs et rendaient le malheur communplus terrible encore. Ainsi périrent Francois Teke,un des comtes de Turda, Ladislas Boronkay et

' Chronique de Simigianus, p. 197 : omnis fere con-.ditionis homines..., presertim vero Valachi transsilvani-ensue.

I ,Plebeiae etiam conditionis homines" i ibid., p. 196.a Ibid., Cf. Rossi Hurmuzaki, XII, p. 538, no. 858.

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plusieurs autres chefs de la noblesse. Car, autantsont-ils pauvres a cause de leur paresse, qu'ilssont adonnds a la rapine et au pillage aussitôtqu'ils en trouvent l'occasion; ils croient que toutleur est permis pour rémédier A leur misere. Lanécessité les rend courageux et opiniAtres. Main-tenant, apres l'arrivde d'un prince roumain et savictoire dans le combat, ils croyaient que tout-leur sera pardonné. Ils sont d'autant plus cruel&qu'auparavant, étant surpris sur un méfait, ils-etaient punis des punitions les plus séveres, étantpendus, mis au pilori, décapités, suspendus A-

des crochets, et toutes les places de supplice-itaient pleines surtout de ces gens t. On croyaitmeme que, par ses moines, Michel avait incit6-secretement, avant son entrée dans le pays, tousles paysans roumains de cette province A tuerles nobles 2".

On a enfin le témoignage du noble transylvairrEtienne Bocskay, qui fut plus tard un des amisde Michel: ,Ici une partie des paysans se trou-vent en armes ; ils attaquent les maisons desnobles, y mettent le feu; ceux qui tombent entreleurs mains sont tuis, et les rebelles commettentun grand nombre de larcins" 3.

' Pp. 342-344. Aussl dans la Histortas de Bethien, IV.I Ibid., Cf. aussi Hurmuzaki, XII, p. 538, no. 8588 Hic non exigua rusticorum pars in armis est : nobillumF

dornos invadunt ac comburunt, compraehensosque in-lerficiunt, variaque inaudlta latrocinia exercent' ; ibid..13. 4 3, no. 737.

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'Histoire des Roumains de Transylvanie 225

L'état précaire dans lequel se trouvaient cespauvres gens, rendait impossible une manifes-tation politique digne de ce nom. Des docu-ments étrangers, des lettres roumaines nous fontvoir ['Cat de cette population au moment del'invasion de Michel. On voit que leur langue,Iongtemps méprisde, formée maintenant selon lemodele des livres imprimés, commetnait a gagnerdu terrain. Le grand village roumain du voisi-nage de Sibiiu, Skli0e, qui jouissait d'un re--

gime particulier, de meme que d'autres villagesde cette region, soumis aussi A des juges rou-mains et a des pdrgari, selon le modele desmembres de la municipalité saxonne, et ayantavec la municipalité de Sibiiu la seule relationdes inspecteurs étrangers qui apparaissaientde temps A autre et des revenus en ardent ettn nature qu'on fournissait aux bourgeois voi-sins, nous fait voir, par des actes redigés enroumain la vigueur des anciennes traditions quise conservent sur cette terre. Bs sont surtout d'uninterét local et national de sorte qu'il nous estimpossible d'insister sur les details. Dans leMaramoureche, la vie rournaine du moyen-Agecontinuait, sous des chefs qui appartenaient auxfamines nobles d'une autre foi, et on voit ddjA,avant la conquête de Michel, des hauts digni-taires, comme le comte Georges Pogan, le jureThomas, Isaac Pogan, Thomas Bilt, autre digni-taire du Maramoureche, écrivant A la municipalité

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de Bistrita des lettres en roumain, au caractereofficiel, qui sont du plus haut inter& pour laconnaissance du dialecte pule dans cette region,bien qu'elle n'eüt jamais éte soumise a un princede race roumaine.

Ce n'était pas tout ce qu'il fallait pour quel'element roumain profitat d'une maniere durable,sous le rapport politique, de la conquete d'unprince roumain de Valachie ; mais ce qui a etedit montre qu'il y avait un itat d'esprit qui, sansetre nouveau, aurait pu plus tard, si la domi-,nation du voivode s'etait maintenue, créer desconditions plus favorables a l'exercice de sonautorite.

En apparence, Michel restait indifferent a cesmanifestations tumultueuses de l'énergie venge-resse de ses co-nationaux. Le lieutenant" del'empereur, s'entourait, autant qu'il etait possible,de Transylvains qui avaient consenti le servir,réunissant dans son Conseil les premiers deses boTars et l'eveque catholique Démetre Naprágy,dont il fit son chancelier, cantilarie, avec unneologisme roumain, et son .gheneralie, songinéral, Morse Székely ; ii ne faut pas oublierun noble tres respecte, Etienne Csáky, d'ancienneorigine roumaine, qui figure aussi parmi cesconseillers ; Gaspard Kornis, general de la Iran-sylvanie, qui avait trahi le cardinal dans cecombat de Schellenberg qui procura a Michel

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la domination de la Transylvanie, fut charge demissions importantes, et il faisait partie aussidu Conseil qui entourait le voevode.

Mais quelque chose de nouveau commeneaitA poindre, meme dans les formes constitution-nelles de ce regne a caractere ambigu sous tantde rapports. Aupres de la ehancellerie transyl-vaine, de langue latine et magyare, il y en avaitune qui gardait les traditions roumaines et quiddlivrait, ffit-ce meme pour des Roumains deValachie, des actes au nom de Michel Voévode,par la grace de Dieu prince de Valachie, deTransylvanie et de Moldavie", conquise auprintemps de l'année 1600, par une attaquecontre Jérdmie Movili , ou prince de toute laTransylvanie" ou enfin prince de Transylvanie" 1.

Les places de confiance furent ilecernees Ades officiers roumains: Georges le Pitar, origi-naire du Banat, bien qu'il portat le titre d'unedignite valaque,fut burgrave de la Capitate, qui,dans les actes roumains de cette courte domi-nation, porte toujours le nom de Bilgrad; aSighioara on retrouve comme receveur PierreOris, Moldave qui employait comme secrétaireun boTar de FigAras, Jacques. La citadelle deFagfira ellememe était confide au Stolnic Badea

1 Les antes oat été publies dans nos Studii si does-mente, 1V, dans les Annales de l'Acadessie Roumalne,XXVIII, pp, 113-114, et par Jean Bogdan, dans le PrinosSturdza, p. 159 et gull/.

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Grad4teanul et au Comis Iani Cqescul: sousleurs ordres se trouvait le capitaine roumainFircas. Le puissant chateau de Kövar (en rou-main Chioara), dans le Nord, et les regionsvoisines, jusqu'à la fondation de Martinuzzi,.Gherla, etaient administrees par l'aga Leca, etcet officier, faisant une conscription des biensfonds soumis a sa jurisdiction, les répartisaiten hongrois", et roumains". Dans le paysdes Szekler, a Görgeny-Gurghiu, le commandantétait Pierre Fecior; a Cojocna, le capitaineMichel. Le soin de surveiller Bistrita et d'enrecueillir les revenus etait conlie au boIar Drag,un Moldave aussi. Une partie de la correspon-dance est redigee sans aucune gene, en roumaince qui n'était pas fait pour etonner les magis-trats saxons, qui employaient depuis longtempsdes secrétaires spéciaux pour leur correspon-dance, jadis slavonne, et depuis peu des secré-taires roumains dans leurs relations avec lesprinces et les nobles du voisinage, avec leséveques, les supérieurs des monasteres et lesofficiers des deux principautes.

Les Transylvains se sont plaints avec indi-gnation des donations faites par Michel a sesgens. De fait, la Diete, réunie le 20 novembre,quelques jours apres la conquête, déclara queles donations de Sigismond n'ont plus de valeuret que le nouveau prince, en sa qualite de con-_gal-ant, a le droit de disposer de n'importe

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quelle partie du territoire, nonobstant des droitsantérieurs. Mais, si Leca obtint des possessionsdans le district de Chioar, l'Arm Sabbas danscelui de Vecs (en roumain: Jeciu), le ban Mi-halcea, un des principaux conseillers du prince,A Ujvár (en roumain: Uioara), certains des biens-fonds confirmés A des Roumains, comme ceuxqui appartenaient A la veuve de RAzvan, la prin-cesse Marinca, étaient des donations anterieureset, en echange, la plupart de ces donations estfaite A des Hongrois, comme la veuve de Keresz-tiiry, A des Saxons ou d'autres magistrats muni-cipaux: Gaspar Kim, Sayegh, maire de Sibiiu,etc., sans compter des capitaines de la memerace, magyare, comme Mc:Ilse Szekely, qui obtintla possession de Teke (Teaca).

Aussitôt apres l'occupation du pays, le tresorierde Michel dut faire le compte general des re-venus. II est rédige en roumain et contient lesnoms roumains traditionnels pour les comtés etautres organisations administratives, pour lesvilles, etc. Du reste, la surveillance des revenusappartenait au vestiaire valaque Stoica et auxofficiers de la Chambre et du Tresor du voévode.Jusqu'au dernier receveur fixé dans les villes,l'administration des finances appartenait exclusi-vement au vainqueur. Il faut voir tout de memedans ces faits un commencement de roumanisationde ce qui keit &ranger en Transylvanie et dereconnaissance de la valeur de l'élément roumain.

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'clans la nomenclature, dans les coutumes, danseadrnin istration.

Les matériaux seuls manquent peutetre pourlixer les details des relations entre les Roumains-de Transylvanie et le nouveau prince de leurrace. On peut citer des noms de notaires etsecrétaires qui appartenaient a cette nation, deguerriers du Banat, un Francois Lugassy, deLugoj, un Daniel Szálasdy, qui, malgré leursmoms magyars, faisaient partie de ce monde deliobereaux roumains, qui, apres avoir servi lesprinces etrangers de Transylvanie, offraient d'au-lant plus volontiers leurs services a un Roumain.Le Banat était confié, du reste, a l'administrationd'un de ces nobles, Andre Barcsai, déjà plusieurslois cite.

Mais ce qui intéressait principalement Michel,-c'était l'état de l'Eglise, et il avait raison de voirdans le développement de ces institutions epis--copales les fondations profondes et solides del'avenir de sa nation en Transylvanie. La diete,du 20 juin 1600 decide, sur sa demande, queles prêtres roumains seront completement exem-ptés de charges serviles envers les seigneursterriens. On a vu ce qu'il avait commence a fakeau profit de la Métropole roumaine avant 1599'Cette oeuvre f ut complitee pendant son admi-nistration: le dyptique, la liste des archeveques",ltelle qu'elle nous a &é conservée, mentionne son'nom et celui de la princesse Stanca, sa femme,

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Histoire des Roumains de Transylvanie 2311

comme ceux qui ont fonde la sainte Mdtropole-de Belgrade" 1.

A Vad on trouve, des le mois de décembre-1599, un certain Jean Cernea, avec son nonrinobiliaire hongrois: Chernay, qui est intituld-

éveque serbe (orthodoxe) de certaines églises.roumaines. 11 dtait représenté par un Roumain,Etienne Ciurea. Dans le voisinage il y avait lebien-fonds dItienne RAzvan, administré par saveuve. De fait, cet éveque n'était qu'un simple-supérieur de monastere. L'ancien &Nue, le vrai.Spiridon, attendait quelque part des jours meil-leurs pour l'influence moldave a laquelle cet-

dveché du Nord devait son existence. Dans le-.Maramoureche ruthene, A Munkács, Michel rem-place le Russe Pétronius, qui assista, sur ses-ordres, au synode de Jassy, en Moldavie, celui

qui decide, en juin 1600, le remplacement des.

dveques fuyards, partisans du prince Jérdmie,par d'autres, fideles au nouveau regime , parcet archimandrite Sergius, originaire du cloltre-de Tismana, en Olténie, auquel on confia aussil'ancien monastere de Peri'.

1 Ce dyptique a eté publié par nous, dans les Studli Wdocumente, IV. Le passage cite se trouve a la page 67.

' Les actes ausquels fait allusion M. Hodinka dans sonivre hongrois sur l'éveche roumain du Maramouteche ne-semblent pas exactement interpretes : il faut retenircependant la mention des éveques roumains inconnus.

avant Pétronius.

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232 N I orga

Nous croyons meme que revel:pre Sabbas,qu'on retrouve dans le Banat, a Lipova, en 1607-8,appartenant peut-etre a la famille Brancovitch,dont nous avons cite un membre, Ivan, commecapitaine serbe de Michel, a pu Etre établi parMichel lui-méme. On voit done toute une orga-nisation hierarchique represent& par des Rou-mains, soumise au Siege métropolitain de Alba-_Julia, Capitale de la Transylvanie, et aboutissant,par les relations créées des 1595 avec le Siege.de Targovi§te, A l'autorité hierarchique supérieure.de Itglise valaque elle-meme.

Quelle était cependant la vraie intention poll-tique de Michel? Son titre même, le sermentqu'il exigea pour sa personne et celle de sonIlls répondent suffisamment A cette demande. Ona en plus toute sa correspondance avec l'em-pereur, qui montre clairement l'idee Wen naturellequ'il se faisait de sa situation et des méritesqu'il s'était gagnés pour. cet empereur, de touce qui devait deriver du fait de sa conquEte et,d'un autre côte, la lenteur tirnide et perfide enmerne temps de la Cour impériale, le manqued'unité et d'eflicacite dans son action a regardde celui qui venait d'un seul coup de donner ala Maison d'Autriche une grande et belle province,le défaut du sens politique, tout aussi grand que-celui du sens moral, dans cette attitude envers.quelqu'un qui pouvait etre facilement employe

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pour les buts de l'Empire lui-meme et de lachretienté.

Des le commencement, par son envoyé Pierrel'Arménien, Michel expose les difficultés de sasituation, demandant une prompte resolution '.

A ce moment on pensait encore a envoyer unarchiduc en Transylvanie ou a en confier legouvernement a des généraux de grande repu-tation, un Schwarzenberg, un Nadasdy, ou a1'ex/clue Istváriffy ; d'un autre ate, Basta, com-mandant imperial dans la Hongrie Superieure,un ancien ennemi de Michel, qui avait prevenule coup que ce general lui meme voulait tentercontre André Báthory, s'efforeait par des intri-gues d'obtenir la situation qu'il revait depuislongtemps. Quelques jours plus tard, Carlo Magno,l'agent italien de la Cour, rapportait une reponsedans laquelle Michel croyait découvrir l'admissionde son désir d'être prince héréditaire de la pro-vince, son fils devant meme etre allie a laMaison d'Autriche. Mais la vraie intention desconseillers de l'empereur apparait dans la con-sultation qu'ils donnerent A ce moment meme a

1 Nous connaissons ces offres par une résumé présent6a l'archiduc Maximillien, dont on avait voulu fake, en1598, le gouverneur de la Transylvanie. Ce résumé nousparalt assez peu exact. Nous en avons extrait ce quipouvait correspondre aux intentions de Michel, ainsi quepour les actes suivants (vol. IV et XII de la collection;Hurmuzaki).

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leur maitre sur les faits de la Transylvanie.°Certains pensaient qu'on pourrait abandonner laprovince a Michel, mais en mettant des garni-sons dans les forteresses ; l'archeveque de Gran-croyait qu'on pouvait laisser au Valaque l'adnti-mistration de la Transylvanie, sans autre droit,mais plus tard ce prelat se ralliait aussi a l'opi-nion des autres, gull fallait accorder a cet in-strument de la politique autrichienne une re--compense", quelques secours dans la guerre-contre les Turcs, une place de refuge, ou quelque,chose de semblable ; tout au plus aurait-onincline a confier a Michel lui-même et a sonIlls cette terre conquise, dans les conditions d'unsimple gouverneur, dont l'action serait contrôlée-et arretee au besoin par une garde allemande '.

11 fallait ouvrir la diete de Transylvanie, etl'empereur aurait desire que Michel s'effacatmodestement devant ses delegues, Ungnad etSigismond Forgách, ce que le conquérant trouvaau-dessous de sa dignité. 11 ouvrit lui-meme4'assemblée en prince, comme l'avaient fait sesprédécesseurs hongrois, et aussitOt il expedia aila Cour son sage conseiller, le vieillard Mihalcea,et le trésorier Stoica. Outre des explications surkl'etat de choses trouvé en Transylvanie, it strans-mettaient la demande que leur maitre soit ,con-

' Toutes ces opinions, a la date de novembre-décembre1599 dans le volume XII de la collection Hurmuzaki.

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firms et maintenu dans la situation presentesous n'importe quel titre : principauté, duché oumeme royaume. Cette situation devait etre he-réditaire non seulement pour son fils, mais pourtous ses descendants. Les boulevards exterieursde la Transylvanie, occupés par les Allemands ;Hust, une des forteresses du Maramoureche,

Baia-Mare et Orade, ainsi que leursdistricts, devaient etre réunis a la Transylvanie,seul moyen de rendre possible un vrai gouver-nement, car les Szekler avaient été declaresfibres de charges et les Saxons vivaient dansdes conditions qui rendaient leur participationaux charges de la province beaucoup trop légeres.Michel admettait volontiers la presence d'uncommissaire, et surtout celle du docteur Pezzen,ancien ambassadeur A Constantinople, qu'il con-naissait bien et qu'il appreciait. 11 pourrait resider

Cassovie, dans la Hongrie Superieure, a Satu-Mare ou meme dans la Capitale de la province.On ne conclura pas une paix avec les Turcs sansl'y comprendre. Une garde de 2.000 cavaliershongrois et 400 Allemands, ainsi que 50 artil-leurs, seront payes par la Chambre imperiale.Les donations de Sigisrnond devront etre annu-lés. Le reste concerne les circonstances intérieuresde la province ou les relations avec les Tures '.

' ConfIrmarlo et mantenerio nello stato nel sitrove', ibid., p. 607.

2 Hurmuzaki, XII, pp. 608-609.

$imliu,

A

quale...

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236 N. lorga

Lorsque la reponse de l'Empereur a l'ambas-sade de Pierre l'Arménien arriva, Michel s'endeclara satisfait, parce qu'on lui avait dit qu'ils'agissait de lui donner, ainsi qu'A son fils, letitre de prince du Saint Empire, et il insiste surle fait qu'il sera difficile de faire une distinctionentre ce qu'on lui donne et ce que son fils doitavoir. Cependant, le 26 janvier 1600, de nouvel-les instructions furent envoyées aux ambassadeurssusdits : Michel montrait avoir pleine consciencede l'importance de l'acte qu'il avait accompli etgrace auquel, apres vingt-quatre ans de separa-tion, la Transylvanie avait eté réunie A la Couronnede Saint 8tienne, par les mesures qu'il avaitprises et le sacrifice de nombreaux guerriers".En echange de ce service et de cette fatigue, ilfaut bien lui laisser la Valachie et la Transyl-vanie, comme possessions héréditaires", dans leslimites réclatnées déja par Jean-Sigismond a laMaison d'Autriche. Tout ce qui serait conquisensuite dans ces limites sur les Turcs seraitannexe a la Transylvanie. Le titre de Sigismonddevra etre transmis au nouveau prince, qui n'ad-mettait aucune diminution de son droit de do-nation et de jugement. L'empereur devrait luidonner des secours en argent et en troupes, desplace de refuge en Hongrie, tin revenu de100.000 thalers par an et ce qui sera nécessairepour le racheter s'il tombait entre les mains de.ses ennemis.

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Comme la Diete de Ficmgrie devait se ras-sembler bientôt, Michel y envoya, au mois defevrier, Naprágy, Kornis et un troisieme noblede Transylvanie, Bornemissa, pour demander lacession, a titre héreditaire, de la Valachie et deh Transylvanie, comprenant aussi sous ce nomles comtés exterieurs" et les futures conquetessur les Turcs. Le reste des demandes faites parMichel correspondent A celles qui furent presen-tees a l'empereur. Pezzen, nommé commissaire

fut averti, au mois de mai, que laconcession de la Valachie et de la Transylvanieau meme titre est une condition sine qua nond'une entente avec l'Empereur

En meine temps tine seconde Diete était con--voquée a Brwv, dans les formes habituellesaux princes prédécesseurs de Michel.

Alors que les conseillers se rendaient comptece qu'on pouvait obtenir de plus serait une con-federation, une alliance politique avec Michel, quin'aurait pas &é sans avantages pour la Maisond'Autriche, la reponse impériale partit de Pilsenle 3 février. Elle commencait par des explicationssur la conduite de Basta, par des promesses desecours militaire contre les Tures, par des re-commandations concernant le sort des vaincus,par des indications sur les negociations qu'il

Cf. ibid , pp. 707-710, 717-713, 721, 729-730, 739,747-748.

imperial,

1

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238 N. lorga

fallait entreprendre avec les Tatars. Michel et safamille étaient places sous la protection de l'em-pereur, mais, quant au point principal, RodolpheII s'en remettait a la reponse que trouverontconvenable ses représentants déjà arrives enTransylvanie et ceux qui viendront ensuite. Hs'agissait de temporiser", l'ernpereur memeavait employe ce terme 1 , et Ungnad, ainsi quele brave vieux soldat Michel Szekely, qui l'ac-compagnait, puis, plus tard, Pezzen, avaient desinstructions dans ce sens. Il fallait leurrer depromesses le voévode et laisser passer le temps.

On conçoit bien l'indignation qui saisit l'ameviolente du guerrier impatient qu'était Michel. Jene suis pas, s'écria-t-il, une femme de mauvaisevie pour qu'on se débarasse de moi de cettefaçon : je prdiere risquer ma tete que d'aban-donner ce que j'ai gagné". Le Sultan, contrelequel il s'était révolte, ne lui en envoyait pasmoins des presents précieux, alors que l'em-pereur ne trouvait rien a lui donner que troisfeuilles de papier pleines de poison, de honte etd'injures : on m'a bien dit de ne pas me fieraux Allemands. Je ferai connaitre au mondeentier comme on s'est joué de moi" 2.

Lorsqu'apres la conquete de la Moldavie, Pez-zen, apres un tres long retard, arriva en Tran-

' Ibid., III, p. 373.I Ibid., IV', p. 703.

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sylvanie, on lui présenta, au mois de juillet, desdemandes de la part du vobrode, qui correspon-dent parfaitement a ces mémoires antérieurs.Dans une premiere forme, Michel demandait lapossession hereditaire des trois pays roumains :Transylvanie, Moldavie et Valachie, ainsi que laplupart des conditions déjà connues en ce quiconcerne le titre et le secours a donner dans laguerre contre les Turcs. Les commissaires ad-mirent seulement la possibilite de confier auconquerant l'administration de la Transylvanie,selon la coutume. Alors Michel presents unenouvelle forme de ses propositions : il consent ane pas etre souverain, roi" de la province, mais,s'il sera désormais un simple gouverneur, quece titre et ses droits soient heréditaires pourtoute sa famille, l'empereur ayant seulement ledroit d'être l'héritier du dernier de ses descen-dants. Quant aux deux pays d'outre-monts, l'em-pereur n'aurait que le droit de confirmer le

prince élu par le pays et de lui confier le drapeauen signe de suzerainete ; rien ne devait etrechange aux anciennes coutumes locales. En outre,Michel devait avoir comme place de refuge Gur-ghiu, dans le pays des Szekler, Gilfiu, l'ancienneresidence de la reine Isabelle, Jeciu, Figiras,qui appartenait a l'épouse repudiee de SigismondBáthory, l'archiduchesse Marie-Christine, cousinede l'empereur, et, dans les comtés extérieursa,Hust et Chioar; meme ses filles auraient le droit

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d'hdriter de ces possessions A titre personnel..Renouvelant la demande que lesdits comtés ex-térieurs fussent rdunis A la Transylvanie, ii voulaitque ces provinces fussent agrandies aussi desconquetes qu'il comptait accomplir dans le Banat;en commençant par Timi§oara, qui avait rdsisté

Sigismond. 11 trouvait tout naturel que sesconquetes pussent revenir aussi A ses files. Bienque simple gouverneur, ii n'admettait pas le droitd'appel contre ses jugements et demandait ab-solument un secours en argent, sous la surveil-lance du commissaire.

Enfin, par une troisieme et derniere concession,Michel n'ajoutait rien A sa demande que la Tran-sylvanie lui lilt au moins confide A titre degouverneur, prometant d'accorder des donationsseulement au nom de l'empereur et de soumettreA sa confirmation les decisions des [hetes. Quantaux forteresses, ii consentait a abandonner Chior,en echange pour quelques autres forteresses duOM de la Moravie ou de la Boheme ; it fallaittout au moins lui donner, comme a Sigismond,l'ordre de la Toison d'Or: Pezzen partit, ernpor-taut un vrai traitd qui devait etre soumis A

l'approbation de son souverain, le 10 ao0t, suivipar les reprdsentants du voevode, Kornis et lelogothete valaque Thdodose.

Lorsqu'il arriva A Prague, on savait d6jA queles nobles de Transylvanie, excites par le soif de

A

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revanche de Basta, s'étaient revolt& et que Michel&aft menace d'etre écrasé par la coalition entreles révoltés et les troupes impériales de la Hon-grie Superieure. Alors l'empereur écrivit a sonvassal menace que, bien qu'il eta préféri, pouréviter les graves désavantages qui pourraient sepresenter, que le voevode, ayant restitut la Tran-sylvanie occupée au nom de Sa Majeste, s'enretournait en Valachie pour l'administrer sous laprotection de l'empereur et y guetter toutes lesoccasions d'avancer plus loin en Turquie, avecl'aide de Sa Majeste, et bien que chez les chre-tiens, et meme chez les Turcs, les gouverneursne peuvent etre nommés A vie", on lui accordenéanmoins cette qualité de gouverneur pour laTransylvanie, autant qu'il vivre et restera fidele".Mais il etait oblige a observer toutes les cou-tumes du pays, a ne rien innover, a gouvernerd'entente avec les conseillers et la diete, a avoiraupres de lui un conunissaire imperial, qui devraetre regent en son absence. Quant a ce qui con-cerne son fils, dont on espere des servicesfideles, on tiendra compte de sa personne, danscette situation ou dans une autre. En échange,la Valachie pourra etre transmise aussi aux filles,si, bien entendu, elle prendraient pour épouxun fidele de l'ernpereur, qui sera désigné direc-tement de Prague I. En ce qui concerne la Mol-

1 Ibid., IV', p. 130. no. 119 ; Giurescu, dans le Buleti-nul Consisiunii Works a Romdatel, I. pp. 289-291.

11

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davie, ii faut attendre le diveloppement des évé-nements (le chancelier Zamoyski, entre dans cepays, ash sur le point d'envahir la Valachieaussi). On pourrait penser a Michel commevoevode", mais les habitants auront le droit,dans les cas plus graves", de recourir A lamiséricorde de l'empereur. De plus, Michel devraconsulter toujours les conseillers qu'on lui ad-joindra.

Pas un mot concernant la possession here-ditaire de ce Siege princier ; quant aux places derefuge, GilAu appartient a l'eveque de Transyl-vanie, Ffigiras A l'archiduchesse Marie-Christine,et, quant a Jeciu et Gurghiu, ii faut intenter unproces a Bocskai, qui en réclame la possession,et, en cas de réussite, le fisc, et non le voevode,devait en avoir la possession. Hust et Chioarclevront etre ramenées A l'état oü elles se trou-vaient avant la conquete turque. 11 est impossibled'accorder A Michel le droit de donation et dejugement sans appel; tout au plus, ayant con-sulte les conseillers, ii pourra le faire dans deslimites plus étroites. Les comtés exterieurs" sontformellement refuses ; quand aux conquetes, Mi-chel pourrait retenir seulement celles de moindreimportance, en demandant, en plus, l'investitureA l'empereur. Il est inadmissible de promettredes subsides A terme fixe et dans une quantitédonnée une fois pour toutes, mais on ne refusepas de fournir certaines sommes d'argent, 100.000

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thalers pour cette armee meme, mais seulementpour les employer contre les Turcs et si le voé-vode rompt definitivement avec eux. Pour quele vothrode puisse etre compte parmi les princes",on s'occupera de la question du titre. Les minessont réservées pour l'empereur, qui aura sonadministration autonome. En general, toute la

Hongrie Superieure viendra au secours du voé-vode, si le voévode lui-meme est dispose A luifournir son secours. Rien ne peut etre decidesans l'avis du Conseil imperial. L'idée de Micheld'avoir un representant a la Cour ne déplaftpas", mais il ne sera pas payé par le Trésor.

Les envoyes du Valaque" essayerent de pro-tester. Ils insisterent surtout pour les places derefuge. S'ils ne purent obtenir Chioar, une reponseplus favorable fut donnée concernant les châteauxpossédés par Bocskai. Si Michel conquerrait Ti-misoara on inclinerait a lui en donner la pos-session a titre de fief ou a racheter cette con-quete en argent. On peut ajouter 50.000 thalersa ce qu'on avait promis, mais un tiers doit etre-donne en draps pour les vetements des soldats.Enfin, si un &site serait conclu, on ajouterait auxdonations celle de la forteresse de Känigsberg,en Silesie.

II est impossible de s'imaginer un acte dederision plus sanglant que cette reponse.

Mais A ce moment Michel était vaincu. Le 18septembre, comme il ne s'etait decide qu'A contre-

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coeur a livrer bataille A des troupes que couvraitaussi l'étendard de la Maison d'Autriche, il perditla journée de Miraslau, A la grande joie de cesnobles de Transylvanie, qui auraient prefireavoir a sa place un des serviteurs qui attisentle feu dans les chambres de l'empereur". Vaincu,le Voevode frappe de la main le pommeau deson sabre et declare qu'il poursuivra jusqu'aubout sa bonne guerre 1

Cependant il consentait A evacuer la Transyl-vanie, demandant seulement Flgar4 pour yabriter provisoirement sa famille et, en plusGurghiu et Jeciu, mais en laissant le tout A lagrace de l'empereur. Ses intimes affirmaient qu'ilaurait desire conserver des droits sur les Szekler,ses voisins 1.

Cependant les Polonais de Zamoyski se trou-vaient deja en Valachie. Michel accourut pourles repousser et fut vaincu dans des batailleslivrées selon les rtgles d'une tactique savante.Traversant son pays, il se dirigea vers le Banat.Ce n'était pas un fuyard qui quittait le sol desa patrie, mais bien quelqu'un qui croyait avoirle droit de se presenter devant le trône de rem-pereur pour demander justice contre ceux qui,sans une autorisation de la part du souverain,avaient !eve les armes contre lui et l'avaient

' Hurmuzaki, 1W, p. 146, no. 130.' Ibid., p. 147.

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dépouilli d'une conquete accomplie au risque deson trône et de sa vie. 11 fut reçu en ennemi ason passage a travers le Banat. 500 cavaliersseuls l'accompagnaient, des haTdoucs serbes etpeut-etre aussi des Roumains, a une époque ohcette region du Banat contenait des capitainesde grande reputation, comme Etienne Vajda,Michel Vajda, ancien page de Sigismond, etautres. Le ban André Barcsai et François Macs-kássy avaient abandonne la cause de Michel. ParLipova, par Beiu§, dont le capitaine lui avaitconserve sa fidglité, Michel se dirigea vers lariviere de la Tisa, qu'il passa a Tokay.

Son action a Vienne et a Prague ne nous interessepas ici. 11 suffit de dire que l'empereur, simulantune attitude d'impartialite entre le voevode, dontil était heureux d'être débarassé, et entre Basta,imposa une reconciliation entre les deux, ce quipouvait etre d'autant plus utile que SigismondBáthory, rappelé par toute la noblesse transyl-vaine, &ail revenu dans son heritage. Ce quiavait eté ravi a Michel tombait donc le lendemainmeme de la victoire entre les mains des ennemisles plus acharnés de la Maison d'Autriche. LeValaque" devenait de nouveau un instrumentutile pour la politique autrichienne. On lui donnade l'argent et il rassembla des troupes. Auxcôtés de Basta il gagna sur ces nobles de Tran-sylvanie, rebelles pour la seconde lois, la victoirede Goroslau pour etre assassine quelques jours

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plus tard, au matin du 19 aat 1601, par l'ordrede Basta, au moment oii Michel voulait se dirigervers Ffigiras pour délivrer sa famille assiégée.

Une chronique saxonne nomme deux des as-sassins qui avaient obei aux ordres de leur ca-pitaine, des Valons, Jacques Beauri et LevinMortagne: ils s'appelaient Ambroise Szekely etFrancois Nagylaky.

La tete de Michel fut detachee du tronc ;abandonnee, non ensevelie, pendant des joursentiers dans la plaine de Turda; elle fut apportéeen Valachie par un de ses fideles capitaines pouretre déposee dans le couvent de Dealu, pres desrestes du pere du voévode, dans cette églisememe oi.i avait &é prete a l'empereur un ser-ment que Michel n'avait jamais viole. La simplepierre qui rappelle la place oti la relique avaitété enterrée porte une inscription roumaine quifinit par ces mots: et son corps git dans laplaine de Turda, oii les Allemands l'ont tué".

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Xl.

Les Roumains de Transylvanie apres la mortde Michel-le-Brave jusqu'à l'établissement d'unnouvel etat de choses dans cette province.

II s'agit maintenant de voir ce qui a subsistéapres ce moment de brillante gloire au milieudes malheurs d'une nation entiere et de l'es-clavage seculaire des Roumains de Transylvanie.

Le premier résultat de la catastrophe de Mi-rislau fut une persecution sauvage contre toutce qui était en relation avec le tyran", avec lePharaon valaque". On mit a sa charge tout cequ'avait accompli une soldatesque mal payee, acause du retard des subsides impériaux. A Fluie-din les habitants de cette petite ville s'étaientrévoltés a cause des injures faites a leurs femmeset avaient tue 50 soldats roumains et leursfemmes, ainsi que, probablement a cause de leurorigine roumaine, tous les mendiants qui s'étaientrassemblés dans cette localite. La consequencenaturelle fut que des troupes fralchement arrivéesexercerent une repression terrible, incendiant laville et allant jusqu'a empaler les enfants sur les

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pieux des haies. On parlait aussi de pillagesaccomplis dans certains villages saxons, de lapunition de celui de Titi, oft quelques boTarsavaient eté tues, etc.

Pour s'en venger, ceux qui avaient appartentka Michel étaient recherches dans tous les coinsde la province et tiles. Pres de Sibiiu on arretadix-huit chars avec des femmes et des enfantsde boTars; personne n'échappa. Michel lui-memes'exprime dans ces termes sur ces actes d'igno-minie: partout oil l'on rencontre des hommesque l'on sait m'appartenir, on les tue commel'auraient fait les Turcs. Nous voulons échapperaux lnfideles, et nous les rencontrons partout".

L'ordre du 10 septembre 1600 etait, du reste,formel: chaque Serbe ou Roumain en relationsavec le voévode devra etre tue a l'endroit memeoh il serait trouve"; il fallait séquestrer le Maiqu'on entrainait. Apres la proclamation de Sigis-mond comme prince de Transylvanie, le vieuxBan Mihalcea fut jeté en prison et y mourut.lin chroniqueur hongrois declare que ce premierparmi les conseillers de Michel était le plusmiserable de tous les Valaques que contenait lepays transalpin et digne de ne jamais etre men-tionné sans le maudire". Baba-Novac, capitaineserbe de Michel, fut empale et son corps brille

1 Ibid., p. 201, no. 172.

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Histoire des Roumains de Transylvanie 249

aux Otis d'un pretre sur la place publique, le5 Wrier 1601. On brisait les mains et les piedsde Jean Szelestey avant de le jeter dans leeachot ob il devait link ses jours. L'armache Sab-bas eut un sort semblable. Celui qui se decla-rera encore pour Michel devra etre tue avectous les siens et sa maison démolie. Tel &tali

l'ordre de l'oligarchie magyare.Toutes relations avec la Valachie devaient etre

interrompues ; celui qui oserait passer la Iron-tiere maudite allait perdre sa tete et ses biens"..Aucun pretre roumain ne pourra entrer dansle pays venant d'une des deux Principautés, et,quant aux moines, ils devront etre proscritspour toujours; si on rencontre quelque exem-plaire de cette espece entrant, A l'encontre del'édit, dans le pays, il devra etre pris et depouilldsur la place publique". Seuls les Roumains quigardaient la frontière avaient la permission deporter des arcs.

Pourtant les Roumains de Transylvanie n'avai-ent pas soutenu jusqu'au bout la cause de Mi-chel, qu'ils avaient, au contraire, abandonnécomme les autres, 200 soldats seulement de sanation sur 2.000 etant resté A ses Wes. Maistous, les prêtres memes, considérés commeseditieux et incendiaires", devaient payer pourI'humiliation ressentie par la noblesse transyl-vaine, pour le privilege dont ils avaient joui

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pendant les quelques rnois de domination duvoévode de leur race '.

Et cependant rien ne pouvait détruire le sou-venir de la vaillance de Michel, de ses vertuscomme soldat et meme de ses bienfaits enverstous ceux qui l'avaient servi avec Waite. Lorsquela Transylvanie fut de nouveau devastée d'unbout a l'autre par les Cosaques, les Polonais, lesMoldaves, les Valaques, les Valons, les Allemands,qui, dans une melee furieuse, se disputaient aunom de leurs maitres cette malheureuse terre deTransylvanie, sans qu'une main de fer füt lapour arreter leurs exces, on arriva A penser avecregret aux jours oil la volonte inflexible deMichel imposait la discipline, aux plus hardis.De fait, lorsqu'en 1599 ses soldats pillaient dansla Burzenland", il avait declare formellementque ce qui arrivait était contre sa volonté et qu'ilfaisait son possible pour arreter des soldatsfurieux". Partout oti les provisions étaient ser-vies ponctuellement il n'y eut pas de troublesau moment de l'invasion. Pendant Pete de ran-née 1600, deux Roumains, coupables d'un crime,furent executes et exposes sur la place de Brasov.

Parmi les nobles de Transylvanie, EtienneCsalry élevait jusqu'aux nues la personnalité duvoévode, qu'il comparait aux héros de l'antiquite,et ce her Magyar imitait meme dans la maniere

1 On trouvera les sources aux pp. 213-216 de ?ouvrageroumain.

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de s'habiller le Valaque. Dans des termes émou-vents Nicolas Senyey s'adressait A Michel, dansles jours malheureux de ce prince, pour l'assurerde sa fid6litd inebranlable: car je connais etj'ai vu la bravoure et la fiddlité de Ta Grandeurenvers la chrétienté, et j'ai compris plus d'unefois l'infidélitd instable des traitres transylvains,qui seront punis fatalement par Dieu". Le ca-pitaine de Beius, Somogyi, trouve des parolessemblables en s'adressant au prince qu'il avaitservi. Un des Rákóczy se trouvait aupres deMichel au moment de l'assassinat, et fut blessd.Jusqu'au bout, le commissaire imp6rial MichelSzékely fut d'avis que le Valaque avait dté unhonnete soldat et un fidele auxiliaire de l'em-pereur. Basta a fait mourir sans aucune preuvede culpabilité le voévode Michel", écrivait, en1602, A l'archiduc Maximilien, un autre noble,Sébastien Melly 2.

Et enfin toute une population, celle des Szekler,n'oublia jamais sa collaboration A l'oeuvre debravoure accomplie par Michel. Au mois deseptembre 1600 ils cherchaient Csaky, devenu-chef de la revolte, pour l'em paler tout simplement.

Par son invasion et sa domination en Tran-sylvanie Michel avait créé en outre une tradi-

' Hunnuzaki, IV', p. 247.s Ibid., XII, p. 1242, no. 1892.

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tion que devaient suivre ses successeurs. Des1601, des Moldaves figurent parmi les troupesde Sigismond ; les anciens jours ou la Transyl-vanie était fréquemment traversee par des guer-riers venus des deux Principautes dtaient revenus.Radu Serban, le vrai successeur de Michel commeprince de Valachie, passa de longs mois enTransylvanie comme refugid aux cOtés de Basta.En 1603, ce prince, que les Impériaux avaientaide A se défendre contre Simeon, frere de Je-rdmie MovilA, candidat au trône de Valachie, etcontre les Tatars qui le soutenaient, fit A sontour la conquête de la Transylvanie, ou WiseSzékely, l'ancien general de Michel, incite parles Turcs du Banat, avait pris le titre de prince,chassant devant lui des soldats de l'Empereur.Son avant-garde reussit, sous la conduite du Bande Craiova, Georges Rat, un Serbe originaire dede Szalankemen, A battre les troupes de Moise,commandées par un ancien capitaine au servicede Michel-le-Brave, Mak6, qui fut tue dans lecombat. Le prince valaque arriva a son tour et,au commencement du mois de juillet 1603, ildcrasait les Hongrois pres de Brasov. Mcaseperit dans la (Waite, et sa tete, qui roula sur lagrande place de la ville voisine, fut expose surles murs de Fagaras. Cette lois encore, despaysans roumains, dit la chronique transylvaine,,arreterent les fuyards dans la celebre for& duDiable et en tuerent une grande partie. Les.

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Szekler aussi s'etaient leves pour detruire les.nobles de leur territoire. Pendant quatre mois.toute la partie inferieure de la Transylvanie ap-partint aux Valaques, qui pénétrerent jusqu'aMedia', a Sighi§oara et, vers l'Est, jusqu'a Gur-ghiu. Mais, comme Radu n'avait pas les inten-tions de conquete qui avaient determine Michelen 1599, comme les Imperiaux n'arriverent pasa temps pour le soutenir, il se borna a realiseren argent le gain du butin, puis se retira dansson pays. Cependant Rat, avec 2.000 Serbes etRoumains, restait de l'autre OM des montagnes,pour se réunir A Basta et pénetrer dans le Banat,ou il fut recu avec sympathie par les habitants.De leur côté, les Moldaves traverserent la pro-vince des 1605, au moment oli la dignité de-prince de Transylvanie appartenait a EtienneBocskai.

Radu avait cherche a s'entenclre avec ce prince,qui, maitre de la Hongrie Superieure, rêvait del'héritage du roi Matthias. La mort de ce vieil-lard, la rivalité entre Sigismond Rdkóczy etValentin Hornonnay troublerent pendant quelquetemps encore ce malheureux pays, qui ne gagnarien a entrer sous la domination de GabrielBáthory, un despote capricieux, que les Saxonsappelaient le tyran", le nouveau Sardanapale,et que son ambition folle faisait desirer unedomination s'étendant jusqu'au Danube et ayantSibiiu, dépouillee de ses privileges, pour capitale,

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Radu fit des efforts pour s'entendre avec sonnouveau voisin. 11 demandait une place de refuge,-en 1610, contre payement. 11 envoya meme 3.000hommes au secours de son voisin, qui craignaitune attaque des Impériaux. La recompense suivitbient6t: Gabriel fit une invasion en Valachie Ala fin de cette même année; il chassa Radu etemmena sa mere en captivité. La reponse fut laseconde expedition en Transylvanie de ce guer-rier énergique, qui parvint A vaincre complete-ment les troupes de son ennemi, A la placemême ou Moise avait peri huit ans auparavant.Gabriel n'échappa que grace A la rapidité deson cheval.

Cette fois aussi les Impériaux ne surent pasprofiter de ce coup de fortune. Les troupes deForgdch, chargées de collaborer avec Radu, arri-verent trop lentement ; les Tatars avaient dejaparu pour rétablir l'ancien ordre de choses. Cettefois ni les paysans roumains, ni les Szekler nebougerent: Radu paya de son trône valaque,qu'il ne regagna jamais, le grand service qu'ilavait rendu A l'empereur. II %recut misérablementa Vienne, d'une pension, et sa supreme recom-pense fut d'etre enterre provisoirement dans lacathédrale de Saint-Etienne.

Un autre Radu, successeur de Radu Serban,Radu Mihnea, participa a l'expédition turco-tatarede 1613, qui mit fin aux menaces du jeuneprince, bient6t victime de ses propres soldats.

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On vit, le 15 septembre de cette ann6e, Radu etson voisin de Moldavie, Etienne Tom§a, assisterau service divin dans l'eglise de Saint Nicolasdes Schei, a Brasov , église batie par lesprinces de Valachie , a la tete des fideles ap-partenant aux habitants roumains de cette vine;un moment certainement memorable dans la viede cette communaute roumaine. Un traité avecle nouveau prince transylvain Gabriel Bethlenfut juré, a Turda même, a la place oti Michelavait fini ses jours. Jusqu'en 1629, date de samort, Gabriel Bethlen sut defendre la frontierede la Transylvanie contre toute invasion. En vainGaspar Gratiani, l'aventurier morlaque qui sutgagner le tr6ne de Moldavie en 1619, revaitd'obtenir la Transylvanie pour la réunir a sadomination, peut-etre meme a la Valachie aussi,par une révolte des Saxons; il n'était pas en&at d'accomplir un acte politique de cette im-portance et, apres avoir appele a une aventuremalheureuse les Polonais dans sa principauté, ilfut assassine dans sa fuite par ses propres bolus..

L'heritage de Bethlen devait revenir a un hommed'une capacité peu ordinaire, Georges Rákóczy,qui sut continuer la politique de son prédéces-seur et abaisser d'un degre, dans leur amitiéavec un voisin plus puissant, les princes de Va-lachie et de Moldavie.

A l'exception d'un seul moment, ou un autreprince moldave, le riche Basile Lupu, qui ambi-.

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lionnait de gagner aussi la principaute valaquevoisine, risqua des tentatives du cote de la Tran-sylvanie, la tradition de Michel-le-Brave avaitvecu. II ne resta que des elements secondairesd'une grande conception, elements qui pouvaient',etre employes meme sans combats A un momentfavorable. C'est pourquoi on peut fixer comme'terme dernier de la grande influence militairedes Roumains libres au-dela des Carpathes cettedate de l'établissement de Beth len: 1613.

Les Roumains de Transylvanie étaient réduitsde nouveau A concentrer leur vie nationale dansle développement de leur glise, a chercher dansrattitude de leurs eveques les seuls elements deforce et de fierté qu'ils pouvaient meter A leurshumiliations quotidiennes et a leur insignifiancepolitique.

Le Metropolite Jean disparait apres la mortde Michel. Son successeur fut, des l'année 1605,Thioctiste, sur lequel on n'a pas d'autres ren-seignements que sa presence sur la liste deschefs de l'Eglise de Transylvanie. L'evêque dontil est fait mention dans le récit d'un anonyme,qui raconte ses exploits pendant le siege deSatu-Mare, oü ii combattait en soldat, une arbalete

la main, comme partisan de Basta et des Im-periaux, et qui fut tue pendant ce siege, ne paraftpas etre ce Thdoctiste, qui n'avait rien a voirdans ces querelles, mals bien le Polonais Valérien

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Lubienecki, auquel Basta attribua pour quelquetemps le couvent bâti A Alba-Julia par Michel-le-Brave. Cependant, le 23 septembre 1605,Bocskai, prince de Transylvanie, confirmait comme-éveque Spiridion, en mentionnant toutefois dansson diplOme qu'il peut y avoir d'autres evtquesroumains, dont il n'entend pas léser les droits.Cependant cet évtque ayant des tendances cal-vinistes obtenait l'autorité supreme sur toutesles eglises roumaines se trouvant dans les comtes.

et regions de ce pays de Transylvanie et dansles parties du royaume de Hongrie soumises ala Transylvanie".

La raison pour laquelle Theoctiste vegetait loinde la protection officielle dans les contrées me-ridionales de la province, alors que le Nord,avec la dignité de 5suprtme surintendant etéveque", était soumis a Spiridion, doit ttre cher-chée dans les relations de la Transylvanie avec-les deux principautés. Radu Serban, prince deValachie, était considéré comme un ami des Im-périaux ; ses troupes, commandées par GeorgesRat, avaient cherché meme a empecher l'etablis-sement de Bocskai, et on attendait une invasiondes Valaques; au contraire, Jérémie Movila, prince-de Moldavie, itait reste l'allie de Bocskai, et sonfrere Simeon fut charge de passer les montagnesavec des troupes destinées a appuyer ce nouveautrOne de la Transylvanie et cle la Hongrie. Si

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Radu dut signer, le 5 aollt 1605, un traité avecBocskai, ce traité ne signifiait que la renonciationa une politique ennemie jusqu'alors. L'éveché deVad dut done son relevement a cette nouvelleinfluence moldave. L'autorité de Spiridion s'étenditmême sur le Maramoureche voisin, OfJ Serge, leprotege de Michel-le-Brave, qui avait été con-traint de se rendre a Kiev en 1603, pour saconsecration, une nouvelle consecration proba-blement , dut abandonner son Siege. SigismondRäkOczy, le nouveau prince de Transylvanie (desle mois de janvier 1607), cédait aux instancesde Simeon Movili, successeur de son frere, et-confirmait Spiridion (23 juin). Cependant le con-current vaincu de Ralóczy, Valentin Homonnay,renouvela, de son dile, sous la meme pressionmoldave, les pouvoirs de Serge, le 9 mars de1a meme armee, en lui promettant de l'installera nouveau dans l'ancien monastere de Peri.Apres la (Waite definitive de Homonnay et lamort de Simeon, Serge disparut pour revenirdans son couvent valaque de Tismana, gull avaitquitte A l'époque de Michel-leBrave.

Gabriel Báthory, successeur de Sigismond Rd-kóczy, confirmait, des le 29 avril 1608, les droitsde Spiridion, auquel il attribua le Maramourecheaussi. Nous avons, de la part de ces éveques,des actes dans lesquels ils portent le titre seulde Transylvanie et d'autres dans lesquels ils

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ajoutent ceux de Maramoureche et de toutesles autres regions de la Hongrie".

En échange, Theoctiste aussi fut reconnu parle prince, et, lorsque, au mois de juin 1609, unprivilege general d'exemption fut accorde auxpretres roumains, l'eveque dont il est question,etait sans doute celui-ci, et non celui de Vad.

L'importance de l'eveque de Mba-Julia rests,grace a des circonstances politiques, de beaucoupinferieure a celle de l'éveche du Nord, soutenupar l'amitie influente des Moldaves.

Sous Gabriel Beth len, un calviniste militant, leSiege de Vad est occupe, entre 1613 et 1615,par un &Nue Augustin, qui se retire cependantbientOt en Moldavie. Son successeur hit, le 21février 1615, le predieateur de Alba-Julia, Theo-phile, originaire du couvent de Prislop, dontl'autorite s'etendait aussi sur le comté de Bihor,a l'Ouest de la province, ainsi que sur le districtde Bistrita et sur cette partie du pays de Szeklerqui etait dominée par la forteresse de Gurghiu.Spiridion conservait des droits seulement dans leMaramoureche, ott il est mentionne dans unelettre du prince, le 7 mai 1619, concernant tinvoyage qu'il entreprit en Moldavie. II y avaitdone trois eveques : l'un dans la Capitale de la

1 Les actes concernant ces nominations se trouventdans le travail de Bumf, Vechile Eptscopii, dans Mihilyi,p. 394, note, et dans nos Documentele Bistri(ei, tome IL

(= Hurmuzaki, XV).

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province, qui est qualifid, dans les comptes dela ville de Bragov, comme second évéque", unautre a Vad et un troisitme dans cette provincedu Maramoureche, oh l'influence catholique, sou-tenue par les Homonnay, commençait a gagnercependant du terrain. Nous pourrions dire mdmequ'un quatrieme évdque fut ajouté aux autres,dans cette anarchie ddterminée par le mdpris duprince calviniste pour l'8glise de ses sujets rou-mains et par l'état de faiblesse relative oh setrouvait a cette époque la Valachie, incapable demaintenir l'héritage de Michel-le-Brave, sous cerapport aussi. En effet, un Grec, jérernie, dvequede Pelagonie et de Prilep, qui avait cherchd unrefuge aupres de Michel et était entré en Tran-sylvanie avec le prince Radu" (erban ou Mih-uea), avait obtenu, si le diplôme qu'il presentaiten Russie était authentique , le 21 aoht 1620,le droit de catechiser dans les corntés d'Aba-Ujvár, de Sáros, de Zemplen et mérne dans celuidu Maramoureche.

Le 1-er juin 1623, Bethlen confirmait des lettresde son frere, gouverneur de Transylvanie et sei-gneur dans les contrées de Inidoara et du Ma-ramoureche, par lesquelles un certain Euthyme,successeur, par consquent, d'Augustin et deThdophile, etait nommé évtque dans ces regions,aussi bien que du côté de Satu-Mare. Le 1-erjanvier 1625 il y avait a Alba-Julia, dans le Siegedes Métropolites, un DosithCe, qui portait le titre

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d'éveque roumain du pays de Transylvanie. IIfut nomme probablement sous l'influence desprinces contemporains de la Moldavie, EtienneTorma ou Radu Mihnea, ayant éte sous le pre-mier une sorte d'inspecteur des monasteres dansla principauté, vers 1615 t II s'agit donc d'unéveque venu de Moldavie, ayant des relationsavec l'hiérarchie religieuse de cette province etcontinuant, apres Euthyrne, la tradition du Siegede Vad, dans le Nord de la province. Et cependantil reside dans la Capitale du pays, A Alba-Julia,

n'y avait donc pas d'autre évtque. L'unitéreligieuse des Roumains de. Transylvanie eaitpar consequent rétablie sous le regne de Bethlenet sous une influence qu'on arrive facilementdecouvrir. Radu Mihnea nYstait pas, en diet,seulement le prince de la Moldavie, mais, par lapresence sur le Siege de Bucarest de son filsAlexandre, il était devenu le vrai maitre des deuxprincipautés. Sous un pareil regime, s'étendantsur tout le territoire roumain au-delA des Car-pathes, ii ne pouvait plus y avoir l'ancienneHyalite entre ?influence moldave et valaque ence qui concerne le regime politique des Roumainsde Transylvanie. Prince roumain clans la gene-ratite du terme, Radu Mihnea, qui, par son amour

Les dates concernant cet evéque se trouvent dans la.collection de Dobrescu, Fragmente, dans les documentsHurmuzaki, vol. XV, et dans Hasdeu, Arhiva War-kit!,p. 93.

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de l'Eglise, mérita d'etre intitulé par les moines :Le Grand, obtint du voisin transylvain, aveclequel il vivait dans les meilleurs termes, dereconstituer dans la personne de Dosithee cetteEglise m,tropolitaine unique que l'anarchie poli-tique de la Transylvanie avait déchiree pendantles premieres années apres la mort de Michel-le-Brave ; Bethlen, de son age, avait intéret a neconnaitre qu'une seule Eglise roumaine, qu'il seproposait de reformer dans le sens calviniste deses propres convictions. Le 10 novembre 1625Dosithee porte, en effet, le titre de Métropoliteou archeveque de Balgrad et de tout le paysde Transylvanie et de Hongrie" (ce qui signifietoujours les comtés extérieurs).

Le Banat seul restait de côté. Pendant lesguerres portées par Sigismond Báthory contreles Turcs dans ces parages, on rencontre unéveque orthodoxe roumain ou serbe, Theodore.Nous avons cite aussi précédemment son suc-cesseur Sabbas, quttienne Bocskai transfera deInau a Lipova en 1605 et qui fut reconnu aussipar Sigismond Rakóczy, le 28 juin 1607, apresl'expedition de ce prince dans le Banat, commeéveque de certaines églises des Serbes et desRoumains en Transylvanie", tout en lui attribuantquatre bienfonds dans cette contree, pour sonentretien. En 1604, Basta avait essayé de sou-mettre le Banat a une autorité catholique, cellede l'eveque latin de Cianad.

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Cet éveque du Banat devait appartenir a uneseule famille, une vraie dynastie d'eveques. ApresSabbas on trouve A In Au un Serge (si toutefoisSerge n'est pas Sabbas lui-meme). Plus tard,Longin, neveu de Serge, qui avait ete moinedans le couvent de Beocin et avait fait un voyageen Russie, prit sa place. Longin préparait sonsuccesseur parmi les membres de cette farnille.H avait un frere, Jean, dont le fils sera le fameuxMetropolite de Transylvanie Sabbas. Quant ALongin, qui declarait avoir été consacre par lepatriarche de Constantinople, qui était alorsCyril le Loukaris, il passa en Valachie des l'annee1629 et allait y finir ses jours dans le cloitre deComana. D'ailleurs cet éveché n'appartient pas ala tradition religieuse roumaine, bien que sesdroits et son autorité s'étendissent sur une partieassez importante de la nation.

Des l'année 1627, Dosithée, le Métropolite deAlba-Julia, apparait comme un propagandiste dela concession du prince, car il rassemble un synodedestine A recommander, outre l'éducation chré-tienne des fideles, l'emploi des anciens livresroumains de l'époque de Coresi. C'est le dernieracte imanant de cet éveque.

Si on rencontre, le 4 mai 1631, dans le dis-trict de Bistrita, un autre éveque en relationsetroites avec la Moldavie, Benoit, nous croyonsqu'il ne faut voir dans ce prelat que le supérieurdu couvent de Peri, car la succession de Dosi-

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thde est attribuée par le prince de Transylvanie-un noble roumain des regions occidentales du

pays, Gennadius, originaire de Brad, qui signaitaussi de son nom laIque Georges, selon la cou-tume de ces dveques surintendants. II paraftn'avoir jamais reside dans un monastere moldaveet n'avoir été nullement influence par la civili-sation roumaine des deux principautds. Cependantil se rendit au mois de juin 1628 en Valachiepour y recevoir sa consecration. De retour, iiportait le titre d'archeveque et réunissait dans ce-titre tceux des anciens evechds d'Alba-Julia etde Vad, ainsi que la mention des territoires deOrade et de Satu-Mare, en affirmant son caracterede metropolite pour toute la Transylvanie". Sile Maramoureche ne lui obéissait pas, &antsoumis a des éveques russes, Pétronius (1623),Jean Grigorovitch (th27) et Basile Tarasovitch(1633-1642), dont le dernier fut consacré a Jassy,Gennadius délégua ses droits dans sa region.du Maramoureche au protopope de Inidoara,lani§, qui y résidait (a ViOul-de-sus), en qualitede vicaire, de representant de l'evlique", et s'in-titulait même: archeveque.

Le moment &nit done venu pour le prince deTransylvanie d'essayer la reunion a l'tglise cal-viniste de cette Eglise roumaine unifiée. GabrielBeth len crut devoir s'adresser dans ce but, pouréviter toute opposition, au patriarche Cyril leLoukaris, lui faisant remarquer que ce change-

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ment ne produirait aucun mecontentement ducOte des Tures et qu'il valait mieux pour lesRournains échanger leur ignorance de confessiongrecque contre la loi réformee, qui devait leurprofiter sous le rapport de la civilisation. CommeCyril le etait en relations &mites avec les Puis-sances talvinistes de l'Europe centrale et occi-dentate, le prince de Transylvanie n'oubliait pasde relever le contenternent qu'un pareil acte nepouvait manquer de produire en Suede, a laCour de l'Electeur de Brandenbourg et dansd'autres regions de l'Allemagne.

La reponse du patriarche a une importanceparticuliere. Elle commence par affirmer qu'unernauvaise religion n'est pas une religion, que lebien-etre sur terre ne doit pas etre acheté parla perte de Fame ; le devoir du patriarche, memes'il ne peul empecher la violence, est de ne pasapprouver ce qui est contraire aux bases de lareligion qu'il professe et ce qui y conduit ouver-tement ou d'une maniere voilée. II nous estimpossible d'aider de nos mains A cette deser-tion, car ce serait de notre part une peche tel-lement grand que toutes les tortures de la terrene pourraient le laver." Et il relevait l'oppositionque devait rencontrer une pareille tentative dela part des princes rournains, intéresses a entre-tenir des liens religieux avec leurs congeneresde Transylvanie. Pour que ce changement puisses'accomplir tranquillement, il fauclrait avant tout

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détruire les liens de sang et d'amour qui, bienque secretement, relient cependant de la manierela plus stricte les Roumains de Transylvanie auxhabitants de la Valachie et de la Moldavie. Unchangement religieux chez les premiers ne seraitjamais accepté par les chefs des deux princi-pautés voisines, et il est certain, au "c ontraire,qu'il chercheront a l'empêcher, sinon les armesA la main, du moins par des incitations occultes la.

Ce Patriarche, qui avait résidi pendant quelquetemps a TArgovi0e, Capitate de la Valachie,connaissait parfaitement les circonstances desprincipautés. On ne pouvait mieux exprimerl'importance des attaches qui réunissaient lesdifférents éléments de la race roumaine.

A côté de cette Eglise qui, pour le moment,avait fthapk au danger d'etre éloignée, parforce ou par persuasion, de ses traditions, il yavait encore un certain nombre d'éléments quireprdsentaient et soutenaient la vie des Roumainsde Transylvanie. .

Le Banat restait un territoire militaire, ofi onrencontrait des chefs qui jouaient le role de

i Sed ad id feliciter pacateque assequendum rumpideberet ante oranla sanguinis affectuumque nexus, quiinter Valachos ditionis transilvanicae ac incolas terrarumValachiae Moldaviaeque, clancularius quanquam, at artis-simus viget. In id sane principes vicini dfctarum terrarumnunquam concedent obicesque, si non armis, saItemoccultis suggestionibus, certo certius ponent.`

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condottieres dans les affaires de la principautévalaque voisine. En 1604, Etienne, fils du princePierre Cercel et neveu du grand Michel, réfugle

Timisoara, engageait a son service Jean lePribeg, de Lugoj, qu'il intitulait son ami", luipromettant, sii arriverait a lui gagner la Cou-ronne, des esclaves tziganes et autres recom-penses. Et le meme Etienne écrivait dans leméme but a Luc Rat, auquel ii promettait desdignités en Valachie, a l'aga Elie, au burgraveElie et a un autre personnage, egalement origi-naire de Lugoj, offrant des soldes importantesaux haIdouks qui consentiraient a le servir. Dansla correspondance de Basta il est fait mentionencore des families Floca, Macicas, Gaman,lojica, Bobora, etc.

Du côté de Figaras, les anciennes Maisonsde bolars étaient en general dechues. Cependanten 1604, alors qu'un Allemand etait capitainede la forteresse, le provisor" en était André leRoumain. Certains de ces boYars étaient chargesparfois de missions en Valachie, et un EtienneBoer fut secrétaire du prince Constantin Movilien Moldavie. A un moment oil la veuve deBeth len et les families RálcOczy, Apaffy, celles,par consequent, 4ui s'étaient succédées sur letrône de la principauté, avaient aussi la posses-sion de Filgaras, un grand nombre de terrespasserent entre les mains d'étrangers, et des.

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serfs remplacerent les paysans libres, ce quichangea completement le caractere du pays.

Enfin, du côte de Hateg et de Inidoara onTencontre encore des descendants des anciensnobles ayant meme des possessions en Valachie,tel ce Miclaus de Raul-lui-Barbat, ou, avec sonlitre nobiliaire, Borbátvizi Miclaus, ou hien Ma-thieu de Hateg.

Si on trouvait encore en Transylvanie les des-cendants des anciens voevodes, par leur mereJou leur grand-mere, rnariees a des nobles hon-grois, telles les families Balintit, Rácz, Keseril(lean Keserif était le fils de la princesse Zam-fira), de nouveaux bannis venus d'outre-montscontribuerent a accroitre le caractere roumain dela province voisine. II faut signaler un des mem-breS de la famille Movilfi, Jean, qui passa deJongues annees au milieu des nobles de la pro-vince et que Beth len recommandait aux Saxonscomme nun jeune prince &ranger". GabrielMovilfi, frere de Jean, quitta la principauté pours'établir en Transylvanie, oit il epousa une Magyare,Elisabeth Zolyomi, la veuve de Michel Imreffyde Miercurea, mort en 1611. La famille habitaitdans le chateau de Diószegh. Gabriel était resteRoumain aussi en ce qui concerne la religion,et on en trouve la preuve dans ses relations

' La plupart des actes concernant ces families se trou-vmt dans la Correspondance de Basta, dditee par M.Veress, ainsi que dans nos Studii si documente, XII.

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avec l'eveque de Transylvanie, auquel ii laisaitdes dons I.

L'aga Mathieu, le futur prince de Valachiesous le nom de Mathieu BAsArabA, le SpathaireGorgan, son allie politique, autre mecontent,quitterent leur pays sous le regne du princeLeon, et allerent servir RálcOczy contre les Tures,

Lugoj. Ils s'etablirent ensuite pour quelquetemps A Hateg, oü ils entretenaient des relationsavec le comte David Zolyomi, parent d'Elisabethils ernpruntaient de l'argent A des nobles hon-grois, leur promettant de leur restituer ces som-mes lorsqu'ils auraient recuperi leurs biens enchassant les Grecs qui les occupaient. On lestrouve aussi du côte de Sighisoara. En 1632 ilsobtiennent l'appui d'un capitaine roumain duBanat, nomme Vaida Bunea, et l'expédition destinée

donner au pays un de ses meilleurs princespartit de la vile de Caransebes.

D'ailleurs l'esprit militaire ne se rencontre passeulement parmi les Roumains du Banat. Plusd'une fois les habitants de Bistrita firent appelaux service des Roumains, surtout a ceux de lavallee de la Rodna. A l'époque de Michel-le-Brave, le Conseil de Bistrita avait forme même,en 1599, deux armées de Roumains, dont ladeuxieme avait a sa tete pour capitaine le pretre

' la plupart des actes dans Hurmuzakl, XV. Cf. lesComptes de la ville de Kronstadt que nous avons publiesdans le volume XXI des , Annales de l'Académie Rournaine".

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Thdodore de Sangiorz. Et les comptes de la villementionnent les porteurs d'etendards et les mu-siciens qui accompagnaient ce détachement.

Mais tout cela ne signifie que Nen peu : lenombre des exiles valaques décroissait sanscesse; il ne restait depuis longtemps que desTestes de l'ancienne noblesse roumaine; la prin-cipauté de Transylvanie devenait de plus en plustine monarchie absolue, n'ayant aucun lien avecla vie locale et avec la tradition séparatiste. Pourles Roumains, il n'y avait qu'un refuge et unappui : l'Eglise, qu'ils devaient defendre de toutesleurs forces contre les usurpations de ce calvi-nisme qui n'était pas seulement un danger aupoint de vue confessionel, mais aussi un moyende détruire l'esprit national, réfugié dans cedernier asile des évechés orthodoxes.

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XII.

Les Roumains de Transylvanie a l'epoque desRdköczys; lutte pour la nationalité dans

la forme de la ,,loi roumaine".II est evident que les tentatives des princes

.calvinistes de Transylvanie pour agréger a leur-confession l'Eglise des Roumains ont un caracteremettement national. Les arguments que l'on a-deja presentes en ce qui concerne l'action de laRéforme a l'égard des Roumains sous le regne-de Jean-Sigismond peuvent ere répetes A cetteplace. S'il avait éte question seulement de re-'dresser les erreurs de. l'ancienne tglise orientate,-de répandre au milieu des Roumains les bienfaits-d'une civilisation religieuse plus authentique etplus utile, jamais les princes de Transylvanieeauralent depense les efforts opiniAtres et n'au-faient commis les actes de violence, allant jusqu'a,1a cruauté et A l'impiete, qui signalerent leuraction A cet égard au cours des trois derniers'quarts du XVII-e siecle.

L'eveque Gennadius resta orthodoxe jusqu'aubout. On le voit envoyer A Moscou, en 1628,

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pour obtenir des secours en argent, trois moines-du couvent de la Trinité de Prislop, ayant soin,bien entendu, de demander des lettres de re-commandation de la part du prince Beth len. Les.relations avec le Siege de Targoviste etaientsoigneusement entretenues, et le Metropolite deTransylvanie demandait a son collegue de Valachiece qui etait nécessaire pour fonder une typogra-phie. Le pretre Dobre lui fut envoyé dans cebut. On cornmencait, des 1640, le travail d'imCommentaire des Evangiles, qui n'était proba-blernent que celui de l'époque du premier Gen-nadius, travail qui fut terminé en 1641. En memetemps, le metropolite de Transylvanie faisaitimprimer spacialement pour sa province unepartie des exemplaires de la Pravila", du codereligieux publid a Targoviste.

Mais, d'un autre Cote, dans le camp calviniste,on travaillait énergiquement a gagner les Rou-mains. Un nomme 2tienne de FagAras avait traduit-dans leur langue des chants tires des psaumeset tin catdchisme, d'apres celui d'Alstedius, pourl'école des Roumains de Lugoj et de Caransebesemployant l'orthographe magyare. Le chef ecclé-siastique des calvinistes, Etienne Geley, voulaitencore plus : a un moment ou Gennadius étaitgravement malade, ce zélé propagandiste, quidésirait établir une école roumaine A Alba-Julia,oii l'on enseignerait aussi le latin et le grec,chargeait le pretre Dobre d'imprimer clandesti-

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nement, dans un village voisin, un catechistnecalvin, qui devait etre répandu partout. Les cal-vinistes pouvaient d'autant plus facilement selivrer a leur tentative, que la querelle qui avaiteclaté entre les princes roumains, Mathieu deValachie et Basile (Lupu) de Moldavie, devaitdurer pendant des annees entieres, ce qui lesfaisait dépendre totalement de l'appui de Rákóczy.Cette malheureuse discorde laissait l'Eglise ettoute la situation des Roumains d'outre-montsentre les mains du prince de Transylvanie.

Le 3 septembre 1640, Gennadius mourait, justeau moment oft la lutte devait s'ouvrir. Certainspensaient faire dike comme son successeur leprotopope de Hateg, d'autres, un moine de Alba-Julia, Etienne.

Le candidat de Geley était un des typographesdu prince Mathieu, qui avait passé en Transyl-vanie pour y exercer son métier. Cependantl'héritage de Gennadius échut a Oreste, Tran-sylvain de naissance, auquel on restitua a cetteoccasion son ancien nom laique d'Elie, selon lacoutume des Réformés. II avait vécu dans lemonastere de Putna, en Moldavie, ou il avaitfait son education religieuse, y avait appris leslavon et s'etait pénétré du mouvement littéraireroumain qui avait été commence par le metro-polite Barlaam de Moldavie. Si Oreste put etreélu, il le dut principalement a la situation pre-ponderante qu'avait a ce moment, a regard de

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la Transylvanie, la principauté moldave. Cepen,dant la consecration eut lieu a Targovi§te,le nouveau Métropolite revenait, le 9 novembre,.avec une suite de dix hommes.

Oreste avait fait, au commencement de son .administration, une profession de foi calviniste,.et il devait témoigner par ses actions qu'il étaitdispose a remplir fidelement les engagements quien decoulaient pour son action comme éveque-surintendant. II promit certainement, ces con-.ditions avaient été fixées pour le cas de l'election.de son concurrent Mélétius -, de fonder une écolepour les Roumains, ayant comme langues d'en-seignement le roumain, le latin et le hongrois,.ainsi qu'une imprimerie, de faire précher l'Evan-gile en roumain a ses paysans, et aux paysansseuls , de leur faire entendre une prédicatiomtrois fois par semaine, de faire imprimer et dis-tribuer les psaumes calvinistes rédigés dans leBanat, ainsi que des prieres, telles que les em-ployaient les Réformés, d'introduire le catechismede leur confession. 11 fallait hien se soumettre

ces exigences de l'8glise magyare, qui étaitseule en état de lui assurer ses communications.avec les fideles et le payement plus ou moinarégulier des contributions qui lvi étaient dues.par ses subordonnés. Et cela était d'autant plus.IifficiIe qu'Oreste venait d'un pays comme la

Moldavie, oü, sous le regne de Basile avait-commence, a poindre l'aurore d'une nouvelle

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re de civilisation roumaine par l'emploi de lalangue nationale dans le service divin.

D'un autre côte, et c'est ce qui constituait3e caractere tragique de la situation de tout.eveque roumain a cette époque , celui qui dtaitlin bon calviniste pour l'officialit6, dispos6 aapporter tout espece de services a la religion duprince et, par consdquent, au prince lui-meme,-dont il d6pendait sous tant de rapports, devaitse montrer devant ses fideles sous le caractere<les anciens dveques strictement orthodoxes: on211 e lui aurait guere permis d'exiger, sinon l'dloi-gnement du slavon dans le rituel, du moins celui<les images saintes et l'abandon de ces formesItraditionnelles sans lesquelles le peuple des cam-pagnes ne pouvait s'imaginer une vraie religion-chrétienne, selon l'usage sacré de ses ancetres.

Oreste continua a entretenir des relations avec4a Moldavie, d'ob il était venu et oii il avait-conservé des relations précieuses. II donna rhos-pitalité a ces moines roumains des principautésqui traversaient la Transylvanie, recueillant desaumônes et dont l'anatheme était redouté memepar les nobles magyars, et il négligeait &ran-gement de procéder enfin a ces établissements.<le civilisation religieuse qui devaient servir auxprojets du calvinisme au milieu de sa nationroumaine: il ne publia qu'un Evangéliaire corn-menté, qui n'avait aucun caractere confessionnel l

g Voir les renvois aux pages 242 et 243 du livre roumain.

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Si le prince tardait a punir ce recalcitrant, quiavait oublid son serment, il y avait le surinten-dant calvin, le fanatique prédicateur Csulay, auteurdu catdchisme employé dans les principautds pourles Magyars, qui dtait decide a se venger d'avoirdtd trompé par le moine valaque. II fit formuler,par les protopopes de ces regions du Hateg, duFfigaras et du Banat, ou la Rdforme avait desracines profondes, des accusations infamantescontre Oreste, qui aurait donne des preuves d'uneimmoralitd flagrante. On mentionnait dans cetteplainte: son amour pour le yin, pour les fenunes,pour les fetes, auxquelles il conviait de jeunestlercs, et, des que cet acte se trouva entre lesmains du surveillant de Itglise reform& rou-maine, un synode fut convoqué, au commence-ment de l'année 1643. La procedure fut sommaire,bien entendu. Apres quelques mots d'explication,Oreste fut depose, et, comme ce n'dtait pas l'at-tribution du clergd de lui inhiger la punitionqu'il mdritait pour sa vie corrompue, il fut livréaux autorités séculieres pour etre frappé deverges et enfermi dans une prison.

Le moment dune intervention de la part desprinces roumains voisins était venu, et on nepeut pas dire que la contrainte imposde auclergé roumain de Transylvanie pour se ralliera la confession de la nation dominante n'ettt passuscité un grand mouvement d'indignation et derdvolte, en Moldavie aussi bien qu'en Valachie.Le synode d'éveques moldaves et russes con-

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vogue par le grand Métropolite Barlaam A Jassy,.en 1641, avait lance les foudres de l'orthodoxiecontre la propagande des Reformés, et, dans lapreface d'un livre publie a Govora, dans la prin-cipauté valaque, rannée suivante, il est questionde ceux qui trompent la confiance des nails et-qui inculquent dans leur faible raison des ele-ments religieux venus de source etrangere i.

ll n'était pas question, bien entendu, de lapersonne d'Oreste lui-meme, dont on connais-sait bien la situation difficile et auquel on étaitsans doute dispose a pardonner bien des actes de-faiblesse envers le monde officiel; mais le mou-vement de resistance de la part de l'orthodoxie.roumaine existait néanrnoins, dans une princi-pauté comme dans l'autre. II aurait pu y avoirmettle une intervention, si les relations entre laTransylvanie et les deux princes avaient 616plus amicales, car il ne pouvait etre questiond'une intervention violente par les armes. C'est-l'époque ou Basile écrivait au Grand-Vizir, dans-une lettre d'informations, ce qui suit: II estfacile de pénétrer en Transylvanie, car je con-nais les voies par lesquelles la province peut-etre attaquée et, a savoir, celles qui menent parla Moldavie et la Valachie; d'un c6té, le Paellade Timipara, d'un autre côté les Tures, les_

1 Cf. Bunea, Vechile Episeopil et notre Istoria Idleralarii rellgioase, chapitres respectifs.

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'Tatars, les Moldaves et les Valaques pourraientsentrer; il faut ajouter aussi qu'en Transylvanieplus d'un tiers des habitants appartiennent A larace roumaine et qu'en leur promettant la liberté,je peux les exciter immddiatement contre lesHongrois. De cette facon, les maitres de la pro-vince, ayant la guerre A l'intérieur et A l'extdrieur,ne sauront plus de quel côté se tourner" (versle mois de décembre 1642)1.

Les Impdriaux aussi tacherent en 1644 desusciter une rdvolte des Roumains de Transyl-vanie, auxquels ils comptaient envoyer Michel,-fils de PAtrwu et petit.fils du grand prince dece nom. Le 28 novembre, le Palatin de Hongrieitait averti que Michel luimeme avait demandédes lettres patentes", par lesquelles il avaitl'intention de séparer ses Roumains de la causede Rakóczy. Lorsque le Sultan ordonna aux deuxprinces de secourir son vassal transylvain, ils lefirent de mauvaise grace. Comme Mathieu etBasile s'étaient réconciliés, devenant des freres"l'un envers l'autre, le concours du prince de

' De Transylvania facile ets negotium : vies ego quibusaggredienda est ex Moldavia et Transalpina novi optime :inde Passa temesvariensis, hinc Odomani, Scythae, Mol-davi, Transalpini.Accedit quod in Tranylva ia plus quamtertia est pars Valachorum, quibus promissa libertate,eos contra Hungaros sine mora incitabo, ac sic domiJorisque bellum habebunt, nec quo se vertere debeant,scient' ; Hurmuzaki, IV', p. 669.

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Transylvanie n'était plus necessaire a chacurrd'eux, une situation qui dura jusqu'en 1647

L'administration transylvaine put done punirOreste de sa defection : ii fut frappe de verges etenferrne en prison pendant neuf mois, et ses biensfurent confisques. On ne négligea rien de ce que-l'on pouvait accomplir contre le chef sans defensed'une religion persecutee, dont les fideles n'étaientpas en eat de défendre leur chef et dont lesprotecteurs a l'étranger se trouvaient dans unesituation dilficile. Apres avoir purge sa peine, itpassa en Moldavie, dont le clerge, qui se trouvaitdans une époque de grand développement cul-tural et moral, prit, sous la direction du Metro-.polite Barlaam lui-meme la defense de cetLe 2 juin 1645 on le recommandait dans destermes chaleureux au Tzar, qu'il avaitde visiter pour lui demander des secours euargent. Cette lettre est une nouvelle preuve dela stricte solidarité qui réunissait tous les dm-ments de la race roumaine a ce moment.

Mais, en Transylvanie, Rálthczy continuait, sous.la direction de son surintendant, la meme poli-tique envers roumaine. Ayant fini avec.Oreste, ii confirma l'élection du moine Etienne,.un ancien concurrent A la dignité de métropo-lite, et ce nouveau chef des Roumains reformés

' Voir notre preface au volume IV des Studli ftdoeumente et l'Hi.stoire des Roumains, VI.

'.

exile.

rintention.

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ou devant etre réformes commenca son adminis-tration sous le double nom, selon l'usage cal-viniste, d'Etienne et de Simeon (ce dernier &antson nom monacal).

II n'etait cependant pas eveque orthodoxe deTransylvanie, même au prix des conces-sions faites a la religion dominante, mais seu-lement le vicaire du surintendant calviniste pourles villages roumains et l'exécuteur de ses pre-scriptions. On s'en rend compte parfaitementpar le diplome de nomination, qui porte la date,clu 10 octobre 1643 : il n'aura qu'autant de-droits et d'autorite que lui en permettra le sei-gneur évtque orthodoxe magyar", dont il sera levlädica (ancien titre des éveques roumains, qu'on,employait cette fois dans un sens diminutif etpéjoratif); ii introduira le roumain dans la pré-{lication et le catéchisme, dans les prieres dubapteme et de la communion ; les saints dis-paraitront devant le seul digne d'être adore, qui.est le Seigneur ; les images saintes ne serontqu'un ornement dans les églises, de meme queles croix ; les anciennes ceremonies usitees auxenterrements seront completement supprimées,comme des superstitions ancestrales". On pro-cédera selon l'usage des réformés a la are-irionie du mariage et a l'acte de la separationrnatrimoniale ; chaque année y aura un synoderoumain, dont les decisions pourront etre revuespar l'eveque magyar, qui disposera aussi, comme

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instance supdrieure, en ce qui concerne la no-mination et la destitution des protopopes etjugera en dernier ressort dans tous les procesecclésiastiques des Roumains. Le reste des conditions imposées a bienne se rapportent a sesrevenus et aux dons qu'il doit offrir au prince.On peut ajouter encore, pour mieux faire saisirle caractere inférieur de cette pauvre Eglise d'uncaractere provisoire, que l'eveque n'aura pas ledroit de se meter des affaires religieuses dela population magyare que lorsqu'une demandeformelle lui sera adressée clans le cas d'un ma-riage mixte, mais, au contraire, si des pretresou des paysans roumains manifesteront le deskde passer au calvinisme, cet éveque ne fera rienpour les en empecher et devra mettle leur con-server la meme affection paternelle que pré-cddemment

Du reste l'unite meme hiérarchique de toutela Transylvanie dtait ddchirée a cette occasion._Simeon Etienne ne pouvait exercer ses droits-que sur une partie de l'ancien diocese, dont onsépara le district de Flgarm le pays des Szekler,le Maramoureche et ensuite les regions de-Satu-Mare et de Orade, les districts habités pardes nobles roumains de l'Ouest de la Transyl-vanie et certaines localitds qui, ayant passé enentier tout recemment au calvinisme, devaient

Ce privilege a de publid par Cipariu, Arc hivu, p. 629..'

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etre particulierement exceptées dans l'acte denomination.

Pour ces districts il fallut organiser les ancien-nes circonscriptions des protopopes A la maniere-calviniste. C'dtait d'autant plus facile que des1560 les Roumains du côté de Debreczen et deOrade assistaient aux synodes des réformés etse soumettaient A des pretres qui avaient adoptdla confession calviniste. On rencontre meme,-dans les montagnes du Bihor, un certain Abraham,-du village de Burdanfalva, qui s'intitule évequeet qui dêpendait, ainsi qu'on le voit par lediplame de sa nomination, d'un representant du-surintendant calviniste. Du reste, le meme diplOme le menacait de la destitution, s'il s'avise-rait d'agir contrairement aux instructions de ce-dernier. En 1647, six ans plus lard, un simpleprétre de village, dtabli A Tichindeal, avait sousses ordres dix-huit villages, et enfin le villagede Bistra abritait vers la meme époque un autre-de ces protopopes et dve'ques dont le caracterede chorévéques est fres nettement détertnind parce qu'on sait concernant leur activitd ; il Ione-tionnait meme A c6td du rndtropolite de Tran-sylvanie et d'un éveque moldave pour la consécration d'un autre chef de diocese.

La vie patriarcale du Maramoureche se refleteaussi dans les conditions de son organisationbiérarchique. Si A Munkács un éveque ruthene,

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soumis aux influences heterodoxes des seigneurs4erriens, des maitres au caractere encore féodal(le la province, continuait ses fonctions, ntenantsous son autorite un assez grand nombre deRoumains de cette province, la plus grandepartie de la population roumaine dépendait, dansla premiere moitié du XVIIe siecle, de ces.eveques-liegoumenes vivant dans le grand mo-nastere de Moiseiu, fondation du cloitre moldavede Putna, qui portent, dans les actes officiels, lesimple titre de popes : .le pope Miron (1635-,1637), le pope Dosithée" (1634), le pope Dé-metre" (1637-1639), le pope Sylvestre" (1645-1649). Le caractere patriarcal de ces chefs reli-gieux se montre tres bien par la nature de leursrevenus: s'ils recueillaient dans chaque maisonde paysan un florin par an et un peu plus dansles maisons oit vivaient les descendants des anciensnobles, chaque eglise devait leur donner, outrevingt et un deniers de taxes annuelles, quatre peauxd'agneaux et vingt-deux cierges. Par la simpli-cite même de leur vie, par leur caractere paysan,ils échappaient aux influences de l'eveque deMunkács et des représentants de la Réformecalviniste, comme le vicaire du métropolite, donton a conserve des mandements, et le protopopelocal, qu'on retrouve en 1652.

Dans ces conditions, avec son manque completd'indépendance, avec ses tres faibles revenues,avec l'étenclue rendue désormais mediocre de

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son diocese, Etienne Simdon, qui continuait A

s'intituler métropolite, ne pouvait que difficile-ment remplir la mission qu'il s'ëtait assumée aumoment de sa nomination. 11 ne fut pas en eatde répondre A la brochure de propagande contrele calvinisme que publiait en 1645 le mdtropolitede Moldavie, Barlaam, et, si tin catéchisme rou-main en lettres latines, traduit d'apres celuid'Alstedius, par le pasteur de l'Eglise valaquo-magyare" de Lugoj, Etienne de FAgAra, panten 1648, ce fut seulernent par le fait de laprotection accordde A cette oeuvre par le banlocal, Acatius Barcsai, Roumain d'origine, des-cendant d'un des capitaines de Michel-le-Braveet destine A etre lui-meme prince de Transylvanie.

Ceci ne signifie pas que le métropolite nepensa guere A des publications religieuses. Aucontraire, on lui doit la publication, en 1643, duNouveau Testament, dans une forme littérairetout-A-fait supérieure, qui bonne son titre degloire. II fut imprimé dans l'établissement créépar le prince lui-meme, et non pas dans unetypographie épiscopale.

A ce moment, les représentants itréductiblesde l'orthodoxie dans les pays soumis A l'autorite,de Georges Rákóczy se trouvaient comme fuyardsdans les principautés valaques. La Cour de Ma-thieu Bassarab abritait l'evtque de Irian, Lon-gin, de cette famine de Roumains d'éducationserbe ou de Serbes de langue roumaine qui

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devait donner plus tard le grand metropolitemartyre de la Transylvanie Sabbas Brancovici, etson frere, le pretendant au despotat de Serbie,Georges.

Ami de certains boTars de l'intimité du prince,en particulier du beau-frere de Mathieu, Oreste(Udriste) NAsturel, qui avait fait des etudes enRussie et se piquait d'être un grand connaisseuren fait de slavon litteraire, peintre dont onconserve des images saintes signees cet evequeLongin vivait dans le convent de Comana, ohreposaient les restes, rapportés de Vienne, duvainqueur des princes hongrois de Transylvanie,Radu Serban. La pierre funéraire de l'evequeporte le titre resonnant de: archeveque de luau'.

Sabbas vivait peut-être dans l'entourage de sononcle, bien gull commencait sa carriere ecclé-siastique comme protopope de la meme ville ohLongin avait été éveque et oh ces fonctions.etaient occupées en 1651 par un ancien moinedu monastere de Hodos, datant probablementdu XV-e siecle, peut-etre une fondation desHunyadi, Sophronius, qui fit aussi un voyageA Moscou .

Etienne Siméon continuait ses travaux. UnPsautier parut en 1651, ouvrage d'un ordonne-

I Pour tout ce qui concerne les Brancovici, voir lesdeux ouvrages de M. lovan Radonié, publiés en serbe,sous les auspices de l'Acaddmie de Belgrade et de laMatitza" de Novi Sad.

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ment pratique qui montre bien qu'il etait destineaux écoles (A Figfiras il y en avait une, voisinede l'école magyare reformée, et qui attirait lesenfants des bolars de la province). L'auteur dela revision de ce Psautier est un moine valaque,Sylvestre, qui, ainsi qu'on le voit par un actedu prince RdlcOczy, bien que Roumain, connais-sait le grec et meme le latin". On retrouve lesinitiates qui paraissent designer son nom sur lespages de cette publication.

Mais cela ne suffisait pas pour satisfaire lespretentions du surintendant, dont le but dernierétait, bien entendu, celui de supprimer tout-A-fait,de confondre dans son autorite, cette organisationseparee des Valaques" réformés. Aussi on nese faisait guere scrupule de fonder de nouvellesorganisations episcopates pour les Roumains, audetriment du Siege de Alba-Julia.

Le 15 avril 1650, peut-etre A la suite d'uneintervention de Basile Lupu, redevenu l'ami dese,s voisins de Transylvanie sous le regne dusecond Georges Rdlcdczy, l'éveche moldave duNord transylvain fut rétabli pour un certainSabbas, qui semble etre l'ancien protopope deBistrita. Son sort ne fut pas plus heureux quecelui d'Oreste: accuse de trafiquer sur la con-firmation des pretres, il dut quitter le pays afinde ne pas etre mis en jugement (1651). Sonsuccesseur, portant un sobriquet russe: Le Petit,Michel Moloder, qui fut consacré en Moldavie

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et qu'on considérait de fait comme évdque ru-thene", fut bien reconnu par les Roumains deces regions, mais c'était Un si pauvre here, qu'ilscellait avec du noir de fumée, en se vant d'unsimple thaler imperial, en guise de cachet. Lespretres ajoutaient avec respect cette mention :c'est le sceau de l'eveque Molodet°

La mort du métropolite Etienne Simeon ne.survint qu'apres le 28 janvier 1653, a un mo-ment oü les relations avec la Moldavie étaientdefinitivement mauvaises et ou on préparaiten Transylvanie et en Valachie, l'expédition quidevait remplacer Basile Lupu par un de sesiboIars, Georges Etienne. Si une influence &ran-gere pouvait s'exercer a ce moment, elle nepouvait venir que de Valachie, et elle parait.avoir amend en effet, outre la nomination duneveu de Longin, Sabbas, comme métropolite-de Transylvanie, le rétablissement de l'unité hid-Tarchique roumaine dans la province, a l'exceptiondu seul district de Ffigira. It faut tenir compteencore de ce fait que le grand projet de GeorgesRáltoczy II, qui comptait pouvoir conquérir laPologne et y renouveler les jours d'Etienne Ba--thory, quand un Magyar, un ancien prince deTransylvanie, se trouvait a la tete du royaume,avait besohl du concours permanent et du con-

I Led actea concernant ces dvêques de MaramourecheLent cites dans rouvrage roumain, pp. 252 et 253

déjà,

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cours rnilitaire de ses voisins de Moldavie et deValachie, dont il devait donc satisfaire les pr-tentions.

A la fin de l'année 1656 Rákticzy commençaitl'expédition qui devait lui assurer une couronneroyale. Des soldats moldaves et valaques l'yaccompagnaient, et, au cours du méme moistSabbas apparait comme eveque de la Transyl-vanie entiere. De plus, cet &One n'était plus.soumis 'aux conditions humiliantes qu'avaient deiaccepter ses prdd6cesseurs. 11 est dit seulementque le surintendant magyar a recommandé cemoine pour son erudition dans le domaine desa propre religion". Quant A cette religion, lememe acte l'intitule : religion grecque", ce quisignifie rappeler un rite qui paraissait avoir ét6depuis longtemps oublié. Rien ne pourra res-treindre l'autorité entiere de Sabbas sur tout leclergé de cette confession; il sera libre de suivrela coutume", et A peine ose-t-on ajouter qu'ilfaut tenir compte cependant de la doctrinedivine", c'est-A-dire des preceptes et des intéretsdu calvinisme.

Les qualites personnelles de l'eveque, son or-gueil de descendre d'une grande famille serbe,que ses membres entendaient relier A la dynastiedes Brancovitch au XV-e siecle, ses connais-sances peu ordinaires pour un moine roumainde Transylvanie, ses relations nombreuses, son

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Fig. is. Icelne de l'église de St. Nicolas it Brasov (XVI-e siècle)

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talent de diplomate, l'élasticité d'un esprit qusavait s'accommoder A toutes les circonstancessans rien ader du fond de ses croyances et desea int6rêts devaient accroitre la situation legateobtenue par Sabbas Brancovici a la fin del'annee 1656 et qu'il allait conserver pendantbien trente ans.

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XIII.

Les Roumains de Transylvanie depuis lacatastrophe de la dynastie des Rákóczy

jusqu'à l'union hierarchiqueavec l'Eglise romaine.

L'expedition de Georges Rákóczy II en Polognen'aboutit pas: ses troupes furent encercl6es parles Tatars et tomberent dans leur captivité. Lesdeux princes roumains, auxiliaires du vaincu,furent contraints de quitter leurs pays et enfin,au mois d'amit 1658, une armée turque, renforcéedes contingents fournis par les nouveaux princesroumains du Danube, envahit la Transylvaniepour mettre fin a une domination ambitieuse quireavait pas su mesurer ses buts et ses forcesréelles. Le chatiment de la province depassa enhorreur tout ce que les Turcs accomplirent ail-leurs a l'époque des Keupreulis. Rdlo5czy finitpar succomber, apres une bataille dont il s'é-chappa couvert de blessures. On avait essayé dele remplacer par un fonctionnaire plus commodede la Porte Ottomane, François Rhedey, qui neput se maintenir. Pendant les derniers mois de

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sa resistance acharnee, Rákóczy eut devant lui,comme concurrent soutenu par les Turcs, AcatiusBarcsai, déjà mentionne, premier et dernier princed'origine valaque dans cette Transylvanie habitéepar sa race.

Il paya sa nouvelle situation par la cession,douloureuse pour lui, aussi bien que pour sonpays, des villes de Lugoj et de Caransebm quiresterent, avec leur nombreuse population rou-maine, tres développée sous tous les rapports,sous la domination directe des TUrcs pendantpresqu'un demi-siecle, avec des résultats quiseront exposes plus loin. Cependant une autrediete transylvaine que celle qui le reconnut, de-clarait qe ule vrai prince du pays restait GeorgesMO czy.

Pendant ce combat pour la couronne de Tran-sylvanie, les adversaires dudit Rálcdczy durentfaire des concessions tris importantes a l'élémentrournain, qui avait aussi une importance militaireincontestable A ce moment. Or on ne pouvaitfavoriser cet element qu'en reconnaissant et enetendant meme les droits de ses chefs religieux.Sabbas Brancovici avait servi Rhedey, se rendanten son nom aupres du pacha de Bude. II setrouvait ensuite parmi ceux qui accompagnerentle prince Barcsai A l'occasion du voyage qu'ilentreprit dans le Nord-Est de la Transylvanie.En recompense, Sabbas fut reconnu, le 9 janvier1659, dans sa qualité d'evéque des Roumains de

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la province. On ajouta mettle a son diocese l'an-cien duché de Ffig Aras, soumis jusqu'alorsl'autorité de la veuve du premier George Rákóczy,Suzanne Lorantfly. Les pretres roumains obtin-rent de la part du nouveau prince, dans la memeDiete de Bistrita, un large privilege, qui lesexemptait de tout service féodal, du paiement dela dime sur tous les produits de leurs domaines,ainsi que des taxes de douane et de peage. Ons'explique d'autant plus l'étendue de ces donsfaits aux Roumains que la garde de Barcsaietait composee a ce moment de soldats euvoyespar les princes de Moldavie et de Valachie, quisuivaient le commandement du Sultan. Sous tousles rapports done une situation supérieure del'element roumain s'imposait a cette heure

Et, cependant, si la noblesse roumaine suivitles ordres des Tures et quitta son ancien maitre,abandonne aussi par la plupart des nobles ma-gyars du pays, les paysans et les pretres roumainsde Transylvanie resterent jusqu'au bout autourde Rákóczy, oubliant tout ce qu'ils avaient euendurer de la part de sa dynastie et estimantavant tout la bravoure chevaleresque et les mal-heurs dignes de compassion de ce prince. Sabbasne tarda pas a suivre ce courant. Lorsque Rákóczy

' Voir les sources aux pages 257 et 258 de notreouvrage roumaht. Un expose des circonstances politiquesse trouve dans la preface du volume IV de nos Studii

documente.

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partit de Orade pour passer en Transylvanie, ouii commenca le siege de Sibiiu, place de refugede son rival, tons les Roumains furent de son OM.

Pour la defense du prince légitime, nombrede paysans subirent la torture ou furent empaléspar ses adversaires. On cite parmi les chefs dec es guerrillas de paysans un pretre roumain duvillage de Telegd (en roumain Teleagd) et unautre membre du clerge roumain, Chirilk quicommandait 600 des siens, avec lesquels ii

accomplit des exploits peu ordinaires, attaquantInidoara, oh ii avait fonctionné auparavant, brfilantDeva, coupant les communications de l'ennemi,aisant prisonniers des nobles influents du parti

contraire : ii promettait des diplornes de noblesseceux qui suivraient son drapeau, et il perit en

combattant les Turcs pres de Turda. S'il s'agis-sait d'envoyer un missionaire au Tzar, Ralcdczyrecourait aussi aux services d'un clerc roumain,le moine Gregoire

Au contraire, les nobles roumains se trouvaientdu ceté des Turcs, un des leurs, frere du princeBarcsai, étant devenu possesseur du district deFAgir. Dans Sibiiu même, parmi ceux qui &dentassiégés avec leur prince, on peut citer Pierre Bu-dai, de la contrée de Hateg, et un Pierre Balmocz(Balmo§), qui, venant a mourir, fut conduit a saderniere demeure par l'éveque des pretres rou-

Les renvois A la page 259 de l'ouvrage roumain.

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mains de Transylvanie qui avait &é élu a Sibiiumeme", donc au cours du Siege.

Ce nouvel eve.que ancien predicateur de Alba-Julia, était d'origine russe, ne a Poutivla, localiteconnue par le séjour qu'y faisaient les ambas-sadeurs qui se rendaient a Moscou. Il s'appelaitGennadius et s'intitulait en conservant l'unitéhierarchique retablie au profit de Sabbasar-cheveque de Alba-Julia, du Maramoureche et detoute la Transylvanie", en comptant meme lesdistricts des Saxons.

Ce prélat est connu seulement par l'acte desa nomination, publie dans le volume XV de lacollection Hurmuzaki. Plus tard, apres la défaiteet la mort de RakOczy, le nouvel éveque restaitaux côtés de son prince comme pasteur incon-teste des Roumains de la province. Sabbas ayantete destitue formellement, par un acte du 5février 1660, pour s'être mêlé dans les affairespolitiques du pays et avoir cause du scandale"par sa conduite, son remplacant dut accepterdes conditions d'une strictesse calviniste inouTejusqu'alors, comme chef des protopopes, detolls les pasteurs et d'autres membres du dere'.II était soumis a l'eveque orthodoxe des Hon-grois". II acceptait tout ce qui avait ete imposepar contrainte a son prédécesseur Etienne Simeon ;de plus, il s'engageait a ne juger aucun procesecclésiastique qu'avec le concours des protopo-pes, a ne pas imposer d'amendes, a ne pas

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accroitre abusivement ses revenus, qui devaientservir en premiere ligne a l'entrctien des ecoles.Comme il était le successeur d'un traitre, il nedevait pas abriter les moines vagabonds et autresétrangers et avoir l'oeil sur tout ce qui se pas-sera dans les monasteres soupconnes etre des.repaires de conspirateurs a l'epoque de Michel-le-Brave.

Mais, des le dernier jour de l'annee 1660,Barcsai dut resigner son pouvoir : la noblessemagyare ne voulait decidement pas souffrir l'au-torit6 de ce Valaque, bien qu'il eM rempli lesfonctions les plus élevées dans la principauléapres celles du prince lui-meme, et bien que saconfession réformée, que le zele déployé pourla propagande du calvinisme parmi les Rou-mains, en n'épargnant pas ses propres revenus,paraissaient suffir pour faire oublier sa naissance.Kemeny, le chef de l'armée capturée par lesTatars en 1657, essaya de se saisir du pouvoiren employant ses grandes qualites militaires itsa popularité tres grande. De plus il croyaitpouvoir gagner l'appui des Impériaux, qui nepensaient au fond qu'a faire pénétrer leur gar-nisons dans les places fortes du pays.

Ces guerres commencerent grace au projetde restitution politique qui formait le programmedes grands-vizirs de la famille des Keupreulis,A cause de ces affaires meme de Transylvanie,

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vers 1660. Une premiere guerre mena A la ba-taille de Saint-Gothard, perdue par les Tures etA. la conclusion d'un traité, cependant favorableA leurs intérets, A Vasvár.

Pendant ce temps, des troupes roumaines deMoldavie et de Valachie parurent de nouveaudans la province voisine, produisant les memesphenomenes de solidarité roumaine qui avaientsignalé précédemment les invasions de PierreRares, de ses contemporains de Valachie et desautres princes roumains du X VI-e siècle. On vitd'abord dans les villages roumains de cetteprovince des fuyards princiers et leurs bolarsappartenant A la cause vaincue de Rákóczy.Georges Etienne, prince de Moldavie, avait con-tirme les revenus moldaves de l'église roumainedu faubourg de Brasov; apres sa deposition etsa fuite, il passa quelque temps dans le paysdes Szekler , et on a des lettres de sa femmeSalta, écrites de cette premiere retraite , puis ilalla jusqu'à Sighet, capitate du Maramoureche.II se presenta a Brasov aussi avec son voisinet son ancien ami, le prince de Valachie, Con-stantin Basarab, qui s'était appuyé pendant toutson regne sur Rdkóczy, avant et apres la des-truction, par les forces transylvaines, de ses sol-dats rebelles. A Satu-Mare, pendant les fetes dePftques de l'année 1660, un banquet solennelrdunit deux anciens ennemis: ce Constantin etson successeur, devenu aussi un exile A la suite

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d'une revolte malheureuse contre les Tures,Mihnea III, qui perit le meme jour A la suitede libations auxquelles on a cru que s'était mêlé lepoison de son ami. II ne faut pas oublier desprétendants : Jean Movild, frere du celebre me--tropolite de Kiev, Pierre, réformateur de l'ortho-doxie russe, dont il a été question aussi plushaut (Theodora, veuve de Jean, resta dans cetteprovince), et cet Iliaq qui avait l'intention depénétrer en Moldavie en 1643. L'Eglise roumaineprofitait aussi de la presence de ces holes richeset munificents. Constantin Bisirabi est le nou-veau fondateur du monastere de Munkács, et ilse melait aussi de la recommandation des évequesde cette province, ainsi qu'on le verra par lasuite. Mentionnons également la femme du princeGregoire Ghica, Marie Sturdza, qui, chassée parles Tatars en 1665, passa quelque temps dansles villages roumains du voisinage de Brasov etfut confiée aux soins de Pierre Budai, l'ancienfidele de Barcsai, et ensuite de Constantin Serbanlui-meme, et a ceux du métropolite Sabbas. Pen-dant longtemps la Transylvanie fut, selon unecoutume que ces fuyards se plaisaient a rappeleravec reconnaissance, le lieu de refuge des vaincusdans les incessantes competitions pour le trOnequi déchiraient surtout la Valachie, et ceux cifurent sans doute des propagateurs de la civili-sation roumaine et de l'idée d'une nouvelle or-ganisation politique qui pouvait rendre a leurs

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congéneres les libertés dont ils avaient jouiprecédemment.

Mais ce qui devait plutôt imposer a ces Rou-mains non libres, c'était le passage des arméesmoldaves et valaques, lesquelles traversaient lepays, les princes a leur tete, promettant d'épar-gner les chrétiens, surtout ceux de leur race,pour se rendre aupres de l'armée du Vizir. En1662 et 1663 on vit ainsi en Transylvanie Gre-goire Ghica, prince de Valachie, et EustratiusDahija, prince de Moldavie : le premier unefigure de Grec ruse, bien qu'il ftlt Roumain parsa mere, le second un bon vivant, grand amateurdes vins de sa patrie, &ant originaire d'un regionde production renommée. Ni l'un, ni l'autre n'avai-ent plus les anciennes, ambitions conquerantesd'un Etienne-le-Grand et d'un Michel-le-Brave,les deux pays libres n'ayant plus la belle armeede jadis; ils suivaient les ordres des Turcs,mais comme seuls maitres de leurs troupes.On leur ouvrait les portes des villes saxonnes,qui tremblaient pour l'avoir de leurs bourgeois,et la population roumaine, de situation inferieure,lésée dans ses interits et méprisee sans cessepar ces maitres, devait contempler avec un plaisirsecret l'empressement du bourgmestre et de sesconseillers a faire tons les actes de platitudeimaginables devant le voévode redouté.

En ce qui concerne le développement derEglise roumaine dans ces circonstances extra-

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ordinaires, Sabbas avait repris ses pouvoirs desl'annde 1661, dtant reconnu dans le Maramoureeheegalement, A l'exception du territoire soumis Al'eveque russe de Munkács, lequel cependantétait regulierement consacré en Moldavie'.

Apaffy ne tarda pas A confirmer, le 23 avrii1662, sans aucune mention des conditions extra-ordinaires qui avaient été posées par Barcsai auRusse Gennadius, ce meme Sabbas, et en memetemps il renouvelait les privileges de Barcsaipour les pretres roumains de sa province.

Un autre diplome, du 20 avril 1662, declarecependant que, si Sabbas est l'eveque de lapartie la plus importante de la Transylvanie",le district de Fagara§ restera détache de sondiocese, pour etre soumis A ce Daniel, dit lePannonien, ancien typographe en Valachie etrecommande dernierement par les superieurs des.convents voisins de la Moldavie; il avait obtenuce Siege grace A l'appui d'un noble tres influent,le chroniqueur contemporain de la TransylvanieJean Beth len. On peut douter cependant queDaniel ait ete accepte dans le pays, qui appar-tenait A la princesse Anne Bornemissa, femmed'Apaffy, qui n'avait guere besoin d'un autre-pasteur pour ses Valaques que celui de l'églisemagyare de la vine meme de Fagara.

' Cf. les !lyres récents, en hoogrois, de Cziple et deaHodinka.

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Fig. 16. Image sainte de l'église de St. Nicolas a Brasov(XVII-me siecle)

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Pour tout le reste de la province, sauf cetteregion de Infiti et de Lipova, heritage de lafamille des Brancovici pourtant, ott on rencontreen 1662, comme residant A Vrsac, l'evequeTheodose, s'intitulant metropolite lorsqu'il fit levoyage A Moscou, Sabbas était le seul chefreligieux ; personne ne pensait A contrecarrer-son action ou A le surveiller meme, jusqu'en1668, tors du voyage qu'il fit a son tour en_Russie, voyage qui dura presqu'une armee en-tiere et dont il rapporta des dons tres importants,Le surintendant magyar, Kovásznay, ayant encela l'approbation d'Apalfy lui-meme, commençaalors des intrigues contre cette 8glise roumaine-echapee A son autorite. Sabbas était d'abordcoupable de ne pas avoir employe les revenuade sa situation pour entretenir les écoles et la,typographie. Un avertissement dans ce sens luiavait ete adressé des l'année 1667. En 1669,craignant la recrudescence de l'influence de cetteorthodoxie, tellement vivace 4 cause des nou-velles relations avec la Russie des Tzars, lesurintendant posa des conditions A un &Nue-qui avait fonctionné jusqu'alors sans aucune im-mixtion de sa part : les ecoles devront fonction-ner surtout dans le couvent de Alba-Julia, dansle comté de Inidoara et de Maramoureche etméme dans le district de Chioar" ; l'imprimerie-allait travailler et donner des livres en languerournaine aux fideles ; les prètres qui s'obstine-

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.ront A dire la messe en slavon seront immédia-tement écartés; la surveillance du surintendantmagyar devait etre acceptée dans tous les do-maines de l'administration episcopate, son droitd'appel &ail consacré, et l'eveque roumain allait.etre present avec ses protopopes aux reunions-oil ses propres decisions seraient revues, afinqu'il apprenne ainsi son devoir selon r8vangile 1.

Sabbas n'essaya pas de resister aux insistan-ces du nouveau surintendant de 1'8g1ise réforméede Transylvanie, Michel Tophaeus (TWO, sanstoutefois accomplir ce qu'on lui demandait. IIsut se tirer d'affaire en ajournant l'application de-ces mesures, et son attitude lui valut meme-d'être employe par le prince dans des missionsde confiance. En meme temps toutefois, l'eveque.entra en relations avec l'opposition, en grandepartie catholique, qui s'était formée contre leprince Apathy, et il n'oubliait pas les relationsavec le prince voisin de Valachie, Ghica quel'on soupconnait, d'avoir a ce moment des viséessur la Transylvanie 2, - ce qui est confirme d'ail-leurs, par l'historien Jean Bethlen. II faut noterque Ghica concluait, le 20 avril 1673, avec-Georges, frere de Sabbas, une convention parlaquelle il s'engageait a accorder son appui audit

' Cipariu, Archivu, pp. 611-612.' Metes, $erban-Vodd Cantacuzino $i Biserica roma-

.neascd din Ardeal, pp. 6-7.

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Georges et a toute sa famille", autant -que-durera l'intention secrete qui a eté fixée entrenous pour le bonum publicum et pour l'expan-sion de notre sainte Eglise", ce qui ne signifiepas, bien entendu, qu'il se soit agi d'une im-mixtion en Transylvanie meme. Ghica projetait,.d'entente avec son voisin de Moldavie, plutetune grande revolte chrétienne, qui aurait renduaux Principautés les points du littoral danubierroccupés depuis longtemps par les Tures. Ill yavait cependant un territoire transylvain surlequel s'étendaient les prétentions de GregoireGhica, a savoir ce district de Ffigara dont letitre avait été porte aussi par Radu Mihnea etle prince Leon au commencement du mettle-siecle. Et l'historien Bethlen, qui en parle, observeque Ffigära, ainsi que les deux forteresses pos-sédées jadis par Etienne-le-Grand de Moldavie,Cetatea-de-Baltà et Ciceu, n'étaient que desapanages, et non des possessions, dans le sensstrict du mot 1.

Bien que l'eveque Sabbas eat conserve debonnes relations avec la Cour de TransylvanieApaffy ordonnait à l'eveque et a ses protopo-pes et a tous les pasteurs des eglises roumainesde Transylvanie" d'observer la soumission dueenvers le surintendant Tiszabecsi, qui sera charge.

' Török-Magyarkdri Allam-Okmdnytdr, V, pp. 158-199

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-egalement de mettre en ordre l'ancienne impri-merle de l'epoque de Rákóczy.

Cette fois aussi, Sabbas crut devoir obtem-pérer aux ordres du prince. Pent-etre pour lapremiere fois, il tint en 1675, dans la capitaleimeme de la Transylvanie, sous les yeux d'Apaffy,un synode, mais il eut bien garde d'introduireA cette o2casion des innovations calvinistes ; lesdecisions de cette assemblée portent seulementsur les anciennes coutumes d'origine paIenne,,qui pouvaient paraitre, a un &Nue orthodoxeaussi, ne plus etre en concordance avec lesmoeurs du temps et les prescriptions de l'E-glise. Tout au plus on décidait de n'employerque le roumain dans l'office, d'inculquer aupeuple la connaissance des premiers elements-de la religion selon le catechisme reform& dontune nouvelle edition avait paru en 1657. Et, en,echange de cette soumission apparente, GeorgesBrancovici obtint le domaine de Vintul-de-Sus etf ut charge de représenter le prince a la Porte. Deson côté, Sabbas recut l'assurance que personnene s'immiscera dans les questions qui concer-nent uniquement son Eglise. Si, au couts deVann& 1679, les comptes de cette Eglise rou-maine furent de nouveau soumis a une revision,.en vue de l'etablissement d'une imprimerie, del'entretien des écoles, on n'alla pas plus loin ence qui concerne une tutelle qu'Apaffy avait de-clard ne pas vouloir admettre.

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A ce moment un grand changement politiqueeut lieu en Valachie. Apres une longue serie deprinces n'ayant pas d'attaches dans le pays etappartenant au monde grec ou grécisé de Con-stantinople, la Porte avait det nommer, cédantaux instances du parti le plus puissant parmi lesbolars valaques, un voevode qui descendait parsa mere, une femme d'une haute reputationmorale, et célebre par ses actes de bienfaisanceet sa pieté, de Radu Serban lui-meme etpossédait, par l'héritage de son grand-pere, desdomaines immenses dans la principaute. En outre,par les traditions de son pere, Constantin Can-tacuzene, fils d'Andronic, un des plus influentsGrecs de Constantinople a la fin du XVI-e siecle,.Serban, le nouveau prince, investi a la fin del'année 1678, représentait les souvenirs les plusglorieux et les plus hautes aspirations de la nationhellénique.:,Il connaissait tres bien la famille desBrancovici et avait passe lui-meme quelque tempscomme exile en Transylvanie, dans le pays desSzekler. Révant peut-etre d'une situation imp&riale en Orient, comptant utiliser les Impériauxvictorieux contre les Turcs pour s'assurer unelarge place dans la repartition des territoiresqu'il comptait occuper, Serban n'avait pas devisées en ce qui concerne la Transylvanie pro-prement dite. On sait cependant, par un des.chroniqueurs de son époque, par celui qu'il em-ployait a des négociations secretes avec les Au-

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trichiens, qu'il se réservait, au cas oh la principautéaurait accepté la suzeraineté de l'empereur, toutun fief dans le Banat, avec Lugoj, Caransebeet les places voisines. Ce qu'il entendait surtoutc'était reprendre les anciennes traditions qui re-liaient l'Eglise roumaine de Transylvanie a cellede sa principauté valaque et jouer de nouveaule role de patron de l'orthodoxie de ses congé-neres et de protecteur de leurs efforts vers une-civilisation nationale. Comtne il était mieux done,plus riche et plus influent qu'Apaffy, il était enmesure de jouer le rOle qu'il s'était propose dereprendre.

On vit aussitOt le résultat des efforts diploma-tiques faits par Serban au profit de Sabbas. Le24 octobre 1679, la tutelle du surintendant ré-forme" était de nouveau écartée par un acte duprince, et la Diete de la province s'empressaitd'approuver la confirmation dans une situationd'autonomie parfaite du métropolite.

Cela ne devait pas durer longtemps. Si lafaveur de Serban avait subitement élevé la si-4uation de Sabbas, les intrigues qui divlserentbientOt les deux princes se tournerent contre lui.La catastrophe ne tarda pas a se produire, et-elle fut foudroyante : Apaffy, admit aux instancesdu parti réformé, a la tote duquel se trouvait sapropre femme et un parent même du métropo-lite, Ladislas Székely, ainsi qu'aux rernontrances-de Tophaeus, l'ancien prédicateur, devenu surin-

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tendant, admit qu'un proces soit intenté contreSabbas, proces exactement pareil A celui qui avaitamené la ruine d'Oreste, son prédécesseur. Le29 juin 1680, des plaintes fabriquees d'apres lememe modele furent presentees au synode ha-bituel dans le monastere de Alba-Julia. Sabbasfut dépossédé, et on élit son successeur ; puis,quelques jours apres, le 2 juillet, le changementde l'eveque deposé eut lieu devant un tribunal-compose de Hongrois qui reprsentaient le prince,de jures et d'administrateurs de la Métropole,choisis parmi les protopopes, ses adversaires, etparmi les lees. Sabbas, malade, fut empechéde se presenter, et son frere n'arriva pas A sauverune situation si fortement menacée. On déclaral'eveque convaincu de relations illicites avec des-females qui auraient été meme ses parents, etles rigueurs de la loi furent décrétées contre sapersonne. Le prince de Valachie en fut averti,et la Porte aussi ; Apaffy présentait des actes dejustification de la part de son Conseil des pre-tres magyars et roumains, en la presence depersonnes sages choisies parmi les laics". Commedans le cas d'Oreste, les biens de l'eveque con-damnd furent confisques, et on a prdtendu que4e chAtiment dégradant qu'avait eu A subir sonprédecesseur lui fut aussi applique.

II y avait sans doute un element de haine na--tionale dans les mesures qui avaient atteinréveque roumain. A ce moment, Pierre Budai

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écrivait que les Roumains sont naturellement"les ennemis des Hongrois", et Apaffy lui-même,au cours d'un voyage a travers le pays, se mon-trait indigné du fait que pies Roumains sont unenation tres prolifique; alors que le nombre desHongrois et des Saxons dirninue chaque jour";ii rappelait l'exemple de plusieurs villages ha-bites par lesdits Saxons et Hongrois" et mani-festait sa crainte que ce petit nombre de Hon-grois puisse etre sous peu de temps denatio-nalise par les Roumains". U interdisait séve-rement le transfert de possessions rurales acette nation menacante pour l'avenir de la classedorninante 1

Aussitôt apres la condamnation du métropolite,son frere se refugia en Valachie, et le prince

erban, extremement indigné des actes accomplispar les peens", somma son voisin de mettreaussitôt en liberté l'innocent, de le reintégrermeme dans sa situation antérieure, s'il ne veutqu'une influence soutenue par n'iinporte quelssacrifices pécuniaires aupres de la Porte amenedes mesures de repression. Du reste, des lernois d'aofit 1681, son agent a Constantinople,le futur prince Constantin Bráncoveanu, signaitun accord avec les représentants de l'oppositiontransylvaine se trouvant aupres de la Porte, Csaly

1 Metes, ouvr. cite, p. 26, note 2; Hurrnuzaki, XV, pp.1363-1364. no. 2495.

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et Christophe Paskó, spe:cifiant que, si les effortsdu voevode valaque parviendraient A amener ladeposition d'Apaffy, les vainqueurs s'engagent Alibérer aussitôt Sabbas Brancovici et, ce qui estencore plus important, A restituer dans son an-cienne liberté, selon la coutume, la religionorthodoxe, qu'on appelle roumaine" 1.

Cependant Sabbas ne regagna jamais sonSiege episcopal, bien que, devenu libre peuapres, il fut accuse de continuer A consacrer lespretres et les églises. Il est encore mentionnédans le diplôme du mois de juin 1683, accordépar l'empereur A son frere Georges. La mort deSabbas, qui survint peu apres, mit fin A unecontroverse acharnée entre Serban et Apaffy. Cequi devait résulter de cette controverse est plusimportant que la simple reintegration de l'ancien

' A moderno Abafio tyranico gubernio innocentercaptivatus... Religionem orthodoxam, vulgo valachicam,ab antiquo solitis ceremontis eos uti, cum libero exer-citio, secundum canones patriae, et siquae contra vu-luntaten eorum in suis terminis oppressa forent, coramregno pristinae libertatt restitui efticiemus. Metropo itamseu Vladikam Szavam, cum plena restitutione honoris,pristino officio uti cum plena authodtate elaborablmus etcontra quosvis illegitirnos impetitores, tam in religione,quam in libero exercitio ac cerimoniis, liedem patroci-nab mut.' ; P. Maior, Istoria bisericeasca, p. 76, note;Cipariu, Archivu, p. 652. $erban lui-m&ne et son neveuBrAncoveanu se réservaient des possessions en Transyl-vanie : les villages de Porumbac et de SAmbAta de-Sus.

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métropolite: les droits anterieurs de l'Eglise va-laque sur celles de Transylvanie durent etre for-mellement reconnus, et meme étendus dans lesens canonique, par fa puissante intervention duprince de Valachie.

On ne peut pas dire cependant qu'Apally necherchAt pas A firer les dernieres consequencesde l'acte risque qu'il avait entrepris pour confir-mer la domination du calvinisme et, par cefait, de l'gglise magyare sur l'Eglise roumaine.Pierre Budai, homme tres influent, lui avait re-command4 pour la succession de Sabbas un deses parents, Joseph, originaire du village deP4chinti, du côté de Inidoara. Nommé par leprince le 28 décembre 1680, Joseph devait ac-cepter sous serment l'ancien programme quiavait éte impose tour A tour a Oreste, a gtienneSimeon et enfin A Sabbas. Un vrai statut del'gglise rournaine, intitulé, A la mode serbe,Zaconic, comme l'ancien code de lois de l'em-pereur Etienne Douchan, et qui fixait l'importancedes protopopes et des surveillants administratifs.tapes et l'organisation, transformee dans le sensde celle des réformés, de cette tglise, fut vote.

Cependant Joseph dut etre confirme par lemétropolite de Bucarest, et cette consecrationprécéda meme l'acte de nomination formelle de-la part du prince. On comprend bien que erbanCantacuzene ne montra pas A cette occasion lesmeilleurs sentiments A regard du voisin qui lui

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envoyait un nouveau candidat au trône episcopal.Dans l'acte même de la consecration, date du23 aoilt ancien style 1680, le prince de Valachieaffirmait la complete innocence de Sabbas, le vicecanonique de sa destitution, qui n'aurait pu etreprononcee que par un autre tribunal que celuidu Conseil de la province et des protopopesde notre Eglise". S'il acceptait cependant Joseph,il ne le faisait que pour que ce Siege episcopalne reste pas inoccupe et les chrétiens de cetteprovince sans pasteur", et il finissait en regrettantque les usages immuables et l'organisation dela republique de cette principauté de Transyl-vanie ne permettent pas a l'ancien évequede regagner son Siege". Peu de jours apres,Cantacuzene écrivait a son voisin, lequel avaitprésenté la justification de son acte, en affirmantson droit de verifier l'état de choses selon ledroit canonique" 1.

II faut ajouter que le nouveau métropolite dutfaire une profession de foi strictement orthodoxe,promettant d'éviter tout ce qui serait contraire ala tradition et d'accepter toujours les bons con-sells" de son supérieur, le métropolite valaque,dont les usances seront aussi celles de son dio-cese. Cette lois aussi, voulant rompre les relations

' L'acte de consecration dans la Condica Sjdnid del'Eglise de Valachie, publiee par l'eveque Gennadius Era-ceanu ; la lettre, dans Torok-Magyarkbri Allam-Okmány-tar, VI, p. 97.

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avec cette Valachie dont s'inspirait l'instinct na-tional des Roumains de Transylvanie, on étaitarrivé A les rendres plus serrées et A mieuxdéfinir officiellement leur caractere.

Joseph mourait vers 1682, et, cette fois, fors-qu'il s'agit de lui donner un successeur, erbans'arrêta sur la personne d'un Grec 'opinithrecloitré dans son orthodoxie militante et capabled'entrer en lice avec le prince, son Conseil ettoute l'aristocratie magyare, avec ses propresprOtopopes entach:s de calvinisme, au risque desa position meme, pour combattre toute immixtionhétérodoxe. C'etait un ancien métropolite de La-cédémone, Joasaph, que l'on accusait de ne` pasmeme connaitre le roumain, mais qui, en echange,savait tout ce que le droit canoniqLe assurait etimposait A son Eg lise. II dut meme se soumettreA une nouvelle election, au lieu d'accepter unesimple consecration canonique , en Valachie,reconnaissant au métropolite de ce pays sonnouveau titre d'exarque des districts voisins"(exarh laturilor), ce qui signifie, de fait, uneaffirmation des droits de la Valachie sur l'ancienfief transylvain des princes du XIV-e et du XV-esiecle.

Admettre Joasaph avec ces intentions nette-ment exprimees, aurait été pour Apaffy et pourles siens accepter de sang-froid une offense et unemenace. Cette fois encore le gouvernement de Ia.province employa le moyen Mourne d'une pro-

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lestation de la part des protopopes, que le Ca-ractere étranger du nouveau chef de leur 8gliseaurait froisse, bien que plusieurs lettres et men-tions venues de la part des communautes rou-amines montrent bien que Sa Sainteté le VadicaJoasaph", narcheveque et métropolite de bonnesouche (sic)", etait reconnu gendralement danstoute la Transylvanie et jusqu'au Maramourecheet qu'on désirait meme sa presence. Mais lesprotopopes étaient indignés de ce que ce Joasaph,dit Akakios", qui avait passe tout au plusquelque temps aupres des Grecs de la Compagniede commerce de Sibiiu, seule relation avec laTransylvanie, eilt commence une revision, aupoint de vue de l'orthodoxie, de ses subordonnes,et n'efit pas hésité a remplacer certains des.protopopes qui lui semblaient entachés d'hérésie.Parmi les accusations qui furent portées contrel'intrus, on trouve aussi celle qu'il employait legrec dans l'office et qu'il ne savait pas la languedu peuple, qu'll était entourd de personnes sus-pectes, traitant d'une maniere insupportable lesprotopopes et les pretres et, enfin, celle gull,avait exprimé formellement son intention de ccpas vouloir publier des livres dans le sens desréformés, mais bien de faire traduire et impri-mer des ouvrages destines a raffermir l'orthodoxie-

Apres une enquête sommaire, on fit comparaitrele Grec pour se justifier. Insensible aux menaces,Joasaph refusait de reconnaftre le droit de juge-

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ment contre un eveque a ses propres subordonnés. II était dispose a faire des declarationsau prince lui-meme, mais sans lui reconnaitrepour cela le droit de s'immiscer dans les affairesde son Eglise. II n'abdiqua pas, mais se retiradans un monastere, en guise de protestationpint& que comme une reconnaissance de sapart de la sentence qui avait été prononcéecontre lui. Cette retraite paraft n'avoir pas étédefinitive, car on a des traces de son activitemettle apres ce moment décisif pour sa carriere.Cependant Serban refusa de consacrer un suc-cesseur de l'ancien éveque de Lacédémone etattendit jusqu'A la mort de ce prélat. Ce n'estqu'en 1683, ou plutot en 1684, que le synod;réuni dans la Capitate de la Transylvanie, élisaitparmi les moines roumains un autre Sabbas,originaire du village de Vestem, pres de Sibiiu,et, comme Theodose, le métropolite de Valachie,etait originaire lui-méme de ce village, il sepourrait bien qu'Apaffy eta cédé a une interven-tion venue de ce côté.

Mais, comme, apres le siege de Vienne parles Tures, les relations entre Serban et Apaffydevinrent presque constamment hostiles, ce der-nier n'avait plus besoin de ménager les senti-nients de son voisin. II chargea donc de l'admi-nistration religieuse des Roumains celui desprotopopes qui, ayant quelque preparation pourune situation supérieure, était un instrument corn-

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mode entre les mains des maitres de la pro-vince, le pretre Jean de Vinti. 11 n'hésitait pasA declarer que le prince a le droit de jugerles el./clues, car , singuliere justification ,c'est a ce prince, et non au Sultan, que la pro-vince paye les contributions. On installa uneimprimerie a Sebepl-Sisesc. Elle fit paraitre,des l'annee 1683, un recueil de discours pourenterrements, qu'on intitula pompeusement Lecercueil d'or" et, plus tard, elle donna dans cettemême ville de Sebesul-SAsesc, un traiti demorale, La breve orientation" (Cdrarea pe scurfy1685). Jean ne se genait pas,. du reste, de pre-sider des synodes, comme s'il avait été l'evequelegal du pays.

Lorsque cet eveque fut nomme, apres avoirrefuse un candidat presenté par le prince deValachie : Jéremie, dans la personne de Basile,dont le nom monacal était Barlaam, Apaffy avaiteu soin de demander A son voisin la renonciationformelle a toute relation avec le parti ennemi deCsalcy. Dans l'acte de confirmation, date du 10avril 1686, qui suivit la consecration a Bucarest,on imposait au nouvel éveque d'abandonner lasuperstition allectionnée par la plebe roumaine"et de se soumettre aux conditions qui avaientété imposées A Sabbas Brancovici. II dut procédertoujours d'accord avec le surintendant calvinisteEtienne Horty et mérita par sa soumission d'ob-tenir la confirmation des anciennes privileges de

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son clerge. Suivant l'exemple de Jean de Vinti,il employa une partie des revenus de son 8glisepour la publication d'ouvrages approuvés parson patron. Sa typographie fonctionna dans leconvent meme de Alba-Julia, aupres de la de-meure de l'eveque, et des ouvriers qu'il avaitfait venir meme de Russie travaillaient, sous lasurveillance de Jean de Vinti et d'un secondprotopope, a donner toute une serie de livresd'office et autres, qui etaient evidemment destinesa empecher l'emploi des livres bon revus parl'autorité ecclésiastique reform& qu'on faisaitvenir de Valachie. L'intérêt de ces publicationsest, bien entendu, assez grand, puisque c'est lapremiere lois que la Transylvanie donnait depareils ouvrages en roumain. Les traducteurs nepouvaient manquer a une époque ou le prédi-cateur de Caransebe§ recevait d'Apaffy lui-memela mission de donner une nouvelle version del'Ancien Testament, recevant pour cela 40 florinspar an, plus 40 mesures de vin et 12 mesuresde We, et mettait aussi a contribution les villes-saxonnes afin de pouvoir donner une editionintégrale de la Bible roumaine.

Theophile, le successeur de 13arlaam, hit con-sacré a Bucarest le 18 septembre 1693. II avaitété nomme des le mois de décembre de l'annéeprécédente. Ses sympathies calvintstes étaientassurées par son origine noble, car il s'appelait

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comme pretre, Thomas Szerémi. Cependant celuiqui avait accorde le diplôme de nomination n'étaitplus tin prince de Transylvanie, mais bien Geor-ges Báriffy, le représentant de l'empereur danscette province, ob l'autorite de la dynastic desApalfy avait cesse apres la mort de Michel I.Les troupes impériales occupaient toutes les pla-ces fortes de la province. Apaffy lui-meme avaitconclu -avec le commandant des troupes de l'em-pereur, le duc de Lorraine, une convention quimeWit la Transylvanie a la disposition du nou-veau suzerain, et son successeur devait etrebient6t retenu A Vienne, tous ses droits passantentre les mains de la nouvelle administrationautrichienne. 11 ne fall'ait plus que la reconnais-sance par la Porte, la conclusion du traité dupaix de Carlowitz pour que cette situation, déjàfortement consolidée, devint aussi un elementdu droit public europeen.

La caste magyare n'avait plus la possessionde la province, et on devait chercher a luiarracher méme ses anciens droits de predomi-nance. La Maison d'Autriche venait avec un nou-veau programme centraliste et catholique, danstine province oa jusqu'alors s'était conservée d'unemaniere étonnamment fidele la constitution et lesprivileges, les idées politiques et nationales dumoyen-Age. Elle avait l'intention d'imposer touteune revolution en sa faveur pour lui rendre plusfacile la seule tAche qui lid tenait A coeur : celle

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de rassembler les revenus de toutes les nations"de Transylvanie, aussi bien que des serfs rou-Mains, et celle de tirer des combattants sansexception du milieu de cette population d'originedifférente. II fallait égaliser sous le rapport po-litique, sinon amalgamer sous le rapport ethnique,transformer le tout dans une seule masse desujets vivant seulement pour alimenter le fisc etpour fournir les armées de l'empereur, preparertine unification sous la forme catholique d'abord,plus tard sous celle de l'influence allemande ;telle était l'intention des nouveaux maitres de laTransylvanie et, pour arriver a la réaliser, ilsavaient besoin de cette majorite roumaine pourlaquelle l'empereur et ses agents politiques etreligieux n'avaient d'autre sympathie que cellequi concordait strictement avec des intérêtsvoraces.

Avant de voir la maniere dont l'administrationimperiale chercha a se gagner ces populationspour pouvoir les utiliser ensuite, il faut se rendrecompte du caractere de la situation des Roumainsde Transylvanie a la fin du XVII-e siecle. Et celad'autant plus que le préjugé habituel est qu'ilsconsistaient uniquement dans une masse de serfsn'ayant ni classe dirigeante, ni classe cultivée, niprivileges, ni droits, ni un r6le économiquesupérieur A celui des simples agriculteurs nonlibres.

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XIV.

Vie des Roumains de Transylvanie a l'epoquede l'occupation autrichienne.

Un auteur qui écrit au commencement duXVIII-e siecle s'exprime comme il suit sur lapopulation roumaine de Transylvanie: Ils (lesRoumains) sont répandus dans la Transylvanieentiere, de meme que parmi les Szekler et surles territoires et dans les districts des Saxons.11 n'y a pas de village, de ville, de bourg d'ohle Roumain manque. C'est une nation de paysansct de patres qu'on peut distinguer de n'importequel autre habitant de Transylvanie par sesvetements fourrés, en laine de brebis".

On se tromperait bien si on croirait que cethabillement en laine de brebis et leur occupationcomme paysans, agriculteurs et patres formaientun caractere general des Roumains de Transyl-vanie. II faut tout d'abord distinguer la classe(les pretres, une vraie caste au caractere here-ditaire, puisqu'on voit souvent des pretres, desprotopopes meme, transmettre leur situation aun fils, a un neveu. Ce sont les metres des

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villages, oh il y a souvent plusieurs iglises,ayant chacune au, moins deux desservants. Par-lois le nombre total des pretres d'un villages'éleve jusqu'à six. Ils se livrent d'ailleurs auxmimes occupations que leurs ouailles, dont ilsne se distinguent que par le couvre-chef enfeutre noir.

Parmi ces ouailles il y avait d'abord la classenoble, qui se maintenait, et elle gardait un Ca-ractere roumain d'autant plus prononce que lecalvinisme, qui devait amener la disparition na-tionale des Roumains, avait contribué, au con-traire, A rapprocher ceux d'entre eux qui jouis-saient de privileges, de la masse paysanne, car,apres l'acceptation de la Réforme, les simplespaysans n'apprirent éviclemment pas le magyarpour assister A un office fait dans cette langue,mais clans maints villages les nobles, qui n'a-vaient pas leur eglise separe, venaient assisteraux mimes ceremonies que la plebe et enten-daient par consequent la messe en langue rou-maine. II faut tenir compte aussi de ce fait que,la classe nobiliaire superieure, dtant fixie unelois pour toutes pendant le regne des princesmagyars autonomes de la Transylvanie, il n'yavait plus la perspective de s'élever vers leshonneurs et les dignités, de sorte que les noblesretombaient lentement dans le milieu dont ilss'etaient ilevis et se confondaient dans la memecommunion nationale que les autres, qu'il itait

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impossible de gagner, meme sous la forme ducalvinisme, a une autre langue et a d'autresmoeurs que ceux de leurs anatres.

Cette calvinisation satisfaisait, du reste, plutôtl'ambition que les intérets nationaux de la classedirigeante magyare. On signait ce qu'on voulait,on acceptait des declarations qu'on ne pouvaitpas eviter, on faisait des actes de soumissionenvers le surintendant, parce qu'on devait le fakeenvers le prince, mais l'ancienne coutume, sousle rapport de la religion aussi bien que souscelui des moeurs, continuait. On voit, par exemple,tel prétre calvinisant, qui avait da acheter lePsautier du metropolite 8tienne Simeon, le faireautentifier par le Grec Denis, patriarche d'Ochrida,qui appose son sceau sur une des pages de cetouvrage heretique. Les livres slavons, parmilesquels certains ont une grande anciennetd,dtaient tres affectionnes par un clerge qui nomi-nalement était reuni a l'Eglise reformie, et oncontinuait a attribuer a ces livres incomprehen-sibles une espece de puissance mysterieuse. En1722 encore on volt des pretres employer leslavon pour leur notes, et cela non seulementdans les regions du Maramoureche, voisines dela Moldavie, restées dans l'ancienne tradition dein langue sacrée du moyen-age, et de la Galicierusse, mais aussi dans d'autres regions de laTransylvanie. Ceux qui travaillaient A la traduction et a la publication des livres imposes par

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le surintendant etaient, dans leur plus grandepartie, des Roumains des Principautés, des or-thodoxes d'une foi inébranlable, ou même desRusses, ainsi qu'il a été dit plus haut. Au com-mencement du XVIII-ge siecle, le typographe dela Métropole de Alba-Julia (BA lgrad), était MichelIqtvanovici, fils d'un noble roumain du Fagfiraou d'un autre district de nobles. En bien, ceTransylvain, ayant des relations avec l'évechéde sa patrie, passa en Valachie et fut employsjusque dans les montagnes de la Georgie commeimprimeur par l'Eglise valaque, a l'époque oilConstantin Brancoveanu était le chef munificentde la Principauté.

Entrons maintenant dans quelques details con-cernant cette classe nobiliaire.

On a, d'abord, outre les exiles qui passaientparfois leur vie entiere sur ce sol de Transyl-vanie, ayant souvent des bienfonds et des droitsde seigneurs terriens sur les villages roumains,les descendants authentiques des anciens princesde Valachie ou de Moldavie, dont la famille,apparentée a des nobles hongrois, ne devaitjamais quitter le pays. Vers 1700, parmi lesadministrateurs de l'Eglise roumaine de Transyl-vanie il y a, a cOte d'un noble du district deInidoara, Michel Puiu, dont le dernier descen-dant s'appelait, il y a quelques dizaines d'années,Puj Arpád, un Etienne Rat, riche propriétaire de

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troupeaux et de serfs. 11 était le fils d'AdamRat, dont le pere, Pierre, etait l'epoux d'uneprincesse valaque, Zamfira, descendante directedu prince regnant Mircea Ciobanul. La fillede ce Mircea, Stana, mariée au logothete Ivan,se fixa pendant la deuxieme moitie du XVI-esiecle en Transylvanie. Un membre de la famille,etabli a Tius, s'intitulait, dans une notice, soul-dchar (dignite de la Cour valaque), par la gracede Dieu." .

Le Maramoureche contenait encore une popu-lation préponderante de boTars ou de nobles de.campagne, de méme nationalité que les autres.qui s'appelaient simplement Roumains" ou are-liens du bas peuple". Parmi ces nobles on choi-sissait meme les dignitaires principaux de laprovince, les jures" du comté, les grandsjures des villes" ou meme les spans" ou comtés,de la province entiere. Les grandes families, lesPogan surtout, se maintiennent jusque bien loindans le XVIII-e siecle, conservant leur situationprivilegiee. Leurs attaches avec la classe domi-.nante magyare leur fait parler et écrire un rou-main bariole de termes magyars qu'ils sont fiersde pouvoir employer, mais ils n'abandonnerentjamais leur propre langue. L'amour pour le livreroumain était si fortement prononce dans cetteregion, qu'on copiait les livres publies en Vala-.chie, tel que le grand ouvrage de la Bible parue.sous le regne du prince $erban Cantacuzene.

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Le principal monastere de la province, Moiseiu,a la consecration duquel prirent part les bolarsde Maramoureche, invites spécialement par lesmoines, continuait sa dependance du clothemoldave de Putna. On sent tine conscience denoblesse meme parmi les paysans, qui n'oublientpas d'allirmer, dans leurs titres de proprietés,que ce sont eux qui tout seuls, avec leurs bras,ont ouvert les champs de labour dans la foretverte".

Une vie patriarcale, basee sur les anciennestraditions, se conservait dans ce district, ainsiqu'on peut le voir par telle notice stir un livred'église: en 1742 la peste fit de nombreusesvictimes dans le Maramoureche. Les vieillardsseptuagénaires Zimbrul Mihoc et sa femme To-d4ca Gas perdirent cinq Ms et une fille mariee;les deux vieillards resterent tout seuls, sans aucunenfant. Que pouvaient-ils faire? Ils disaienn Dieus'est mis en colere contre nous. Mais ils portaientun si grand amour a l'église qu'aussitôt que lacloche sonnait, ils paraissaient tous les deuxdevant l'autel, soir et matin, A tous les offices.Et moi, le prétre lon4el, étant le pasteur dutroupeau du Christ A cette époque, et voyantleur vie sainte, je leur,dis : ne soyez pas tristes,mes bien-aimes, parce que Dieu vous a ravivos fils, car telle fut sa volonté. 8tant leur con-lesseur, je les ai exhorté en leur disant: Si voltspensez a ceux que vous avez perdus, vous.

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Histoire des Roumains de Transylvanie 325 .

pouvez voir vos fils sur terre en achetant le-livre d'office qui commence par le jour de PM:Ines-et dure jusqu'i la Fete-Dieu. Et Mihoc et Gafiarépondirent: Tres-cher pere, nous ferons ainsique tu le ddsires". Et ces paysans payerent 12florins pour acheter le livre dont le pretre avaitbesoin et que les colporteurs, des clercs, venaientoffrir dans les villages. Des bolars comme ceux.du Maramoureche se retrouvent, du reste, clans.toutes les regions du Nord de la Transylvanie._

A cOtd de leur qualité de nobles, ils n'oublientjamais d'ajouter ce nom ancien, qui servaitdesigner les dignitaires des deux principautés,_boiar".

Les relations du district de Flgara avec laValachie voisine restaient les memes et servaient

entretenir l'importance de l'él6ment roumainnoble dans cette partie de la Transylvanie. Cer-tains parmi ces boTars de Fágira" avaientdes bienfonds en Valachie ou remplissaient des.missions de confiance comme secrétaires, agents_aupres de tous les princes valaques du XVII1-e-siecle, sans compter ceux qui, comme ce SerbanVajda, bouffon du prince Apaffy et cependanthomme riche dans son pays, ou comme SigismondBoer, intime du meme Apaffy, jouaient un certainrole de courtisans dans leur propre patrie. Onrencontre, sous le regne d'Apaffy, un erbarkTa labi, du village de Sfisciori, dans le meme

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'district de FAgäras. Un membre de cette famille,Jean Ta labi, lut un des principaux agents deFrancois Rákóczy, le prétendant A la couronne-de Transylvanie, en Russie aussi bien qu'a laPorte Ottomane, et ce descendant des nobles-villageois de ces provinces recut de son maitrele titre de baron. L'eglise des boYars A FAgfirasétait trequentée par un grand nombre de cesnobles, pour les fils desqueis une école roumaineetait entretenue, ainsi qu'il a été dit plus haut.côté de l'école magyare, qui cherchait a les at--firer. L'importance de ces anciennes families futallaiblie cependant par la lente infiltration desgrandes families hongroises de Transylvanie, qui,par contraste, amoindrissaient le prestige de cesanciens maitres du district.

Sur le Jiiu les anciennes coutumes s'étaientparfaitement conservées, dans le mode restreintdes nobles roumains qui avaient la consciencede leurs droits et de leur valeur historique. Ontrouve de ce côté aussi des gens assex riches.pour étendre leurs possessions sur la terre de laprincipauté valaque et nombre de hobereaux quirevétent des fonctions officielles, tout en conser-vant sans aucun changement leur caractere tra-ditionnel roumain. On a des szolgabirO", ad-ministrateurs de district, qui s'appellentManea, des capitaines, nommés A la hongroisehadnagy" (en roumain hotnop), et ils n'oublient

Iovanita,

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Histoire des Roumaira ae Transylvanie 327

pas d'adopter la terminologie slavonne habituelleen Valachie pour montrer que ce sont des grandscapitaines" ou des anciens capitaines". Lesdignitaires valaques les nommaient boars" ducomtd voisin.

Dans le district de Hateg les families BudaiPuj, FIrcai, Sebe§i se maintiennent, et nous-avons souvent rencontré ce secrétaire Pierre-Budai jouant un role en Transylvanie aussi Wen,que dans les provinces voisines. Nous pouvons-ajouter qu'il fut charge aussi de missions a laPorte Ottomane. Les dignitaires roumains nemanquent pas, a Hateg aussi bien que dans ledistrict de Figáras.

Les nobles de Inidoara, sur le territoire quiavait donné a la Hongrie la grande famille desHunyadi, arrivent A se maintenir jusqu'a l'époqueautrichienne, avec une importance locale décisive..On a vu que ce sont eux qui fournissent lesprotopopes réformés, et meme les éveques. Sicertains parmi eux portent, selon l'anciennecoutume, des noms et des prénoms hongrois,qui caractérisaient, pour ainsi dire, la noblesse,d'autres portent d'autres noms, d'un ancien cachetroumain, rappelant le XIV-e et XV- e siecle :Danciu, BAsArab. etc. Quand ils paraissent engroupe, ils s'intitulent toujours : nobles du comtéde Inidoara". A cOté des signatures hongroises,en lettres latines, on retrouve souvent des signa-tures roumaines, en caracteres slavons. Aucun

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melange &ranger ne se rencontre sous le rapportou religieux dans cette region bien di-

limitée en ce qui concerne son caractere ethnique.Pendant les troubles du XVI- e siecle, alors que lesImperiaux et les partisans de la famiRe de Zdpolyacombattaient dans ce district, ces nobles jouenttin rOle tres important, suivant une politiqueque des documents récents mettent en lumierePlus haut, dans ces regions occidentales, sur leterritoire de Beius, exterieur a la Transylvanie,des urbaria" qui nous ont eté conserves mon-trent, dans des villages dont les noms rappellenttoujours un ancêtre roumain (il y a meme unvillage de chei, dont le nom est en relationavec l'ancienne époque slavonne), a cOté des pay-sans non libres, d'autres, dont le nom de familletame montre leur qualité nobiliaire (Nemes); etil est tres intéressant de constater que, jusquevers la moitie du XVIII-e siecle, l'ancienne dis-tribution du territoire en knéziats se conserve.C'est dans ces regions que se forma la petitearmee du pretre Chirilá, combattant sous lesdrapeaux de Georges Rdkóczy II contre les Tures,.et jusqu'au commencement du XVIII-e siecle cetteTégion fournit une milice locale dont le capitaineportant un nom hongrois, Kiss BalAzs (ChisBalaj), offre un livre a reglise du faubourg rou-

Onnuaire de la Société hongroise pour l'étude ducomté de lnidoare, volume jubilaire (en magyar).

Clique

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HistMre des Roumains de Transylvanie 329k

main de Oracle, Velencze, avec sa femme, quiporte un nom venant directernent de la legendepoétique du peuple : Sfinziana.

Dans les villes même, il y avait une populationroumaine, ancienne, plus récemment émigrée,.malgré les mesures d'interdiction du gouverne-ment de la province, qui tenait a conserver l'anciencaractere saxon ou magyar de ces établissements-urbains. La ville de Sibiiu entretenait des gardiensde la montagne pris parmi les Roumains, desvdtafs ou chefs de ces gardiens, dont on a con-serve l'intéressant serment qu'ils pretaient enroumain devant les magistrats de cette vile.Leurs soldats s'appellent pldia# (de plaiu, versantde la montagne), de meme que ceux auxquels.&al confide la garde de la montagne du ciitcldes deux Principautes. A Porce$ti, au defile dela Tour-Rouge, il y avait meme, sous les ordresdu commandant saxon ou magyar, tin petitburgrave" (pdredlcibel) roumain en 1702. Les.plaieW se rencontrent aussi dans le grandvillage roumain sis au-delä de la foret de Sibiiu,.R4inari, dont Iles habitants, pour prouver leurs.droits a la liberté et une certaine autonomie,présentaient un diplOme du roi Matthias, forge-en ce qui concerne la forme, mais fondé sans.doute sur une ancienne tradition.

Les bourgeois de Sibiiu entretenaient une correspondance roumaine avec la principauté voisine-de Valachie, et en 1700 on rencontre un secré

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taire roumain de la ville, choisi au milieu desRoumains soumis A sa jurisdiction politique. Lesmissions secretes etaient remplies par les pr&resde l'église roumaine.

L'autre grande ville saxonne du Sud de laTransylvanie, Brapv, entretenait soixante gardiensroumains de la montagne, et des vatafs rdsi-daient dans les villages voisins, qui avaient unepopulation en grande partie roumaine. Les men-tions des pretres et de certains villageois serencontrent presque A cheque page des livresde comptes de la vine. Du reste, a Brapv aussibien qu'à Sibiiu, la presence quotidienne desTefugies entretenait une vie roumaine plus richeet plus consideree que celle des simples habi-tants des faubourgs. Dans le cimetiere de l'égliseroumaine de Sibiiu, on trouve des inscriptionsassez anciennes rappelant ces exiles.

Parini les habitants roumains des faubourgsil y avait des meuniers, gens aises, dont desfils etaient destines a la pretrise, comme ce pro-fesseur Jean Molnar, qui, ainsi qu'on le verraplus tard, hit un oculiste fameux et occupa uneThaire a l'école de médecine de Cluj sous la-domination autrichienne.

Une situation matérielle supérieure était celledes rouliers (cdreiup), qui se rendaient au cours-du XVIII-e siecle, non seulement dans les deuxPrincipautés, ob ils étaient tres bien connus etlavorisés par le gouvernement, mais jusqu'i

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Histoire des Roumains de Transylvanie 331

Gratz, ou ils conduisaient les troupeaux de boeufsde Transylvanie necessaires pour les besoins del'armée.

Toute une classe, tres bien représentee etsouvent mentionnee dans les documents, est celledes pâtres roumains munis de privileges, qu'onappelait surtout Barsani", parce que la plupart,etaient originaires du territoire de l'ancienneBurzenland", en roumain : Tara Barsei. On lestolerait difficilement en Transylvanie meme, oilles Saxons les accusaient d'incendier leurs foretset de fouler leurs récoltes. Les princes, a partirde Georges RálcOczy I-er, veillerent a leur assurerdes paturages abondants en Valachie, et, puisqueles chefs de ce pays les soumettaient a un impotcommun de 5-6.000 ducats par an, ils obtinrentque cette somme leur soit restituée sous la formed'un cadeau annuel fait au suzerain de Tran-sylvanie. En Valachie les pâtres ne payaient aucunimpôt sur les brebis ou pour le paturage, aucunedouane au retour sur les produits de leurs trou-peaux, mais seulement, en cas de vente, dansles foires. Les propriétaires des terres qu'ils en-vahissaient annuellement avec leurs troupeauxdevaient recevoir une somme fixée une lois pourtoutes. Le Trésor princier recevait, de son côte,un revenu de 10 deniers par brebis. On fixaitaussi, dans les privileges des princes, les dédom-magements dtis pour les dégâts faits dans lesforets de saules qui longent le Danube. Lorsque,

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A des epoques difficiles, on demandait a cesétrangers aussi leur contribution pour satisfaireaux besoins de l'approvisionnement de Constan-tinople, on s'en excusait par des lettres adresseesaux autorités de Transylvanie. En Moldavie onrencontre les BArsani" a des époques deter-minées, et toujours dans les districts de Backset de Putna, surtout a Soveja et Ca§in, oi ilsfurent colonises plus tard, formant une populationde pAtres et d'agriculteurs. Leur cercle de mi-gration s'etendait jusqu'au Pruth, au Dniester etdans les steppes de la Russie. Le fait que lachanson populaire roumaine, la ballade surtout,qui conserve toujours le caractere de son originelocale, s'étendit sur la genéralité du territoireoccupé par les Roumains, est dth en premiereligne A ces migrations determinées par la cou-tume de la transhumance des pAtres barsani"..Les documents mentionnent des migrations iden-tiques de la part des bergers roumains habitantdu cOte de Ffigara, de Sebe§ul-Sfisesc, etc.Partout ii fallait ménager les champs contre lesdégAts des troupeaux qu'on dirigeait au-dela desmontagnes, et ces pAtres contribuaient, sans s'enrendre compte, A renforcer cette solidarité na-tionale roumaine que des mesures d'Etat tendaientsans cesse A restreindre ou a détruire meme.

Quand a la plebe roumaine des villages, unepartie était établie dans l'ancien fundus regius"heritage de la Couronne, sur lequel ii ne pouvait

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Histoire des Roumains de Transylvanic 333

y avoir, selon les constitutions du royaume,qu'une égale liberté pour les habitants, sansdistinction de nationalité. Tout ce qui a été-entrepris au XVIII-e siecle sous l'egide de rad-ministration autrichienne pour faire de ces paysansdes serfs &aft contre les coutumes dont lesRoumains se prévalurent pour essayer de l'empe--cher. Le nombre de ces Roumains libres était,prépondérant en comparaison de celui de leurswoisins saxons. En 1721 il y avait 12.629 chefsde famille de cette nation payant l'impôt et.seulement 12.298 parmi les Saxons et 6.418 parmiles Magyars '. Nous avons constaté déja la situ-ation traditionnelle des Roumains qui habitaient,.sur le territoire de Sibiiu, l'ancien grand villageroumain" de S54te, qui conserva sans interrup-tion une situation spéciale, basée sur d'anciensprivileges. Le village était soumis au juge, quiétait élu dans l'eglise, par plusieurs scrutins,-comme A Venise. Les habitants de Sitli§te de-vaient a leurs supérieurs saxons un nombre desoldats choisis par le juge et des chevaux pourl'armée, un cadeau en argent, la dime pourl'église luthérienne, mais ils avaient leurs mon-tagnes en propre, leurs moulins, leurs terreshéréditaires. Une classe d'artisans s'était forméeau milieu de ces paysans, et leurs fourreurs sont

I Marion Puaeariu, Preda, Romdnil din fundul regal,13. XXI.

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célebres jusqu'aujourd'hui. A Vestem, dans levoisinage, village qui donna un métropolite a laValachie et un autre a la Transylvanie, les paysans avaient le droit de conclure des contrats.avec les boTars de la principauté voisine pourle paturage de leurs troupeaux.

Les villages roumains soumis a l'autorité po-litique de Brasov, et il y en avait bicn une-

vingtaine, sans mélange de population étrangere,étaient soumis au contrôle d'un fonctionnairespecial, le wan. On rencontre dans ces villages

des juges ou bire (en roumain: birdu), desjures, des vieillards, conduisant leurs congéneresd'apres l'ancienne coutume. Les villes recevaient-des dimes, des cadeaux, certains services, et cene fut qu'au XVIII-e siecle qu'encourages parune administration de la meme nation, les bour-geois saxons demanderent qu'on leur fournftdes services, allant jusqu'a fixer deux jours de

corvée. II y avait des Roumains en Valachie quise refugiaient sous la protection du chateau deBran, pratiquant peut-etre aussi la contrebande.

Ce fait d'une immigration venue de Valachiemontre bien qu'on trouvait de cet autre cOte desmontagnes une liberté pléniere pour le paysan,et l'accroissement de l'élément roumain dans ces-regions, ses progres en ce qui concerne la pos-session des terres et la richesse étaient si évidentsque des le XVII-e siecle un grand mouvementde resistance, revetant parfois des formes inhu-

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maines, se prononca du We des Saxons, qui nepouvaient pas contester cependant qu'une partiede ces terres venait de l'heritage de leurs ance-

tres ; on invoquait le souvenir de Michel-le-Brave,un souvenir abhorre, pour justifier ces mesures.Les Saxons sont invites formellement A ne jamaisvendre leur lopin de terre a un Valaque", carcette nation barbare a fixé des racines si profondesque presque tous les angles de la province sontenvahis par cette plebe". Ce qui est tres curieuxc'est que ces blasphemateurs de la mémoire duplus grand voevode roumain devaient, par égardpour leurs concitoyens roumains du faubourgde Schei, payer des revenus de leur ville, lepeintre roumain Radul pour restaurer le portraitdu voévode Michel dans l'église roumaine".

Dans des centres saxons moins importants decette même region, comme a Reps (Cahul), le

juge du petit district saxon dont c'est la capitaleest élu par les vieillards des villages roumainsaussi bien que par ceux des villages saxons. Et,lentement, de ce cede encore, la possession desterres passe entre les mains des Roumains, sansqu'une mesure etit éte en état d'ernpecher cephénomene naturel d'expansion ethnique, qui con-tinue jusqu'à nos jours.

1 Comptes de la villa, publiés dans le volume XXI dee,Annales de l'Académie Roumaines. L'acte concernantla resistance des Saxons a eté publié sussl par nousdans a )tre ouvrage Sate ;I preoft ta Ardeal, pp. 104-106.

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A Sebesul Sasesc le faubourg a son jugespdcial choisi parmi les Roumains, assisté pardes jurés, selon la coutume. Quand les Saxons.s'avisent de demander une priorité envers les.Roumains, ceux-ci n'hésitent pas A leur opposerle droit d'egalité qui resulte du labeur commun 1..Bistrita, sise pres de la frontiere de Moldavie,devait avoir, outre des pretres jouissant de pri-vileges de noblesse, une population roumainehabituée a. porter les armes. Les tentatives d'introduire le servage aux dépens des anciensdroits des habitants roumains de ce territoire-n'aboutirent pas; ces paysans menacent de passer

. en Moldavie, et ils tiennent parole. Du côté decette Moldavie arrivent, par suite des longuesguerres que dut subir la principauté dans ladeuxieme moitié du XVII-e siecle, des emigrants.qui obtiennent le droit de se fixer en groupes.ayant Ieurs juges. Quand les conditions &ono-miques de la province devenaient plus difficiles,.des bandes se formaient, ayant des chefs célebres,qui pillaient surtout les riches monasteres de la.Moldavie voisine.

Dans les troubles provoqués par la revolte deFrancois Rakôczy, au commencement du XVIII-esiecle, un de ces chefs roumains, Pintea, joua unrole important, qui est commémoré par des bal-

I Pour tous ces faits voir les documents d'originsixonne clue nous avons publies ou employes dane Pouvrage rournain cite, Sate ;i preofi, pp. 108-110.

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lades consacrées a sa memoire. Dans le pays desSzekler, les libertés traditionnelles du territoireconcernent les Roumains aussi bien que cesSzekler euxmemes. Les villages vivent selon lacouturne qu'on rencontre en Moldavie, avec deschefs qui s'appellent vdtdmani, des conseillersqui portent le titre, d'origine urbaine, de pdrgari(Burger), sans cornpter les birdi a la mode hon-groise. Les nobles roumains, intitulés aussiboIars" ou petits bolars", se rencontrent par--lois dans ces villages de montagne.

Les serfs etaient sans doute nornbreux, maisil faut distinguer des vrais serfs, des iobagi,descendants des anciens iobagiones fixes autourdes chateaux pour remplir des services mill-taires, les jeleri, pour la plupart des emigrants,payant en argent ou en somme de travail pourles terres qui leur sont concédées, des wcini, ala mode valaque, dont la condition est tres res-semblante a celle des serfs, et enfin des libertini,qui occupent un degre supérieur au milieu decette plebe.

On représente ordigairement cette masse depaysans comme &ant completement denuée dedroits, soumise a tons les abus des seigneursterriens et de leurs représentants, incapable deresistance et reayant aucune espérance pourl'avenir. En examinant les documents, on arrivecependant .a d'autres conclusions. Ce servage en

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plein XVII-e et XVIII-e siecle a des caracteresqui ne correspondent pas a la notion exacte dumoyen-ige dans les pays classiques de cetteinstitution.

Si le seigneur terrien est un Magyar, il esttoujours représenté par un Roumain, qui portele titre de petit seigneur", domnipr, ou de .pan"de conseiller mettle, et ce Roumain, qui a ledroit de juger les paysans soumis a son autorité,d'influencer sur l'election du pretre, garde cependant toutes ses attaches avec sa nation.Lorsqu'il juge, il s'adjoint le protopope, lespretres voisins, le juge de village, qui n'est passon concurrent, mais qui garde un grand nombred'attributions, et même des paysans dins par lacommunauté. Lorsqu'il s'agit de bâtir une egliseou de l'orner, le juge du château" collabore Al'oeuvre commune, employant dans ce but lesrevenus de son maitre. Les livres d'office portentsouvent la mention de ces chefs qui exerçaientleurs droits en épargnant autant que possibleles interets et les sentiments de leurs subordonnés.

Ces subordonnés ne sont pas des misérablesn'ayant ni position ni ca2itaux. On voit souventdes églises Mies par leurs seuls moyens ; ilsl'affirment avec fierté sur le frontispice. Le serfest libre de porter sa cause devant le tribunalae ses congéneres. Si le representant du seigneurterrien prononce un jugement injuste, on voit lepaysan quitter le village, et, pour reprendre sa

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place, il somme son maitre de revoir la sentence,II y a toujours dans le village quelqu'un qui serait"bien aise de lui accorder une terre et la place ne-cessaire pour se construire une maison ; et, lorsquela terre se trouve sur les confins, l'ancien serfn'a qu'à faire quelques pas pour s'enrOler sous-le drapeau du voevode roumain, ainsi qu'onpeut le constater pour des serfs du Me deBistrila. Le servage classique suppose l'abandondes droits du prince au profit du seigneur. 11

n'en est pas ainsi en Transylvanie. Le princeconserve toujours des droits exercés directementsur tous les habitants de son territoire, et onvoit Georges Rákóczy I accorder des privilegesen ce qui concerne redification d'une eglise anos serfs roumains", sans agir, a ce qu'il parait,en qualite de proprietaire.

En ce qui concerne les devoirs du serf, ils

etaient fixes le plus souvent par une convention(agamdnt, tmpdcare), et le propriétaire, de sonate, doit remplir ses devoirs pour que ce contratreste en vigueur. Wale en l'ayant conclu, leshabitants affirment dans des documents qu'ilssont possesseurs hereditaires, mofneni, de leursterres. Soumis a leurs juges de villages, appelesparfois aussi vornki", comme en Moldavie, ou4pani", a leurs jurés et a leurs vieillards, cespaysans ne montrent nullernent avoir abdiquécorn pleternent leurs anciens droits politiques.

II ne faut pas oublier les paysans serfs du

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fisc qui habitent le territoire voisin des exploita-tions minieres appartenant a l'Etat. Ils conserventtoute leur organisation autonome, et on rencontre,au cours du XVIII-e siecle, leurs juges et leurscraInics" ou twauts d'armes. Ils sont assezriches, batissent des églises en pierre, et le plusimportant des peintres roumains de Transylvanieau XVIII-e siecle, Simon Szilagy, est originairedu village d'Abrud, pres des mines d'or.

Car cette nation d'esclaves" a une vraie ecoled'artistes-peintres pour les églises, dont les tradi-tions étaient celles des artistes qui ont orné lesinnombrables convents et églises érigds en Mol-davie et en Valachie par la munificence admirabledes princes. Elle conserve, du reste, des relationsavec ces peintres des principautés, et surtoutavec ceux de la principauté valaque, qui viennentsouvent de Craiova, de Pite0i, par exemple, pourpeindre des églises de village. Nous avons recueilli,dans la forme roumaine de notre ouvrage, touteline série de mentions de ces modestes repre-sentants de l'art dans la Transylvanie ronmaine.Certains travaillaient sans recevoir aucun salairepar charité".

II y avait aussi des relieurs roumains pour leslivres d'eglise, et ils notaient leurs noms surFa couverture du livre relié. Certains étaient desmoines venus de Moldavie. Nous avons déjàparld de ces clercs qui faisaient le commerce delivres a travers les villages. II n'y avait pas de

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communauté rurale roumaine qui n'efit, aupresdu pretre, qui n'était pas toujours un grandlettre, aupres du moine, car une grande partiede ces églises étaient consi&rées comme monas-teres, parce qu'elles abritaient deux ou troiseleres non maries un didascale, bedeau enmerne temps que maitre d'école. Parmi eux,certains avaient parcouru beaucoup de pays",et on les voit employer tour a tour l'alphabetcyrillien et l'alphabet latin. Les imprirneurs êtaientrecrutés parfois dans ce milieu de lettrés devillages. On connaissait des calligraphes auxquelson confiait le soin de copier les livres ndces-saires, et il y a parmi ces livres des exemplaires,qui, sans pouvoir etre compares aux oeuvresdes calligraphes des deux Principautés, montrentune tradition continuelle et un soin particulieren Transylvanie également.

On oublie trop souvent de fixer le role de labourgeoisie roumaine qui s'était form& des le.XVII-e siecle dans les villes, grandes et petites,de la principauté. Si une partie de ces bourgeoisetaient d'origine étrangere, grecque ou balcanique,en general, ils s'assimilerent tres facilement a lapopulation roumaine, a laquelle ils avaientfaire comme negociants ou qu'ils rencontraientdans leurs églises orthodoxes. La plupart appar-tenaient a la Compagnie grecque de commercefixée a Sihiiu, mais ayant des ramificationsjusqu'a la riviere de la Tisa, des l'annee 1636.

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C'etait des le debut une corporation parfaitementautonome, ayant ses magasins, son tribunal, sonadministration, sous des juges, des conseillersjures, des capitaines et des kharadchars" A laturque, qui rassemblaient les taxes dans leursgrandes églises de pierre bAties au milieu desvilles, alors que les Roumains n'étaient tolérés,avec leurs petites chapelles en bois, que dansles faubourgs. Ils entretenaient des pretres lettres,venus de Macedoine, d'Epire, de Constanti-nople, du Mont-Athos. De Sibiiu ils passerent A.Brasov. A Bein ils avaient un de leurs princi-paux établissements, gal a laisse aux RoumainsJane eglise de proportions peu ordinaires.

Avant le commencement du XVIII-e siecle, cesnégociants se rapprochent des Roumains, aux-quels ils donnent ainsi une aristocratie de l'argent,de l'éducation et de l'influence. Pater Iann quietait le chef de la Compagnie a Sibiiu en 1672fut l'ami de Serban Cantacuzene ; ii avait desbiens en Valachie et faisait le commerce de lalaine du produit des troupeaux qui paissaientsur le territoire valaque. Sa famille s'établit, enpartie, de l'autre cote des montagnes. On voyaitles tentes des marchands elevees, A l'époque desgrandes foires, dans des centres roumains,cede des tentes des Armeniens, et ce contactincessant avec la population des paysans indi-genes contribua essentiellement A leur faire perdrele caractere &ranger avec lequel ils avaient coin_

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Fig. zo. Sceau de l'église de St. Nicolas a Brasov

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mencd leur commerce. Leurs tribunaux employaient comme code normatif la Pravila de la.

principauté valaque. A cOté de leur ancien nomgrec, déformé par la prononciation du peuple,ils s'habituaient a adopter le nom derive de cettecorruption. Une liste des membres de la Com-pagnie en 1753 ne nous montre que ça et là desnoms appartenant évidemment a l'élément grec;tout le reste, hommes et femmes, est roumanisé.Parfois, n'ayant pas leur église, ils devalentfrequenter celles des paysans roumains des vil-lages voisins, et I'oeuvre d'assimilation n'en de-venait que plus intensive. Nos boYars envoyaienttnaintes lois leurs enfants pour faire des étudeisupérieures dans les villes saxonnes, chez lesmoines, et alors ils leur cherchaient un gite chezquelques-uns de nos marchands", qui, meme en,etant Grecs d'origine, avaient perdu presquetoutes leurs attaches avec leur nation.

II se formait sous l'influence de ces emigrestine bourgeoisie roumaine de négociants, quigagnait sans cesse en fait d'importance. Ce sontdes épiciers pour la plupart, entretenant desrelations avec leurs parents restés au village.Ils employaient volontiers a leur service commecommis des enfants de chez eux, et méme deIa principaute roumaine voisine. D'ailleurs lesGrecs eux-mêmes avaient aupres de leurs pretrestrangers des didascales et des chantres de nation

roumaine, de sorte que la distinction entre ceuK

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qui n'avaient pas été Roumains des l'origine etles autres qui s'établissaient au milieu des serfs.ou de la population paysanne libre roumaine estde plus en plus difficile a fixer.

A Brwv, toute une série de marchands rou-mains, protecteurs de l'dglise du faubourg de-

chei, se rencontre au cours du XVIII-e siecle,ayant des relations avec la Valachie aussi bienqu'avec les pays de l'Europe Centrale. A Ffigara,.une église orthodoxe appartient aux marchands,dont certains descendent des boiars et ne croientpas ddchoir en adoptant cette nouvelle occupation,tout en traitant de rustres" leurs collegues quin'ont pas de privilege latin A montrer. A Inidoarala belle église del Saint-Nicolas, une des plus.importantes de Transylvanie, est due aux con-tributions des marchands, qui entretenaient aussiun maitre d'école de leur nation. On appelaitmarchands du district de.Cri§ cette cat6gorie den4gociants établis dans cette region de l'Ouestde la Transylvanie qui se plaignaient en 1725de la concurrence que leur font les Grecs venusde Turquie, qui colportent leurs marchandisestravers les villages", vendant au detail sans sup-porter les charges des indigenes. Dans la Ca-pitate de la Transylvanie, a Alba-Julia, ii y avaitde riches marchands roumains au commence-ment du XVIII-e siecle; l'un d'entre eux prit surlui la charge de couvrir de tôle l'&Iifice de la

....Métropole et, plus tard, Nicolas Ivwu, un des

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membres de cette communauté urbaine, protestait,a l'occasion d'une offense, qu'il n'est pas rustre,mais bien un noble ayant sa residence danscette ville, oh quiconque peut lui intenter unprocesa. Merne dans les petites villes, a Gristle,a Turda, a Deva, oh cependant les Roumainsn'obtinrent que bien tard la permission d'elevertine chapelle et oh leurs cloches ne purent sonnerpour la premiere lois qu'en 1694, en vertu d'uncontrat formel avec les bourgeois, a Zlatna, otila famille Dobra jouissait d'une grande influence,tine vie urbaine des Roumains commençait A

se former.En dehors des frontieres de la Transylvanie,

sur le territoire des anciens comtes extérieurs",.Oracle avait un faubourg orthodoxe habite pardes Grecs, des Serbes, des Roumains, qui for-maient une seule et merne communaute demarchands et de rouliers. Nous avons deja partede l'importance de la colonie grecque de Beius.Mais, en 1770, la communauté marchaode &sitformée, sous un span, par des Roumains donttine partie montrent, par leurs noms, une originenobiliaire. Mérne le Maramoureche avait, 'danscertaines de ses villes, des négociants de cettenation, et, en ce qui concerne le Banat, qui futjusqu'au commencement du XVIII-e siecle sousl'administration directe des Turcs, des marchandsde betail, des dchéleps" roumains frequentaientsouvent, venant de Caransebes, de Lugoj, etc., ces

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foires de Transylvanie oh l'on voyait, entre autresnégociants, des Roumains venus de toutes lesvilles de la province et des environs.

A ctité de ces petits marchands qui entrete-naient des rapports dtroits avec leurs parentspaysans, il y avait des négociants engrossistesqui correspondaient avec l'Orient et l'Occident enmeme temps. Tel ce VAlcul, mort en 1699, dontles associés étaient un Grec de Philippopolis etun Artriénien qui fréquentait les foires de laPologne. Un Vlad de Brasov faisait des affairesaussi bien en Moldavie qu'A Leipzig, et il parledans une de ses lettres d'un Saxon qui étaitmort A Posen.

Des corporations formées d'artisans s'étaientformies, pour empêcher l'introduction des etran-gers, et le paysan était, de par sa condition so-ciale, un étranger pour ces bourgeois, sans qu'uneorigine roumaine filt nécessaire pour empêcherl'acces de la corporation. Cependant on constatedans presque toutes les villes de Transylvaniedes organisations ouvrieres au caractere ethniquenettement roumain : A Fäggra ils ont la spé-cialité de la tannerie, et le coffre en bois oh ilsconservaient leurs privileges les représente lais-sant Hotter sur leurs épaules les longues bouclesqui distinguent les paysans ; il y avait aussi unecorporation des bonnetiers ; les cordonniers deFAgAra§ étaient, pour la plupart, des Roumains,

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ainsi que ceux de Hateg. 11 y avait aussi destanneurs a Sibiiu. Dans le Banat, a Caransebe§,on fabriquait des vestons en peaux A l'usage desRoumains, par des artisans de la meme nation.

Brapv dtait celebre pour la fabrication de sesdraps des le temps les plus dloignés du moyen-age. Les drapiers devaient etre des Saxons, mais,des le commencement du XVII-e siecle, des Rou-mains appartenant a cette corporation offraientdes dons a l'église de Saint-Nicolas. Pour lesvétements des paysans, une corporation spdcialeroumaine fabriquait, d'une maniere primitive, desvétements. Ils s'appellaient ddrstari, la ddrste dtantle pillon qui servait a dgaliser le drap. Et celasans compter les tailleurs, les cordonniers, lesbonnetiers, qu'on rencontre frequemment dansles archives de cette dglise. II faut remarqueraussi qu'un simple villageois de Transylvanie,originaire de Ludo., passa en 1765 en Valachiepour y fonder tine fabrique de drap.

La communaute la plus importante de la pro-vince entiere était celle de Bra§ov, qui mériteune attention spdciale. Ainsi qu'on l'a dit plushaut, ce n'étaient pas des Bulgares, bien que lesHongrois employaient le terme de Bolgárszékpour nommer leur communauté de Schei. Unemigration bulgare a la fin du XIVe siecle a-travers la Valachie, qui aurait volontiers abritéiie nouveaux colonistes, est impossible ; mais,pour les Hongrois, le Slave c'était surtout le

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Bulgare, gulls etaient arrives a rnieux connaitreau temps des empereurs assenides. Nous avonsparte aussi plus haut de cette communaute etde son église, de l'appui qui fut preté au dereet aux fideles par les princes de Valachie et deMoldavie. Un commencement de conscience roumaine etait soupconné chez ces habitants dttfaubourg roumain de Brasov des 1521, lorsqueJean Bornemissa, châtelain de Bude, écrivait aumagistrat de Brasov : Votre ville, surtout audela des murailles, abrite des nations differentes,ayant chacune sa langue et sa religion. 11 fautdone entretenir toujours des craintes A leuregard... Vu que tent de monde s'y rassemble, ilpeut arriver un malheur, et vous devez vous en.defendre par des proclamations". On comprendce que voulait entendre ce dignitaire du royaumede Hongrie qui connaissait tres bien les affaires.de la principaute.

Le prince moldave Aaron avait supportd la.dépense pour la construction du clocher de Ia.chapelle et du peristyle de l'eglise de Saint-Nicolas et avait accord& outre des dons en yetements, un revenu de 12.000 aspres par an &cette communauté ecclesiastique des Roumains_de Brasov. Le fits de Michel-le-Brave, Nicolas-Petrascu, accorda A la meme église les revenus.-d'un village en Valachie. On a vu la part im-portante qu'eurent les prétres de Saint-Nicolas.clans l'elaboration des livres roumains a la firt

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du XVI-e siecle. Deux patrons, appelés, selon le-terme allemand, Gottesnanner, gocimani, et dixvieillards avaient la surveillance des revenus. Ilsétaient des vrais chefs d'une petite republique-roumaine autonome, group& autour de l'autel.Leurs relations avec la Valachie et la Moldavie,.dont ils tiraient des revenus si importants, étaientjournalieres. Les pretres se trouvaient presquetoujours en voyage, se rendant jusqu'a Moscou,,d'oir ils rapportaient, vers la fin du XVII-e siecle,des secours importants. Les Grecs de la Compagnie privilégiée trouvaient une forte concur-.rence dans les habitants du faubourg, bien queces derniers ne fussent pas admis a s'établirdans l'enceinte des 'murs de la ville. Des 1735,les habitants du faubourg cornmencent cependantun vrai combat pour obtenir l'egalité de droits,et ils y arriverent enfin en 1784, ce qui ne si-gnifie pas qu'anterieurement encore, des membresisolds de cette communauté roumaine n'eussentobtenu le droit d'avoir des établissements de-

commerce dans la cité", ou le prince Con-stantin Brancoveanu et certains de ses boIars.obtinrent, a la fin du XVII-e siecle et au com-mencement du siecle suivant, des droits de pro-pried, malgré l'opposition des magistrats de Bra§ovet de l'Université saxonne entiere. Des le com-mencement du XVIII-e siecle il y avait, du reste,un mélange assez avancé entre les Roumains des.aubourgs et les Grecs de la ville. La langu e_

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qui avait vaincu dans cette concurrence etait,bien entendu, celle des indigenes. Des cetteepoque des lettres sont adressées au nom de.tous les Grecs et les Roumains qui habitentAans le faubourg de Bra§ov".

11 y avait pour ce groupe important de popu-lation roumaine, riche et désireuse de donnerde l'instruction a ses enfants, des maitres d'école,qui etaient en meme temps des traducteurs zeles.-Certaines families s'étaient consacrees a ce travailde la plume, comme les Tempea, les Duma et sur-tout la famille des Corbea, dont un des membres,

Jean, d'abord prêtre, puis didascale, donna tineeducation si soignee A ses fils, que l'un d'eux,David, put etre ()Hider en Valachie et principalagent de BrAncoveanu dans ses relations avecla Transylvanie; l'autre, Theodore, eut une car-riere encore plus brillante: 11 s'établit a Moscouet devint le chancelier pour le latin de Pierre-le--Grand, sans oublier cependant sa descendanceroumaine, car il est l'auteur d'un Psautier envers dans cette langue.

Comme le Banat avait une situation politiquetout-A-fait distincte, ii faut s'en occuper sépa-rément.

Toutes les anciennes families s'étaient conser-

t Voy. notre publication Acte romdne$ti i cdtevagreceqti, din Aihivele Companiel de Comer( oriental-din Braqov, 1932.

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vdes. Un des représentants de vieilles lignéesGabriel Ivul, mort en 1678, entra dans l'Ordredes Jésuites et publia meme un ouvrage latinLapis Lydius". Les villages conservaient leursknezes en 1670, sous l'autorité du pacha . deTimisoara. La place de vicomte du district étaitconfide A des Roumains, dont Fun appartient A,

la grande famine des Macica et l'autre a celle-des Fiat. A l'apparition des Impériaux, qui con-quierent en 1688 Lipova, puis Lugoj et Caransebm.Macica0 conserva sa situation. Les Turcs revin-rent passagerement, sans rien changer aux condi-tions de l'autonomie roumaine. II faut noterd'ailleurs que la masse de la population préféraitle regime turc, qui était de beaucoup plus commode-en ce qui concerne le payement des impôts etqui respectait, bien plus que les Impériaux,centralistes par excellence et assimilateurs, les.coutumes anciennes et la vie locale. Les noblesseuls avaient des sympathies pour la cause.chrdtienne, qui paraissait leur promettre des.titres et des honneurs. Tout récemment leurnombre s'était accru par les migrations qui vin-rent de Transylvanie A la suite des troublescauses par la révolte de François Rák6czy.

En 1697 Pierre Macica0 dtait encore vicomteet defendait avec succes Caransebes contre les.Turcs et leurs allies hongrois de la suite duprétendant 8meric

Mais l'assemblde nobiliaire de l'année suivanteTdkdly.

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txigea le retablissement du Banat. Elle auraitadmis tout au plus un des grands seigneurs dela flongrie comme chef. On pensait au PalatinEszterházy ; sinon l'administration impériale devaitse decider pour un des nobles du territoire, ettn effet ledit Macicasi obtint bientôt la situationsuperieure de comte supreme du district deSeverin, alors que des membres d'autres familiesturent egalement des fonctions dans ce district,soil, en 1701, le vicomte était encore un Roumain,Michel Fodor. Et, puisqu'il est question de l'in-scompatibilite d'humeur entre les Roumains tra-clitionalistes et le gouvernement autrichien, inspire(les traditions romaines, de la philosophiepolitique du XVIII-e siecle, il faut dire queVaccroissement des impots, les exigences descollecteurs, l'obligativité du service pour les routesset les casernes, les forteresses et les canons,Vapplication frequente des punitions corporelles,la latitude qu'avait l'administration de transporterda population d'un endroit a l'autre pour desraison d'administration ou de stratégie, l'interrup-lion des relations avec les provinces turquesvoisines et Fachat a prix fixe de la part deA'administration, tout cela contribua a rendre plusacerbe l'opposition de la population roumaineau nouveau regime. Les pretres, assimilés en ce.qui concerne les charges aux simples paysans,stimulaient le mouvement. Pendant la nouvelleguerre, soutenue par les Impériaux contre les

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Turcs et qui finit par la paix de Belgrade en1739, il y a eu meme une grande revolte depaysans, qui chasserent les colons de nationetrangere établis récemment sur les terres deteur heritage. Cette nation, dont Vienne mépri-salt l'ignorance indescriptible et la stupidité",_s'éleva en armes, expliquant sa trahison enversla cause chrétienne" par ce fait que les dra-peaux a la croix ont mange pendant trois anstous les produits de nos champs et nous ontlaisse la famine, de sorte que nous avons mange-dans les forêts de l'écorce d'arbre, alors que les-drapeaux sans Croix rassemblant les villages,ont distribué des vivres et n'ont demanné d'autre-concours arme que celui des mercenaires payés"1._

Les soldats de l'empereur brOlerent un grandnombre de villages et tuerent les habitants ; ala foire de Caransebe il y eut un vrai massacre-300 Roumains, parmi lesquels des femmes etdes enfants, ayant die livrés aux cruautés de lasoldatesque. Alors, sous les ordres des paysansNicolas et Burnt:4161k la rivolte prit l'aspectd'une vraie revolution. On Elevait des barricades,,et on combattait avec désespoir en criant auxétrangers; sortez de chez nous!". lin écrivain

1 Voir pour tous ces faits l'excellent ouvrage de Dag/dins. !aorta Banatului Severin, Caransebe, troisbrochures, et notre publication Observatii ;1 probleme-bliniffene, dans les ,Etudes et documents" de l'AcadémiRoumaine, 1940.

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-contemporain qualifie tres bien l'action de cette-armee en disant qu'elle s'est distinguee plutôtdans l'exécution de la population roumaine quedans l'art de la guerre et de la victoire contreles ennemis de la chrétienté" 1.

If y avait des Tures aussi du 6)16 d'Orade,-conquise en 1660. Le regime religieux était unpeu anarchique sous la suprématie du Pacha.Des éveques vagabonds serbes traversaient laprovince, présentant des letlres de créance de lapart du patriarche et du grand-vizir pour ras-sembler des revenus, bien que l'autorité supreme-dilt appartenir au surintendant réformé. En 1689un Sabbas était dveque a lnau, et deux ans plustard cette place était occupée par l'eveque Esaie,qui remplissait ses fonctions aussi dans le districtde Timisoara. ll y eut la aussi un second éveché,ayant des chefs serbes, celui qui réunissait l'au-torité supreme a Vrsac et a Lipova.

Mais la presence de ces chefs religieux serbes,Nenus des provinces d'au-dela du Danube, ne{loft tromper personne sur le caractere roumainde ce diocese. En effet, des enquetes entreprisesa l'époque de l'administration impériale en Tran-sylvanie et dans les comtés extérieurs font voirque tous les éveques qui succéderent a SabbasBrancovici exerçaient des droits épiscopaux du

1 DragAlina, loc. cit., p. 222.

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côté de Orade. C'est le cas pour Barlaam, pourThéophile, qui porte, en 1693, aussi le titre.cl'éveque d'Arad. On ne peut leur opposer l'au-=Write qu'aurait exercee l'eveque Ephrem Benjamin,.car c'etait un des pi-diets serbes vagabonds qui.apparaissaient dans la province pour disparaitrepeu apres. En 1707 il revenait en effet en Turquie,d'ob il &aft venu.

Si Arsene Tchrnoievitch, le chef de l'immigrationserbe, prenait, au commencement du XVIII-esiecle, le titre suranné de chef supreme deIlglise grecque, roumaine et serbe de la flongrieIentiere, de la Croatie, de la Dalmatie, de laTransylvanie et de toutes les provinces de iron-liere", ce qui lui fut bientOt défendu par l'em-pereur, qui l'obligea a revenir a l'ancien titre depatriarche serbe de Pee, les pretres roumainsprékraient les relations avec le métropolite deleur race qui administrait la Transylvanie. Ilsparaissent même avoir eu, vers 1712, des pro-lopopes de cette nation, comme Pierre Christophe,-dont le vrai caractere ne peut etre determine. Simeme on admettait les prelats serbes, on lefaisait, ainsi que le dit la declaration de 1727,-qui ne mentionne aucun de ces pi-diets comme-chefs religieux a côté du Métropolite de Tran-sylvanie, parce que le Serbe était de memereligion et qu'il n'y avait pas a ce moment d'eveque7roumain", ce qui faisait admettre l'autorité du

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Siege d'Arad. Ces Serbes employaient, du reste,couramment la langue roumaine, du moins dansleurs relations officielles avec les Roumains, et,lorsque l'dveque catholique Augustin Benkovicsessaya de se rendre maitre des Ames dans cedistrict, il dut se faire pricéder dans les processions par les anciens étendards des eglisesroumaines et chanter meme la messe dans-cette langue" l.

1 Cl. le compte-rendu des enquêtes dans riru, Bisericaortodoxd din Bihar in luptd cu Unirea, Caransebee.

1913, passim.

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TABLE DES CHAPITRES

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TABLE DES CHAP1TRES

Pages

I. - Origlne et permanence des Roumairs enTransylvanie 3

II. - Saxons et Roumains en Transylvanie . 41

III. - Les Roumains de Transylvanie jusqu'Al'établissement de la dynastie angevine . 61

IV. - La nouvelle situation des Roumains sousles Angevins 75

V. - Les Roumains de Transylvanie a partirde la mort du roi Louis jusqu'A l'époque deJean Hunyadi . . .... . 91

VI. - Phanomenes nationaux dans la vie desRoumains de Transylvanie au courant duXV-e siecle 105

VII. - Fiefs des princes roumains en Transyl-vania et creation des dvechés roumains danscette province 127

VII. - Un concurrent moldave A la domination de11 Transylvanie : Pierre Rares et son oeuvre 143

IX. - Les Roumains de Transylvanie et la re-forme religieuse . . .... . 16

X. - Michel-le-Brave et la Transylvanie . . 211

XI - Les Roumains de Transylvanie apres lamort de Michel- le-Brave jusqu'A retablisse-ment d'un nouvel &at de chose@ dans cetteprovince . 247

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Z60 Table des chapitres

Pages

XII. Les Roumains de Transylvanie a 1'6poquedes RákOczy I lutte pour la nationalites sousla forme de la ,loi roumaine 271

XIII. Les Roumains de Transylvanie depuis lacatastrophe de la dynastie des RA Ithczyjusqu'à l'union hiérarchique avec l'Egliereromaine 291

XIV. Vie des Rournains de Transylvanie AI'dpoque de l'occupation autrichienne 31

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TABLE DES ILLUSTRATIONS

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TABLE DES ILLUSTRATIONS

Pages

fig. 1. - Vieux prétre roumain (Transylvanie) . 122. - Jeunes filles roumaines de Transylvanie . 24

. 3. - Jeunes lilies roumaines de Transyvanie,tissant 48

. 4. - Entre jeunes gene (Transylvania) . . 78

. 5. - Femme roumaine de Transylvanie filant 96

. 6. - Porte sculptde (Transylvanie) . . . 132

. 7. - Eglise en bois (Transylvania) . . . 1448. - Eglise en bole avec pdristyle (Transyl-vanie) 180

9. - Ordre de Jean-Sigismond ZApolya con-.cernant la maison l'evdque Paul Tordasi (1570) 192

.. 10 - Document de l'evdque Paul Tordasi (sig-nature roumaine) 198

. 11. - Page de l'OctoIque roumain imprImdpar Coresi en Transylvanie (1578) . . . 204

. 12. - Pages de la Bible roumaine imprimdea Orastie (1582) 203

. 13. - Document de Sigismond Bithory pourles paysans propridtaires a Chioara, près deLancram (1584) 222

14. - Eg lise de St. Nicolas (Brasov) . . 276

-,, 15. - Icokte de l'ég lise de St. Nicolas A Brasov(XVI-e siècle) 288

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364 Table des illustrations

Fig. 16. Image sainte de l'dglise de St. Nicolasa Braaov (XVII-me siècle) 30D

17. Ic One de l'eglise roumaine de St. Nicolasa Brasov 312

18. Page d'un Psautier roumain de la findu XVII-e siecle, gait a Sambita-Mare(Transylvania), avec la mention du princeConstantin Brancoveanu 324

19. Maison roumaine de Transylvanie . 33620. Sceau de Peglise de St. Nicolas a Braaov 342

.21. Liste des princes rournains patrons del'église de St. Nicolas a Brasov . . . 348.

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IiriprithetieDatina Romineasce

Vilenii-de-Munte(Roumanie)

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